Serres Serge Lacoste 2000 inc. |
2012 QCCLP 5308 |
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[1] Le 1er mars 2012, Les serres Serge Lacoste 2000 inc. (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 30 janvier 2012, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle rendue initialement le 18 novembre 2011 et déclare que le coût des prestations découlant de la lésion professionnelle subie le 27 juin 2010 par monsieur Régis Desmeules (le travailleur) doit être imputé au dossier de l’employeur.
[3] Une audience devait être tenue à La Malbaie le 17 juillet 2012, mais l’employeur y a renoncé préférant déposer une argumentation écrite reçue par le soussigné le même jour. C’est à cette date que le délibéré a débuté.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de transférer aux employeurs de toutes les unités les coûts reliés au fait que la base salariale du travailleur a été fixée en tenant compte qu’il retirait une indemnité réduite de remplacement du revenu liée à une lésion professionnelle survenue antérieurement chez un autre employeur.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[5] La Commission des lésions professionnelles doit décider si l’employeur a droit au transfert d’imputation qu’il réclame dans sa demande initiale du 27 janvier 2011 où il invoque être injustement obéré au sens de l’article 326 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) :
326. La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.
Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.
L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.
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1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.
[6] C’est le 27 juin 2010 que le travailleur subit une lésion professionnelle en transportant des caisses de tomates.
[7] À cette occasion, l’indemnité de remplacement du revenu est fixée en tenant compte non seulement du salaire reçu chez l’employeur (salaire minimum) mais aussi de l’indemnité de remplacement du revenu réduite versée par la CSST en relation avec un accident survenu antérieurement chez un autre employeur.
[8] Ceci a eu pour effet d’augmenter l’indemnité de remplacement du revenu ce qui, selon l’employeur, l’obère injustement.
[9] Ce faisant, la CSST a appliqué les dispositions de l’article 73 de la loi qui se lisent comme suit :
73. Le revenu brut d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle alors qu'il reçoit une indemnité de remplacement du revenu est le plus élevé de celui, revalorisé, qui a servi de base au calcul de son indemnité initiale et de celui qu'il tire de son nouvel emploi.
L'indemnité de remplacement du revenu que reçoit ce travailleur alors qu'il est victime d'une lésion professionnelle cesse de lui être versée et sa nouvelle indemnité ne peut excéder celle qui est calculée sur la base du maximum annuel assurable en vigueur lorsque se manifeste sa nouvelle lésion professionnelle.
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1985, c. 6, a. 73.
[10] Ainsi, la CSST a appliqué la volonté exprimée par le législateur en versant une indemnité de remplacement du revenu plus élevée que celle qui aurait été fixée en se basant sur le simple salaire minimum versé chez l’employeur.
[11] Plusieurs décisions rendues par la Commission des lésions professionnelles, incluant par le soussigné, indiquent que le simple fait d’appliquer la loi ne peut être la source d’un acte obérant injustement un employeur.[2]
[12] Le tribunal n’a pas à décider de cette question vu qu’il estime approprié d’accorder un transfert en se basant sur un autre motif comme on le verra plus loin.
[13] Cependant, le tribunal s’interroge sur l’opportunité d’une réflexion quant à l’application un peu automatique de ce principe voulant que la loi ne peut obérer injustement un employeur.
[14] En effet, bien que l’article 73 de la loi ne crée aucune injustice pour le travailleur qui en bénéficie, il crée des effets inéquitables pour l’employeur qui se voit imputé de sommes complètement étrangères à la lésion professionnelle survenue chez lui.
[15] La notion d’employeur obéré injustement n’est-elle justement pas créée pour juger, au mérite de chaque cas, si les effets d’une disposition par ailleurs juste et légitime pour une partie peuvent être injustes et déséquilibrés pour l’autre partie?
[16] Le fait qu’une disposition soit juste lorsqu’on l’applique pour une personne ne fait pas en sorte qu’elle le soit pour l’autre partie.
[17] La loi crée un régime d’indemnisation pour les travailleurs qui doit s’interpréter de façon large et libérale, mais qui doit aussi, dans la mesure du possible, respecter un équilibre voulu par le législateur.
[18] Lorsqu’un travailleur porteur d’une condition personnelle importante équivalant à un handicap au sens de l’article 329 de la loi subit une lésion professionnelle, il est indemnisé quand même par l’effet de la loi et ce, peu importe l’injustice créée pour l’employeur.
[19] Cependant, le législateur rétablit l’équilibre et crée une contrepartie en permettant à l’employeur de demander un partage d’imputation selon l’article 329 de la loi.
[20] Lorsqu’un travailleur subit un accident du travail attribuable à un tiers, il est indemnisé en vertu de la loi et par application de cette loi, mais personne ne contestera le fait que cette application crée une injustice pour l’employeur qui n’avait aucun contrôle direct ou indirect sur les événements ayant mené à la lésion professionnelle. C’est pourquoi le législateur a prévu une exception à l’article 326 de la loi pour établir l’équilibre et faire échec à l’injustice dont l’employeur est victime.
[21] Pourquoi en irait-il différemment dans le présent cas où, par application de la loi, un travailleur a droit à un bénéfice, lequel entraîne cependant une situation disproportionnée et inéquitable pour l’employeur? Pourquoi ne pas alors conclure que la notion «d’obération» injuste peut s’offrir en pareil cas, en autant que les critères établis par la jurisprudence soient respectés? Cette disposition ne vise-t-elle pas justement à permettre au tribunal de rétablir des situations de déséquilibre et d’injustice qui surviennent, même dans le cadre de la pure application de la loi?
[22] Ainsi, lorsqu’un travailleur assigné temporairement à une tâche cesse de l’exécuter en raison d’une maladie personnelle, il a droit de récupérer l’indemnité de remplacement du revenu par pure application de la loi. Dira-t-on alors que l’employeur doit assumer les coûts de cette indemnité de remplacement du revenu parce que versée en application de la loi?
[23] À l’étude de la jurisprudence du tribunal, la réponse est clairement négative puisqu’un transfert de coûts est autorisé en pareil cas. Pourquoi en irait-il autrement dans le présent dossier?
[24] Bien qu’il soit vrai que le travailleur ait droit à une base salariale établie selon l’article 73 de la loi, l’employeur n’a-t-il pas aussi droit à l’application de la loi par la mise en œuvre de la mesure de redressement prévue à l’article 326(2)de la loi?
[25] Cela étant dit, le tribunal ne s’attardera pas plus longtemps à ce questionnement et étudiera plutôt la demande de l’employeur à la lumière d’une autre forme de transfert de coûts tel que la Commission des lésions professionnelles l’a permis dans l’affaire Pâtisserie Chevalier inc.[3]
[26] Ainsi, le présent tribunal entend étudier la demande de l’employeur sous l’angle du premier alinéa de l’article 326 de la loi, lequel ne requiert aucun délai quant à la présentation d’une demande.
[27] Le premier alinéa de cet article 326 édicte le principe de base en matière d’imputation, soit que le coût des prestations dues en raison d’un accident du travail est imputé à l’employeur.[4]
[28] La Commission des lésions professionnelles s’est souvent prononcée dans des situations semblables et il existe deux courants jurisprudentiels quant à la solution pouvant être adoptée. Dans une décision[5] très récente, le juge administratif Champagne résume ainsi la situation :
[18] La Commission des lésions professionnelles s’est prononcée à maintes reprises sur des situations semblables à celle qui prévaut dans le présent dossier. Il existe deux courants jurisprudentiels. Un premier2 conclut qu’il n’y a pas lieu de soustraire cet excédent du dossier financier de l’employeur puisque l’employeur ne peut prétendre à une injustice du fait de l’application de la loi.
[19] Un second courant jurisprudentiel3 conclut qu’il faut soustraire l’excédent du dossier financier de l’employeur puisqu’il n’est pas en lien avec l’accident du travail survenu chez lui. On applique alors le principe général du premier alinéa de l’article 326 de la loi.
[20] Le soussigné adhère à ce second courant jurisprudentiel, car il estime que cette approche rencontre davantage le principe voulant que l’imputation que doit supporter l’employeur doit être juste et équitable et que l’employeur ne doit supporter que les coûts qui lui sont attribuables. Dans l’affaire J. M. Bouchard et Fils4, le juge administratif Sansfaçon s’exprime de la façon suivante sur cette question :
[48] L’article 41.1 de la Loi d’interprétation invite les tribunaux à interpréter les dispositions d’une loi, non pas isolément, mais les unes par rapport aux autres :
41.1. Les dispositions d'une loi s'interprètent les unes par les autres en donnant à chacune le sens qui résulte de l'ensemble et qui lui donne effet.
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1992, c. 57, a. 603.
[49] L’interprétation retenue jusqu’ici ignore un principe fondamental en matière d’imputation des coûts, celui voulant qu’un employeur doit supporter ceux qui lui sont attribuables. Le législateur a créé des mécanismes particuliers très détaillés qui ont précisément cet objectif.
[50] Quand un travailleur souffre d’une maladie professionnelle, l’article 328 oblige la CSST à imputer le coût des prestations à tous les employeurs pour qui ce travailleur a exercé un travail de nature à engendrer sa maladie. L’article 328 prévoit même les critères qui doivent être utilisés pour refléter le plus fidèlement possible de la responsabilité de chaque employeur :
328. Dans le cas d'une maladie professionnelle, la Commission impute le coût des prestations à l'employeur pour qui le travailleur a exercé un travail de nature à engendrer cette maladie.
Si le travailleur a exercé un tel travail pour plus d'un employeur, la Commission impute le coût des prestations à tous les employeurs pour qui le travailleur a exercé ce travail, proportionnellement à la durée de ce travail pour chacun de ces employeurs et à l'importance du danger que présentait ce travail chez chacun de ces employeurs par rapport à la maladie professionnelle du travailleur.
Lorsque l'imputation à un employeur pour qui le travailleur a exercé un travail de nature à engendrer sa maladie professionnelle n'est pas possible en raison de la disparition de cet employeur ou lorsque cette imputation aurait pour effet d'obérer injustement cet employeur, la Commission impute le coût des prestations imputable à cet employeur aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités ou à la réserve prévue par le paragraphe 2° de l'article 312.
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1985, c. 6, a. 328.
[51] L’article 329 permet à un employeur d’obtenir un allègement de son pourcentage d’imputation lorsqu’une lésion professionnelle a été facilitée ou aggravée au niveau de ses conséquences en raison d’un handicap préexistant :
329. Dans le cas d'un travailleur déjà handicapé lorsque se manifeste sa lésion professionnelle, la Commission peut, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer tout ou partie du coût des prestations aux employeurs de toutes les unités.
L'employeur qui présente une demande en vertu du premier alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien avant l'expiration de la troisième année qui suit l'année de la lésion professionnelle.
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1985, c. 6, a. 329; 1996, c. 70, a. 35.
[52] Avec l’article 327, le législateur veut s’assurer qu’un employeur ne supporte pas les coûts de lésions survenues dans des situations qui échappent à son contrôle, ce qui est le cas lorsqu’une lésion résulte de soins reçus pour une lésion professionnelle ou de l'omission de tels soins. Il en va de même d’une lésion qui survient dans le cadre de traitements médicaux ou d’un plan individualisé de réadaptation :
327. La Commission impute aux employeurs de toutes les unités le coût des prestations:
1 dues en raison d'une lésion professionnelle visée dans l'article 31;
2 d'assistance médicale due en raison d'une lésion professionnelle qui ne rend pas le travailleur incapable d'exercer son emploi au-delà de la journée au cours de laquelle s'est manifestée sa lésion.
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1985, c. 6, a. 327.
31. Est considérée une lésion professionnelle, une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion:
1 des soins qu'un travailleur reçoit pour une lésion professionnelle ou de l'omission de tels soins;
2 d'une activité prescrite au travailleur dans le cadre des traitements médicaux qu'il reçoit pour une lésion professionnelle ou dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation.
Cependant, le premier alinéa ne s'applique pas si la blessure ou la maladie donne lieu à une indemnisation en vertu de la Loi sur l'assurance automobile (chapitre A-25), de la Loi visant à favoriser le civisme (chapitre C-20) ou de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels (chapitre I-6).
[53] Enfin, l’article 326 permet à l’employeur d’être exonéré des coûts d’un accident du travail attribuable à un tiers ou dont l’imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de l’obérer injustement :
326. La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.
Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.
L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.
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1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.
[54] Ces dispositions démontrent l’objectif clair et compréhensif du législateur de s’assurer que la CSST impute les coûts en fonction du critère de l’imputabilité réelle. Elles ont aussi pour objectif d'assurer l'équité entre les employeurs.
[21] Ces objectifs du législateur ne sont pas respectés dans le présent dossier puisque la CSST fait supporter à l’employeur des coûts qui découlent d’une lésion qui n’est pas survenue alors que le travailleur était à son emploi.
[22] Au surplus, un employeur prudent n’aurait aucun intérêt à embaucher un travailleur qui bénéficie d’une indemnité réduite de remplacement du revenu puisque advenant une lésion professionnelle, il devra assumer un fardeau financier additionnel pour compenser l’indemnité réduite de remplacement du revenu. Dans cette perspective, l’employabilité d’un travailleur réadapté est sérieusement compromise.
[23] Dans l’affaire Rôtisserie St-Hubert5, la juge administratif Claire Burdett dispose d’un cas semblable à celui sous étude. Elle fait une distinction additionnelle entre les dispositions de la loi qui concernent la réparation des conséquences d’une lésion professionnelle et celles qui concernent le financement du régime.
[24] La juge Burdett conclut que les dispositions relatives au financement visent spécifiquement l’imputation des prestations attribuables aux lésions professionnelles au dossier des employeurs chez qui sont survenues des lésions professionnelles. Elle conclut que l’employeur n’a pas à être imputé de la partie des indemnités de remplacement du revenu qui découle de la lésion professionnelle survenue chez l’employeur précédent. Le tribunal estime pertinent de citer un extrait de cette décision :
[41] Le tribunal ne croit donc pas que la notion de prestations prévue à l’article 326 de la loi alinéa 1, inclut les prestations versées pour une lésion professionnelle qui n’est pas attribuable au présent employeur. Au surplus, la situation précise du présent dossier entraîne une situation d’injustice, c’est-à-dire une situation étrangère aux risques que l’employeur doit supporter étant donné que la majeure partie de la portion des indemnités de remplacement du revenu qui lui sont imputées relève d’une lésion professionnelle antérieure chez un autre employeur. Cette proportion des coûts est attribuable à cette situation d’injustice et est significative par rapport aux coûts découlant de l’indemnité de remplacement du revenu versée dans l’accident en cause.
[25] Dans l’affaire Comfort Inn Journey’s6, la juge administratif Michèle Gagnon-Grégoire a également conclu que l’employeur n’avait pas à être imputé du coût de l’indemnité de remplacement du revenu qui excède le revenu brut versé au travailleur lors de la survenance de sa lésion professionnelle. Le tribunal retient de cette décision les extraits suivants :
[102] Cependant, en raison de « quel principe » le travailleur se voit-il accorder cette indemnisation plus élevée que celle que recevrait un autre travailleur chez qui surviendrait un accident du travail, mais qui ne reçoit pas d’indemnités réduites?
[103] Bien sûr la loi le prévoit, mais il y a une prémisse qui ne peut être ignorée. Celle-ci concerne un accident du travail survenu chez un autre employeur. En effet, c’est en raison de ce premier accident, que le travailleur se voit accorder le droit à une indemnité réduite parce qu’il devient incapable de retourner à son emploi prélésionnel.
[104] N’eût été de ce premier accident, le travailleur serait indemnisé suivant le revenu brut qu’il reçoit chez son deuxième employeur. Et n’eût été du deuxième accident, il continuerait de recevoir ses indemnités réduites.
[105] Or, suivant l’article 326 de la loi, lorsque la CSST procède à l’imputation du coût des prestations, elle doit imputer le coût des prestations dues en raison d’un accident du travail survenu à un travailleur alors qu’il était à son emploi.
[106] Du point de vue de la soussignée, contrairement aux autres exemples dont il a été question ci-dessus, la base de salaire utilisée pour verser des indemnités de remplacement du revenu à un travailleur à la suite d’un deuxième accident ne résulte pas uniquement de l’effet de la loi, mais elle résulte bien plus de son premier accident.
[107] En effet, le premier événement est le point de départ qui sert à établir la base salariale du travailleur. Cette opération fait suite à une disposition législative suivant la situation du travailleur à ce moment. Puis, les indemnités réduites qui sont versées ultérieurement au travailleur le sont aussi en raison d’une disposition législative.
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2 Nettoyeurs Pellican inc., C.L.P. 372145-31-0903, 4 août 2009, S. Sénéchal; Services de sécurité Alain St-Germain inc. et Sécuritas Canada Ltée, C.L.P. 373674-64-0903, 19 février 2010, M. Lalonde; Remises du Fjord, C.L.P. 378414-02-0905, 15 avril 2010, R. Bernard; Fermes Rivest Bourgeois Inc, C.L.P. 377627-63-0905, 23 mars 2010, J.-P Arsenault; Fernand Harvey & Fils Inc., C.L.P. 382751-31-0907, 17 décembre 2009, R. Hudon; J. Albert Cormier & Fils Inc., C.L.P. 377217-01-0904, 17 mars 2010, R. Arseneau; Ressource de réinsertion Le Phare, C.L.P. 366109-09-0812, 29 septembre 2009, Y. Vigneault; Services Kelly Canada Inc., C.L.P. 387474-71-0908, 31 mars 2010, C. Racine; Carquest Canada ltée, C.L.P. 389155-03-090, 29 avril 2010, M.-A. Jobidon; Centre d’insémination porcine du Québec inc., C.L.P 382383-03B-0907, 27 avril 2010, M. Cusson; Comfort Inn par Journey’s end, Centre universitaire de santé McGill, C.L.P. 388006-71-0909, 30 septembre 2010, F. Juteau; Rotisserie St-Hubert (10520 Lajeunesse), C.L.P. 416361-71-1007, 8 mars 2011, C. Burdett.
3 J.M. Bouchard & fils inc., [2010] C.L.P. 138 ; 2M Ressources inc., 2011 QCCLP 684 ; Rôtisserie St-Hubert (10520 Lajeunesse), 2011 QCCLP 1741 ; Transport École-Bec Montréal (EBM) inc., 2011 QCCLP 3322 ; Comfort Inn par Journey's end, 406452-07-1003, 10-10-19, M. Gagnon Grégoire, révision pendante.
4 Précité, note 3.
5 Précitée note 3.
6 C.L.P. 406452-07-003, 9 octobre 2010, M. Gagnon-Grégoire.
[29] D’autres décisions de la Commission des lésions professionnelles ont adopté ce courant jurisprudentiel.[6]
[30] À vrai dire, selon la vérification faite par le soussigné, 14 juges administratifs ont adhéré à cette position depuis la décision rendue dans l’affaire J.M. Bouchard & Fils inc. précitée, et seulement quatre autres ont plutôt adopté la position traditionnelle.
[31] Par application de ces principes auxquels le soussigné adhère et pour les motifs exprimés notamment dans la décision du juge administratif Gagnon-Grégoire précitée, le tribunal estime que les prestations versées en raison de la lésion professionnelle antérieure du travailleur ne sont pas dues en raison de l’accident du travail subi chez le présent employeur, de telle sorte que ce dernier ne doit pas être imputé de ces coûts.
[32] Si le travailleur n’avait pas subi de lésion professionnelle antérieurement à celle sous étude, l’indemnité de remplacement du revenu aurait été fixée en tenant compte de son contrat de travail chez l’employeur, sous réserve des dispositions de l’article 65 de la loi qui se lisent comme suit :
65. Aux fins du calcul de l'indemnité de remplacement du revenu, le revenu brut annuel d'emploi ne peut être inférieur au revenu brut annuel déterminé sur la base du salaire minimum en vigueur lorsque se manifeste la lésion professionnelle ni supérieur au maximum annuel assurable en vigueur à ce moment.
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1985, c. 6, a. 65.
[33] C’est en raison de l’existence d’une lésion professionnelle antérieure, survenue chez un autre employeur, que le travailleur bénéficie d’une indemnité réduite de remplacement du revenu et qu’il a donc droit à une indemnité basée sur les dispositions de l’article 73 de la loi.
[34] Selon le tribunal, cette augmentation de l’indemnité de remplacement du revenu, attribuable au versement d’une indemnité réduite de remplacement du revenu préalablement à la survenance de la lésion professionnelle en cause, est totalement étrangère à la lésion professionnelle subie chez l’employeur. Il s’agit plutôt d’un bénéfice attribuable au fait que le travailleur avait subi une lésion professionnelle antérieurement, de sorte que les sommes qui y sont relatives ne doivent pas lui être imputées en vertu du principe prévu au premier alinéa de l’article 326 de la loi.
[35] Le deuxième alinéa de l’article 73 de la loi prévoit spécifiquement que l’indemnité de remplacement du revenu que le travailleur recevait antérieurement à sa lésion professionnelle cesse de lui être versée et n’est ni plus ni moins qu’intégrée à l’indemnité reçue en raison de la nouvelle lésion. Elle se trouve ainsi assumée dorénavant par l’employeur actuel. Le tribunal estime que pareille situation justifie un transfert d’imputation en vertu de la règle contenue au premier alinéa de l’article 326 de la loi.
[36] N’eût été de la lésion survenue chez l’employeur, le travailleur aurait continué à recevoir l’indemnité réduite de remplacement du revenu pour laquelle le premier employeur aurait continué à être imputé. La survenance d’une nouvelle lésion professionnelle a tout chambardé puisque le législateur a décidé, pour des raisons qui sont les siennes, de mettre alors un terme à l’indemnité réduite de remplacement du revenu et d’indemniser le travailleur chez le nouvel employeur en tenant compte des indemnités qu’il recevait antérieurement. Ceci illustre, encore une fois, que le calcul de l’indemnité de remplacement du revenu qui tient compte de sommes supplémentaires à celles prévues au contrat de travail du travailleur sont reliées à une lésion antérieure et non à celle survenue chez l’employeur.
[37] Imputer la totalité des sommes à l’employeur, en pareil cas, reviendrait à contredire les termes de l’article 351 de la loi :
351. La Commission rend ses décisions suivant l'équité, d'après le mérite réel et la justice du cas.
Elle peut, par tous les moyens légaux qu'elle juge les meilleurs, s'enquérir des matières qui lui sont attribuées.
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1985, c. 6, a. 351; 1997, c. 27, a. 13.
[38] L’iniquité de la situation saute aux yeux lorsqu’on constate que le travailleur tirait un revenu brut de 10 280,00 $ de son emploi chez l’employeur, alors que la base salariale du travailleur retenue pour indemniser la lésion professionnelle subie chez l’employeur a été calculée sur une base de 51 882,47 $. Il s’agit d’une disproportion spectaculaire.
[39] Le soussigné n’est pas insensible aux arguments des juges administratifs ayant décidé de suivre le courant maintenant minoritaire. Comme dans la majorité des cas, il n’y a rien de noir ou de blanc et les tenants de l’autre courant ont soulevé des arguments intéressants et valables.
[40] Cependant, un motif additionnel pour lequel le soussigné adhère au courant plus récent est qu’il est présentement retenu par une nette majorité de juges administratifs de la Commission des lésions professionnelles. Le soussigné croit qu’il est essentiel de faire preuve d’un souci de cohérence et d’éviter l’incertitude que recèle l’incohérence.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête Les serres Serge Lacoste 2000 inc., l’employeur ;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 30 janvier 2012, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que Les serres Serge Lacoste 2000 inc. ne doit être imputé que des coûts reliés à la fixation de l’indemnité de remplacement du revenu en tenant compte du salaire minimum versé par son entreprise;
DÉCLARE que les indemnités découlant de l’indemnité réduite de remplacement du revenu dont bénéficiait monsieur Régis Desmeules, le travailleur, préalablement à la survenance de la lésion professionnelle du 27 juin 2010, doivent être imputées aux employeurs de toutes les unités.
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Jean-François Clément |
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Me Sylvain Pelletier |
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ADP SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL |
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Représentant de la partie requérante |
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] Pomerleau Bouygues inc. et C.S.S.T. [1997] C.A.L.P. 997 , révision rejetée C.L.P. 76808-03-9602, 27 mai 1998, M. Renaud; Alimentation P. Durocher inc. et C.S.S.T. [2003] C.L.P. 1058 ; Les rôtisseries St-Aubert ltée et C.S.S.T., C.L.P. 153024-62C-0012, 25 février 2002, J. Landry; Fernand Harvey & Fils inc., C.L.P. 382751-31-0907, 17 décembre 2009, R. Hudon; Bombardier aéronautique inc. [2010] C.L.P. 434 .
[3] C.L.P. 215643-04-0309, 28 mai 2004, S. Sénéchal, voir aussi Hôpital Ste-Croix [2005] C.L.P. 775 .
[4] Domtar inc. et Lemieux, [1995] C.A.L.P. 899 .
[5] Les entreprises Cafection inc., QCCLP 3578.
[6] 2M Ressources inc., 2011 QCCLP 684 ; Transport École-Bec Montréal (EBM) inc., 2011 QCCLP 3322 ; Construction BCK inc., 2012 QCCLP 1184 ; Groupe C.D.P. Inc., C.L.P. 402524-71-1002, 28 octobre 2010, A. Suicco; Maçonnerie Yvan Labbé inc., 2011 QCCLP 7424 ; Sodexho Québec ltée-Cafétéria, 2012 QCCLP 3516 ; Forage Dynami-tech, 2012 QCCLP 1935 ; Ébénisterie St-Urbain ltée, 2011 QCCLP 4231 ; Groupe C.D.P. Inc., 2011 QCCLP 2207 .
AVIS :
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