Décision

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JV0540
JL1755

 

 
Bergeron c. Denturologistes (Ordre professionnel des)

2014 QCTP 21

TRIBUNAL DES PROFESSIONS

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

DATE :

 17 mars 2014

______________________________________________________________________

 

CORAM[1] :

LES HONORABLES

 JULIE VEILLEUX, J.C.Q.

 DENIS LAVERGNE, J.C.Q.

 

 

500-07-000745-111

 

DANIEL BERGERON

APPELANT-intimé

c.

CLAUDE GOUIN, en qualité de syndic adjoint de

l'Ordre des denturologistes du Québec

INTIMÉ-plaignant

-et-

MONIQUE BOUCHARD, en qualité de secrétaire du Conseil de discipline de

l'Ordre des denturologistes du Québec

MISE EN CAUSE

 

 

500-07-000740-112

 

CLAUDE GOUIN, en qualité de syndic adjoint de

l'Ordre des denturologistes du Québec

APPELANT-plaignant

c.

DANIEL BERGERON

INTIMÉ-intimé

-et-

MONIQUE BOUCHARD, en qualité de secrétaire du Conseil de discipline de

l'Ordre des denturologistes du Québec

MISE EN CAUSE

 

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

Conformément à l'article 173 du Code des professions[2], le Tribunal prononce une ordonnance de non-publication relative à la pièce P-44.

[1]           Il y a eu audition commune de l'appel interjeté par l'APPELANT-intimé dans le dossier 500-07-000745-111 et de celui de l'APPELANT-plaignant dans le dossier 500-07-000740-112, tel qu'ordonné par M. le juge Jacques Paquet le 19 janvier 2012[3].

[2]           Daniel Bergeron (le professionnel) se pourvoit à l'encontre de la décision du Conseil de discipline de l'Ordre des denturologistes du Québec (le Conseil), rendue le 19 janvier 2011[4], le déclarant coupable des chefs 1, 2, 4, 5, 7 et 8 de la plainte suivante :

[1]        A, entre le 1er janvier et le 31 décembre 2007, à Montréal et dans d'autres villes du Québec, fait ou permis que soit utilisé un témoignage d'appui ou de reconnaissance dans des déclarations ou messages publicitaires qui le concerne sous l'identité « Centres dentaires Lapointe »; le tout contrairement aux articles 5.10 et 5.10.2 du Code de déontologie de l'Ordre des denturologistes du Québec.

[2]        A, entre le 1er janvier et le 31 décembre 2007, à Montréal et dans d'autres villes du Québec, fait ou permis que soit faite, de quelque façon que ce soit, de la publicité fausse, trompeuse, faisant appel à l'émotivité du public ou susceptible d'induire en erreur, sous l'identité « Centres dentaires Lapointe »; le tout contrairement aux articles 5.10.1 et 5.10.2 du Code de déontologie de l'Ordre des denturologistes du Québec.

[3]        A, entre le 1er janvier et le 31 décembre 2007, à Montréal et dans d'autres villes du Québec, posé des actes dérogatoires à l'honneur et la dignité de la profession en faisant des déclarations ou messages publicitaires sous l'identité « Centres dentaires Lapointe »; le tout contrairement à l'article 59.2 du Code des professions du Québec.

[4]        A, entre le 1er janvier et le 31 décembre 2008, à Montréal et dans d'autres villes du Québec, utilisé ou permis que soit utilisé un témoignage d'appui ou de reconnaissance dans des déclarations ou messages publicitaires qui le concerne sous l'identité « Centres dentaires Lapointe »; le tout contrairement aux articles 5.10 et 5.10.2 du Code de déontologie de l'Ordre des denturologistes du Québec.

[5]        A, entre le 1er janvier et le 31 décembre 2008, à Montréal et dans d'autres villes du Québec, fait ou permis que soit faite, de quelque façon que ce soit, de la publicité fausse, trompeuse, faisant appel à l'émotivité du public ou susceptible d'induire en erreur, sous l'identité « Centres dentaires Lapointe »; le tout contrairement aux articles 5.10.1 et 5.10.2 du Code de déontologie de l'Ordre des denturologistes du Québec.

[6]        A, entre le 1er janvier et le 31 décembre 2008, à Montréal et dans d'autres villes du Québec, posé des actes dérogatoires à l'honneur et la dignité de la profession en faisant des déclarations ou messages publicitaires sous l'identité « Centres dentaires Lapointe »; le tout contrairement à l'article 59.2 du Code des professions du Québec.

[7]        A, entre le 1er janvier et le 27 octobre 2009, à Montréal et dans d'autres villes du Québec, fait ou permis que soit utilisé un témoignage d'appui ou de reconnaissance dans des déclarations ou messages publicitaires qui le concerne sous l'identité « Centres dentaires Lapointe »; le tout contrairement aux articles 5.10 et 5.10.2 du Code de déontologie de l'Ordre des denturologistes du Québec.

[8]        A, entre le 1er janvier et le 27 octobre 2009, à Montréal et dans d'autres villes du Québec, fait ou permis que soit faite, de quelque façon que ce soit, de la publicité fausse, trompeuse, faisant appel à l'émotivité du public ou susceptible d'induire en erreur, sous l'identité « Centres dentaires Lapointe »; le tout contrairement aux articles 5.10.1 et 5.10.2 du Code de déontologie de l'Ordre des denturologistes du Québec.

[9]        A, entre le 1er janvier et le 27 octobre 2009, à Montréal et dans d'autres villes du Québec, posé des actes dérogatoires à l'honneur et la dignité de la profession en faisant des déclarations ou messages publicitaires sous l'identité « Centres dentaires Lapointe »; le tout contrairement à l'article 59.2 du Code des professions du Québec.

[3]           Les chefs 3, 6 et 9 de la plainte ont fait l'objet d'une ordonnance d'« arrêt » des procédures en regard de l'article 59.2 du Code des professions.

[4]           Le professionnel se pourvoit également à l'encontre de la décision sur sanction du Conseil, rendue le 9 novembre 2011[5].

[5]           Pour sa part, Claude Gouin, syndic adjoint (le syndic), interjette aussi appel de la décision sur sanction. Le présent jugement contient les motifs des appels interjetés tant par le professionnel que par le syndic.

[6]           Le présent jugement contient les motifs des appels interjetés, tant par le professionnel que par le syndic.

[7]           Le Conseil a entendu la preuve dans le dossier du professionnel[6] et versé celle-ci dans le dossier de 24 autres professionnels visés par des plaintes identiques. Le Conseil a aussi précisé qu'à moins d'avis contraire, la décision dans le dossier du professionnel valait à l'égard de l'ensemble des autres professionnels.

[8]           Il y a eu appel des 24 autres professionnels et l'énumération de ceux-ci est reproduite à l'annexe 1 du présent jugement[7]. Les conclusions pour tous les autres professionnels sont versées dans leur dossier respectif, le présent jugement étant le jugement-type auquel les autres jugements se réfèrent.

CONTEXTE

[9]           Les infractions reprochées dans la plainte concernent la publicité faite par les Centres dentaires Lapointe (CDL) au cours de la période 2007-2009. CDL est une société créée par deux denturologistes : Yves et Larry Lapointe. Ces derniers ne pratiquent pas la denturologie. Ils sont seuls actionnaires et administrateurs de CDL qui met sur pied des centres dentaires regroupant des hygiénistes et assistantes dentaires, des dentistes et des denturologistes.

[10]        La société s'occupe des infrastructures entourant la pratique des professionnels qui exercent dans ses centres. Elle fournit les immeubles, emplacements, équipements et mobilier.

[11]        Les hygiénistes et assistantes dentaires ainsi que le personnel de soutien oeuvrant dans chacun des centres sont des salariés de CDL. Les dentistes et denturologistes pratiquant leur profession dans les centres sont autonomes et indépendants.

[12]        CDL exploite une centrale téléphonique qui reçoit tous les appels du public. Elle dirige les patients vers le centre le plus près de leur domicile et fixe leur rendez-vous.

[13]        Une autre société, affiliée à CDL, exploite un laboratoire dentaire.

[14]        Les professionnels exercent leur profession selon un horaire fixé en fonction de leurs disponibilités, communiquées à l'avance à CDL. Ils ne sont ni associés ni dépendants les uns des autres que ce soit économiquement ou professionnellement. Les honoraires pour chacun des actes exécutés par les professionnels sont perçus par CDL qui conserve un pourcentage administratif prédéterminé et verse le reliquat à chacun des professionnels.

[15]        CDL s'occupe de la publicité de ses centres dentaires. Aucun des professionnels ne participe au choix de telle publicité ni à sa diffusion.

[16]        CDL a fait télédiffuser des messages publicitaires constitués d'extraits d'émissions télévisées animées par Mme Chantal Lacroix et a fait placer sur Internet des info-publicités de même nature (P-26A et P-26B)[8]. Il s'agit des publicités qui sont au cœur des chefs d'infractions reprochés au professionnel.

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES PERTINENTES

[17]        Code de déontologie des denturologistes (Code de déontologie[9])

5.10 Le denturologiste ne peut, dans une déclaration ou un message publicitaire, utiliser ou permettre que soit utilisé un témoignage d'appui ou de reconnaissance qui le concerne, notamment en utilisant l'attribution d'une mention, d'un mérite ou d'un titre honorifique.

5.10.1 Le denturologiste ne peut faire ou permettre que soit faite, de quelque façon que ce soit, de la publicité fausse, trompeuse, faisant appel à l'émotivité du public ou susceptible d'induire en erreur.

5.10.2 Tous les denturologistes qui sont associés ou qui oeuvrent ensemble dans l'exercice de leur profession sont solidairement responsables du respect des règles de publicité, à moins que la publicité n'indique clairement le nom du denturologiste qui en est responsable ou que les autres denturologistes n'établissent que la publicité a été faite à leur insu, sans leur consentement et malgré les dispositions prises pour le respect de ces règles.

[18]        Code des professions[10]

59.2 Nul professionnel ne peut poser un acte dérogatoire à l'honneur ou à la dignité de sa profession ou à la discipline des membres de l'ordre, ni exercer une profession, un métier, une industrie, un commerce, une charge ou une fonction qui est incompatible avec l'honneur, la dignité ou l'exercice de sa profession.

DÉCISIONS DONT APPEL

-           Décision sur culpabilité

[19]        Après avoir fait la nomenclature de tous les témoins entendus et de tous les documents déposés de part et d'autre, le Conseil procède à évoquer longuement des généralités relatives à sa mission, à la protection du public, à la conduite du professionnel, à la faute déontologique, à la prépondérance de preuve et à la crédibilité des témoins. L'analyse débute véritablement au paragraphe 85 après un résumé des faits rédigé ainsi :

Les infractions reprochées dans la plainte concernent la publicité faite par les Centres dentaires Lapointe (CDL) au cours de la période de 2007 à 2009. Les Centres dentaires Lapointe appartiennent à deux denturologistes, soit Yves et Larry Lapointe, ceux-ci ne pratiquent pas la denturologie. Les messages publicitaires ont été choisis dans le cade de l'émission de télévision « SOS Beauté » animé par Chantal Lacroix. En ce qui regarde la publicité par Internet, il s'agit d'info publicité d'environ 45 minutes, de même nature. Suivant le syndic, l'ensemble de cette publicité renferme des témoignages d'appui et fait appel à l'émotivité. Suivant la partie intimée, la publicité ne mentionne aucun nom de professionnel comme tel et leur identification est pratiquement impossible. Par contre, cette publicité fait l'éloge du concept des Centres dentaires Lapointe. La publicité de cette entreprise est construite de manière à vanter les mérites de cette entreprise. Les denturologistes ne font pas partie ce cette compagnie « CDL » sauf les deux frères Lapointe. Cette compagnie est la seule responsable de la publicité et les intimés (sauf les deux frères) n'ont aucun droit de regard sur celle-ci.

(Reproduction intégrale)

[20]        Les extraits pertinents de la décision sont reproduits ci-dessous dans l'analyse des questions en litige.

-           Décision sur sanction

[21]        En raison des conclusions auxquelles en arrive le Tribunal relativement à la culpabilité, chefs 1, 2, 4, 5, 7 et 8, il n'y a pas lieu d'élaborer sur la décision sur sanction.

[22]        À noter cependant que le Conseil impose aux professionnels, sauf à Larry et Yves Lapointe, des amendes de 600 $ pour les chefs 1, 2, 4 et 5 et des amendes de 1 000 $ pour les chefs 7 et 8 auxquels s'ajoute une réprimande pour les chefs 1, 2, 4, 5, 7 et 8.

[23]        Pour Larry et Yves Lapointe, le Conseil leur impose chacun une amende de 5000 $ pour les chefs 1, 2, 4 et 5, une amende de 8000 $ pour les chefs 7 et 8, majorée d'une réprimande pour les chefs 1, 2, 4, 5, 7 et 8.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

[24]        Relativement à la décision sur culpabilité, le professionnel soutient :

            a)      le Conseil a erré en acceptant le dépôt de l'expertise obtenue par le syndic (P-20);

            b)      le Conseil a appliqué à tort la théorie de l'alter ego;

            c)      le professionnel a été accusé et trouvé coupable d'une infraction qui n'existe pas (chefs 1, 4, 7);

            d)      les témoignages d'appui et de reconnaissance ne concernent pas le professionnel;

            e)      le Conseil a erré en ajoutant un critère inexistant dans la loi, à savoir « d'avoir profité de la publicité »;

            f)       le Conseil a décidé à tort que la publicité litigieuse faisait appel à l'« émotivité », sans motiver sa décision à cet égard;

            g)      le Conseil a erré en appliquant l'article 5.10.2 du Code de déontologie à la situation mise en preuve;

            h)      les sanctions imposées sont déraisonnables;

            i)       par ailleurs, la décision du Conseil, suivant laquelle les infractions aux articles 5.10, 5.10.1 et 5.10.2 du Code de déontologie ne constituaient pas une infraction continue, est bien fondée.

[25]        Le syndic pour sa part plaide que :

            a)      le Conseil a considéré à bon droit l'expertise P-20;

            b)      il était justifié de faire appel à la théorie de l'alter ego;

            c)      le professionnel a été à bon droit accusé et trouvé coupable des chefs 1, 4 et 7 tels que libellés;

            d)      les témoignages d'appui et de reconnaissance concernent bel et bien le professionnel;

            e)      le Conseil n'a pas ajouté de critère inexistant dans la loi. Il a décidé en fonction des termes « qui le concernent » prévus dans la réglementation;

            f)       la décision du Conseil que la publicité litigieuse faisait appel à l'émotivité est motivée et fondée sur la preuve;

            g)      le Conseil a, à bon droit, appliqué l'article 5.10 du Code de déontologie à la situation mise en preuve et sur celle en appel sur sanction;

            h)      par ailleurs, le Conseil a erré en droit en concluant que les articles 5.10, 5.10.1 et 5.10.2 du Code de déontologie ne constituaient pas une infraction continue;

            i)       si cette décision est bien fondée, la sanction prononcée à l'égard des professionnels Larry et Yves Lapointe est clémente au point d'être déraisonnable.

 

QUESTIONS EN LITIGE

[26]        Le Tribunal reformule ainsi les questions en litige :

            1-         Le professionnel a-t-il été accusé et trouvé coupable d'une infraction inexistante (chefs 1, 4 et 7)?

            2-         Le Conseil a-t-il erré en permettant le dépôt en preuve du rapport d'expertise préparé par Me Robert B. Legault?

            3-         La publicité litigieuse constitue-t-elle un témoignage d'appui et de reconnaissance concernant le professionnel au sens de l'article 5.10 du Code de déontologie (chefs 1, 4 et 7)?

            4-         Le Conseil a-t-il erré en décidant que la publicité litigieuse faisait appel à l'« émotivité du public » et sa décision à cet égard est-elle suffisamment motivée?

            5-         Le Conseil a-t-il erré en appliquant l'article 5.10.2 du Code de déontologie?

            Et subsidiairement,

            6-         Les infractions telles que libellées constituent-elles des infractions continues?

            7-         Le Conseil a-t-il erré dans la détermination des sanctions?

 

RÔLE DU TRIBUNAL

[27]        Le Tribunal exerce une fonction et une compétence d'appel[11]. Il interviendra en cas d'erreur de droit et en cas de démonstration d'une erreur manifeste et dominante pour les questions de faits ou les questions mixtes de faits et de droit, si le droit a été correctement déterminé.

[28]        Les deux premières questions formulées ci-dessus sont des questions de droit.

[29]        La quatrième question comporte deux volets : il s'agit d'une part de l'appréciation de la preuve administrée et l'interprétation de la norme réglementaire et d'autre part, de la motivation de la décision. Ce dernier volet est une question de droit et advenant que le Tribunal en arrive à la conclusion que la décision n'est pas suffisamment motivée, il pourra rendre la décision qui s'impose en considérant la preuve administrée ou qui aurait dû être administrée[12].

[30]        Les autres questions en litige relèvent de l'appréciation de la preuve et de l'interprétation des normes réglementaires. Par conséquent, le Tribunal pourra intervenir en cas de démonstration d'une erreur manifeste et dominante. Voici comment la Cour d'appel définissait récemment l'erreur manifeste et dominante[13] :

[…] L'erreur manifeste et dominante est l'erreur qui, étant telle indiscutablement — il ne s'agit donc pas d'une divergence de vues sur l'appréciation de la preuve —, détermine l'issue du litige en ce que la conclusion du décideur des faits, c'est-à-dire le dispositif de sa décision, ne peut tenir, rendant ipso facto cette décision déraisonnable.

(Références omises)

ANALYSE

            1-         Le professionnel a-t-il été accusé et trouvé coupable d'une infraction inexistante (chefs 1, 4 et 7)?

[31]        Le professionnel plaide qu'il a été accusé et reconnu coupable d'une infraction qui n'existe pas. Il appuie sa prétention sur le fait que le libellé des chefs 1, 4 et 7 n'est pas conforme au libellé de l'article 5.10 du Code de déontologie[14].

[32]        L'article 5.10, précité, énonce :

Le denturologiste ne peut, dans une déclaration ou un message publicitaire, utiliser ou permettre que soit utilisé un témoignage d'appui ou de reconnaissance qui le concerne, notamment en utilisant l'attribution d'une mention, d'un mérite, ou d'un titre honorifique.

(Notre soulignement)

[33]        Le texte des chefs 1, 4 et 7 est ainsi rédigé :

A, […] utilisé ou permis que soit utilisé un témoignage d'appui ou de reconnaissance dans des déclarations ou messages publicitaires qui le concerne (sic) sous l'identité « Centres dentaires Lapointe » […]

(Notre soulignement)

[34]        La phraséologie employée dans la rédaction de ces chefs est effectivement différente de celle utilisée dans l'article 5.10 mais cet argument ne peut résister à l'examen. En effet, l'inversion des termes dans le libellé des chefs de la plainte ne dénaturent pas la contravention déontologique visée à l'article 5.10.

[35]        Par conséquent, ce moyen d'appel ne saurait réussir et le Tribunal répond par la négative à la première question en litige.

2-          Le Conseil a-t-il erré en permettant le dépôt en preuve du rapport d'expertise préparé par Me Robert B. Legault?

[36]        Préparé par Me Robert B. Legault, le rapport d'expertise (P-20) a été obtenu par le syndic avant le dépôt des plaintes. Il est daté du 13 novembre 2008 et le dépôt des plaintes au greffe est effectué le 27 octobre 2009[15].

[37]        La procédure visant à faire déclarer le rapport d'expertise inadmissible utilisée par le professionnel est singulière.

[38]        Avant l'audition, le professionnel a préparé une requête qui a donné lieu à une audition préliminaire. Le rapport d'expertise attaqué n'est pas produit au soutien de la requête au motif que le professionnel ne veut pas que le Conseil soit influencé par celui-ci. Il soutient que ce rapport d'expertise constitue une opinion juridique qui porte précisément sur les questions dont le Conseil est saisi.

[39]        Le véhicule procédural n'est pas en cause ici. Il est habituel qu'une partie s'adresse à un tribunal pour éviter qu'un rapport d'expertise ne soit déposé dans un dossier[16]. Devant un tribunal civil, cette requête est présentée en division de pratique et généralement, le juge statuant sur cette requête n'est pas le même que celui qui entend le fond du litige.

[40]        La situation est ici différente en ce que c'est le Conseil, chargé du fond, qui doit statuer sur la requête préliminaire visant à déclarer inadmissible le rapport d'expertise du syndic.

[41]        Par décision du 17 mars 2010[17], le Conseil rejette la requête. Il est utile de citer le passage suivant de la décision :

[45]      Le Conseil aura peut-être à apprécier dans le futur, s'il s'agit effectivement d'un avis juridique ou bien de l'information pouvant éclairer le Conseil, mais il n'en est pas là à ce stade des procédures.

[46]      Le Conseil, hypothétiquement, aura à analyser lorsqu'il aura pris connaissance de cette expertise, s'il s'agit de conclusion de droit ou d'une conclusion de faits en relation avec le domaine publicitaire.

            […]

[49]      Le Conseil, sans se prononcer à ce stade des procédures sur l'acceptation ou non de cette expertise, juge que cette requête est prématurée dans les circonstances de ce dossier.

[42]        Le Conseil devait donc considérer de nouveau cette question lors de l'audition, ce qui a été fait le 26 mai 2010 lors du témoignage de Me Legault.

[43]        Au moment de son interrogatoire portant sur sa qualité d'expert dans le cadre de voir-dire, le Conseil n'a toujours pas le rapport d'expertise. Au terme de ce voir-dire, Me Legault est qualifié comme expert et son rapport d'expertise est déposé en preuve sans autre formalité, si ce n'est que le Conseil demande un délai pour en prendre connaissance.

[44]        Le Conseil accepte donc le dépôt du rapport d'expertise de Me Legault sans en connaître la teneur.

[45]        Le professionnel a raison de souligner que le rapport d'expertise est ni plus ni moins qu'une opinion juridique. Cela ressort du mandat même confié par le syndic à son expert, dont voici un extrait :

Je vous demanderais d'analyser ladite publicité à savoir si elle respecte ou non le code de déontologie de notre Ordre plus précisément à l'article 5.10 du code de déontologie des denturologistes du Québec. […][18]

[46]        Dans le rapport qui a suivi, Me Legault recherche des conclusions de droit lesquelles sont du ressort exclusif du Conseil. L'introduction et la conclusion de son rapport d'expertise sont d'ailleurs très éloquentes[19] :

Vous m'avez consulté afin de déterminer si en tenant compte de mon expérience des trente (30) dernières années à titre d'avocat-conseil dans le domaine de la publicité commerciale, je considérais que les messages publicitaires que vous portiez à mon attention respectaient ou violaient les dispositions du Code de déontologie de l'Ordre des denturologistes du Québec.

[…]

En conclusion, en ce qui concerne tant les messages publicitaires destinés à la télévision que l'info publicité mise en ligne sur le site Internet de CDL, il m'apparaît évident que ceux-ci contiennent des témoignages d'appui ou de reconnaissance tels que généralement compris dans l'industrie de la publicité et que certains font de plus clairement appel à l'émotivité du public.

[47]        Le Tribunal rappelle que l'objectif du témoignage de l'expert est d'éclairer le décideur sur un sujet qui n'est pas de sa compétence[20]. En l'espèce, le mandat de Me Legault était de déterminer si les messages publicitaires de CDL respectaient les dispositions du Code de déontologie. En outre, ni la science ni quelque expérience technique n'appuie cette opinion qui ne se réfère d'ailleurs aucunement à une littérature scientifique. En proposant son opinion sur des questions que le Conseil devait trancher, Me Legault a empiété sur la compétence conférée au Conseil par la loi[21].

[48]        En acceptant le dépôt du rapport d'expertise de Me Legault, le Conseil a erré en droit. Ainsi, le Conseil aurait dû faire abstraction de ce rapport d'expertise dans son appréciation de la preuve en regard des chefs 1, 4 et 7 pour lesquels le professionnel a été déclaré coupable.

            3-         La publicité litigieuse constitue-t-elle un témoignage d'appui et de reconnaissance concernant le professionnel au sens de l'article 5.10 du Code de déontologie (chefs 1, 4 et 7)?

[49]        Le professionnel plaide que les témoignages allégués comme étant des témoignages d'appui ou de reconnaissance[22] visent clairement CDL et non le professionnel lui-même. C'est plutôt le concept de la réunion de plusieurs professionnels de l'art dentaire sous un même toit qui est reconnu par ces témoignages.

[50]        Le professionnel insiste sur le fait que ces témoignages ne font allusion à aucune caractéristique personnelle de l'un des denturologistes de CDL, lesquels ne sont par ailleurs aucunement identifiés, sauf pour Yves Lapointe, qui ne pratique plus la denturologie depuis 20 ans, et Éric Gauthier.

[51]        Le professionnel ajoute que rien dans la publicité ne constitue un témoignage d'appui ou de reconnaissance à ces deux personnes en particulier et il reproche au Conseil d'avoir ajouté un critère inexistant dans la loi, soit le fait d'avoir tiré profit de la publicité et d'avoir appliqué la théorie de l'alter ego.

[52]        Le syndic plaide pour sa part que les témoignages d'appui litigieux concernent nécessairement le professionnel parce que la publicité a pour but d'attirer la clientèle vers un endroit où elle est susceptible d'avoir recours à un denturologiste du groupe. Selon le syndic, le fait que le professionnel profite de la publicité établit un lien de rattachement avec les mots « qui le concerne ».

[53]        Afin d'évaluer le bien-fondé de la décision du Conseil, il y a lieu de reproduire ci-après les extraits suivants de cette décision qui portent spécifiquement sur l'infraction déontologique reprochée aux chefs 1, 4 et 7;

[145]     Le Conseil a entendu deux témoins experts ayant une vaste connaissance du domaine publicitaire et ayant produit des rapports d'expertises sérieux.

[146]     Le Conseil précise que les témoignages de deux experts ont majoré leur connaissance technique de ce milieu particulier et si présent quotidiennement dans nos vies.

[147]     Le Conseil précise que les deux experts sont d'avis qu'il s'agit de témoignage d'appui.

[148]     Le Conseil est entièrement d'accord avec cette conclusion et elle est évidente lors du visionnement de ces publicités.

(…)

[168]     Cependant, le Conseil ne partage pas l'opinion de M. Leclerc lorsqu'il déclare que ces messages ne sont pas de nature d'appui aux professionnels de la firme, conclusion qui appartient au Conseil et non à l'expert mais cela n'a rien d'illégal en soi.

[169]     Le Conseil a devant lui une preuve prépondérante à l'effet que la publicité analysée en est une d'appui et qu'elle fait appel à l'émotivité.

[170]     Le Conseil estime que la preuve est prépondérante à l'effet que les denturologistes de la firme profitent de cette publicité même s'ils ne sont pas identifiés personnellement lors de ces publicités.

[171]     La publicité démontre de façon manifeste la haute qualité des professionnels qui exercent leur art pour la firme, tant par la publicité télévisée que lors de l'info publicité.

[172]     Le Conseil juge que ce n'est pas parce qu'ils ne sont pas nommés directement par leur nom dans les publicités que cela leur permet d'être exonérés d'une faute commise par une firme à qui ils ont délégué cette facette de leur conduite professionnelle.

[173]     Les professionnels de la firme, bien que non identifiés dans la publicité, sont la raison d'être de la firme car sans eux la firme n'existe pas (dans sa forme présentée en preuve) mais les intimés existent sans la firme.

[174]     La preuve est limpide à l'effet qu'ils ont contrevenu aux articles de leur Code de déontologie concernant la publicité.

[54]        L'article 5.10 du Code de déontologie interdit à un denturologiste d'utiliser ou permettre que soit utilisé dans un message publicitaire un témoignage d'appui ou de reconnaissance qui le concerne. Cette disposition évoque aussi une liste non exhaustive d'exemples : « notamment en utilisant l'attribution d'une mention, d'un mérite ou d'un titre honorifique ». Le Conseil ne traite pas de ce dernier volet de l'article 5.10.

[55]        Selon le Tribunal, cette disposition a pour but d'éviter que le public soit influencé dans son choix par une sélection bien personnelle et subjective d'un individu qu'il ne connaît pas. Elle a aussi pour but d'éviter la surenchère entre les professionnels en regard de leurs qualités personnelles respectives. En somme, on veut éviter une rivalité inconvenante qui augmenterait les chances des professionnels les moins scrupuleux.

[56]        Par le passé, notre Tribunal a eu à se pencher sur une question similaire dans l'affaire Balazsi[23]. Un client d'une notoriété évidente, M. Jean Béliveau, apparaissait dans une publicité. Il s'agissait d'une reconstitution des événements liés à sa chirurgie de l'œil. Un des médecins rapporte ensuite les propos de M. Béliveau relativement à sa satisfaction. Notre Tribunal conclut que la participation de M. Béliveau à cette publicité constitue un témoignage d'appui au sens de la disposition réglementaire telle que formulée[24].

[57]        De même, dans l'affaire Tremblay[25], notre Tribunal a décidé que constituait un témoignage d'appui celui d'un client satisfait sans que ne soit nommé le dentiste qui a posé ses implants. Le dentiste prétendait que le témoignage d'appui concernait non pas sa qualité comme dentiste mais bien un produit, soit les implants. Notre Tribunal a décidé qu'il était évident que le témoignage d'appui visait un dentiste spécifique, à savoir Dr Tremblay, et ce, en fonction de la façon dont la publicité était construite. À noter que la disposition réglementaire invoquée se limitait à interdire le témoignage d'appui[26], tout comme dans l'affaire Balazsi d'ailleurs.

[58]        Dans le présent dossier, aucun professionnel n'est identifié, mis à part Yves Lapointe et Éric Gauthier sur lesquels le Tribunal reviendra.

[59]        C'est le concept de « tout sous un même toit » qui est mis de l'avant : dentistes, denturologistes, hygiénistes, assistantes dentaires et un laboratoire.

[60]        De plus, selon M. Leclerc, l'expert du professionnel, c'est CDL qui est mise en évidence dans les publicités. Rien dans la publicité litigieuse ne donne l'impression qu'un professionnel en particulier possède des qualités ou qualifications significatives, qu'il détient une compétence supérieure aux autres ou qu'il utilise une technique particulière ou exclusive. En bref, on ne dirige pas un client vers un professionnel en particulier. On l'invite à faire appel à une adresse centrale pour obtenir tous les services dentaires sous un même toit.

[61]        Qu'en est-il maintenant pour Yves Lapointe et Éric Gauthier?

[62]        Ces deux personnes apparaissent dans la publicité contestée. Lapointe, pour faire valoir le concept du regroupement de professionnels sous une même bannière et un même toit et Gauthier, figurant quelques secondes dans la publicité, sans être identifié.

[63]        Nulle part dans la publicité ne fait-on ressortir quelque qualité d'un professionnel en particulier, qu'il soit dentiste, hygiéniste ou denturologiste. Nulle part n'est-il fait mention d'une méthode particulière d'un ou des professionnels ou d'une habileté exclusive à l'un d'eux.

[64]        Yves Lapointe n'est d'ailleurs pas représenté comme un denturologiste. De fait, il ne pratique plus la denturologie depuis plus de 20 ans, même s'il est toujours membre de l'Ordre. Il en est de même pour Larry Lapointe, seul autre actionnaire de CDL avec Yves.

[65]        Éric Gauthier y est représenté selon toute apparence comme un denturologiste mais il n'est pas identifié.

[66]        En outre, nulle part dans la publicité n'est-il fait mention d'un honneur, mérite ou titre honorifique les concernant ni même de qualité pouvant les distinguer de l'ensemble des denturologistes.

[67]        La disposition réglementaire telle que libellée prohibe une déclaration ou une publicité qui concerne une personne que l'on peut identifier. Le fait de tirer profit d'une publicité n'est pas pertinent en l'absence d'une contravention déontologique.

[68]        Le Tribunal a rappelé à plusieurs occasions qu'il incombe au syndic de démontrer l'infraction déontologique par une preuve prépondérante. Le Conseil ne peut se contenter d'une preuve approximative et non convaincante pour déclarer un professionnel coupable[27]. En effet, la preuve doit être de haute qualité, claire et convaincante compte tenu des conséquences d'une condamnation disciplinaire pour un professionnel[28].

[69]        Dans sa décision, le Conseil conclut que la publicité constitue un témoignage qui concerne le professionnel. Elle fonde sa conclusion, notamment, sur les opinions des experts entendus. D'une part, pour les raisons exposées ci-dessus, le Conseil n'aurait pas dû tenir compte de l'opinion de Me Legault. D'autre part, la preuve d'expert dont le Conseil aurait dû tenir compte reposait sur le rapport et le témoignage de M. Leclerc. Or, ce dernier, tout en admettant que la publicité constituait un témoignage d'appui, expliquait qu'il concernait CDL et non le professionnel.

[70]        Dans les circonstances bien spécifiques du présent dossier et compte tenu de la preuve administrée, le Conseil ne pouvait conclure, à la lumière de la preuve dont il disposait, que le témoignage d'appui concernait le professionnel visé par la plainte. C'est le cabinet multidisciplinaire CDL qui était visé par le témoignage d'appui. Au surplus, le Conseil a occulté la notion de mention, mérite ou titre honorifique prévue à l'article 5.10.

[71]        Le Tribunal ne partage pas l'opinion du syndic qui prétend que cette interprétation de l'article 5.10 du Code de déontologie donne au professionnel la possibilité de faire indirectement et en utilisant une corporation, ce qu'on lui interdit de faire directement. En effet, c'est la formulation particulière de la disposition réglementaire invoquée jumelée à la preuve d'expert qui amène le Tribunal a conclure qu'il y a eu erreur manifeste et dominante de la part du Conseil qui ne pouvait conclure à la culpabilité du professionnel sous les chefs 1, 4 et 7.

            4-         Le Conseil a-t-il erré en décidant que la publicité litigieuse faisait appel à l'« émotivité du public » et sa décision à cet égard est-elle suffisamment motivée?

[72]        Les chefs 2, 5 et 8 de la plainte invoquent l'article 5.10.1 du Code de déontologie, précité.

[73]        Voici comment s'exprime le Conseil au sujet de l'« émotivité du public » dans sa décision :

[154]     Cette publicité, tant les scènes tirées de l'émission « S.O.S. beauté » que de celles de l'info publicité, doivent être regardées et analysées dans leur ensemble.

[155]     Ces publicités baignent dans l'émotivité et leur réussite est justement cette émotion dégagée par les participants consommateurs, sous une forme d'une téléréalité ayant comme personnage central Mme Lacroix.

[156]     D'ailleurs, comment imaginé (sic) une émission télévisuelle avec un titre qui signifie au secours sans imaginer qu'il doit sûrement y avoir une dose d'émotivité.

[157]     D'ailleurs, plusieurs passages, dont ceux soulignés dans le rapport d'expertise de Me Legault, ne laissent aucun doute quant au degré d'émotivité véhiculé par ces publicités.

[158]     De plus, le Conseil a constaté que cette émotivité est exaltée avec succès par Mme Lacroix qui dégage un charisme saisissant.

[159]     Me Legault établit dans son rapport que le témoignage publicitaire de consommateur est utilisé comme un outil de persuasion très efficace par l'industrie.

[160]     Le Conseil n'a pas l'intention de reproduire les exemples dégagés par l'expertise de Me Legault mais ceux-ci sont très explicites concernant leur appui à la firme et à ses professionnels non identifiés.

[161]     Le Conseil a remarqué que les rires et les larmes sont bien présents dans plusieurs scènes, exprimant la joie et le bonheur.

[162]     Le Conseil précise qu'il s'agit de « clients et clientes » des Centres dentaires Lapointe dont la vie a été changée par l'entremise des professionnels de la firme qui sont l'âme de celle-ci.

[163]     Le Conseil a apprécié aussi le témoignage de M. Leclerc qui admet d'emblée que les clients (et ce sont de véritables clients) ont été traités avec succès par des professionnels non identifiés mais des professionnels de la firme.

[164]     Le Conseil partage aussi l'opinion de M. Leclerc à l'effet que c'est la firme qui est signataire du message.

[165]     M. Leclerc apporte aussi une conception différente entre l'émotivité de certaines personnes et l'émotivité du public en général.

[166]     Le Conseil n'a pas l'intention d'entrer dans ce débat d'une haute gymnastique intellectuelle.

[167]     En résumé, les deux experts disent la même chose sur la quintessence des messages publicitaires et ils arrivent à la même conclusion sur l'étude du contenu de ces publicités.[29]

(Nos soulignements)

[74]        Si l'on évacue les références au témoignage de Me Legault, pour les motifs exposés ci-dessus, quels sont les motifs permettant au Conseil de justifier sa conclusion sur l'« émotivité du public »?

[75]        Le Conseil ne s'est aucunement attardé à définir le concept d'« émotivité du public ». Au surplus, il écarte la nuance évoquée par l'expert Leclerc au motif qu'il n'a pas l'intention « d'entrer dans ce débat d'une haute gymnastique intellectuelle ».

[76]        Aucune preuve comportant un échantillonnage suffisamment important et varié de personnes n'a été offerte au Conseil pour démontrer le concept d'« émotivité du public ». Que les membres du Conseil aient été émus par les publicités ne constitue pas, en soi, la démonstration d'une contravention par le professionnel à la norme réglementaire invoquée.

[77]        Le Tribunal souscrit à l'opinion du professionnel qui plaide que le syndic a le fardeau d'objectiver l'« émotivité du public » dont il est question à l'article 5.10.1 du Code de déontologie pour conclure à une contravention déontologique. Autrement, cela équivaudrait à interdire toute forme de publicité et à dénaturer la norme stipulée à l'article 5.10.1. L'« émotivité » en soi est un concept très flou, qui varie d'une personne à l'autre. Les publicités déposées en preuve peuvent émouvoir certaines personnes et en laisser d'autres complètement indifférentes. D'ailleurs, ces mêmes personnes peuvent être plus émotives certains jours et moins d'autres.

[78]        Mais il y a plus. Le Conseil a occulté le contexte particulier et la portée de cette disposition.

[79]        Quelle est la valeur protégée par le législateur dans cette disposition sinon l'honnêteté de la publicité? On veut clairement éviter la fausse représentation et la publicité mensongère. Il faut donc lire les termes « faisant appel à l'émotivité du public » dans l'optique d'une publicité susceptible de priver une personne de son libre arbitre.

[80]        Conséquemment, la décision sur culpabilité en regard des chefs 2, 5 et 8 comporte une erreur manifeste et dominante, soit d'une part, une appréciation incorrecte de la preuve et, d'autre part, une interprétation erronée de la norme réglementaire.

[81]        Il y a donc lieu d'infirmer la décision sur culpabilité et de prononcer l'acquittement.

[82]        Vu la conclusion du Tribunal sur la culpabilité, les autres questions en litige deviennent sans objet.

[83]        Enfin, le Conseil n'a pas jugé nécessaire d'analyser la preuve sous l'article 59.2 du Code des professions en regard des chefs 3, 6 et 9 de la plainte au motif que les infractions reprochées étaient spécifiquement prévues aux dispositions du Code de déontologie discutées ci-dessus. Le Conseil a ordonné l'« arrêt » des procédures en regard de l'article 59.2 du Code des professions et il n'y a pas eu d'appel de ce volet de la décision. Par conséquent, le Tribunal n'en est pas saisi.

 

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

 

500-07-000745-111 :

            ACCUEILLE l'appel de l'appelant-intimé;

            INFIRME les décisions du Conseil de discipline de l'Ordre des denturologistes du Québec rendues les 19 janvier 2011 et 9 novembre 2011;

            ACQUITTE l'appelant-intimé sur les chefs d'infraction 1, 2, 4, 5, 7 et 8;

            ANNULE les sanctions imposées;

            CONDAMNE l'INTIMÉ-plaignant aux déboursés tant en appel qu'en première instance.

 

 

500-07-000740-112 :

            REJETTE l'appel de l'appelant-plaignant;

            LE TOUT, sans déboursés.

 

 

 

__________________________________

JULIE VEILLEUX, J.C.Q.

 

__________________________________

DENIS LAVERGNE, J.C.Q.

 

 

 

Me Gilles Poulin

Me Annick Poulin

Procureurs de Daniel Bergeron

 

Me Jean-Claude Dubé

Gaudreau, Dubé, Hénault, Lauzon, Soucy

Procureur de Claude Gouin

 

Mme Monique Bouchard

Secrétaire du Conseil de discipline de l'Ordre des denturologistes du Québec

Mise en cause

 

Date d'audience :

 

C.D. N:

15 mai 2013.

 

15-09-00063

 

Décision sur culpabilité rendue le 19 janvier 2011.

Décision sur sanction rendue le 9 novembre 2011.

 

 


 

ANNEXE 1

 

LISTE DES APPELS

 

 

Gaudreault Linda                                                      100-07-000014-111

                                                                                    100-07-000015-118

 

Antonio Flores-Penagos José                                500-07-000738-116

                                                                                    500-07-000748-115

 

Beatriz Marroquin Yessica                                       500-07-000742-118

                                                                                    500-07-000752-117

 

Bergeron Daniel                                                        500-07-000740-112

                                                                                    500-07-000745-111

 

Gastan Fabian                                                          500-07-000139-114

                                                                                    500-07-000746-119

 

Lapointe Robin                                                          500-07-000741-110

                                                                                    500-07-000749-113

 

Mahroug Sofiane                                                      500-07-000743-116

                                                                                    500-07-000751-119

 

Paventi Michael                                                         500-07-000744-114

                                                                                    500-07-000750-111

 

Chbat Christian                                                         700-07-000023-119

                                                                                    700-07-000028-126

 

Carrier Stéphanie                                                     505-07-000057-110

                                                                                    505-07-000063-118

 

Charron Nathalie                                                       505-07-000055-114

                                                                                    505-07-000053-119

 

Gauthier Éric                                                             505-07-000060-114

                                                                                    505-07-000062-110

 

Lapointe Larry                                                           505-07-000058-118

                                                                                    505-07-000061-112

 

Lapointe Yves                                                            505-07-000059-116

                                                                                    505-07-000064-116

 

Thibault Marie-Josée                                                505-07-000056-112

                                                                                    505-07-000054-117

 

Leroux Stéphane                                                       540-07-000058-115

                                                                                    540-07-000061-119

 

Trahan Annie                                                             540-07-000059-113

                                                                                    540-07-000060-111

 

Boudreault Anne                                                       550-07-000038-116

                                                                                    550-07-000041-110

 

Dang-Khoa Tran Duc                                               550-07-000039-114

                                                                                    550-07-000042-118

 

Gaudreau Daniel                                                       550-07-000040-112

                                                                                    550-07-000043-116

 

Duchesneau Sophie                                                 700-07-000022-111

                                                                                    700-07-000025-114

 

Pelletier Gilles                                                           700-07-000024-117

                                                                                    700-07-000026-112

 

Lapierre Stéphanie                                                   750-07-000008-115

                                                                                    750-07-000009-113

 

Pinsonneault Marc                                                    750-07-000007-117

                                                                                    750-07-000010-111



[1]     Le juge Jean-R. Beaulieu a participé à l'audition de l'appel. Vu qu'il a depuis cessé temporairement d'agir et conformément à l'article 163(2) du Code des Professions, le jugement est rendu par les juges Veilleux et Lavergne.

[2]     RLRQ, chapitre C-26.

[3]     Denturologistes (Ordre professionnel des) c. Bergeron, 2012 QCTP 14.

[4]     D.C. Vol. I, p. 59.

[5]     Id., p. 103.

[6]     Quoique le terme « professionnel » englobe tous les professionnels concernés dans l'ensemble des dossiers réunis, le présent jugement fera état de considérations spécifiques pour Yves Lapointe, Larry Lapointe et Éric Gauthier.

[7]     Le nom du professionnel Ghislain Lapointe n'apparaît pas dans la liste des appels, les procédures ayant été abandonnées à son égard.

[8]     D.C., Vol. II, p. 197-198.

[9]     RLRQ chapitre D-4, r. 6.

[10]    Précité, note 2.

[11]    Parizeau c. Barreau du Québec, 2011 QCCA 1498.

[12]    Ergothérapeutes (Ordre professionnel des) c. Fauteux, 2012 QCTP 16.

[13]    Précité, note 11, paragr. 91.

[14]    Précité, note 9.

[15]    M.A., Vol. II, p. 186 et suiv.

[16]    Assurance mutuelle des fabriques de Montréal c. Pilon, 2012 QCCA 1681; 3037053 Canada inc. c. Rampes Allumina inc., 2012 QCCS 5979.

[17]    D.C., Vol. I, p. 139.

[18]    M.A., Vol. II, p. 185, pièce P-15.

[19]    M.A., Vol. II, p. 188.

[20]    ROYER, Jean-Claude, La preuve civile, 3ème éd., Éditions Yvon Blais, paragr. 465 et suiv.; DUCHARME, Léo, Précis de la preuve, 6ème éd., Éditions Wilson & Lafleur, paragr. 526; DUCHARME, Léo, L'administration de la preuve, 3ème éd., Éditions Wilson & Lafleur, paragr. 428 et suiv.; Rossdeutscher c. Concordia University, 2010 QCCS 3759; Parizeau c. Lafrance, REJB 1999-14780.

[21]    Article 116 du Code des professions, RLRQ, chapitre C-26.

[22]    M.A., Vol. II, p. 196-199 (P-26A et P-26B).

[23]    Balazsi et Mullie c. Mercure, ès qualités (médecins), 2000 QCTP 17.

[24]    Art. 2.02.07 Code de déontologie des médecins, R.R.Q., 1981, c M-9, r. 4 (en vigueur au moment de la parution de la publicité en 1997).

[25]    Tremblay c. Delaquis, ès qualités (dentistes), 2000 QCTP 91.

[26]    Précité, note 24.

[27]    Médecins (Corporation professionnelle des) c. Osman, [1994] D.T.P.Q. no 29 (Quicklaw); Bisson c. Médecins (Ordre professionnel des), 2012 QCTP 162.

[28]    Médecins (Collège des médecins du Québec) c. Lisanu, [1998] D.T.P.Q. no 195 (Quicklaw); Kane c. Conseil d'administration de l'Université de la Colombie-Britannique, [1980] 1 R.C.S. 1105.

[29]    D.C., Vol. I, p. 98-99.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.