Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
_

Sanscartier et Logidec inc.

2011 QCCLP 2425

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Longueuil

31 mars 2011

 

Région :

Montréal

 

Dossier :

356199-71-0808-R

 

Dossier CSST :

133003582

 

Commissaire :

Diane Beauregard, juge administratif

 

Membres :

Lise Tourangeau Anderson, associations d’employeurs

 

Isabelle Duranleau, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Louise Sanscartier

 

Partie requérante

 

 

 

Et

 

 

 

Logidec inc

 

Partie intéressée

 

 

 

Et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail - DASOM

 

Partie intervenante

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 7 avril 2010, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) dépose une requête en révocation à l’encontre d’une décision en révocation de la Commission des lésions professionnelles du 23 février 2010 (CLP 2).

[2]           Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles (CLP 2) rejette la requête en révocation logée par la CSST le 19 juin 2009 concernant une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles (CLP 1), le 3 juin 2009. Cette dernière décision fait suite à une entente intervenue entre les parties, soit entre Louise Sanscartier (la travailleuse) et Logidec inc. (l’employeur Logidec) et veut que la travailleuse ait subi une rechute, récidive ou aggravation le 4 mars 2008 d’une lésion professionnelle subie le 25 mars 1992 alors qu’elle travaillait pour l’employeur Paul Paradis inc. (l’employeur Paradis).

[3]           Une audience est tenue à Montréal le 6 janvier 2011. La CSST est représentée. Il en est de même pour la travailleuse et l’employeur qui, eux, sont absents.

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[4]           La CSST demande à la Commission des lésions professionnelles de révoquer la décision rendue le 23 février 2010 par CLP 2 en raison d’une erreur manifeste et déterminante. Elle demande aussi d’analyser l’entente intervenue et de révoquer la décision du 3 juin 2009 l’entérinant (CLP 1). Enfin, elle demande de convoquer, à nouveau, les parties pour la décision au fond.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]           La membre issue des associations d'employeurs et la membre issue des associations syndicales rejettent la requête en révocation de la CSST puisqu’elles estiment que CLP 2 n’a pas commis d’erreur en concluant que l’employeur Logidec est une partie à l’accord, qu’il a l’intérêt pour le faire et qu’il a transigé pour lui-même. Ils sont d’avis que CLP 2 a répondu adéquatement à la question de l’absence de preuve.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[6]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer s’il y a lieu de révoquer la décision du 23 février 2010 et, par le fait même, celle du 3 juin 2009.

[7]                L’article 429.49 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) prévoit qu’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel. Toutefois, le législateur a prévu à l’article 429.56 de la loi que la Commission des lésions professionnelles peut réviser ou révoquer une décision qu’elle a rendue dans certaines circonstances. Ces dispositions se lisent comme suit : 

429.49.  Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.

 

Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.

 

La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

429.56.  La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :

 

1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[8]           Dans le présent dossier, la CSST évoque le 3e paragraphe du 1er alinéa de l’article 429.56 de la loi à savoir que la décision est entachée d’un vice de fond ou de procédure de nature à l’invalider. Le législateur n’a pas défini cette notion. Toutefois, la jurisprudence développée par la Commission des lésions professionnelles l’a interprétée comme étant une erreur manifeste de fait ou de droit qui a un effet déterminant sur le sort du litige[2].

[9]           Cette interprétation a également été retenue par la Cour d’appel qui précise qu’une décision attaquée pour vice de fond ne peut faire l’objet d’une révision interne que lorsqu’elle est entachée d’une erreur dont la gravité, l’évidence et le caractère déterminant ont été démontrés par la partie qui demande la révision[3].

[10]        Ce n’est que si une telle erreur existe que le recours en révision ou en révocation peut réussir, il ne peut donner lieu à une nouvelle appréciation de la preuve parce qu’il ne s’agit pas d’un nouvel appel[4].

[11]        Dans un premier temps, la représentante de la CSST soutient qu’elle peut présenter une deuxième requête en révocation à la Commission des lésions professionnelles. De son côté, le représentant de la travailleuse est d’avis qu’il doit exister une nouvelle cause à la révocation ce qui n’est pas démontré puisque les moyens invoqués par la CSST sont les mêmes. Ceci constitue un appel déguisé.

[12]        Dans l’affaire Canadien Pacifique et Scalia[5], le tribunal rappelle qu’en vertu de l’article 429.56 de la loi, la notion de vice de fond correspond à une erreur manifeste de droit ou de faits qui est déterminante sur l’issue du litige et que rien ne soutient la distinction découlant du fait qu’il s’agisse d’une seconde requête en révision. Dans cette affaire, pour avoir gain de cause l’employeur devait démontrer qu’il existe une nouvelle cause de révision en rapport avec la décision rendue en révision.

[13]        Dans le présent dossier, pour justifier une nouvelle requête en révocation, la représentante de la CSST soutient notamment que le deuxième juge administratif n’a pas répondu à la question fondamentale à savoir si l’employeur Logidec avait la « capacité juridique » pour signer l’accord qui a été entériné, voire s’il avait l’autorité pour le faire. Elle convient que ce moyen a été soulevé devant le deuxième juge administratif mais le défaut d’y répondre, alors que cet aspect est primordial en matière d’accords, justifie la présente requête en révocation.

[14]        La présente requête en révocation de la CSST s’apparente sensiblement à celle produite le 19 juin 2009.  

[15]        De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, si le deuxième juge administratif n’a pas répondu à la notion de « capacité juridique » pour l’employeur Logidec, c’est que cette notion, au sens juridique du terme, n’est pas adéquate. Nul ne peut prétendre que cet employeur n’a pas la «capacité» de gérer ses biens[6]. Que la Commission des lésions professionnelles (CLP 2) n’ait pas répondu à cette question ne constitue pas une erreur.     

[16]        Rappelons certains faits pertinents à la présente requête.

[17]        Le 17 mars 2008, la travailleuse soumet une réclamation à la CSST pour une douleur au poignet gauche, le 4 mars 2008, alors qu’elle effectue de la reliure manuelle chez l’employeur Logidec. Le diagnostic retenu est une tendinite au poignet gauche. Antérieurement à cette lésion, la travailleuse a subi une maladie professionnelle, le 25 mars 1992, soit une tendinite au poignet gauche alors qu’elle travaille pour l’employeur Paradis et une lésion professionnelle chez l’employeur Logidec, le 18 octobre 1999, soit un tunnel carpien bilatéral.  

[18]        Le 6 mai 2008, la CSST refuse la réclamation de la travailleuse pour l’événement du 4 mars 2008. Cette décision est contestée par la travailleuse. Le 9 juillet 2008, à la suite d’une révision administrative, la CSST confirme cette décision. Cette dernière est contestée à la Commission des lésions professionnelles.

[19]        Le 3 juin 2009, la Commission des lésions professionnelles (CLP 1) entérine une entente intervenue entre l’employeur Logidec et la travailleuse voulant que cette dernière ait subi, le 4 mars 2008, une rechute, récidive ou aggravation de la lésion professionnelle subie le 25 mars 1992 alors qu’elle était à l’emploi de l’employeur Paradis qui, selon l’entente, a fermé ses portes mais, qui dans les faits, a fait faillite. La teneur de l’accord se lit comme suit :

[5]        L’employeur Paul Paradis inc. est fermé.

 

[6]        Le 25 mars 1992, la travailleuse, alors employée chez Paul Paradis inc., subit une lésion professionnelle (maladie professionnelle), soit une tendinite au poignet gauche.

 

[7]        En octobre 2000, la CSST refuse une réclamation de la travailleuse pour de la douleur aux deux poignets, mais principalement au poignet gauche.

 

[8]        Le 4 mars 2008, la travailleuse ressent de la douleur au poignet gauche.

 

[9]        Le 17 mars 2008, le médecin qui a charge diagnostique une tendinite au poignet gauche.

 

[10]      Les parties constatent que la travailleuse ne décrit aucun événement particulier, ni de surcharge de travail.

 

[11]      Les parties retiennent que, le 4 mars 2008, a subi une rechute, récidive ou aggravation de sa lésion professionnelle du 25 mars 1992.

 

 

[20]        Le 19 juin 2009, la CSST dépose une requête en révocation de la décision de la Commission des lésions professionnelles (CLP1) entérinant cet accord. La Commission des lésions professionnelles (CLP 2) rejette cette requête d’où la présente requête en révocation.

[21]        Outre la question de la capacité juridique de l’employeur Logidec, la CSST soutient que cet employeur ne peut transiger pour autrui et faire en sorte que les coûts engendrés par une lésion professionnelle soient imputés dans le dossier d’un autre employeur. Elle soutient qu’il peut transiger en regard de lésions professionnelles qui surviennent chez lui. Elle reproche aussi au deuxième juge administratif d’avoir confondu la notion de capacité et d’intérêt. Elle reconnaît toutefois que l’employeur Logidec a un intérêt au dossier et qu’il peut participer à la conciliation. Elle rappelle que l’accord est de la nature d’un contrat pour lequel les conditions de formation doivent être respectées. Elle réfère aux dispositions pertinentes du Code civil du Québec[7]. Elle réfère aussi à l’article 28 du Cadre d’exercice de la conciliation à la Commission des lésions professionnelles (la cadre d’exercice) où il est indiqué que la CSST doit intervenir lorsqu’« aucun employeur ne peut participer à la conciliation ». Subsidiairement, au fond, elle soutient que le deuxième juge administratif n’identifie pas la preuve pour établir la relation entre l’événement de 2008 et celui de 1992 parce qu’il y a absence de preuve.

[22]        Le représentant de la travailleuse soutient que l’employeur Logidec n’a pas signé pour l’employeur Paradis. Il avait un intérêt et pouvait être partie au litige, c’est ce qu’a reconnu le deuxième juge administratif. L’analyse qu’il fait des enjeux financiers démontre qu’aucun des employeurs n’est imputé des coûts. Le cadre d’exercice est apprécié par le deuxième juge administratif et il y répond aux paragraphes 37 à 39 de la décision. Il en est de même concernant l’argument relatif à l’absence de preuve qui est répondu aux paragraphes 44 et 45 de la décision. La décision est donc rationnelle et logique. Il est d’avis qu’elle ne doit pas être révoquée.

[23]        La Commission des lésions professionnelles est d’avis que le deuxième juge administratif se devait de déterminer qui sont les parties à la contestation pour déterminer qui sont les parties à l’entente. Ainsi, il se devait de déterminer si l’employeur Logidec a le statut juridique pour être déclaré partie au litige avant de décider de son intérêt.  

[24]        C’est ainsi qu’en a décidé le tribunal dans l’affaire Lauzon et Le Groupe A & A[8], où il est question de déterminer si une « mutuelle » est une partie au litige :

[116] Avec respect pour l’avis contraire, il apparaît essentiel à la soussignée de déterminer clairement le statut juridique de la personne physique ou morale qui veut être déclarée partie au litige avant de pouvoir décider de son intérêt dans le litige et, ultimement, de son droit de contester ou d’intervenir.

 

[117] Une telle démarche demande au tribunal de répondre d’abord à la question de savoir qui veut être déclaré partie au litige et quels droits cette personne entend faire valoir pour décider de son intérêt dans le litige dont il est saisi et du droit de cette personne à participer au débat.

 

[25]        Dans le présent dossier, en vertu de l’article 359 de la loi, la travailleuse, qui a logé une requête devant le tribunal, est la personne lésée et la partie requérante. Ainsi, l’employeur Logidec est une personne morale. Il désire être partie au litige en tant qu’employeur au dossier à titre de partie intéressée à la requête déposée par la travailleuse visant à faire reconnaître une lésion professionnelle. L’employeur Paradis, n’eût été de la faillite, aurait aussi été une partie intéressée en tant qu’employeur concerné par ce litige.

[26]        Dans les faits, le deuxième juge administratif ne réfère pas spécifiquement au « statut juridique » de l’employeur Logidec et de l’employeur Paradis. Toutefois, il en convient en les considérant et en les identifiant en tant qu’employeurs au dossier tout au long de la décision. Notamment, au paragraphe 34 de la décision, il sera question de consacrer la « qualité de partie » à Logidec.

[27]        En réponse aux propos tenus dans l’affaire Bujold[9], le deuxième juge administratif a élaboré davantage sur l’intérêt que peut ou pourrait avoir chacun d’eux au litige à titre de parties intéressées.

[28]        La Commission des lésions professionnelles est d’avis que cette approche qui permet d’en venir à la même finalité ne constitue pas une erreur grave et déterminante justifiant la révocation.    

[29]        Concernant l’intérêt d’une partie intéressée, rien dans la loi n’exige que cet intérêt doive être pécuniaire. C’est ainsi que s’exprime le juge administratif Clément dans l’affaire Gagné et Produits forestiers L.M.C. inc.[10] :

[29]      En aucun article de loi le législateur n’exige que l’intérêt d’une partie intéressée doive être pécuniaire et précisément liquidé. La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles constitue un outil législatif gouvernant les questions ayant trait à la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu’elles entraînent pour les bénéficiaires tel que prévu à l’article 1 de la Loi. La dynamique principale prévue à cette loi concerne trois interlocuteurs distincts soit la CSST en tant qu’administrateur du régime et organisme décisionnel de première ligne, les travailleurs en tant qu’individus subissant des lésions professionnelles et des employeurs en tant que cotisants et pourvoyeurs financiers au fond d’indemnisation.

 

 

[30]        Dans la même affaire, le tribunal précise que le caractère paritaire de la loi fait en sorte qu’un employeur a droit d’agir comme une partie intéressée dans le cadre d’un litige initié par son travailleur, et ce, même s’il n’y a pas d’impact financier direct pour lui. Il ajoute :

[34]      De toute façon, le travailleur réclame la reconnaissance d’une récidive, rechute ou aggravation et s’il obtient gain de cause, il aura droit à des indemnités. Ces indemnités lui seront vraisemblablement versées à même le fond général de la CSST qui est constitué exclusivement des cotisations des employeurs du Québec incluant l’employeur en cause dans le présent dossier. Cette masse d’employeurs a donc un intérêt financier direct dans le dossier et qui mieux que l’employeur du travailleur peut voir à la défense de cet intérêt? L’employeur a donc tout au moins un intérêt financier indirect dans ce dossier.

 

[35]      La jurisprudence a de toute façon rappelé à plusieurs reprises qu’un employeur n'a pas à démontrer un intérêt financier direct pour agir comme partie intéressée. Exiger une telle preuve signifierait par exemple qu’aucun employeur cotisé au taux de l’unité ne pourrait être partie à un litige devant la Commission des lésions professionnelles, ce qui serait absurde. En effet, les travailleurs exerçant leur métier dans de plus grandes entreprises régies par les régimes personnalisé ou rétrospectif pourraient faire face systématiquement à une contestation de leur employeur alors que ceux travaillant chez des employeurs cotisés au taux de l’unité seraient affranchis de cette opposition. Ce résultat paraît absurde au présent tribunal et constituerait une inégalité des justiciables devant la Loi.

 

[36]      De plus, la Loi ne requiert qu’un intérêt juridique qui existe chez l’employeur du fait que le travailleur était à son emploi au moment où il a subi sa lésion professionnelle initiale10.

 

[37]      Le tribunal estime qu’un employeur a un intérêt direct et personnel à faire valoir ses prétentions pour s’assurer d’une application conforme de la Loi par les instances décisionnelles.

___________________

                10          Kvaerner Hymac inc. et Arseneault, C.L.P. 69667-61-9505, 2 décembre 1999, L. Turcotte.

 

 

 

[31]        Dans la présente requête en révocation, la Commission des lésions professionnelles constate que le deuxième juge administratif a analysé aux paragraphes 26 à 34, comme il se devait, l’intérêt de l’employeur Logidec d’être une partie à la contestation et, par le fait même, à la conciliation dont a découlé l’entente entérinée. Le deuxième juge administratif convient également au paragraphe 32 que si l’employeur Paradis n’avait pas été en faillite, il aurait eu le même intérêt.

[32]        L’analyse ainsi faite ne justifie pas la révocation de la décision. Par ailleurs, la CSST ne remet pas en cause cette portion de la décision puisqu’elle a convenu que l’employeur Logidec a un intérêt.

[33]        En référant au Code civil du Québec, la CSST soutient toutefois que l’employeur Logidec transige pour autrui, aspect qui n’a pas été apprécié par le deuxième juge administratif. Cette façon de faire a pour effet que les coûts engendrés par une lésion professionnelle soient imputés dans le dossier d’un autre employeur.

[34]        La Commission des lésions professionnelles est d’avis que si le deuxième juge administratif reconnaît à l’employeur Logidec un intérêt au litige et convient qu’il peut intervenir, il le fait pour lui-même. Par ailleurs, l’accord signé par les parties et entériné le 3 juin 2009 n’implique que l’employeur Logidec et la travailleuse ainsi que leurs représentants respectifs.

[35]        Le deuxième juge administratif n’a pas commis d’erreur puisqu’il indique au paragraphe 39 de la décision que l’employeur Logidec a un intérêt, qu’il peut intervenir et participer à la conciliation. Au paragraphe 34 de la décision, il précise que même en l’absence d’un effet direct sur la cotisation de l’employeur Logidec, il ne perd pas l’intérêt qu’il acquiert d’autre part et qui lui consacre la qualité de partie au sens de l’article 429.46 de la loi.  

[36]        Le deuxième juge administratif indique aussi au paragraphe 39 de la décision qu’il ne peut s’étonner de ne pas voir l’employeur Paradis signataire de l’accord puisqu’il n’est plus en opération. Il est donc clair que le deuxième juge administratif ne considère pas que l’employeur Logidec transige pour l’employeur Paradis puisque n’eût été de la cessation des opérations de ce dernier, il aurait été partie à l’accord ayant le même intérêt que l’employeur Logidec et il aurait pu être signataire.      

[37]        Aux paragraphes 32 et 33 de la décision, le deuxième juge administratif aborde la question voulant que les coûts de la lésion professionnelle soient à la charge de l’ensemble des employeurs de l’unité ou de tous les employeurs via le fonds général. Aux paragraphes 35 et 36 de la décision, il rappelle que la CSST est fiduciaire du régime. En vertu de l’article 429.16 de la loi, il précise qu’elle peut intervenir dans un litige à la Commission des lésions professionnelles et constate, ayant toutes les informations requises pour intervenir, qu’elle ne l’a pas fait.

[38]        Concernant l’argument de la CSST voulant que le premier juge administratif se devait obligatoirement, en vertu de l’article 28 du cadre d’exercice, de la faire intervenir en l’absence de l’employeur Paradis, le deuxième juge administratif répond à cet argument aux paragraphes 38 à 40 de la décision. Considérant que l’employeur Logidec est un employeur à l’entente, pour le deuxième juge administratif, il n’y a pas d’accroc au cadre d’exercice, ce dernier stipulant que la participation de la CSST n’est requise que lorsqu’aucun employeur ne peut participer à la conciliation.           

[39]        Bien que la soussignée partage la position prise dans l’affaire Bujold[11] précitée, la  décision rendue par le deuxième juge administratif est rationnelle et logique et rien ne justifie qu’elle soit révoquée. La Cour d’appel nous enseigne dans l’affaire Fontaine[12] précitée, que le respect du précédent ne doit pas être une fin en soi mais seulement un moyen, et non le seul, pour parvenir à la solution appropriée. Elle nous invite à scruter chaque cas afin de déterminer dans quelle mesure les raisons qui antérieurement ont justifié un résultat donné dans une espèce apparemment semblable justifieraient le même résultat dans le cas sous étude.   

[40]        Subsidiairement, la CSST reproche au deuxième juge administratif de ne pas avoir identifié la preuve lui permettant d’établir la relation entre l’événement de 2008 et celui de 1992 parce qu’il  y a absence de preuve.

[41]        La Commission des lésions professionnelles rejette cet argument.

[42]        Aux paragraphes 44 et 45 de la décision, le deuxième juge administratif répond à cet argument en retenant que le site de la lésion est le même, soit au poignet gauche, que le diagnostic est le même, soit une tendinite du poignet gauche et que la travailleuse effectue le même travail, soit de la reliure manuelle.

[43]        Bref, la Commission des lésions professionnelles constate que la CSST n’est pas satisfaite des conclusions de CLP 2. Elle ne peut utiliser une deuxième requête en révocation pour obtenir une décision qui lui serait favorable.

[44]        Il y a donc lieu de rejeter la présente requête en révocation.            

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête en révocation de la Commission de la santé et de la sécurité du travail du 7 avril 2010.

 

 

__________________________________

 

Diane Beauregard

 

 

 

Me Daniel Thimineur

Teamsters Québec (C.C.91)

Représentant de la partie requérante

 

 

 

Monsieur René Auclair

Consultant

Représentant de la partie intéressée

 

 

 

Me Claude Turpin

Vigneault, Thibodeau, Giard (DASOM)

Représentante de la partie intervenante



[1]           L.R.Q. c. A-3.001.

[2]           Produits forestiers Donohue et Villeneuve [1998] C.L.P. 733 ; Franchellini et Sousa [1998] C.L.P. 783 .

[3]           CSST c. Fontaine [2005] C.L.P. 626 (C.A.); CSST c. Touloumi [2005] C.L.P. 921 (C.A.).

[4]           Sivaco et C.A.L.P. [1998] C.L.P. 180 ; Charrette et Jeno Neuman & Fils Inc. C.L.P. 87190-76-9703, 26 mars 1999, N. Lacroix.

 

[5]           C.L.P. 147844-72-0010, 2 juin 2005, L. Nadeau.

[6]           Adams et Hôpital Douglas, C.L.P. 230180-71-0403, 4 janvier 2007, Y. Lemire, requête en révision rejetée, 9 janvier 2008, S. Di Pasquale.

[7]           L.Q. 1991, c-64.

[8]           C.L.P. 364777-63-0812, 19 avril 2010, F. Mercure.

[9]           Bujold et 90202383 Québec inc. (fermé) et Constructions Louisbourg ltée et CSST, C.L.P. 319405-63-0706, 31 mars 2009. L Nadeau.

[10]         C.L.P. 196748-01C-0212, 10 mai 2004, J.-F. Clément.

[11]         Précitée, note 9.

[12]         Précitée, note 3.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.