Décision

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Bell Canada c. Aka-Trudel

2018 QCCA 829

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

N° :

500-09-026480-160

(500-06-000529-103)

 

DATE :

17 mai 2018

 

 

CORAM :

LES HONORABLES

ALLAN R. HILTON, J.C.A.

MARTIN VAUCLAIR, J.C.A.

GENEVIÈVE MARCOTTE, J.C.A.

 

 

BELL CANADA

BELL MOBILITÉ INC.

APPELANTES - défenderesses

c.

 

LOUIS AKA-TRUDEL

INTIMÉ - demandeur-représentant

et

PROCUREURE GÉNÉRALE DU QUÉBEC

INTIMÉE - mise en cause

 

 

ARRÊT

 

 

[1]           Les appelantes se pourvoient contre un jugement rendu en cours d’instance, le 31 octobre 2016, par la Cour supérieure, district de Montréal (l’honorable Lucie Fournier), qui a rejeté leur requête en exception déclinatoire.

[2]           Pour les motifs du juge Vauclair, auxquels souscrivent les juges Hilton et Marcotte, LA COUR :

[3]           REJETTE l’appel, avec les frais de justice.

 

 

 

 

ALLAN R. HILTON, J.C.A.

 

 

 

 

 

MARTIN VAUCLAIR, J.C.A.

 

 

 

 

 

GENEVIÈVE MARCOTTE, J.C.A.

 

Me Pierre Bienvenu

Me Andres Garin

Me Frédéric Wilson

NORTON ROSE FULBRIGHT CANADA

Pour les appelantes

 

Me André Lespérance

Me Mathieu Charest-Beaudry

TRUDEL JOHNSTON & LESPÉRANCE

et

Me Guy Paquette, avocat conseil

Aline Elofer, stagiaire

PAQUETTE GADLER INC.

Pour Louis Aka-Trudel

 

Me Samuel Chayer

BERNARD, ROY (JUSTICE-QUÉBEC)

Pour Procureure générale du Québec

 

Date d’audience :

20 avril 2018


 

 

MOTIFS DU JUGE VAUCLAIR

 

 

 

[4]           Les appelantes n’ont pas convaincu la Cour supérieure du bien-fondé de leur  requête en exception déclinatoire : 2016 QCCS 5180. Elles ont obtenu la permission d’appeler, que le juge d’appel a limitée à la seule question de la compétence, à l’exclusion de toute question constitutionnelle : 2017 QCCA 64, par. 11.

[5]           Sur cette question autorisée, les appelantes soulèvent quatre moyens d’appel. La juge aurait omis de tenir compte de la jurisprudence pertinente reconnaissant une compétence exclusive au CRTC, elle aurait ignoré le paragraphe 72(3) de la Loi sur les télécommunications L.C. 1993, ch. 38 (la « Loi »), elle aurait erré en interprétant la décision d'abstention du CRTC, puis elle aurait rendu une décision qui menace l'intégrité du régime créé par la Loi en matière de frais et de tarifs de services de télécommunication. Ce dernier argument relève davantage de l’argument constitutionnel qui n’a pas été autorisé et la Cour n’a pas à y répondre.

*

[6]           Bell Canada et Bell Mobilité inc. (« les appelantes ») sont des entreprises de communications canadiennes dont les activités sont régies notamment par la Loi et par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (« CRTC »), un organisme national spécialisé dont le rôle consiste à surveiller et à réglementer les télécommunications au Canada, lui-même créé par Loi sur le conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, LRC 1985, ch. C-22.

[7]           L’intimé Aka-Trudel (« l’intimé ») est client auprès des appelantes pour des services Internet et de téléphonie cellulaire. Il prétend qu’à compter du 1er juin 2010, en cours de contrat, les appelantes ont unilatéralement haussé le taux d’intérêt applicable sur les comptes en souffrance. Dans le cas de Bell Mobilité inc., ceux-ci passent de 2 % à 3 % par mois ou de 26,82 % à 42,58 % par année, soit une hausse de 58 %, qualifiée d’abusive par l’intimé.

[8]           Par conséquent, l'intimé dépose une action collective le 28 octobre 2010. Elle est autorisée par jugement le 16 décembre 2011 (jugement rectifié le 22 février 2012) qui, après une analyse des faits allégués, définit les questions en litige. Le 17 avril 2014, dans sa requête introductive d'instance, l’intimé reprend les questions de fait et de droit figurant au jugement d'autorisation et y soulève le caractère abusif et lésionnaire des frais de retard imposés par les appelantes.

[9]           Le 21 août 2014, les appelantes présentent leur requête en exception déclinatoire par laquelle elles demandent à la Cour supérieure de décliner compétence en faveur du CRTC. Elles prétendent que ce dernier a la compétence exclusive sur les questions et les différends reliés aux tarifs des services de télécommunication, la législation fédérale prévoyant un régime complet en la matière.

[10]        L’intimée Procureure générale du Québec (« la PGQ ») intervient au dossier et appuie la compétence de la Cour supérieure.

**

[11]        Il n’est certainement pas nécessaire d’écrire longuement sur la compétence de la Cour supérieure, le tribunal de droit commun au Québec. Cette compétence n’est restreinte que par une disposition formelle et expresse, laquelle doit, le cas échéant, être interprétée restrictivement : WestJet c. Chabot, 2016 QCCA 584 (demande d’autorisation d’appel rejetée, CSC no 37027, 2016-10-27) (« WestJet »); Garland c. Consumers' Gas Co., [2004] 1 R.C.S. 629, par. 68.

[12]        Ainsi, la compétence de la Cour supérieure ne sera écartée qu’en vertu d’une disposition législative expresse et claire : WestJet, par. 40-45; Succession Ordon c. Grail, [1998] 3 R.C.S. 437 par. 44-46.

[13]        Au regard des arguments de l’appelante, il est utile de répéter ce que la juge Hogue expliquait, pour la Cour, dans WestJet. Elle y reprenait l’arrêt Ordon c. Grail, précité, par. 46, où la Cour suprême note que depuis le XVIIe siècle, on exige une loi claire et expresse pour conclure au retrait de compétence d’une cour supérieure en faveur d’un tribunal statutaire :

46.         Comme tribunal d’origine législative, la Cour fédérale du Canada ne peut exercer que les compétences qui lui sont attribuées par la loi et, compte tenu du principe de la compétence générale inhérente des cours supérieures provinciales, le Parlement doit, pour attribuer compétence à la Cour fédérale, exprimer explicitement cette intention.  Il est reconnu, en particulier, que la dévolution d’une compétence exclusive à un tribunal créé par loi et la perte corrélative de cette compétence par les cours supérieures provinciales (plutôt que l’exercice d’une compétence concurrente) doit être énoncée expressément en termes clairs dans la loi.  Ce dernier principe a été exprimé très tôt, dans la décision Peacock c. Bell (1677), 1 Wms. Saund. 73, 85 E.R. 84, aux pp. 87 et 88:

 

[TRADUCTION] Et la règle en matière de compétence, c’est que rien n’est censé échapper à la compétence d’une cour supérieure sauf ce qui semble y échapper spécialement; et, inversement, rien n’est censé relever de la compétence d’une cour d’instance inférieure sauf ce qui est expressément allégué.

 

Ce principe fondamental a continué d’être appliqué jusqu’à maintenant:  Albon c. Pyke (1842), 4 Man. & G. 421, 134 E.R. 172, à la p. 174; Board c. Board, [1919] A.C. 956 (C.P.), aux pp. 962 et 963; Re Minister of Social Welfare and Rehabilitation and Dube (1963), 39 D.L.R. (2d) 302 (C.A. Sask.), à la p. 307; Canada (Commission des droits de la personne) c. Canadian Liberty Net, précité, aux par. 29 à 32; P. A. Côté, Interprétation des lois (2e éd. 1990), aux pp. 477 à 481.

 

46.         As a statutory court, the Federal Court of Canada has no jurisdiction except that assigned to it by statute.  In light of the inherent general jurisdiction of the provincial superior courts, Parliament must use express statutory language where it intends to assign jurisdiction to the Federal Court.  In particular, it is well established that the complete ouster of jurisdiction from the provincial superior courts in favour of vesting exclusive jurisdiction in a statutory court (rather than simply concurrent jurisdiction with the superior courts) requires clear and explicit statutory wording to this effect.  This latter principle finds early expression in the judgment in Peacock v. Bell (1677), 1 Wms. Saund. 73, 85 E.R. 84, at pp. 87-88:

 

 

 

 

And the rule for jurisdiction is, that nothing shall be intended to be out of the jurisdiction of a Superior Court, but that which specially appears to be so; and, on the contrary, nothing shall be intended to be within the jurisdiction of an Inferior Court but that which is so expressly alleged.

 

 

This basic principle continues to be applied up to the present day: see Albon v. Pyke (1842), 4 Man. & G. 421, 134 E.R. 172, at p. 174; Board v. Board, 1919 CanLII 546 (UK JCPC), [1919] A.C. 956 (P.C.), at pp. 962-63; Re Minister of Social Welfare and Rehabilitation and Dube (1963), 1963 CanLII 402 (SK CA), 39 D.L.R. (2d) 302 (Sask. C.A.), at p. 307; Canada (Human Rights Commission) v. Canadian Liberty Net, supra, at paras. 29-32; P.-A. Côté, The Interpretation of Legislation in Canada (2nd ed. 1991), at pp. 417-20.

 

Voir aussi Canada (Procureur général) c. TeleZone Inc., [2010] 3 R.C.S. 585, par. 43.

[14]        Le recours aux règles d’interprétation pour établir une compétence implicite n’intervient que pour démontrer l’étendue de la compétence explicitement et formellement attribuée au tribunal statutaire: WestJet, par. 52-57.

[15]        Pour identifier le tribunal compétent à l’égard d’un recours, il faut procéder à une analyse pragmatique et fonctionnelle de celui-ci pour en déterminer la nature et l’objet véritables : WestJet, par. 30 ou, comme il est dit dans l’arrêt Windsor (City) c. Canadian Transit Co., [2016] 2 R.C.S. 617, au par. 25, selon « une appréciation réaliste du résultat concret visé par le demandeur ».

[16]        Le problème en l’espèce tient à ce que les parties ne qualifient pas le litige de la même manière : pour les appelantes, le différend est lié au caractère juste et raisonnable des tarifs et des frais de retard imposés par les entreprises de télécommunication canadiennes, ce qui serait au cœur même de la compétence du CRTC. Elle tente ainsi de raccrocher les reproches à la compétence réglementaire du CRTC que lui accorde notamment la partie III de la Loi en matière de tarifs et le paragraphe 72(3) de la Loi.

[17]        L’intimé répète pour sa part qu’il n’invoque que le droit privé au soutien de son action collective, soit la faute contractuelle des appelantes en vertu du droit civil et des dommages punitifs en vertu de la Loi sur la protection du consommateur, RLRQ, ch. P-40.1 (« L.p.c. »), notamment en matière de frais abusifs dans les contrats d’adhésion et de consommation. Ces règles s’appliquent également aux entreprises œuvrant dans le domaine des télécommunications. Selon l’intimé, ni le paragraphe 72(3) de la Loi ni aucun texte législatif n’attribuent une compétence exclusive au CRTC pour entendre des actions fondées sur le droit civil.

[18]        Comme la juge le constate dans son jugement d’autorisation, le litige se fonde sur le droit privé, c’est-à-dire les obligations contractuelles prévues au Code civil du Québec, RLRQ, c. C-1991, notamment à son article 1437 C.c.Q. et les articles 8 et 272 de la L.p.c. Les appelantes ne peuvent pas reformuler à leur guise la véritable nature du recours pour satisfaire leur argumentaire. À moins de démontrer que la définition des questions dans le jugement est erronée, ce qu’elles ne démontrent pas, la déférence s’impose. La Cour partage cette qualification qui est amplement soutenue par une analyse pragmatique et fonctionnelle des procédures de l’intimé au dossier.

[19]        La faute alléguée réside dans la hausse unilatérale et abusive des frais de retard. L’intimé prétend que des dommages en découlent et finalement, il recherche aussi, invoquant la L.p.c., des dommages punitifs. Le fait que le recours allègue des éléments pouvant toucher un examen de la tarification n’en change pas la nature fondamentale; un recours n’est jamais désincarné.

[20]        L’intimé ne se fonde sur aucun manquement aux dispositions de la Loi ou d’une loi spéciale ou encore à une décision ou un règlement pris au titre de celles-ci comme source du recours. On reconnaît ici le libellé de l’article 72 de la Loi, invoqué par les appelantes comme disposition attributive d’une compétence adjudicative exclusive au CRTC, et plus particulièrement le paragraphe 72(3).

[21]        Il convient de reproduire intégralement l’article 72 de la Loi :

72. (1) Sous réserve des limites de responsabilité fixées sous le régime de la présente loi ou de toute autre loi, quiconque a subi une perte ou un dommage par suite d’un manquement soit aux dispositions de la présente loi ou d’une loi spéciale, soit à une décision ou un règlement pris au titre de celles-ci, peut en poursuivre, devant le tribunal compétent, le recouvrement contre le contrevenant ou celui qui a ordonné ou autorisé le manquement, ou qui y a consenti ou participé.

 

(2) Les actions en recouvrement se prescrivent par deux ans à compter de la date du manquement.

 

 

 

(3) Les paragraphes (1) et (2) ne s’appliquent pas aux actions intentées pour rupture de contrat portant sur la fourniture de services de télé­communication ni aux actions en dommages-intérêts relatives aux tarifs imposés ou perçus par les entreprises canadiennes.

72. (1) Subject to any limitation of liability imposed in accordance with this or any other Act, a person who has sustained loss or damage as a result of any act or omission that is contrary to this Act or any special Act or a decision or regulation made under either of them may, in a court of competent jurisdiction, sue for and recover an amount equal to the loss or damage from any person who engaged in, directed, authorized, consented to or participated in the act or omission.

 

(2) An action may not be brought in respect of any loss or damage referred to in subsection (1) more than two years after the day on which the act or omission occurred.

 

(3) Nothing in subsection (1) or (2) applies to any action for breach of a contract to provide telecommunica­tions services or any action for damages in relation to a rate charged by a Canadian carrier.

 

 

[Soulignements ajoutés.]

 

[22]        La PGQ a raison d’écrire dans son mémoire que cette disposition ne trouverait application que dans les cas où la cause d’action résulte d’un manquement aux dispositions de la Loi ou d’une loi spéciale ou encore à une décision ou un règlement pris au titre de celles-ci, tel que précisé au paragraphe 72(1). Comme il a été mentionné, rien de cela n’est invoqué dans le recours de l’intimé.

[23]        À cet égard, la juge a raison de noter que le CRTC s’est abstenu, comme le lui permet l’article 34 de la Loi, de réglementer les frais de retard associés aux services de télécommunication visés par l’action collective de l’intimé, abstention qui n’est pas contestée par ailleurs. L’article 34 prévoit :

34(1)      Le Conseil peut s’abstenir d’exercer — en tout ou en partie et aux conditions qu’il fixe — les pouvoirs et fonctions que lui confèrent normalement les articles 24, 25, 27, 29 et 31 à l’égard des services — ou catégories de services — de télécommunication fournis par les entreprises canadiennes dans les cas où il conclut, comme question de fait, que son abstention serait compatible avec la mise en œuvre de la politique canadienne de télécommunication.

34 (1)     The Commission may make a determination to refrain, in whole or in part and conditionally or unconditionally, from the exercise of any power or the performance of any duty under sections 24, 25, 27, 29 and 31 in relation to a telecommunications service or class of services provided by a Canadian carrier, where the Commission finds as a question of fact that to refrain would be consistent with the Canadian telecommunications policy objectives.

 

[24]        Contrairement à ce qu’avancent les appelantes, la question n’est pas de déterminer si le CRTC exerce ou non sa compétence en s’abstenant de réglementer. En l’absence de réglementation, il est alors difficile de voir ce que le CRTC pourrait reprocher aux appelantes. Mais en définitive, savoir si une telle décision modifierait le sort du pourvoi est hypothétique et la Cour n’a pas à y répondre. Il s’agit plutôt de constater qu’aucune décision ou réglementation du CRTC n’est directement ou indirectement attaquée par le recours de l’intimé, ce qui pourrait contrevenir à la règle interdisant les contestations indirectes : Garland c. Consumers' Gas Co., [2004] 1 R.C.S. 629, par. 71.

[25]        Clairement, comme l’explique la juge Savard (alors à la Cour supérieure) dans l’affaire Morin c. Bell Canada, 2012 QCCS 4191, aux par. 46-47, 57, et sur laquelle le jugement attaqué s’appuie, on laisse alors le marché réguler les affaires, ce qui comporte nécessairement le recours aux tribunaux.

[26]        Ces derniers n’interviennent que sur des questions de légalité, en fonction du droit privé, et non sur des questions de réglementation ou de politique.

[27]        Le recours se distingue donc des affaires Re Mahar and Rogers Cablesystems Limited, [1995] O.J. 3711 (Ont.C.J. Gen. Div.); Sprint Canada Inc. v. Bell Canada, [1997] O.J. 4772 (Ont.C.J. Gen. Div.); B & W Entertaiment Inc. v. Telus Communications Inc., [2004] O.J. 4564 (Ont.S.C.J.); Shaw Cablesystems (SMB) Ltd. et al. v. MTS Communications Inc. et al., 2006 MBCA 29; MTS Allstream Inc. v. Telus Communication Co., 2009 ABCA 372; Penney c. Bell Canada, 2010 ONSC 2801. Dans toutes ses affaires, une analyse de la véritable nature des recours révélait que chacun, à leur manière, invoquait ou heurtait une disposition législative, une décision ou une réglementation du CRTC.

[28]        Par contre, un litige qui se fonde principalement sur une question de droit privé relève de la compétence des tribunaux civils, à l’exclusion du tribunal spécialisé qui n’a pas le pouvoir d’ordonner la réparation sollicitée. Dans un contexte similaire de frais de retard imposés par une entreprise réglementée, la Cour suprême, dans l’arrêt Garland c. Consumers' Gas Co., [2004] 1 R.C.S. 629, à son par. 70, rappelle que :

70    Le juge en chef McMurtry a également eu raison de conclure que la CEO n’a pas compétence exclusive à l’égard du présent litige.  Bien qu’il soit question d’ordonnances tarifaires, le litige porte principalement sur une question de droit privé qui relève de la compétence des tribunaux civils, de sorte que la Commission n’a pas le pouvoir d’ordonner la réparation sollicitée par l’appelant.

70     McMurtry C.J.O. was also correct in his holding that the OEB does not have exclusive jurisdiction over this dispute.  While the dispute does involve rate orders, at its heart it is a private law matter under the competence of civil courts and consequently the Board does not have jurisdiction to order the remedy sought by the appellant.

 

[Je souligne.]

 

[29]        C’est ainsi que la présente situation s’apparente davantage aux affaires Télévision communautaire et indépendante de Montréal (TVCI-MTL) c. Vidéotron, 2018 QCCA 527; Groupe TVA Inc. c. Bell Expressvu Société en commandite, 2004 CanLII 8337 (C.S.Q.); Rogers Cable TV Ltd. v. 37041 Ontario Ltd., [1996] O.J. No 2033 (Ont.C.J., Gen. Div.); MuchMusic Network c. Coast Cable Vision Ltd, 1995 CanLII 2904 (B.C.S.C.); Whistler Cable Television Ltd. c. Ipec Canada Inc., [1992] B.C.J. 2681 (B.C.S.C.). Dans toutes ces affaires, les tribunaux ont conclu que la véritable nature du recours reposait sur le droit privé relevant de la compétence des tribunaux civils, même si cela concernait des activités visées par une compétence fédérale.

[30]        En somme, les appelantes ne convainquent pas que le litige découle de la Loi ou de toute autre réglementation fédérale. Il n’y a rien dans ce litige qui interpelle la compétence spécialisée du CRTC. Même en tenant pour acquis que le paragraphe 72(3) de la Loi attribue une compétence exclusive au CRTC, ce qu'il n’est pas nécessaire de trancher, le litige ne repose aucunement sur un manquement aux dispositions de la présente Loi ou d’une loi spéciale, soit à une décision ou un règlement pris au titre de celles-ci.

[31]        L’appelante n'identifie aucune disposition ou décision de cette nature qui encadre la modification unilatérale des frais de retard, bien que cela soit un élément du contrat de téléphonie des appelantes. À l’évidence, la Loi est silencieuse sur la mécanique contractuelle des services.

[32]        Les conclusions de la requête introductive d’instance n’interpellent pas les pouvoirs de réglementation du CRTC, ce qui renforce l’idée que les remèdes recherchés sont purement compensatoires et fondés sur une modification unilatérale du contrat, ce qui peut révéler une faute en droit québécois: Vidéotron c. Union des consommateurs, 2017 QCCA 738, par. 38-51; voir aussi Banque de Montréal c. Marcotte, [2014] 2 R.C.S. 725.


 

[33]        Je propose donc de rejeter l’appel, avec les frais de justice.

 

 

 

MARTIN VAUCLAIR, J.C.A.

 

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