DÉCISION
[1] Le 16 octobre 2000, monsieur Pascal Boisvert (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 26 septembre 2000, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 25 février 2000 et déclare que le travailleur n’a pas démontré avoir été victime, le 28 juin 1999, d’une récidive, rechute ou aggravation. Elle précise que le travailleur doit rembourser la somme de 550,30 $. Elle confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 25 février 2000. Elle conclut que le travailleur n’a pas démontré avoir été victime, le 17 août 1999, d’une récidive, rechute ou aggravation. Elle souligne que le travailleur doit rembourser la somme de 550,30 $. Enfin, elle confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 25 février 2000 à l’effet de refuser de rembourser les frais d’ambulance encourus le 29 juin 1999.
[3] Lors de l’audition, le travailleur et son procureur sont présents. Pour sa part, l’employeur a avisé qu’il ne serait pas présent à l’audition. Enfin, la CSST est représentée par son procureur.
L'OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de conclure qu’il a été victime, en date du 28 juin 1999 et du 17 août 1999, d’une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion initiale du 3 février 1997. Il demande également le remboursement des frais encourus pour un transport en ambulance survenu le 29 juin 1999.
LES FAITS
[5] Le 3 février 1997, le travailleur est victime d’une lésion professionnelle. Lors de cet événement, il s’inflige une entorse lombaire. Cette lésion est consolidée par le médecin qui a charge au 24 février 1997, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
[6] Le 1er mars 1997, le travailleur est victime d’une récidive, rechute ou aggravation de cette lésion initiale. À cette date, le médecin émet un diagnostic d’entorse lombaire. La lésion est consolidée au 3 septembre 1997 avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles.
[7] Le 3 septembre 1997, le docteur Normand Taillefer, médecin qui a charge, complète un Rapport d’évaluation médicale. À cette date, le travailleur déclare que son degré d’amélioration se situe entre 50 et 60 %. Le médecin considère qu’il y a stabilisation des symptômes. Toutefois, il souligne que le travailleur demeure avec d’importantes douleurs à la région lombo‑fessière gauche et à la hanche droite. Il note que le travailleur présente certaines difficultés lors des activités quotidiennes. Il tolère mal la position assise prolongée pour plus de 20 à 30 minutes, que ce soit à la maison ou dans la voiture. Il prévoit des limitations fonctionnelles temporaires et envisage un déficit anatomo‑physiologique de 3,5 %.
[8] Le 3 mars 1998, le docteur Taillefer complète un Rapport d’évaluation médicale. Il souligne que depuis son examen du 3 septembre 1997, le travailleur présente une condition qui demeure stable, mais qu’il reste avec d’importantes douleurs à la région lombo-fessière gauche et à la hanche droite. Il ajoute que le travailleur est encore très intolérant au mouvement intérieur du tronc, surtout s’il y a un effort simultané. Il tolère la position assise pour 20 à 30 minutes à condition qu’il puisse changer fréquemment de position, au moins aux dix minutes. Lors de son examen, il note ce qui suit :
« 5. EXAMEN PHYSIQUE :
Profil ectomorphe. Alignement corporel dans les limites de la normale aux plans frontal et sagittal. Épaules et bassin alignés et horizontaux. Pas de déviation rachidienne.
L’examen neurologique des 2 membres inférieurs est normal, aux plans moteur, sensitif et réflexe.
Mobilité de la colonne dorso-lombaire, mesurée avec goniomètre. Flexion antérieure douloureuse à 55°, extension 20°, rotation 45° et flexions latérales 20°. Le SLR est à 60° bilatéralement, avec production de douleurs lombaires. Lasègue négatif. Tripode négatif. Ely négatif. Les manœuvres de compression et de provocation sacro-iliaques sont très douloureuses, particulièrement du côté gauche. La palpation du rachis lombaire révèle un segment douloureux en L5 principalement. » (sic)
[9] Lors de cette évaluation, le docteur Taillefer émet les limitations fonctionnelles suivantes :
« 9. LIMITATIONS FONCTIONNELLES :
- Doit éviter d’accomplir de façon répétitive ou soutenue les activités qui impliquent de soulever, porter, pousser, tirer des charges de plus de 10 kg.
- Doit éviter les mouvements répétitifs, soutenus ou extrêmes de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne dorso-lombaire.
- Doit éviter de travailler en position accroupie, de ramper ou de grimper dans les échelles, échafauds ou escabeaux.
- Doit pouvoir alterner régulièrement entre les positions assise et debout, approximativement à toutes les 30 ou 60 minutes.
- Ne peut conduire un véhicule pour plus de 30 minutes consécutives. »
[10] Le docteur Taillefer établit un déficit anatomo‑physiologique de 2 % pour une entorse dorsolombaire avec séquelles fonctionnelles objectivées. Il souligne que le travailleur est porteur de séquelles antérieures du même ordre que lors de son évaluation antérieure du 3 septembre 1997.
[11] Le 6 avril 1998, la CSST avise le travailleur qu’en raison de ses limitations fonctionnelles, il va bénéficier de mesures de réadaptation professionnelle.
[12] Le 23 juillet 1998, la CSST détermine un emploi convenable de concepteur-dessinateur assisté par ordinateur. La formation débute le 17 août 1998 et se termine le 29 janvier 1999.
[13] Le 29 janvier 1999, la CSST détermine que le travailleur est capable, à compter du 23 janvier 1999, d’exercer l’emploi convenable déjà retenu de concepteur-dessinateur assisté par ordinateur.
[14] Le 22 avril 1999, la CSST avise le travailleur que ses indemnités de remplacement du revenu prenaient fin le 6 avril 1999, date à laquelle il a recommencé à travailler.
[15] Par ailleurs, le dossier médical révèle que le 15 décembre 1998, le travailleur a consulté son médecin, alors qu’il était en formation. Le travailleur déclare être intolérant à la position assise prolongée sur une chaise dure même avec un adaptateur « obus-form ». Le médecin suggère une chaise ergonomique et recommande une consultation en physiatrie.
[16] Le 2 mars 1999, le docteur Savaria complète un Rapport médical dans lequel il émet le diagnostic d’entorse lombaire. Il souligne que le travailleur a été victime d’une rechute à l’occasion d’un stage. Il recommande un arrêt de travail.
[17] Le 15 juin 1999, le docteur Bouthillier, physiatre, complète un Rapport médical. Il émet alors un diagnostic d’entorse lombaire et de DIM L5-S1. Dans une lettre adressée au docteur Taillefer, il souligne que le travailleur déclare avoir des douleurs qui persistent et qui sont localisées à gauche. Il ajoute que les douleurs sont présentes en position prolongée et aux efforts. Suite à son examen, il souligne qu’il s’agit d’une dysfonction mécanique L5-S1. Il précise qu’il n’y a aucune indication chirurgicale. Enfin, il souligne que les blocs facettaires sous-scopies sont proposés mais le patient craint les aiguilles.
[18] Le 28 juin 1999, le travailleur déclare avoir été victime d’une récidive, rechute ou aggravation, en relation avec la position assise prolongée.
[19] À cette date, le docteur Bazzo complète une Attestation médicale dans laquelle il retient le diagnostic de lombalgie.
[20] Le 29 juin 1999, le docteur Gosselin complète une Attestation médicale dans laquelle il mentionne ce qui suit : sacro-iléite droite, récidive. Il recommande des analgésiques et une infiltration. Il note que le travailleur est en arrêt de travail.
[21] Le 29 juin 1999, le travailleur est transporté en ambulance au centre hospitalier de Saint‑Jérôme.
[22] Le 19 juillet 1999, le docteur Taillefer complète un Rapport médical dans lequel il retient le diagnostic d’entorse lombo-sacrée résiduelle avec aggravation transitoire. Il procède à une infiltration sacro-iliaque gauche. Il note que le travailleur est apte au travail et qu’il fera une réévaluation dans six semaines.
[23] Le 17 août 1999, le docteur Taillefer examine le travailleur. Il constate que ce dernier a vu un physiatre en juin 1999, lequel n’avait rien à lui offrir. Il ajoute que le travailleur a repris un travail sur un ordinateur sans effort depuis quatre mois. Il est très souffrant et manque souvent une journée de travail. Il note qu’il a trop de douleur pour rester coucher et qu’il a effectué un blocage à la fin juin et qu’il a connu deux semaines d’arrêt de travail. Lors de son examen, il note certaines ankyloses au niveau des mouvements de la colonne lombaire de même qu’une sensibilité diminuée.
[24] Le jour même, le docteur Taillefer complète un Rapport médical dans lequel il souligne ce qui suit :
« Aggravation douleur lombaire, paresthésie périnée Cauda Équina ? ITT neurochirurgie. » (sic)
[25] Le jour même, le travailleur se présente à l’urgence de l’hôpital du Sacré-Cœur. Il est examiné par divers médecins, dont le docteur Ladouceur, neurochirurgien. Ce dernier note que le travailleur présente une entorse lombaire sur une lombalgie chronique. Les notes médicales révèlent que les médecins décrivent une lombalgie qui est augmentée avec déficit sensitif objectivé au niveau du périnée et à l’intérieur des cuisses. Il est soupçonné la présence d’un syndrome de la queue de cheval. Le travailleur est gardé en observation pendant trois jours. À cette occasion, une résonance magnétique révèle ce qui suit :
« CONCLUSION :
Perte du signal discal normal L5-S1 avec pincement discal.
Comblement foraminal gauche en dessous de l’émergence de L5, et n’entraînant pas de compression significative sur S1. Cette image est compatible avec la présence d’une hernie discale foraminale gauche, il y a possiblement une composante ostéophsytique associée, mal définie. A corréler avec la clinique s’il y a symptomatologie. Apparence normale du conus médullaire, examen réalisé sans contraste. » (sic)
[26] Le 17 août 1999, le travailleur déclare être victime d’une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion initiale du 3 février 1997. Il souligne que sa lésion est en relation avec la position assise et qu’il n’est survenu aucun fait accidentel.
[27] Le 23 août 1999, le docteur Taillefer complète un Rapport médical dans lequel il note que la résonance magnétique est négative. Il souligne que le neurochirurgien n’a rien à offrir et le dirige à la clinique de la douleur. Il recommande une médication analgésique et un arrêt de travail.
[28] Le 20 septembre 1999, le docteur Taillefer note que la condition est stable. Il prescrit une médication analgésique de même que des exercices aquatiques. Il prescrit également un arrêt de travail. Dans les semaines suivantes, il maintient ses recommandations.
[29] Le 20 septembre 1999, le docteur Cadieux, médecin régional de la CSST, se prononce sur l’existence de la récidive, rechute ou aggravation. Il considère alors que celle-ci devrait être acceptée. Il note que le diagnostic qui a été reconnu, est celui d’entorse lombaire.
[30] Le 27 septembre 1999, l’agent d’indemnisation rencontre le travailleur. Ce dernier déclare prendre une médication et être sur une liste d’attente à la clinique de la douleur. Il mentionne que ses douleurs sont variables d’une journée à l’autre. Il présente une irradiation au membre inférieur droit bien que sa douleur origine à gauche au niveau lombaire. Il a également une boiterie à la marche. Il a commencé à travailler à Saint-Jérôme le 6 avril 1999 et a dû manquer des demi-journées de même que des journées complètes en raison de la douleur. Il a consulté le docteur Taillefer le 28 juin, lequel l’a mis en arrêt de travail pour une période de deux semaines. Depuis son dernier arrêt de travail, il n’est pas retourné chez son employeur.
[31] Le 14 octobre 1999, un autre médecin régional de la CSST, souligne que le travailleur pourrait bénéficier de la clinique de la douleur plus rapidement. Il note que la récidive, rechute ou aggravation est toujours acceptable, tel que l’a déjà mentionné le docteur Cadieux. Il ajoute qu’un retour au travail allégé serait sûrement préférable à son emploi convenable. Enfin, il souligne que les exercices aquatiques seraient acceptables.
[32] Le 26 octobre 1999, l’agent d’indemnisation communique avec l’employeur. Ce dernier déclare que les tâches à l’ordinateur et de bureau représentent approximativement 80 % du temps et que la position assise en alternance est permise.
[33] Par la suite, un médecin régional de la CSST déclare que la réclamation pour la récidive, rechute ou aggravation du 17 août 1999, lui apparaît justifiée.
[34] Le 16 novembre 1999, le docteur Taillefer souligne que le travailleur est suivi à la clinique de la douleur et qu’il prend une médication. Il note également que le travailleur a eu une infiltration.
[35] Le 30 novembre 1999, l’agent d’indemnisation souligne que le bureau médical a communiqué avec le médecin traitant et qu’il y aurait une réelle aggravation. Il ajoute qu’à la suite de la visite du 16 novembre 1999, le travailleur devrait être consolidé sans augmentation de son déficit anatomo‑physiologique.
[36] Le 16 décembre 1999, l’agent d’indemnisation considère qu’il doit obtenir une évaluation médicale, le tout conformément à l’article 204 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), puisque le médecin qui a charge n’a pas transmis de Rapport final.
[37] Le 25 janvier 2000, le docteur Taillefer complète un Rapport médical dans lequel il émet le diagnostic de lombalgie chronique. Il prescrit du « Supudol » et de « l’Elavil ». Il réfère le travailleur au docteur Aline Boulanger.
[38] Le 7 février 2000, le docteur Chérif Tadros, chirurgien-orthopédiste, examine le travailleur à la demande de la CSST. Le travailleur lui mentionne avoir des malaises importants au niveau lombaire et que ses douleurs augmentent s’il demeure assis longtemps. Lors de son examen objectif, le docteur Tadros décrit les mouvements de la colonne dorso-lombaire :
« […]
Les mouvements de la colonne dorsolombaire sont très limités :
Flexion antérieure : 30°
Extension : 30°
Flexion latérale : 20°
Rotation : 20°
Devant l’importante diminution des mouvements, nous pratiquons des épreuves de Waddel : avec une immobilisation complète de la colonne lombo-sacrée, une rotation au niveau des hanches provoque des malaises lombaires. Ceci constitue en une épreuve de Waddel qui est positive.
[…] » (sic)
[39] Le docteur Tadros considère qu’il n’y a pas d’aggravation depuis la dernière consolidation. Il ajoute qu’il n’y a pas lieu d’augmenter les limitations fonctionnelles. Il estime que le travailleur est apte à effecteur son travail de dessinateur.
[40] Le 24 février 2000, l’agent d’indemnisation mentionne que l’expert de la CSST, confirme qu’il n’y a pas eu d’aggravation et qu’il n’y a aucune raison médicale d’augmenter les limitations fonctionnelles. Ainsi, il conclut que le travailleur peut effectuer l’emploi convenable. Il avise le travailleur qu’il refuse ses réclamations pour les événements du 28 juin 1999 et du 17 août 1999. Il refuse également le remboursement des frais d’ambulance du 29 juin 1999. Ces décisions sont contestées par le travailleur.
[41] Le 30 mars 2000, le docteur Taillefer maintient le diagnostic de lombalgie chronique et ajoute celui de dysfonction S1 gauche. Il recommande des traitements par un chiropraticien.
[42] Le travailleur dépose au dossier une expertise du docteur Gille R. Tremblay, datée du 18 mai 2000. Suite à son examen, le docteur Tremblay souligne que le travailleur a eu un accident relativement violent au cours duquel il s’est infligé une entorse lombaire. Il ajoute que le travailleur s’est recyclé. Il présente maintenant une douleur lombaire avec irradiation au niveau de la sacro-iliaque gauche avec irradiation lors des mouvements impliquant le bassin. Il précise que le diagnostic est celui d’entorse lombaire avec atteinte sacro-iliaque par entorse sacro‑iliaque. Il ajoute que le travailleur pourrait être encore amélioré par des infiltrations de cortisone. Il émet un déficit anatomo‑physiologique en relation avec une entorse lombaire de même qu’une entorse sacro-iliaque. Il recommande des limitations fonctionnelles qui sont selon lui à peu près identiques à celles suggérées par le docteur Taillefer. Enfin, il souligne que le travailleur est apte à faire un travail rémunérateur à temps plein, mais qu’il ne devrait pas faire le travail de dessinateur car ceci implique une position assise prolongée.
[43] À l’audition, le travailleur déclare qu’avant l’événement de février 1997, il ne présentait aucun problème au dos ni à la hanche. Il était sportif et était âgé de 22 ans. Suite à son accident, il persistait des douleurs au niveau lombaire et à la hanche droite. Il précise que depuis la consolidation de sa lésion en septembre 1998, il n’est jamais retourné chez son employeur. Il a été admis en réadaptation et a obtenu une formation en dessin assisté par ordinateur. Pendant sa formation, il avait encore des douleurs à la région lombaire lors de la position assise prolongée. En raison de ses douleurs, il a quitté, entre 15 et 20 fois, avant la fin du cours. Il a débuté un stage en février 1999, lequel se situait à Lachute, ce qui représentait entre une demi-heure et 45 minutes d’automobile. Il a quitté cet emploi après une ou deux semaines en raison de l’augmentation de ses douleurs.
[44] Il déclare avoir débuté un emploi chez Icom le 3 avril 1999, et ce, à titre de dessinateur assisté par ordinateur. Avant de débuter cet emploi, il lui arrivait encore de consulter son médecin pour des douleurs lombaires.
[45] Pendant la période où il a occupé cet emploi, il lui est arrivé de s’absenter près de dix à quinze fois, pour des demi‑journées, et ce, en raison de l’augmentation de ses douleurs. Il associe cette augmentation de la douleur à la position assise prolongée. Il souligne que pour exécuter son travail, il devait demeurer en position assise devant son ordinateur. Il lui arrivait de se lever pour soulager ses symptômes. Son quart de travail était d’une durée de huit heures et comportait une pause d’une heure pour le dîner et deux pauses de quinze minutes.
[46] Il précise que le 28 juin 1999, il a quitté son emploi en raison de l’augmentation de ses douleurs. Il avait alors de plus en plus de difficulté à rester assis. Il a quitté son travail vers 10 h de l’avant-midi et a consulté un médecin le jour même. Il est retournée chez lui et s’est reposé. Toutefois, le lendemain matin, soit le 29 juin 1999, en se levant et en montant les escaliers à l’intérieur de résidence, il a été paralysé au sol. Il a alors été transporté en ambulance à l’hôpital de Saint-Jérôme. Suite à son arrivée à l’urgence, le médecin l’a gardé en observation pendant une partie de la journée et l’a retourné chez lui. À cette occasion, il n’a pas travaillé pendant une période de deux semaines. Il souligne qu’il était incapable de travailler en raison de ses douleurs. Son médecin lui a alors prescrit des médicaments. Puis, il a repris le travail pendant une semaine et a été en vacances en raison de la fermeture d’une entreprise. Il est revenu au travail le 19 juillet et a quitté de nouveau le 17 août 1999. Entre la date de son retour au travail et le 17 août 1999, il lui arrivait de s’absenter du travail en raison de ses douleurs.
[47] Le 17 août 1999, il a consulté le docteur Taillefer, lequel l’a référé à l’urgence à l’hôpital Sacré-Cœur. À cette occasion, il a été examiné par un neurologue, le docteur Ladouceur. À cette date, il avait des douleurs au niveau lombaire bas et des engourdissements aux cuisses du côté interne. Lorsqu’il s’est présenté à l’hôpital Sacré‑Coeur, il est demeuré en observation pendant trois jours. Par la suite, il a reçu une infiltration, ce qui ne lui a pas apporté beaucoup de soulagement. Puis, il a été suivi régulièrement par le docteur Taillefer et n’est pas retourné au travail avant le mois de juillet 2001. À cette occasion, il a débuté un nouvel emploi à titre d’assistant à la production. Dans le cadre de cet emploi, il travaille avec un ordinateur, mais cela n’exige pas une tâche continue sur ledit ordinateur, puisque cela est entrecoupé d’autres tâches. Il estime que ce travail lui permet d’alterner de la position assise à debout, contrairement à son emploi de concepteur de dessin assisté par ordinateur.
[48] Le travailleur précise que le docteur Taillefer lui avait prescrit divers médicaments, dont de la codéine afin de tenter de soulager ses symptômes. Toutefois, devant le peu d’amélioration de son état, il a été convenu de cesser de prendre ces médicaments. Il ajoute que son état est stable depuis le mois de janvier 2001 et qu’il n’a pas connu d’autre absence au travail.
L'ARGUMENTATION DES PARTIES
[49] Le procureur du travailleur soumet que la preuve prépondérante démontre que le travailleur a été victime en date du 28 juin 1999 et du 17 août 1999, d’une aggravation de sa lésion initiale du mois de février 1997. À cet égard, il précise que la CSST devait analyser, non seulement la notion de l’aggravation, mais également les notions de récidive ou rechute de la lésion initiale. Il appuie son argumentation sur la jurisprudence. Il estime que l’examen du docteur Tadros démontre une détérioration de la condition lombaire du travailleur, en comparaison avec l’examen effectué par le docteur Taillefer au mois de mars 1998. De plus, il réfère à un document du système Repère quant aux exigences de l’emploi convenable de dessinateur. Il souligne que cet emploi nécessite que le travailleur soit capable de rester assis durant de longues périodes. Or, à son avis, l’emploi convenable déterminé par la CSST contrevient aux limitations fonctionnelles. Il estime que cette situation explique l’aggravation survenue au dossier. Il demande de modifier les décisions rendues par la CSST et, de reconnaître que le travailleur a été victime, le 28 juin 1999 et le 17 août 1999, d’une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion initiale. Enfin, il demande que soit remboursé les frais d’ambulance encourus le 29 juin 1999.
[50] Pour sa part, le procureur de la CSST est d’avis que le travailleur n’a pas soumis de preuve prépondérante établissant une détérioration objective de sa condition, tant le 28 juin 1999 que le 17 août 1999. Il souligne que l’examen objectif du docteur Tadros révèle certaines contradictions quant aux symptômes allégués par le travailleur. De plus, il note qu’au moment de la consolidation de la lésion initiale, le travailleur demeurait avec des douleurs résiduelles, lesquelles étaient toujours présentes lors des rechutes alléguées. Il ajoute que la simple allégation de douleur est insuffisante pour établir l’existence d’une rechute, récidive ou aggravation. Enfin, il soumet que l’emploi déterminé par la CSST permettait au travailleur d’alterner de positions. Il conclut que le travailleur n’a pas démontré avoir subi une rechute aux dates mentionnées.
[51] Lors de sa réplique, le procureur du travailleur souligne que le travailleur a droit aux indemnités de remplacement du revenu, tel que le prévoit l’article 44 de la loi, dans la mesure où il démontre son incapacité à exercer son emploi. À cet égard, il soumet que le médecin qui a charge a recommandé un arrêt de travail. Par ailleurs, il constate que l’examen du docteur Tadros a eu lieu sept mois après les événements allégués, de telle sorte que cet examen ne permet pas d’établir l’absence de rechute aux dates concernées.
L'AVIS DES MEMBRES
[52] Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs sont d’avis que le travailleur a établi par une preuve prépondérante avoir été victime, le 28 juin 1999 et 17 août 1999, d’une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion initiale. Ils estiment que la preuve médicale et le témoignage du travailleur démontrent que ce dernier a connu une aggravation des ses symptômes, ce qui justifiait un arrêt de travail et des traitements. Ils sont également d’avis que le travailleur doit être remboursé des frais d’ambulance encourus le 29 juin 1999.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[53] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a été victime d’une lésion professionnelle, les 28 juin 1999 et 17 août 1999. Il devra également être déterminé si le travailleur a droit au remboursement des frais d’ambulance encourus le 29 juin 1999.
[54] La lésion professionnelle est définie à l’article 2 de la loi comme suit :
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation.
[55] Par ailleurs, la jurisprudence a interprété la notion de récidive, rechute ou aggravation comme étant une reprise évolutive, une réapparition, une recrudescence d’une lésion ou de ses symptômes. La jurisprudence a également reconnu que chacune de ces notions devait être analysée afin de déterminer si un travailleur avait subi une lésion professionnelle.
Événement du 28 juin 1999 et frais d’ambulance
[56] Il appert du dossier, que lors de la lésion initiale du 3 février 1997, le travailleur a subi une entorse lombaire. Le 1er mars 1997, il a subi une rechute qui a été reconnue par la CSST. Suite, à cette dernière le docteur Taillefer a émis une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.
[57] Le 3 mars 1998, le docteur Taillefer complétait une évaluation des séquelles permanentes. À cette date, le travailleur avait encore des douleurs à la région lombo-fessière gauche et à la hanche droite. Il présentait également des difficultés lors de la position assise prolongée de plus de 20 à 30 minutes. Le docteur Taillefer a alors émis des limitations fonctionnelles. Il recommandait, entre autres, que le travailleur puisse alterner régulièrement entre les positions assise et debout approximativement à toutes les 30 ou 60 minutes.
[58] La CSST a admis le travailleur en réadaptation et a mis en place des mesures, dont une formation de concepteur en dessin assisté par ordinateur. Par la suite, elle a déterminé que le travailleur était apte à exercer cet emploi à compter du 23 janvier 1999.
[59] À l’égard des exigences physiques de cet emploi, le document soumis par le travailleur et qui provient du système Repère, précise que le travailleur doit avoir la capacité de rester assis durant de longues périodes. Cela corrobore le témoignage du travailleur, lequel affirme que dans le cadre de son emploi de concepteur, il devait demeurer en position assise de façon prolongée.
[60] Or, pendant la période où le travailleur occupait cet emploi, il a connu de nombreuses absences en raison de l’augmentation de symptômes. C’est ainsi, que le 28 juin 1999, il s’est absenté du travail et a consulté un médecin. À cette date, le docteur Bazzo a recommandé un arrêt de travail en raison d’une lombalgie. Le lendemain matin, son dos a bloqué alors qu’il se déplaçait dans sa résidence. Comme il était seul chez lui, il s’est rendu en ambulance à l’hôpital. À cette occasion, le docteur Gosselin a prescrit un arrêt de travail. Il lui a également prescrit des analgésiques et une infiltration. Il a émis un diagnostic de sacro‑iléite droite. Dans son rapport, il mentionne qu’il s’agit d’une récidive de la lésion initiale.
[61] Puis le 19 juillet 1999, le travailleur a revu le docteur Taillefer, qui lui a fait une infiltration au niveau sacro-iliaque gauche. Il a alors émis un diagnostic d’entorse lombo-sacrée résiduelle avec aggravation transitoire.
[62] L’ensemble de la preuve démontre que le 28 juin 1999 le travailleur a subi une aggravation de sa lésion initiale. À cette date, il y a identité de site lésionnel, similitude de diagnostic, continuité des symptômes depuis la consolidation et un suivi médical. De plus, suite à la rechute de mars 1997, des séquelles permanentes ont été reconnues, de telle sorte que la CSST a déterminé un emploi convenable. Or, selon la preuve soumise, l’emploi tel qu’occupé par le travailleur, en juin 1999, exigeait une position assise prolongée, ce qui exacerbait les symptômes résiduels.
[63] D’ailleurs, au moment des consultations médicales contemporaines à cette rechute, les médecins ont recommandé un arrêt de travail et des traitements. Pour sa part, le médecin régional de la CSST a conclu à cette période que le travailleur avait subi une rechute, récidive ou aggravation.
[64] Or, il ressort de l’analyse du dossier, que la CSST a refusé la réclamation du travailleur suite à la réception de l’évaluation du docteur Tadros de février 2000. Elle concluait que le travailleur n’avait pas subi d’aggravation de sa lésion initiale.
[65] De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, cette évaluation, effectuée plusieurs mois après le 28 juin 1999, ne constitue pas une preuve prépondérante permettant d’écarter les opinions émises par les médecins qui ont examiné le travailleur à cette période.
[66] La Commission des lésions professionnelles conclut que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 28 juin 1999, sous la forme d’une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion initiale. Il a donc droit aux indemnités prévues à la loi.
[67] En vertu des articles 188 et suivants de la loi, le travailleur a alors droit au remboursement des frais encourus le 29 juin 1999, pour se rendre en ambulance à l’hôpital, puisque cette consultation est reliée à sa condition lombaire. Ces frais constituent une assistance médicale.
Événement du 17 août 1999
[68] La Commission des lésions professionnelles doit maintenant déterminer si le travailleur a subi une lésion professionnelle le 17 août 1999.
[69] La Commission des lésions professionnelles est d’avis que le travailleur a démontré par une preuve prépondérante avoir été victime, le 17 août 1999, d’une aggravation de sa lésion initiale. À cette période, le travailleur occupait toujours son emploi de dessinateur. Il lui arrivait encore de s’absenter en raison de l’exacerbation de ses douleurs lombaires.
[70] Il ressort du dossier médical que le 17 août 1999, le docteur Taillefer a examiné le travailleur. Il notait alors que ce dernier était très souffrant. Il s’interrogeait quant à un syndrome de Couda équina. Il référait le travailleur en neurochirurgie et recommandait un arrêt de travail.
[71] Le jour même, le travailleur s’est présenté à l’hôpital Sacré-Cœur et a été vu par le neurologue, le docteur Ladouceur. Il est demeuré en observation pendant près de trois jours. Puis, il a été maintenu en arrêt de travail et a reçu des traitements pour ses problèmes lombaires.
[72] L’ensemble de la preuve démontre une identité de site lésionnel, une similitude de diagnostic, une continuité des symptômes et une exacerbation de ceux-ci au jour de la consultation médicale du 17 août 1999. Cette aggravation de la condition du travailleur est en partie reliée aux exigences physiques de l’emploi occupé à cette période, dont la station assise prolongée. Cette exigence de l’emploi contrevenait aux limitations fonctionnelles. À compter de ladite période, le médecin qui a charge a suivi régulièrement le travailleur. Il a maintenu sa recommandation pour un arrêt de travail et des traitements. D’autre part, le travailleur occupe désormais un nouvel emploi, et n’a pas connu d’absence au travail, ce qui selon son témoignage, est en partie reliée au fait qu’il peut alterner plus facilement sa position de travail.
[73] Enfin, l’analyse de l’examen effectué par le docteur Tadros en février 2000, en comparaison avec celui effectué en mars 1998 par le docteur Taillefer, dénote une certaine détérioration au niveau des amplitudes articulaires de la colonne dorso-lombaire. Certes, le docteur Tadros relate des signes de non organicité, mais cet élément ne permet pas d’écarter l’ensemble de la preuve médicale et testimoniale, quant à l’état du travailleur au moment de la rechute du 17 août 199. Par ailleurs, même s’il y a une augmentation des limitations fonctionnelles, cela ne justifie pas une augmentation des limitations fonctionnelles, tel que le soulignent les docteurs Tadros et Tremblay.
[74] La Commission des lésions professionnelles conclut que le travailleur a subi, le 17 août 1999, une lésion professionnelle, sous la forme d’une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion initiale. Il avait donc droit aux prestations prévues à la loi.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête logée par monsieur Pascal Boisvert ;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative, le 26 septembre 2000 ;
DÉCLARE que le 28 juin 1999, monsieur Pascal Boisvert a été victime d’une lésion professionnelle, sous la forme d’une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion initiale du 3 février 1997 ;
DÉCLARE que monsieur Pascal Boisvert a droit au remboursement des frais d’ambulance encourus le 29 juin 1999 ;
DÉCLARE que le 17 août 1999, monsieur Pascal Boisvert a été victime d’une lésion professionnelle, sous la forme d’une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion initiale du 3 février 1997.
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Me Daniel Martin |
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Commissaire |
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Laporte & Lavallée (Me André Laporte) 896, boul. Manseau Joliette (Québec)
J6E 3G3 |
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Représentant de la partie requérante |
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Panneton, Lessard (Me Robert Morin) 85, rue de Martigny Ouest, 6e étage Saint-Jérôme (Québec)
J7Y 3R8 |
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Représentant de la partie intervenante |
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.