Dumont et Déménagex inc. |
2015 QCCLP 1419 |
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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 23 mars 2014, monsieur Jacques Dumont dépose une requête en révision à l’encontre d’une décision de la Commission des lésions professionnelles du 24 février 2014.
[2] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles rejette une requête de monsieur Dumont du 19 mars 2010, confirme une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) du 16 mars 2010, rendue à la suite d’une révision administrative et déclare qu’en date du 20 juillet 2009, monsieur Dumont est un dirigeant de Déménagex inc., qu’il n’est pas inscrit à la CSST pour bénéficier d’une protection accordée par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), que monsieur Dumont n’a pas droit aux prestations prévues à la loi à la suite de l’événement du 20 juillet 2009 et que la CSST est justifiée de lui réclamer le remboursement de la somme de 1 608,55 $.
[3] À l’audience tenue le 5 novembre 2014 à Rimouski, monsieur Dumont est présent de même que le procureur de la CSST. Déménagex inc. est absente.
[4] Le dossier est mis en délibéré à compter du 5 novembre 2014.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[5] Monsieur Dumont demande la révision de la décision de la Commission des lésions professionnelles du 24 février 2014. Cette décision serait entachée d’un vice de fond de nature à l’invalider.
[6] Il explique son désaccord avec les conclusions retenues. Il soumet que le premier juge administratif n’aurait pas suivi les principes de droit concernant les notions de « travailleur » et de « dirigeant ». Il reproche au premier juge administratif des erreurs dans l’appréciation de la preuve.
L’AVIS DES MEMBRES
[7] Le membre issu des associations d’employeurs et celui issu des associations syndicales sont d’avis de rejeter la requête en révision de monsieur Dumont. Ils estiment que la décision de la Commission des lésions professionnelles du 24 février 2014 n’est entachée d’aucun vice de fond de nature à l’invalider. Le premier juge administratif situe bien le litige. Il rapporte la preuve en détail. Il rappelle les principes de droit applicables en semblable matière et procède à l’analyse de la preuve. Sa motivation est intelligible. On comprend le raisonnement suivi pour conclure que monsieur Dumont est un dirigeant plutôt qu’un travailleur au sens de la loi et qu’en l’absence de protection accordée selon la loi, il n’a pas droit aux prestations.
[8] Les membres insistent sur le fait qu’il appartient au premier juge administratif d’apprécier la preuve et ainsi juger de la crédibilité des témoins.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[9] Le tribunal doit déterminer s’il y a lieu de réviser la décision de la Commission des lésions professionnelles du 24 février 2014.
[10] Il faut d’abord rappeler le caractère final et sans appel d’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles :
429.49. Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.
Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.
La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.
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1997, c. 27, a. 24.
[notre soulignement]
[11] Ceci étant, le législateur a toutefois prévu l’exercice d’un recours en révision ou révocation à l’encontre d’une décision de la Commission des lésions professionnelles.
[12] Ce recours, qualifié d’exceptionnel, peut donc s’exercer en présence de motifs précis, lesquels sont énumérés à l’article 429.56 de loi qui se lit comme suit :
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
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1997, c. 27, a. 24.
[13] Par sa requête, monsieur Dumont réfère au troisième paragraphe de l’article 429.56 de la loi, soit le vice de fond de nature à invalider la décision rendue.
[14] Dans l’affaire Produits Forestiers Donohue inc. et Villeneuve[2], la Commission des lésions professionnelles indique que le vice de fond est assimilé à l’erreur manifeste de droit ou de fait ayant un effet déterminant sur l’issue de la contestation. Cette façon d’interpréter la notion de vice de fond de nature à invalider une décision a été reprise de façon constante.
[15] Dans sa décision CSST c. Fontaine[3], la Cour d’appel du Québec se penche notamment sur cette notion de vice de fond de nature à invalider une décision de la Commission des lésions professionnelles. La Cour d’appel ne remet pas en question le critère de vice de fond, tel qu’interprété par la Commission des lésions professionnelles. Elle invite plutôt à la prudence dans son application.
[16] La Cour d’appel insiste également sur le fait que le recours en révision, pour vice de fond de nature à invalider une décision, ne doit pas être l’occasion de procéder à une nouvelle appréciation de la preuve afin de substituer son opinion à celle du premier juge administratif.
[17] Ce ne peut être non plus l’occasion de compléter ou bonifier la preuve ni d’ajouter de nouveaux arguments[4].
[18] Seule une erreur grave, manifeste et déterminante sur l’issue de la contestation peut amener une intervention à l’égard de la décision du premier juge administratif[5].
[19] Dans sa décision Moreau c. Régie de l’assurance maladie du Québec[6], la Cour d’appel vient également rappeler que le recours en révision ou révocation ne s’applique que de façon exceptionnelle et que le vice de fond de nature à invalider une décision doit s’avérer une erreur fatale qui entache l’essence même de la décision, voire sa validité.
[20] C’est en ayant à l’esprit ces principes de droit que le tribunal entend procéder à l’analyse des motifs mis de l’avant par monsieur Dumont pour faire réviser la décision de la Commission des lésions professionnelles du 24 février 2014.
[21] Il convient de revenir sur certains faits du dossier. Cet exercice ne vise pas à reprendre l’ensemble de la volumineuse preuve soumise mais d’en relever les éléments pertinents, permettant une meilleure compréhension du dossier afin d’évaluer le bien-fondé des motifs avancés par monsieur Dumont.
[22] Ce dernier produit une réclamation à la CSST pour faire reconnaître l’existence d’une lésion professionnelle le 20 juillet 2009 et recevoir les prestations prévues à la loi.
[23] Cette réclamation est refusée puisque l’on considère monsieur Dumont comme un dirigeant de Déménagex inc. au moment de cette lésion alléguée et que ce dernier ne détient pas de protection personnelle en vertu de la loi. On réclame à monsieur Dumont la somme de 1 608,55 $, représentant la somme versée pour la période obligatoire des quatorze premiers jours.
[24] Monsieur Dumont porte son dossier jusqu’à la Commission des lésions professionnelles. Par cette contestation, il demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le 20 juillet 2009, il était un travailleur au sens de la loi, qu’il a subi une lésion professionnelle et qu’il a droit aux prestations prévues à la loi. À défaut, il demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il a droit aux prestations prévues à la loi puisqu’il avait demandé, à l’époque, une protection personnelle.
[25] L’audience de cette affaire débute les 4 et 5 mai 2011 à Matane. Le juge administratif ayant procédé à l’audience quitte ses fonctions et avec l’accord des parties un autre juge administratif poursuit l’enquête et audition de l’affaire le 15 mai 2013.
[26] L’enregistrement de l’audience tenue les 4 et 5 mai 2011 a fait l’objet d’une transcription écrite. Il y avait eu alors témoignage de monsieur Simon Dubé (directeur du soutien opérationnel et à l’accès au régime à la CSST), madame Nicole Castonguay (agente de bureau à la CSST), monsieur Dumont et monsieur Marco Bernier (neveu de monsieur Dumont et président, vice-président et trésorier de Déménagex inc. à compter du 17 juillet 2009).
[27] À la reprise de l’audience le 15 mai 2013, monsieur Bernier poursuit son témoignage et le premier juge administratif entend également ceux de madame Sylvie Coulombe (agente de financement à la CSST) et de monsieur Régis Boily (enquêteur à la CSST). De plus, il y a dépôt de plus d’une cinquantaine de pièces par les parties.
[28] C’est dans ce contexte que le premier juge administratif rend sa décision le 24 février 2014. Il conclut qu’en date du 20 juillet 2009, monsieur Dumont est un dirigeant de Déménagex inc., qu’il n’est pas inscrit à la CSST pour bénéficier d’une protection accordée par la loi, qu’il n’a pas droit aux prestations à la suite de l’événement du 20 juillet 2009 et que la CSST est justifiée de lui réclamer le remboursement de la somme de 1 608,55 $.
[29] Par sa requête en révision, monsieur Dumont reproche au premier juge administratif d’avoir erré de façon manifeste en déclarant qu’il n’avait pas droit aux prestations prévues à la loi, à la suite de l’événement du 20 juillet 2009.
[30] Il lui reproche également d’avoir erré en droit en omettant de suivre les principes de la loi concernant les définitions de « travailleur » et de « dirigeant ».
[31] Il revient sur le fait que la CSST l’aurait d’abord déclaré travailleur au sens de la loi, alors qu’il demandait d’être couvert à titre de travailleur ou d’avoir une protection personnelle. La CSST lui aurait d’ailleurs refusé la protection personnelle.
[32] Il indique que le premier juge administratif aurait erré en droit en omettant de considérer cette situation et en refusant de déclarer que la CSST aurait dû le couvrir.
[33] Pour sa part, le procureur de la CSST plaide que la décision de la Commission des lésions professionnelles du 24 février 2014 n’est entachée d’aucun vice de fond de nature à l’invalider. Le travailleur demande ni plus ni moins une nouvelle appréciation du droit et de la preuve. La décision du premier juge administratif est bien motivée[7].
[34] Avec respect, le tribunal est d’avis qu’il n’y a pas lieu de réviser la décision de la Commission des lésions professionnelles du 24 février 2014. Celle-ci n’est entachée d’aucun vice de fond de nature à l’invalider.
[35] Le premier juge administratif y expose clairement le litige :
[5] Monsieur Dumont demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le 20 juillet 2009, il était un travailleur au sens de la loi et qu’il a subi à cette date une lésion professionnelle lui donnant droit aux prestations prévues par la loi.
[6] Subsidiairement, il demande de déclarer qu’il a droit aux prestations prévues par la loi parce qu’il avait demandé à la CSST de bénéficier d’une protection personnelle avant la survenance de l’événement du 20 juillet 2009.
[36] Par la suite, aux paragraphes [9] à [103], le premier juge administratif fait une revue détaillée de la preuve testimoniale et documentaire.
[37] Aux paragraphes [110] à [128] de sa décision, il expose le cadre légal devant servir à l’analyse de la preuve soumise :
[110] La Commission des lésions professionnelles doit décider si monsieur Dumont a droit aux prestations prévues par la loi, et ce, en raison d’une lésion professionnelle qu’il aurait subie le 20 juillet 2009.
[111] Pour avoir droit aux prestations prévues par la loi, il doit être un travailleur au sens de l’article 2 de la loi, lequel définit le travailleur comme suit :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
« travailleur » : une personne physique qui exécute un travail pour un employeur, moyennant rémunération, en vertu d'un contrat de travail ou d'apprentissage, à l'exclusion:
1° du domestique;
2° de la personne physique engagée par un particulier pour garder un enfant, un malade, une personne handicapée ou une personne âgée, et qui ne réside pas dans le logement de ce particulier;
3° de la personne qui pratique le sport qui constitue sa principale source de revenus;
4° du dirigeant d’une personne morale quel que soit le travail qu’il exécute pour cette personne morale;
5° de la personne physique lorsqu’elle agit à titre de ressource de type familial ou de ressource intermédiaire;
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1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.
[notre soulignement]
[112] La notion de dirigeant est définie par l’article 2 de la loi de la façon suivante :
« dirigeant » : un membre du conseil d’administration d’une personne morale qui exerce également les fonctions de président, de vice-président, de secrétaire ou de trésorier de cette personne morale;
[113] Depuis l’intégration à la loi en 2007 de la notion de dirigeant, une personne ne peut plus avoir le double statut d’administrateur et de travailleur comme c’était le cas auparavant. Dans la décision Daigle et Les entreprises JDM11, la Commission des lésions professionnelles expose à ce sujet ce qui suit :
[29] La modification législative entrée en vigueur le 1er janvier 2007 a donc prévu une nouvelle exclusion à la notion de travailleur, soit le dirigeant d’une personne morale quel que soit le travail qu’il exécute pour cette personne morale.
[30] Lors de cette modification, le législateur a également cru pertinent de définir la notion de dirigeant afin d’éviter toute ambiguïté. Cette définition se retrouve également à l’article 2 de la loi :
[…]
[31] De l’avis du présent tribunal, ces modifications à la loi visaient spécifiquement à contrer la jurisprudence qui évoluait au sein de la Commission des lésions professionnelles et qui reconnaissait la possibilité pour une personne de détenir un double statut, soit être à la fois administrateur d’une entreprise et travailleur de cette même entreprise. Ce courant jurisprudentiel est d’ailleurs bien représenté dans les décisions soumises par le travailleur au soutien de son argumentation.
[32] Cette interprétation des modifications législatives entrées en vigueur le 1er janvier 2007 a d’ailleurs déjà été retenue par la Commission des lésions professionnelles. La juge administrative Tardif s’exprimait ainsi à ce sujet4 :
[17] L’effet de cet amendement est d’écarter la jurisprudence qui prévalait antérieurement à l’égard du double statut d’un dirigeant qui lui permettait dans certaines circonstances de se qualifier à titre de travailleur et d’avoir droit de ce fait aux prestations prévues à la loi.
[18] À titre de dirigeant, il est maintenant exclu que monsieur Lefèbvre soit un travailleur au sens de la définition prévue à l’article 2 de la loi.
[33] Le tribunal retient donc qu’avant les modifications à la loi, il était possible pour une personne ne détenant pas une protection personnelle de bénéficier des avantages prévus à la loi, à la condition que son accident du travail survienne alors qu’elle accomplissait des tâches de travailleur et non pas d’administrateur.
[34] La Commission des lésions professionnelles estime cependant qu’il est manifeste que les modifications qui ont été apportées à la loi et qui sont entrées en vigueur le 1er janvier 2007 empêchent dorénavant une telle possibilité. L’intention du législateur apparaît claire et sans équivoque.
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4 Lefèbvre (Succession de) et Mécanoli inc., C.L.P. 364410-31-0811, 30 juin 2009, G. Tardif. Voir au même effet Roy et Service électro marine G.R. inc., C.L.P. 325719-31-0708, 7 avril 2008, C. Lessard; Pagé et Patrice Sauvé & Associés inc., C.L.P. 362586-62-0811, 11 mai 2009, E. Ouellet.
[114] Dans l’argumentation qu’il a transmise, monsieur Dumont prétend qu’il est un travailleur au sens de la loi parce qu’il n’a « jamais été administrateur, actionnaire ou possédé quelque titre que ce soit auprès de la compagnie ».
[115] Le représentant de la CSST prétend pour sa part que le 20 juillet 2009, bien qu’il n’était pas identifié comme tel au registre des entreprises, monsieur Dumont était dans les faits un administrateur et un dirigeant de Déménagex, un dirigeant de facto.
[116] Il cite des extraits de l’ouvrage de Me Paul Martel sur la société par actions au Québec12, dont le suivant :
Comme son nom l’indique, l’administrateur de facto sera considéré comme un administrateur si, dans les faits, il usurpe cette fonction en posant des actes normalement réservés aux administrateurs : par exemple participer aux réunions du conseil d’administration, signer des résolutions du conseil, prendre ou participer à des décisions d’administration ou d’aliénation, donner des instructions au nom de la société, se présenter aux tiers comme un administrateur, etc80.
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[note omise]
[117] Me Martel mentionne que la Loi canadienne sur les sociétés par actions13 définit comme « administrateur » le titulaire de ce poste « indépendamment de son titre », ce qui inclut selon lui l’administrateur de facto. Le représentant de la CSST cite l’extrait suivant de l‘ouvrage concernant la loi québécoise14 :
La Loi sur les sociétés par actions ne renferme pas de définition similaire, mais la doctrine et la jurisprudence n’admettent pas moins que la notion d’administrateur de facto lui est applicable.
[118] Le représentant de la CSST réfère par la suite à des décisions15 des tribunaux judiciaires qui ont appliqué cette notion d’administrateur de facto dans des cas où il était question de la responsabilité des administrateurs à l’égard du paiement de taxes, de salaires, etc.
[119] Bien qu’elles soient d’intérêt, ces décisions ne peuvent pas avoir une incidence directe sur le litige que la Commission des lésions professionnelles est appelée à trancher puisque les lois qui étaient en cause dans ces décisions ne comportaient pas une définition de la notion d’administrateur contrairement à la notion de dirigeant qui est précisément définie à la loi.
[120] Au surplus, le recours à cette jurisprudence n’apparaît pas utile puisque des décisions de la Commission des lésions professionnelles et des tribunaux judiciaires qui portent sur la définition de dirigeant prévue à la loi englobent dans la notion de dirigeant celle de dirigeant dans les faits ou de facto.
[121] La décision de principe à ce sujet est Albert Pouliot inc. et Commission de la santé et de la sécurité du travail16 dans laquelle il était question d’un avis de cotisation révisé de la CSST. Le juge administratif expose ce qui suit :
[7] Dans un premier temps, l’employeur fut cotisé pour l’année 2007 sur la base de la déclaration des salaires produite le 15 février 2008, qui n’incluait pas le salaire des dirigeants de l’entreprise. Le 13 novembre 2008, toutefois, la CSST émet un avis de cotisation ajusté, visant à ajouter le salaire des dirigeants de l’entreprise aux fins de la cotisation.
[8] Il appert, de la lecture du dossier et de l’argumentation de la CSST à l’audience, que cette nouvelle détermination de la cotisation est fondée sur le fait que les dirigeants de l’entreprise n’étaient pas inscrits au R.E.Q., de telle sorte que la CSST considérait qu’ils n’étaient pas dirigeants, aux fins de la cotisation.
[…]
[17] À l’audience, la CSST a essentiellement énoncé que le dirigeant d’une entreprise doit être inscrit au R.E.Q. à titre de membre du conseil d’administration et à titre de président, de vice-président, de secrétaire ou de trésorier de cette entreprise, pour être opposable à la CSST aux fins de l’avis de cotisation qui lui est transmis. À défaut, le salaire de ces personnes sera inclus à la masse salariale aux fins de la cotisation.
[122] La CSST fondait sa prétention sur l’article 6.1 de la loi, aussi entré en vigueur en 2007, qui se lisait comme suit en 200917:
6.1. Le deuxième alinéa de l'article 33 de la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales (chapitre P-45) ne s'applique pas aux fins de déterminer si une personne est un dirigeant à une date donnée.
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2006, c. 53, a. 3.
[123] Le second alinéa de l’article 33 de la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales18 prévoit qu’une correction apportée à une information contenue dans une déclaration produite au registre des entreprises, comme le nom des dirigeants d’une personne morale, peut rétroagir à la date de la déclaration antérieure.
[124] Le juge administratif estime que la prétention de la CSST n’est pas fondée. Il retient plutôt ce qui suit19:
[30] Le tribunal est d’avis, toutefois, que les modifications apportées par le législateur à la notion de dirigeant et, plus particulièrement, l’article 6.1 de la loi, n’ont pas la portée que la CSST veut bien lui accorder. La CSST affirme que la loi, depuis le 1er janvier 2007, oblige une inscription d’un dirigeant au R.E.Q. pour être opposable à la CSST aux fins de l’avis de cotisation.
[31] Le tribunal est d’avis que cette affirmation de la CSST n’est pas bien fondée.
[32] D’abord, pour faire une telle affirmation, il faudrait une disposition législative affirmative et claire à l’effet qu’un employeur doit inscrire un dirigeant au R.E.Q. afin d’être opposable à la CSST. Le tribunal ne retrouve ni dans la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, ni dans la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales, une telle obligation formulée en termes clairs et positifs, obligeant une entreprise à procéder à une telle inscription.
[…]
[34] L’obligation d’inscription au R.E.Q. décrétée par la CSST résulte d’une simple politique administrative découlant de son interprétation des lois applicables. Toutefois, comme le tribunal l'a rappelé à plusieurs reprises dans des décisions antérieures, la Commission des lésions professionnelles n'est aucunement liée par des politiques administratives de la CSST qui ne sont pas fondées sur une disposition législative ou règlementaire et elle n’est aucunement tenue de les suivre6.
[35] Le tribunal est plutôt d’avis que l’article 6.1 de la loi, en vigueur depuis le 1er janvier 2007, vise essentiellement à éviter les déclarations frauduleuses ou trafiquées d’un dirigeant qui cherche à obtenir une indemnisation de la CSST pour une lésion professionnelle, en tentant de faire correspondre un statut de travailleur en fonction de la date de l'accident.
[…]
[38] En fin de compte, le tribunal est d’avis qu’il s’agit ici essentiellement d’une question de preuve puisqu’aucune disposition légale n’oblige un employeur à produire une déclaration au R.E.Q. pour établir le statut de dirigeant d’une entreprise, aux fins de la cotisation de la CSST.
[39] D’ailleurs, l’article 62 de la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales traite de la force probante des informations transmises par une entreprise à l’égard des tiers. Il est énoncé que les tiers peuvent, par tous moyens, contredire les informations contenues dans une déclaration ou un document transmis au registraire. Les informations transmises au registraire sont donc relatives puisque celles-ci peuvent être contredites par tous moyens.
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[note omise]
[125] Le 18 juin 201020, la Cour supérieure a rejeté la requête en révision judiciaire présentée par la CSST à l’encontre de cette décision et le 25 novembre 201121, la Cour d’appel a rejeté son appel pour les raisons suivantes :
[3] En réponse à cette question, le juge de première instance a estimé raisonnable la conclusion de la CLP selon laquelle aucune disposition de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP)2 n’oblige un employeur à produire une déclaration au registre des entreprises (REQ) pour établir le statut de dirigeant d’une personne morale, ce qui peut être fait par tout moyen de preuve.
[4] Le juge a eu raison de ne pas intervenir. La détermination du statut de dirigeant constitue une question de fait qui relève de l’appréciation du tribunal spécialisé qu’est la CLP. Il en va de même de son interprétation de l’article 6.1 LATMP. De l’avis de la Cour, cette disposition ne saurait imposer à un employeur visé par la LATMP et assujetti en même temps à l’obligation d’immatriculation de la LPL, de s’en remettre dans tous les cas exclusivement aux renseignements contenus au REQ pour établir son statut de dirigeant. […].
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[note omise]
[126] Cette approche a été suivie par la Commission des lésions professionnelles, notamment dans les décisions Au Cœur des Familles Agricoles et Commission de la santé et de la sécurité du travail22, PJ Air inc. et Commission de la santé et de la sécurité du travail23 et Boutique Hélou inc. et Commission de la santé et de la sécurité du travail24.
[127] Le fait que ces décisions concernent des avis de cotisation et non pas le droit d’un travailleur aux prestations prévues par la loi n’est pas pertinent puisque la notion de dirigeant prévue à la loi doit recevoir la même interprétation dans les deux cas.
[128] La prétention de monsieur Dumont voulant qu’il ne soit pas un dirigeant de Déménagex puisqu’il n’est pas décrit comme étant le président, le vice-président, le secrétaire ou le trésorier de la compagnie 9198-4518 Québec inc. au registre des entreprises ne peut donc pas être retenue.
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11 2012 QCCLP 6181.
12 Paul Martel, La société par actions au Québec, vol. I « Les aspects juridiques », Montréal, Wilson & Lafleur, Martel ltée, 2013.
13 L.R.C. 1985, ch. C-44.
14 Loi sur les sociétés par actions, L.R.Q. ch. S-31.1.
15 Notamment : R. c. Corsano, [1999] 3 C.F. 173 (C.A.F.); Hébert c. Sous-ministre du revenu du Québec, [1993] R.D.F.Q. 18 (C.Q.); Silcoff c. Sous-ministre du revenu du Québec, [1998] R.D.F.Q. 159 (C.Q.); Comité paritaire des agents de sécurité c. Poirier, D.T.E. 2000T-885 (C.S.); Commission des normes du travail c. Imbeault, D.T.E. 2001T-688 (C.Q.); Allard c. Myhill, 2012 QCCA 2024; Allman c. Laplante, J.E. 2005-1703 (C.S.).
16 [2009] C.L.P. 264.
17 Cet article a subi une modification de concordance en 2010 en raison du remplacement de cette loi par la Loi sur la publicité des entreprises, c. P-44.1. Mis à part cette modification, le texte est demeuré inchangé
18 L.R.Q., c. P-45.
19 Albert Pouliot inc. et Commission de la santé et de la sécurité du travail, précitée, note 16.
20 Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Commission des lésions professionnelles, 2010 QCCS 2735.
21 Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Albert Pouliot inc., 2011 QCCA 2178.
22 C.L.P. 369311-62A-0902, 1er octobre 2009, C. Burdett
23 2012 QCCLP 4797.
24 2013 QCCLP 1274.
[38] Tenant compte de cette analyse, le tribunal ne peut souscrire à l’argument de monsieur Dumont voulant que le premier juge administratif n’ait pas observé les principes de la loi en ce qui concerne les notions de « travailleur » ou de « dirigeant ». Le tribunal constate plutôt que le premier juge administratif en fait une analyse détaillée et complète.
[39] C’est ainsi qu’il en arrive à déterminer la véritable question en litige au paragraphe [129] de sa décision :
[129] La question qu’il y a lieu de trancher consiste plutôt à déterminer si la preuve prépondérante démontre que dans les faits, le 20 juillet 2009, il était un dirigeant de la compagnie même s’il n’en détenait pas le titre.
[40] Il répond à cette question aux paragraphes [130] à [146] de sa décision:
[130] À cette question, le tribunal n’a aucune hésitation à répondre par l’affirmative. La preuve prépondérante démontre clairement que monsieur Dumont n’est pas que le directeur de l’entreprise, comme il voudrait qu’on le retienne, mais qu’il est l’âme dirigeante de Déménagex et de la compagnie 9198-4518 Québec inc. C’était également le cas de la précédente compagnie dans laquelle il était impliqué avec monsieur Cloutier également, tel que l’a retenu le juge administratif dans la décision Dumont et Commission de la santé et de la sécurité du travail25.
[131] C’est à l’initiative de monsieur Dumont que la compagnie 9198-4518 Québec inc. a été constituée, que l’entreprise Déménagex a été acquise et est entrée en activité et c’est lui qui gère toutes les opérations de cette entreprise jusqu’à l’entrée en fonction de monsieur Bernier à la fin de juillet 2009 (voir à cet effet la liste des tâches qu’il a accomplies citée au paragraphe 53).
[132] Notamment en raison de ses antécédents, le tribunal n’accorde pas une grande valeur probante aux déclarations de monsieur Dumont lorsqu’il affirme qu’il parlait à monsieur Cloutier deux ou trois fois par semaine, sinon quasi quotidiennement, que c’est ce dernier qui prenait toutes les décisions et que lui-même n’était que l’exécutant des décisions de monsieur Cloutier.
[133] En effet, il est très peu crédible qu’il ait été en communication avec monsieur Cloutier à une telle fréquence surtout dans le contexte où lui-même ne pouvait pas appeler directement celui-ci.
[134] Cela dit, même si monsieur Dumont a pu être en contact avec monsieur Cloutier, la preuve fondée sur ses seules allégations demeure insuffisante pour établir que monsieur Cloutier administrait et gérait seul la compagnie et qu’il prenait seul les décisions. Le tribunal souscrit à l’argument du représentant de la CSST voulant qu’il soit invraisemblable qu’il puisse assumer ces fonctions de manière efficace et réaliste en étant détenu dans un pénitencier. Monsieur Dumont s’occupait nécessairement de la gestion de l’entreprise et il participait, selon toute probabilité, aux décisions concernant ses opérations.
[135] Le tribunal retient donc de la preuve prépondérante que monsieur Dumont était un dirigeant de Déménagex.
[136] L’existence du contrat de travail daté du 30 janvier 2009 ne change rien à cette situation. D’abord, la valeur probante de ce document peut être remise en cause, ne serait-ce que parce que la date qui est indiquée pour sa conclusion est erronée. De plus, les notions de dirigeant et de travailleur n’excluent pas qu’un dirigeant d’une personne morale puisse exécuter un travail autre que celui de direction pour celle-ci.
[137] À partir de l’entrée en fonction de monsieur Bernier, la situation a peut-être un peu changé parce que ce dernier s’occupait « des chiffres ». Mais, comme il l’indique à différentes reprises au cours de son témoignage, son implication s’est limitée à ce domaine et c’est toujours monsieur Dumont qui a continué à gérer les opérations de Déménagex et qui est demeuré, selon la preuve, un dirigeant dans les faits de la compagnie.
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25 Précitée, note 5.
[Nos soulignements]
[41] Cette analyse permet donc de conclure que, dans les faits, monsieur Dumont n’est pas un travailleur au sens de la loi mais bien un dirigeant.
[42] Le tribunal comprend que monsieur Dumont a une interprétation tout autre de la preuve. Une telle divergence d’interprétation ne peut toutefois permettre de conclure que la décision de la Commission des lésions professionnelles serait entachée d’une erreur grave, manifeste et déterminante sur l’issue de la contestation.
[43] Tel qu’indiqué, le premier juge administratif apprécie la preuve soumise. On constate, entre autres, qu’il évalue la valeur probante de celle-ci et particulièrement du témoignage de monsieur Dumont. Les paragraphes [132], [133] et [134] en sont de bons exemples.
[44] Faut-il rappeler que le premier juge administratif occupe un siège de choix pour apprécier cette preuve. Il a sous la main non seulement l’ensemble de la preuve, mais il a également le privilège de recevoir les témoignages. Il peut ainsi les apprécier en relevant les imprécisions, incohérences, contradictions ou bonifications. Il peut donc mieux évaluer la fiabilité ou la crédibilité d’un témoignage.
[45] Il pourrait donc s’avérer hasardeux, au stade du recours en révision, de substituer sa propre appréciation de la preuve, et particulièrement de la crédibilité d’un témoin, à celle du premier juge administratif.
[46] C’est d’ailleurs l’enseignement livré par la Cour d’appel du Québec dans sa décision Bédard et Commission des lésions professionnelles[8], lorsqu’elle constate qu’un juge de première instance a substitué son appréciation à celle de la Commission des lésions professionnelles sur une question de crédibilité :
[10] La troisième erreur commise par la juge de première instance consiste à avoir substitué sa propre appréciation de la crédibilité de l’intimé à celle de la CLP. La juge d’instance écrit, en effet, que la version de l’intimé est demeurée « constante » sur le fait que la douleur est apparue au moment où il circulait en autobus. L’examen de la décision de la CLP permet de constater que la détermination de la CLP, selon laquelle l’appelant n’était pas crédible, n’a pas été faite dans un vide factuel. De plus, cette évaluation reposait sur une interprétation qui n’était pas déraisonnable.
[notre soulignement]
[47] Tel est le cas dans la présente cause. Une lecture des paragraphes [130] à [137] de la décision du 24 février 2014 permet de constater que l’appréciation de la crédibilité de monsieur Dumont n’a pas été faite dans un vide factuel.
[48] Étant un dirigeant au sens de la loi, monsieur Dumont doit avoir une protection personnelle pour avoir droit aux prestations recherchées. C’est ce que le premier juge administratif analyse aux paragraphes [138] à [146] :
[138] Étant considéré un dirigeant de Déménagex et de la compagnie 9198-4518 Québec inc., monsieur Dumont devait bénéficier d’une protection personnelle pour avoir droit aux prestations prévues par la loi conformément aux articles 18, 20 et 21 de la loi, lesquels se lisent comme suit :
18. Le travailleur autonome, le domestique, la ressource de type familial, la ressource intermédiaire, l'employeur, le dirigeant ou le membre du conseil d'administration d'une personne morale peut s'inscrire à la Commission pour bénéficier de la protection accordée par la présente loi.
Toutefois, un travailleur qui siège comme membre du conseil d'administration de la personne morale qui l'emploie n'a pas à s'inscrire à la Commission pour bénéficier de la protection de la présente loi lorsqu'il remplit ses fonctions au sein de ce conseil d'administration.
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1985, c. 6, a. 18; 1999, c. 40, a. 4; 2006, c. 53, a. 5; 2009, c. 24, a. 73.
20. Une lésion professionnelle subie par une personne inscrite à la Commission donne droit aux prestations prévues par la présente loi comme si cette personne était un travailleur.
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1985, c. 6, a. 20.
21. L'inscription à la Commission est faite au moyen d'un avis écrit indiquant le nom et l'adresse de la personne à inscrire, le lieu, la nature et la durée prévue des travaux et le montant pour lequel la protection est demandée.
Ce montant ne peut être inférieur au revenu brut annuel déterminé sur la base du salaire minimum en vigueur lors de l'inscription et ne peut excéder le maximum annuel assurable établi en vertu de l'article 66.
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1985, c. 6, a. 21.
[139] Le 20 juillet 2009, monsieur Dumont n’était pas inscrit à la CSST pour bénéficier d’une protection à titre de dirigeant de Déménagex et la seule déclaration d’un salaire de 20 000 $ dans la masse salariale prévue pour l’année 2009 ne constitue pas une demande de protection personnelle.
[140] Dans la décision Roy et Service Électro Marine G.R. inc.26, la Commission des lésions professionnelles écrit à ce sujet :
[43] Or, depuis le 1er janvier 2007, la Commission des lésions professionnelles retient que le dirigeant ou enfin, le membre du conseil d’administration d’une personne morale, qui se blesse en exécutant des fonctions de travailleur pour la même personne morale, doit détenir une protection personnelle au moment de la survenance de l’événement et ce, si elle veut bénéficier des avantages prévus à la loi.
[44] Par conséquent, le seul fait de déclarer son revenu, à titre de travailleur, dans la masse salariale ou de tout simplement inscrire son revenu à la ligne 5 de la déclaration des salaires, ne signifie pas pour autant qu’on ait demandé une protection personnelle et qu’on en détienne une, en indiquant qu’on est administrateur.
[45] En effet, le législateur a spécifiquement prévu que la personne qui désire une protection personnelle doit souscrire aux formalités prévues par la loi, soit remplir une demande de protection personnelle et ce, en y précisant le nom de la personne pour qui la protection personnelle est demandée et toute autre information pertinente, telle que prévue à l’article 21 de la loi.
[141] Il est vrai que monsieur Dumont a été induit en erreur par la CSST qui a estimé pendant un certain temps qu’il était un travailleur et non un dirigeant de Déménagex et que pour remédier à cette situation, on pourrait considérer à la limite que la cotisation de 2 661 $ qui a été payée par l’employeur à la CSST pour l’année 2009 pour la masse salariale de 20 000 $ pourrait valoir comme cotisation d’une protection personnelle de 20 000 $.
[142] Toutefois, il n’y a aucune preuve au dossier qui démontre que n’eût été cette erreur, monsieur Dumont aurait souscrit à une protection personnelle à titre de dirigeant avant le 20 juillet 2009.
[143] En effet, il a toujours prétendu qu’il était un travailleur au sens de la loi et quand il réclamait d’être couvert par la loi par une protection personnelle ou autrement, c’était à titre de travailleur et non pas de dirigeant. Cela ressort clairement de la contestation qu’il a déposée à la Commission des lésions professionnelles de la décision de la CSST du 23 décembre 2010 dans laquelle elle décide qu’il peut souscrire à une protection personnelle parce qu’il est un dirigeant de Déménagex.
[144] Compte tenu des explications qu’il a données le 15 mai 2013, on comprend en définitive que la position de monsieur Dumont à ne pas être considéré comme un dirigeant de Déménagex, alors qu’il en assume dans les faits la direction et la gestion, apparaît motivée essentiellement par sa crainte de ne plus être admissible aux prestations d’assurance-emploi pendant les périodes de diminution des activités de la compagnie.
[145] Étant donné la conclusion à laquelle en vient le tribunal, il va de soi que la CSST devra procéder à un réajustement de la cotisation de l’employeur pour l’année 2009.
[146] Après considération de la preuve prépondérante au dossier, des arguments soumis par monsieur Dumont et par le représentant de la CSST et de la jurisprudence sur la question, la Commission des lésions professionnelles en vient à la conclusion que monsieur Dumont était un dirigeant de Déménagex en date du 20 juillet 2009, qu’il ne bénéficiait pas d’une protection personnelle lors de l’événement survenu à cette date, qu’il n’a pas droit aux prestations prévues par la loi et que la CSST est justifiée de lui réclamer la somme de 1 608,55 $ que l’employeur lui a versée pour la période des 14 premiers jours d’incapacité.
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25 Précitée, note 5.
26 C.L.P. 325719-31-0708, 7 avril 2008, C. Lessard.
[49] Quant au fait que la CSST l’aurait d’abord déclaré travailleur au sens de la loi, alors qu’il demandait d’être couvert à titre de travailleur ou d’avoir une protection personnelle, force est de constater que cet aspect est analysé par le premier juge administratif aux paragraphes [141] à [145] de sa décision. Le tribunal n’a pas à remettre en cause cette analyse.
[50] De toute évidence, monsieur Dumont n’est pas d’accord avec celle-ci. Un tel désaccord ne peut toutefois justifier une révision de la décision de la Commission des lésions professionnelles. En exprimant ce désaccord, monsieur Dumont ne démontre aucunement que la décision de la Commission des lésions professionnelles du 24 février 2014 serait affectée d’une erreur fatale, entachant son essence même[9], mais recherche plutôt une nouvelle appréciation de la preuve. Le recours en révision ne peut servir à cette fin.
[51] En effet, comme l’indique la Cour d’appel dans l’affaire précitée CSST c. Fontaine[10], il appartient d’abord au premier juge administratif d’interpréter la loi et la preuve soumise. C’est son interprétation qui, toutes choses étant par ailleurs égales, doit prévaloir. Il ne saurait s’agir pour le tribunal, agissant au stade du recours en révision ou révocation, de substituer à l’opinion ou l’interprétation des faits ou du droit du premier juge administratif une seconde opinion ni plus ni moins défendable que la première[11].
[52] La décision du premier juge administratif est motivée. Sa motivation est intelligible. L’on comprend aisément le raisonnement suivi pour arriver aux conclusions retenues quant au fait que monsieur Dumont n’est pas un travailleur au sens de la loi mais plutôt un dirigeant de Déménagex inc. et qu’à ce titre, l n’est pas inscrit à la CSST pour bénéficier d’une protection accordée par la loi. Ce faisant, il n’a pas droit aux prestations prévues à la loi à la suite de l’événement du 20 juillet 2009 et que la CSST est donc justifiée de lui réclamer le remboursement de la somme de 1 608,55 $.
[53] La requête en révision de monsieur Dumont est donc rejetée.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête en révision déposée le 23 mars 2014 par monsieur Jacques Dumont.
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SOPHIE SÉNÉCHAL |
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Me Gaétan Gauthier |
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VIGNEAULT THIBODEAU BERGERON |
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Représentant de la partie intervenante |
[1] RLRQ, c. A-3.001.
[2] [1998] C.L.P. 733; voir aussi Franchellini et Sousa, [1998] C.L.P. 783.
[3] [2005] C.L.P. 626 (C.A.).
[4] Voir également Bourassa c. C.L.P., [2003] C.L.P. 601 (C.A.), requête pour permission de pourvoi à la Cour suprême rejetée.
[5] Voir également CSST c. Touloumi, [2005] C.L.P. 921 (C.A.).
[6] 2014 QCCA 1067.
[7] Moreau c. Régie de l’assurance maladie du Québec, 2014 QCCA 1067; Coulombe et Arcelormittal Mines Canada inc., 2014 QCCLP 5804; Commission scolaire de la Beauce- Etchemin et Bolduc, 2014 QCCLP 4549; Chouinard et Portes Rageot, 2014 QCCLP 4487.
[8] C.A. Québec, 200-09-006828-096, jj. Thibault, Rochette, Viens.
[9] Précitée note 6.
[10] Précitée, note 3.
[11] Voir également Tribunal administratif du Québec c. Godin, [2003] R.J.Q. 2490 (C.A.); Amar c. CSST, [2003] C.L.P. 606 (C.A.).
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