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[1]
Le 23 décembre 2004, monsieur Sylvain Plante (le
travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles, une requête
par laquelle il conteste une décision rendue le 18 novembre 2004 par la
Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) agissant en
révision en application de l'article
[2]
Par cette décision, la CSST en révision rejette
une demande de révision logée par le travailleur le 25 octobre 2004 et confirme
une décision rendue par la CSST en première instance le 28 septembre 2004,
décision par laquelle celle-ci détermine qu'il y a lieu de reconsidérer une
décision initiale rendue le 2 septembre 2004 sur la question de l'admissibilité
d'une réclamation produite par le travailleur en relation avec un événement
survenu le 8 août 2004, en application du 1er alinéa de l'article
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[3] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d'infirmer la décision de la CSST en révision, de déclarer qu'il a droit au remboursement du coût de remplacement de ses « verres fumés » endommagés lors d'un événement survenu par le fait de son travail.
[4] Le travailleur était présent mais non représenté à l'audience tenue par la Commission des lésions professionnelles le 27 juin 2005, à Rimouski, alors que « Transport Mario Asselin enr. » (l'employeur) était absent bien qu'ayant été dûment convoqué et que la CSST était également absente bien qu'ayant été informée de la tenue de cette audience, celle-ci n'étant par ailleurs pas intervenue dans le présent dossier.
LA PREUVE
[5] La Commission des lésions professionnelles se réfère d'abord à l'ensemble de la preuve factuelle et administrative colligée à son dossier tel que constitué, en retenant plus spécialement pour valoir comme s'ils étaient ici au long récités, les documents suivants :
- les notes évolutives de la CSST pour la période s'étendant du 17 septembre 2004 au 16 novembre 2004;
- le formulaire « Réclamation du travailleur » produit à la CSST par le travailleur en relation avec un événement survenu le 8 août 2004;
- une décision initiale rendue par la CSST en première instance le 2 septembre 2004, décision par laquelle celle-ci accepte de rembourser les coûts de remplacement ou la réparation des « lunettes » du travailleur selon les modalités prescrites par la loi et sur réception du compte CSST de son optométriste;
-
la décision en reconsidération rendue par la
CSST en première instance le 28 septembre 2004, décision par laquelle celle-ci
reconsidère sa décision précitée du 2 septembre 2004 en application du 1er
alinéa de l'article
et
- la lettre de contestation adressée par le travailleur à la CSST le 25 octobre 2004 à l'encontre de la décision précitée rendue par la CSST en première instance le 28 septembre 2004.
[6] La Commission des lésions professionnelles se réfère également au résumé des faits tels que retenus et relatés par la CSST en révision dans la décision qui est contestée en l'instance. Ce résumé se lit comme suit :
[…]
Le travailleur est camionneur pour le compte de l'employeur et effectue le trajet Val-Brillant - Toronto deux (2) fois par semaine. Il rapporte un événement survenu le 8 août 2004 et déclare :
« Bris de lunettes. En serrant mon chargement avec la barre, une courroie s'est brisée, j'ai perdu l'équilibre et je suis tombé sur ma lunette. » (sic)
Le 2 septembre 2004, la Commission accepte la réclamation du travailleur pour le remboursement relié au remplacement ou à la réparation de ses lunettes, et précise qu'elle effectuera le remboursement selon les modalités prescrites par la loi, sur réception du compte de l'optométriste.
Le 17 septembre 2004, lors de sa première conversation téléphonique avec le travailleur, la Commission est informée que les lunettes en cause ne sont pas des lunettes de prescription, mais plutôt des verres fumés, ne contenant aucune correction de la vue.
Le 28 septembre 2004, la Commission reconsidère sa décision du 2 septembre 2004 concernant l'admissibilité de la réclamation du travailleur, et indique que les verres fumés ne sont pas couverts par la loi. En conséquence, aucun remboursement ne sera autorisé. Cette décision fait l'objet de la présente demande de révision.
Dans ses observations à la Révision administrative, le travailleur explique que lors de l'événement survenu le 8 août 2004, il était en train de serrer son voyage de bois lorsqu'une courroie a brisé. Il a perdu l'équilibre, est tombé en plain visage, sur ses lunettes. Il s'agit de verres fumés de qualité, sans prescription, puisqu'il a une très bonne vision. Il considère ces lunettes comme un outil de travail essentiel pour la conduite longue distance qu'il doit effectuer dans le cadre de son travail. La marque qu'il a choisie et qu'il porte depuis plus de 20 ans est efficace pour protéger sa vision, et ces lunettes se vendent au-dessus de 200$ au détail. [sic]
[…]
[7] Enfin, la Commission des lésions professionnelles prend évidemment aussi en compte les documents déposés en preuve par le travailleur à son audience du 27 juin 2005 sous les cotes T-1 à T-3, soit une attestation émise par le docteur Pascal Soucy, o.d., le 29 avril 2005, un extrait du journal Le Soleil daté du 27 janvier 2005 et les résultats d'examens de la vue subis par le travailleur les 6 juin 1990 et 3 décembre 1992, ainsi que le témoignage de ce dernier entendu à cette audience.
L’AVIS DES MEMBRES
[8]
Le membre issu des associations d'employeurs et
le membre issu des associations syndicales considèrent tous les deux que la loi
ne permet pas le remboursement, par la CSST, du coût d'achat ou de réparation
de « verres fumés », un tel objet n'étant pas visé par les termes de
l'article
[9]
Les deux membres sont donc d'avis qu'il y a lieu
de rejeter la présente requête du travailleur, de confirmer en conséquence les
décisions respectivement rendues par la CSST en révision le 18 novembre 2004 et
par la CSST en première instance le 28 septembre 2004 et de déclarer que le
travailleur n'a aucun droit au remboursement de ses « lunettes » au
motif qu'il s'agit de « verres fumés » non couverts par la
disposition d'exception que constitue l'article
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[10] La question dont la Commission des lésions professionnelles doit disposer dans le cadre de la présente instance, consiste à déterminer si la CSST a erré ou non en refusant de rembourser au travailleur le coût de remplacement de « lunettes à verres fumés » endommagées involontairement lors d'un événement imprévu et soudain survenu par le fait de son travail.
[11] Dans un premier temps, la Commission des lésions professionnelles croit opportun de souligner en l'instance que la réclamation du travailleur n'est reliée à la survenance d'aucune « lésion professionnelle » au sens de la loi et que, dans ce contexte, la seule disposition de la présente loi susceptible de couvrir la perte du travailleur en l'espèce est l'article 113 qui constitue de toute évidence, pour ce motif, une disposition d'exception qui doit à ce titre être interprétée restrictivement.
[12]
L'article
113. Un travailleur a droit, sur production de pièces justificatives, à une indemnité pour la réparation ou le remplacement d'une prothèse ou d'une orthèse au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons, les services ambulanciers et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2) endommagée involontairement lors d'un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant par le fait de son travail, dans la mesure où il n'a pas droit à une telle indemnité en vertu d'un autre régime.
L'indemnité maximale payable pour une monture de lunettes est de 125 $ et elle est de 60 $ pour chaque lentille cornéenne; dans le cas d'une autre prothèse ou orthèse, elle ne peut excéder le montant déterminé en vertu de l'article 198.1.
__________
1985, c. 6, a. 113; 1992, c. 11, a. 5; 2001, c. 60, a. 166.
[13] En référence à la disposition législative précitée, la Commission des lésions professionnelles doit considérer que, dans la mesure où l'objet dont le coût de remplacement ou de réparation est réclamé par le travailleur consiste en une « prothèse » ou une « orthèse » au sens de la « Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2) » et dans le contexte où l'objet en question a été perdu ou endommagé involontairement lors d'un événement imprévu survenu par le fait de son travail, le travailleur a droit au remboursement des coûts réellement encourus sous réserve des restrictions prévues au second alinéa de cette même disposition législative, en l'occurrence une indemnité maximale de 125 $ payable pour une monture de lunettes, et à la condition qu'il n'ait pas droit à une telle indemnité en vertu d'un autre régime.
[14] En l'espèce, toute la question en litige consiste à déterminer si des lunettes à verres fumés constituent ou non une prothèse ou une orthèse au sens de l'article 113 précité, les faits et circonstances mis en preuve établissant de façon prépondérante l'existence des autres conditions précitées.
[15]
Les définitions respectives des notions de
« prothèse » et de « orthèse » auxquelles réfère l'article
n) « prothèse » signifie un appareil destiné à remplacer en tout ou en partie un organe ou un membre d'un être humain;
o) « orthèse » signifie un appareil adapté à un être humain et destiné à préserver la fonction d'un de ses membres ou organes ou à restituer la fonction, à compenser pour les limitations ou à accroître le rendement physiologique d'un de ses membres ou organes qui a perdu sa fonction, ne s'est jamais pleinement développé ou est atteint d'anomalies congénitales.
[16] La Commission des lésions professionnelles est d'avis que les définitions précitées ne visent en aucune manière des « lunettes à verres fumés » non destinées à corriger la vue de leur utilisateur.
[17] Sur ce point, la Commission des lésions professionnelles retient des notes évolutives de la CSST du 16 novembre 2004 ainsi que des résultats d'examens de la vue déposés en preuve sous la cote T-3 et du témoignage du travailleur que ce dernier possède une très bonne vue et que les « lunettes » en cause ne servaient qu'à « le protéger du soleil ».
[18] La Commission des lésions professionnelles constate donc, dans un premier temps, que les « lunettes à verres fumés » dont le coût de remplacement est réclamé par le travailleur, n'ont en aucune manière été prescrites par un professionnel de la santé et qu'elles n'ont pas pour destination de « remplacer en tout ou en partie un organe ou un membre » non plus qu'elles ne sont destinées à « préserver ou à restituer la fonction d'un membre ou organe ou à compenser pour les limitations ou à accroître le rendement physiologique d'un membre ou organe qui a perdu sa fonction, ne s'est jamais pleinement développé ou est atteint d'anomalies congénitales ».
[19] À cet égard, la Commission des lésions professionnelles estime plutôt que des « lunettes à verres fumés » constituent un objet dont la destination est de rendre moins nécessaires les efforts additionnels requis pour pallier à un éclairage particulièrement intense et de procurer ainsi à son utilisateur un confort et même une sécurité accrus dans certaines circonstances.
[20]
La Commission des lésions professionnelles
retient en fait que, si les lunettes à verres fumés constituent l'un des moyens
les plus disponibles et utilisés à la fin précitée, elles ne constituent pas
pour autant une « prothèse » ou une « orthèse » au sens de
l'article
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête logée par monsieur Sylvain Plante (le travailleur) le 23 décembre 2004;
CONFIRME les décisions respectivement rendues par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) en révision le 18 novembre 2004 et par la CSST en première instance le 28 septembre 2004;
et
DÉCLARE que la
CSST est bien fondée de refuser la demande, par le travailleur, du
remboursement des coûts de remplacement ou de réparation de ses « lunettes
à verres fumés » en relation avec un événement imprévu et soudain survenu
par le fait de son travail le 8 août 2004, au motif que celles-ci ne
constituent pas une « prothèse » ou une « orthèse » aux
termes de l'article
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Pierre Brazeau |
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Commissaire |
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