Brisson et Fantaisie du Dollars |
2014 QCCLP 3605 |
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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 5 septembre 2013, madame Suzanne Brisson (la travailleuse) dépose une requête en révision ou en révocation à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue par ce tribunal le 10 juillet 2013.
[2] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles :
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
449532-64-1109
REJETTE la requête déposée par madame Suzanne Brisson ;
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 9 septembre 2011, à la suite d’une révision administrative ;
DÉCLARE que madame Suzanne Brisson n'a pas subi de lésion professionnelle le 2 juin 2011, soit une épicondylite au coude gauche ;
471531-64-1205 et 472562-64-1205
DÉCLARE sans objet la requête déposée par madame Suzanne Brisson ;
DÉCLARE sans objet la requête déposée par Provigo Québec inc. (Maxi & Cie) ;
DÉCLARE sans effet la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 8 mai 2012, à la suite d’une révision administrative ;
DÉCLARE sans effet la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 29 mars 2012, faisant suite à un avis rendu par un membre du Bureau d'évaluation médicale quant aux conséquences légales portant sur le diagnostic, la date de consolidation et la nécessité des soins et des traitements.
[3] À l’audience tenue à St-Jérôme le 27 mars 2014, la travailleuse, Provigo Québec inc. et Supermarché I & R Daigle inc., les employeurs, étaient représentés. La requête a été mise en délibéré le 27 mars 2014.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4] La procureure de la travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de révoquer la décision au motif qu’il y a eu manquement au droit de la travailleuse d’être entendue, ce qui constitue un vice de fond de nature à invalider la décision. Elle reproche notamment au juge administratif de ne pas avoir fait entendre madame Denise Cameron et de ne pas avoir suffisamment motivé sa décision.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Le membre issu des associations syndicales est d’avis d’accueillir la requête.
[6] Il estime que la travailleuse a démontré qu’il y avait eu manquement à son droit d’être entendue. Il croit que le juge aurait pu permettre de faire entendre madame Cameron dont l’expertise aurait pu être démontrée.
[7] La membre issue des associations d’employeurs est plutôt d’avis contraire. Elle est d’avis qu’il n’y a pas eu manquement au droit de la travailleuse d’être entendue et la décision est suffisamment motivée.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[8] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer s’il y a lieu de réviser ou révoquer la décision rendue le 10 juillet 2013.
[9] L’article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] prévoit les conditions d’ouverture du recours en révision :
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
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1997, c. 27, a. 24.
[10] Il importe de rappeler que les décisions rendues par la Commission des lésions professionnelles sont finales et sans appel[2]. Le recours en révision est un recours exceptionnel qui se distingue d’un simple appel.
[11] En l’espèce, les deux parties requérantes, la CSST et le travailleur invoquent tous deux le troisième alinéa de l’article 429.56 de la loi, soit que la décision est entachée d’un vice de fond.
[12] Les termes « vice de fond ou de procédure de nature à invalider la décision » ont été interprétés par la Commission des lésions professionnelles comme signifiant une erreur manifeste, de droit ou de faits, ayant un effet déterminant sur l’issue du recours[3]. Cette interprétation est confirmée par la Cour d’appel dans l’affaire Bourassa c. Commission des lésions professionnelles[4] :
[21] La notion est suffisamment large pour permettre la révocation de toute décision entachée d’une erreur manifeste de droit ou de fait qui a un effet déterminant sur le litige. Ainsi, une décision qui ne rencontre pas les conditions de fond requises par la loi peut constituer un vice de fond.
[22] Sous prétexte d’un vice de fond, le recours en révision ne doit cependant pas être un appel sur la base des mêmes faits. Il ne saurait non plus être une invitation faite à un commissaire de substituer son opinion et son appréciation de la preuve à celle de la première formation ou encore une occasion pour une partie d’ajouter de nouveaux arguments. (1)
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(1) Voir : Y. OUELLETTE, Les tribunaux administratifs au Canada, Procédure et Preuve, Les Éditions Thémis, 1997, p.506-508. J.P. VILLAGI, dans Droit public et administratif, Vol 7, Collection de droit 2002-2003, Éditions Yvon Blais, 2002, p.127-129.
[13] Et, dans l’affaire C.S.S.T. c. Fontaine et Commission des lésions professionnelles[5], la Cour d’appel, sous la plume du juge Morissette, rappelait que l’erreur dont il est question, pour constituer un « vice de fond », doit être grave, évidente et déterminante.
[14] Dans sa requête écrite et à l’audience, la procureure du travailleur reproche au juge administratif de ne pas avoir fait entendre madame Denise Cameron à titre de témoin experte concernant les postes de travail de caissières. Cette demande a été faite lors de la troisième journée d’audience et la décision de refus a été consignée dans la décision aux paragraphes suivants qu’il convient de reproduire intégralement :
[15] Lors de l'audience tenue le 7 juin 2013, la procureure de la travailleuse a annoncé vouloir faire entendre madame D. Cameron à titre d'experte concernant les postes de travail des caissières.
[16] Ce témoignage avait été initialement annoncé le 7 janvier 2013 et, à ce moment, le représentant de l'employeur s'était opposé à ce témoignage. Entretemps, la procureure de la travailleuse a déposé une expertise en ergonomie réalisée par madame Laperrière et n'a pas réitéré le fait que madame Cameron témoignerait de nouveau, si ce n'est en début d'audience, le 7 juin 2013, dernière date prévue pour terminer l’audience de ces dossiers.
[17] Or, cette dernière journée d'audience était consacrée au contre-interrogatoire de monsieur Babin, lequel n'avait pu être conduit le 19 avril 2013, bien que le temps le permettait à ce moment, à une possible contre-preuve en ergonomie et aux argumentations respectives.
[18] Le représentant de l'employeur s'est alors fortement opposé au témoignage de madame Cameron, du fait qu'elle n'avait pas été annoncée avant le matin même de cette dernière audience, ce qui a pris tout le monde par surprise alors que rien de tel n'était prévu. Il s'objecte d'autant, constatant également que madame Cameron a agi à titre de représentante syndicale au dossier, ayant rempli le formulaire de contestation pour la travailleuse, alors qu'aucun curriculum vitae n'est déposé pour établir sa qualité d'experte ni sur quel sujet elle témoignera.
[19] Considérant que monsieur Babin conclut dans son expertise que le poste de travail qu'occupe la travailleuse respecte le guide « Aménagement des postes de travail des caissières dans les supermarchés » diffusé par la CSST et déjà déposé en preuve, la procureure de la travailleuse estime qu'en contre-preuve, elle a le droit de faire entendre madame Cameron sur la conformité ergonomique de la caisse, celle-ci étant experte à l'intérieur du syndicat, ce qui ne l'empêche pas d'être reconnue comme tel par le tribunal qui appréciera sa qualification. La procureure fait alors référence au fait que le nom de madame Cameron apparaît comme collaboratrice dans ce guide.
[20] Pour le représentant de l'employeur, le nom de madame Cameron n'apparait qu'à la section « Remerciements », tout comme l’ensemble des représentants des divers marchés d'alimentation qui ont collaboré, et non à titre d’experte.
[21] Invitée par le tribunal à préciser le sujet sur lequel madame Cameron serait appelée à témoigner spécifiquement, la procureure de la travailleuse réitère que cette personne a participé à l'élaboration de ce guide et qu'elle témoignera sur le fait que la caisse de la travailleuse n'est pas ergonomique, contrairement aux informations véhiculées dans l'expertise de monsieur Babin, dans laquelle il indique qu’il n'y a aucune contrainte, alors que tel n'est pas le cas à son avis.
[22] Reprenant l'historique des événements survenus lors des audiences précédentes et constatant que ce témoignage n'a pas été annoncé et survient ainsi de façon impromptue, le tribunal a alors rendu la décision suivante sur le banc :
Prenant en considération que monsieur Babin, dans sa conclusion générale ne tient aucunement compte des données recommandées par ce guide, données qu'il a simplement reproduites quant à la hauteur et toute autre mesure des caisses, et que madame Laperrière, experte en ergonomie, est en mesure de commenter ces données, ayant elle-même prise des mesures du poste de la travailleuse, en ayant fait l'analyse ergonomique, et que le tribunal n'est pas saisi de la conformité de cette caisse avec quelque règlement que ce soit et considérant que le tribunal est saisi de la reconnaissance d'une maladie professionnelle et est donc à la recherche de la présence de mouvements concrets, répétés et à risques, ce dont les deux experts peuvent témoigner, le tribunal ne voit pas en quoi le témoignage de madame Cameron serait, dès lors, pertinent dans la décision qu'il a à rendre et, à cette fin, refuse de l'entendre et fait droit à l'objection du représentant de l'employeur.
[23] La procureure de la travailleuse demande alors au tribunal de rendre sa décision par écrit, ce qui a été rejeté immédiatement, en prenant en considération l'état d'avancement du dossier. Le tribunal a alors proposé de rendre sa décision, lors de la rédaction de la présente, concernant le mérite. Dans ces circonstances, bien qu'une objection ait été formulée, la procureure de la travailleuse a décidé de poursuivre l'administration de la preuve et de clore le dossier au mérite.
[15] La procureure de la travailleuse allègue que le refus de faire entendre madame Cameron n’est pas motivé puisque seulement les arguments des parties sont relatés.
[16] Les motifs invoqués par le juge administratif à l’audience, selon la procureure de la travailleuse, sont que le témoignage n’était pas pertinent, que ce témoignage n’avait pas été annoncé et que le tribunal n’avait pas le temps de l’entendre.
[17] Elle explique que madame Cameron travaille depuis 30 ans au dossier des « caisses » et a participé à l’élaboration d’un guide concernant les contraintes du poste de travail de caissière. Bien qu’elle ne soit pas ergonome, elle aurait pu se voir attribuer le statut d’expert puisqu’elle a acquis une connaissance et une expérience au fil de son travail et de son intérêt depuis de nombreuses années. Elle réfère à une décision de la Cour suprême dans l’affaire Mohan[6] selon laquelle le statut d’expert ne tient pas qu’au diplôme, mais surtout à la connaissance acquise.
[18] La procureure de la travailleuse explique que l’ergonome dont elle a requis les services a fait un bon travail, mais n’avait pas la connaissance spécialisée que possède madame Cameron quant aux caisses, et c’est la raison pour laquelle elle a décidé d’ajouter son témoignage en contre-preuve, et ce, d’autant plus que monsieur Jean - François Babin, ergonome de l’employeur, prétendait que le guide était respecté.
[19] Elle prétend que ce n’est pas tant sur les facteurs de risque impliqués dans le travail de caissière que le témoignage de madame Cameron était nécessaire, mais sur les contraintes ergonomiques du poste de travail. Il s’agit d’un élément de preuve qui a manqué, ce qui a de plus, un caractère déterminant.
[20] Le procureur de l’employeur est en désaccord avec les arguments soumis par la procureure de la travailleuse. Il rappelle qu’une conférence préparatoire a été tenue au cours de laquelle il a été convenu de la preuve administrée par les parties qui ont annoncé leurs témoins. Deux jours d’audience avaient alors été fixés en conséquence.
[21] Il avait été convenu de faire entendre monsieur Babin pour l’employeur et madame Laperrière pour la travailleuse.
[22] Le procureur de l’employeur plaide que la demande de la procureure de la travailleuse vise à bonifier la preuve qu’elle a faite et qu’il ne peut s’agir d’un motif de révision. De plus, il plaide que la décision est suffisamment motivée et qu’il n’y a pas eu manquement au droit de la travailleuse d’être entendue.
[23] Le procureur du second employeur souscrit aux arguments invoqués par l’employeur.
[24] Après avoir considéré les arguments des parties, la soussignée décide qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la requête en révocation pour les motifs qui suivent.
[25] Selon le procès-verbal de l’audience initialement prévue le 9 juillet 2012, la juge administrative accorde la remise de celle-ci, demandée par la travailleuse, afin qu’elle puisse obtenir une contre-expertise. Il est à remarquer que tous les employeurs n’ayant pas alors été convoqués, la remise était accordée pour les deux motifs.
[26] Lors de l’audience tenue le 13 janvier 2013, des photographies du poste de travail ont été déposées en preuve par les deux parties. Le 19 avril 2013, la travailleuse a déposé un document portant sur l’aménagement du poste de travail de caissière. D’autres photographies du poste de travail ont été produites le 7 juin 2013.
[27] Lors de l’audience du 19 avril 2013, monsieur Babin, ergothérapeute, a témoigné à l’audience. Le 7 juin 2013, la Commission des lésions professionnelles a entendu le témoignage de monsieur Babin, de la travailleuse et madame Laperrière, ergothérapeute.
[28] La soussignée a procédé à l’écoute de l’enregistrement de l’audience du 7 juin 2013. La procureure de la travailleuse explique que le témoignage de madame Cameron est requis pour répondre au passage de l’étude de monsieur Babin selon lequel il affirme que le poste de travail ne comporte pas de contraintes ergonomiques.
[29] La procureure de la travailleuse allègue à l’audience qu’elle doit faire témoigner madame Cameron pour répondre à cette assertion. Elle lui attribue un statut d’expert en raison du fait qu’elle a participé au guide dont il est question et aussi par l’expertise qu’elle a développée bien qu’elle ne soit pas ergonome ni ergothérapeute. Celle-ci aurait même pris les mesures du poste de travail qui ne seraient pas celles recommandées dans le guide.
[30] Le procureur de l’employeur s’est opposé au témoignage. D’une part, il affirme que l’expertise de madame Cameron ne peut se justifier en raison de sa participation au guide puisqu’elle n’en est pas l’auteur. On peut constater qu’elle a été remerciée, mais ce fait n’est pas suffisant pour établir son expertise en regard du guide. Il s’objecte à ce que madame Cameron fasse part des mesures qu’elle a prises du poste de travail puisque ce dernier a été examiné par une ergothérapeute qui a produit une opinion.
[31] Le juge administratif a suspendu l’audience pour rendre une décision sur le banc. Malheureusement, cette partie n’a pas été enregistrée. La soussignée doit donc se référer à ce qui est rapporté dans la décision.
[32] L’écoute des arguments des parties sur la question reflète ce qui est rapporté à la décision et correspond essentiellement aux arguments soulevés de nouveau dans la présente requête en révocation. Le juge a néanmoins soulevé après avoir entendu les arguments des parties que la question soumise était éloignée du débat qui portait sur l’admissibilité d’une maladie professionnelle soit les mouvements effectués et les facteurs de risque. Cette question a été abordée par les témoignages d’expert. La question à décider en l’espèce n’était pas de déterminer de la conformité du poste de travail de la caissière par rapport aux normes, mais plutôt de déterminer si la travailleuse a subi une lésion professionnelle.
[33] La soussignée constate que le guide de recommandation de l’aménagement des postes de travail de caissière adopté en 2004 et déposé en preuve par la procureure de la travailleuse sous la cote T2 a été commenté par monsieur Babin dans son opinion. Il reprend les mesures recommandées pour un poste de travail de caissière en référant au guide et il conclut que le poste de travail de la travailleuse et la configuration de celui-ci respecte les recommandations ergonomiques de la CSST.
[34] Les motifs de la décision rendue sur le banc, reproduits au paragraphe 22 de la décision sont rationnels, permettent de comprendre les fondements de la décision prise qui portent essentiellement sur la pertinence. Il n’est pas apparu que ceux-ci étaient insuffisants.
[35] Le contexte dans lequel cette preuve a été refusée est celui de la dernière journée d’audience sur quatre alors que la procureure de la travailleuse a répondu à la preuve de l’employeur, d’abord par le contre-interrogatoire de monsieur Babin et par le témoignage de la travailleuse et de madame Laperrière.
[36] Il importe de souligner que le commentaire de monsieur Babin n’était pas une surprise. Ce commentaire se retrouve à son opinion qui a été déposée le 17 avril 2013, soit avant les audiences des 19 avril et 7 juin 2013.
[37] La question des mesures du poste de travail est un élément qui peut être abordé soit par la travailleuse elle-même ou par son ergothérapeute qui fait l’étude de son poste de travail.
[38] Les normes établies au guide font partie du guide qui a été déposé en preuve. Tous peuvent s’y référer sans qu’il soit nécessaire de faire entendre un témoin additionnel sur la question.
[39] La décision de refuser une preuve peut constituer un manquement au droit d’une partie d’être entendue. Il y a lieu de reproduire le passage suivant de l’affaire Paris et Pièces d’Auto Agd inc.[7] qui porte sur les principes qui doivent garder le tribunal en la matière :
[12] Un empêchement de présenter une preuve constitue un manquement aux règles de justice naturelle et ce manquement est visé par le 3e paragraphe du premier alinéa de l’article 429.56 de la loi8. De plus, un manquement aux règles de justice naturelle entraîne la révocation de la décision sans qu’il y ait lieu d’examiner si ce manquement a eu un effet déterminant sur le sort du litige9.
[13] Dans l’affaire Université du Québec à Trois-Rivières c. Larocque10, la Cour suprême affirme que le refus d’admettre une preuve pertinente peut dans certaines circonstances être considéré comme une violation des règles de justice naturelle. Tout en reconnaissant que le premier décideur est le mieux placé pour évaluer la preuve, si le rejet d’une preuve pertinente a un impact sur l’équité du processus il y a lieu de conclure à une telle violation. Le juge Lamer écrit :
[…]
Pour ma part, je ne suis pas prêt à affirmer que le rejet d’une preuve pertinente constitue automatiquement une violation de la justice naturelle. L’arbitre de griefs est dans une situation privilégiée pour évaluer la pertinence des preuves qui lui sont soumises et je ne crois pas qu’il soit souhaitable que les tribunaux supérieurs, sous prétexte d’assurer le droit des parties d’être entendues, substituent à cet égard leur appréciation à celle de l’arbitre de griefs. Il pourra toutefois arriver que le rejet d’une preuve pertinente ait un impact tel sur l’équité du processus, que l’on ne pourra que conclure à une violation de la justice naturelle.
[…]
[14] Le juge Lamer précise que la conséquence du refus d’accepter la preuve dans ce dossier a eu de graves conséquences puisque le décideur a dû disposer d’une question importante en l’absence de preuve, ce qui constitue une violation du droit d’être entendu :
[…]
La conséquence de cette position paradoxale de l’arbitre mis en cause est qu’il s’est trouvé à disposer d’une question extrêmement importante en regard du litige qui lui était soumis - à savoir, l’absence d’une cause imputable aux employées - sans avoir entendu quelque preuve que ce soit de la part de l’intimée sur cette question, et en ayant même expressément refusé d’entendre la preuve que cherchait à faire l’intimée sur ce point. Cela équivaut très certainement à une violation de la justice naturelle.
[…]
8 Casino de Hull et Gascon [2000] C.L.P. 671; Jules & Henri Couvreurs ltée., C.L.P. 251490-71-0412, 25 janvier 2007, M. Zigby; Lahaie et Sonaca Canada inc., C.L.P. 241149-71-0412, 15 janvier 2009, S. Di Pasquale.
9 Casino de Hull et Gascon, précitée note 2; Dallaire et Jeno Newman & fils [2000] C.L.P. 1146.
10 [1993] 1 R.C.S. 471.
[40] Il en découle que le décideur est bien placé pour évaluer la pertinence de la preuve et à cet effet, il peut refuser une preuve qui n’est pas pertinente ce qui n’ajoute rien au débat.
[41] La pertinence d’une preuve s’évalue en regard de l’objet du litige[8]. En l’espèce, c’est ce qui motive la décision du juge administratif.
[42] Concernant la nécessité de la preuve par expert, celle-ci n’est pas requise lorsque le juge des faits est capable de comprendre et apprécier la preuve autant que le serait un expert[9].
[43] L’évaluation du poste de travail, notamment les mesures du poste de travail, est une question factuelle qui ne relève pas de l’expert et peut être apprécié par le tribunal. Le témoignage de madame Cameron n’était pas essentiel à cet égard.
[44] De plus, une telle décision est prise lors de la dernière journée d’audience et après que les parties aient eu l’occasion de faire leur preuve. Il s’agissait du contre-interrogatoire du dernier témoin de l’employeur et de la contre-preuve de la procureure de la travailleuse composée des témoignages de la travailleuse et de l’ergothérapeute. Le juge administratif était donc en mesure après toute la preuve entendue d’en décider.
[45] En somme, le témoignage de madame Cameron n’était pas nécessaire quant aux questions à décider. De plus, d’autres témoins mieux placés pour le faire avaient eu l’opportunité ou l’avaient toujours lors de l’audience puisqu’ils ont en effet témoigné par la suite.
[46] Ces éléments étant bien établis, il appert aussi que la décision était intelligible et suffisamment motivée[10].
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête en révision ou en révocation présentée par madame Suzanne Brisson, la travailleuse.
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Anne Vaillancourt |
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Me Isabelle Laurin |
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T.U.A.C. (LOCAL 500) |
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Représentante de la travailleuse |
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M. Claude Stringer |
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CLAUDE STRINGER INC. |
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Représentant de Provigo Québec inc. (Maxi & Cie) |
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Me Don Alberga |
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NORTON ROSE FULBRIGHT CANADA |
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Représentant de Supermarché L & R Daigle inc. |
[1] RLRQ, c. A-3.001.
[2] Voir article 429.49 de la loi.
[3] Produits forestiers Donohue inc. et Villeneuve, [1998] C.L.P. 733; Franchellini et Sousa, [1998] C.L.P. 783.
[4] [2003] C.L.P. 601 (C.A.).
[5] [2005] C.L.P. 626 (C.A.).
[6] [1994] 2 R.C.S. 9.
[7] 2013 QCCLP 850.
[8] Association des propriétaires de Boisés de la Beauce c. Monde forestier, 2009 QCCA 48.
[9] R.c.D.D., [2000] 2 R.C.S. 275.
[10] Rodrigue c. CLP, [2007] C.L.P. 1926.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.