Décision

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Dessailly et DrolEx

2007 QCCLP 5233

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Rouyn-Noranda

14 septembre 2007

 

Région :

Abitibi-Témiscamingue

 

Dossier :

322626-08-0706

 

Dossier CSST :

129741112

 

Commissaire :

Me Fernand Daigneault

 

Membres :

Marcel Grenon, associations d’employeurs

 

Jean-Pierre Valiquette, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Sylvain Dessailly

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

DrolEx

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 29 juin 2007, monsieur Sylvain Dessailly (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 21 juin 2007 à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 4 mai 2007 et déclare que l’assignation temporaire, proposée par l’employeur et acceptée par la docteure Beauregard le 17 avril 2007, est conforme et respecte l’article 179 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

[3]                Une audience se tient à Val-d’Or le 11 septembre 2007 à laquelle assiste le travailleur. L’employeur, DrolEx, est absent et n’est pas représenté.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                Le travailleur demande de déclarer que l’assignation temporaire, proposée par l’employeur et acceptée par la docteure Beauregard le 17 avril 2007, ne respecte pas l’article 179 de la loi.

LES FAITS

[5]                En novembre 2006, le travailleur est livreur de colis pour l’employeur depuis environ 8 ans. Son horaire de travail est de 7 h à 17 h.

[6]                Le 27 novembre 2006, le travailleur se fait écraser la main droite par un chariot élévateur. La CSST accepte de reconnaître la relation entre le diagnostic de fracture ouverte aux 2e, 3e et 4e doigts de la main droite et l’événement.

[7]                Entre le 7 mars et le 19 avril 2007, l’agente de la CSST entre en contact avec l’employeur ou le travailleur, à au moins sept reprises, pour s’assurer que le travailleur soit assigné temporairement à des travaux légers chez l’employeur.

[8]                Le 16 avril 2007, l’employeur fait parvenir à la CSST une copie du formulaire qui propose une assignation temporaire pour le travailleur.

[9]                Le travail proposé est aide à l’entrepôt. Les tâches sont de numériser tous les colis entrant et sortant chez l’employeur, faire la liste des colis à être livrés et faire la liste des colis pour Postes Canada. L’horaire de travail est de 4 h 30 à 8 h 30 et de 14 h 30 à 18 h 30.

[10]           Le 17 avril 2007, la docteure Beauregard accepte la proposition d’assignation temporaire à des travaux légers et signe le formulaire. Elle ajoute cependant que le travailleur ne doit pas lever des poids de plus de cinq kilogrammes avec sa main droite en raison de la diminution de la dextérité de celle-ci. Le travailleur déclare que la docteure Beauregard ne l’a pas consulté sur les tâches à être exécutées avant de signer le formulaire.

[11]           Le 23 avril 2007, le travailleur se présente chez l’employeur à 4 h 30 afin d’exécuter les travaux prévus au formulaire d’assignation temporaire.

[12]           De 4 h 30 à 7 h 30, l’employeur demande au travailleur de s’asseoir dans un local pour attendre les appels téléphoniques. Durant cette période de temps, il n’y a aucun appel. Le travailleur déclare à l’audience qu’il était prévisible qu’il n’y ait aucun appel puisque ce téléphone est prévu pour recevoir les commandes d’éventuels clients. Pour lui, il est évident que, entre 4 h 30 et 7 h 30, les chances de recevoir des appels sont presque nulles. D’ailleurs, la réceptionniste qui prend habituellement les appels des clients occupe ce poste de travail à compter de 8 h.

[13]           À 7 h 30, l’employeur demande au travailleur d’aller chercher des cafés chez Tim Horton. À son retour, l’employeur lui demande d’aller porter un véhicule au garage.

[14]           De 8 h 15 à 8 h 30, le travailleur est affecté à faire une liste de colis. À 8 h 30, le travailleur retourne chez lui. Son retour au travail est prévu pour 14 h 30.

[15]           De 14 h 30 à 15 h 30, l’employeur n’a pas de travail à offrir au travailleur. Ce dernier attend dans le bureau de l’employeur. De 15 h 30 à 17 h le travailleur est affecté à la confection d’une liste de colis. Sa journée se termine à 17 h. Le travailleur déclare que la tâche de faire des listes de colis est celle habituellement accomplie par l’adjoint de son supérieur.

[16]           Le travailleur déclare à l’audience que, durant cette journée du 23 avril 2007, il a eu l’impression qu’on le punissait en l’obligeant à être présent au travail, alors qu’il n’y a pas véritablement de travail pour lui et en le laissant seul dans un local durant trois heures à attendre que le téléphone sonne.

[17]           Le 23 avril 2007, le travailleur fait parvenir une lettre à la CSST par laquelle il conteste l’assignation temporaire. Il indique que les tâches qu’il a exécutées ce jour-là ne sont pas favorables à sa réadaptation. Il ajoute que son employeur lui a dit que c’est l’agente de la CSST qui a insisté pour qu’une assignation temporaire lui soit proposée, peu importe les tâches.

[18]           Le 4 mai 2007, la CSST rend une décision par laquelle elle déclare que l’assignation temporaire acceptée par la docteure Beauregard le 17 avril 2007 est conforme et respecte l’article 179 de la loi. Le travailleur demande la révision de cette décision.

[19]           Le 21 juin 2007, à la suite d’une révision administrative, la CSST confirme sa décision du 4 mai 2007. Elle déclare que le travailleur est raisonnablement en mesure d’accomplir le travail proposé dans le cadre de l’assignation temporaire, que ce travail est sans danger pour sa santé, sa sécurité et son intégrité physique et que ce travail est favorable à sa réadaptation. Le travailleur conteste cette décision devant la Commission des lésions professionnelles.

 

 

L’AVIS DES MEMBRES

[20]           Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que la requête du travailleur doit être rejetée. Il considère que le travailleur aurait dû laisser du temps à l’employeur afin qu’il s’ajuste et lui propose le travail prévu au formulaire d’assignation temporaire. Il est d’avis que le travailleur ne voulait pas retourner travailler chez son employeur, tant en assignation temporaire qu’à son emploi régulier.

[21]            Le membre issu des associations syndicales est plutôt d’avis que la requête du travailleur doit être accueillie. Il considère que la grande majorité des tâches exécutées par le travailleur le 23 avril 2007 ne sont pas celles inscrites au formulaire d’assignation temporaire et soumises à la docteure Beauregard le 17 avril 2007. Il est aussi d’avis que, de proposer un horaire en deux périodes de quatre heures et de laisser le travailleur à ne rien faire durant plusieurs heures n’est pas favorable à sa réadaptation.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[22]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si l’assignation temporaire à des travaux légers, proposée par l’employeur et acceptée par la docteure Beauregard le 17 avril 2007,  est conforme à la loi.

[23]           L’article 179 de la loi stipule ce qui suit :

179. L'employeur d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle peut assigner temporairement un travail à ce dernier, en attendant qu'il redevienne capable d'exercer son emploi ou devienne capable d'exercer un emploi convenable, même si sa lésion n'est pas consolidée, si le médecin qui a charge du travailleur croit que:

 

1°   le travailleur est raisonnablement en mesure d'accomplir ce travail;

 

2°   ce travail ne comporte pas de danger pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion; et

 

3°   ce travail est favorable à la réadaptation du travailleur.

 

Si le travailleur n'est pas d'accord avec le médecin, il peut se prévaloir de la procédure prévue par les articles 37 à 37.3 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1), mais dans ce cas, il n'est pas tenu de faire le travail que lui assigne son employeur tant que le rapport du médecin n'est pas confirmé par une décision finale.

__________

1985, c. 6, a. 179.

 

 

[24]           La Commission des lésions professionnelles retient de la preuve que, le 17 avril 2007, le médecin qui a charge du travailleur, la docteure Beauregard, signe le formulaire d’assignation temporaire proposée par l’employeur. Les tâches proposées sont de numériser tous les colis entrant et sortant chez l’employeur, faire la liste des colis à être livrés et faire la liste des colis pour Postes Canada. L’horaire de travail est de 4 h 30 à 8 h 30 et de 14 h 30 à 18 h 30.

[25]           La preuve révèle cependant, que le travailleur a exécuté le travail proposé au formulaire d’assignation temporaire que durant au plus une heure et quinze minutes dans toute la journée du 23 avril 2007. Le reste du temps, il est assigné durant trois heures dans un local à attendre un coup de téléphone qui ne viendra pas, exécute des tâches inutiles ou reste à ne rien faire. Dans ces circonstances, la Commission des lésions professionnelles retient que l’assignation temporaire proposée est différente de celle réalisée par le travailleur. 

[26]           L’assignation temporaire peut être raisonnablement accomplie par le travailleur et elle est sans danger pour lui. Toutefois, la Commission des lésions professionnelles considère que cette assignation temporaire n’est pas favorable à sa réadaptation.  En effet, le travailleur exécute durant moins de deux heures les tâches prévues au formulaire d’assignation temporaire.

[27]           Le fait que le travailleur n’aime pas le travail proposé en assignation temporaire n’est pas un critère dont on doit tenir compte pour apprécier si l’assignation temporaire proposée est conforme aux dispositions de l'article 179 de la loi.[2]

[28]           Pour apprécier si l’assignation temporaire est favorable à la réadaptation du travailleur, il faut vérifier si elle lui permet de garder le contact avec son milieu de travail et de conserver ses habitudes de travail.[3]

[29]           Le travailleur a eu un véritable travail durant moins de deux heures, ce qui, de l’avis de la Commission des lésions professionnelles, ne constitue pas une mesure appréciable pour qu’il garde contact avec son milieu de travail et maintienne ses habitudes de travail. Le tribunal considère aussi que de proposer un horaire en deux périodes de quatre heures entrecoupées d’une autre période de six heures ne permet pas au travailleur de conserver ses habitudes de travail.

[30]           En conséquence, la Commission des lésions professionnelles conclut que l’assignation temporaire à des travaux légers proposée le 17 avril 2007 n’est pas conforme à la loi.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de monsieur Sylvain Dessailly, le travailleur;

INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 21 juin 2007 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que l’assignation temporaire à des travaux légers, proposée par l’employeur et acceptée par la docteure Beauregard le 17 avril 2007, n’est pas conforme à la loi.

 

 

 

__________________________________

 

Me Fernand Daigneault

 

Commissaire

 

 

 

 



[1]           L.R.Q., chapitre A-3.001

[2]           Létourneau et Agrégats Dany Morissette inc., CLP, 124923-04-9910, 1999-11-23, A. Vaillancourt; Fortin et Accessoires d’ameublement AHF ltée, CLP, 146022-72-0009, 2001-05-31, F. Juteau

[3]           Fortier et AFG Industries ltée, CLP, 116416-32-9905, 1999-12-23, G. Tardif; Blier et Olymel Princeville, CLP, 125927-04B-9911, 2000-05-23, P. Brazeau; Fortin et Accessoires d’ameublement AHF ltée, clp, 146022-72-0009, 2001-05-31, F. Juteau; Gagné et Centres jeunesse Chaudière-Appalaches, CLP, 195365-03B-0211, 2003-04-09, M. Cusson (03LP-37)

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