Décision

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Modèle de décision CLP - juillet 2015

Boulay et Fonderie Saguenay ltée

2016 QCTAT 473

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL

(Division de la santé et de la sécurité du travail)

 

 

Région :

Saguenay-Lac-Saint-Jean

 

Dossier :

548094-02-1407

 

Dossier CNESST :

121333272

 

Joliette,

le 26 janvier 2016

______________________________________________________________________

 

DEVANT LA JUGE ADMINISTRATIVE :

Guylaine Moffet

______________________________________________________________________

 

 

 

Robert Boulay

 

Partie demanderesse

 

 

 

et

 

 

 

Fonderie Saguenay ltée

 

Partie mise en cause

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 17 décembre 2014, monsieur Robert Boulay (le travailleur) dépose une requête en révision à l’encontre d’une décision rendue le 21 novembre 2014 par la Commission des lésions professionnelles (CLP-1).

[2]           Par cette décision, CLP-1 rejette la contestation du travailleur et déclare que la CSST est justifiée de rembourser les frais de déplacement engagés par le travailleur sur une base de 1,145 $ par kilomètre.

 

[3]           Le 1er janvier 2016, la Loi instituant le Tribunal administratif du travail[1] (LITAT) est entrée en vigueur. Cette loi crée le Tribunal administratif du travail qui assume les compétences de la Commission des relations du travail et de la Commission des lésions professionnelles. En vertu de l’article 261 de cette loi, toute affaire pendante devant la Commission des relations du travail ou devant la Commission des lésions professionnelles est continuée devant la division compétente du Tribunal administratif du travail.

[4]           De plus, depuis le 1er janvier 2016, la Commission de normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) assume les compétences autrefois dévolues de la CSST.

[5]           Lors de cette audience, la soussignée était assistée par une membre issue des associations d’employeurs et un membre issu des associations syndicales. Toutefois, l'article 260 de la LITAT prévoit que le mandat des membres qui étaient nommés conformément au quatrième ou au cinquième alinéa de l'article 385 de la loi prend fin le 31 décembre 2015 et que ceux-ci ne terminent pas les affaires qu'ils avaient commencées. Comme la présente affaire n'était pas terminée en date du 31 décembre 2015, l'avis des membres issus des associations syndicales et d’employeurs n'a pas à être rapporté.

[6]           La présente décision est donc rendue par la soussignée en sa qualité de membre du Tribunal administratif du travail.

[7]           L’audience s’est tenue le 5 novembre 2015 à Saguenay en présence du travailleur et de sa représentante et l’employeur y est absent. Le dossier a été mis en délibéré à cette date.

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[8]           La représentante du travailleur soutient que la décision de CLP-1 est entachée d’un vice de fond ou de procédure de nature à l’invalider, au sens du troisième paragraphe de l'article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi), de sorte que la décision doit être révisée.

[9]           De façon subsidiaire, elle réfère au premier alinéa de l’article 429.56 de la loi, soit la présence d'un fait nouveau.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[10]        Le Tribunal doit déterminer s’il y a lieu de réviser la décision rendue le 17 novembre 2014.

[11]        L’article 429.49 de la loi prévoit que les décisions de la Commission des lésions professionnelles sont finales et sans appel :

429.49.  Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.

 

Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.

 

La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[12]        L’article 429.56 constitue une exception à ce principe et prévoit que dans certaines circonstances, la Commission peut révoquer ou réviser une décision qu’elle a rendue. Cet article prévoit ceci :

429.56.  La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :

 

1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[13]        En l’espèce, le travailleur invoque le troisième paragraphe de cet article, soit que la décision attaquée est entachée d’un vice de fond ou de procédure de nature à l’invalider.

[14]        Depuis le 1er janvier 2016, ces deux articles de la loi ont été abrogés et remplacés par les articles 49 et 51 al. 1 de la LITAT, lesquels prévoient ceci :

49. Le Tribunal peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'il a rendu:

 

1° lorsque est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2° lorsqu'une partie intéressée n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, présenter ses observations ou se faire entendre;

 

3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à l'invalider.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3° du premier alinéa, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le membre qui l'a rendu.

__________

2015, c. 15, a. 49.

 

 

51. La décision du Tribunal est sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.

 

Elle est exécutoire suivant les conditions et modalités qui y sont indiquées pourvu que les parties en aient reçu copie ou en aient autrement été avisées.

 

L'exécution forcée d'une telle décision se fait par le dépôt de celle-ci au greffe de la Cour supérieure du district où l'affaire a été introduite et selon les règles prévues au Code de procédure civile (chapitre C-25).

 

Si cette décision contient une ordonnance de faire ou de ne pas faire, toute personne nommée ou désignée dans cette décision qui la transgresse ou refuse d'y obéir, de même que toute personne non désignée qui y contrevient sciemment, se rend coupable d'outrage au tribunal et peut être condamnée par le tribunal compétent, selon la procédure prévue aux articles 53 à 54 du Code de procédure civile, à une amende n'excédant pas 50 000 $ avec ou sans emprisonnement pour une durée d'au plus un an. Ces pénalités peuvent être infligées de nouveau jusqu'à ce que le contrevenant se soit conformé à la décision. La règle particulière prévue au présent alinéa ne s'applique pas à une affaire relevant de la division de la santé et de la sécurité du travail.

__________

2015, c. 15, a. 51.

 

 

[15]        Comme ces dernières dispositions ne modifient en aucune façon la nature du recours du travailleur, ni le droit applicable, il y a lieu de considérer qu’il s’agit de dispositions de pure procédure, qui reçoivent application dès leur entrée en vigueur, le législateur n’ayant pas prévu que tel n’était pas le cas. Ce sont donc les articles correspondants de la LITAT qui seront analysés, en l’absence de modification du contenu de ces dispositions quant au droit applicable.

[16]        En l’espèce, le travailleur invoque principalement le troisième paragraphe de l’ancien article 429,56 de la loi, soit maintenant l’article 49 de la LITAT, selon lequel la décision attaquée est entachée d’un vice de fond ou de procédure de nature à l’invalider. Subsidiairement, il soumet le sommaire de son dossier d’hospitalisation en novembre 2011 à titre de fait nouveau.

[17]        Quant à la notion de « vice de fond et de procédure », elle a été interprétée par le la Commission des lésions professionnelles comme étant une erreur de droit ou de fait ayant un effet déterminant sur l’issue du litige. Pour ce faire, elle s’est appuyée sur la jurisprudence élaborée par les tribunaux supérieurs[3].

[18]        Ainsi, dans l’arrêt Bourassa c. CLP[4], la Cour concluait que, sous prétexte d'un vice de fond, le recours en révision ne doit pas être un appel sur la base des mêmes faits. Elle ajoutait qu’«Il ne saurait non plus être une invitation faite à un commissaire de substituer son opinion et son appréciation de la preuve à celle de la première formation ou encore une occasion pour une partie d’ajouter de nouveaux arguments».

[19]        Dans l’arrêt Amar c. CSST[5] la Cour d’appel rappelle qu’une divergence d’interprétation quant au sens à donner à un texte législatif ne peut permettre de révoquer une décision. La cour écrit :

26. Il appartient d’abord aux premiers décideurs spécialisés d’interpréter ce texte et de lui donner le sens qui, à leur avis, répondait le mieux à l’intention du législateur, l’objet de la L.A.T.M.P. et à la situation personnelle de l’appelant.

 

27. L’interprétation d’un texte législatif ne conduit pas nécessairement au dégagement d’une solution unique, l’exercice d’interprétation exige de l’interprète de procéder à des choix qui, bien qu’encadrés par les règles d’interprétation des lois, sont sujets à une marge d’appréciation admissible.

 

 

[20]        Dans l’arrêt CSST c. Fontaine[6] la Cour d’appel discute à nouveau de ce qui pourrait constituer un vice de fond de nature à permettre une intervention en révision. Elle reprend la jurisprudence sur la question et s’exprime ainsi :

[50]           En ce qui concerne les caractéristiques inhérentes d’une irrégularité susceptible de constituer un vice de fond, le juge Fish note qu’il doit s’agir d’un «defect so fundamental as to render [the decision] invalid»46, «a fatal error»47. Une décision présentant une telle faiblesse, note-t-on dans l’arrêt Bourassa48, est «entachée d'une erreur manifeste de droit ou de fait qui a un effet déterminant sur le litige». Le juge Dalphond, dans l’arrêt Batiscan49, effectue le rapprochement avec l’arrêt Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam inc. de la Cour suprême du Canada, où le juge Iacobucci apportait plusieurs éclaircissements utiles sur les attributs de deux notions voisines, l’erreur manifeste et la décision déraison­nable. Il s’exprimait en ces termes50 :

 

Même d'un point de vue sémantique, le rapport étroit entre le critère de la décision «manifestement erronée» et la norme de la décision raisonnable simpliciter est évident. Il est vrai que bien des choses erronées ne sont pas pour autant déraisonnables; mais quand le mot «manifestement» est accolé au mot «erroné», ce dernier mot prend un sens beaucoup plus proche de celui du mot «déraisonnable». Par conséquent, le critère de la décision manifestement erronée marque un déplacement, du critère de la décision correcte vers un critère exigeant l'application de retenue. Cependant, le critère de la décision manifestement erronée ne va pas aussi loin que la norme du caractère manifestement déraisonnable.

 

On voit donc que la gravité, l’évidence et le caractère déterminant d’une erreur sont des traits distinctifs susceptibles d’en faire «un vice de fond de nature à invalider [une] décision».

 

[51]           En ce qui concerne la raison d’être de la révision pour un vice de fond de cet ordre, la jurisprudence est univoque. Il s’agit de rectifier les erreurs présentant les caractéristiques qui viennent d’être décrites. Il ne saurait s’agir de substituer à une première opinion ou interprétation des faits ou du droit une seconde opinion ni plus ni moins défendable que la première51. Intervenir en révision pour ce motif commande la réformation de la décision par la Cour supérieure car le tribunal administratif «commits a reviewable error when it revokes or reviews one of its earlier decisions merely because it disagrees with its findings of fact, its interpretation of a statute or regulation, its reasoning or even its conclusions»52L’interprétation d’un texte législatif «ne conduit pas nécessairement au dégagement d’une solution unique»53 mais, comme «il appart[ient] d’abord aux premiers décideurs spécialisés d’interpréter»54 un texte, c’est leur interprétation qui, toutes choses égales d’ailleurs, doit prévaloir. Saisi d’une demande de révision pour cause de vice de fond, le tribunal administratif doit se garder de confondre cette question précise avec celle dont était saisie la première formation (en d’autres termes, il importe qu’il s’abstienne d’intervenir s’il ne peut d’abord établir l’existence d’une erreur manifeste et déterminante dans la première décision)55.  Enfin, le recours en révision «ne doit […] pas être un appel sur la base des mêmes faits» : il s’en distingue notamment parce que seule l’erreur manifeste de fait ou de droit habilite la seconde formation à se prononcer sur le fond, et parce qu’une partie ne peut «ajouter de nouveaux arguments» au stade de la révision56.

_________

46                   Supra, note 12, paragr. 20

47                   Ibid., paragr. 48.

48                   Supra, note 10, paragr.21.

49                   Supra, note 40, paragr.56

50                   [1997] 1 R.C.S. 748, paragr.60.

51                   Voir l’arrêt Godin, supra, note 12, paragr. 47 (le juge Fish) et 165 (le juge Chamberland) et l’arrêt Bourassa, supra, note 10, paragr. 22.

52                   Ibid., paragr. 51.

53                   Arrêt Amar, supra, note 13, paragr. 27.

54                   Ibid., paragr. 26.

55                   Supra, note 10, paragr. 24

56                   Ibid., paragr.22.

 

 

[21]        Plus récemment, dans l’affaire Moreau c. Régie de l’Assurance maladie du Québec[7], la Cour d’appel réitère ces principes.

[22]        Ainsi, le recours en révision ne saurait servir de prétexte à une réappréciation des mêmes faits que ceux soumis ou une occasion de présenter des arguments qui auraient pu être soumis lors de l’audition du fond.

[23]        C’est donc à partir de ces principes que la présente requête doit être étudiée. Qu’en est-il en l’espèce?

[24]        Dans le présent dossier, le travailleur a subi une première lésion professionnelle le 17 octobre 2001 impliquant son épaule droite. Il subit par la suite plusieurs récidives, rechutes ou aggravations relativement à cette lésion.

[25]        En relation avec ces lésions, le travailleur demande le remboursement des frais de déplacement effectué pendant la période du 6 juin 2012 au 2 décembre 2012 et du 4 décembre 2013 au 26 février 2014. Le travailleur, à la suite du remboursement reçu de la CSST, demande la révision puisque le remboursement ne couvre pas les frais de déplacement d’une personne accompagnatrice. Il s’agit du recours dont devait disposer CLP-1.

[26]        Dans sa requête, la représentante du travailleur, qui est également sa conjointe, soutient que CLP-1 a ignoré une partie de la preuve, soit une lettre d’une psychothérapeute adressée au Tribunal concernant une demande de remise des avis d’enquête et d’audition datée du 31 janvier 2012 et mentionnant l’état de santé précaire du travailleur à la suite d'une hospitalisation au CSSS de Chicoutimi.

[27]        De plus, dans son argumentation, elle soutient que le travailleur a besoin d’un accompagnateur pour se rendre à ses rendez-vous médicaux, en raison des douleurs insupportables qu’il ressent. Elle indique que c’est parce qu’elle est la conjointe du travailleur que ces frais n’ont pas été octroyés. Bien que le travailleur puisse lui-même conduire sa voiture, il doit s’arrêter fréquemment et la CSST devait en tenir compte pour rendre sa décision.   

[28]        Également, elle dépose, au soutien de sa requête, la feuille sommaire du dossier d’hospitalisation du travailleur en psychiatrie, datée du 3 novembre 2011. Dans ce document, on mentionne que le travailleur a été admis pour des idées suicidaires et homicidaires mais que rapidement, un état dépressif majeur a été exclu. Lorsqu’il a reçu son congé du centre hospitalier, le travailleur n’était ni déprimé, ni psychotique et aucune médication psychotrope ne lui est prescrite. Il est mentionné également qu’il n’y a pas d’indication de suivi en psychiatrie.

[29]        Or, dans un premier temps, ce document ne constitue pas un élément permettant la révision. En effet, en premier lieu, il aurait pu être produit lors de l’audition du fond de la contestation. Il ne s’agit donc pas d'un élément nouveau au sens du premier alinéa de l’article 49 LITAT. En effet, bien que ce document n’ait pas été produit lors de l’audience devant le premier juge administratif, il aurait pu l’être.

[30]        De plus, le contenu de ce document ne peut être considéré comme étant déterminant sur le sort du litige. En effet, la feuille sommaire d'un dossier d’hospitalisation datant de novembre 2011 et dans lequel il est mentionné que le travailleur reçoit son congé sans être déprimé, psychotique et qu’aucune médication psychotrope ne lui est prescrite n’est d’aucune pertinence pour déterminer si l’état du travailleur nécessitait qu’il soit accompagné lors de ses déplacements pour ses visites médicales effectuées de juin 2012 à décembre 2012 et de décembre 2013 à février 2014.

[31]        Il s’ensuit que le travailleur n’a pas démontré la présence d'un fait nouveau, au sens du premier alinéa de l’article 49 de la LITAT, permettant de réviser la décision.

[32]        Quant aux autres motifs invoqués, et qui peuvent être résumés comme étant l’allégation d’un vice de fond ou de procédure de nature à invalider la décision, il s’agit du fait que le Tribunal a ignoré une partie de la preuve, que le travailleur souffre de douleurs insupportables, ce qui rend nécessaire la présence d'un accompagnateur, et qu’il doit s’arrêter fréquemment lorsqu’il conduit sa voiture.

[33]        En l’espèce dans sa décision, CLP-1 mentionne que l’objet de la décision est de déterminer si la CSST était justifiée de ne rembourser que les déplacements du travailleur et non ceux de son accompagnateur. Elle mentionne que l’article 115 de la loi doit recevoir application. Il prévoit ceci :

115.  La Commission rembourse, sur production de pièces justificatives, au travailleur et, si son état physique le requiert, à la personne qui doit l'accompagner, les frais de déplacement et de séjour engagés pour recevoir des soins, subir des examens médicaux ou accomplir une activité dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation, selon les normes et les montants qu'elle détermine et qu'elle publie à la Gazette officielle du Québec.

__________

1985, c. 6, a. 115.

 

 

[34]        CLP-1 reproduit également une lettre datée du 15 juin 2012 émanant d'une intervenante œuvrant pour l’organisme le Maillon, et indiquant que le travailleur a besoin de l’accompagnement de son épouse lors de ses déplacements ainsi que pour ses démarches entourant le recouvrement et l’amélioration de son état de santé général.

[35]        Toutefois, CLP-1 considère que ce document n’est pas suffisant  pour établir de façon prépondérante, la nécessité pour le travailleur d’être accompagné. Elle s’exprime ainsi :

[43]      Avec égards, le tribunal considère que ce document n’est pas suffisant pour démontrer, de manière prépondérante, que l’état physique du travailleur requiert un accompagnateur lors de ses déplacements en vue de recevoir des soins, subir des examens médicaux ou accomplir une activité dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation.

 

[44]      En effet, bien que la loi n’exige pas un rapport médical certifiant qu’un accompagnateur est nécessaire, il n’en demeure pas moins que le travailleur doit démontrer que son état physique requiert cet accompagnement.

 

[45]      Or, la lettre de l’intervenante Gagné énonce que le travailleur a subi des chirurgies et a séjourné à l’hôpital. Ces éléments ne suffisent pas à convaincre le tribunal que l’état physique de ce dernier justifie qu’il soit accompagné.

 

[46]      En effet, le fait d’avoir été opéré et d’avoir séjourné en centre hospitalier n’implique pas nécessairement un besoin d’accompagnement.

 

[47]      De plus, madame Gagné indique que les événements subis par le travailleur constituent des « présages à de la vulnérabilité à plusieurs niveaux ». Avec respect, cette assertion est, par sa nature, beaucoup trop générale et ne permet pas au tribunal de conclure qu’il est question de l’état physique du travailleur.

 

[48]      Qui plus est, le tribunal est d’avis que le contexte de cette phrase, de même que la nature du travail de sa rédactrice, qui est intervenante au sein d’un regroupement de proches aidants, tendent plutôt à démontrer que madame Gagné semble référer à l’état psychique du travailleur.

 

[49]      Ces constats s’infèrent également du fait que le travailleur fréquente cet organisme depuis 2009 et reçoit un suivi psychosocial, autant d’éléments qui ne permettent aucunement de constater que l’état physique de ce dernier requiert qu’il soit accompagné lors de ses déplacements.

 

[50]      Or, les dispositions de la loi pertinentes aux présentes tiennent uniquement compte de l’état physique du travailleur.

 

[51]      Finalement, le travailleur n’a pas témoigné pour expliquer en quoi son état physique nécessite les services d’un accompagnateur lors de ses déplacements.

 

 

[36]        Ainsi, la lecture des motifs de la décision, démontre que le premier juge administratif a analysé l’ensemble de la preuve soumise, dont la lettre de l’intervenante, et qu’il n'a pas considéré que cette preuve était suffisante pour conclure à la nécessité pour le travailleur d’être accompagné lors de ses déplacements.

 

[37]        De plus, il ne s’agit pas de l’unique motif de rejet de cette preuve mentionné dans la décision CLP-1, puisque le premier juge administratif indique que le document fait plutôt référence à une condition psychique du travailleur alors que, selon la législation pertinente, seul l’état physique du travailleur doit être pris en compte. La décision est motivée, cohérente et elle s’appuie sur la preuve présentée.

[38]        Il est clair que ce que recherche plutôt le travailleur, c’est une nouvelle appréciation de la preuve qui avait déjà été faite lors de l’audition par le premier juge administratif. Or, comme l’indiquait la Cour d’appel dans Bourassa[8], le recours en révision n’est pas un appel sur la base des mêmes faits. Il ne permet pas, non plus, au Tribunal de substituer son appréciation de la preuve à celle du premier juge administratif, ou de permettre à une partie d’ajouter de nouveaux arguments.

[39]        Il s’ensuit que la requête doit être rejetée.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL :

REJETTE la requête en révision présentée par monsieur Robert Boulay, le travailleur.

 

 

__________________________________

 

Guylaine Moffet

 

 

 

 

Madeleine Dunn-Boulay

Pour la partie demanderesse

 

Date de l’audience : 5 novembre 2015

 



[1]          RLRQ, c. T-15.1.

[2]           RLRQ, c. A-3.001.

[3]           Produits forestiers Donahue inc. et Villeneuve, [1998] C.L.P. 733; Franchenilli et Sousa, [1998] C.L.P. 783; Desjardins et Réno-Dépôt inc., [1999] C.L.P. 898;  Dastous c. CLP, C.S. Longueuil, 505-05-005248-999, 99-06-15, j. Maughan; Tribunal administratif du Québec c. Godin, [2003] R.J.Q. 2490 (C.A.), j. Rousseau-Houle; Bourassa c. CLP, [2003] C.L.P. 601 (C.A.), requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée, 04-01-22, (30009).

[4]           Id.

[5]           [2003] C.L.P. 606.

[6]           2005 QCCA 775; voir également au même effet, CSST c. Touloumi, 2005 QCCA 947.

[7]           2014 QCCA 1067.

[8]           Précité, note 3.

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