Décision

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Franklin et Commission scolaire Marguerite-Bourgeois

2011 QCCLP 3519

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Salaberry-de-Valleyfield

18 mai 2011

 

Région :

Richelieu-Salaberry

 

Dossier :

350531-62C-0805

 

Dossier CSST :

130969165

 

Commissaire :

Richard Hudon, juge administratif

 

Membres :

Jean-Benoît Marcotte, associations d’employeurs

 

Alain Lefebvre, associations syndicales

 

 

Assesseur :

Jean-Marie Latreille, médecin

______________________________________________________________________

 

 

 

Marie Soeurette Franklin

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Commission scolaire Marguerite-Bourgeois

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 26 mai 2008, madame Marie Soeurette Franklin (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 24 avril 2008, à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 20 décembre 2007 et déclare que la travailleuse n’est pas atteinte d’une maladie pulmonaire professionnelle et qu’elle n’a pas subi d’accident du travail.

[3]           La travailleuse et Commission scolaire Marguerite-Bourgeois (l’employeur) sont représentés aux audiences tenues à Salaberry-de-Valleyfield les 8 et 10 février, 7 mai et 4 juin 2010 ainsi que les 21 février et 16 mars 2011.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que l’asthme dont elle est porteuse, alors asymptomatique, a été aggravé de façon permanente en milieu de travail, ce qui constitue une lésion professionnelle.

LA PREUVE

[5]           Le 30 janvier 2007, la travailleuse présente une réclamation à la CSST pour une lésion professionnelle qu’elle allègue avoir subi le 11 janvier 2007. Aux fins de rendre sa décision, la CSST considère la date du 15 janvier 2007 comme étant celle de la lésion alléguée puisqu’elle correspond au dernier jour de travail de la travailleuse.

[6]           Le 20 décembre 2007, la CSST refuse la réclamation de la travailleuse parce qu’elle n’est pas reconnue porteuse d’une maladie professionnelle pulmonaire et qu’il n’y a aucune preuve prépondérante en faveur d’un accident du travail. La travailleuse demande la révision de cette décision le 6 février 2008.

[7]           Le 24 avril 2008, à la suite d’une révision administrative, la CSST considère que la demande de révision de la travailleuse est recevable puisque la décision qui porte la date du 20 décembre 2007 n’a été expédiée à la travailleuse que le 8 janvier 2008. Elle maintient que la travailleuse n’est pas atteinte d’une maladie professionnelle pulmonaire et qu’elle n’a pas subi d’accident du travail. Le 26 mai 2008, la travailleuse conteste cette décision à la Commission des lésions professionnelles.

[8]           Pour rendre sa décision, la Commission des lésions professionnelles dispose de la preuve suivante :

·           le contenu du dossier de la CSST;

·           la preuve documentaire déposée à la Commission des lésions professionnelles;

·           les témoignages de la travailleuse, monsieur Robert Cartwright, monsieur Marcel Chevrier, monsieur Alain Ouellette, madame Louise Bouchard, monsieur Yvan Desrochers, madame Diane Cardinal, madame France Lacombe, monsieur Camille Raîche, monsieur Ghislain Pouliot, madame Geneviève Turcot, monsieur Michel Chauret, madame Karine Letarte, monsieur Van Hiep Nguyen et les docteurs Jean-Marie Gingras, Louis Jacques et John W. Osterman.

[9]           À l’audience du 8 février 2010, la travailleuse dépose une étude sur la qualité de l’air de l’école Émile-Legault, effectuée en mai 2009. L’employeur s’objecte au dépôt de cette preuve.

[10]        Une conférence préparatoire est tenue le 7 décembre 2009. Le représentant de la travailleuse mentionne qu’il entend faire la preuve que la condition d’asthme de la travailleuse a été aggravée par sa présence sur les lieux du travail, dans deux écoles différentes, à deux époques différentes.

[11]        Une réclamation a été produite à la CSST par la travailleuse, suite à un nouvel arrêt de travail survenu alors qu’elle travaillait à l’école Émile-Legault. Cette réclamation est refusée par la CSST et une demande de révision est pendante à la révision administrative, en date de l’audience du 8 février 2010.

[12]        Le représentant de la travailleuse se réfère, sans le déposer, à un jugement rendu par la Cour suprême du Canada et affirme qu’une preuve de faits postérieurs est admissible si elle aide à disposer du litige[1]. Il est d’avis que, dans le présent cas, les faits postérieurs au refus de la réclamation de la travailleuse sont pertinents en ce qui a trait à la preuve médicale.

[13]        La représentante de l’employeur s’objecte à l’admissibilité de cette preuve parce qu’un litige est toujours pendant à la CSST. Elle est d’avis que seuls les faits antérieurs à l’arrêt de travail du 15 janvier 2007 sont pertinents pour disposer du présent litige. Elle cite deux décisions rendues par la Commission des lésions professionnelles[2].

[14]        La Commission des lésions professionnelles prend l’objection en délibéré et obtient l’avis des membres sur la question. Le membre issu des associations syndicales est d'avis d’accepter le dépôt du document, sous réserve de sa pertinence, et de rejeter l’objection de l’employeur. Le membre issu des associations d'employeurs est d'avis d’accueillir l’objection de l’employeur et de refuser le dépôt de cette preuve dans le cadre du présent litige.

[15]        Tenant compte du jugement rendu par la Cour suprême dans l’affaire Cie minière Québec Cartier[3], la Commission des lésions professionnelles accueille l’objection de l’employeur puisqu’elle est d’avis qu’une cette preuve de faits postérieurs ne pourra aider à clarifier si la réclamation de la travailleuse était admissible au moment où elle a été refusée.

[16]        Ici, la Commission des lésions professionnelles doit décider si la condition asthmatique de la travailleuse a été aggravée, de façon temporaire ou permanente, par sa présence sur les lieux du travail, à l’école Harfang-des-Neiges. La réapparition des symptômes de la travailleuse, suite à un retour au travail, aurait pu être considérée pertinente si le retour au travail s’était effectué à la même école.

[17]        Puisque le retour au travail s’est effectué dans une autre école et qu’il y a eu un nouvel arrêt de travail, la Commission des lésions professionnelles décide qu’il n’est pas pertinent d’accepter en preuve, l’étude sur la qualité de l’air de l’école Émile-Legault, effectuée en mai 2009, pour décider si la travailleuse a subi une lésion professionnelle le 15 janvier 2007, d’autant plus qu’un autre litige est maintenant à la Commission des lésions professionnelles, concernant un nouvel arrêt de travail survenu alors que la travailleuse était à cette école, et que le représentant de la travailleuse a refusé de joindre les deux litiges ( C.L.P. 404787-62C-10-03).

Le contenu du dossier de la CSST

La preuve médicale

[18]        Le 16 janvier 2007, le docteur Élaine Caron signe une attestation médicale dans laquelle elle écrit : « Asthme # possiblement causé milieu ō moisissures au travail ».

[19]        Le 19 janvier 2007, le docteur Paul Lysy, médecin de la travailleuse, réfère cette dernière au docteur J. F. Calles, immunologue clinique et allergologue. Dans un rapport médical du 6 février 2007, le docteur Lysy indique qu’il ne permet pas un retour au travail pendant l’investigation; il réfère la travailleuse au docteur Ronald Olivenstein, pneumologue. Le 18 février 2007, le docteur Calles pose les diagnostics de rhinite allergique et d’asthme.

[20]        Le dossier est dirigé à un comité de maladies professionnelles pulmonaires formé des docteurs Neil Colman, Gaston Ostiguy et Manon Labrecque, pneumologues. Ils examinent la travailleuse le 5 avril 2007. Les conclusions de ce comité sont :

Diagnostic :

 

Les membres du Comité aimeraient déterminer si l’asthme de madame Franklin est professionnel ou personnel aggravé au travail.

 

Dans ce contexte, les membre du Comité demandent à la CSST d’obtenir les résultats d’analyse de la qualité de l’air qui a été faite par l’École Harfang-des-Neiges.

 

Nous référons également madame Franklin à la clinique d’asthme professionnel de l’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal. Étant donné qu’il y a eu un nettoyage au niveau du lieu de travail de la réclamante, nous tenterons un retour au travail avec mesure des débits de pointe. Au cours de cet essai, nous arrêterons la prise d’Advair chez cette réclamante et avons substitué le Flovent par inhalation.

 

Limitations fonctionnelles :                Aucune.

 

Tolérance aux contaminants :            Elle ne devrait pas être exposée aux poils de chats ni aux autres allergènes déjà démontrés.

 

Autres conditions médicales :            Rhinite allergique.

 

 

[21]        Le 30 avril 2007, à la demande de l’employeur, la travailleuse est examinée par le docteur John W. Osterman, médecin spécialiste en santé communautaire et en santé au travail. Il retient les diagnostics d’asthme et de rhinite allergique, d’origine personnelle, non reliés à son milieu de travail. Nous reviendrons sur le contenu de cette expertise lorsqu’il sera question du témoignage du docteur Osterman.

[22]        Le docteur Labrecque, dans un rapport daté du 21 mai 2007, pose le diagnostic d’asthme relié au travail et autorise un retour pour investigation. Le 21 juin, elle mentionne que des tests sont à faire sur place avec surveillance pendant deux jours.

[23]        Le 10 juillet 2007, le docteur Labrecque indique dans un rapport médical qu’il n’y a pas d’asthme professionnel identifié mais une rhinite professionnelle probable. Dans son rapport adressé au docteur Colman, elle écrit :

J’ai été responsable des tests de provocation bronchique spécifique chez cette réclamante.

 

JOUR A : 27 juin 2007:

 

Il s’agissait d’une journée contrôle. Le VEMS a été mesuré à 2.01 et en fin de journée il était à 1.97. Il n’a pas varié de façon significative. La CP20 a été mesurée à 3 mg/ml. L’expectoration induite la journée contrôle démontrait une cellularité normale et une augmentation non spécifique des cellules bronchiques. Pas d’éosinophiles.

 

JOUR B : 28 juin 2007:

 

Première journée d’exposition en usine soit à l’école. On doit noter que les conditions avaient changé. Son bureau avait été rénové, nettoyé, les armoires avaient été retirées de même que les moisissures visibles. Le VEMS initial a été mesuré à 2.16, n’a pas varié de façon significative. La patiente a cependant eu une rhinorrhée, une congestion nasale, des céphalées et une sensation d’essoufflement.

 

 

 

JOUR C : 29 juin 2007:

 

Deuxième journée d’exposition en usine. VEMS initial à 2 L, pas de variations significatives, en fin de journée la CP20 a été mesurée à 1.2 mg/ml. La patiente durant la journée a eu un picotement au niveau des yeux, des céphalées, une congestion nasale et des serrements au thorax.

 

 

[24]        Le 13 septembre 2007, le comité des maladies pulmonaires professionnelles rend l’avis suivant :

Suite à l’expertise produite par le comité B des Maladies Pulmonaires Professionnelles en date du 5 avril 2005, les membres du Comité ont reçu un rapport de l’évaluation environnementale avec numération et identification des moisissures faite à l’école primaire Harfang-des-Neiges par monsieur Gilbert Goulet, technicien en hygiène du travail en novembre 2002.

 

À l’époque, il considérait que le milieu de l’enseignement ne représentait pas de risque significatif pour les employés.

 

Des mesures de la fonction pulmonaire ont été prises au travail par la clinique d’asthme professionnel de l’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal. Même si madame Franklin a développé des symptômes de ses voies respiratoires hautes, symptômes similaires à ceux qu’elle avait ressentis auparavant, il n’y avait pas de changement démontré au niveau du VEMS.

 

Quand même, les conditions de travail n’étaient pas les mêmes. Les conditions de travail ont été nettement améliorées.

 

Les membres du Comité considèrent que la réclamante ne fait pas d’asthme professionnel, mais plutôt un asthme personnel aggravé par les conditions de travail.

 

Dans ce contexte, aucun DAP ne peut lui être accordé.

 

Limitations fonctionnelles :                Aucune.

 

Tolérance aux contaminants :            Elle ne devrait pas être exposée aux poils de chats ni aux autres allergènes déjà démontrés.

 

Prochain examen :                             S’il y a apparition de faits nouveaux.

 

Autres conditions médicales :            Rhinite allergique. [sic]

 

 

[25]        Le dossier est soumis au Comité spécial des présidents, composé des docteurs Raymond Bégin, André Cartier et Marc Desmeules, pneumologues, qui rend cet avis le 1er novembre 2007 :

À leur réunion du 31 octobre 2007, les membres soussignés du Comité Spécial des présidents ont étudié le dossier de cette réclamante.

 

Ils ont pris connaissance des conclusions de l’expertise antérieure faite par le comité des maladies pulmonaires professionnelles « B » de Montréal en date du 5 avril 2007 ainsi que de l’avis complémentaire émis par le même comité en date du 13 septembre 2007. Ils ont revu l’histoire professionnelle, les données du questionnaire cardiorespiratoire, la médication, les habitudes, les antécédents personnels et familiaux.

 

La description de l’examen physique de même que les résultats des examens de laboratoire ont été notés.

 

Ils ont relu les radiographies pulmonaires et ils ont analysé les valeurs du bilan fonctionnel respiratoire.

 

À la suite de cet examen, ils entérinent les conclusions émises par le comité des maladies pulmonaires professionnelles « B » de Montréal. On considère que cette réclamante a fait de l’asthme personnel et qu’elle a eu une aggravation temporaire de son asthme relié aux conditions de travail.

 

DAP :

 

Dans ce contexte, aucun DAP ne lui est accordé.

 

Limitations fonctionnelles :

 

Aucune.

 

Tolérance aux contaminants :

 

Elle ne devrait plus être exposée au bois de chêne ni aux autres allergènes déjà démontrés.

 

Réévaluation :

 

S’il y a apparition de faits nouveaux.

 

Autres conditions médicales :

 

Rhinite allergique.

 

 

La preuve documentaire

[26]        Le 30 janvier 2007, la travailleuse produit une réclamation à la CSST à laquelle elle joint un document qui contient cette description de l’événement :

Depuis mon transfert à l’école Harfang-des-Neiges pav. Lauzon, j’ai constaté une certainne précarité sur l’état de ma santé; à savoir l’utilisation de ma pompe plus fréquemment.

Je n’ai pas de problème d’asthme comme tel, je fais des allergies aux chats.

 

En Octobre 2006, j’ai visité mon médecin de famille et nous avons attendu jusqu’à la fin du mois de Novembre pour se diriger vers un spécialiste des allergies.

Les symptomes sont surtout : la congestion nasales, l’essoufflement, les yeux rouges et la fatigue.

 

J’ai passé mes deux semaines de vacances de Noël, aucun de ces symptomes ne s’étaient manifestés; et c’est à mon retour de travail que ce malaise persiste à nouveau.

 

Après entretien avec une enseignante, cette dernière me relate que l’école a été victime d’une incendie en 2000 et mon local(qui est au sous-sol) était utilisé comme le salon du personnel et a été transféré au premier étage. Il est à souligner que tout le sous-sol a été rénové excepté mon local.

 

Après vérification, j’ai constaté des traces d’eau à l’intérieur et aux abords des armoires. Sur mon plancher, plusieurs tâches d’anomalies. Tous ces éléments pourraient occasionner une mauvaise qualité de l’air. Je suis au courant qu’on a retracé des traces de champignons au local voisin en 2003. [sic]

 

 

[27]        Le lendemain, la travailleuse signe, chez l’employeur, le formulaire « Déclaration d’accident du travail » et décrit sensiblement le même événement.

[28]        Le 7 février 2007, la travailleuse signe le formulaire « Annexe à la réclamation du travailleur maladie professionnelle pulmonaire » et écrit ces commentaires :

Je n’avais jamais fait le lien lorsque les week-ends j’étais à la maison à partir du dimanche je commençais à ne plus être congestionné, mal de tête, yeux rouges et l’essoufflement était parti. C’est à mon retour des vacances de noël que j’ai passé sans avoir été à l’école et dès à mon retour les symptômes sont de retour : congestion nasale, l’essoufflement, les yeux rouges et surtout la fatigue. Je peux vous dire que la semaine du 9 janvier je n’ai pas eu beaucoup de travail car les élèves étaient très sage, alors j’ai passé beaucoup plus de temps à mon bureau que normalement durant toute la journée je monte et descend afin d’aller chercher les élèves en difficultés, support aux enseignants ou pour les ateliers. Comme je venais tout juste d’être transféré à l’école en septembre 2006 je n’ai pas voulu me plaindre de la saleté de l’école, mais j’ai bien vu que le personnel m’en parlait en me disant que cette école n’était pas aussi propre que l’autre pavillon d’où j’ai travaillé durant 3 ans. Les escaliers et les corridors pour aller à mon bureau ont de la poussière et des déchets. [sic]

 

 

[29]        Au dossier, nous retrouvons également une évaluation environnementale, numération et identification des moisissures, effectuée en novembre 2002, par messieurs Gilbert Goulet, technicien en hygiène du travail, et Gaëtan Handfield, hygiéniste du travail (rapport de 2002). Il est pertinent de rapporter la conclusion de cette étude :

À la lumière des résultats obtenus lors de l’échantillonnage concernant les moisissures, nous ne sommes pas en mesure de mettre en évidence un niveau de risque pour les employés en bonne santé de l’école. Toujours à la lumière de nos résultats et de notre expérience, nous considérons que ce milieu d’enseignement ne présente pas de risque significatif en relation au moisissures.

 

De plus, la similitude des concentrations entre notre actuelle échantillonnage et de celle de 2001 nous porte à confirmer l’absence de source de prolifération de moisissures. [sic]

 

[notre soulignement]

 

 

 

La preuve déposée à la Commission des lésions professionnelles

La preuve médicale

[30]        Le 5 novembre 2009, le représentant de la travailleuse dépose les notes de consultation, du 17 septembre 2009, du docteur Anne Valérie Gonzalez, pneumologue. Cette preuve est plus ou moins pertinente puisque cette consultation est faite après que la travailleuse soit retournée au travail dans une nouvelle école et que les symptômes soient réapparus.

[31]        Les notes de la consultation du 29 septembre 2009, du docteur Louis Jacques, spécialiste en médecine communautaire, sont également déposées. Bien que cette consultation a lieu après le deuxième arrêt de travail survenu alors que la travailleuse était à l’école Émile-Legault, la Commission des lésions professionnelles considère que cette preuve est pertinente dans la mesure où la travailleuse explique au docteur Jacques qu’elle le consulte pour avoir son opinion à savoir s’il est pertinent de contester le refus du fait que son asthme ait été aggravé par le travail. Les éléments pertinents à retenir sont :

·           la travailleuse mentionne au docteur Jacques qu’elle a eu une crise d’asthme en juillet 1992 suite à l’achat d’une nouvelle maison où vivait un chat; une deuxième crise survient en 1997, aussi à cause d’un chat, et, en juin de la même année, début d’une allergie au pollen; une troisième crise reliée à la présence d’un chat survient en 2003;

·           suite à son arrêt de travail de janvier 2007, la travailleuse mentionne que son état s’est amélioré et est redevenu normal dans les mois qui ont suivi; elle est transférée dans une nouvelle école en août 2007 et son état est stable, la prise de Ventolin étant très occasionnelle;

·           le docteur Jacques écrit : « il ne fait aucun doute qu’elle a développé une rhinite allergique et que son asthme est non contrôlé malgré les Px ≈ 2 ans » et il ajoute : « Il est aberrant de faire reposer uniquement sur sa condition personnelle le fait d’avoir un asthme non contrôlé ».

[32]        Les notes du docteur Jean-Marie Gingras, médecin conseil, sont déposées par l’employeur le 10 février 2010. Le docteur Gingras rencontre la travailleuse le 9 février 2007; il retient le diagnostic d’atopie connue et suggère ce qui suit :

1.     Lien possible

2.     212 : condition personnelle aggravée

3.     Accès dossier

4.     Apte autre local.

 

 

La preuve documentaire

[33]        À l’audience du 8 février 2010, la travailleuse dépose un formulaire, « Constat de situation à risque », sur lequel nous retrouvons, notamment, les informations suivantes :

Description de la situation à risque : Je souffre déjà d’asthme, mes difficultés respiratoire semblent s’aggraver quand je travaille dans mon local. On soupçonne la présence de champignons sur le plancher et dans les murs[4]. [sic]

 

Quelle(s) démarche(s) avez-vous entreprise(s) ? La CSMB a été appélé la même journée. M. Raîche, contremaître est passé examiner les lieux le 12 janvier. La présence de vieux produits décapants séchés sous les meubles est soupconnées. [sic]

 

Autre(s) démarche(s) à entreprendre ou solutions à proposer : M. Raîche propose de faire décaper le plancher le 13 janvier et constater les résultats[5]. [sic]

 

 

[34]        Le 10 février 2010, l’employeur dépose un courriel que monsieur Luc Lafrenière, agent d’administration en prévention, adresse à madame Louise Bouchard le 6 février 2007. Il écrit :

§   Travaille au Pavillon P. Lauzon depuis 1 an. C’est depuis le retour des vacances des fêtes de cette année le 9 janvier 2007, que les symptômes ont débuté : nez qui coule et utilisation de ses pompes. La travailleuse associe ses symptômes à la possibilité de moisissures dans son local 012 au sous-sol en particulier sur le plancher de tuiles (tâches) et derrière la cuisinière.

 

§   La travailleuse est absente depuis le 15 janvier 2007 et sera de retour au travail d’ici la fin de semaine.

 

§   Depuis le 15 janvier 2007, des actions ont été prises soient : Une partie du comptoir de la cuisine et le plancher de tuiles ont été enlevés. Les tuiles du plancher étaient collées sur du terrazo. Le terrazo a été bien nettoyé et ciré par la suite.

 

 

§   Je n’ai observé aucune trace de moisissures dans ce local et pour compléter le nettoyage de la pièce j’ai recommandé à Madame Cardinal de faire nettoyer les surfaces horizontales, armoires ainsi que les objets s’y trouvant.

 

§   J’ai pris des mesures de base de qualité de l’air, l’humidité est faible 11.8%.L’ajout d’un humidificateur a été suggeré par Madame Cardinal. Le bioxyde de carbone est à 563 ppm ce qui est très bien (norme 5000 ppm).[sic]

 

§   J’ai discuté avec monsieur André Benoit, régisseur qui était présent lors des travaux, il me confirme qu’il n’a avait pas présence de moisissure. Aucun matériau n’était humide. [sic]

 

 

[35]        Des bons de travail déposés par l’employeur le 10 février 2010 montrent que les travaux suivants ont été effectués au local où la travailleuse exerçait ses tâches avant son arrêt de travail :

·            22 et 23 janvier 2007 : enlever les cabinets sous le comptoir et nettoyer. Réinstaller seulement le comptoir et l’évier;

 

·            14 février 2007 : installer un comptoir avec évier à la cuisinette au sous-sol;

 

·            28 février 2007 : installer un évier de cuisine au sous-sol dans l’ancienne cuisine.

 

 

[36]        À l’audience du 4 juin 2010, la travailleuse produit ces documents :

·            Formulaire de déclaration de situations dangereuses pouvant porter atteinte à la santé, la sécurité ou l’intégrité physique d’une travailleuse ou d’un travailleur ou d’un(e) élève (23 février 2000)

 

DESCRIPTION : Trois locaux démontrent des signes évidents d’infiltration d’eau, d’humidité. Deux de ces locaux (incidemment occupés par des travailleuses enceintes) se plaignent de maux associés à des moisissures dégageant des toxines. Ces moisissures sont apparentes sur le haut des calorifères. Des tests voici quelques années avaient démontré une qualité de l’air < à la limite >.

 

SOLUTIONS PROPOSÉES : Démontez l’écran des calorifères afin de constater l’ampleur (superficie) des moisissures. Tester la qualité de l’air à l’aide d’instruments appropriés. Nettoyer/désinfecter le tout. Colmater les infiltrations.

 

 

·            CONSTAT DE SITUATIONS À RISQUE (pour la santé et/ou la sécurité des travailleurs et des élèves) (21 février 2001)

 

 

DESCRIPTION : Des parents, enfants employés se plaignent de la qualité de l’air au sous-sol de l’école. Plusieurs présentent de symptômes tels : toux, plaque de rougeur… Ces symptômes s’apparentent à ceux résultant d’une piètre qualité de l’air ou à la présence de moisissures (infiltration d’eau). La bâtisse ayant déjà souffert d’infiltration d’eau un feu en juin dernier.

 

SOLUTIONS PROPOSÉES : Obtenir les études faites depuis l’incendie quant à la qualité de l’air, refaire au besoin et apporter les correctifs.

 

 

·                     Évaluation environnementale NUMÉRATION ET IDENTIFICATION DE CHAMPIGNONS (Octobre 2001)

 

10. CONCLUSION

 

À la lumière des résultats obtenus lors de la journée d’échantillonnage concernant les champignons, nous ne sommes pas en mesure de mettre en évidence un niveau de risque pour les employés en bonne santé de l’école. Nous ne pouvons pas non plus affirmer qu’il y a des foyers de prolifération à l’intérieur du sous-sol. Il faut tenir compte qu’il est impossible d’obtenir un milieu ouvert exempt de tous microorganismes et que ces derniers peuvent provenir de l’extérieur par les portes ou fenêtres ou encore être transportés dans l’école par le personnel ou les enfants.

 

Les concentrations sont très faibles et nous n’avons pas constaté la présence d’organismes pathogènes qui soit dangereux à faible concentration et ce, toujours pour les employés en bonne santé. Pour chaque personne pouvant présenter des symptômes compatibles avec une hypersensibilité aux microorganismes, il faudra considérer chaque cas individuellement, ne serait ce que pour s’assurer d’une relation possible entre les microorganismes présents et l’état de santé de la personne.

 

Les conditions environnementales pour les concentrations de dioxyde de carbone, les niveaux de température et les taux d’humidité ne présentent pas de situations particulièrement inquiétantes, si elles demeurent occasionnelles.

 

[nos soulignements]

 

[sic]

 

 

[37]        Le 1er septembre 2010, l’employeur dépose le rapport d’une évaluation des moisissures, effectuée les 31 mai et 22 juin 2010 à l’école Harfang-des-Neiges, par la firme Gestion environnementale T. Harris inc. (rapport Harris). Madame Brigitte Soucy signe ce rapport et son analyse des résultats et ses conclusions sont les suivantes :

Deux (2) des neuf (9) échantillons de matériaux prélevés montrent une croissance de moisissures. Ces deux échantillons (ECH-06 et ECH-07) ont été prélevés à l’intérieur du mur qui sépare les locaux 011 et 010 (entre la toilette des garçons et la toilette des filles).

 

Même si des matériaux contaminés par les moisissures ont été trouvés à l’intérieur du mur qui sépare le local 011 du local 010, les résultats d’analyse des échantillons d’air prélevés dans les locaux 012 et 010 ne montrent pas de concentrations de moisissures problématiques. En effet, les concentrations de moisissures mesurées à l’intérieur des locaux du sous-sol sont plus faibles que les concentrations mesurées à l’extérieur de l’école.

 

En ce qui concerne la concentration la plus élevée de moisissures du genre Cladosporium dans le local 129 (utilisé aux fins de comparaison), les facteurs qui sont à l’origine de cette concentration pourraient être étudiés. Selon les informations dont nous disposons, aucune plainte relative à la présence de moisissures n’a été formulée pour ce local.

 

Selon, l’ACGIH, la croissance de moisissures dans un environnement intérieur est inappropriée et peut mener à une exposition et à des effets nocifs sur la santé.

 

Ainsi, les matériaux contaminés par les moisissures qui ont été trouvés au sous-sol devront être enlevés pour prévenir une éventuelle exposition même si les résultats d’analyse des échantillons d’air ne montrent pas des concentrations de moisissures problématiques.

 

La façon la plus simple de prévenir la contamination par les moisissures dans un bâtiment est d’enlever tout matériau susceptible d’être contaminé et de réparer les structures du bâtiment qui permettent l’infiltration d’eau. Un bon entretien du bâtiment et la réparation rapide de tout dommage causé par l’eau devraient permettre de prévenir une contamination par les moisissures. Dans toutes les situations, les causes d’accumulation d’eau doivent être rectifiées, sinon les problèmes de contamination reviendront.

 

 

[38]        L’employeur demande à monsieur Van Hiep Nguyen, ingénieur, de commenter ce rapport, plus précisément, « si les moisissures ont été capables de causer la pourriture du bois, tel que montré sur la photo 8, dans l’espace de temps entre novembre à mai 2010 ». Dans son rapport du 4 octobre 2010, monsieur Nguyen conclut ainsi :

En conclusion, avec la présence d’eau à plusieurs reprises, les moisissures présentes sur le bois ont été capables de faire pourrir le bois durant la période de novembre 2009 à mai 2010, tel que montré sur la photo 8.

 

 

[39]        Finalement, soulignons que plusieurs photographies et un plan des lieux ont été déposés lors des audiences.

La preuve testimoniale

La travailleuse

[40]        La travailleuse exerce un emploi de technicienne en éducation spécialisée depuis mai 2003. Au début, elle travaille au pavillon Gouin de l’école Harfang-des-Neiges. En septembre 2006, elle est transférée au pavillon Lauzon. Son local se situe au sous-sol, à côté des salles de toilettes. Elle travaille 25 heures par semaine, cinq heures par jour. La travailleuse occupe son local pour 90 % de son temps de travail.

[41]        À son arrivée au local, en septembre 2006, la travailleuse constate que l’odeur est pénible. Elle ouvre les fenêtres et utilise un purificateur d’air avec des huiles essentielles. C’est le début des symptômes. En début de semaine, les symptômes s’installent et augmentent graduellement durant la semaine. Elle devient de plus en plus essoufflée et fatiguée. Elle doit utiliser sa « pompe » plus fréquemment alors qu’elle l’utilisait seulement lorsqu’elle était en contact avec des chats. Le 3 octobre 2006, lors de sa visite annuelle, le docteur Lysy lui demande si elle a un animal à la maison. Vu qu’elle a un chien, le docteur Lysy lui recommande de s’en débarrasser.

[42]        À son retour des vacances de Noël, en janvier 2007, la travailleuse pense qu’elle a un rhume. Lors de discussions avec des enseignantes, certaines lui disent que ce n’est peut-être pas un rhume et elle apprend qu’il y a déjà eu un feu à l’école. Elle se rend voir la directrice de l’école, madame Diane Cardinal, qui lui fait remplir un «Constat de situation à risque », le 11 janvier 2007. Madame Cardinal est alors très coopérative.

[43]        Le 12 janvier 2007, monsieur Camille Raîche visite son local. La travailleuse dit qu’elle voit des traces de champignons mais monsieur Raîche affirme plutôt qu’il s’agit de résidus de produits servant à décaper les planchers. Cette visite de monsieur Raîche dure tout au plus cinq minutes. La travailleuse déclare qu’elle a vu des taches brunes sur le plancher, des carreaux abîmés et des armoires gondolées.

[44]        Par la suite, madame Cardinal a une attitude un peu plus sèche. Elle ne comprend pas pourquoi la travailleuse ne revient pas au travail. Madame Cardinal dit à la travailleuse qu’il y a des problèmes à l’école à cause d’elle.

[45]        En mars 2007, la travailleuse va mieux physiquement mais pas moralement. Elle voit le docteur Osterman le 30 avril 2007 et ce dernier lui dit qu’elle n’a rien et qu’elle peut retourner au travail. Madame Cardinal contacte madame Bouchard qui lui dit que la travailleuse ne peut retourner dans le local. En juin 2007, la travailleuse apprend que son poste est aboli. Elle doit alors choisir une autre école, soit l’école Émile-Legault. Le docteur Labrecque veut que la travailleuse passe deux jours dans son local pour que des tests soient effectués, ce qui n’est autorisé qu’à la fin juin 2007.

[46]        La travailleuse affirme qu’aucun membre de sa famille ne fait de l’asthme. Un frère a fait une bronchite et une sœur a fait une pneumonie. Si elle a déjà dit qu’un frère faisait de l’asthme, c’est une erreur de sa part, la travailleuse associant l’utilisation d’une pompe à l’asthme.

Monsieur Robert Cartwright

[47]        Monsieur Cartwright est le conjoint de la travailleuse, il la connaît depuis 23 ans. Avant 2006, la travailleuse était allergique aux chats seulement. Depuis 2006, elle prend plusieurs médicaments et voit des médecins régulièrement. Vers novembre 2006, le médecin de la travailleuse lui dit qu’il est préférable de n’avoir aucun animal à la maison. Le chien qui demeurait avec eux, depuis 2004, a alors été offert en adoption.

[48]        En janvier 2007, il se rend à l’école Harfang-des-Neiges pour récupérer des effets personnels de la travailleuse. Il constate que le comptoir et le lavabo ont été enlevés et voit des taches d’eau sur la partie basse du mur.

Monsieur Marcel Chevrier

[49]        Depuis septembre 2003, monsieur Chevrier exerce un emploi de plombier, chez l’employeur. À une date qu’il ne peut préciser, monsieur Chevrier a installé un évier de cuisine dans le local de la travailleuse, à l’école Harfang-des-Neiges. Il a peut-être fait des travaux dans d’autres locaux de l’école.

Monsieur Alain Ouellette

[50]        Monsieur Ouellette, depuis mai 1982, occupe un emploi d’ouvrier certifié. Il effectue tous genres de travaux, sauf l’électricité et la plomberie.

[51]        Lors de son témoignage du 8 février 2010, il dit se rappeler avoir exécuté des travaux à l’école Harfang-des-Neiges, peut-être à l’été 2007. Il a arraché un comptoir de mélamine pour le remplacer par un comptoir moulé. Il y avait déjà eu de l’eau dans ce local puisque le comptoir en mélamine était gonflé. Il a également enlevé des tuiles, collées sur du « terrazzo », certaines tuiles étant gonflées par l’eau.

[52]        Monsieur Ouellette a eu une formation sur les matières dangereuses. S’il y avait eu des moisissures, il aurait porté des équipements de protection et aurait demandé aux ouvriers de porter des masques.

[53]        Réentendu le 4 juin 2010, monsieur Ouellette déclare qu’il a effectué des travaux en janvier 2007 selon le bon de travail qu’il a signé le 14 février 2007 et non à l’été 2007 tel que dit lors de son premier témoignage. Il répète cependant qu’il n’y avait pas de moisissures car s’il y en avait eu, il aurait porter des équipements de protection, ce qui n’a pas été le cas.

Madame Louise Bouchard

[54]        Madame Bouchard est chez l’employeur depuis mai 2005. Elle occupe le poste de régisseur du secteur santé et sécurité au travail et à ce titre, elle supervise une équipe qui gère les dossiers de la CSST et d’invalidité. Elle n’est jamais allée à l’école Harfang-des-Neiges.

[55]        Le 15 janvier 2007, madame Bouchard reçoit le formulaire « Constat de situation à risque ». Elle dit à madame Cardinal de ne pas rappeler la travailleuse au travail tant qu’il n’y aura pas plus d’informations. Si aucun autre local n’est disponible à l’école, la travailleuse devait rester chez elle. Elle ne sait pas si la travailleuse a été remplacée et n’a donné aucune directive à savoir si d’autres personnes devaient ou ne devaient pas travailler dans ce local. Il n’y a eu aucun suivi à ce «Constat de situation à risque ».

Monsieur Yvan Desrochers

[56]        Monsieur Desrochers enseigne à l’école Harfang-des-Neiges depuis 1998. Il occupe des fonctions de délégué syndical.

[57]        Il remplit et signe, le 23 février 2000, le « Formulaire de déclaration de situations dangereuses pouvant porter atteinte à la santé, la sécurité ou l’intégrité physique d’une travailleuse ou d’un travailleur ou d’un(e) élève ». Ce formulaire est remis à madame Lefebvre, alors directrice de l’école.

[58]        Il remplit et signe également, le 21 février 2001, le « CONSTAT DE SITUATIONS À RISQUE (pour la santé et/ou la sécurité des travailleurs et des élèves) », qui faisait suite à des plaintes verbales de parents, d’élèves et d’employés. Le service de garde se trouvant alors dans le local de la travailleuse, un enfant avait des problèmes lorsqu’il était présent dans ce local, mais pas ailleurs. Aussi, une bibliotechnicienne, engagée de façon ponctuelle après l’incendie, s’est plainte du fait qu’elle avait des plaques rouges.

[59]        Monsieur Desrochers explique, photographies à l’appui, les travaux effectués, il y a deux ou trois ans, à l’extérieur de l’école. Il témoigne également sur les travaux faits en 2010, dans certains locaux du sous-sol (toilettes). Réentendu le 16 mars 2011, il revient sur les travaux extérieurs effectués à l’été 2007.

[60]        La Commission des lésions professionnelles n’élabore pas davantage sur le témoignage de monsieur Desrochers qu’elle considère pertinent dans la seule mesure où ce témoignage tend à démontrer que, après le retrait du travail de la travailleuse, il a pu y avoir un problème d’infiltration d’eau, provenant de l’extérieur, et qu’il y a eu assurément un problème de fuites d’eau et ce, bien après le départ de la travailleuse.

Madame Diane Cardinal

[61]        Madame Cardinal a été directrice de l’école Harfang-des-Neiges de 2004 à 2008. Elle déclare que la travailleuse est allée la voir, peut-être à trois reprises à l’automne 2006, pour lui dire qu’elle se sentait loin des enfants. Elle voulait être au même étage et non au sous-sol. Madame Cardinal conclut que le transfert de la travailleuse du pavillon Gouin au pavillon Lauzon a été un choc pour elle.

[62]        La travailleuse est allée la voir en décembre 2006 parce que ça n’allait pas bien. Au retour des vacances de Noël, en janvier 2007, la travailleuse ne va pas mieux. Madame Cardinal se rend au local de la travailleuse et constate qu’il y a des taches brunes sur le plancher. Elle avise la commission scolaire le même jour.

[63]        Le lendemain, monsieur Raîche visite le local de la travailleuse et est d’avis qu’il s’agit de taches de vieille cire. La décision est prise de décaper le plancher le vendredi suivant. Pas d’autres travaux ne sont envisagés à ce moment-là.

[64]        Les taches ne sont pas parties et les tuiles du plancher sont enlevées. Le plancher de « terrazzo » est divisé par des barres de métal et des taches de rouille sont visibles.

[65]        Monsieur Luc Lafrenière, dont le courriel du 6 février 2007 a été déposé, a fait des tests sur la qualité de l’air. Pas d’autres mesures que celles énumérées dans ce courriel n’ont été prises. Elle confirme que la travailleuse n’a pas réintégré l’école après le 6 février 2007.

Madame France Lacombe

[66]        Madame France Lacombe est directrice de l’école Harfang-des-Neiges depuis janvier 2008. Elle témoigne principalement sur les travaux effectués en mai 2010, dans des locaux du sous-sol, et les travaux extérieurs effectués à l’été 2009, à cause de problèmes d’infiltration d’eau. Pour les fins de la présente décision, la Commission des lésions professionnelles ne croit pas utile de détailler davantage le témoignage rendu par madame Lacombe.

Monsieur Camille Raîche

[67]        Monsieur Raîche a été contremaître de l’entretien général pendant 17 ans avant de prendre sa retraite. Il s’occupait de l’entretien ménager dans les écoles et de projets spéciaux, comme suite à du vandalisme et des dégâts d’eau. Il décrit les travaux d’entretien normalement exécutés dans une école. À sa connaissance, il n’y a eu aucun problème de moisissures à l’école Harfang-des-Neiges.

Monsieur Ghislain Pouliot

[68]        Monsieur Pouliot occupe un emploi de concierge. Il décrit les travaux effectués à l’école Harfang-des-Neiges, décapage et cirage du plancher du local de la travailleuse. À son avis, il n’y avait aucune trace de moisissures dans ce local.

 

 

Madame Geneviève Turcot

[69]        Madame Turcot est coordonnatrice du service de la dotation et des services sociaux pour le personnel de soutien. Elle explique les différents bons de travail déposés en preuve et l’assignation de monsieur Pouliot aux travaux de décapage.

Monsieur Michel Chauret

[70]        Depuis 17 ans, monsieur Chauret exerce l’emploi de concierge chez l’employeur. Il a travaillé à l’école Harfang-des-Neiges de mars 2009 à juillet 2010, mais jamais auparavant. La Commission des lésions professionnelles estime son témoignage peu pertinent.

Madame Karine Letarte

[71]        Madame Letarte est conseillère en rééducation. Elle a travaillé dans le local de la travailleuse et mentionne que l’air y était très chaud et humide. Elle dit que ça ne sentait pas bon dans ce local, comme une odeur de terre, de saleté, de moisissures.

Monsieur Van Hiep Nguyen

[72]        Bien que la travailleuse se soit objectée à la reconnaissance de la qualité d’expert de monsieur Nguyen, la Commission des lésions professionnelles a reconnu cette qualité d’expert à titre d’ingénieur mécanique et hygiéniste industriel spécialisé dans l’analyse de la qualité de l’air et la présence de contaminants.

[73]        Monsieur Nguyen témoigne sur la présence de moisissures et leur prolifération. Le rapport de 2002 révèle des concentrations de moisissures mais comme celles à l’intérieur sont inférieures à celles de l’extérieur, ça signifie qu’il n’y a rien d’inquiétant. À 1 000 UFC/m3, ça commence à être inquiétant mais à 100, c’est très faible. Dans le rapport Harris, l’échantillon #7 révèle la présence de moisissures, en croissance modérée, donc capables de se reproduire. Toutes les spores sont comptabilisées, tant vivantes que mortes, ces dernières ne pouvant se reproduire. Un dégât d’eau réparé en dedans de 48 heures n’est pas une source de prolifération des moisissures.

[74]        Monsieur Nguyen est d’accord avec cette affirmation contenue dans le rapport : « De très bas niveaux d’exposition peuvent être suffisants pour déclencher des symptômes tandis qu’une personne moins sensible, bien qu’allergique, pourrait avoir besoin d’une exposition plus prolongée avant de manifester des symptômes ». Il est aussi d’accord avec le fait que le rapport Harris montre qu’il y a plusieurs problèmes d’infiltration d’eau à l’école Harfang-des-Neiges.

[75]        La Commission des lésions professionnelles n’estime pas pertinent de faire état des autres éléments du témoignage du docteur Nguyen.

Le docteur Jean-Marie Gingras

[76]        Du témoignage du docteur Gingras, la Commission des lésions professionnelles retient qu’il voit la travailleuse le 9 février 2007, rencontre qui dure environ 45 minutes. Les seules informations qu’il possède alors proviennent de la travailleuse. Il est d’avis que la travailleuse présente une condition personnelle et qu’il est possible que cette condition ait été aggravée par l’état d’insalubrité du local.

Le docteur Louis Jacques

[77]        Le docteur Jacques est médecin spécialiste en santé communautaire depuis 1982. Il fait partie de l’équipe d’intervention sur la qualité de l’air de la Direction de la santé publique de Montréal, médecin à la Clinique interuniversitaire de santé au travail et de santé environnementale de l’Institut thoracique de Montréal et professeur agrégé à la faculté de médecine de l’Université de Montréal. Sa qualité d’expert est reconnue.

[78]        Des collègues pneumologues lui ont référé la travailleuse pour qu’il donne son avis sur son retrait et sur un possible retour au travail dans son milieu de travail.

[79]        Le docteur Jacques explique ce qu’est l’asthme. Notamment, l’inflammation des bronches peut être causée par des irritants respirés comme de la fumée, des allergènes ou des micro-organismes. La sensation d’oppression et un serrement de la cage thoracique sont des symptômes typiques d’une inflammation des bronches. Avec présence ou non de toux et de sécrétions, les bronches se ferment de telle sorte que des sifflements sont présents de même qu’un essoufflement dû au fait qu’il y a manque d’air.

[80]        Les mêmes phénomènes se produisent lors d’une rhinite/sinusite. De la congestion, des rougeurs, des sécrétions et des difficultés à respirer par le nez sont présentes de même qu’un écoulement nasal et, parfois, des éternuements. Si l’inflammation dure plus de trois à six mois, la condition est chronique et il peut y avoir des phases aiguës. Quand il y a congestion au niveau des sinus, il y a une pression constante, lancinante, et des maux de tête.

[81]        Le docteur Jacques souligne qu’il existe une forte association entre l’asthme et une rhinite/sinusite chronique. Au début, rhinites fréquentes, puis rhinite/sinusite et enfin asthme. Les voies respiratoires supérieures doivent alors être traitées (laryngite, pharyngite) ainsi que les voies respiratoires inférieures (bronchiolite, bronchite).

[82]        La présence de rhinites fréquentes signifie que la maladie n’est pas contrôlée. Un asthme actif limitera la personne dans ses activités physiques. Un asthme sévère nécessite des soins urgents, sinon la crise ne sera pas contrôlée. Les facteurs associés à un asthme sévère, non contrôlé et persistant, sont la fumée, la pollution, les irritants et les moisissures.

[83]        Le docteur Jacques cite :

19.5.3 Current ACGIH Recommendations

 

[…] Evidence that active growth is occuring is most often sensory (visual identification or odor perception) confirmed by judicious sampling. […] Following is a summary of guidelines for assessing fungal problems in non-industrial indoor environments :

 

1.         […]

 

2.         The presence of moldy odors in occupied indoor environments is strong evidence that fungal growth is occuring. Such growth should be located and confirmed by source sampling. The conditions landing to the growth should be corrected and the growth removed, using appropriate precautions.

 

3.            […][6]

 

 

[84]        Le rapport de 2002 montre des concentrations peu élevées de moisissures mais certaines (Aspergillus) se retrouvent à l’intérieur seulement. En ajoutant cette information à l’histoire (incendie) et aux signes (odeur), il faut ouvrir les murs et trouver la source parce que le mur peut être sec. Le niveau d’humidité n’a pas besoin d’être élevé pour que la moisissure prolifère. Une source de contamination située à l’intérieur d’un mur circulera avec l’air.

[85]        Le témoignage de la travailleuse et les situations décrites dans les différents formulaires font ressortir plusieurs éléments démontrant la présence de moisissures. La condition de la travailleuse continue de s’aggraver même si, comme le recommande le docteur Lysy, elle s’est départie de son chien. L’asthme demeure non contrôlé et l’augmentation de la médication n’est pas suffisante.

[86]        L’histoire de la travailleuse est très typique d’une personne qui a été contaminée. Les premiers symptômes sont oculaires (yeux rouges, qui piquent) puis, il y a une congestion nasale. Les premiers contacts des contaminants fongiques avec l’organisme sont les yeux et le nez. Les maux de tête s’installent, puis les symptômes d’asthme comme l’essoufflement et les serrements. Une toux peut s’ajouter. Le docteur Jacques souligne que les moisissures produisent des problèmes de santé autant chez les personnes atopiques que chez les personnes non atopiques.

[87]        Pour reconnaître la relation entre la condition de la travailleuse et l’exposition à des moisissures, le docteur Jacques tient compte de l’historique du bâtiment, l’incendie de juin 2000, l’odeur présente, les taches de moisissures vues et le développement des symptômes.

[88]        Le comité des maladies professionnelles pulmonaires fait une considération incomplète des données. La contamination est toujours présente mais elle a diminué à cause des travaux de nettoyage effectués. Les tests effectués en juin 2000, qui auraient dû être plus hâtifs, ne sont pas considérés par le comité des maladies professionnelles pulmonaires. Ce comité retient que l’asthme est déjà présent mais oublie de considérer que cet asthme est devenu non contrôlé.

Le docteur John W. Osterman

[89]        Le docteur Osterman est chef du département de santé communautaire du Lakeshore, donc de tout l’Ouest de Montréal. Il est également médecin clinicien depuis 1994. Sa qualité d’expert est reconnue.

[90]        Le docteur Osterman est d’accord avec la théorie exposée par le docteur Jacques mais, ramenant cette théorie au dossier de la travailleuse, il doit répondre à la question de savoir si l’asthme qu’elle a présenté peut être qualifié de professionnel c’est-à-dire, relié à son milieu de travail.

[91]        Pour déterminer si la travailleuse a été exposée à des moisissures, on doit évaluer non seulement la quantité des colonies mais aussi leur qualité. Il n’y a aucun consensus sur le nombre de colonies à considérer par m3 pour dire qu’il y a danger de contamination par des moisissures. On doit utiliser le gros bon sens. La doctrine expose bien ce qui peut être considéré comme la normalité de la vie quotidienne :

Dans les régions tempérées, la concentration et la diversité des espèces fongiques varient principalement selon la saison et la disponibilité des matières organiques retrouvées dans la nature. Dans la région de Montréal, Pineau et Comtois ont fait ressortir que le nombre le plus élevé de moisissures viables dans l’air extérieur s’observe au mois de septembre, celui-ci se situant alors entre 2 000 et 2 5000 unités formatrices de colonies par mètre cube d’air (UFC/m3); durant les autres mois de l’année les décomptes ne dépassent guère 500 UFC/m3.

 

[…]

 

Au Canada, il existe encore peu de données sur l’ampleur de la contamination des habitations et des édifices publics par les moisissures. Les résultats des quelques études réalisées font état de proportions variant de 14% à un peu plus de 30% d’habitations étant aux prises avec des problèmes de moisissures ou d’humidité excessive. Quant aux études réalisées sur le nombre d’espèces et de spores viables dans l’air intérieur, la majorité rapportent des valeurs se situant entre 50 et 1 500 UFC/m3. […][7]

 

 

[92]        Dans les édifices à bureaux, la normalité se situe entre 100 et 1 000 UFC/m3.

[93]        Dans la présente affaire, nous savons que la travailleuse est asthmatique mais il n’y a pas d’évidence qu’elle a été exposée à des moisissures et il y a absence de mécanisme biologique (façon dont les moisissures agissent sur l’organisme).

[94]        Ici, le docteur Osterman note que tout le sous-sol est rénové, à l’exception d’une salle. Si cette salle n’est pas rénovée, c’est qu’il n’y a eu aucun dégât à cet endroit. En 2007, deux employés font des travaux de rénovation mais ne constatent aucune présence de moisissure. La simple présence d’une odeur n’est pas suffisante pour dire qu’il y a présence de moisissures. En 2001 et 2002, le total des concentrations de moisissures est minime. Donc, il y a des moisissures, mais ce n’est pas anormal.

[95]        La travailleuse est asthmatique, c’est clair. Elle est allergique à de nombreuses choses mais pas aux moisissures. S’il y a présence de moisissures, les symptômes seront les mêmes pour quiconque se trouve dans un local où il y a des moisissures.

[96]        Après avoir examiné la travailleuse le 30 avril 2007, il en arrive à la conclusion évidente que la travailleuse peut retourner travailler dans son local sans problème. Le comité des maladies professionnelles pulmonaires est du même avis.

[97]        Les symptômes présentés par la travailleuse ne sont pas un élément objectif à considérer pour déterminer s’il y a eu exposition à des moisissures. Ici, la travailleuse continue à présenter les mêmes symptômes même si le milieu a changé. De plus, quand on ouvre les fenêtres, il y a augmentation de l’exposition mais ici il y a une certaine contradiction puisque la travailleuse dit qu’elle se sentait mieux. Aussi, l’ai sec peut causer une irritation mais ce n’est pas un milieu propice à la croissance des moisissures.

L’ARGUMENTATION DES PARTIES

[98]        Le représentant de la travailleuse soumet que cette dernière a contracté une maladie professionnelle au sens de l’article 30 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[8] (la loi) ou, subsidiairement, un accident du travail au sens de l’article 2 de la loi.

[99]        La travailleuse présente une condition asthmatique, asymptomatique. Cette condition a été aggravée, de façon permanente, suite à une exposition à des produits irritants en milieu de travail.

[100]     Après avoir fait une revue de la preuve, le représentant de la travailleuse soumet que la prépondérance de la preuve se fonde sur un ensemble d’éléments :

[177]    L’élément fondamental de ce litige porte principalement sur les diagnostics subséquents portés par les médecins traitants et sur lesquels le processus de contestation médicale fut engagé devant le BEM.

 

[178]    Or, le tribunal tient à rappeler que de tels litiges doivent se régler sur la prépondérance de preuve médicolégale qui est offerte dans ce dossier. Cette notion de la prépondérance de preuve se distingue de la preuve scientifique que l’on retrouve dans le domaine des sciences, comme en a déjà décidé, à plusieurs occasions, notre tribunal ainsi que les tribunaux supérieurs.

 

[179]    La prépondérance de preuve se fonde sur une appréciation globale de tous les éléments mis en preuve pouvant être constituée, aussi bien des faits objectifs que des déclarations offertes par les témoins incluant la travailleuse.

 

[180]    À cette preuve s’ajoute la preuve d’expert qui doit être appréciée toujours dans le même contexte juridique.

 

[181]    C’est de cet ensemble factuel que l’on peut déduire et conclure à une solution qui correspond à un critère de probabilité par rapport à ceux de la simple possibilité.

 

[182]    Une fois ces éléments précisés, la Commission des lésions professionnelles tient à mettre en lumière différents éléments que la preuve lui révèle[9].

 

 

[101]     Dans deux autres affaires[10], la Commission des lésions professionnelles a retenu qu’un asthme personnel aggravé par une exposition à des irritants en milieu de travail constituait une maladie professionnelle :

[51]      Les différents médecins qui ont vu le travailleur sont tous d'accords [sic] avec le diagnostic d'asthme.  Le docteur Labrecque, qui a vu le travailleur à plusieurs reprises en 2000 et 2001 et après l'importante investigation faite en laboratoire et dans le milieu de travail, retient finalement le diagnostic d'asthme personnel exacerbé au travail.  C'est le diagnostic le plus probable en l'espèce, compte tenu des substances irritantes telles celles identifiées par l'étude faite par le CLSC en janvier 2000 et présentes sur les lieux du travail.  C’est ce qui explique aussi que le travailleur est asymptomatique lorsqu’il est retiré de son milieu de travail.

 

[52]      Le tribunal est donc d’avis que la condition d’asthme personnelle du travailleur a été aggravée par le fait de son travail et que cette aggravation est liée aux risques particuliers que comporte l’exposition aux irritants précités, présents dans son milieu de travail.

 

[53]      Comme on le sait, la maladie personnelle et préexistante, aggravée par le travail en raison des risques particuliers du travail, est considérée comme une maladie professionnelle5.

_____________

5           PPG Canada inc. et Commission d’appel en matière de lésions professionnelles et als, [2000] C.L.P. 1213 , (CA).

 

[51]      La preuve est prépondérante et concluante à l’effet que la travailleuse a été soumise, tel que précédemment expliqué, à des risques particuliers « lorsqu’elle a commencé à travailler dans des locaux où elle a été exposée à des produits chimiques et à un environnement contaminé par des moisissures, l’humidité et autres substances associées nuisibles à la santé », risques qui ont entraîné ou aggravé la maladie professionnelle identifiée, soit de l’asthme, des sinusites à répétition et des bronchiectasies. La Commission des lésions professionnelles n’étant saisie que de l’admissibilité de la lésion, il appartiendra à la travailleuse de faire valoir ses droits (DAP et autres), s’il en est, auprès de la CSST, par les rapports d’évaluation appropriés.

 

 

[102]     Le représentant de la travailleuse réfère aussi le tribunal à une décision rendue dans le cas d’une travailleuse qui a présenté un « syndrome des édifices malsains »[11] ainsi qu’à ces autres décisions[12].

[103]     La représentante de l’employeur est d’avis que, pour prouver une aggravation de sa condition personnelle, la travailleuse devait démontrer la présence de moisissures sur les lieux de son travail et qu’elle a été exposée à ces moisissures, ce qu’elle n’a pas réussi à faire.

[104]     La preuve prépondérante indique plutôt qu’il n’y avait pas de moisissures dans le local où la travailleuse travaillait, les traces d’eau ne prouvant pas la présence de moisissures. Il n’y a aucune preuve qu’il y a eu des infiltrations d’eau en 2006 ou 2007.

[105]     La représentante de l’employeur cite des extraits d’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles, affaire dans laquelle le docteur Osterman a également témoigné :

[157]    Le tribunal est d’avis que la seule allégation de la travailleuse de problèmes de nature respiratoire et de picotements, en l’absence de signes objectifs aux épreuves respiratoires, ne lui permet pas de conclure à un diagnostic de maladie professionnelle pulmonaire.

 

[…]

 

[163]    Comme le docteur Osterman, le tribunal est d’avis que pour établir l’existence d’une maladie professionnelle, il faut qu’il y ait une cause à la maladie ou une exposition à des substances pouvant causer la maladie diagnostiquée. Il faut également qu’il y ait une manifestation de santé par l’individu qui corresponde à la maladie et évidemment, un lien entre les deux et que ces éléments sont absents du présent dossier.

 

[…]

 

[176]    Le tribunal s’est interrogé à savoir si l’asthme personnel dont est victime la travailleuse a pu être aggravé par ses conditions de travail. Le tribunal est d’avis de répondre par la négative. Il retient l’avis du docteur Osterman à l’effet que la travailleuse ne peut avoir été victime d’une aggravation de son asthme personnel puisque d’une part, elle n’a pas été exposée aux moisissures, et d’autre part, que si le travail avait aggravé sa condition personnelle asthmatique, les tests effectués par le docteur Cartier l’auraient confirmé[13].

 

 

[106]     La Commission des lésions professionnelles a déjà décidé qu’une exposition doit être importante[14] et dans une autre, elle écrit qu’une réclamation peut être acceptée s’il est démontré par une preuve prépondérante que les problèmes de santé sont reliés à une exposition quelconque dans le milieu de travail, ce qui n’est pas le cas ici[15].

L’AVIS DES MEMBRES

[107]     Le membre issu des associations syndicales est d'avis que l’asthme dont est porteuse la travailleuse a été aggravé, de façon permanente, suite à une exposition à des contaminants en milieu de travail. La travailleuse a subi une lésion professionnelle le 15 janvier 2007 et sa requête doit être accueillie.

[108]     Le membre issu des associations d'employeurs est d'avis de rejeter la requête de la travailleuse. Cette dernière n’a pas fait la preuve qu’elle avait été exposée à des moisissures ou à d’autres contaminants en milieu de travail. Elle n’a pas subi de lésion professionnelle le 15 janvier 2007.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[109]     La Commission des lésions professionnelles doit décider si la travailleuse a subi une lésion professionnelle le 15 janvier 2007.

[110]     La loi définit ainsi la lésion professionnelle et la maladie professionnelle :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

[…]

 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

 

« maladie professionnelle » : une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.

 

 

[111]     La loi prévoit, aux articles 226 à 233, des dispositions particulières pour les maladies professionnelles pulmonaires :

226.  Lorsqu'un travailleur produit une réclamation à la Commission alléguant qu'il est atteint d'une maladie professionnelle pulmonaire, la Commission le réfère, dans les 10 jours, à un comité des maladies professionnelles pulmonaires.

__________

1985, c. 6, a. 226.

 

227.  Le ministre forme au moins quatre comités des maladies professionnelles pulmonaires qui ont pour fonction de déterminer si un travailleur est atteint d'une maladie professionnelle pulmonaire.

 

Un comité des maladies professionnelles pulmonaires est composé de trois pneumologues, dont un président qui est professeur agrégé ou titulaire dans une université québécoise.

__________

1985, c. 6, a. 227.

 

228.  Ces pneumologues sont nommés pour quatre ans par le ministre, à partir d'une liste fournie par l'Ordre des médecins du Québec et après consultation du Conseil consultatif du travail et de la main-d’œuvre.

 

Ils demeurent en fonction, malgré l'expiration de leur mandat, jusqu'à ce qu'ils soient nommés de nouveau ou remplacés.

__________

1985, c. 6, a. 228.

 

229.  Dans les 10 jours de la demande de la Commission, un établissement au sens de la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2), malgré l'article 19 de cette loi, ou au sens de la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5), selon le cas, transmet au président du comité des maladies professionnelles pulmonaires que la Commission lui indique, les radiographies des poumons du travailleur que la Commission réfère à ce comité.

__________

1985, c. 6, a. 229; 1992, c. 21, a. 82; 1994, c. 23, a. 23; 2005, c. 32, a. 232.

 

230.  Le Comité des maladies professionnelles pulmonaires à qui la Commission réfère un travailleur examine celui-ci dans les 20 jours de la demande de la Commission.

 

Il fait rapport par écrit à la Commission de son diagnostic dans les 20 jours de l'examen et, si son diagnostic est positif, il fait en outre état dans son rapport de ses constatations quant aux limitations fonctionnelles, au pourcentage d'atteinte à l'intégrité physique et à la tolérance du travailleur à un contaminant au sens de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1) qui a provoqué sa maladie ou qui risque de l'exposer à une récidive, une rechute ou une aggravation.

__________

1985, c. 6, a. 230.

 

231.  Sur réception de ce rapport, la Commission soumet le dossier du travailleur à un comité spécial composé de trois personnes qu'elle désigne parmi les présidents des comités des maladies professionnelles pulmonaires, à l'exception du président du comité qui a fait le rapport faisant l'objet de l'examen par le comité spécial.

 

Le dossier du travailleur comprend le rapport du comité des maladies professionnelles pulmonaires et toutes les pièces qui ont servi à ce comité à établir son diagnostic et ses autres constatations.

 

Le comité spécial infirme ou confirme le diagnostic et les autres constatations du comité des maladies professionnelles pulmonaires faites en vertu du deuxième alinéa de l'article 230 et y substitue les siens, s'il y a lieu; il motive son avis et le transmet à la Commission dans les 20 jours de la date où la Commission lui a soumis le dossier.

__________

1985, c. 6, a. 231.

 

[…]

233.  Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi sur les droits du travailleur qui lui produit une réclamation alléguant qu'il est atteint d'une maladie professionnelle pulmonaire, la Commission est liée par le diagnostic et les autres constatations établis par le comité spécial en vertu du troisième alinéa de l'article 231 .

__________

1985, c. 6, a. 233.

 

 

[112]     Un comité des maladies professionnelles pulmonaires conclut que la travailleuse n’est pas porteuse d’un asthme professionnel mais d’un asthme personnel aggravé par les conditions de travail. Un comité spécial des présidents entérine cette conclusion mais ajoute qu’il s’agit d’une aggravation temporaire. Ces comités concluent également que la travailleuse présente une autre condition médicale, une rhinite allergique.

[113]     La preuve non contredite indique que la travailleuse, bien avant l’automne 2006, souffrait d’asthme. Cette même preuve indique que cet asthme était contrôlé, les crises se produisant lorsque la travailleuse était en contact avec des chats ou des poils de chats.

[114]     La preuve prépondérante indique également que la condition de la travailleuse s’est aggravée à compter de l’automne 2006. Ce que doit décider la Commission des lésions professionnelles, c’est si cette aggravation est reliée à son travail.

[115]     La Cour d’appel du Québec, dans PPG Canada inc. c. Commission d’appel en matière de lésions professionnelles[16], établit clairement qu’une aggravation d’une condition personnelle pourra être considérée comme une maladie professionnelle s’il est démontré que cette aggravation est reliée aux risques particuliers du travail.

[116]     L’article 29 de la loi énonce :

29.  Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.

 

Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.

__________

1985, c. 6, a. 29.

 

 

[117]     L’asthme bronchique est une maladie énumérée à la section V de l’annexe I de la loi. Pour bénéficier de la présomption de l’article 29 de la loi, un travailleur doit donc démontrer qu’il a exercé un travail impliquant une exposition à un agent spécifique sensibilisant.

[118]     L’avis du comité des maladies professionnelles pulmonaires, entériné par un comité spécial des présidents, conclut que la travailleuse ne présente pas un asthme professionnel mais ajoute que son asthme personnel a été aggravé par ses conditions de travail. Comment interpréter un tel avis?

[119]     La question n’est pas plaidée par les parties et n’a pas été soumise à leur attention. La Commission des lésions professionnelles, pour rendre sa décision, doit quand même tenir compte de cet avis qui fait partie de la preuve contenue au dossier de la CSST.

[120]     Si la preuve démontrait, de façon non équivoque, la présence de moisissures en milieu de travail, nul doute que le comité des maladies professionnelles pulmonaires aurait conclu à une maladie caractéristique du travail, c’est-à-dire que la travailleuse a exercé un travail impliquant une exposition à un agent spécifique sensibilisant soit, dans la présente affaire, une exposition aux moisissures. Ce n’est pas ce que la preuve révèle dans la présente affaire.

[121]     En concluant que l’asthme personnel de la travailleuse a été aggravé par ses conditions de travail, le comité concluait-il que cette aggravation était reliée directement aux risques particuliers de son travail?

[122]     Quoi qu’il en soit, même si le comité des maladies professionnelles pulmonaires avait une telle idée en tête, elle ne lierait pas la CSST, ni la Commission des lésions professionnelles, puisque, dans une affaire comme la présente, il aurait été d’opinion que la preuve prépondérante démontre une exposition à des moisissures susceptible de causer une aggravation d’un asthme personnel. Or, il s’agit d’une question légale que la Commission des lésions professionnelles doit disposer par la présente décision.

[123]     Le représentant de la travailleuse ne demande pas l’application de l’article 29 de la loi mais plutôt de l’article 30, lequel prévoit ce qui suit :

30.  Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.

__________

1985, c. 6, a. 30.

 

 

[124]     Que ce soit par la présomption de l’article 29 ou par l’application de l’article 30 de la loi, la travailleuse doit démontrer, par une preuve prépondérante, qu’elle a exercé un travail impliquant une exposition aux moisissures, l’agent spécifique sensibilisant qui a pu aggraver sa condition personnelle.

[125]     La Commission des lésions professionnelles doit, pour déterminer si la preuve est prépondérante à cet effet, tenir compte des faits graves, précis et concordants qui ont précédé l’aggravation de la condition personnelle.

[126]     L’opinion des experts est un élément important à considérer lorsqu’il s’agit, comme dans le cas présent, de déterminer si l’aggravation de la condition personnelle a été causée par les conditions de travail.

[127]     Ici, pour déterminer si la preuve d’aggravation est prépondérante, la Commission des lésions professionnelles doit, notamment, tenir compte de l’opinion exprimée par les experts. Dans la présente affaire, les opinions de madame Soucy (rapport Harris), de monsieur Nguyen et des docteurs Jacques et Osterman sont présentées en preuve.

[128]     L’opinion de madame Soucy ne peut être prise en considération puisqu’elle repose sur des faits survenus plus de trois ans après la survenance de la lésion professionnelle alléguée par la travailleuse. N’ayant pas accepté la preuve que voulait présenter la travailleuse concernant une possible exposition à des moisissures à l’école Émile-Legault, la Commission des lésions professionnelles voit mal comment elle pourrait considérer une preuve portant sur la possible présence de moisissures plus de trois ans après l’arrêt de travail de la travailleuse.

[129]     Le témoignage de monsieur Nguyen, pour les mêmes raisons, ne peut être considéré puisqu’il se fonde presqu’uniquement sur le rapport Harris pour émettre son opinion. De plus, son opinion sur le temps de décomposition d’un morceau de bois, du genre 2" x 4" (2 mois à 6 mois), n’est pas crédible, à tout le moins non prépondérante.

[130]     La Commission des lésions professionnelles ne considère pas prépondérante l’opinion du docteur Osterman. Il est d’avis que la travailleuse présente une condition personnelle d’asthme et qu’il n’y a aucune preuve d’exposition à des moisissures. Il retient que le rapport de 2002 ne démontre aucun problème de moisissures et que l’inspection visuelle du local de la travailleuse, en janvier 2007, n’a démontré aucun champignon. Il soumet que le taux d’humidité était très bas et que cette absence d’humidité milite contre la présence des moisissures.

[131]     Le docteur Osterman cite un document de l’Institut national de santé publique du Québec lorsqu’il parle de la normalité de la vie quotidienne. Il ne tient cependant pas compte de ce qui suit, contenu dans le même document[17] :

La présence d’une prolifération fongique intérieure sera estimée en effectuant une comparaison relative, qualitative et quantitative, entre la contamination intérieure et extérieure; une contamination pourra être soupçonnée lorsque le nombre total d’unités viables (UFC/m3) à l’intérieur sera plus élevé qu’à l’extérieur ou que la proportion relative des espèces retrouvées différera, ou encore, si plusieurs espèces retrouvées à l’intérieur sont inexistantes dans l’environnement extérieur immédiat et ce, même si les décomptes totaux diffèrent peu.

 

 

[132]     Comme le souligne le docteur Jacques, le rapport de 2002 montre la présence d’Aspergillus, à l’intérieur seulement, ce qui permet de soupçonner une contamination. Le docteur Osterman ne commente pas cet extrait, probablement parce qu’il considère que la concentration d’Aspergillus est trop faible.

[133]     Dans le document de l’Institut national de santé publique du Québec, il est question des études épidémiologiques portant sur les problèmes de santé associés aux moisissures et de travaux de groupes d’experts qui se sont penchés sur la question. Le groupe de travail de l’Institut national de santé publique du Québec retient alors :

Depuis les travaux de ces deux comités, d’autres études expérimentales, cliniques et épidémiologiques, portant sur le mécanisme d’action des moisissures et leurs effets sur la santé ont été publiées. Le groupe de travail de l’INSPQ a donc procédé à une revue de ces études afin d’effectuer une mise à jour du poids de la preuve. Les études revues se complètent, confirment le consensus scientifiques décrit au paragraphe précédent et permettent d’affirmer que l’exposition aux moisissures en milieu intérieur constitue un risque à la santé variant selon les espèces rencontrées, la dose d’exposition et la susceptibilité individuelle des sujets, et que les symptômes rencontrés touchent plusieurs systèmes et plus particulièrement le système respiratoire. Les principaux problèmes reconnus comme étant associés aux moisissures sont des problèmes irritatifs, d’exacerbation d’asthme, des réactions allergiques et d’hypersensibilité. Des réactions toxiques à la suite d’une exposition importante ou à des expositions répétées ainsi que des infections chez des sujets sévèrement immunodéprimés sont également documentées.

 

 

[134]     Dans l’affaire Groleau[18], la Commission des lésions professionnelles estime qu’il est insuffisant pour la travailleuse de prétendre avoir été exposée à des moisissures. Elle doit faire la preuve d’une telle exposition.

[135]     Par contre, dans l’affaire El Idrissi[19], la Commission des lésions professionnelles écrit :

[287]    En dernier lieu, la travailleuse n’avait pas à démontrer que la grande proportion des individus exposés aurait développé les mêmes symptômes qu’elle a présentés comme le prétend l’employeur. Elle avait le fardeau de démontrer que les symptômes qu’elle a présentés sont en relation avec la qualité de l’air de l’édifice où elle travaillait. Le tribunal conclut qu’elle s’est déchargée de son fardeau de preuve.

 

 

 

[136]     La Commission des lésions professionnelles retient cette dernière approche. La travailleuse doit démontrer, par une preuve prépondérante, que les symptômes présentés en janvier 2007 sont en relation avec la qualité de l’air du local où elle travaillait. Elle n’a pas à prouver qu’une grande proportion des individus auraient présenté les mêmes symptômes s’ils avaient travaillé dans le même local.

[137]     Sur ce dernier point, la Commission des lésions professionnelles souligne que le docteur Osterman base son opinion sur le fait que quiconque s’est trouvé dans le local de la travailleuse aurait présenté les mêmes symptômes, s’il y avait eu présence de moisissures. Il oublie cependant de considérer cette remarque contenue dans le document synthèse de l’Institut national de santé publique du Québec qu’il dépose lui-même : « Enfin, il faut noter que le fait d’être exposé aux moisissures n’entraîne pas nécessairement de symptômes chez tous les individus exposés ».

[138]     La Commission des lésions professionnelles considère prépondérante l’opinion du docteur Jacques qui est d’avis que l’asthme personnel de la travailleuse a été aggravé par son travail exercé dans le local situé au sous-sol du pavillon Lauzon de l’école Harfang-des-Neiges.

[139]     Les faits graves, précis et concordants considérés par la Commission des lésions professionnelles sont :

·           les problèmes d’infiltration d’eau soulignés dans le « Formulaire de déclaration de situations dangereuses pouvant porter atteinte à la santé, la sécurité ou l’intégrité physique d’une travailleuse ou d’un travailleur ou d’un(e) élève » rempli le 23 février 2000;

·           l’incendie survenu en juin 2000;

·           les travaux de rénovation effectués après cet incendie, sauf dans le local de la travailleuse;

·           le « Constat de situation à risque » rempli le 21 février 2001;

·           le rapport de 2002 qui montre des concentrations d’Aspergillus à l’intérieur seulement, ce qui permet de soupçonner une contamination;

·           le fait que la travailleuse ait été assignée, à compter de l’automne 2006, au local du sous-sol du pavillon Lauzon de l’école Harfang-des-Neiges et qu’elle ait commencé, graduellement, à présenter des symptômes associés à une exposition à des moisissures, symptômes qui se sont aggravés au point où elle doit cesser le travail en janvier 2007.

[140]     La conclusion du rapport de 2002 est qu’il n’y a pas « un niveau de risque pour les employés en bonne santé de l’école ». Dans le document synthèse déposé par le docteur Osterman[20], nous retrouvons ce qui suit :

Certains individus ou groupes d’individus sont, de par leur condition, plus susceptibles de développer des problèmes de santé lorsqu’ils sont exposés à des contaminants fongiques. Les populations les plus souvent mentionnées sont les individus atopiques, les personnes souffrant de certaines maladies (ex. fibrose kystique), les individus souffrant de problèmes respiratoires, telles que l’asthme et les maladies pulmonaires obstructives chroniques, les nourrissons et les jeunes enfants, les personnes âgées ainsi que celles immunodéprimées, notamment en milieu hospitalier. Comme elles passent généralement plus de temps à l’intérieur, les personnes vulnérables sont en même temps les plus exposées.

 

 

[141]     Dans ce même document, nous retrouvons une section portant sur la gestion d’un problème de contamination fongique. Pour les édifices publics, il est écrit :

Lorsqu’un problème de contamination fongique survient dans un bâtiment public où se retrouvent simultanément des travailleurs et des usagers, tel une école ou un hôpital, la gestion du cas devrait demeurer sous la responsabilité du gestionnaire de l’établissement en cause. Les étapes de l’enquête et de l’intervention devraient être organisées de façon conjointe par l’établissement, la direction régionale de la santé publique (équipes de santé environnementale et de santé au travail) et le CLSC concernés (équipe de santé au travail). Dès le début de l’enquête, les responsabilités de chacun des partenaires devront être clairement établies et ce, pour chacune des étapes de l’intervention. Il est essentiel que les organisations impliquées travaillent en étroite collaboration tout au long de l’enquête et qu’une stratégie efficace de communication soit instaurée, afin que les personnes concernées par le problème (occupants, tuteurs, etc.) soient tenues informées des rôles et des responsabilités des différents intervenants ainsi que des résultats obtenus et ce, à toutes les étapes de l’enquête.

 

 

[142]     Force est de constater que ce n’est pas ce qui s’est passé dans le cas de la travailleuse. Dès le 11 janvier 2007, cette dernière remplit un « Constat de situation à risque ». De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, le processus d’enquête aurait dû, dès lors, s’amorcer, ce qui n’a pas été le cas. Il n’est pas suffisant qu’une inspection sommaire soit faite par un contremaître de l’entretien, que des travaux mineurs soient effectués (armoires enlevées et évier remplacé) et que des ouvriers disent qu’ils n’ont pas vu de traces de moisissures sinon, ils auraient porter des équipements de protection pour ensuite affirmer qu’il n’y a pas de moisissures.

[143]     La Commission des lésions professionnelles conclut que l’asthme personnel de la travailleuse a été aggravé par le fait qu’elle a travaillé dans un local situé au sous-sol du pavillon Lauzon de l’école Harfang-des-Neiges, ce qui a conduit à son arrêt de travail du 15 janvier 2007.

[144]     Il s’agit d’une maladie reliée directement aux risques particuliers du travail et, pour les motifs mentionnés par le docteur Jacques, la Commission des lésions professionnelles considère qu’il s’agit d’une aggravation permanente.

[145]     Le comité des maladies professionnelles pulmonaires ne recommandait aucun déficit anatomo-physiologique ni aucune limitation fonctionnelle puisqu’il considérait qu’il s’agissait d’une aggravation temporaire.

[146]     L’existence ou l’évaluation d’une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique et l’existence ou l’évaluation de limitations fonctionnelles devront donc être décidées, selon les dispositions prévues à la loi, en tenant compte du fait que l’asthme personnel de la travailleuse a été aggravée de façon permanente.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête déposée le 26 mai 2008 par madame Marie Soeurette Franklin;

INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 24 avril 2008, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que madame Franklin a subi une lésion professionnelle le 15 janvier 2007, soit une aggravation permanente d’une condition personnelle d’asthme.

 

 

__________________________________

 

Richard Hudon

 

 

 

Me Alexandre Grenier

Gingras Cadieux Avocats

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Iris Montini

Me Marie-Josée Villeneuve

Gauthier et associés

Représentantes de la partie intéressée

 



[1]           Cie minière Québec Cartier c. Québec (arbitre des griefs), [1995] 2 R.C.S. 1095 .

[2]           Dinello et Télébec ltée, C.L.P. 189719-61-0208, 2 juin 2008, L. Nadeau; Blouin et Lac d’Amiante du Québec ltée, C.L.P. 359108-03B-0809, 9 juillet 2009, J. A. Tremblay.

[3]           Précitée, note 1.

[4]           Cette section est remplie et signée par la travailleuse le 11 janvier 2007.

[5]           Les deux dernières sections sont remplies et signées le 12 janvier 2007 par madame Diane Cardinal, directrice de l’école Harfang-des-Neiges.

[6]           AMERICAN CONFERENCE OF GOVERNEMENTAL INDUSTRIAL HYGIENISTS, Bioaerosols : Assessment and Control, Cincinnati (Ohio), 1999, ch. 19.

[7]          INSTITUT NATIONAL DE SANTÉ PUBLIQUE DU QUÉBEC,  Les risques à la santé associés à la

présence de moisissures en milieu intérieur, Document synthèse, INSPQ, 2002, 15 p.

[8]           L.R.Q., c. A-3.001.

[9]           Desjardins et ministère des Ressources naturelles et de la Faune, C.L.P. 331639-01A-0710, 26 février 2009, P. Simard, décision rectifiée le 14 avril 2009.

[10]         De Sousa et Manufacturier Patella 1987 inc., C.L.P. 174861-62-0112, 7 février 2003, É. Ouellet; Jean et Conciergerie R. Martin inc., C.L.P. 278227-09-0512, 12 décembre 2006, M. Sauvé.

[11]         El Idrissi et D.R.H.C. Direction travail [2006] C.L.P. 406 .

[12]         Coony et Concept Care Canada, C.L.P. 67143-71-9503, 13 septembre 1999, F. Juteau; Boisvert et Ferme Les Gorets inc., C.L.P. 171712-31-0110, 8 mai 2003, F. Mercure; Tremblay et Commission scolaire de la Jonquière, C.L.P. 190131-02-0208, 17 décembre 2003, M. Juteau; Vachon et Métallurgie Castech inc., C.L.P. 254346-03B-0502, 16 septembre 2005, C. Lavigne; Bisson et Les Gypses Promack inc., C.L.P. 249328-03B-0411, 8 février 2006, C. Lavigne; Monette et Ganotec inc., C.L.P. 267747-64-0507, 25 juillet 2006, P. Perron; Jenkins et Collège Jon Abbott, C.L.P. 349925-62C-0806, 23 juin 2010, I. Therrien.

[13]         Groleau et C.L.S.C. et C.H.S.L.D. du Marigot, C.L.P. 227729-61-0402, 12 juin 2007, F. Mercure.

[14]         Pelletier et Centre de santé et des services sociaux Cléophas-Claveau, C.L.P. 372531-02-0903, 28 juillet 2010, R. Bernard.

[15]         Della Cioppa et Docteurs de l’espace inc., C.L.P. 155730-71-0102, 18 septembre 2001, D. Lévesque.

[16]         [2000] C.L.P. 1213 (CA).

[17]         Précitée, note 7.

[18]         Précitée, note 13.

[19]         Précitée, note 11.

[20]         Précitée, note 7.

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