Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
Modèle de décision CLP - juin 2011

Lallier et Bell Solutions techniques inc.

2013 QCCLP 3734

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Joliette

30 mai 2013

 

Région :

Lanaudière

 

Dossiers :

465540-63-1203      475096-63-1206      502263-63-1301

 

Dossier CSST :

128033669

 

Commissaire :

Daniel Pelletier, juge administratif

 

Membres :

Conrad Lavoie, associations d’employeurs

 

Serge Lavoie, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Daniel Lallier

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Bell solutions techniques inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé et de la

 

Sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

Dossier 465540-63-1203

 

[1]           Le 14 mars 2012, monsieur Daniel Lallier (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision rendue le 2 mars 2012 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite de la révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme celle rendue le 9 février 2012 par la CSST voulant que la lésion professionnelle du travailleur soit consolidée en date du 27 janvier 2012 avec suffisance de soins et traitements à cette date et, étant donné qu’il demeure avec une atteinte permanente à son intégrité physique et psychique et des limitations fonctionnelles, il a droit à la poursuite du versement de son indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce que la CSST se soit prononcée sur sa capacité d’exercer un emploi.

[3]           Par cette décision, la CSST confirme également celle rendue le 10 février 2012 par la CSST, à la suite de l’avis du Bureau d’évaluation médicale, voulant que la lésion professionnelle du travailleur ait entraîné une atteinte permanente à son intégrité physique et psychique de 22,80 % lui donnant droit à une indemnité de 13,323,18 $.

475096-63-1206

[4]           Le 15 juin 2012, monsieur Daniel Lallier (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision rendue le 5 juin 2012 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite de la révision administrative.

[5]           Par cette décision, la CSST confirme celle rendue le 20 avril 2012 par la CSST, laquelle déclare que l’emploi de répartiteur, dont le revenu annuel brut est estimé à 20, 126.64 $, est un emploi convenable pour le travailleur, que ce dernier est capable de l’exercer à compter du 20 avril 2012 et déclare que le travailleur a droit à l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce qu’il occupe ledit emploi, mais au plus tard le 20 avril 2013 date après laquelle il aura droit à une indemnité de remplacement du revenu réduite.

502263-63-1301

[6]           Le 31 janvier 2013, monsieur Daniel Lallier (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision rendue le 17 janvier 2013 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite de la révision administrative.

[7]           Par cette décision, la CSST confirme celle rendue le 9 octobre 2012, par la CSST laquelle déclare que le travailleur n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation le 19 avril 2012 et qu’il n’a pas droit aux prestations prévues par la loi.

[8]           L’audience de la Commission des lésions professionnelles s’est tenue à Joliette, le 6 mai 2013. Le travailleur est présent et représenté. L’intervenante est représentée et la partie intéressée est absente. Le dossier est mis en délibéré le 6 mai 2013.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

465540-63-1203

 

[9]           Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles (le tribunal) d’infirmer la décision de la révision administrative rendue le 2 mars 2012, de déclarer que sa lésion professionnelle du travailleur n’était pas consolidée en date du 27 janvier 2012 considérant qu’un diagnostic de stress post-traumatique avait été posé avant le 27 janvier 2012 et qu’il a fait l’objet d’une acceptation implicite de la CSST avant la date de consolidation de la lésion physique puisque cette dernière a assumé les frais de traitement en lien avec cette condition.

[10]        Subsidiairement, relativement à la lésion physique uniquement, il demande que la décision soit infirmée en partie afin que soit reconnu un déficit anatomophysiologique additionnel de 2 % (code 106691) en lien avec l’atrophie du mollet gauche constatée par le docteur Patrick Lavigne dans son expertise en plus du déficit anatomophysiologique de 19 % déjà reconnu par le Bureau d’évaluation médicale (BEM). Il demande également que soient reconnues deux limitations fonctionnelles additionnelles retenues également par le docteur Lavigne, soit :

Éviter de garder l’articulation en cause en position statique de façon prolongée, et

éviter les mouvements de flexion et d’extension de façon répétée au genou gauche.

 

 

Dossier 475096-63-1206

[11]        Dans ce dossier, le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles (le tribunal) d’infirmer la décision de la révision administrative rendue le 5 juin 2012, de déclarer que la détermination de l’emploi convenable était prématurée compte tenu de l’absence de consolidation de la lésion psychique.

[12]        Subsidiairement, il plaide que l’emploi de répartiteur n’est pas un emploi convenable puisqu’il est trop générique et s’applique à un trop grand nombre de titres d’emplois ce qui empêche de procéder à l’analyse de cet emploi en fonction des critères de l’article 2 de la loi.

[13]        Subsidiairement, il plaide que cet emploi n’est pas conforme aux qualifications du travailleur, qu’il ne respecte pas la capacité résiduelle du travailleur et qu’il ne correspond pas aux limitations fonctionnelles physiques et psychologiques du travailleur.

 

Dossier 502263-63-1301

[14]        Dans ce dossier, le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles (le tribunal) d’infirmer la décision de la révision administrative rendue le 17 janvier 2013, de déclarer que le travailleur a subi une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle initiale le 19 avril 2012, dont le diagnostic est un État de stress post-traumatique et un trouble d’adaptation et, également, une récidive, rechute ou aggravation en date du 23 mai 2012, soit un Syndrome douloureux du grand trochanter et une aggravation de la condition personnelle de coxarthrose à la hanche droite secondaire à la boiterie antalgique du genou gauche du travailleur.

LA PREUVE

[15]        Le travailleur a été entendu lors de l’audience. Il témoigne du fait qu’avant son accident du 21 juin 2005, il n’a jamais eu de problèmes aux genoux.

[16]        Le dossier du travailleur et ses antécédents ont fait l’objet d’une première décision rendue par la Commission des lésions professionnelles, le 19 août 2008 l’historique de son dossier est rapporté ainsi par le juge administratif saisi de ce précédent dossier[1] :

[9]        Le 21 juin 2006, le travailleur, alors technicien en installation et en réparation au service de l’employeur, est victime d’un accident du travail dont il décrit les circonstances comme suit :

 

Dans l’exercice de mes fonctions, j’ai dû monter dans une boîte de jonction dont le poteau était équipé de step poles [poles step ], le premier step pole était plus haut que la hauteur de mes yeux. J’ai dû utiliser un escabeau. En descendant j’ai été dérangé par des guêpes, j’ai mis le pied au mauvais en droit sur l’escabeau, celui-ci a basculé, j’ai voulu me retenir d’une main. En tombant je me suis cogné sur le poteau et tomber sur l’arrière train.  [sic]

 

[10]      À l’audience, après avoir décrit son travail, les différentes tâches et les outils qu’il utilise, le travailleur a décrit les circonstances de l’événement.

 

[11]      Alors qu’il descendait d’un poteau, il a été attaqué par des guêpes. Il a manqué un échelon de poteau [pole step], s’est frappé les deux genoux sur les échelons et sur le poteau, a fait une chute d’une hauteur de dix pieds et s’est retrouvé assis au sol avec la jambe gauche repliée sous lui. Sur le coup, il dit avoir eu la sensation de perdre l’ouïe. Pendant quelques secondes, il n’entendait plus rien. Tout s’est replacé par la suite. Il dit avoir été sonné. Il a également ressenti un craquement dans son genou gauche. Il est resté une dizaine de minutes par terre. Il a par la suite ramassé ses outils, est retourné à son camion et est allé faire un autre travail qu’il a mis cinq heures à compléter alors que normalement ça ne lui en prenait que deux. Dans l’après-midi, il a rejoint son superviseur pour l’aviser de l’accident qui venait de se produire, l’informer qu’il devait voir son médecin et qu’il verrait comment ça irait le lendemain.

 

[12]      À la suite de cet événement, le travailleur présentait des ecchymoses à l’épaule et à la hanche gauches et de l’œdème au genou gauche.

 

[13]      Le 22 juin 2005, le travailleur consulte son médecin, le docteur Alain Boudrias, qui diagnostique de multiples contusions au dos, aux genoux et à l’épaule gauche pour lesquelles il lui prescrit des anti-inflammatoires et le met au repos jusqu’au 27 juin suivant. Le docteur Boudrias fait les constatations cliniques suivantes : « spasme dorsal, réflexes ostéotendineux normaux, sensibilité normale, genou : œdème; ecchymose genou droit, hématome genou gauche, épaule gauche : élévation diminuée ».

 

[14]      Le 27 juin 2005, sans revoir son médecin, il reprend le travail. Il se rend à Laval pour déclarer son accident et remplir, en présence de son superviseur et de son représentant syndical, les formulaires Avis de l’employeur et demande de remboursement et Réclamation du travailleur.

 

[15]      À partir du 27 juin 2005, il a exercé ses tâches habituelles qui ne sont pas, selon la preuve soumise à l’attention du tribunal, des tâches légères : monsieur Lallier travaille soit au sol, soit dans les poteaux; selon le travail accompli, il doit transporter des échelles, des outils, un harnais de sécurité, une ceinture de positionnement, une ceinture d’outils, un sac à outils, un sac de pièces, un téléphone, etc.

 

[16]      Par contre, après son retour au travail, il continuait à éprouver de la douleur au genou gauche. Même s’il pouvait marcher correctement sur une surface normale, il éprouvait de la difficulté lors de mouvements de torsion du genou ou lorsqu’il devait s’accroupir. Le soir, après sa journée de travail, il ressentait énormément de douleur au genou. Il se soignait à l’aide de blocs réfrigérants. La douleur l’empêchait souvent de dormir.

 

[17]      Après l’événement du 21 juin 2005, il a constamment éprouvé de la douleur au genou gauche. Il évitait les mouvements de torsion vers la gauche ou la droite et travaillait de façon à protéger le mieux possible son genou.

 

[18]      Le 31 juillet 2005, après avoir exercé travail régulier depuis le 27 juin précédent, il cesse à nouveau de travailler. Il décrit ainsi les circonstances de son arrêt de travail :

 

Dans l’exercice de mes fonctions durant toute la semaine j’avais des douleurs dans la jambe gauche au genou et au dos. Samedi passé sur la 12ième Ave Rawdon j’étais dans le poteau une douleur beaucoup plus grave est apparue. J’ai décidé de consulté le médecin aujourd’hui le 1 août 05.  [sic]

 

[19]      Le 1er août 2005, il consulte son médecin traitant, le docteur Boudrias, qui retient le diagnostic de « contusions multiples, genou gauche [et] douleurs dorsales ». Il observe ce qui suit : « … douleur genou gauche avec tuméfaction , sciatalgie gauche, …, réflexe ostéotendineux normal, sensibilité normale, flexion du tronc diminuée, tripode négatif, position antalgique (dos), genou gauche : tuméfaction ». Le docteur Boudrias le met en arrêt de travail, lui prescrit des anti-inflammatoires et prévoit le revoir quinze jours plus tard. Le travailleur sera en arrêt de travail jusqu’au 31 octobre 2005.

 

[20]      Le 16 août 2005, le docteur Boudrias effectue le suivi médical prévu. Il maintient le diagnostic de contusion dorsale et de contusion au genou gauche pour lesquelles il maintient la prise d’anti-inflammatoires et prescrit des traitements de physiothérapie qui débutent le 30 août suivant. Les traitements de physiothérapie sont prescrits en regard de douleurs lombosacrées à la suite d’une chute. Les notes cliniques du docteur Boudrias indiquent qu’il soupçonne une fracture sans autre précision et pour laquelle il demandera une scintigraphie osseuse et une radiographie de la colonne lombaire s’il ne perçoit pas d’amélioration de l’état du travailleur.

 

[21]      Le 29 août 2005, le physiothérapeute du travailleur écrit au docteur Boudrias pour l’informer qu’il a commencé l’évaluation du travailleur. Il est d’avis qu’il présente possiblement un « déplacement iliaque gauche en supérieur [et] une irritation discale basse ». Il note en outre une déformation à la partie interne du genou gauche dont il questionne l’origine, faisant toutefois allusion à l’impact direct lors de l’événement du 21 juin précédent. Il croit qu’une radiographie serait utile.

 

[22]      La même journée, le docteur Boudrias revoit le travailleur. À la rubrique Diagnostic et évolution de la pathologie et des traitements, il note, au rapport médical qu’il transmet à la CSST, ce qui suit : contusion à la colonne lombaire et aux deux hanches, déformation au genou gauche. Il demande une radiographie du bassin, de la colonne lombaire et du genou.

 

[23]      Le 31 août 2005, la radiographie pratiquée à la demande du docteur Boudrias montre que le genou gauche est atteint de « changements dégénératifs tricompartimentaux à prédominance fémoro-patellaire ». Le radiologiste n’observe pas d’épanchement ni de synovite. Il observe une « calcification arrondie au niveau latéral au condyle fémoral externe, d’un peu plus de 1 cm » qu’il dit attribuable à un ancien traumatisme « possible ».

 

[24]      Le 6 septembre 2005, l’employeur confirme à l’agent d’indemnisation, chargé du traitement de la réclamation du travailleur, que ce dernier demeurait symptomatique depuis son retour au travail du 27 juin 2005.

 

[25]      Le 29 septembre 2005, le docteur Boudrias consolide, sans atteinte permanente à l’intégrité physique ni limitations fonctionnelles, la lésion du travailleur - une contusion au genou gauche et à la colonne lombaire - au 3 octobre suivant. Ces notes cliniques précisent que les douleurs ont disparu, qu’il n’y a ni masse ni œdème et que le genou gauche est rétabli. Le docteur Boudrias n’observe aucune radiculopathie.

 

[26]      Toutefois, la même journée, le physiothérapeute, chargé des traitements offerts au travailleur, note qu’il éprouve toujours des douleurs au genou gauche et que la flexion est diminuée de quelques degrés. Il ajoute que si un retour au travail est envisagé, il faudra éviter le travail avec les bras plus hauts que les épaules, les échelles, le soulèvement de charges et la position accroupie.

 

[27]      Le travailleur fera par la suite l’objet d’un suivi médical et de soins et traitements qui lui seront administrés et prescrits pour d’autres conditions.

 

[28]      Le travailleur a donc repris le travail le 31 octobre 2005 malgré la douleur qu’il continuait à éprouver au genou gauche. Il explique qu’il a pu continuer à travailler parce que, durant l’hiver, il y a moins de travail et l’horaire s’en trouve passablement réduit. De décembre à mai, il ne travaille habituellement que deux à trois jours par semaine, à raison d’un horaire variant entre neuf et dix heures par jour.

 

[29]      Le 13 février 2006, le travailleur revoit le docteur Boudrias pour différentes conditions dont une tuméfaction et une douleur interligne au genou gauche attribuée à une contusion. Le docteur Boudrias demande au travailleur de se soumettre à une résonance magnétique qui sera pratiquée le 17 août 2006. Le docteur Gilles Morency, radiologue, qui interprète cet examen, émet l’opinion suivante :

 

Dégénérescence myxoïde du ménisque interne avec déchirure de la corne postérieure à tout le moins.

 

Petite formation kystique sur le versant extra-articulaire du ménisque interne à hauteur de la corne moyenne. Kyste méniscal?

 

Phénomènes dégénératifs avec pincements et ostéophyte surtout au niveau du compartiment interne.

 

On note également une petite densité osseuse d’une dizaine de mm juste au dessus de l’hiatus poplité. Il pourrait s’agir d’un os accessoire (siamella), bien qu’en général ceux-ci sont juste en dessous dans l’hiatus poplité même. Il pourrait également s’agir d’une fabella particulièrement volumineuse.

 

[30]      En mai 2006, il reprend un horaire normal de travail à raison de cinq jours par semaines. Il était toujours en attente de la résonance magnétique demandée par son médecin.

 

[31]      Ses douleurs au genou ont alors augmenté. Elles variaient selon les exigences du travail qu’il avait à accomplir. Le 6 juin 2006, elles ont empiré de façon importante.

 

[32]      Le 6 juillet 2006, au cours de l’après-midi, le travailleur éprouve de nouveau des douleurs au genou gauche en faisant son travail habituel.

 

[33]      Alors qu’il vérifiait une installation dans un vide sanitaire et qu’il circulait à quatre pattes dans cet espace, il a posé le genou sur des débris recouverts d’une bâche ou membrane de plastique et a alors ressenti une vive douleur au genou gauche.

 

[34]      Des photographies prises par le superviseur de monsieur Lallier confirment la description qu’il fait de l’état dans lequel se trouvait le vide sanitaire de la propriété sous laquelle il devait vérifier l’installation téléphonique.

 

[35]      Selon lui, l’événement du 6 juillet 2006 avait plus ou moins d’importance puisque la douleur qu’il a ressentie lors de ce dernier incident était la même que celle qu’il avait éprouvée à la suite de l’événement du 21 juin 2005. Avant cet événement, il rappelle qu’il n’avait jamais eu de douleur au genou gauche et n’avait jamais eu de difficulté à marcher et à exercer ses activités professionnelles.

 

[36]      Le 11 juillet 2006, le travailleur communique avec son superviseur pour l’informer qu’il éprouvait toujours des difficultés avec son genou gauche.

 

[37]      Le lendemain, il le rencontre à propos de son état de santé.

 

[38]      Le travailleur signe alors de nouveaux formulaires d’Avis de l’employeur et demande de remboursement et de Réclamation du travailleur. Il déclare une récidive, rechute ou aggravation survenue le 12 juillet 2006 qu’il associe à l’événement du 21 juin 2005. À la rubrique Description de l’événement lors de la version du travailleur du formulaire Avis de l’employeur et demande de remboursement, on relate les circonstances de l’événement du 21 juin 2005. Le formulaire est signé par le travailleur et par un représentant de l’employeur.

 

 

[39]      Le 12 juillet 2006, le docteur Boudrias signe un rapport médical qu’il transmet à la CSST et qui comporte le diagnostic de contusion au genou gauche. Le docteur Boudrias soupçonne une déchirure méniscale pour laquelle il demande une résonance magnétique et met le travailleur en arrêt de travail jusqu’au 10 août suivant.

 

[40]      Le 4 août 2006, il signe, en présence de son superviseur et de son représentant syndical, de nouveaux formulaires Avis de l’employeur et demande de remboursement et Réclamation du travailleur à propos de l’événement du 6 juillet précédent et aux termes desquels il en rapporte les circonstances comme suit :

 

Par le fait et à l’occasion de mon travail alors que je vérifiais l’installation de fils téléphonique dans une cave de service de 2 pieds de hauteur j’ai dû me déplacer à 4 pattes sur une pellicule de plastique qui recouvrait la terre. C’est à ce moment que j’ai ressenti une douleur vive à mon genou gauche.  

 

[41]      Ces nouvelles déclarations sont dictées par son représentant syndical qui lui indique qu’il ne sera pas payé s’il maintient la déclaration d’événement qu’il a fournie aux termes des formulaires qu’il a signés le 12 juillet précédent. Son représentant lui suggérait de trouver un événement. C’est à ce moment-là qu’il s’est souvenu de l’incident du 6 juillet 2006 et qu’il a rempli un nouveau formulaire de Réclamation du travailleur pour rapporter ce dernier événement. Son superviseur est arrivé peu de temps après. Lui, son représentant syndical et son superviseur se sont rendus à Rawdon, à l’adresse de la propriété où le travailleur s’était fait mal au genou gauche en rampant dans un vide sanitaire duquel des photographies ont été prises par le superviseur.

 

[42]      Le 7 août 2006, le docteur François Le Bire examine le travailleur, à la demande de l’employeur qui veut connaître son opinion sur le diagnostic de sa lésion, la date ou période prévisible de sa consolidation, la nature, nécessité, suffisance ou durée des soins ou traitements administrés ou prescrits, l’existence ou le pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique de même que l’existence ou l’évaluation de limitations fonctionnelles.

 

[43]      Après avoir fait une révision de son dossier en regard de la lésion du 21 juin 2006 et noté les plaintes et problèmes que lui rapporte le travailleur, il l’examine.

 

[44]      Durant cet examen, le travailleur lui rapporte l’incident du 6 juillet précédent alors qu’il effectuait un travail sous une maison mobile. Il se serait blessé et aurait aggravé les douleurs, qu’il présentait toujours des douleurs à son genou gauche. Il rapporte également au docteur Le Bire que « ses superviseurs se sont même rendus à cette maison mobile visiter cette espèce de « sous-sol » et qu’ils en auraient même pris des photos ». Le docteur Le Bire observe « un tissu cicatriciel de consistance osseuse au niveau de la face latérale interne du genou gauche ». Cela lui semble logé au plateau tibial. Son examen objectif lui « démontre effectivement une lésion active qui demeure à être déterminée par la résonance magnétique ». Il note une diminution de 30 degrés de la flexion du genou gauche. Ses manœuvres de rotation et compression du plateau tibial se révèlent souffrantes, surtout du côté interne.

 

[45]      À la suite de son examen, le docteur Le Bire émet les commentaires et conclusions suivants :

 

1. Le(s) diagnostic(s)

 

- Considérant le mécanisme accidentel dénoncé par monsieur en date du 21 juin 2005;

 

- Considérant les diagnostics du médecin traitant;

 

Nous devons accepter pour cette date le diagnostic de contusions au genou, épaule et dos. En somme, il s’agit effectivement de contusions multiples.

 

En ce qui concerne une RRA [récidive, rechute ou aggravation] en date du 31 juillet 2005, les mêmes diagnostics peuvent être acceptables, du moins selon le dossier que nous avons en main.

 

Concernant l’événement du 6 ou 7 juillet 2005 (RRA?), on peut encore une fois conserver le diagnostic de contusion du genou gauche. Par contre, il y a un autre élément actif sous ce diagnostic. La résonance magnétique devient impérieuse.

 

2. La date ou la période prévisible de consolidation de la lésion; si vous ne pouvez consolider la lésion lors de votre examen, vers quelle date serait-il opportun de faire revoir le travailleur à votre bureau?

 

Toute cause étant confondue, monsieur Lallier présente un état pathologique actif au niveau du genou gauche. Il ne peut pas être consolidé et cette date de consolidation est actuellement indéterminée.

 

3. La nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits.

 

Les traitements seront à prescrire selon les résultats de la résonance magnétique. C’est cette résonance magnétique qui doit être passée au plus tôt.

 

4. L’existence d’une atteinte permanente relie à la lésion professionnelle et le pourcentage d’atteinte permanente attribuable au déficit anatomophysiologique le cas échéant

 

En relation avec la L.A.T.M.P., il est impossible actuellement de déterminer quelque atteinte permanente que ce soit.

 

5. L’existence de limitations fonctionnelles reliées à la lésion professionnelle alléguée; le cas échéant, la nature et la durée desdites limitations

 

 

Dans le même contexte, il est impossible de déterminer des limitations fonctionnelles permanentes.

 

(Je souligne)

 

[46]      La journée de l’examen du travailleur, le docteur Le Bire signe des notes médico-administratives qu’il adresse à l’employeur. À propos de la récidive, rechute ou aggravation du 31 juillet 2005, il se dit toutefois surpris de la détérioration de l’état de santé du travailleur :

 

[…]

 

Il est surprenant qu’après avoir accompli ce genre de travail pendant un mois, tout à coup, une détérioration importante se produise, au point où on a dû replacer monsieur en arrêt de travail.

 

Tout cela est hautement questionnable sur la simple base du principe de guérison des tissus mous. Les tissus mous, même si un individu travaille, continuent à guérir et, à la base même du dossier, il semble que tout cela n’était pas très sévère au début puisque monsieur n’a pris qu’une semaine d’arrêt de travail.

 

Ainsi, selon le dossier qui est devant nous actuellement, je ne crois que la relation puisse être acceptable. Par contre, je me questionne grandement sur les diagnostics et la spécificité de ces derniers. Avec l’examen du genou gauche que j’ai recueilli aujourd’hui, je crois qu’il faudra attendre les résultats de la résonance magnétique avant d’aller plus de l’avant sur la question actuelle.

 

(Je souligne)

 

[47]      À propos de celle alléguée être survenue le 12 juillet 2005, il réitère sa réflexion en disant qu’il attend les résultats de la résonance magnétique à laquelle doit se soumettre le travailleur.

 

[48]      Il estime que le travailleur n’est pas en mesure de réintégrer son travail pour le moment.

 

[49]      Le 9 août 2006, le docteur Boudrias revoit le travailleur pour la contusion au genou diagnostiquée plus tôt et constate que la condition du travailleur ne s’est pas améliorée.

 

[50]      Le 7 septembre 2006, il reçoit le résultat de la résonance magnétique pratiquée le 17 août précédent. Il modifie son diagnostic de contusion au genou pour celui de déchirure du ménisque interne du genou gauche et réfère le travailleur en orthopédie.

 

[51]      Ultérieurement, le docteur Boudrias assurera le suivi médical du travailleur relativement à cette déchirure méniscale interne du genou gauche jusqu’à ce que le travailleur soit opéré par le docteur Guy Le Bouthillier, chirurgien orthopédiste. Le docteur Boudrias attribue ce diagnostic de déchirure méniscale à une rechute de la blessure subie lors de l’événement du 21 juin 2005.

 

[52]      Le 24 janvier 2007, le travailleur rencontre le docteur Le Bouthillier à qui il rapporte être tombé en bas d’un poteau en juin 2005 et que depuis cet accident, il éprouve une douleur persistante à la face interne du genou gauche pour laquelle il a été traité aux anti-inflammatoires. Le docteur Le Bouthillier retient avoir pris connaissance du protocole de la résonance magnétique du 17 août précédent, les diagnostics de déchirure du ménisque interne et d’arthrose au genou gauche. Il procède à une infiltration au genou gauche. Quant à la capacité de travail de monsieur Lallier, le docteur Le Bouthillier laisse la détermination de cette question au médecin traitant. (Je souligne)

 

[53]      Le 16 mars 2007, le docteur Le Bouthillier revoit le travailleur et constate qu’il a été soulagé par l’infiltration. La même journée, une radiographie demandée par le docteur Le Bouthillier est pratiquée. Le docteur Steeve Gauthier, radiologue, qui interprète cet examen, observe ce qui suit :

 

Gonarthrose tricompartimentale avec pincement fémoro-tibial prédominant en interne et ostéophytose prédominant en fémoro-tibial interne et fémoro-patellaire. Il y a un peu de chondrocalcinose le long du plateau tibial externe. Pas de signe d’épanchement intra-articulaire.

 

[54]      Le 26 avril 2007, le physiothérapeute du travailleur écrit la note suivante :

 

La présente est pour confirmer que M. Daniel Lallier […] a été évalué en physiothérapie le 050829 suite à chute assise de 8 pieds avec impact interne sur genou G [gauche].

 

Différents problèmes ont été notés dont :

 

[…]                                                                                                                                           

Les différentes blessures ont été traitées avec succès jusqu’au 051003 sauf le genou G qui présentait dlrs [douleurs]. Retour au travail précoce.

 

Avons conseillé au pt [patient] de reconsulter si les douleurs au genou G persistent.

 

[55]      Le 5 juin 2007, le docteur Le Bouthillier qui continue le suivi médical amorcé plus tôt revoit le travailleur qui lui rapporte que la douleur qu’il ressent au genou gauche est redevenue la même que celle ressentie au début. Le docteur Le Bouthillier procède à une nouvelle infiltration et place le travailleur sur la liste d’attente pour une méniscectomie interne par scopie.

 

[56]      Le 3 août 2007, le docteur Gilles Roger Tremblay examine le travailleur à la demande de son procureur. Après avoir fait l’historique du suivi médical jusqu’alors offert au travailleur, le docteur Tremblay l’examine et formule l’opinion suivante :

 

Considérant le mécanisme accidentel avec chute sur le membre inférieur gauche avec le choc au niveau du genou gauche et présence d’œdème intra-articulaire immédiatement après l’accident initial, nous croyons que le diagnostic à retenir, en relation avec la lésion initiale et des deux rechutes, est celui d’aggravation d’une pathologie arthrosique pré-existante asymptomatique par l’introduction d’une déchirure méniscale.

 

Nous considérons que les événements décrits entre le 21 juin 2005 et le 31 juillet 2005 sont compatibles avec la présence d’une déchirure méniscale du genou gauche, surtout sur un ménisque dégénéré.

 

D’ailleurs, ce patient avait été bien malgré les consultations médicales répétées lorsqu’il ne faisait qu’une journée par semaine et c’est lorsqu’il a recommencé ses activités régulières que la douleur a augmenté.

 

Il est trop tôt pour consolider la lésion du patient et le patient devra être opéré et réévalué par la suite afin de déterminer la présence d’une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.

 

À l’heure actuelle, nous croyons que monsieur Lallier est inapte à faire son travail et qu’il devrait se limiter à des activités sédentaires sans position accroupie ou à genoux.

 

Il devra être réévalué une fois la chirurgie terminée.

 

(Je souligne)

 

 

[57]      Le 8 novembre 2007, le docteur Le Bouthillier note que le travailleur, qui est en attente de méniscectomie interne, n’a obtenu qu’un soulagement partiel avec les infiltrations de cortisone. Il lui fixe deux rendez-vous pour des infiltrations de Synvisc.

 

[58]      Le 14 novembre et le 23 novembre 2007, le travailleur reçoit les traitements de viscosuppléance prévus.

 

[59]      Le 11 janvier 2008, le docteur Le Bouthillier pratique une méniscectomie au genou gauche. Son diagnostic préopératoire est celui de « déchirure du ménisque interne genou gauche ». À la suite de cette intervention, le docteur Le Bouthillier signe le compte rendu opératoire suivant :

 

 

[…]

Nous entrons l’arthroscope par une porte d’entrée ostéo-externe et le chondrotome par une porte postéro-interne. Nous voyons l’articulation de la rotule qui présente une chondromalacie grade II de même que la trochlée pour par la suite aller au compartiment fémoro-tibial interne qui présente beaucoup de cicatrisation inflammatoire pour par la suite voir une déchirure de la corne postérieure et moyenne qui présente une déchirure où nous faisons un débridement d’environ 50 % surtout de la corne moyenne et 50 % à 60 % de la corne antérieure. La corne postérieure est quand même sans grande particularité. Il existe une chondromalacie grade III au niveau du condyle fémoral interne. Par la suite, nous voyons le ligament croisé antérieur qui semble normal et le compartiment fémoro-tibial externe qui semble être sans particularité.

 

[…]

 

[60]      Le docteur Le Bouthillier assurera le suivi médical postérieur à cette intervention. Le travailleur se verra prescrire des traitements de physiothérapie. Les dernières notes de consultation médicales soumises à l’attention du tribunal remontent au 14 mai 2008. Elles attestent que le travailleur recevait encore des traitements de physiothérapie et qu’il devait revoir le docteur Le Bouthillier le 10 juin 2008.

 

[61]      Lors de son témoignage, le travailleur a affirmé n’avoir jamais présenté, avant le 21 juin 2005, de problème au genou gauche et n’avoir jamais été victime de lésion professionnelle au cours de laquelle il se serait blessé à ce genou. Bien qu’il ait continué à travailler après cet événement et après la consolidation de la récidive, rechute ou aggravation du 31 juillet 2005, il éprouvait toujours de la douleur. Lorsqu’il travaillait sur un terrain plat, ça allait mieux. En terrain inégal, ça allait moins bien. Il forçait davantage de ses mains et de sa jambe droite que de la jambe gauche. Lorsqu’il conduisait, il le faisait en plaçant sa jambe gauche de côté en évitant de la plier. Chaque fois qu’il fléchissait le genou gauche, la douleur reprenait. La douleur se manifestait également lorsqu’il devait monter les échelles. S’il a pu tolérer la douleur aussi longtemps, c’est qu’il passe la moitié de son temps de travail à voyager. Toutefois, à partir de l’événement du 21 juin 2005, c’est très rare qu’il ne ressentait pas de douleur au genou gauche. Pour dormir, il devait se placer un oreiller sous le genou et appliquer de la glace. Il a travaillé plusieurs mois avec un bandage au genou après s’être frictionné avec de l’huile de ricin.

 

[62]      Les témoignages des superviseurs du travailleur, bien que fort crédibles, n’ont pas permis d’infirmer celui du travailleur.

 

 

[17]        Après avoir entendu le témoignage des experts, les docteurs Gilles R. Tremblay et François Le Bire, la Commission des lésions professionnelles rend la décision suivante :

[125]    Dans la présente affaire, la preuve prépondérante, tant factuelle que médicale, démontre que le travailleur a subi une récidive, rechute ou aggravation le 31 juillet 2005 et le 12 juillet 2006.

 

[126]    Lors de l’événement du 21 juin 2005, le travailleur a aggravé de façon irrémédiable une condition personnelle préexistante jusqu’alors asymptomatique. Cette aggravation est demeurée symptomatique malgré les soins et traitements qui lui ont été administrés et prescrits.

 

[127]    La preuve prépondérante démontre un rapport entre la lésion initiale du 21 juin 2005 et les récidives, rechutes ou aggravations alléguées, de telle sorte que la première explique les secondes. La condition prévalant lors des récidives, rechutes ou aggravations des 31 juillet 2005 et 12 juillet 2006 découle davantage de la lésion du 21 juin 2005 que de l’arthrose dont il est porteur. Cette maladie dont le travailleur était porteur le prédisposait sans doute à la symptomatologie qu’il éprouve depuis la survenance de cette lésion et à la déchirure méniscale observée à la résonance magnétique du 17 août 2006 et diagnostiquée par la suite par ses médecins, mais la preuve démontre toutefois que c’est cette lésion qui a déclenché toute la symptomatologie éprouvée depuis.

 

[128]    Dans les circonstances, le tribunal rejette la requête déposée par l’employeur le 1er décembre 2005 et accueille celle déposée par le travailleur le 1er février 2007.

 

[129]    Il reconnaît en conséquence que le travailleur a subi, à titre de récidives, rechutes ou aggravations, de nouvelles lésions professionnelles le 31 juillet 2005 et le 12 juillet 2006, et qu’il a droit aux prestations prévues à la loi en regard de ces lésions.

 

 

[18]        Le travailleur dans son témoignage reprend pour l’essentiel l’historique de ses accidents du travail et récidives, rechutes ou aggravations antérieurs. Il ajoute qu’entre 2005 et 2010, il n’a pas utilisé de canne pour se déplacer considérant qu’il se déplaçait peu. Après l’opération de 2010, il n’avait plus de force dans la jambe gauche qui à l’occasion se dérobe.

[19]        En 2011, il a commencé à utiliser une canne. On lui a montré à compenser sa douleur en s’appuyant du côté opposé avec sa canne et en se supportant plus sur sa jambe droite.

[20]        Lorsqu’il allait à l’épicerie, il utilisait le panier pour se soutenir. Considérant ses douleurs au genou gauche, il a commencé à boiter à cause de la douleur qui causait déhanchement antalgique.

[21]        Entre 2005 et 2011, son poids est passé de 225 livres à 300 livres. Il explique que chez son employeur, son poids ne pouvait excéder 275 livres. Il y avait un contrôle à cet égard. Il travaillait beaucoup avant son accident, de 60 à 80 heures par semaine. Après l’accident, il se déplaçait beaucoup moins pour devenir sédentaire d’où l’augmentation significative de son poids. Il se décrit comme étant une personne en forme à cette époque.

[22]        Depuis 2005, sa vie a changé. Il doit composer avec une douleur constante plus ou moins importante, selon les jours. Dès qu’il marche le moindrement, la douleur revient. Cette douleur l’éveille la nuit.

[23]        Au genou droit, les douleurs sont apparues après l’opération de 2010 alors qu’il transférait son poids de plus en plus sur cette jambe pour compenser sa douleur à la jambe gauche. Cette douleur à la jambe droite s’est manifestée au début, le soir pour disparaître au cours de la nuit. Elle est devenue permanente en s’installant graduellement et en progressant en formant une sorte de T inversé douloureux dans le bas du dos.

[24]        Il a également présenté une douleur au genou droit, sous la rotule dans la partie antérieure du genou, soit au même endroit où il s’était frappé le genou lors de sa chute. Une bosse est apparue dans le haut du tibia.

[25]        Dans la note du 3 août 2010, il est signalé une irritation au niveau du tensor du fascia lata à gauche, ainsi qu’au niveau de la coiffe des rotateurs à gauche. Ceci est également noté dans les notes du 15 septembre 2010, du 30 septembre 2010, du 8 novembre 2010, 21 décembre 2010, 26 janvier 2011. Lors de toutes ces visites, ainsi que sur les rapports médicaux contemporains, il n’est fait aucune mention d’une douleur lombaire à la hanche droite ou au genou droit.

[26]        Le 13 mai 2011, un rapport radiologique est lu par la docteure Anna Sinsky comme démontrant :

GENOU GAUCHE

 

Il n’y a pas d’examen antérieur disponible pour fins de comparaison. Prothèse de remplacement total présente. Il n’y a pas de composante rotulienne. L’alignement est normal. Minime zone d’hypotransparence autour de la portion distale de la prothèse au tibia avec rebord légèrement sclérotique qui pourrait être en lien avec un descellement débutant. A corréler avec les radiographies antérieures. Il y a aussi un petit liséré radiotransparent autour du ciment à la base de la portion latérale du tibia sans ligne sclérotique franche identifiée qui pourrait être aussi un signe de descellement débutant. À corréler avec les radiographies précédents.

 

Sclérose relativement avancée de la rotule notée.

 

Pas d’anomalie notée au niveau de la portion fémorale de la prothèse.

 

CONCLUSION

 

Possibilité de légers descellements à la portion inférieure et plus supéro-latérale de la prothèse tibiale à corréler avec les radiographies précédentes.

 

Sclérose de la rotule à corréler avec les radiographies précédentes.

 

 

[27]        Le 16 mai 2011, il reçoit une infiltration de cortisone au genou gauche qui l’aurait peu soulagé. Les notes de consultations confirment la présence de ces douleurs particulièrement à l’interligne sous forme d’élancements. On pose deux diagnostics, soit une déchirure du ménisque interne du genou gauche et de l’arthrose sévère au genou gauche.

[28]        Le 31 août 2011, il est vu en expertise par le docteur Morris Duhaime à la demande de la CSST. Son examen se concentre sur le genou gauche, tel qu’il le mentionne sous la rubrique « plaintes et problèmes ». À l’examen clinique, le docteur Duhaime rapporte une boiterie gauche qu’il qualifie d’importante et il rapporte une diminution de mouvements des deux hanches et une diminution des mouvements du genou droit.

[29]        Le 17 janvier 2012, le docteur Alain Boudrias pose un diagnostic de gonalgie et prolonge l’arrêt de travail.

[30]        Le 27 janvier 2012, il est vu par le docteur Duchesne du BEM. Ce dernier ne rapporte que les plaintes au niveau du genou gauche. Dans son examen objectif, il rapporte également une boiterie qualifiée d’importante au genou gauche. L’examen des hanches est rapporté comme étant normal, tout comme l’examen du genou droit.

[31]        Sur les questions médicales en lien avec la récidive, rechute ou aggravation du 11 juillet 2006 se rapportant à son genou gauche. Il retient la date du 27 janvier 2012 comme date de consolidation de la lésion avec suffisance des soins et traitements à cette date. En ce qui a trait à l’atteinte permanente, ses conclusions sont les suivantes :

 

BILAN DES SÉQUELLES

 

CODE

DESCRIPTION

%

DÉFICIT ANATOMO-PHYSIOLOGIQUE (DAP)

103006

Prothèse totale du genou gauche consolidée avec séquelles fonctionnelles

15 %

106842

Limitation de la flexion du genou gauche à 90°

4 %

TOTAL DE L’ATTEINTE PERMANENTE :

19 %

 

[32]        Relativement aux limitations fonctionnelles, il retient les suivantes :

Le patient devra éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent de :

 

- soulever, porter, pousser ou tirer des charges de plus de 10 kilos,

- travailler en position accroupie ou agenouillée,

- ramper, grimper

- effectuer des mouvements avec des amplitudes extrêmes de l’articulation en cause (genou gauche)

- monter ou descendre les escaliers de façon fréquente

- travailler ou marcher sur terrains accidentés ou glissants,

- travailler en position instable,

- travailler dans échelles, escabeaux ou échafaudages.

 

 

[33]        À partir de janvier 2012, le travailleur indique que la douleur atteint maintenant les deux hanches et le dos. Il ressent une sensation d’engourdissements dans le bras et la jambe droite, des picotements et une perte de sensation. La douleur ressemble à celle ressentie lors de l’événement de 2005. Il indique qu’il doit éviter les mouvements de torsion du côté gauche sinon il ressent un pincement au niveau lombaire.

[34]        Le 1er mars 2012, le docteur Boudrias indique que le travailleur reçoit un suivi psychologique et qu’il est en attente d’évaluation par le docteur Tremblay. Il maintient l’arrêt de travail.

[35]        Les notes évolutives au dossier révèlent que le travailleur est en investigation pour un problème au genou droit et à la hanche droite en date du 13 mars 2012.

[36]        Une radiographie du genou droit faite le 15 mars 2012 démontre des changements dégénératifs modérés à avancés, alors que la radiographie de la hanche démontre une légère coxarthrose avec présence d’une irrégularité du grand trochanter, en lien avec une enthésopathie légère.

La récidive, rechute ou aggravation (lésion physique)

[37]        Le 24 mai 2012, le docteur Boudrias complète un certificat médical sur lequel il indique que le travailleur présente des douleurs lombaires et dorsales et des douleurs au genou droit secondaire à une boiterie antalgique du genou gauche. Le travailleur présente une réclamation à la CSST pour ces conditions en date du 23 mai 2012.

[38]        Le 3 juillet 2012, le docteur Boudrias pose un diagnostic de gonalgie bilatérale et prescrit de l’acétaminophène.

[39]        Le 29 août 2012, le docteur Boudrias pose un diagnostic de gonalgie droite, indique que la physiothérapie est cessée, maintient l’arrêt de travail et demande une consultation en orthopédie.

[40]        Le 18 septembre 2012, le représentant du travailleur transmet une correspondance à la CSST afin de demander qu’une décision soit rendue relativement aux réclamations faites par le travailleur pour la récidive, rechute ou aggravation survenue le 23 mai 2012, à propos d’une aggravation au genou droit compte tenu de la boiterie et l’apparition de douleurs au bas du dos, au genou droit et à la hanche droite.

[41]        Le 17 octobre 2012, le docteur Boudrias indique que le travailleur est en attente d’un examen d’imagerie par résonance magnétique (IRM) pour la colonne lombaire.

[42]        Le 24 janvier 2013, le travailleur est vu en expertise, à la demande de son représentant, par le docteur Patrick Lavigne, chirurgien orthopédiste. À propos de la condition du genou droit et de la hanche droite, il mentionne ce qui suit :

À la revue du dossier spécifiquement pour les conditions du genou droit et de la hanche droite, nous notons la mention d’apparition d’un tableau douloureux près de six ans après la rechute de 2006, secondairement à un mécanisme d’origine qui ne met pas en tension la région du genou et de la hanche ou du dos, chez un patient connu pour des conditions dégénératives du genou et du dos qui antidataient 2006, avec un silence médical prolongé. Faisant sorte qu’il est peu probablement (moins de 50 %) qu’il existe une relation causale directe entre l’événement survenu en juillet 2006 et ce diagnostic.

 

Par contre, depuis la chirurgie de prothèse totale du genou, en avril 2010 (qui est reliée avec l’événement de juillet 2006) il est rapporté dans les notes de réhabilitation une boiterie constante qui est également mise en évidence lors de l’évaluation du docteur Duhaime en août 2011 et l’évaluation du docteur Duchesne en janvier 2012. Cette boiterie s’explique par les douleurs que présente Monsieur au genou gauche post-arthroplastie du genou mais surtout par la diminution des mouvements qu’il présente au niveau de son genou, Il est généralement reconnu dans la littérature qu’une altération prolongée du patron de marche peut générer des douleurs au membre controlatéral. Dans le cas présent Monsieur me localise au questionnaire, la présence d’une douleur qu’il qualifie de douleurs au dos et à la hanche, alors qu’il pointe postérieurement tout juste sous l’articulation sacro-iliaque droite, prenant la fesse et la région péri-trochantérienne, Il affirme que la douleur péri-trochantérienne est moins importante que la douleur dorsale mais cette douleur dorsale est pointée à la fesse sous la sacro-iliaque droite.

 

À l’examen, la palpation de la musculature fessière, la palpation de la sacro-iliaque, la palpation de l’insertion des fessiers sur la grand trochanter, la palpation de la bourse trochantérienne et de la bandelette ilio-tibiale s’avèrent douloureuses à droite. Chez des patients présentant une altération du patron de marche, il est fréquent d’avoir des douleurs à ces structures. La persistance d’une démarche anormale (plus de deux ans et demi après la procédure initiale de remplacement du genou) m’apparaît susceptible de générer le tableau clinique que présente Monsieur que l’on pourrait regrouper sous un thème de syndrome douloureux péritrochantérien (en anglais « Greater trochanteric Pain Syndrome »). Cette condition est caractérisée par des douleurs comme les présente Monsieur à la marche, Ce diagnostic semble également soutenu par la présence d'une tendinopathie insertionnelle des fessiers sur le trochanter décrite à a radiographie de la hanche droite réalisée en mars 2012.

 

Nous retrouvons donc ici un patient présentant une condition personnelle préexistante connue au niveau de la hanche droite (coxarthrose) qui présente un mécanisme lésionnel conforme pour produire ce syndrome, à savoir une altération prolongée du patron de marche, Il présente un délai d’apparition conforme également pour cette condition, alors que les douleurs apparaissent de façon insidieuse sur une période prolongée (plus de 2 ans après la PTG gauche) et s’exacerbent avec l’augmentation du périmètre de marche du travailleur.

 

L’histoire naturelle et l’évolution clinique qui s’ensuivent m’apparaissent également conformes pour le diagnostic posé. Il est d’ailleurs intéressant de noter qu’initialement Monsieur présentait les mêmes types de douleurs qu’au côté gauche, rapportées dans les diverses notes de réhabilitation post-prothèse du genou.

 

Par conséquent, je retiendrai qu’il existe une relation causale probable pour les diagnostics de déchirures méniscales et aggravation de l’arthrose préexistante, en relation avec l’événement de juillet 2006.

 

À la revue du dossier, aucun autre diagnostic n’est à retenir découlant du mécanisme lésionnel décrit en juillet 2006. [sic]

 

 

[43]        Relativement au diagnostic à retenir en lien avec la récidive, rechute ou aggravation du 19 avril 2012, particulièrement en ce qui a trait au problème lombaire et à la hanche droite, le docteur Lavigne émet l’opinion suivante :

Le problème lombaire et le problème de la hanche droit m’apparaissent être en fait un seul problème regroupé sous le terme « Greater Trochanteric Pain Syndrome ». Ce diagnostic est, à mon avis. Secondaire à la prothèse totale du genou gauche et constitue une condition qui se développe progressivement à partir de l’implantation de la prothèse qu’il culmine au début de 2012, alors que les investigations radiologiques sont réalisées pour cette condition.

 

La date de demande de RRA correspond à mon avis au moment où cette condition devient cliniquement significative.

 

 

[44]        En ce qui a trait à la date de consolidation de la lésion, le docteur Lavigne est d’avis de retenir la date du 27 janvier 2012 retenue par le docteur Duchesne considérant que l’examen du docteur Duchesne, spécifiquement au niveau du genou gauche est superposable à son examen, ce qui confirme la stabilité de la condition du genou gauche. Pour ce qui est du genou droit, il est d’avis que cette lésion est toujours active et nécessite des traitements.

[45]        Pour ce qui est de l’atteinte permanente au genou gauche, il retient du Déficit anatomophysiologique suivant en regard du genou gauche :

 

 

BILAN DES SÉQUELLES

 

CODE

DESCRIPTION

%

DÉFICIT ANATOMO-PHYSIOLOGIQUE (DAP)

106691

Atrophie de 2 cm au mollet gauche

2 %

106842

Ankylose incomplète en flexion du genougauche (90 degrés retenus)

4 %

103006

Prothèse totale du genou gauche avec séquelles fonctionnelles

15 %

TOTAL DE L’ATTEINTE PERMANENTE :

21 %

 

[46]        En ce qui a trait au diagnostic retenu à l’évaluation de « Greater Tronchanteric Pain Syndrome », il est d’avis qu’il est trop tôt pour statuer, la lésion n’étant pas consolidée.

[47]        Pour ce qui est des limitations fonctionnelles, il est d’avis de retenir les mêmes que celles retenues par la docteur Duchesne relativement à la condition du genou gauche. Considérant la condition active du côté de la hanche droite, des limitations fonctionnelles temporaires jusqu’à ce qu’un traitement adéquat sont suggérées soit :

- Monsieur devrait pouvoir bénéficier de l’alternance de la position assise à debout à son rythme.

 

-       Il devrait également éviter de marcher pour une période de plus de dix minutes de façon continue, sans pouvoir s’asseoir.

 

 

[48]        Le 19 avril 2012, la CSST procède à l’analyse de la réclamation du travailleur pour la récidive, rechute ou aggravation survenue le 19 avril 2012. Elle rejette la réclamation pour l’aspect physique de la réclamation en s’appuyant sur l’opinion du médecin régional, le docteur Claude Morel qui mentionne ce qui suit :

Le terme douleur chronique, probablement au membre inférieur gauche, n’est pas une problématique aggravée en date du 19 avril 2012, mais plutôt un état présent chez ce travailleur depuis l’événement de 2005 et qui ne fut pas amélioré par la dernière chirurgie de prothèse totale du genou. Cette problématique ne peut être soulagée avec les connaissances médicales actuelles a, car aucun traitement curatif n’est disponible.

 

La douleur lombaire n’est pas une problématique spécifique, elle est souvent présente chez les individus peu actifs par un déséquilibre des structures par une diminution de la capacité musculaire à maintenir un support des structures musculo-squelettique du tronc ou les gens dépassant la cinquantaine par un effet dégénératif. Le fait de présetner une douleur au genou gauche a occasionné une boiterie cependant cet individu a limité ses déplacements pour ses besoins personnels, car il n’y a pas eu de retour au travail depuis quelques années. Le gabarit du travailleur serait aussi une cause fréquente de lombalgie sans lésion précise. N’ayant pas de diagnostic de lésion préciser, je ne peux finaliser un avis complet : je ne peux considérer avec les renseignements actuels que la douleur lombaire est de façon prépondérante en relation avec la lésion professionnelle.

La gonarthrose droite est une condition personnelle de dégénérescence normale après 50 ans et il est impossible de considérer dans ce cas que la lésion au genou gauche a causé cette problématique. Le fait de limiter ses déplacements au besoin personnels et pour les traitements, l’on ne peut considérer que la sollicitation du genou droit fut suffisante pour léser les structures cartilagineuses. Une boiterie n’occasionne pas le fait que ce soit le genou droit qui supporte tout le corps d’un individu, mais plutôt lors de la marche le poids est de 60 à 70 % sur le membre droit et le reste du temps à gauche, ce qui laisse le temps au membre de relâcher suffisamment pur éviter des blessures de surutilisation.

 

Le terme gonalgie bilatérale n’est pas un diagnostic et je ne me prononcerai pas sur ce terme vague qui peut provenir de multiples causes. [sic]

 

[49]        Le 2 mars et le 8 avril 2013, le travailleur reprend à ses frais des traitements de physiothérapie.

[50]        Le 22 avril 2013, madame Jacinthe Bastille, physiothérapeute, produit un rapport. Dans les problèmes notés, elle rapporte des douleurs lombaires variant de 3 à 9/10 qui augmentent à la marche. Des douleurs aux genoux plus importantes à droite qu’à gauche. Des douleurs cervicales, variant entre 5 et 8/10, sont augmentées lorsqu’en appui sur sa canne. Une hypoesthésie au pouce droit plus importante qu’à gauche la nuit qui irradie au membre supérieur. Des paresthésies fréquentes si le travailleur demeure en position assise plus de cinq minutes.

[51]        Elle rapporte une boiterie à la marche avec canne et une diminution de la mobilité cervicale. Un SLR positif bilatéralement, mais plus prononcé à droite. Elle rapporte qu’il n’est pas autonome dans les activités de la vie quotidienne, qu’il dort mal. Elle demande une consultation en physiatrie.

[52]        Le travailleur dépose également par l’entremise de son représentant un article de littérature médicale intitulé « Symptômes dans la jambe opposée à la jambe blessée »[2]. Ce document a été préparé par le docteur Harrington qui est assesseur médical du Tribunal d’appel de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail de l’Ontario depuis l’an 2000. Il définit le mécanisme de la claudication antalgique de la façon suivante :

(ii) Dans le cas de la claudication antalgique, la phase d’appui de la jambe blessée est plus courte parce que le sujet se porte le moins possible sur cette jambe. La phase oscillante de la jambe opposée à la jambe atteinte sont amplifiées par cette précipitation de la phase oscillante. La force d’impulsion de la jambe (masse multipliée par vélocité) est donc plus grande. La plus grande force d’impact, habituellement au début de la phase d’appui, pourrait en théorie accroitre le stress imposé à la jambe opposée à la jambe atteinte.

 

 

[53]        Dans cet article, on indique que toute claudication antalgique entraînant une forte boiterie de Trendelenburg pendant une longue durée (plus d’un an), pourrait avoir un effet néfaste sur la jambe opposée et aggraver une condition d’arthrose préexistante dans le genou opposé à cause d’un stress causé à cette articulation résultant de l’impotence de la jambe atteinte et le transfert de la charge sur la jambe opposée.

 

[54]        Lors de son témoignage, le travailleur dépose certaines photos montrant de larges ecchymoses à sa jambe gauche. Il indique que le docteur Lavigne lui a mentionné qu’il s’agissait d’une hémorragie consécutive à l’intervention chirurgicale subie.

[55]        Il explique qu’il a commencé à développer des douleurs à la jambe droite après l’opération parce qu’il ne pouvait se supporter sur sa jambe gauche et qu’il a développé une boiterie antalgique.

[56]        Il indique que lors des expertises des docteurs Duhaime et Duchesne du BEM, il a voulu parler de sa condition à la jambe droite qui se détériorait et que ces médecins n’ont pas voulu l’entendre à ce sujet précisant qu’ils ne le voyaient que pour la jambe gauche.

[57]        En ce qui a trait aux limitations fonctionnelles qui lui ont été reconnues pour la jambe gauche, il mentionne qu’il ne peut plus faire de mouvement de flexion-extension du genou gauche. Il ne peut plus se pencher parce que son genou gauche ne plie plus. Il doit utiliser sa canne pour récupérer des objets par terre, mettre ses bas ou ses pantalons. Il ne peut plus se mettre à genoux

La lésion psychologique

[58]        Le travailleur explique que lors de son intervention chirurgicale pour prothèse totale du genou gauche, il a eu conscience qu’il avait été installé sur la table d’opération avec une tente au-dessus de lui. Au cours de l’intervention, il aurait repris connaissance. Il aurait entendu quelqu’un mentionner : Enlevez-moi tout ça. Il aurait vu deux médecins, dont un avait une scie à la main et qui procédait à lui couper un os de la jambe. Il a senti une odeur d’os brulé. Il indique que sa jambe avait été soulevée pour y insérer la prothèse et qu’il a bien vu tout ce qui se passait. Il a vu également du sang.

[59]        Il a bien perçu la sensation lorsqu’ils ont utilisé une masse pour insérer la prothèse dans son genou. Il ressentait les coups, il sentait son corps réagir comme du « jello ». Il ne ressentait pas de douleur, mais il a eu terriblement peur. À un certain moment, les médecins ont pris connaissance qu’il s’était réveillé. L’un d’eux aurait donné rapidement l’ordre à quelqu’un d’intervenir. On a fait une injection dans son soluté, il a vu les lumières baisser. Il a eu peur de mourir à ce moment. Dès son réveil, il a relaté à sa conjointe qu’il avait vu son opération, il l’a également mentionné lors de ses traitements de physiothérapie.

[60]        Il indique qu’il revoit constamment ces images. Il fait des cauchemars depuis ce temps, il revoit son intervention. Depuis ce temps, son comportement a changé. Il est devenu plus anxieux, plus irritable et craintif. Il requiert que sa conjointe demeure éveillée lorsqu’il dort pour le surveiller. Si elle dort, il demeure éveillé.

[61]        L’odeur d’os brulé lui revient constamment à l’esprit. Il ne peut plus cuire de porc sur le barbecue, ayant développé une aversion pour l’odeur. Il a des réminiscences qui lui reviennent constamment. Il s’isole parce qu’il ne veut plus reparler de cet incident avec des membres de sa famille ou ses amis. Il est devenu irritable. Sa conjointe lui a suggéré de consulter. Elle lui a dit qu’elle ne le reconnaissait plus.

[62]        C’est la conseillère en réadaptation de la CSST qui le réfère à madame Lise Caron, psychologue, après avoir constaté son état. Cette dernière, dans un rapport qu’elle transmet à ladite conseillère le 7 novembre 2011, indique l’avoir rencontré entre les 18 octobre et le 3 novembre 2011, à 3 reprises.

[63]        Elle décrit la condition psychologique du travailleur ainsi :

Lors de la première entrevue d’évaluation (le 18 octobre), Monsieur Lallier s’est rappelé que lors de la dernière opération effectuée par le Dr LeBouthillier (celle qui a eu lieu en avril 2010), qu’il s’était réveillé en cours d’opération. Il a alors vu un outil (une scie) servant à l’opération ainsi que sa jambe, du sang, la surprise dans le regard de ceux qui ont constaté son éveil. Il a ensuite vu qu’on ajoutait un produit au soluté et il s’est rendormi.

 

Monsieur Lallier rapporte ne avoir parlé à ses proches par la suite, mais avoir cessé de le faire lorsqu’il a réalisé que ça le perturbait. Lorsqu’il s’est rappelé cet événement à la fin de la première rencontre d’évaluation, il a réalisé comment cette situation a été marquante, voir traumatisante. À la deuxième rencontre d’évaluation, il a fait des liens entre sa difficulté à s’endormir et à demeurer endormi la nuit et aussi sa grande peur par rapport à une autre opération.

 

Lors de la cueillette d’informations, Monsieur Lallier n’a pas rapporté avoir vécu d’autres événements qui ont eu un tel impact sur lui. Il a vécu d’autres situations stressantes, mais il se sentait alors en contrôle. Aussi, avant cette opération, il avait déjà été opéré sous anesthésie générale et ça s’était bien passé.

 

Facteurs intrinsèques et extrinsèques à la lésion professionnelle pouvant avoir un impact sur le fonctionnement psychologique et social du travailleur et son retour au travail :

 

La condition psychologique du client est affectée actuellement par différents facteurs :

 

Il y a une inquiétude quant à sa condition physique, plus spécifiquement face à la douleur au genou gauche. Depuis L’opération, il n’y a pas eu d’amélioration et Monsieur Lallier manque d’information pour expliquer le maintien de la douleur. Il lui est difficile d’entrevoir son avenir dans ces conditions.

 

Aussi, la douleur chronique en elle-même peut alimenter la réactivation répétée du traumatisme, agir comme une boucle de rétroaction positive du souvenir traumatique et accroître les symptômes du trouble de stress post-traumatique (TSPT)

 

[…]

 

 

Nature, dates et fréquence des activités réalisées incluant les tests effectués, le cas échéant :

 

Selon la classification du DSM-IV, Monsieur Lallier a donc fait l’expérience d’un événement (le réveil involontaire en cours d’opération) au cours duquel il a perçu une menace à son intégrité physique. Même si le contexte en était un d’opération, cette situation a été vécue comme étant « menaçante » et il a ressenti des sentiments intenses de peur, d’horreur et d’impuissance. J’ai donc procédé à l’inventaire des symptômes de TSPT et de dépression (voir les résultats dans la section suivante).

 

Analyse de l’ensemble des donnée, des observations et, le cas échéant, des résultats des tests effectués :

 

Monsieur Lallier rapporte faire l’expérience de quatre des cinq symptômes intrusifs associés à un TSPT, soit des souvenirs répétés et troublants du vécu traumatique, des rêves troublants à propos du vécu traumatique (par exemple, des cauchemars au cours desquels il revit l’opération), une détresse psychologique intense suite à l’exposition à des stimuli symbolisant le vécu traumatique ou ressemblant à celui-ci et l’expérience d’une réactivation physiologique suite à l’exposition à de tels stimuli (par exemple lorsqu’il a évoqué l’événement en thérapie, il y a eu une augmentation de l’anxiété et un malaise physique-tension à l’abdomen-à la suite de l’entrevue, aussi lorsqu’il pense à une éventuelle opération ou qu’on lui en parle, l’anxiété devient difficile à gérer).

 

Il rapporte faire l’expérience de trois des sept symptômes d’évitement fréquemment rencontrés chez des personnes traumatisées, soit : faire des efforts pour éviter des pensées, sentiments ou conversations associés à l’opération (par exemple, lorsqu’il a cessé d’en parler à ses proches parce qu’il observait qu’il allait plus mal après ces discussions; il rapporte aussi moins voir ses enfants pour éviter leurs questions sur son état de santé), faire des efforts pour éviter les activités, endroits ou personnes lui rappelant son vécu traumatique (par exemple, il lui est quasi-impossible actuellement d’envisager une autre opération de crainte de revivre la même impuissance. Il rapporte aussi éviter le visionnement de films qui l’exposent à des personnes blessées, ce qu’il ne faisait pas avant cette opération) et avoir l’impression que sa vie ne pourra plus se dérouler normalement (bien que nous n’ayons pas exploré la question du retour au travail, Monsieur Lallier est très préoccupé par sa condition physique et pour l’instant il arrive difficilement à se projeter dans l’avenir).

 

Il rapporte vivre quatre des cinq symptômes d’activation recensés dans ce type de problématique, soit : avoir de la difficulté à s’endormir ou à demeurer endormi (bien que le sommeil soit entrecoupé en tout temps à cause de la douleur physique, le sommeil de jour est un peu plus récupérateur, car il peut s’abandonner au sommeil sans craindre « d’être réveillé en catastrophe » (comme lors de l’opération), car sa conjointe travaille à la maison. Monsieur Lallier a fait cette constatation suite à la première entrevue et il sait que cette peur est irrationnelle, mais c’est tout de même ainsi qu’il le vit. Il rapporte aussi une vigilance à l’égard de tout ce qui regarde une éventuelle opération et cette réaction peut être consécutive à cet événement traumatique. Enfin il rapporte qu’il fait preuve d’irritabilité.

 

Quant aux symptômes dépressifs, la douleur et les conséquences de celle-ci l’affectent de la façon suivante :

 

 

 

 

. une réduction importante des activités qui étaient une source de plaisir auparavant;

. une prise de poids importante;

. une perturbation du sommeil qui entraîne un état de fatigue et d’accablement (c’est ainsi qu’il le nomme).

 

Conclusion de l’évaluation et les recommandations :

 

Monsieur présente donc les symptômes d’un trouble de stress post-traumatique d’intensité modérée à sévère et les symptômes qui correspondent à un trouble d’adaptation. La sévérité de ses symptômes est actuellement maintenue par une absence de traitement psychologique par la douleur (comme nous l’avons expliqué précédemment) et aussi par l’incertitude quant à sa condition médicale et son avenir professionnel.

 

 

[64]        Pour ce qui est des recommandations, la psychologue, madame Lise Caron, recommande que l’on puisse clarifier la condition médicale actuelle du travailleur et, en matière psychologique, elle recommande le traitement suivant :

Dans un premier temps je recommande le traitement « l’intégration par les mouvements oculaires (IMO) » qui est un traitement recommandé dans le traitement des traumatismes. Il s’agit d’une thérapie où le patient, guidé par le thérapeute, effectue des mouvements avec les yeux afin de traiter des traumatismes psychologiques et les blocages qui s’en suivent. Comme Monsieur Lallier n’a pas rapporté de traumatisme antérieur à celui rapporté dans ce rapport, ce traitement est d’autant plus indiqué. Pour ce traitement, le client serait référé à une collègue qui a été formée pour ce traitement. J’ai discuté de cette éventualité avec Monsieur Lallier qui s’est montré ouvert à recevoir ce traitement ou tout autre traitement qui pourra l’aider à réduire sa détresse et aller mieux.

 

 

[65]        Le travailleur est dirigé vers Mme Denise Turcotte, psychologue, qui produit un rapport d’évolution le 26 janvier 2012, soulignant que le travailleur perçoit une amélioration de sa condition avec les traitements prodigués. Il rapporte être moins irritable avec les siens. Elle recommande la poursuite du traitement (IMO) entrecoupé de rencontres afin de minimiser l’impact du stress post-traumatique.

[66]        Le 27 février 2012, madame Caron écrit au docteur Boudrias afin de l’informer de l’évolution de la situation du travailleur. Elle indique que monsieur présente toujours de l’anxiété malgré les traitements d’IMO qui sont en cours et défrayés par la CSST avec madame Turcotte. Elle souligne que le travailleur présente des problèmes de sommeil auxquels il faudrait remédier par une médication et elle suggère également un relaxant musculaire.

[67]        Le 1er mars 2012, le docteur Boudrias indique que le travailleur reçoit un suivi psychologique et qu’il est en attente d’évaluation par le docteur Tremblay. Il maintient l’arrêt de travail.

[68]        Le 19 avril 2012, le docteur Boudrias remplit un rapport médical dans lequel il pose le diagnostic d’état de stress post-traumatique (s’est réveillé durant la chirurgie), insomnie, suivi psychologique, douleurs chroniques, pas de physiothérapie, ni ergothérapie. Une réclamation pour récidive, rechute ou aggravation en lien avec cette attestation médicale est transmise à la CSST le 23 mai 2012.

[69]        Le 27 mai 2012, la psychologue madame Turcotte rédige un rapport d’évolution dans lequel elle indique que le 10 avril 2012, elle a procédé à un autre traitement IMO. Le travailleur était particulièrement fatigué après, mais l’idée et les images de l’opération ne soulevaient plus aucune anxiété par contre, les mots : scier ou couper et os et odeur provoquaient une rapide montée anxieuse. Pour compléter la réduction du trauma, elle estime qu’une désensibilisation serait très susceptible de l’aider à surmonter ces aspects (le bruit de la scie et l’odeur de l’os coupé).

[70]        Le 29 juin 2012, madame Caron écrit à la CSST afin de faire le suivi. Elle indique qu’elle serait d’accord pour une rencontre avec le travailleur et la CSST afin de poursuivre la démarche avec elle, aux frais de la CSST.

[71]        Le 17 octobre 2012, le docteur Boudrias indique que le travailleur est suivi pour un ESPT (état de stress post-traumatique) en psychologie.

[72]        Le 22 avril 2013, madame Denise Turcotte, psychologue, produit un rapport d’évolution. Elle indique :

Nous avons vu M. Lallier les 2 et 16 avril du mois.

 

Après la prise de contact, nous avons prodécé à un traitement IMO, lors de la première rencontre. Comme par le passé. la tension physique et psychique monte, les images affluent en flot continu (odeurs, bruits, lumière et présence des médecins variant en fonction de l’éveil sur la table d’opération). Pas de signe tangible de résolution observé, ni rapporté après coup.

 

Lors de la deuxième IMO, il n’a que des bribes d’information, sa pensée « saute » d’un élément à l’autre. La nausée est importante. Il rapporte vivre la même chose au quotidien : trouble de concentration et désintérêt, nausée (perte de poids de plus de 20 livres dans le mois). Il dit ne plus pouvoir utiliser le moyen acquis (imagerie mentale) pour s’endormir par lui-même et pour réduire l’anxiété lors de réveils en sursaut provoqués par ses cauchemars. Il a l’impression que la fréquence des rêves et leur niveau d’anxiété sont plus élevés depuis qu’il est sous médication, qu’il a perdu la capacité de les bloquer.

 

Je choisis alors : de suspendre le IMO en cours et de l’apaiser par imagerie mentale;

 

Lui suggère de consulter son pharmacien pour ses questions relatives à la médication.

 

Et d’attendre que la situation revienne un peu plus à la normale pour les prochaines rencontres.

 

Note : Depuis, son pharmacien lui ayant recommandé de prendre le Quethiapine au coucher au lieu du matin, il rapporte aller mieux.

 

Il sera plus difficile de résoudre le traumatisme et d’en évaluer les progrès si l’effet médicamenteux modifie les facultés psychiques du client. La juste mesure, jamais simple à trouver, devient ici, critique.

 

 

[73]        Par la suite, La CSST a cessé de défrayer ses traitements psychologiques. Le travailleur a cessé de voir madame Caron qui voulait explorer dans son enfance l’origine de ses problèmes psychologiques. Il ne pense pas que l’exploration de ce volet de sa vie puisse l’aider. Il préfère continuer à voir madame Turcotte qui travaille vraiment sur ce qui l’a le plus traumatisé, soit l’éveil durant son opération.

[74]        Comme motif de refus de la réclamation du travailleur, la CSST s’est appuyée sur l’opinion de son médecin-conseil qui mentionne ce qui suit dans les notes évolutives en date du 3 octobre 2012 :

Le diagnostic d’État de stress post-traumatique du 19 avril 2012 ne peut être établi en relation avec le fait accidentel, car le travailleur ne fut pas dans une situation à risque pour sa vie même si ses impressions lui ont fait peur. Il faut noter de plus que les médications utilisées pour minimiser le stress lors des chirurgies sans anesthésie générale peuvent provoquer des distorsions de la pensée ou de ce qui est vécu durant la période d’effet de la médication.

 

Le terme d’anxiété retrouvé sur les rapport médicaux est plutôt un symptôme qui peut faire partie du diagnostic retenu par le médecin, soit un État post-traumatique et n’est pas nécessairement une maladie, car l’on peut être anxieux sans nécessairement que ce soit pathologique, Je ne donnerai pas d’avis médical sur ce terme qui n’est pas nécessairement une pathologie, Le support psychologique offert par la CSST avait pour but de faire le deuil des pertes de capacités physiques et de gérer plus efficacement la douleur afin de pouvoir envisager un venir au niveau professionnel.

 

Le terme douleur chronique, probablement au membre inférieur gauche, n’est pas une problématique aggravée en date du 19 avril 2012, mais plutôt un état présent chez ce travailleur depuis l’événement de 2005 et qui ne fut pas amélioré par la dernière chirurgie de prothèse totale du genou. Cette problématique ne peut être soulagée avec les connaissances médicales actuelles a, car aucun traitement curatif n’est disponible.

 

La douleur lombaire n’est pas une problématique spécifique, elle est souvent présente chez les individus peu actifs par un déséquilibre des structures par une diminution de la capacité musculaire à maintenir un support des structures musculo-squelettique du tronc ou les gens dépassant la cinquantaine par un effet dégénératif. Le fait de présetner une douleur au genou gauche a occasionné une boiterie cependant cet individu a limité ses déplacements pour ses besoins personnels, car il n’y a pas eu de retour au travail depuis quelques années. Le gabarit du travailleur serait aussi une cause fréquente de lombalgie sans lésion précise. N’ayant pas de diagnostic de lésion préciser, je ne peux finaliser un avis complet : je ne peux considérer avec les renseignements actuels que la douleur lombaire est de façon prépondérante en relation avec la lésion professionnelle.

La gonarthrose droite est une condition personnelle de dégénérescence normale après 50 ans et il est impossible de considérer dans ce cas que la lésion au genou gauche a causé cette problématique. Le fait de limiter ses déplacements au besoin personnels et pour les traitements, l’on ne peut considérer que la sollicitation du genou droit fut suffisante pour léser les structures cartilagineuses. Une boiterie n’occasionne pas le fait que ce soit le genou droit qui supporte tout le corps d’un individu, mais plutôt lors de la marche le poids est de 60 à 70 % sur le membre droit et le reste du temps à gauche, ce qui laisse le temps au membre de relâcher suffisamment pur éviter des blessures de surutilisation.

 

Le terme gonalgie bilatérale n’est pas un diagnostic et je ne me prononcerai pas sur ce terme vague qui peut provenir de multiples causes.

 

 

[75]        En date du 21 février 2013, le travailleur est vu en expertise psychiatrique par le docteur Serge Gauthier, psychiatre. Ce dernier produit un rapport en date du 28 février 2013. Dans son examen, le docteur Gauthier rapporte ce qui suit :

Monsieur Lallier décrit, d’une part que sa condition ne s’est pas améliorée, au plan physique, avec l’intervention chirurgicale et il estime que sa condition s’est même aggravée. Par ailleurs, il décrit s’être réveillé durant l’intervention chirurgicale. Il était conscient, mais incapable de bouger, ni de parler, durant une période qu’il estime à environ une minute et demi (1 ½) à deux (2) minutes. Il voyait et entendait la scie et ressentait les coups de marteau et a également senti une odeur de brûler. Il n’prouvait cependant, aucune douleur. Après l’opération Monsieur a développé des cauchemars et également des changements au plan de l’humeur, avec anxiété, irritabilité et il a été référé en psychologie et a été suivi par madame Turcotte, psychologue, qui lui a administré des sessions de Rapid eye mouvment, qui ont entraîné une certaine amélioration.

 

Monsieur décrit, de plus que durant l’intervention, il a éprouvé la peur de mourir et il éprouve, depuis des réviviscences de l’événement, surtout le soi et lorsqu’il écoute des films qui montrent des accidents ou des interventions chirurgicales. Monsieur décrite qu’il évite, la plupart du temps, de regarder des films à la télévision et il ne va pas au cinéma. Il continue, cependant, à éprouver encore des cauchemars.

 

Monsieur décrit qu’il ne regarde plus la télévision. Il écoute seulement les nouvelles à la radio. Il décrit qu’il n’a pas reprise le travail; qu’il éprouve des difficultés de concentration et qu’il a perdu l’intérêt et la motivation pour les activités et les choses qu’il aimait faire auparavant.

 

Monsieur décrit qu’i demeure anxieux et se sent découragé, compte tenu de la persistance de ses problèmes physiques, de ses douleurs, de ses problèmes de sommeil et de son anxiété.

 

Le traitement psychologique par intégration par les mouvements oculaires est terminé.

 

 

[76]        Dans son examen mental, il retient :

[…]

 

Monsieur Lallier m’a fait part de l’évolution de sa condition et sa situation actuelle.

 

Il m’a fait part de ses douleurs au niveau des membres inférieurs, au niveau de son dos. Il m’a fait part également de son anxiété et de ses difficultés de sommeil, ainsi que des réviviscences de l’intervention chirurgicale de 2010, au cours de laquelle, il s’est réveillé.

 

Il m’a mentionné qu’il avait perdu l’intérêt et la motivation pour les activités et les choses qu’il aimait faire auparavant, qu’il n’avait plus de libido, qu’il s’isolait et qu’il éprouvait des difficultés de concentration.

 

Monsieur m’a fait part de ses problèmes de sommeil, à type de cauchemars récurrents. Il m’a également fait part de son isolement et de sa tendance à éviter les gens.

 

[…]

 

 

[77]        Dans ses conclusions, il retient :

Suite à l’étude du dossier et à l’entrevue d’évaluation et en réponses aux questions qui me sont adressées :

 

1. Le ou les diagnostic(s) psychiatriques ou psychologiques :

 

Selon les critères du DSM-IV :

 

À l’Axe I :        Un état de stress post-traumatique, en rémission partielle, avec persistance de symptômes anxieux, de cauchemars, d’irritabilité et d’évitement.

Un trouble d’adaptation avec humeur anxieuse et dépressive, d’intensité modérée et de durée chronique.

 

À l’Axe II :        Aucun diagnostic retenu.

 

À l’Axe III :       Conférer dossier physique.

 

À l’Axe IV :      L’événement accidentel du 21 juin 2005, la rechute, récidive et aggravation du mois de juin 2006, l’intervention chirurgicale du 12 avril 2010, persistance de douleurs, cessation du travail.

 

À l’Axe V :       L’évaluation globale du fonctionnement donne une cote de 553.

 

2. La relation entre le stress post-traumatique et l’événement du 21 juin 2005, s’il y a lieu :

 

Étant donné que l’intervention chirurgicale du 12 avril 2010 a été rendue nécessaire, en raison de l’événement du 21 juin 2005 et que le stress post-traumatique est en relation avec l’intervention chirurgicale du 12 avril 2010, il existe un lien de causalité indirect entre l’événement du 21 juin 2005 et l’état de stress post-traumatique et le trouble d’adaptation dont souffrent monsieur Lallier actuellement.

 

3.         La date de consolidation de la lésion :

 

Compte tenu que Monsieur a reçu les soins et les traitements que sa condition requérait;

Compte tenu de la persistance des symptômes, malgré les traitements;

 

J’estime que la condition de Monsieur est consolidée en date de l’évaluation du 21 février 2013.

 

La présence de séquelles permanentes, d’ordre fonctionnel avec identification des unités fonctionnelles en cause et détermination, pour chaque unité, de l’état actuel de la personne accidentée et de son état antérieur à l’accident :

 

Monsieur Lallier conserve une atteinte permanente à l’intégrité psychique, découlant de l’événement accidentel du 21 juin 2005 et des conséquences de l’accident. J’estime le pourcentage de l’atteinte permanente, au plan psychologique, à 15 %, ce qui correspond à une classe de gravité II, selon le barème de la CSST, dans la catégorie des névroses.

 

L’état antérieur de monsieur Lallier, avant l’accident du 21 juin 2005, était sous le seuil minimal d’indemnisation.

 

5.         La présence de limitations fonctionnelles :

 

Au plan psychologique, les limitations fonctionnelles présentes, chez monsieur Lallier, sont : une incapacité d’effectuer une activité et / ou un travail demandant une concentration et / ou un effort même limité; une incapacité de gérer adéquatement l’anxiété, le stress et ses émotions; une incapacité partielle de gérer ses relations interpersonnelles. Ces limitations sont de nature permanente.

 

6.         La capacité de Monsieur d’occuper un emploi de répartiteur ou tout autre emploi rémunérateur :

 

Compte tenu de la persistance des symptômes douloureux, anxieux et dépressifs;

Compte tenu des limitations fonctionnelles, au plan psychologique;

 

Monsieur Lallier demeure incapable d’occuper un emploi de répartiteur ou tout autre emploi rémunérateur, actuellement et il était également incapable d’occuper tout emploi rémunérateur, le 20 avril 2012.

 

7.         Le traitement à date et la nécessité de nouveaux traitements :

 

Dans un but supportif, je recommande, au médecin traitant, d’ajouter une médication antidépressive et anxiolytique initiale de 30 mg, tous les jours et de Seroquel, à la posologie initiale de 12,5 mg, le matin et 25 mg, au coucher, Je ne crois que ces médicaments infléchiront la condition de Monsieur, ni ses limitations fonctionnelles, au plan psychologique, mais elle pourront diminuer possiblement, son niveau d’anxiété et d’irritabilité et améliorer partiellement son niveau global de fonctionnement.

 

 

___________

3               Selon le DSM-IV, correspond à : 51-60

Symptômes d'intensité moyenne (p. ex., émoussement affectif, prolixité circonlocutoire, attaques de panique épisodiques) ou difficultés d'intensité moyenne dans le fonctionnement social, professionnel ou scolaire (p. ex., peu d'amis, conflits avec les camarades de classe ou les collègues de travail).

 

 

 

 

[78]        Dans son témoignage, le travailleur reconnaît qu’au début du processus de réadaptation en mai 2011, il avait espoir que sa condition s’améliorerait puisque sa condition semblait bien évoluer. Lorsqu’une radiographie a montré un descellement possible de sa prothèse, on lui a prescrit une scintigraphie. Cette nouvelle l’a un peu découragé, mais il a conservé l’espoir que le tout rentrerait dans l’ordre.

[79]        Il reconnaît par ailleurs qu’il est inquiet par rapport à la perspective d’une nouvelle intervention chirurgicale au genou droit, compte tenu de son expérience traumatisante lors de l’intervention au genou gauche et du succès mitigé de cette opération. Avant de songer à cette intervention au genou droit, il va tenter de résoudre le problème psychologique subi lors de la première intervention.

[80]        Le représentant du travailleur dépose un extrait du DSM-IV relativement aux critères à retenir afin de poser un diagnostic d’état de stress post-traumatique.

Critères diagnostiques du F43.1 [309.81] Trouble État de Stress post-traumatique

 

A.    Le sujet a été exposé à un événement traumatique dans lequel les deux éléments suivants étaient présent :

 

(1)   Le sujet a vécu, a été témoin ou a été confronté à un événement ou à des événements durant lesquels des individus ont pu mourir ou être très gravement blessés ou bien ont été menacés de mort ou de grave blessure ou bien durant lesquels son intégrité physique ou celle d’autrui a pu être menacée.

(2)   La réaction du sujet à l’événement s’est traduite par une peur intense, un sentiment d’impuissance ou d’horreur. N.B. : chez les enfants, un comportement désorganisé ou agité peut se substituer à ces manifestations.

[…]

 

 

Détermination de l’emploi convenable

[81]        Le 4 juin 2009, la CSST rend une décision par laquelle elle informe le travailleur qu’il a droit à la réadaptation étant donné qu’une atteinte permanente est à prévoir à la suite de la récidive, rechute ou aggravation du 11 juillet 2006.

[82]        Son plan de réadaptation a débuté le 3 juin 2009. Il a eu un suivi pour la préparation de son curriculum vitae avec Rh Lanaudière. C’est madame Boudreault, sa conseillère en réadaptation, qui le réfère à madame Caron compte tenu de sa condition psychologique. Elle indique ceci dans les notes évolutives le 8 novembre 2011.

 

 

Titre : APPEL REÇU DE MADAME LISE CARON PSYCHOLOGUE

 

ASPECT MÉDICAL :

 

Elle m’informe avoir complété les 3 rencontres d’évaluation. (T) a exprimé beaucoup de colère. Il a été choqué ++ par le rapport de l’orthopédiste expert pour 2 points en particulier : l’indication de hanche au lieu du genou et le % d’atteinte qu’i considère inacceptable. T (travaileur) démontre plusieurs symptômes d’un stress post-traumatique et plusieurs symptômes d’un trouble d’adaptation, elle fera des recommandations pour qu’il soit accompagné dans une démarche IMO (intégration par les mouvements oculaires) par une collègue psychologue spécialisée dans cette approche. Elle recommande également qu’elle-même l’accompagne pour le soutenir dans l’identification des aspects qui nuisent à sa condition psychologique, lui permettre de ventiler ses émotions, identifier et mettre en action les solutions pour réduire les symptômes anxieux et dépressifs. Elle nous achemine copie du rapport par fax et l’original par la poste.

 

 

[83]        Le travailleur mentionne qu’il a été embauché chez Bell solution en 2005. Il a eu un premier accident du travail en juin 2005 et son second en juillet 2006 après lequel, il n’y a pas eu de retour au travail. Il a donc peu travaillé chez Bell.

[84]        Son père avait une entreprise d’entretien ménager. Il a travaillé quelques années avec lui. Il a travaillé 4 ans dans une aluminerie comme journalier.

[85]        Il a également été propriétaire d’une excavatrice. Il n’a jamais été répartiteur pour une compagnie de camionnage et il ne connaît pas ce domaine. Il n’a pas de permis d’opérateur radio requis pour certains postes de répartiteur.

[86]        Il a déménagé à St-Alphonse-Rodriguez depuis le début de l’année 2009. Il a loué une autre maison. L’entretien du terrain est effectué par le propriétaire. Il participe en passant le tracteur. Il occupait ses journées en restaurant des meubles anciens. Il indique qu’il n’a plus la capacité de faire cette activité.

[87]        Le 19 avril 2012, il rencontre sa conseillère en réadaptation qui décrit son état et la rencontre ainsi :

ASPECT MÉDICAL

 

Il a vu son md Dr. Boudrias ce matin. T me remet une copie du rapport médical. Dr. Boudrias indique un état de stress post-traumatique en lien avec son état d’éveil au moment de la chx. T a l’intention de produire une demande de rechute pour ce diagnostic, mais aussi pour son genou droit pour lequel il pourrait devoir être opéré, ce qui le rend très anxieux. Selon les conclusions des examens passé récemment il semble que son genou droit est atteint de dégénérescence +++. Il doit voir Dr. LeBouthilier en juin prochain qu’il consultera pour ses 2 genoux.

 

Il a eu une séance de IMO mardi avec madame Turcotte, psychologue spécialisée avec l’approche IMO. La séance a été très intense et exigeante. Elle a duré près de 2 heures. Il sort ultra fatigué de ce genre de traitement, mai se sent beaucoup mieux par la suite. Il confirme ne pas avoir revu madame Lise Caron psychologue. Il aurait aimé que madame Turcotte poursuive avec lui. Il la trouve moins « confrontante » dans son approche et se sent plus à l’aise avec elle.

 

[…]

 

ASPECT PROFESSIONNEL

 

[…]

 

T ne se sent pas apte à retourner travailler et la CSST est liée par les limitations fonctionnelles identifiées par le BEM. Je lui propose donc, que nous retenions un emploi qui respecte les critères de l’emploi convenable, mais l’assure qu’il pourra occuper l’emploi de son choix en autant que ses limitations fonctionnelles soient respectées.

 

Je lui propose donc l’emploi de répartiteur qui peut s’exercer dans les systèmes d’alarme ou répartiteur de camion. Il a occupé des emplois dans ces 2 domaines. Il a géré sa propre entreprise. Il a des compétences acquises transférables. Depuis le début, il affirme vouloir un emploi pour travailler à l’extérieur. Malheureusement, ses limitations fonctionnelles sont sévères et nous devons viser une emploi sédentaire.

 

Selon IMT, l’information sur le marché du travail par Empli Québec, il s’agit d’un emploi qui offre des perspectives d’embauche raisonnables, qu’aucune exigence académique particulière. Je le questionne à savoir ce qu’il pense de cet emploi? Il est certain de ne pas être capable de le faire particulièrement parce qu’il ne dort pas bien la nuit et doit dormir le jour pour récupérer.

 

Afin de lui assurer une protection de sa situation financière, nous retiendrons un salaire minimum. Il aura droit aux IRR réduites après la période de recherche d’emploi. Pendant l’année de recherche d’emploi, il recevra ses pleines indemnités. Il a droit à l’aide à la recherche d’emploi. Son c.v. est déjà fait.

 

Il recevra une décision à ce sujet dans les prochains jours et le détail du calcul des IRR sera annexé.

 

 

[88]        Le 20 avril 2012, la CSST rend une décision déterminant que l’emploi de répartiteur est un emploi convenable pour le travailleur.

[89]        Le 24 avril 2012, la conseillère en réadaptation discute avec madame Denise Turcotte qui l’informe que le travailleur a annulé la dernière rencontre, car il était trop souffrant. La douleur du côté droit était importante au point de penser consulter en urgence. Elle indique que pour faire suite à la dernière séance d’IMO, le travailleur allait moins bien en fin de séance qu’avant. La fin du mandat de madame Turcotte était prévue pour le 20 avril et elle accepte de le prolonger au 20 mai pour compléter la démarche.

 

[90]        Le 22 mai, une autre discussion a lieu avec madame Turcotte et cette dernière indique à l’agente que le travailleur semble revenu à la case départ avec un niveau d’anxiété très élevé et une recrudescence des symptômes post-traumatiques. Malgré tout, elle ne recommande pas la poursuite des rencontres et le référera plutôt à madame Lise Caron comme initialement prévu.

[91]        Le 24 mai 2012, le travailleur conteste la décision relative à l’emploi convenable et le dossier est transféré à la révision administrative.

[92]        Sur la capacité du travailleur à exercer l’emploi convenable de répartiteur, le docteur Lavigne exprime l’opinion suivante :

En ce qui a trait à l’emploi convenable de répartiteur / répartitrice de dépanneuses, je suis d’avis que les limitations fonctionnelles émises, à savoir d’éviter de garder l’articulation en cause en position statique de façon prolongée, ainsi que le fait que Monsieur devrait pouvoir bénéficier de l’alternance de la position assise à debout à son rythme peuvent être incompatibles avec l’emploi de répartiteur / répartitrice de dépanneuses dans la mesure où ce travail se fait de façon majoritairement assis.

 

 

[93]        Quant au docteur Gauthier, psychiatre, il le considérait inapte à exercer tout emploi rémunérateur le ou vers le 19 avril 2012, compte tenu de sa condition psychologique.

[94]        Il considère qu’au moment où on lui a déterminé cet emploi convenable de répartiteur, le 20 avril 2012, il n’avait pas la capacité de le faire. Il avait des problèmes de sommeil, il pouvait s’endormir pendant une conversation au téléphone à cause de la fatigue. Il faisait des cauchemars fréquents. Il ne voulait plus voir les siens. Il présentait des symptômes d’évitement et d’isolement. Il présentait également des problèmes de concentration qui sont toujours présents. Il est distrait.

[95]        Sa médication a été changée pour tenter de régler son problème de sommeil, mais sans véritable succès. Il a toujours de la difficulté à gérer son anxiété. Il ne peut toujours pas voir des films impliquant de la violence. Il ne fait plus aucune activité sauf voir sa famille immédiate parfois la fin de semaine. Il peut marcher de 3 à 4 minutes et pas du tout d’autres jours. C’est la même chose que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur. Il utilise une marchette. Il ressent des engourdissements dans la jambe et le bras également.

[96]        Il n’a pas de journée typique, ça dépend toujours de la nuit qu’il a passée. S’il n’a pas dormi, il dort le jour. Il a de la difficulté à se concentrer. Sa nouvelle médication pour régler ses problèmes de sommeil a eu une influence négative sur sa capacité à bloquer les images traumatisantes qui ont fait suite à son intervention chirurgicale.

[97]        Il conduit toujours son véhicule, mais ne peut actionner le frein d’urgence ce qui va à l’encontre de la loi. Il demeure irritable. Il craint toujours l’éventualité d’une autre intervention chirurgicale. Il n’est pas prêt à envisager un retour au travail pour l’instant compte tenu de sa condition globale même s’il désire retourner sur le marché du travail. Il a déjà été propriétaire d'une entreprise et il est convaincu que personne ne l’embaucherait dans sa condition.

L’AVIS DES MEMBRES

[98]        Conformément à l’article 429.50 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[3] (la loi), le juge soussigné a requis l’avis des membres issus des associations syndicales et d’employeurs.

[99]        Les membres issus des associations d’employeurs et syndicales sont d’avis qu’il y a lieu de retenir la date de consolidation du BEM soit le 27 janvier 2012 quant à la récidive, rechute ou aggravation survenue en juillet 2006 pour ce qui est de la condition du genou gauche. Ils sont également en accord pour ajouter au déficit anatomophysiologique reconnu par le BEM, le 2 % de déficit additionnel retenu par le docteur Lavigne pour l’atrophie du mollet gauche. Ils sont finalement d’avis qu’il n’y a pas lieu de retenir les deux limitations fonctionnelles additionnelles temporaires suggérées par le docteur Lavigne puisque ces limitations sont en lien avec la récidive, rechute ou aggravation au genou et à la hanche droite, ce dont le tribunal n’est pas saisi dans ce dossier.

[100]     En ce qui a trait aux diagnostics se rapportant au genou droit et à la hanche droite, le membre issu des associations patronales est d’avis qu’il n’y a pas lieu de reconnaître que le travailleur a subi une récidive, rechute ou aggravation pour ces conditions. Selon la preuve, le travailleur mentionne qu’il ne se déplace pas beaucoup, il n’est pas retourné au travail et a peu d’activités dans sa vie quotidienne. Il voit difficilement comment le travailleur aurait pu surutiliser son membre inférieur droit ou sa hanche droite dans un tel contexte. Il considère que le diagnostic posé de gonalgie droite, gonarthrose ou coxarthrose relève d'une condition personnelle sans lien avec l’événement du mois de juin 2005 ou la récidive, rechute ou aggravation du mois de juillet 2006 ou même l’intervention chirurgicale de 2010.

[101]     Le membre issu des associations syndicales est quant à lui d’avis de retenir l’opinion du docteur Lavigne sur cette question. Il retient que la boiterie antalgique a déséquilibré la biomécanique du travailleur et a aggravé la condition personnelle de gonarthrose au genou droit et de coxarthrose à la hanche droite. Il retient le diagnostic de Syndrome douloureux du grand trochanter comme étant le diagnostic décrivant le mieux la condition actuelle du travailleur. Cette condition n’est toujours pas consolidée selon la preuve prépondérante.

[102]     Par ailleurs, les deux membres sont d’accord pour reconnaître que les diagnostics d’état de stress post-traumatique et de trouble d’adaptation sont relation avec la chirurgie subie au genou gauche lorsque le travailleur s’est réveillé durant son intervention. Ils considèrent que cette expérience traumatisante est suffisante pour avoir occasionné l’état de stress post-traumatique diagnostiqué chez le travailleur. Il s’agit dans les circonstances d’une lésion due à des soins en application de l’article 31 de la loi. Il y a donc lieu de reconnaître que le travailleur a subi une récidive, rechute ou aggravation en date du 19 avril 2012 pour cette condition.

[103]     Pour ce qui est de l’emploi convenable, les deux membres sont d’avis qu’il était prématuré pour la CSST de déterminer l’emploi convenable de répartiteur considérant l’état psychologique connu du travailleur au moment de la détermination dudit emploi. À cette date, la CSST était au fait que le travailleur souffrait d’un état de stress post-traumatique qui le rendait inapte à poursuivre une démarche de réadaptation, même si le diagnostic n’avait pas été encore posé par le médecin qui a charge. L’état psychologique du travailleur en date du 20 avril 2012 le rendait inapte à occuper ou rechercher un emploi de répartiteur.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

465540-63-1203

Les questions médicales en lien avec les récidives, rechutes ou aggravations

[104]     Dans un premier temps, le tribunal doit se prononcer sur les questions médicales qui découlent de la décision rendue le 2 mars 2012 en révision administrative à la suite de l’avis du BEM. Ces questions portent sur la date de consolidation des récidives, rechutes ou aggravations du travailleur subies les 31 juillet 2005 et 12 juillet 2006, l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles en lien avec ces lésions.

[105]     Le procureur du travailleur plaide que la lésion physique du travailleur n’était pas consolidée au 27 janvier 2012 puisque la lésion psychique de ce dernier était déjà diagnostiquée et connue de la CSST.

[106]     La CSST de son côté allègue que le soutien psychologique donné au travailleur pour la lésion psychique l’a été dans le contexte de la réadaptation du travailleur afin de l’aider à surmonter les conséquences personnelles et professionnelles lui résultant de sa lésion professionnelle et ce soutien ne vient pas interférer dans le processus de consolidation de la lésion puisqu’aucun diagnostic n’avait été posé par le médecin qui a charge lors de la consolidation de la lésion physique soit le 27 janvier 2012 et la lésion psychique n’a pas été reconnue comme étant en lien avec la lésion professionnelle.

[107]     De l’avis du tribunal, les dispositions suivantes de la loi sont pertinentes à la solution de ce premier litige.

[108]     La loi prévoit à l’article 2 la notion de consolidation d’une lésion professionnelle :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« consolidation » : la guérison ou la stabilisation d'une lésion professionnelle à la suite de laquelle aucune amélioration de l'état de santé du travailleur victime de cette lésion n'est prévisible;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.

 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1.

 

 

145.  Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 145.

 

 

151.  La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.

__________

1985, c. 6, a. 151.

 

 

188.  Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.

__________

1985, c. 6, a. 188.

 

 

189.  L'assistance médicale consiste en ce qui suit :

 

1° les services de professionnels de la santé;

 

2° les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);

 

3° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;

4° les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes et des tissus et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;

 

5° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.

__________

1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166; 2009, c. 30, a. 58.

 

 

199.  Le médecin qui, le premier, prend charge d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle doit remettre sans délai à celui-ci, sur le formulaire prescrit par la Commission, une attestation comportant le diagnostic et :

 

1° s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée dans les 14 jours complets suivant la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la date prévisible de consolidation de cette lésion; ou

 

2° s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée plus de 14 jours complets après la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la période prévisible de consolidation de cette lésion.

 

Cependant, si le travailleur n'est pas en mesure de choisir le médecin qui, le premier, en prend charge, il peut, aussitôt qu'il est en mesure de le faire, choisir un autre médecin qui en aura charge et qui doit alors, à la demande du travailleur, lui remettre l'attestation prévue par le premier alinéa.

__________

1985, c. 6, a. 199.

 

 

200.  Dans le cas prévu par le paragraphe 2° du premier alinéa de l'article 199, le médecin qui a charge du travailleur doit de plus expédier à la Commission, dans les six jours de son premier examen, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport sommaire comportant notamment :

 

1° la date de l'accident du travail;

 

2° le diagnostic principal et les renseignements complémentaires pertinents;

 

3° la période prévisible de consolidation de la lésion professionnelle;

 

4° le fait que le travailleur est en attente de traitements de physiothérapie ou d'ergothérapie ou en attente d'hospitalisation ou le fait qu'il reçoit de tels traitements ou qu'il est hospitalisé;

 

5° dans la mesure où il peut se prononcer à cet égard, la possibilité que des séquelles permanentes subsistent.

Il en est de même pour tout médecin qui en aura charge subséquemment.

 

__________

1985, c. 6, a. 200.

 

 

224.  Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article  212 .

__________

1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.

 

 

224.1.  Lorsqu'un membre du Bureau d'évaluation médicale rend un avis en vertu de l'article 221 dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par cet avis et rend une décision en conséquence.

 

Lorsque le membre de ce Bureau ne rend pas son avis dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par le rapport qu'elle a obtenu du professionnel de la santé qu'elle a désigné, le cas échéant.

 

Si elle n'a pas déjà obtenu un tel rapport, la Commission peut demander au professionnel de la santé qu'elle désigne un rapport sur le sujet mentionné aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 qui a fait l'objet de la contestation; elle est alors liée par le premier avis ou rapport qu'elle reçoit, du membre du Bureau d'évaluation médicale ou du professionnel de la santé qu'elle a désigné, et elle rend une décision en conséquence.

 

La Commission verse au dossier du travailleur tout avis ou rapport qu'elle reçoit même s'il ne la lie pas.

__________

1992, c. 11, a. 27.

 

 

[109]     Dans un premier temps, le tribunal doit décider de la date de la consolidation des récidives, rechutes ou aggravations du 31 juillet 2005 et du 12 juillet 2006. Dans l’affaire Beausoleil et Construction Mabri[4], la Commission des lésions professionnelles a défini comme suit la notion de consolidation d’une lésion professionnelle :

[39]      Le tribunal, dans l’affaire Bacon et General Motors du Canada ltée3, rappelait que la consolidation ne sera atteinte que lorsque la lésion sera ou bien guérie ou encore lorsqu’elle sera stabilisée sans qu’aucune amélioration de l’état de santé du travailleur ne soit prévisible. Il est clair, disait-il, en l’espèce, que la chirurgie recommandée au travailleur améliorera son sort, du moins c’est l’avis de plusieurs experts au dossier.

 

[40]      Le tribunal dans une autre affaire, soit Sélection Du Pâtissier inc. et Brousseau3 , soulignait :

 

[22]        De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, la question à résoudre n’est pas de savoir si un traitement donné a été un succès, mais bien celle de savoir si un traitement donné était adéquat et susceptible d’améliorer la condition du travailleur, victime d’une lésion professionnelle. Tel est vraisemblablement la mesure de l’objectif de réparation, dans son aspect thérapeutique, qui est énoncé à l’article 1 de la loi.

 

 

[41]      De plus, le tribunal soulignait que la définition du terme consolidation devait se lire de façon combinée notamment avec les articles 188 et 189 de la loi concernant le droit du travailleur à l’assistance médicale que requiert son état.

 

[42]      Dans l’affaire Côté et Cartons Northrich inc.4, le tribunal notait :

 

[100]      La jurisprudence enseigne qu’il ne faut pas confondre la guérison d’une lésion d’avec sa consolidation et qu’il y a consolidation lorsqu'il n'y a plus d'amélioration prévisible, que la lésion atteint un seuil thérapeutique et qu'aucun traitement ne peut prévisiblement apporter une amélioration à l’état du travailleur.

 

[101]      De même, la Cour d’appel du Québec a rappelé que la notion de consolidation est essentiellement médicale et que le législateur a voulu dans la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles statuer sur l'état de santé d'un travailleur en fonction d'un protocole médical qui doit avoir une certaine objectivité. En ce sens, l'espoir d'amélioration de l'état d'un travailleur doit s'appuyer sur des règles médicales objectives.

 

[…]

 

[106]      Comme l’enseigne la jurisprudence citée précédemment, le tribunal constate que la notion de « traitement » est au cœur de l’évaluation de la date de consolidation d’une lésion. Les traitements doivent être prodigués aux fins de l’amélioration de la lésion et, si l’on ne doit pas évaluer la consolidation en fonction des résultats des traitements (affaire Sélection du pâtissier), encore faut-il que des traitements soient reçus pour que ceux-ci puissent « prévisiblement apporter une amélioration de l’état du travailleur », quitte à en constater l’échec par la suite, mais également, que ces traitements soient en lien avec la lésion professionnelle reconnue.

 

_______________

2              C.L.P. 226939-04-0402, 17 novembre 2004, J.-F. Clément.

3              C.L.P. 345210-31-0804, 30 janvier 2009, G. Tardif.

4              C.L.P. 407694-62B-1003, 21 février 2011, M. Watkins.

 

 

[110]     Si on exclut la notion de la lésion psychique, il n’est pas contesté que les récidives, rechutes et aggravations subies par le travailleur, les 31 juillet 2005 et 12 juillet 2006, étaient consolidées le 27 janvier 2012. Il s’agissait essentiellement de la lésion reconnue au genou gauche et l’expert du travailleur, le docteur Lavigne, partage l’avis exprimé par le docteur Duchesne du BEM sur cette question. Le docteur Duchesne écarte la date suggérée par le docteur Duhaime puisqu’il considère que des investigations étaient toujours nécessaires pour éliminer la possibilité de décèlement de la prothèse ou d’infection au genou gauche. Au moment de l’examen du docteur Duchesne, ce dernier avait en main toutes les informations pertinentes confirmant l’absence de décèlement et d’infection, motif pour lequel il consolidait la lésion au genou gauche à cette date. Cette opinion est conforme à la définition de la consolidation prévue par la loi et la jurisprudence.

 

[111]     Ce qui est en litige relativement à la date de consolidation, c’est la définition même de ce qui constituait la « lésion professionnelle » au 27 janvier 2012. Le procureur du travailleur plaide que tous les diagnostics posés et acceptés par la CSST à cette date font partie de la « lésion professionnelle » et cette dernière forme un tout, de sorte que si un diagnostic de lésion psychique est posé et accepté par la CSST, on ne peut conclure à la consolidation de la lésion professionnelle si cette lésion psychique n’est pas elle-même consolidée.

[112]     Le tribunal retient de la preuve que le diagnostic d’état de stress post-traumatique a été posé par madame Lise Caron, psychologue, sur un rapport détaillé du 7 novembre 2011 qui a été transmis à la conseillère en réadaptation. Effectivement, les soins recommandés par madame Caron pour le traitement de cet état de stress post-traumatique ont été défrayés par la CSST. On peut, dans certaines circonstances, invoquer le concept de la décision implicite d’acceptation d’un diagnostic par la CSST, mais encore faut-il que le diagnostic ait été véritablement posé. Sommes-nous dans une telle situation?

[113]     Madame Caron est une psychologue et non un médecin. De plus, elle n’est pas le « médecin qui a charge » du travailleur pas plus qu’elle agit à titre de médecin désigné par la CSST conformément aux dispositions de l’article 204 de la loi.

[114]     La CSST est liée par les diagnostics posés par le médecin qui a charge seulement, à moins qu’un avis du BEM ne soit obtenu sur la question, ce qui n’était pas le cas au 27 janvier 2012. Le diagnostic posé par madame Caron sera validé par le médecin qui a charge, le docteur Boudrias, que le 19 avril 2012 moment où il termine un Rapport médical où apparaît ce diagnostic. Le travailleur produira une réclamation à la CSST sur la base de ce rapport pour une récidive, rechute ou aggravation survenue à cette date que le 23 mai 2012.

[115]     Pour qu’un diagnostic soit considéré comme liant la CSST, encore faut-il qu’il ait été posé selon la loi : soit par le médecin qui a charge, soit à la suite d’un avis du BEM, ce qui n’est pas le cas ici. Le tribunal se doit donc de conclure que la CSST n’avait pas formellement à tenir compte du diagnostic d’état de stress post-traumatique pour décider de la date de consolidation des récidives, rechutes ou aggravations survenues les 31 juillet 2005 et 12 juillet 2006 puisqu’au 27 janvier 2012, ces lésions étaient déjà consolidées alors que le diagnostic de la lésion psychique n’avait pas été encore légalement posé selon la loi.

[116]     La date de consolidation de la lésion physique au genou gauche fixée au 27 janvier 2012 est donc retenue puisqu’elle est celle qui est retenue par le BEM et elle reçoit l’aval du docteur Patrick Lavigne, l’expert mandaté par le travailleur.

[117]     Le tribunal tient toutefois à souligner que la CSST a quelque peu empiété dans le rôle du médecin qui a charge dans ce dossier. La conseillère en réadaptation a effectivement constaté que l’état psychologique du travailleur était extrêmement détérioré lors de ses rencontres avec ce dernier. Dans ce contexte, elle l’a référé à une psychologue possiblement dans un contexte d’aide afin de surmonter les conséquences de sa lésion professionnelle, le tribunal peut en convenir.

[118]     Toutefois, il y a de l’avis du tribunal une nuance à faire entre fournir du support psychologique à un travailleur dans le but de lui permettre de revenir au travail dans le cadre de sa réadaptation et entreprendre un suivi psychologique avec ce dernier dans le but de traiter un état de stress post-traumatique qui pourrait être en lien avec la lésion professionnelle.

[119]     Dans l’affaire Luc Bourassa et Hôpital Général Juif Mortimer B. Davis[5], on a discuté des buts de l’assistance médicale en ces termes :

[29]      Dans le cas présent, la lésion du travailleur est consolidée et la prescription d’un fauteuil roulant motorisé ne sert pas au traitement de sa lésion professionnelle.  De plus, cette aide technique n’est pas prescrite pour compenser des limitations fonctionnelles temporaires, mais vise à compenser des limitations fonctionnelles qui sont de nature permanente.  C’est donc à tort que la CSST a analysé la demande du travailleur pour l’achat d’un fauteuil roulant motorisé sous l’angle de l’assistance médicale.

 

[30]      La CSST se devait d’analyser la demande du travailleur sous l’angle de la réadaptation, plus précisément la réadaptation sociale, dont les articles pertinents de la loi sont les suivants :

 

145. Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 145.

 

 

151. La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.

__________

1985, c. 6, a. 151.

 

 

181. Le coût de la réadaptation est assumé par la Commission.

 

Dans la mise en oeuvre d'un plan individualisé de réadaptation, la Commission assume le coût de la solution appropriée la plus économique parmi celles qui permettent d'atteindre l'objectif recherché.

__________

1985, c. 6, a. 181.

 

 

184. La Commission peut :

 

1°           développer et soutenir les activités des personnes et des organismes qui s'occupent de réadaptation et coopérer avec eux;

 

2°           évaluer l'efficacité des politiques, des programmes et des services de réadaptation disponibles;

 

3°           effectuer ou faire effectuer des études et des recherches sur la réadaptation;

 

4°           prendre toute mesure qu'elle estime utile pour favoriser la réinsertion professionnelle du conjoint d'un travailleur décédé en raison d'une lésion professionnelle;

 

5°           prendre toute mesure qu'elle estime utile pour atténuer ou faire disparaître les conséquences d'une lésion professionnelle.

 

Aux fins des paragraphes 1°, 2° et 3°, la Commission forme un comité multidisciplinaire.

__________

1985, c. 6, a. 184.

 

 

[31]      Ainsi, selon l’article 151, un des buts de la réadaptation sociale est d’aider le travailleur à redevenir autonome dans l’accomplissement de ses activités habituelles et l’article 184 (5) permet à la CSST de prendre toute mesure pour atténuer ou faire disparaître les conséquences d’une lésion professionnelle.

 

 

[120]     De l’avis du tribunal, le processus de soins psychologiques entrepris avec le travailleur n’avait pas pour but d’aider le travailleur à surmonter les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.

[121]     Il s’agissait plutôt ici de dispenser des soins psychologiques en lien avec une nouvelle lésion psychique diagnostiquée chez le travailleur. Ce rôle ne relève pas de la CSST, ni d’un mandataire de cette dernière, mais bien du médecin qui a charge.

[122]     Après avoir reçu le rapport de la psychologue Caron en date du 7 novembre 2011, la CSST aurait dû diriger le travailleur vers son médecin afin qu’il évalue la condition du travailleur, qu’il pose les diagnostics appropriés et propose le plan de soins qu’il juge pertinent dans les circonstances. Le travailleur aurait pu, dès ce moment demander que ce nouveau diagnostic soit reconnu comme étant relatif à sa lésion professionnelle ou transmettre une demande de récidive, rechute ou aggravation.

[123]     La CSST avait tout le loisir d’accepter ou de refuser la relation entre ce nouveau diagnostic et la lésion professionnelle ou elle pouvait se prévaloir de la procédure prévue à l’article 204 de la loi si elle désirait contester le diagnostic posé. Mais elle ne pouvait poser un diagnostic et amorcer un plan de traitement en lien avec ce nouveau diagnostic sans que le médecin du travailleur en soit formellement informé.

 

[124]     Cette façon de procéder crée une confusion des genres inappropriée dans les circonstances, la CSST se plaçant ainsi dans une situation conflictuelle entre son rôle de décideur et celui du médecin qui a charge. Elle risque de se trouver fort mal placée pour contester un diagnostic posé par son propre mandataire ou la relation entre ce diagnostic et la lésion professionnelle.

[125]     Reste la question de l’atteinte permanente à l’intégrité physique en lien avec cette lésion professionnelle et les limitations fonctionnelles.

[126]     Pour ce qui est du déficit anatomophysiologique, la seule divergence entre les deux médecins examinateurs, soit le docteur Duchesne du BEM et le docteur Lavigne, est une atrophie de 2 cm au mollet gauche, constatée par le docteur Lavigne lors de son examen (code 106691). Ce constat est essentiellement objectif.

[127]     Le fait que le docteur Duchesne ne l’ait pas constaté s’explique sans doute par le passage du temps, l’examen du docteur Duchesne ayant été fait un (1) an après celui du docteur Duchesne. Le docteur Duchesne indique qu’il n’y a pas d’évidence d’atrophie au membre inférieur gauche, il n’est pas indiqué si une véritable mesure comparée au membre opposé a été prise.

[128]     Cette atrophie, mesurée par le docteur Lavigne, peut aussi résulter du simple passage du temps et d’une sous-utilisation du membre inférieur après l’intervention chirurgicale de 2010 pour prothèse totale du genou gauche.

[129]     La CSST n’avait pas de représentation formelle sur cette question de sorte que le tribunal considère que la preuve prépondérante milite en faveur de la reconnaissance de ce déficit additionnel, ce qui porte à 21 % le déficit anatomophysiologique total auquel on doit ajouter 5,25 % correspondant au pourcentage pour douleurs et perte de jouissance de la vie (DPJV) pour une atteinte permanente à son intégrité physique de 26,25 % en lien avec cette lésion professionnelle.

[130]     Pour ce qui est des limitations fonctionnelles pour la condition du genou gauche, le docteur Lavigne est en accord avec celles suggérées par le docteur Duchesne. Les deux limitations fonctionnelles qu’il ajoute concernent la condition à la hanche droite et au genou droit. Le tribunal n’a pas à disposer de cette question dans le cadre de ce litige. Les limitations fonctionnelles reconnues par le docteur Duchesne du BEM en lien avec la récidive, rechute ou aggravation du 12 juillet 2006 sont donc confirmées.

Dossier 475096-63-1206

La capacité à exercer l’emploi convenable

[131]     L’article 2 de la loi définit comme suit la notion « d’emploi convenable » ainsi :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

« emploi convenable » : un emploi approprié qui permet au travailleur victime d'une lésion professionnelle d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente une possibilité raisonnable d'embauche et dont les conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.

 

 

[132]     L’article 47 de la loi prévoit ce qui suit :

47.  Le travailleur dont la lésion professionnelle est consolidée a droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 45 tant qu'il a besoin de réadaptation pour redevenir capable d'exercer son emploi ou, si cet objectif ne peut être atteint, pour devenir capable d'exercer à plein temps un emploi convenable.

__________

1985, c. 6, a. 47.

 

 

171.  Lorsqu'aucune mesure de réadaptation ne peut rendre le travailleur capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent et que son employeur n'a aucun emploi convenable disponible, ce travailleur peut bénéficier de services d'évaluation de ses possibilités professionnelles en vue de l'aider à déterminer un emploi convenable qu'il pourrait exercer.

 

Cette évaluation se fait notamment en fonction de la scolarité du travailleur, de son expérience de travail, de ses capacités fonctionnelles et du marché du travail.

__________

1985, c. 6, a. 171.

 

 

[133]     Au soutien de sa requête, le travailleur plaide que l’emploi déterminé n’est pas convenable pour trois motifs principaux : en premier lieu, il plaide qu’il s’agit d’un titre d’emploi générique qui peut s’appliquer à une multitude d’emplois aux exigences diverses ce qui ne permet pas d’en faire l’analyse selon les critères prévus par la loi.

[134]     Dans un deuxième temps, il allègue que le travailleur n’a, ni la formation, ni l’expérience requise pour occuper un tel emploi. Finalement, il prétend que cet emploi ne respecte pas la capacité résiduelle du travailleur particulièrement sa condition psychique au moment de la détermination de l’emploi.

[135]     En ce qui a trait au premier motif de contestation, la procureure de la CSST convient qu’effectivement il s’agit d’un emploi générique qui a été déterminé au travailleur. Elle avance que c’est la difficulté de trouver un emploi correspondant à la capacité résiduelle du travailleur et à ses limitations fonctionnelles qui sont importantes, qui ont contraint la conseillère en réadaptation à lui déterminer un tel emploi générique.

[136]     Avec égards, le tribunal ne peut souscrire à un tel principe. La difficulté d’identifier un emploi convenable au travailleur ne justifie pas que l’on court-circuite le processus en empruntant des raccourcis qui font fi des droits du travailleur. Avec respect pour le travail effectué par la conseillère en réadaptation, le tribunal estime que la preuve démontre que l’emploi de répartiteur n’est pas un emploi que le travailleur est capable d’occuper et n’est pas un emploi convenable selon la loi.

[137]     Sur la question du caractère générique de l’emploi déterminé, le tribunal souscrit aux motifs de son collègue dans l’affaire Savignac et Ambulance Montcalm inc.[6] :

[49]      L’emploi convenable est donc un emploi qui présente cinq caractéristiques bien précises : il s’agit d’un emploi approprié qui permet d’utiliser la capacité résiduelle et les qualifications professionnelles de la personne, qui présente une possibilité raisonnable d’embauche et dont les conditions d’exercice ne comportent pas de dangers pour la santé, la sécurité ou l’intégrité physique de la personne compte tenu de sa lésion.

 

[50]      En l’espèce, le tribunal estime que l’emploi générique de répartiteur ne constitue pas un emploi approprié pour le travailleur. L’emploi de répartiteur est un emploi tellement large qu’il devient impossible de vérifier si un tel emploi possède, dans le cas précis du travailleur, les caractéristiques de l’emploi convenable.

 

[51]      Il n’est pas assuré que des emplois de répartiteur de taxi ou de dépanneuses soient des emplois appropriés pour le travailleur qui est certifié répartiteur médical d’urgence, qui possède une formation en prise d’appels et qui a œuvré comme technicien-ambulancier pendant plus d’une trentaine d’années, comme chargé de projet pendant 24 ans pour une entreprise de construction de route et comme conseiller municipal depuis 17 ans.

 

[52]      Selon la jurisprudence du tribunal, « le mot “approprié” doit s'entendre de quelque chose qui convient, qui est propre, qui est conforme, adapté et adéquat »9. En prenant en compte l’expérience professionnelle acquise par le travailleur après plus de 30 ans sur le marché du travail, il est évident que l’emploi générique de répartiteur ne respecte pas ces qualificatifs. Un tel emploi ne respecte guère les choix professionnels qu’avait faits le travailleur au cours de sa carrière et ses aptitudes.

 

[53]      Le travailleur possède sans doute les capacités résiduelles pour exercer l’un des emplois portant le titre de répartiteur mais ces emplois, dont certains ne sont pas nécessairement appropriés, n’offrent pas les mêmes possibilités raisonnables d’embauche et ne requièrent pas les mêmes qualifications professionnelles.

 

[54]      Si ces emplois possédaient des possibilités raisonnables d’embauche dans son territoire de résidence, le travailleur pourrait sans doute exercer l’un ou l’autre des emplois de répartiteur de taxi ou de dépanneuses. Il en est de même de l’emploi de répartiteur au 911 que le travailleur reconnaît pouvoir exercer. Mais, il ne peut, comme la preuve le démontre, l’exercer qu’à temps partiel. Ce dernier emploi qui semble le plus approprié pour le travailleur, ne présente donc pas de possibilité raisonnable d’embauche dans sa région de résidence.

 

 

_______________

8               Auger et Epm Multi-Services et Commission de la santé et de la sécurité du travail - Mauricie-Centre-du-Québec, 275980-04-0511, 6 décembre 2006, J.-F. Clément, paragr. [14]; Farinacci et Embouteillage Coca-Cola ltée, C.L.P., 110220-71-9902, 23 juin 2005, L. Landriault, paragr. [60] et suivants.

9               Lacasse et Pêcheries Herman Synott inc., 198927-01B-0301, 22 août 2003, J.-F. Clément, paragr. [44].

 

 

[138]     En ne définissant pas l’emploi précis auquel réfère le titre d’emploi de répartiteur, le tribunal ne peut procéder à une véritable analyse des quatre critères qui doivent déterminer si un emploi est convenable au sens de la loi. Ce n’est pas la première fois que la Commission des lésions professionnelles rappelle que la CSST doit être précise dans la détermination de l’emploi convenable. Ainsi dans l’affaire Brassard et Construction Talbon inc.[7], notre collègue s’exprimait ainsi :

[17]      Dans la présente affaire, la CSST retient un emploi convenable de gardien en général.  Pourtant, lors de la réalisation du plan individualisé de réadaptation, le travailleur insiste pour occuper un emploi de gardien de barrière en particulier.  En révision administrative, la CSST ajoute même que l’emploi de gardien de barrière est inclus dans l’emploi de gardien en général.  En somme, ça ressemble à tout le moins à un emploi fourre-tout.

 

[18]      À quelques reprises, la Commission d’appel en matières de lésions professionnelles a pourtant rappelé à l’ordre la CSST en déterminant que l’emploi convenable doit être précis et non pas de type générique afin de permettre au travailleur, qui est l’objet de la décision, de vérifier s’il correspond aux critères retenus de la définition de l’emploi convenable.

 

[19]      D’ailleurs, la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles décidait que, lorsque l’emploi convenable est trop vague, le travailleur pouvait le contester et attaquer son caractère inadéquat.

 

[20]      Ainsi, dans Alarie et 136847 Linodu-Trépanier Touring [3], l’emploi de commis, sans autres précisions, ne fut pas retenu comme emploi convenable.  Ce fut également le cas pour l’emploi de livreur dans Paquet et Les Industries F.P.L. inc[4].  et pour l’emploi de camionneur dans Camiré et Nap Breton inc.[5].

 

[21]      Dans l’affaire Mailhot, cité plus haut, le commissaire René Ouellet décidait pour le même motif que l’emploi de gardien ne constituait pas un emploi convenable.

 

[22]      Aux pages 6 et 7 de sa décision, le commissaire Ouellet écrit ce qui suit :

 

« En effet, la CSST a décidé de déterminer un poste de «gardien ».  Il ne suffit pas qu’il y ait eu collaboration ou consensus sur un poste déterminé, il faut encore que la décision qui émane de l’organisme respecte cette décision ou ce consensus.  Les conséquences de la décision relative à un emploi convenable sont particulièrement importantes pour un travailleur qui possède peu de qualifications professionnelles.  Si un tel poste est trop large et que la décision n’est pas contestée, le travailleur peut être confronté à cette décision cependant le reste des années où il demeure sur le marché du travail et cela, sans recours.  En ne retenant qu’un terme générique, la CSST se trouvait à élargir indûment la portée de la décision touchant l’emploi convenable.  Il peut s’agir d’un poste assis ou debout.  De garder des barrières ou d’autres lieux.  De garder des personnes ou des choses.  De surveiller des biens ou des personnes.  Finalement, on lui reconnaît une capacité à être gardien de n’importe qui et de n’importe quoi. » (sic)

 

[23]      Se basant sur cette jurisprudence, le soussigné est d’avis que l’emploi de gardien en général est un emploi de type générique, trop vague et imprécis par lequel la CSST refile au travailleur une obligation trop grande, s’il ne la conteste pas, puisque la portée de la décision est élargie indûment.

 

 

[139]     Selon le docteur Lavigne, les limitations fonctionnelles du travailleur sont incompatibles avec les exigences de certains de ces emplois de répartiteur, mais le caractère générique de l’emploi déterminé empêche le tribunal d’en faire une véritable analyse.

[140]     Plusieurs emplois portant le titre de répartiteur exigent un permis d’opérateur radio que le travailleur ne possède pas. Le tribunal doit-il les exclure d’emblée puisqu’aucune formation n’a été offerte au travailleur pour obtenir ce permis?

[141]     Certains de ces emplois exigent une certaine expérience dans la répartition d’appels que ce soit dans les services d’urgence, dans le camionnage ou le taxi. Il n’a aucune expérience dans ce genre d’emploi, selon la preuve obtenue. Le fait d’avoir été propriétaire d’une excavatrice ne fait pas du travailleur un expert dans la répartition de camions. On a tenu pour acquis qu’il avait possédé une centrale d’alarmes, donc qu’il avait une connaissance transférable dans un emploi de répartiteur d’appels de centrale d’alarmes. La preuve a plutôt révélé que c’est sa conjointe qui agissait comme répartitrice des appels et non lui. Son travail se limitait à installer les systèmes et non à opérer la centrale.

[142]     Le tribunal voit difficilement comment il peut apprécier la possibilité raisonnable d’embauche relativement à un titre d’emploi si large. S’il est exact que l’emploi générique de « répartiteur » offre une possibilité raisonnable d’embauche au Québec, qu’en est-il d’un emploi spécifique dans la région du travailleur? Aucune preuve n’a été administrée par la CSST à cet égard.

[143]     Dans l’affaire Morin et GLC Audio Vidéo enr.[8], le juge administratif exprime l’avis que la possibilité raisonnable d’embauche doit s’apprécier de façon concrète en regard d’un individu et non de façon abstraite en s’appuyant sur des statistiques gouvernementales :

[65]      La Commission des lésions professionnelles est d’avis que la possibilité raisonnable d’embauche doit s’apprécier concrètement face à un individu et non de façon abstraite.

[66]      Dans le présent dossier, il est donc hors de question de se baser sur des statistiques gouvernementales qui démontrent que les perspectives professionnelles sont acceptables pour la région des Laurentides. Rappelons que le territoire de cette région est des plus vastes et que la possibilité d’embauche peut être bonne pour une partie de la région, mais inexistante dans une autre partie de cette région. Le tribunal estime que, dans une telle situation, la preuve doit démontrer une possibilité raisonnable d’embauche dans un rayon raisonnable autour du lieu de résidence du travailleur.

 

 

[144]     Le travailleur habite à St-Alphonse-Rodriguez. Aucune preuve n’a été administrée pour démontrer qu’il existe dans un environnement raisonnable de la région où habite le travailleur, une possibilité raisonnable d’embauche dans un titre d’emploi spécifique de répartiteur que le travailleur est en mesure d’occuper.

[145]     Finalement, le tribunal ne peut faire abstraction du dernier critère à considérer dans ce dossier, soit la capacité résiduelle du travailleur. Le 19 avril 2012, jour de la rencontre du travailleur avec sa conseillère en réadaptation où, elle lui annonce qu’elle va déterminer l’emploi convenable de répartiteur, le travailleur lui remet le matin même un certificat médical de son médecin, faisant état du diagnostic d’état de stress post-traumatique et d’anxiété en lien avec son éveil lors de la chirurgie. Le rapport indique qu’il fait de l’insomnie, qu’il fait l’objet d’un suivi psychologique, qu’il présente des douleurs chroniques. Le travailleur lui annonce qu’il va produire une réclamation pour ces diagnostics. Ce rapport médical vient confirmer le diagnostic émis par la psychologue Lise Caron depuis le mois de novembre 2011 qui corrobore le constat de cette dernière voulant que le travailleur souffre d’un état de stress post-traumatique, qu’il a des problèmes de sommeil, qu’il fait des cauchemars, qu’il fait l’objet d’un suivi psychologique régulier et qu’il n’est pas du tout dans un état pour retourner sur le marché du travail à ce moment.

[146]     Les notes du dossier font même état que la psychologue a écrit au médecin qui a charge afin qu’une médication soit prescrite pour résoudre ce problème. Elle l’informe que le travailleur est souffrant et qu’il démontre plusieurs symptômes d’un état de stress post-traumatique.

[147]     Le travailleur mentionne clairement à sa conseillère qu’il considère ne pas pouvoir faire cet emploi, entre autres, pour le motif qu’il ne dort pas bien la nuit, qu’il fait des cauchemars fréquents et que souvent, il doit reprendre son sommeil le jour ce qui le rend inapte à occuper l’emploi déterminé.

[148]     En dépit de toutes ces informations, la CSST procède à déterminer l’emploi convenable de répartiteur. Il semble un peu paradoxal de déterminer un emploi de répartiteur d’une centrale d’alarme à quelqu’un qui est susceptible de dormir au travail. La conseillère se dit liée par les limitations fonctionnelles émises par le BEM, raison qui justifie selon elle, la détermination de l’emploi. Elle semble oublier qu’elle doit également tenir compte de la capacité résiduelle du travailleur, ce qu’elle a omis de faire dans ce dossier.

[149]     Pour ces différents motifs, le tribunal conclut que l’emploi générique de répartiteur n’est pas un emploi convenable au sens de la loi et infirme la décision de la révision administrative sur cette question.

[150]     Le dossier sera donc retourné à la CSST afin qu’elle reprenne le processus de réadaptation et le travailleur est en droit de récupérer ses prestations entretemps.

Dossier 502263-63-1301

La récidive, rechute ou aggravation du 19 avril 2012

[151]     Le 19 avril 2012, le docteur Boudrias a posé le diagnostic d’état de stress post-traumatique et d’anxiété en lien avec le fait que le travailleur s’est réveillé durant la chirurgie.

[152]     Le 24 mai 2012, le docteur Boudrias indique que le travailleur présente des douleurs lombaires et dorsales, des douleurs au genou droit secondaire à une boiterie antalgique du genou gauche. Une réclamation est transmise à la CSST relativement à ces diagnostics.

[153]     Le 3 juillet 2012, le docteur Boudrias fait état de gonalgie droite et il demande une consultation en orthopédie.

[154]     Le docteur Lavigne, orthopédiste consulté, a retenu le diagnostic de Greater trochanteric Pain Syndrome ou syndrome douloureux péritrochantérien pour expliquer les symptômes ressentis par le travailleur à la jambe et à la hanche droite et il a conclu également à une aggravation de la condition personnelle préexistante connue de coxarthrose résultant de la boiterie antalgique du membre inférieur gauche. Le tribunal ne retient pas d’autres diagnostics en lien avec la condition lombaire ou dorsale autres que le diagnostic retenu par le docteur Lavigne puisqu’aucun diagnostic précis n’a été émis à cet égard.

[155]     Quant à la lésion psychologique, une consultation demandée en psychiatrie nous indique que le docteur Gauthier confirme le diagnostic d’état de stress post-traumatique et de trouble d’adaptation avec humeur anxieuse et dépressive d’intensité modérée.

 

[156]     En l’espèce, il n’y a pas eu de procédure d’évaluation médicale pour cette dernière récidive, rechute ou aggravation et plusieurs diagnostics ont été posés. Dans la décision Dupont[9], le juge administratif, confronté à une telle situation écrivait ce qui suit :

[22] Appelé à se prononcer sur l’admissibilité de la réclamation et en dépit de l’absence d’une contestation portant sur l’application d’un avis rendu par un membre du Bureau d’évaluation médicale, le tribunal doit parfois identifier le diagnostic devant être retenu aux fins de la détermination de l’existence d’une lésion professionnelle4.

 

[23] Le diagnostic à retenir est « celui qui s’accorde le mieux avec les faits prouvés »5. Son identification se fait « à la lumière de la preuve prépondérante »6, « à travers l’analyse des faits portés à la connaissance »7 du tribunal.

__________

4        Société canadienne des postes et Bernier, [1994] C.A.L.P. 1731 , révision rejetée, 08099-61-8712, 13 novembre 1995, S. Moreau; Demers et Canadelle inc., [1995] C.A.L.P. 1859 ; Société canadienne des postes et Bilodeau, 08815-63-8808, 23 janvier 1998, J.-M. Dubois, (J9-13-49), révision rejetée, [1998] C.L.P. 1151 ; Lefebvre et Services de protection Burns Int. ltée, 105170-72-9809, 14 décembre 1999, Marie Lamarre; Goyette et Lithonia Lighting Canada, [2000] C.L.P. 10 , révision rejetée, 125122-71-9910, 10 avril 2001, L. Landriault; Gauthier et Commonwealth Plywood ltée et CSST, 219653-64-0311, 25 octobre 2005, J.-F. Martel; Cloutier et Câble Alcan (Usine St-Maurice), [2005] C.L.P. 193 ; Ganotec inc. et Labonté, 272386-61-0510, 4 janvier 2006. B. Lemay

5        St-Pierre et Ministère des Transports, 260575-09-0504, 7 novembre 2005, G. Tardif, ainsi que la volumineuse jurisprudence qui y est citée

6        Lahaie et Municipalité de St-Lin, 160268-63-0105, 15 avril 2003, L. Nadeau, (03LP-31) (décision accueillant la requête en révision). Voir aussi : Courchesne et Coopérative solidarité Bon Ménage, 179148-63-0202, 28 mars 2003, C.-A. Ducharme

7        Baril et La Brasserie Labatt ltée, 148915-62B-0010, 26 août 2003, L. Boucher, (03LP-130) (décision accueillant en partie la requête en révocation)

 

 

[157]     Le tribunal souscrit à ce principe. Après avoir analysé la preuve présentée, le soussigné est d’avis de retenir les diagnostics posés par le docteur Lavigne pour ce qui est de la lésion physique et par le docteur Gauthier pour ce qui est de la lésion psychique considérant que ces derniers sont les spécialistes dans leur domaine, qu’ils ont été consultés à la demande du travailleur et qu’ils ont pris connaissance de l’historique médical de la condition du travailleur et son évolution jusqu’à la date de leur expertise respective.

[158]     Reste maintenant à déterminer si ces diagnostics sont relatifs avec la lésion professionnelle subie par le travailleur.

 

 

[159]     La loi ne définit pas la notion de récidive, rechute ou aggravation. Dans ce contexte, le tribunal s’en remet au sens courant de ces termes ainsi qu’aux définitions que l’on retrouve dans les dictionnaires. Comme le rappelait, à juste titre, la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles dans l’affaire Lapointe et Cie minière Québec Cartier[10] :

[…] Un examen rapide des définitions qui en sont données dans les dictionnaires de la langue française permet d’en dégager une tendance dans le sens d’une reprise évolutive, d’une réapparition ou d’une recrudescence d’une lésion ou de ses symptômes.

 

 

[160]     Pour sa part, la Commission des lésions professionnelles reprenait ces mêmes principes lorsqu’elle affirmait ce qui suit dans l’affaire Boucher et Ganotec inc.[11] :

[7]        La loi ne définit pas les notions de récidive, rechute et aggravation. Il faut donc s'en remettre à la jurisprudence et aux définitions des dictionnaires, pour convenir qu'une rechute consiste dans la reprise d'une maladie alors qu'elle est en voie de guérison, qu'une récidive est la reprise d'une maladie après sa guérison et que l'aggravation est l'apparition de phénomènes morbides nouveaux au cours d'une maladie.

 

 

[161]     Il est bon de rappeler également que c’est le travailleur qui a le fardeau de la preuve et que celui-ci doit démontrer l’existence d’une récidive, rechute ou aggravation. La preuve doit révéler les deux éléments suivants :

·        La présence d’une modification à la baisse de l’état de santé du travailleur;

·        une relation entre cette modification de l’état de santé du travailleur et la lésion professionnelle initiale.

[162]     Afin de guider la Commission des lésions professionnelles sur l’existence ou non d’une telle relation, la jurisprudence a établi une liste non exhaustive de paramètres auxquels le tribunal pourra se référer[12]. Ces paramètres sont les suivants :

·        La gravité de la lésion initiale;

·        la continuité de la symptomatologie;

·        l’existence ou non d’un suivi médical;

·        le retour au travail avec ou sans limitations fonctionnelles;

·        la présence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique;

·        la présence d’une condition personnelle;

·        la compatibilité de la symptomatologie alléguée au moment de la récidive, rechute ou aggravation avec la nature de la lésion initiale;

·        le délai entre la récidive, rechute ou aggravation et la lésion initiale;

·        la similitude de site de lésion et de diagnostic.

[163]     Il faut également se rappeler qu’aucun de ces paramètres n’est décisif en soi, mais que c’est pris dans une globalité qu’ils pourront permettre de décider du bien-fondé ou non d’une réclamation invoquant la survenance d’une récidive, rechute ou aggravation.

[164]     De plus, le tribunal n’est pas tenu d’appliquer tous ces paramètres ou même d’un seul afin de décider du bien-fondé d’une réclamation. Ces paramètres ont été établis pour aider le décideur afin d’établir une relation entre la récidive, rechute ou aggravation alléguée et la lésion initiale, mais ils ne font pas partie de la loi[13].

[165]     Enfin, le présent tribunal tient à réitérer les propos que tenait le juge administratif David dans l’affaire Monette-Lanthier et Au Printemps Gourmet[14]. Dans cette dernière affaire, il affirmait qu’au-delà de l'analyse spécifique des critères reconnus, l’essentiel est de déterminer si la lésion professionnelle initiale ou ses conséquences expliquent la récidive alléguée par un lien de cause à effet. Appliquant ces principes aux faits du présent dossier, le tribunal dispose en premier lieu des diagnostics en lien avec la lésion physique du travailleur.

La lésion physique

[166]     La preuve au dossier est claire quant au fait que le travailleur s’est blessé au genou gauche et que cette lésion s’est conclue par l’installation d’une prothèse totale du genou. Cette lésion a été consolidée le 27 janvier 2012 soit plus de six ans après la survenance de la lésion initiale et un an et demi (1 ½) après l’intervention chirurgicale. Cette lésion a causé des séquelles importantes au travailleur. Une atteinte permanente évaluée à 22,80 % lui a d’ailleurs été reconnue de même que des limitations fonctionnelles.

[167]     Il est en preuve que le travailleur est demeuré avec des douleurs chroniques au membre inférieur gauche et qu’il a présenté une boiterie antalgique à la suite de la chirurgie pour son membre inférieur gauche. Cette boiterie antalgique a été constatée par les docteurs Duhaime et Duchesne, dès 2011.

[168]     Le docteur Lavigne est d’avis que la boiterie antalgique développée par le travailleur à la suite de sa chirurgie pour prothèse totale du genou gauche, le 12 avril 2010, est la cause du syndrome douloureux qui s’est développé au genou droit et à la hanche droite du travailleur qu’il diagnostique comme étant un syndrome douloureux péritrochantérien. Le tribunal considère que ce syndrome et l’aggravation de la condition personnelle d’arthrose et de coxarthrose du travailleur constituent une détérioration de la condition du travailleur.

[169]     Sur la question de la relation avec la boiterie antalgique, l’opinion du docteur Lavigne est appuyée par de la littérature médicale. Il dépose un article de littérature intitulée Symptômes dans la jambe opposée à la jambe blessée, précitée qui confirme que certains symptômes peuvent se développer dans la jambe opposée lorsque le travailleur présente une boiterie antalgique de type Tredelenburg durant plusieurs mois.

[170]     Selon cette même littérature, le débalancement mécanique engendré par la boiterie antalgique peut causer une aggravation d’une condition personnelle d’arthrose, de coxarthrose ou de gonarthrose chez le travailleur.

[171]     Il est vrai que le travailleur, qui est âgé de plus de 50 ans, présente une condition personnelle de gonarthrose au genou droit et de légère coxarthrose à la hanche droite et que ces conditions auraient pu évoluer avec le temps. Il est également exact de dire que le travailleur, qui n’est pas retourné au travail après 2006, a limité ses déplacements, ce qui aurait dû être moins sollicitant pour son membre inférieur droit. Mais il demeure qu’il devait tout de même se déplacer pour ses activités de la vie quotidienne. Il est par ailleurs non contredit qu’il a développé une boiterie antalgique qui a été observée par plusieurs médecins examinateurs après l’installation de sa prothèse totale au genou gauche et que cette dernière est constatée depuis 2011.

[172]     Le tribunal doit identifier la cause la plus probable de l’aggravation de la condition du travailleur au genou droit et à la hanche droite. Sommes-nous en présence d’une évolution naturelle de la condition personnelle ou d’une détérioration causée par la lésion professionnelle au membre inférieur gauche?

 

[173]     Il est en preuve qu’avant l’événement de 2005, le travailleur était une personne active qui travaillait sur une base régulière de 60 à 80 heures par semaine dans des emplois physiquement exigeants, en particulier le dernier emploi occupé chez l’employeur qui nécessitait de monter dans des poteaux et ramper dans des tunnels.

[174]     Il n’y a pas de preuve que le travailleur présentait des symptômes au membre inférieur droit ou à la hanche droite avant l’événement du mois de juin 2005 ou qu’il avait des antécédents pertinents à sa condition actuelle. La présence d’arthrose ou de légère coxarthrose à la hanche droite chez un individu de 50 ans est courante et cette condition peut demeurer asymptomatique.

[175]     Lors de l’événement de 2005, il a subi également un traumatisme au membre inférieur droit qui a pu s’aggraver avec le temps. Le travailleur mentionne qu’il a fait part, à plusieurs reprises à ses médecins d’une douleur qui s’aggravait à la jambe droite, particulièrement, après son intervention de 2010, mais on ne l’a pas vraiment écouté.

[176]     Le tribunal retient que la boiterie antalgique du travailleur résulte des séquelles conservées par le travailleur à la suite de l’accident du 21 juin 2005 et de la récidive, rechute ou aggravation du 12 juillet 2006, particulièrement à la suite de l’intervention chirurgicale pour prothèse totale du genou gauche réalisée le 12 avril 2010. Cette boiterie antalgique a causé syndrome douloureux péritrochantérien diagnostiqué par le docteur Lavigne et a aggravé la condition personnelle de coxarthrose et gonarthrose présente chez le travailleur.

[177]     De l’avis du tribunal, l’opinion et les explications fournies par le docteur Lavigne pour expliquer la condition actuelle du travailleur rendent probable la relation entre la détérioration de la condition du travailleur et la lésion professionnelle du 21 juin 2005.

La lésion psychique

[178]     Le tribunal doit déterminer si la lésion psychique, diagnostiquée comme étant un état de stress post-traumatique et un trouble d’adaptation, est en lien avec la lésion professionnelle du travailleur.

[179]     Les dispositions pertinentes de la loi sont de l’avis du tribunal les suivantes :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

 

 

 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.

 

31.  Est considérée une lésion professionnelle, une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion :

 

1° des soins qu'un travailleur reçoit pour une lésion professionnelle ou de l'omission de tels soins;

 

2° d'une activité prescrite au travailleur dans le cadre des traitements médicaux qu'il reçoit pour une lésion professionnelle ou dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation.

 

Cependant, le premier alinéa ne s'applique pas si la blessure ou la maladie donne lieu à une indemnisation en vertu de la Loi sur l'assurance automobile (chapitre A-25), de la Loi visant à favoriser le civisme (chapitre C-20) ou de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels (chapitre I-6).

__________

1985, c. 6, a. 31.

 

 

[180]     La preuve est concluante quant au fait que l’état de stress post-traumatique et le trouble d’adaptation diagnostiqués chez le travailleur résultent avant tout du traumatisme psychologique subi par le travailleur lorsqu’il s’est réveillé durant une chirurgie et qu’il a pu observer des médecins en train de lui couper l’os de la jambe avec une scie électrique ou encore lui enfoncer sa prothèse au marteau.

[181]     Le diagnostic d’état de stress post-traumatique n’est pas contesté et lie le tribunal comme la CSST. Au surplus, le rapport de la psychologue, madame Caron identifie bien les causes associées à l’état de stress post-traumatique de même que la présence des symptômes intrusifs et d’évitement caractéristiques pour poser ce diagnostic et qui sont, pour la plupart, présents chez le travailleur.

[182]     La présence de ces symptômes caractéristiques est également corroborée par le psychiatre Gauthier et une lecture du DSM-IV confirme que l’on doit retrouver ces symptômes caractéristiques pour poser le diagnostic.

[183]     Ce qui est en litige c’est la relation entre cet état et l’événement traumatisant survenu durant la chirurgie du travailleur. Le docteur Morel de la CSST est d’avis que ce qui s’est produit durant la chirurgie n’est pas suffisamment traumatisant pour causer l’état de stress dans lequel le travailleur se retrouve puisque la situation n’a pas mis sa vie en péril.

[184]     Le tribunal ne peut retenir cette opinion du docteur Morel. Premièrement parce que le DSM-IV n’exige pas que la vie de l’individu soit mise en péril pour poser le diagnostic. Une crainte de blessure grave ou une menace d’atteinte importante à l’intégrité physique est suffisante.

[185]     De l’avis du tribunal, les circonstances dans lesquelles le travailleur a pris conscience de l’intervention que l’on prodiguait sur lui ont pu lui faire craindre qu’il s’expose à une atteinte grave ou à une menace à son intégrité physique. Lorsqu’on lui a administré un sédatif additionnel et qu’il a vu les lumières s’éteindre, il a craint pour sa vie. Que la crainte soit raisonnable ou non, c’est une autre question. Il faut se replacer dans la peau de celui qui est exposé à la situation et tenir compte du contexte pour apprécier si dans les circonstances, les sentiments vécus par ce dernier étaient raisonnables. Le tribunal croit que tel est le cas dans la présente situation.

[186]     Il n’est pas commun qu’un patient se réveille ou ait conscience de son intervention chirurgicale. Bien que certaines interventions de ce type ne requièrent pas une anesthésie générale, le tribunal présume que les explications préalables fournies au patient et certains moyens seront utilisés afin d’éviter que le patient ne soit exposé à des images traumatisantes de l’intervention. Il semble que dans ce dossier, on ait retiré la toile qui empêchait le patient de voir ce qui se passait. Dans certains cas où une anesthésie générale n’est pas requise, le tribunal présume que les médecins qui procèdent à une intervention de ce type rassureront le patient en lui expliquant la nature de l’intervention afin qu’il ne perçoive pas une menace à son intégrité physique. Il ne semble pas que ce fut le cas dans le présent dossier.

[187]     Le tribunal ne peut écarter le constat de la psychologue mandaté par la CSST, madame Lise Caron, qui a attribué au traumatisme vécu par le travailleur lors de sa chirurgie l’état de stress post-traumatique dans lequel il s’est retrouvé peu de temps après cette intervention. Elle est d’avis que ce que le travailleur a vécu s’apparente à une menace à son intégrité physique susceptible d’avoir causé son état de stress post-traumatique.

[188]     Finalement, sur la preuve de la relation, le tribunal retient que le docteur Gauthier attribue également à l’événement du 21 juin 2005, la récidive, rechute ou aggravation de juillet 2006, la persistance des douleurs chroniques, la cessation du travail et surtout, l’intervention chirurgicale du 12 avril 2010, la cause de l’état de stress et du trouble d’adaptation.

[189]     De l’avis du tribunal, la preuve est nettement prépondérante pour reconnaître que la condition psychique du travailleur est une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion initiale du 21 juin 2005 et qu’elle constitue en partie une lésion due à des soins en application de l’article 31 de la loi.

[190]     Le procureur du travailleur a déposé des expertises médicales sur les autres questions médicales en lien avec la récidive, rechute ou aggravation, soit la date de consolidation de ces lésions ou l’atteinte permanente ou les limitations fonctionnelles conservées. Le tribunal considère qu’il n’est pas saisi de ces questions à ce stade-ci. Il laissera le soin à la CSST de se prononcer sur les conclusions médicales retenues par le médecin qui a charge et sur la consolidation de la lésion physique à la hanche droite et au membre inférieur droit qui ne semblaient pas consolidées de l’avis du docteur Lavigne. Le tribunal ne se prononce donc pas sur ces questions et retourne le dossier à la CSST afin que le travailleur reçoive les prestations requises en lien avec ces conditions.

[191]     Quant à la réadaptation du travailleur, compte tenu de la décision rendue sur la récidive, rechute ou aggravation du 19 avril 2012, il devient prématuré pour la CSST de reprendre ce processus avant que la récidive, rechute ou aggravation ne soit consolidée.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier 465540-63-1203

ACCUEILLE en partie la requête de monsieur Daniel Lallier, le travailleur, déposée à commission des lésions professionnelles, le 14 mars 2012;

INFIRME en partie la décision rendue le 2 mars 2012 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite de la révision administrative;

DÉCLARE que la lésion professionnelle subie par le travailleur les 31 juillet 2005 et 12 juillet 2006 étaient consolidées le 27 janvier 2012;

DÉCLARE que le travailleur conserve une atteinte permanente à son intégrité physique et psychique de 26,25 % en lien avec ladite lésion professionnelle;

DÉCLARE que le travailleur a droit à l’indemnité pour dommages corporels en lien avec cette atteinte permanente à son intégrité physique et psychique.

DÉCLARE que le travailleur conserve les limitations fonctionnelles suivantes en lien avec ladite lésion professionnelle, à savoir :

Le travailleur devra éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent de :

 

- soulever, porter, pousser ou tirer des charges de plus de 10 kilos,

- travailler en position accroupie ou agenouillée,

- ramper, grimper

- effectuer des mouvements avec des amplitudes extrêmes de l’articulation en cause (genou gauche)

- monter ou descendre les escaliers de façon fréquente

- travailler ou marcher sur terrains accidentés ou glissants,

- travailler en position instable,

-  travailler dans échelles, escabeaux ou échafaudages.

 

Dossier 475096-63-1206

ACCUEILLE en partie la requête de monsieur Daniel Lallier, le travailleur, déposée à la Commission des lésions professionnelles, le 15 juin 2012;

INFIRME la décision rendue le 5 juin 2012 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite de la révision administrative;

DÉCLARE que l’emploi de répartiteur n’est pas un emploi convenable au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et que le travailleur n’avait pas la capacité d’exercer ledit emploi.

DÉCLARE que monsieur Daniel Lallier a le droit de bénéficier des mesures de réadaptation professionnelle afin que soit déterminé un nouvel emploi convenable qu’il aura la capacité d’exercer et qu’il a droit au rétablissement de ses prestations entretemps.

Dossier 502263-63-1301

ACCUEILLE la requête de monsieur Daniel Lallier, le travailleur, déposée à la Commission des lésions professionnelles, le 31 janvier 2013;

INFIRME la décision rendue le 17 janvier 2013 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite de la révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur a subi une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle initiale du 21 juin 2005, les 19 avril 2012 et 23 mai 2012;

DÉCLARE que les diagnostics d’état de stress post-traumatique et de trouble d’adaptation avec humeur dépressive sont en relation avec la récidive, rechute ou aggravation survenue le 19 avril 2012 et que le travailleur a droit aux prestations en lien avec lesdits diagnostics;

DÉCLARE que les diagnostics de syndrome douloureux péritrochantérien et d’aggravation de la condition personnelle de coxarthrose à la hanche droite et de gonarthrose ont rapport avec la récidive, rechute ou aggravation survenue le 23 mai 2012 et que le travailleur a droit aux prestations en lien avec lesdits diagnostics.

 

 

 

 

 

DANIEL PELLETIER

 

 

 

Me André Laporte

Laporte & Lavallée

Représentant de la partie requérante

 

Me Myriam Sauviat

Vigneault Thibodeau Bergeron

Représentante de la partie intéressée

 



[1]           Entourage Solutions Technologies inc et Daniel Lallier, C.L.P. 278274-63-0512 et 309035-63-0702, 19 août 2008, J.-P. Arsenault.

[2]           Document de travail à l’intention du Tribunal d’appel de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail, août 2005, préparé par le docteur Ian J. Harrington chirurgien orthopédiste : Ian J. HARRINGTON, « Symptôme dans la jambe opposée à la jambe blessée », (2005), Tribunal d’appel de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail.

[3]           L.R.Q., c. A-3.001.

[4]           2011 QCCLP 5474 .

[5]           [2003] C.L.P. 1415 .

[6]           2009 QCCLP 3017 .

[7]           C.L.P. 11963-08-9906, 26 avril 2000, P. Prégent.

[8]           2013 QCCLP 2242 .

[9]           Dupont et Transmel, C.L.P. 290162-63-1207, 6 juin 2007, J.-F. Martel.

[10]         [1989] C.A.L.P. 38 .

[11]         C.L.P. 280854-03B-0601, 11 mai 2007, M. Cusson.

[12]         Voir notamment l’affaire Boisvert et Halco inc., [1995] C.A.L.P. 19 .

[13]         Dubois et CHSLD Biermans-Triest, C.L.P. 234432-62-0405, 19 mars 2007, B. Roy; Doré et Rollerball, C.L.P. 355595-71-0807, 15 septembre 2010, Monique Lamarre.

[14]         C.L.P. 307560-64-0612, 26 octobre 2007, J. David.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.