Dechamplain c. 6649611 Canada inc. (VR St-Nicolas) |
2017 QCCQ 11205 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
RIMOUSKI |
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LOCALITÉ DE |
RIMOUSKI |
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« Chambre civile » |
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N° : |
100-32-005697-173 |
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DATE : |
27 septembre 2017 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
MADAME LA JUGE |
LUCIE MORISSETTE, C.Q. |
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GABRIEL DECHAMPLAIN Et ADRIENNE PARISÉ |
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demandeurs |
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c. |
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6649611 CANADA INC. faisant affaire sous le nom LES V.R. ST-NICOLAS |
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défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] Gabriel Dechamplain et Adrienne Parisé demandent l’annulation du contrat d’achat d’un véhicule motorisé payé 9772,86 $ et le remboursement de frais encourus portant leur réclamation à 15 000 $.
[2] VR St-Nicolas nie devoir cette somme. De plus, n’ayant reçu aucune mise en demeure préalable aux réparations, l’entreprise n’a pas eu l’opportunité de vérifier l’état du véhicule, ni l’occasion de procéder aux correctifs, le cas échéant.
LE CONTEXTE
[3] Gabriel Dechamplain et Adrienne Parisé rêvent de voyager dans l’Ouest américain à bord d’un véhicule motorisé. Ils se présentent chez V.R. St-Nicolas pour en acheter un.
[4] Le 18 novembre 2016, ils versent 800 $ d’acompte à la signature du contrat[1]. L’obligation totale est de 9772,86 $. Il s’agit d’un Motorhome Vanguard, année 1990, affichant 141 296 kilomètres. Ils ne font aucun test routier. Ils paient le solde en argent comptant à la prise de possession le 29 novembre 2016.
[5] Monsieur Dechamplain et madame Parisé prennent la route avec le motorisé et Francis Dechamplain les suit avec la voiture de madame Parisé.
[6] Francis Dechamplain voit le VR qui se dirige vers la gauche sans raison apparente. Gabriel Dechamplain explique que le VR tire à droite puis, tout à coup, part du côté gauche vers l’accotement. Il a la frousse.
[7] Rendu à Sainte-Anne-de-la-Pocatière, il arrête et appelle le remorqueur de Rimouski. Ils ne s’entendent pas sur les modalités de transport. Ensuite, monsieur Dechamplain et son fils poursuivent leur route jusqu’à Rimouski.
[8] Madame Parisé est très stressée lors ce voyage. Elle est sûre que le véhicule va capoter. Selon elle, il s’agit d’un stress inutile qui lui a occasionné de l’anxiété. De plus, le véhicule ne lui inspire plus confiance. Voilà pourquoi, elle repart avec son véhicule.
[9] Le lendemain, Gabriel Dechamplain appelle le vendeur Philippe Alcaraz. Il met la ligne en attente. Monsieur Dechamplain raccroche et rappelle plus tard. Un autre homme lui répond et il laisse un message. Il ne reçoit aucun retour d’appel de Philippe Alcaraz.
[10] Il prend rendez-vous au Centre du camion Denis puisque le VR ne démarre pas. Il paie 100 $ de remorquage en argent comptant à son ami Roger.
[11] Il réclame le remboursement de frais de 817,70 $[2] payés à la SAAQ pour l’émission d’un certificat d’immatriculation temporaire pour réparer, modifier, peser, vérifier ou inspecter le véhicule, valide du 9 au 12 décembre 2016.
[12] Selon monsieur Dechamplain, la problématique est dans la boite de direction assistée « steering ». Aucun mécanicien ou expert ne témoigne. Seules des factures sont présentées au Tribunal. Le détail de la facture révèle notamment des réparations ou vérifications à la conduite du VR, ajustement des bearings de roue, vidange d’huile, changements des filtres.
[13] Avant les vérifications et réparations au Centre du camion Denis, le garage lui donne une estimation[3] des coûts. Ce dernier consent à la réparation. Il paie 1803,35 $ le 9 décembre 2016.
[14] Le 12 décembre, un travail mécanique est effectué sur la transmission et coûte 453,27 $. Monsieur Dechamplain réclame aussi huile et filtre (76,40 $) chez Canadian Tire et une évaluation pour l’assurance (120 $) ainsi que des frais de poste de 13,74 $.
[15] Le 28 décembre 2016, il adresse une mise en demeure[4] et réclame 15 000 $ dans un délai de 17 jours. Il relate avoir payé 499 $ pour un kit de démarrage. Il a demandé, avant la prise de possession, de vérifier les « bearing » de roues, l’état des freins et les bougies. Les huit bougies sont changées et il paie 289,20 $[5]. Il ne fait pas d’essai routier. Il mentionne un appel téléphonique au vendeur le 16 décembre, sans retour d’appel. Il s’engage à aviser le vendeur du lieu de remisage du VR lorsqu’il aura reçu 15 000 $.
[16] La propriétaire du garage, madame Doris Gauthier, est en vacances quand la mise en demeure est reçue par sa compagnie. En Floride, elle reçoit, sans invitation, monsieur Jacques Parisé, frère de la coacheteuse Adrienne Parisé. Madame Gauthier explique que cette visite inattendue n’est pas agréable.
[17] Elle communique avec monsieur Dechamplain le 21 janvier 2017. Elle lui demande où se trouve le véhicule pour qu’elle puisse l’inspecter. Il refuse de lui révéler l’endroit d’entreposage du VR. Il la somme de lui verser 15 000 $ et ensuite il lui dira où est le VR.
[18] Elle se sent coincée. Elle n’est pas en mesure de vérifier l’état mécanique de ce véhicule alors que le client demande l’annulation du contrat. Par ailleurs, il n’y avait pas urgence d’effectuer les réparations de plus de 1800 $. Aucune mise en demeure préalable n’est transmise au garage.
[19] Daniel Légaré est l’ancien propriétaire du VR. Il enseigne la mécanique au collégial, mais ne vient pas témoigner à titre d’expert.
[20] Le 30 avril 2016, il achète le VR Motorhome Vanguard année 1990 pour 12 500 $. Il veut faire une période d’essai avant d’acheter un VR neuf qui représente une dépense substantielle. En septembre 2016, il échange le multi VR et un crédit 15 000 $ lui est accordé.
[21] Il roule 3000 kilomètres durant la période où il en est propriétaire. Il se rend à La Tuque, Mont-Joli, Saint-Georges-de-Beauce et ne rencontre aucun problème d’ordre mécanique. Il reconnait toutefois qu’il y a un jeu dans le volant, mais rien de dangereux. Il circule facilement à une vitesse de 90 à 100 km/h sans inquiétude.
[22] En revanche, il s’agit d’un véhicule datant de 26 ans et il se questionne sur la fiabilité de la mécanique.
L’ANALYSE
[23]
Le fardeau de preuve en matière civile est prévu aux articles
2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu’un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.
2804. La preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n’exige une preuve plus convaincante.
[24] Les articles pertinents portant sur les vices cachés sont ainsi libellés :
1726. Le vendeur est tenu de garantir à l’acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l’usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l’acheteur ne l’aurait pas acheté, ou n’aurait pas donné si haut prix, s’il les avait connus.
1739. L’acheteur qui constate que le bien est atteint d’un vice doit, par écrit, le dénoncer au vendeur dans un délai raisonnable depuis sa découverte. Ce délai commence à courir, lorsque le vice apparaît graduellement, du jour où l’acheteur a pu en soupçonner la gravité et l’étendue. Le vendeur ne peut se prévaloir d’une dénonciation tardive de l’acheteur s’il connaissait ou ne pouvait ignorer le vice.
[25] Les articles suivants de la Loi sur la protection du consommateur sont d’intérêt :
37. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à l’usage auquel il est normalement destiné.
38. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.
53. Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d’exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur un vice caché du bien qui a fait l’objet du contrat, sauf si le consommateur pouvait déceler ce vice par un examen ordinaire.
Il en est ainsi pour le défaut d’indications nécessaires à la protection de l’utilisateur contre un risque ou un danger dont il ne pouvait lui-même se rendre compte.
Ni le commerçant, ni le fabricant ne peuvent alléguer le fait qu’ils ignoraient ce vice ou ce défaut.
Le recours contre le fabricant peut être exercé par un consommateur acquéreur subséquent du bien.
272. Si le commerçant ou le fabricant manque à une obligation que lui impose la présente loi, un règlement ou un engagement volontaire souscrit en vertu de l’article 314 ou dont l’application a été étendue par un décret pris en vertu de l’article 315.1, le consommateur, sous réserve des autres recours prévus par la présente loi, peut demander, selon le cas:
a) l’exécution de l’obligation;
b) l’autorisation de la faire exécuter aux frais du commerçant ou du fabricant;
c) la réduction de son obligation;
d) la résiliation du contrat;
e) la résolution du contrat; ou
f) la nullité du contrat,
sans préjudice de sa demande en dommages-intérêts dans tous les cas. Il peut également demander des dommages-intérêts punitifs.
[26]
De plus, la lecture de l’article
1595. La demande extrajudiciaire par laquelle le créancier met son débiteur en demeure doit être faite par écrit.
Elle doit accorder au débiteur un délai d'exécution suffisant, eu égard à la nature de l'obligation et aux circonstances; autrement, le débiteur peut toujours l'exécuter dans un délai raisonnable à compter de la demande.
[27]
En matière de vices cachés, le Tribunal doit s’assurer que les
conditions établies par la jurisprudence[6]
et celles des articles
§ Le vice doit être grave, c’est-à-dire qu’il doit diminuer significativement l’utilité du bien vendu;
§ Le vice doit être inconnu de l’acheteur au moment de la vente;
§ Le vice doit être caché, c’est-à-dire non apparent au moment de la vente;
§ Le vice doit être antérieur à la vente;
§ Il s’agit réellement d’un vice et non d’une usure ou d’une détérioration résultant de l’usage normal d’un bien;
§ L’acheteur n’aurait pas acheté ou n’aurait pas donné si haut prix s’il avait connu le vice;
§ Il doit y avoir dénonciation écrite par l’acheteur au vendeur dans un délai raisonnable de la découverte du vice.
[28] À première vue, le Tribunal est d’avis qu’il ne s’agit pas de vices cachés, mais plutôt de vétusté ou d’usure d’un véhicule routier qui date de 26 ans.
[29] Toutefois, en l’absence d’expertise pour démontrer la cause des problèmes ayant amené les réparations apportées au VR, le Tribunal traitera le dossier comme s’il en est un de vices cachés.
[30] Il est bien établi par une jurisprudence[7] constante que pour réclamer des réparations pour vices cachés, il faut au préalable mettre en demeure par écrit son vendeur avant de procéder aux réparations.
[31]
L’exigence de la dénonciation du vice de l’article
[32] La dénonciation du vice[8] permet au vendeur de faire ses propres constatations et de protéger ses droits (contre-expertise, réparations à un prix moindre que celui exigé par l’acheteur).
[33] La dénonciation est une condition de mise en œuvre de la garantie. Selon les circonstances et la gravité du préjudice en résultant, l’omission de dénoncer peut être fatale à une demande en justice[9] pour récupérer le coût des travaux de réparation.
[34] Toutefois, la mise en demeure n’est pas nécessaire s’il y a urgence[10].
[35] De l’avis du Tribunal, monsieur Dechamplain ne s’est pas déchargé de son fardeau de démontrer que sa situation en est une qui répond aux caractéristiques de l’urgence lui permettant de bénéficier de l’exception à la règle de l’obligation de transmettre un avis écrit. Il n’y a pas urgence puisque le véhicule est remorqué et en lieu sûr. Madame la juge Mainville, dans l’affaire SG2C inc. [11] en traite ainsi :
[69] Comme le Tribunal l’a dit, la jurisprudence révèle que la notion d’urgence est celle d’un péril, d’un dépérissement immédiat du bien. Chaque cas s’apprécie en fonction des circonstances qui lui sont propres, mais il faut néanmoins une preuve que la situation était telle que l’acheteur n’a pas réellement d’autre choix afin de mitiger ses dommages que de procéder très rapidement aux travaux de réhabilitation. Il ne suffit pas simplement pour l’acheteur de démontrer que, s’il effectue les travaux dans l’immédiat, les coûts se révéleront moindres ultimement. Il faut qu’il y ait péril du bien ou danger pour lui-même ou pour autrui.
[36] De plus, lors de l’appel de madame Gauthier, monsieur Dechamplain ne donne pas une opportunité réelle au vendeur de corriger ou de vérifier la problématique dénoncée. Il refuse de l’informer du lieu de remisage du VR.
[37] Même si le représentant de VR St-Nicolas n’a pas rappelé monsieur Dechamplain, cela ne le soustrait pas de son obligation de dénonciation. Dans le présent cas, le Tribunal n’est pas convaincu que cet appel a eu lieu le 30 novembre 2016. À ce sujet, la mise en demeure signée par monsieur Dechamplain le 28 décembre fait référence à un appel du 16 décembre 2016. Or, à cette date, les réparations sont déjà effectuées depuis le 9 décembre 2016.
[38] Il n’y a aucune dénonciation ni mise en demeure avant les réparations autorisées par monsieur Dechamplain. Cette omission est fatale.
[39] De plus, monsieur Dechamplain ne présente pas de preuve donnant ouverture à l’annulation du contrat.
[40] En conséquence, le Tribunal conclut que le demandeur a failli dans la démonstration du bien-fondé de sa réclamation.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[41] REJETTE la demande avec les frais de justice de 300 $.
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__________________________________ LUCIE MORISSETTE, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
29 août 2017 |
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[1] P-1 B contrat du 18 novembre 2016.
[2] P-2 relevé du 8 décembre 2016.
[3] P-4 facture de 1803,35 $ du Centre du Camion Denis du 6 décembre 2016.
[4] P-1 A mise en demeure sur le formulaire prescrit par la Loi sur la protection du consommateur réclamation de 15 000 $ dans un délai de 17 jours.
[5] P-3.
[6]
ABB inc. c. Domtar inc.,
[7] Caron c. Centre Routier inc., 1989 CanLII 1178 (QCCA).
[8] Gendron
c. Cartier,
[9] Claude Joyal inc. c. CNH Canada Ltd.,
[10]
Immeubles de l'Estuaire phase III inc. c. Syndicat des copropriétaires de l'Estuaire
Condo phase III,
[11]
SG2C inc. c. Morin,
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.