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[1] Le 23 janvier 2006, madame Guylaine St-Louis (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 7 décembre 2005 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 4 octobre 2005 et déclare que la travailleuse n’a pas subi de lésion professionnelle et qu’elle n’a pas droit aux prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
[3] La Commission des lésions professionnelles a tenu une audience à Gatineau le 3 août 2006 à laquelle la travailleuse était présente. Le Restaurant Riopel (l'employeur) était représentée par madame Karen Perier.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître qu’elle a subi une lésion professionnelle le 1er juin 2005.
LES FAITS
[5] Le 24 août 2005, la travailleuse consulte le docteur Bouchard. Il produit une attestation médicale pour un diagnostic d’épitrochléite du coude droit.
[6] Le 26 août 2005, la travailleuse produit une réclamation à la CSST pour un événement qu’elle décrit :
Je suis serveuse depuis juillet 2004. En juin 2005 des douleurs à mon coude droit sont apparues. Cette douleur s’est intensifiée particulièrement durant la période achalandée des deux dernières semaines de juillet. J’ai donc contacté mon médecin et obtenu un rendez-vous le 24 août. Je le revoie le 21 septembre.
[7] Le 24 août et le 21 septembre 2005, le docteur Buchanan maintient le diagnostic d’épitrochléite du coude droit.
[8] Durant cette période, la travailleuse a reçu des traitements de physiothérapie.
[9] Le 18 juillet 2006, le docteur Gaspard produit un rapport médical pour un diagnostic de bursite olécranienne droite, tennis elbow résolu.
[10] La travailleuse explique qu’en juillet 2004 elle est serveuse au Restaurant Riopel. Elle a été serveuse dans plusieurs autres restaurants auparavant. Son horaire de travail est le vendredi, samedi soir et le dimanche de jour. À l’occasion, elle travaille une ou deux journées additionnelles par semaine. Elle mentionne travailler les journées où il y a le plus de clientèle. Elle est droitière; par conséquent, elle sert tous les plats de la main droite. Elle transporte trois assiettes à la fois, deux sur son bras gauche et une dans sa main droite. La douleur est apparue au mois de juin 2005 après son quart de travail. Elle ressent une douleur au niveau du coude, mais n’y a pas porté vraiment attention. Par la suite, la douleur augmente graduellement. Elle se rend compte que lorsqu’elle ne travaille pas, son coude récupère, mais aussitôt qu’elle recommence à travailler, les douleurs augmentent. Les douleurs sont devenues constantes sur une période de trois semaines à un mois. Elle ne pouvait plus conduire sa voiture manuelle. Elle demande un rendez-vous à son médecin. Elle a eu ce rendez-vous le 24 août 2005.
[11] Elle démontre la façon dont elle manipule les assiettes, les prenant de la main droite et dépliant le bras droit afin de déposer les assiettes pleines de nourriture sur les tables. Les gestes afin de passer l’aspirateur, certains soirs, en étirant le bras lui occasionnent des douleurs. À l’occasion, elle aide à rincer la vaisselle et la placer dans le lave-vaisselle, toujours de la main droite. Elle transporte des bacs de vaisselle sale et des bacs de verres. Elle doit aussi, à l’occasion, remplir les réfrigérateurs de boissons gazeuses ou de bières. La douleur apparaît surtout lorsqu’elle doit étirer et replier le bras.
[12] Elle précise que lorsque la terrasse est ouverte, elle doit servir seule, entre 30 et 40 clients. Durant les vacances de la construction, il y a un achalandage plus important, comme durant la période de la fin des classes et les mois de juillet et août. Durant une certaine période, elle a cru que la douleur passerait, mais au contraire, la douleur a continuellement augmenté.
[13] Elle affirme n’avoir jamais eu mal à ce coude auparavant. Elle confirme également avoir fait du ménage dans un appartement aux deux ou trois semaines.
[14] Elle retourne à son travail en avril 2006 malgré que son médecin ne lui recommande pas. Il aurait préféré qu’elle voit un spécialiste. Elle ne pouvait se permettre d’arrêter de travailler.
[15] Son médecin lui a cependant recommandé de se trouver un emploi dans un restaurant plus tranquille. Maintenant, elle travaille du mardi au vendredi de 8 h à 14 h.
[16] Madame Karen Perier témoigne pour l'employeur. Elle souligne que l'employeur a été informé que la travailleuse avait des douleurs au coude par d’autres serveuses qui avaient entendu la travailleuse se plaindre de douleurs. Il est précisé qu’une personne était attitrée à temps plein pour la vaisselle et que la travailleuse ne faisait qu’aider, à l’occasion. L'employeur est plutôt d’avis que la travailleuse se serait fait mal au coude en faisant du ménage à l’extérieur de son emploi.
L’AVIS DES MEMBRES
[17] Conformément à l’article 429.50 de la loi, le commissaire soussigné a demandé aux membres qui ont siégé auprès de lui leur avis sur la question faisant l’objet de la contestation ainsi que les motifs de cet avis.
[18] Le membre issu des associations d'employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis que le diagnostic posé à la travailleuse relève des gestes répétitifs nécessitant une certaine force qu’elle doit exécuter dans le cours de son travail. En conséquence, il y a lieu de déterminer que la travailleuse a subi une lésion professionnelle.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[19] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la travailleuse a subi une lésion professionnelle à savoir une épitrochléite au coude droit le 1er juin 2005.
[20] L’article 2 de la loi donne la définition suivante d’une lésion professionnelle et d’un accident du travail :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;
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1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.
« accident du travail » : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;
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1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.
[21] Dans le présent dossier, le tribunal détermine qu’il n’y a aucune preuve que la travailleuse aurait subi un accident du travail. Il y a donc lieu d’analyser la réclamation de la travailleuse en regard de la définition d’une maladie professionnelle prévue à l’article 2 de la loi.
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:
« maladie professionnelle » : une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail;
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1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.
[22] La loi prévoit aussi une présomption de maladie professionnelle à l’article 29 qui se lit comme suit :
29. Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.
Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.
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1985, c. 6, a. 29.
ANNEXE I
MALADIES PROFESSIONNELLES
(Article 29)
SECTION IV
MALADIES CAUSÉES PAR DES AGENTS PHYSIQUES
MALADIES |
GENRES DE TRAVAIL |
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1. Lésion musculo-squelettique se manifestant par des signes objectifs (bursite, tendinite, ténosynovite): |
un travail impliquant des répétitions de mouvements ou de pressions sur des périodes de temps prolongées; |
[23] Le tribunal note que l’épitrochléite n’est pas un diagnostic défini à l’annexe I de la loi.
[24] L’article 30 de la loi s’énonce comme suit :
30. Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.
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1985, c. 6, a. 30.
[25] Le tribunal considère que la travailleuse n’a pas démontré par une preuve prépondérante que l’épitrochléite est une maladie caractéristique de son travail.
[26] Reste donc à déterminer si la travailleuse a subi une maladie professionnelle reliée aux risques particuliers de son travail tel que le prévoit l’article 30 de la loi.
[27] La travailleuse doit démontrer que son travail présente un danger plus ou moins prévisible dans l’exécution de ses activités de travail et qu’il existe un lien entre la maladie et le risque invoqué.
[28] De la preuve au dossier et du témoignage de la travailleuse, le tribunal estime que les tâches exécutées par la travailleuse exigent l’utilisation constante des membres supérieurs, surtout de son membre supérieur droit impliquant le coude; la travailleuse est droitière. Dans l’exécution de son travail, il y a présence de force pour manipuler et soutenir les assiettes. Il y a présence de mouvements de préhension, de flexion des doigts et des poignets, d’extension du coude et des fléchisseurs des doigts.
[29] Le tribunal note également que la travailleuse est présente au travail lors des périodes les plus achalandées : les vendredis, samedis soirs et dimanches de jour.
[30] Le tribunal précise que l’expression « période de temps prolongée » a été interprétée par la jurisprudence[2], cette période ne signifie pas une durée en nombre de jours, de mois ou d’années d’exécution d’un emploi ou d’une tâche spécifique, mais bien la période durant laquelle le travailleur effectue les mouvements et des pressions. Cette notion s’apprécie en fonction des circonstances de chaque cas. Ces mouvements doivent être interprétés selon le type de mouvements et de la durée dans un cycle de travail. Il s’agit, dans ce dossier, de gestes répétés impliquant constamment les membres supérieurs, principalement le membre supérieur droit, avec force dans plusieurs situations et avec répétitions sur des quarts de travail particulièrement achalandées.
[31] Dans ces circonstances, la Commission des lésions professionnelles détermine que la travailleuse a subi une lésion professionnelle, soit une épitrochléite au coude droit reliée aux risques particuliers de son travail tel que le définit l’article 30 de la loi.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de madame Guylaine St-Louis, la travailleuse;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 7 décembre 2005 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la travailleuse a subi une lésion professionnelle le 1er juin 2005 et qu’elle a droit aux bénéfices prévus par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
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Me Denis Rivard |
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Commissaire |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.