Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

21 novembre 2003

 

Région :

Montréal

 

Dossier :

184501-72-0205, 192720-72-0210

 

Dossier CSST :

120725585

 

Commissaire :

Francine Juteau

 

Membres :

Pierre Gamache, associations d’employeurs

 

Marielle Tremple, associations syndicales

 

 

Assesseur :

Michel Larose, médecin

______________________________________________________________________

 

 

 

Anik Laverdière

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Hôpital de Montréal pour enfants

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 15 mai 2002, madame Anik Laverdière (la travailleuse) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue le 8 mai 2002 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme deux décisions initialement rendues.

[3]                Elle confirme la décision rendue le 11 octobre 2001 et déclare qu’il n’y a pas de relation entre le diagnostic de discopathie lombo-sacrée et l’événement du 20 juillet 2001.

[4]                Elle maintient la décision du 5 mars 2002 et déclare être liée par l’avis rendu par le membre du Bureau d'évaluation médicale  le 25 février 2002 et de la sorte, confirme qu’elle n’a pas compétence pour examiner la relation entre le diagnostic d’entorse lombaire et l’événement du 20 juillet, puisque cette relation a déjà été reconnue. Elle confirme que la lésion de la travailleuse est consolidée le 11 novembre 2001, que les traitements n’étaient plus nécessaires à compter de cette date et que le droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu prend fin le 11 novembre 2001, bien que la CSST soit justifiée de poursuivre le versement des indemnités jusqu’à ce qu’elle se prononce sur la capacité de la travailleuse à exercer son emploi.

Dossier 192720-72-0210

[5]                Le 17 octobre 2002, la travailleuse dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue le 10 octobre 2002 par la CSST à la suite d’une révision administrative.

[6]                Par cette décision, la CSST maintient la décision qu’elle a initialement rendue le 5 juillet 2002 et déclare être liée par l’avis rendu par le membre du Bureau d'évaluation médicale le 28 juin 2002 et conclut que la lésion professionnelle de la travailleuse n’a entraîné aucune atteinte permanente ni limitations fonctionnelles. La travailleuse n’a donc pas droit à une indemnité pour préjudice corporel et elle est redevenue capable d’exercer son travail habituel depuis la date de la consolidation de sa lésion.

[7]                L’audience s’est tenue le 18 juin 2003 à Montréal, en présence de la travailleuse et sa procureure. L’employeur, Hôpital de Montréal pour enfants, était également représenté par procureure.

[8]                La cause a été mise en délibéré le 5 septembre 2003, date à laquelle la procureure de l’employeur a confirmé par écrit à la Commission des lésions professionnelles qu’elle n’avait aucun commentaire supplémentaire à ajouter aux documents déposés par la procureure de la travailleuse à la suite de l’audience.

L’OBJET DES CONTESTATIONS

[9]                La procureure de la travailleuse précise que le diagnostic d’entorse lombaire sur condition personnelle n’est plus contesté. Elle demande à la Commission des lésions professionnelles de conclure que la lésion de la travailleuse n’est pas consolidée et qu’elle nécessite toujours des traitements.

[10]           Quant au litige portant sur la décision du 10 octobre 2002, elle soumet que la procédure ayant mené à l’obtention de l’avis du Bureau d'évaluation médicale n’a pas été suivie de manière régulière et qu’en conséquence, la décision qui en découle est irrégulière et doit être annulée. Le dossier doit être retourné à la CSST pour qu’il soit traité suivant les dispositions de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

QUESTION PRÉALABLE

[11]           En début d’audience, la procureure de la travailleuse soulève une question préalable et soumet que la procédure suivie par la CSST, pour obtenir l’avis du membre du Bureau d'évaluation médicale, relativement à l’atteinte permanente et aux limitations fonctionnelles, n’a pas été suivie conformément aux dispositions de la loi. De la sorte, la décision de la CSST du 5 juillet 2002 qui entérine l’avis du membre du Bureau d'évaluation médicale du 28 juin 2002, est irrégulière et doit être annulée et le dossier retourné à la CSST, afin qu’il soit traité suivant les dispositions de la loi.

[12]           La procureure de l’employeur soutient pour sa part, qu’il n’y a pas véritablement de vice dans la procédure suivie par la CSST et que si la Commission des lésions professionnelles conclut à un vice de nature à invalider la procédure d’évaluation médicale, elle suggère de suspendre le dossier et d’ordonner à la CSST d’obtenir l’opinion du médecin traitant et de la soumettre au Bureau d'évaluation médicale, afin de vérifier si le médecin qui a donné son avis maintient ses conclusions.

L’AVIS DES MEMBRES SUR LA QUESTION PRÉALABLE

[13]           La membre issue des associations syndicales est d’avis que la procédure d’évaluation médicale comporte des irrégularités de nature à l’invalider. Elle estime que le dossier doit être renvoyer à la CSST, afin que cette procédure soit reprise suivant les dispositions de la loi.

[14]           Le membre issu des associations d’employeurs estime qu’en vue d’une bonne administration de la justice, il serait inadéquat de renvoyer le dossier, afin que la procédure d’évaluation médicale soit reprise; cela ne ferait qu’engendrer des coûts et des délais inutiles. Il souligne que l’aspect procédural ne doit pas prévaloir, d’autant plus que le médecin qui a charge a refusé de répondre à la CSST et est responsable de la situation qui en découle.

LES FAITS ET LES MOTIFS SUR LA QUESTION PRÉALABLE

[15]           Pour situer le contexte de la question préalable, il y a lieu de reproduire les dispositions de la loi pertinentes relatives à la procédure d’évaluation médicale lorsque celle-ci est amorcée par la CSST.

204. La Commission peut exiger d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle qu'il se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'elle désigne, pour obtenir un rapport écrit de celui-ci sur toute question relative à la lésion. Le travailleur doit se soumettre à cet examen.

 

La Commission assume le coût de cet examen et les dépenses qu'engage le travailleur pour s'y rendre selon les normes et les montants qu'elle détermine en vertu de l'article 115.

__________

1985, c. 6, a. 204; 1992, c. 11, a. 13.

 

 

205.1. Si le rapport du professionnel de la santé désigné aux fins de l'application de l'article 204 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.

 

La Commission peut soumettre ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216.

__________

1997, c. 27, a. 3.

 

206. La Commission peut soumettre au Bureau d'évaluation médicale le rapport qu'elle a obtenu en vertu de l'article 204, même si ce rapport porte sur l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 sur lequel le médecin qui a charge du travailleur ne s'est pas prononcé.

__________

1985, c. 6, a. 206; 1992, c. 11, a. 13.

 

215. L'employeur et la Commission transmettent, sur réception, au travailleur et au médecin qui en a charge, copies des rapports qu'ils obtiennent en vertu de la présente section.

 

La Commission transmet sans délai au professionnel de la santé désigné par l'employeur copies des rapports médicaux qu'elle obtient en vertu de la présente section et qui concernent le travailleur de cet employeur.

__________

1985, c. 6, a. 215; 1992, c. 11, a. 17.

 

 

[16]           Les articles 209 et 212.1 sont au même effet, mais concernent la procédure d’évaluation médicale lorsqu’elle est amorcée par l’employeur.

209. L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut exiger que celui-ci se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'il désigne, à chaque fois que le médecin qui a charge de ce travailleur fournit à la Commission un rapport qu'il doit fournir et portant sur un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212.

L'employeur qui se prévaut des dispositions du premier alinéa peut demander au professionnel de la santé son opinion sur la relation entre la blessure ou la maladie du travailleur d'une part, et d'autre part, l'accident du travail que celui-ci a subi ou le travail qu'il exerce ou qu'il a exercé.

__________

1985, c. 6, a. 209; 1992, c. 11, a. 14.

 

212.1. Si le rapport du professionnel de la santé obtenu en vertu de l'article 212 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de cet article, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.

 

La Commission soumet ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216.

__________

1997, c. 27, a. 5.

 

 

[17]           La procureure de la travailleuse fait valoir qu’il y a deux irrégularités qui ont été identifiées au présent dossier. D’abord, la CSST n’a pas transmis copie de l’expertise de son médecin désigné suivant les termes de l’article 204 de la loi au médecin qui a charge de la travailleuse, tel que le prévoit l’article 215 de la loi. Puis, la CSST n’a pas sollicité auprès du médecin qui a charge de rapport complémentaire en vue d’étayer ses conclusions ou d’y joindre un rapport de consultation motivé, tel que le prévoit l’article 205.1 de la loi. Elle soumet que cette disposition législative crée une obligation à la CSST de consulter le médecin qui a charge avant d’aller demander un avis au Bureau d'évaluation médicale et vient ainsi consacrer et renforcer le principe de primauté de l’opinion du médecin qui a charge qu’a voulu consacrer le législateur.

[18]           Les éléments au dossier permettent de constater qu’effectivement, la procédure ayant mené la CSST à obtenir un avis du membre du Bureau d'évaluation médicale le 28 juin 2002 ne respecte pas le cheminement prévu aux dispositions de la loi.

[19]           Suite à la lésion professionnelle survenue le 20 juillet 2001, le dossier de la travailleuse a été soumis une première fois au Bureau d'évaluation médicale, afin d’obtenir un avis quant au diagnostic, à la date de consolidation et à la nécessité de traitements. La procédure avait été initiée par l’employeur.

[20]           Le médecin traitant avait reçu, conformément aux dispositions de l’article 212 de la loi, l’expertise du médecin de l’employeur. Le médecin traitant avait répondu conformément aux dispositions de l’article 205.1 de la loi que la lésion de la travailleuse n’était pas consolidée. Puisque l’opinion du médecin de l’employeur infirmait celle du médecin qui a charge, le dossier avait été soumis au Bureau d'évaluation médicale. La date de consolidation de la lésion a été fixée par le Bureau d'évaluation médicale au 12 novembre 2001 et confirmée par une décision rendue par la CSST le 5 mars 2002, contestée par la travailleuse et qui fait également l’objet du présent litige.

[21]           Malgré la contestation de la travailleuse, la CSST était liée par la date de consolidation médicale du 12 novembre 2001. Dans ce contexte, elle a écrit au médecin traitant de la travailleuse, le docteur R. Hobden, le 7 mars 2002, l’informant qu’elle n’avait pas reçu de rapport médical final et lui demandant de l’informer s’il avait l’intention de produire le rapport d’évaluation médicale déterminant si la travailleuse conservait une atteinte permanente ou des limitations fonctionnelles.

[22]           Sans répondre directement à la CSST, le 27 mars 2002, le docteur Hobden produit une attestation médicale dans laquelle il mentionne que la lésion de la travailleuse n’est pas consolidée et qu’il n’y a pas de rapport médical final pour le moment. Il retient sur ce formulaire un diagnostic de dysfonction somatique lombo-pelvienne, recommande des traitements et un travail léger.

[23]           Le 10 avril 2002, la CSST, conformément aux dispositions de l’article 204 de la loi, demande au docteur P. Moïse d’examiner la travailleuse, afin de déterminer si elle conserve une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles de sa lésion.

[24]           Le 3 mai 2002, le médecin traitant produit une attestation médicale reprenant les éléments consignés dans celle du 27 mars 2002. Le 10 juin 2002, il produit une nouvelle attestation au même effet ajoutant qu’il a procédé à une infiltration.

[25]           Le 8 mai 2002, la CSST reçoit le rapport du docteur Moïse, rédigé le 22 avril 2000, qui conclut que la travailleuse ne conserve aucune atteinte permanente ni limitations fonctionnelles de sa lésion.

[26]           L’agent de la CSST note le 9 mai 2002, qu’il poste une copie de cette expertise à la travailleuse et au médecin désigné de l’employeur. Il y a ici omission de la part de la CSST, car suivant les dispositions de l’article 215 de la loi, la CSST aurait dû faire parvenir copie de cette expertise au médecin traitant, ce qui n’a pas été fait.

[27]           Puis, la CSST soumet le dossier au Bureau d'évaluation médicale. La CSST requiert l’avis du Bureau d'évaluation médicale sur l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles. Le dossier est transmis au Bureau d'évaluation médicale le    13 mai 2002.

[28]           La CSST ne semble pas avoir considéré que le rapport du docteur Moïse infirmait les conclusions du médecin traitant, puisqu’elle n’oppose pas de rapport du médecin traitant, lorsqu’elle complète le formulaire aux fins de soumettre le dossier au Bureau d'évaluation médicale.

[29]           Bien que lors de la demande d’avis au Bureau d'évaluation médicale, la CSST devait indiquer les conclusions du médecin traitant, infirmées par le rapport d’expertise obtenu en vertu de l’article 204, en soi, cette erreur n’est pas fatale quant à la validité de la procédure d’évaluation médicale.

[30]           Par contre, la combinaison de cette erreur avec les deux omissions relevées par la procureure de la travailleuse oblige la Commission des lésions professionnelles à annuler la procédure d’évaluation médicale ayant mené à l’obtention de l’avis du Bureau d'évaluation médicale du 28 juin 2002.

[31]           En effet, la loi prévoit une mécanique bien précise suivant laquelle doit s’effectuer la procédure d’évaluation médicale. Cette mécanique impose des conditions qui doivent être respectées, afin que la procédure soit déclarée valide.

[32]           Il est vrai que l’article 206 de la loi prévoit que la CSST peut demander un avis du Bureau d'évaluation médicale, même si sa demande porte sur des sujets sur lesquels le médecin traitant ne s’est pas prononcé.

[33]           L’employeur allègue que l’expertise du médecin désigné par la CSST n’infirme pas les conclusions du médecin qui a charge. En raison de cela, la CSST était justifiée de suivre la procédure prévue à l’article 206 de la loi plutôt que celle prévue à l’article 205.1, puisque ce n’est que lorsque les conclusions du médecin désigné infirment les conclusions du médecin qui a charge, que la procédure prévue à l’article 205.1 doit être suivie.

[34]           Tel que le rappelait la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Nantel et Lafond et Marston inc.[2], la CSST ne doit pas donner une interprétation restrictive à l’expression « infirme les conclusions du médecin qui a charge » que l’on retrouve à l’article 205.1 de la loi.

[35]           Le médecin qui a charge de la travailleuse mentionne, dans son rapport du 27 mars 2002, qu’il ne produit pas de rapport médical final, étant d’avis que la lésion de la travailleuse n’est pas consolidée.

[36]           La Commission des lésions professionnelles estime qu’il apparaît clairement de cette situation, que le médecin qui a charge estimait prématuré d’établir l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles, opinion infirmée par celle du docteur Moïse qui jugeait opportun de les évaluer à ce moment. Ainsi, la CSST devait permettre au médecin qui a charge de fournir un rapport complémentaire en vue d’étayer ses conclusions ou de joindre un rapport de consultation motivé, tel que le prévoit l’article 205.1 de la loi. Elle devait donc nécessairement lui faire parvenir le rapport de son professionnel désigné, conformément à l’article 215 de la loi.

[37]           Il appert des faits que la première irrégularité soumise par la procureure de la travailleuse est justement l’omission de la CSST de transmettre copie du rapport du docteur Moïse au médecin qui a charge.

[38]           Pourtant, l’article 215 de la loi énonce une obligation en ce sens. Tel que la jurisprudence[3] sur le sujet l’a souvent souligné, les dispositions de l’article 215 de loi visent à favoriser la règle de la transparence dans les échanges de rapports médicaux entre les parties. De plus, le médecin qui a charge doit recevoir copie du rapport du médecin désigné de la CSST pour être en mesure d’y répondre, conformément aux dispositions de l’article 205.1.

[39]           Or, l’article 205.1 de la loi constitue une étape préalable à la demande d’avis du Bureau d'évaluation médicale. Ainsi le rapportait la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Domond et Alcatel Cable (Mtl-Est)[4], qui précisait que l’article 205.1 crée une obligation pour la CSST de demander au médecin qui a charge un rapport complémentaire lorsqu’elle désire transmettre au Bureau d'évaluation médicale le rapport qu’elle a obtenu en vertu de l’article 204 de la loi. L’article 205.1 vient consacrer et renforcer le principe de la primauté de l’opinion du médecin qui a charge qu’a voulu donner le législateur.

[40]           Il est vrai que le médecin qui a charge n’a pas répondu à la demande de la CSST du 7 mars 2002 de produire un rapport final et de donner son avis sur l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles. Le silence du médecin qui a charge, à ce sujet, pourrait être interprété comme un refus de répondre. Cependant, on comprend des documents au dossier que c’est la condition médicale de la travailleuse, qu’il considère non consolidée, qui amène le médecin qui a charge à ne pas produire de rapport d’évaluation médicale.

[41]           La Commission des lésions professionnelles estime que le silence du médecin qui a charge ne permet nullement de conclure que ce dernier avait renoncé à contredire le médecin désigné par la CSST ou à étayer ses conclusions.

[42]           Dans une décision récemment rendue par la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Castonguay et Ministère des Anciens combattants[5], le tribunal rappelle l’obligation de la CSST de tenter d’obtenir le rapport complémentaire prévu à l’article 205.1 de la loi, malgré, dans ce cas, l’absence du médecin qui a charge et ce, même si la travailleuse a consenti à la façon de faire de la CSST. Dans cette affaire, la Commission des lésions professionnelles conclut que le défaut de solliciter le rapport complémentaire prévu à l’article 205.1 est suffisant pour invalider l’avis rendu par le membre du Bureau d'évaluation médicale.

[43]           En raison des omissions de la CSST de se conformer aux dispositions de la loi quant à la procédure d’évaluation médicale, la Commission des lésions professionnelles conclut que cette procédure est irrégulière. Également, la décision rendue par la CSST le 5 juillet 2002 qui faisait suite à l’avis rendu par le membre du Bureau d’évaluation médicale est irrégulière et doit être annulée. Il en est de même pour la décision rendue le 10 octobre 2002 à la suite d’une révision administrative.

[44]           Le dossier doit être renvoyé à la CSST, afin qu’elle reprenne la procédure conformément aux dispositions de la loi. Par ailleurs, il n’y a pas lieu de retenir la suggestion de l’employeur quant à la démarche à suivre pour ce faire, la loi prévoyant une mécanique bien précise relativement à la procédure d’évaluation médicale, procédure qui comprend des conditions et des étapes qui n’ont pas à être modifiées.

L’AVIS DES MEMBRES

[45]           La membre issue des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs sont d’avis que la preuve médicale prépondérante établit que l’entorse lombaire que s’est infligée la travailleuse le 20 juillet 2001, était consolidée le 12 novembre 2001 et qu’à cette date, elle avait reçu suffisamment de traitements pour cette condition.

[46]           Les membres issus des associations retiennent que quatre experts, qui ont examiné la travailleuse, n’ont pu mettre en évidence la présence de signes de persistance d’entorse lombaire après le 12 novembre 2001. L’analyse de l’ensemble des éléments de la présente affaire les amène à conclure que la travailleuse présentait une condition personnelle symptomatique depuis un an et demi lors de la survenance de la lésion professionnelle et qu’au moment de la consolidation de la lésion professionnelle, la travailleuse présentait une condition similaire à celle qu’elle présentait avant la lésion professionnelle. Ils estiment que les traitements que la travailleuse reçoit depuis le 12 novembre 2001 sont reliés à sa condition personnelle de discopathie lombo-sacrée.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[47]           La Commission des lésions professionnelles doit maintenant déterminer la date de consolidation de la lésion professionnelle de la travailleuse et la nécessité de traitements de même que son droit à l’indemnité de remplacement du revenu, les conclusions relativement à la question préalable ayant disposé des autres sujets en litige.

[48]           Madame Laverdière est née le 15 décembre 1977. Elle a 23 ans lorsqu’elle subit une lésion professionnelle le 20 juillet 2001. À cette date, elle travaille pour l’Hôpital de Montréal pour enfants (l’employeur) à titre de candidate à la profession d’infirmière. Elle obtiendra sa licence en septembre 2001.

[49]           Le 20 juillet 2001, elle exerce ses fonctions aux soins intensifs pédiatriques. Elle accompagnait un patient en transportant, dans un sac à dos, du matériel d’inhalothérapie pesant environ 15 kilos. Avec deux autres infirmières et un médecin, elle déplaçait un patient en empruntant l’ascenseur. En raison de l’espace restreint de la cabine de l’ascenseur, elle a dû effectuer certains mouvements pour être en mesure de s’y placer adéquatement. En arrivant au service de radiologie, elle a présenté une douleur lombaire qui a augmenté au fil des heures. Elle s’est présentée au bureau de santé de l’hôpital et a pris une médication pour la douleur. Le lendemain, elle a consulté à l’urgence.

[50]           Le diagnostic de la lésion a d’abord été celui d’entorse lombaire. La CSST a accepté la lésion professionnelle de la travailleuse en retenant ce diagnostic. Tel qu’il appert au dossier, par la suite, le diagnostic a cependant évolué.

[51]           La CSST a émis une décision le 11 octobre 2001 refusant de reconnaître un diagnostic de discopathie lombo-sacrée en relation avec la lésion professionnelle. La travailleuse s’est désistée de cette contestation lors de la présente audience.

[52]           Le diagnostic à prendre en considération pour décider des questions en litige est donc celui d’entorse lombaire sur discopathie lombo-sacrée, tel qu’établi par le membre du premier Bureau d'évaluation médicale le 25 février 2002. La travailleuse s’étant désistée de sa contestation à ce sujet, la décision de la CSST sur cet aspect est devenue finale et lie les parties.

[53]           La travailleuse reconnaît d’ailleurs la présence d’une condition lombaire préexistante à l’événement du 20 juillet 2001 et reconnaît que la lésion subie le 20 juillet 2001 s’est greffée sur cette condition.

[54]           La condition préexistante de la travailleuse était symptomatique au moment de la lésion professionnelle. La travailleuse a fourni au tribunal le dossier complet de son suivi et des traitements reçus à la suite d’un problème lombaire qu’elle a présenté à compter de janvier 2000 et lui ayant causé une lombalgie.

[55]           Antérieurement à cet événement personnel survenu en janvier 2000, la travailleuse mentionne n’avoir eu aucun problème lombaire et n’avoir jamais consulté à ce sujet. Cependant, quelques indices dans les documents soumis permettent de retenir qu’elle a subi une radiographie lombaire en 1996 et, au mois d’août 2000, dans les rapports de la physiothérapie, il est mentionné que la travailleuse a présenté des antécédents de tensions lombaires.

[56]           La travailleuse a exercé des sports dans sa jeunesse, elle a fait de la natation de compétition pendant environ 11 ans et a cessé vers l’âge de 16 ou 17 ans. Également, elle pratiquait la danse latine depuis quelques années.

[57]           C’est donc en janvier 2000, lors d’une séance de danse, plus précisément en dansant la salsa, que, sans accident ni traumatisme, lors de l’exécution d’un mouvement, que la travailleuse a senti un « crunch » dans le bas du dos et a par la suite présenté une douleur lombaire.

[58]           Suite à la survenance de cette douleur lombaire, la travailleuse a été suivie sur le plan médical et a reçu de nombreux traitements et ce, jusqu’à la veille de la lésion professionnelle survenue le 20 juillet 2001.

[59]           La Commission des lésions professionnelles porte donc une grande attention à l’évolution de la condition de la travailleuse depuis janvier 2000, afin d’avoir un portrait de sa condition avant la survenance de la lésion professionnelle, pour être en mesure de déterminer l’impact de cette lésion professionnelle sur sa condition, en comparant sa condition avant et après la lésion professionnelle.

[60]           La lecture du dossier médical, des notes de la physiothérapie et de l’ostéopathie antérieures à la lésion professionnelle nous apprennent que la travailleuse a consulté un médecin à compter du mois de mars 2000. Elle avait à ce moment commencé des traitements de physiothérapie depuis le 11 janvier 2000.

[61]           Les notes du médecin de la travailleuse sont difficiles à lire, mais indiquent que la travailleuse présente, lors de la première consultation le 13 mars 2000, une douleur dans les fesses et dans la jambe. La travailleuse est prise en charge par le docteur Hobden à compter du 6 décembre 2000.

[62]           Également, on constate du dossier que la travailleuse a subi un examen préembauche le 4 avril 2001. Malgré la présence d’une douleur sacro-lombaire, le médecin qui l’examine conclut qu’elle est en mesure de faire son travail sans limitations fonctionnelles. Toutefois, la travailleuse continue à présenter des signes de lombalgie persistante, tel que le note le docteur Hobden le 2 avril 2001. À partir de cette date, la travailleuse reçoit également des traitements d’ostéopathie par le docteur Hobden et celui-ci retient 30 minutes de chacune de ses consultations pour soutien psychologique.

[63]           Dans les mois qui précèdent la survenance de la lésion professionnelle, il appert des notes du médecin traitant de la travailleuse que cette dernière présente toujours une lombalgie. Ainsi, le 17 mai 2001, le médecin note que la travailleuse présente une lombalgie qui est passée d’intensité 7/10 à 4 à 5/10, mais qui dure de 12 à 16 heures par jour et environ cinq jours sur sept.

[64]           Le 15 juin 2001, le médecin note que la douleur avait diminué à une intensité de 1/10, mais elle est revenue graduellement. Il signe tout de même un billet médical indiquant que la travailleuse peut faire un travail sans restrictions.

[65]           Le 19 juillet 2001, la veille de la lésion professionnelle, le docteur Hobden note que la travailleuse présente une lombalgie de niveau 5/10, bien que le plus souvent, celle-ci soit de niveau 2/10 dépendant des activités. Elle présente lors de cette consultation un nouveau problème de torticolis et le médecin procède à un traitement d’ostéopathie.

[66]           Les notes de la physiothérapie et de l’ostéopathie, antérieures à la lésion professionnelle, nous apprennent que la travailleuse présente depuis janvier 2000, une douleur lombaire régulière bien que d’intensité variable et qu’à de nombreuses reprises, elle présente des aggravations transitoires. Celles-ci surviennent le 17 janvier 2000, en février 2000 à deux reprises, en mai 2000, et les exacerbations se présentent dès que la travailleuse effectue la moindre activité ou parfois sans raison. Ainsi, lorsqu’elle essaie de reprendre les activités de danse, la douleur revient et se fait plus intense. Également, il appert de ces notes que la travailleuse présente des diminutions d’amplitude articulaire, entre autres, le 20 janvier 2000. Par la suite, à compter du mois d’avril et mai 2000, les notes de la physiothérapie font état d’un problème de flexion antérieure diminuée. Également, le 4 mai 2000, la travailleuse se plaint d’une douleur à la face latérale de la jambe droite. Il est souvent question dans les notes de la physiothérapie d’un syndrome neuro-méningé.

[67]           Après quatre mois de physiothérapie, la travailleuse ne note à peu près pas d'amélioration. De même, un an après le début de ses symptômes, la travailleuse présente encore une douleur lombaire malgré les nombreux traitements reçus de façon continue. La travailleuse a même décidé de recevoir des traitements lorsqu’elle a quitté pour la Belgique, le 30 mai 2000. À son retour au Québec, elle a repris des traitements en ostéopathie à compter du mois d’août 2000 jusqu’en décembre 2000. Malgré tous ces traitements, la travailleuse notait très peu d’amélioration un an après la douleur ressentie en exécutant un mouvement en dansant la salsa.

[68]           Deux mois avant la lésion professionnelle, sa douleur se situait à un niveau de 4 à 5/10. La veille, celle-ci était, le plus souvent, d’intensité de 2/10.

[69]           C’est dans ce contexte que la travailleuse subit la lésion professionnelle du 20 juillet 2001. Elle consulte le docteur Bisaillon le 22 juillet 2001. Il retient un diagnostic d’entorse lombaire. Il recommande du repos jusqu’au 27 juillet 2001. Une radiographie lombo-sacrée se révèle dans les limites de la normale.

[70]           Le 30 juillet 2001, la travailleuse rencontre le docteur Brossard. Il retient également un diagnostic d’entorse lombaire et note la persistance de la douleur. Il prescrit des traitements de physiothérapie. À compter du 2 août 2001, le docteur Brossard autorise des travaux légers et la poursuite des traitements de physiothérapie.

[71]           Le 2 août 2001, lors du premier traitement de physiothérapie, il est noté que la travailleuse présente une douleur, des tensions dans les fesses et des diminutions d’amplitude articulaire.

[72]           Par la suite, la travailleuse rencontre différents médecins qui retiennent tous le diagnostic d’entorse lombaire, autorisent un travail léger et la poursuite des traitements de physiothérapie.

[73]           Le 3 août 2001, le médecin qui rencontre la travailleuse, évalue l’entorse lombaire de grade 1 ou 2.

[74]           Dans un rapport de physiothérapie du 3 septembre 2001, il y est noté une irradiation aux membres inférieurs.

[75]           Le 13 septembre 2001, la travailleuse est prise en charge par le docteur Hobden. Selon lui, le diagnostic retenu jusqu’ici ne reflète pas fidèlement la condition de la travailleuse. Il préfère parler de discopathie lombo-sacrée avec irritation radiculaire bilatérale. Il ajoute un léger déficit S1 bilatéralement.

[76]           La Commission des lésions professionnelles constate que le diagnostic posé par le docteur Hobden à compter de cette date est plus complet. Ce dernier prend en considération la lésion préexistante de la travailleuse, puisque la discopathie ne découle pas de l’événement. Il faut noter que le docteur Hobden, qui est aussi ostéopathe, a suivi la travailleuse antérieurement. Il connaissait déjà sa condition, d’ailleurs, il avait examiné et traité la travailleuse la veille de la lésion professionnelle.

[77]           Malgré l’atteinte discale diagnostiquée par le docteur Hobden, qui suggère des traitements de physiothérapie et d’ostéopathie, la lésion professionnelle de la travailleuse est consolidée par le médecin de l’employeur qui l’examine le 12 novembre 2001. Le docteur M. H. Des Rosiers, médecin agissant pour l’employeur, conclut en ce sens, puisque son examen ne lui révèle aucun signe clinique d’entorse. Il ne retrouve aucun spasme et son examen neurologique est entièrement normal. Il note les allégations de douleur de la travailleuse qui sont, selon lui, probablement dues à sa pathologie disco-vertébrale sous-jacente qui évolue et qui n’est pas reliée à la lésion professionnelle.

[78]           L’opinion, quant à la consolidation de la lésion professionnelle de la travailleuse, est également partagée par le docteur R. Turcotte, membre du Bureau d'évaluation médicale, qui examine la travailleuse dans le cadre d’une procédure d’évaluation médicale initiée par l’employeur. Outre la douleur alléguée et considérée comme étant diffuse par le médecin, ce dernier retrouve une cellulalgie paralombaire gauche et une douleur à la palpation. Son examen ne lui révèle par ailleurs aucun spasme, aucun signe neurologique et le Schöber est à 15/22. Le docteur Turcotte mentionne dans son rapport du 25 février 2002 que la travailleuse a présenté une entorse lombaire maintenant consolidée et qu’elle souffre de sa condition personnelle de lombalgie ou de discopathie.

[79]           Le médecin traitant de la travailleuse ne partage pas cette opinion. Le 31 janvier 2002, après avoir pris connaissance de l’expertise réalisée par le médecin de l’employeur, le docteur Hobden produit un rapport complémentaire dans lequel il souligne que la lésion professionnelle a précipité des signes et un syndrome clinique compatibles avec une fissure intra-discale, une réaction inflammatoire et une irritation radiculaire S1.

[80]           La Commission des lésions professionnelles constate que le médecin de la travailleuse considère la condition de la travailleuse dans sa globalité. Il faut toutefois garder à l’esprit que seule la condition d’entorse lombaire a été reconnue par la CSST.

[81]           De plus, la Commission des lésions professionnelles note que les éléments rapportés par le docteur Hobden n’ont pas nécessairement été démontrés et ne sont pas retenus par d’autres médecins. Ainsi, il est le seul à retrouver le 13 septembre 2001, un spasme para-lombaire de même qu’un « straight leg raising » positif bilatéralement.

[82]           La travailleuse a également été référée au docteur Dumontier par le docteur Hobden. Elle a rencontré ce médecin à compter du 13 juin 2002. Lors de la consultation initiale, le médecin retient plutôt comme impression diagnostique la présence d’un syndrome myofascial, une sacro-iléite légère, un RLS secondaire (« restless leg syndrome ») et un surmenage. Il prescrit du Rivotril à la travailleuse.

[83]           La Commission des lésions professionnelles constate que ni l’examen par résonance magnétique réalisé le 9 novembre 2001, ni la discographie réalisée le 27 février 2002 n’ont pu mettre en évidence de fissure intra-discale diagnostiquée par le docteur Hobden. Non plus, l’EMG réalisé le 25 février 2002 n’a mis en évidence d’irritation radiculaire dans le territoire de S1, tel que diagnostiqué par le docteur Hobden.

[84]           La Commission des lésions professionnelles note également que le médecin traitant estime que la travailleuse nécessite toujours des traitements. Or, le suivi auprès du docteur Dumontier nous apprend que ce dernier ne retient pas le diagnostic d’entorse lombaire. Donc, les mesures thérapeutiques qu’il prescrit ne sont pas reliées à cette condition.

[85]           Il appert du dossier que la travailleuse a également été expertisée par deux autres médecins. D’abord par le docteur P. Moïse, à la demande de la CSST. Dans son rapport du 22 avril 2002, le médecin mentionne qu’il ne retrouve ni spasme ni cordon myalgique chez la travailleuse. Son examen neurologique est entièrement négatif et l’indice de Schöber est à 15/21.5. Le médecin consolide la lésion de la travailleuse sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles.

[86]           Également, le docteur H. Daoud, orthopédiste, membre du Bureau d'évaluation médicale, examine la travailleuse et produit son rapport le 28 juin 2002. De même que les autres experts qui ont examiné la travailleuse, il ne retrouve aucun spasme et l’examen neurologique est normal. Il retrouve toutefois une douleur à la palpation sacro-iliaque. L’indice de Schöber modifié est à 16/10.

[87]           Même si ces deux expertises ont été réalisées aux fins de déterminer l’existence d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles et que la Commission des lésions professionnelles n’a pas à statuer sur ces aspects, le contenu de ces expertises peut tout de même être considéré, pour connaître l’état de la condition médicale de la travailleuse à ce moment, au même titre que n’importe quel rapport médical faisant état d’un examen objectif de la travailleuse.

[88]           Pour appuyer ses prétentions voulant que sa lésion ne soit pas consolidée et qu’elle nécessite toujours des soins, la travailleuse demande au docteur R. Lambert, physiatre, de produire une expertise médicale. Ce qu’il fera le 29 avril 2003. La Commission des lésions professionnelles note toutefois que l’examen réalisé par le docteur Lambert le 20 mars 2003 n’est pas contemporain à l’ensemble de la preuve au dossier.

[89]           Le docteur Lambert témoigne à l’audience et, pour l’essentiel, reprend les éléments consignés dans son rapport d’expertise. Lors de l’examen de la travailleuse, il note un indice de Schöber à 14/20.5. Il retrouve une diminution de la flexion antérieure. Il précise lors de l’audience qu’il a pris les mesures des amplitudes articulaires à trois reprises avec goniomètre. Son examen neurologique des membres inférieurs est normal. Il retrouve une contracture musculaire au niveau de la musculaire fessière bilatéralement. Il n’y a pas de cellulalgie. Il note une douleur à la palpation des apophyses épineuses L4 à S1 et une douleur vertébrale à L5-S1 plus que L4-L5 gauche et plus qu’à droite.

[90]           Lors de l’audience, le docteur Lambert explique qu’il considère que la lésion professionnelle subie par la travailleuse le 20 juillet 2001 s’est greffée sur une condition personnelle qui avait déjà fragilisé son rachis. Malgré les nombreux traitements de physiothérapie, il retrouve une diminution des amplitudes articulaires et estime que la travailleuse est encore symptomatique. Selon lui, la travailleuse a encore besoin de traitements, en relation avec sa lésion professionnelle, puisqu’elle est davantage symptomatique qu’avant cette lésion. Il retient qu’avant cette lésion, la travailleuse présentait peu de douleur et elle était très inconstante. Il mentionne même dans son expertise que la douleur avait pratiquement disparu.

[91]           Il rappelle que le médecin traitant de la travailleuse avait indiqué une capacité pour la travailleuse à exercer son travail sans limitations fonctionnelles en avril 2001, à la suite d’un examen préembauche. Selon lui, les symptômes que présente la travailleuse, tels qu’elle-même les rapporte, sont plus importants maintenant qu’avant la lésion professionnelle. Il est d’avis que la travailleuse n’a pas bénéficié de traitements assez intensifs sur une base continue. Il suggère des traitements sur trois mois constitués d’un entraînement pour stabiliser la colonne et diminuer la pression sur le disque. Il note d’ailleurs que la travailleuse a eu des traitements de prolothérapie administrés par le docteur Dumontier. Ces traitements qui consistent en l’injection d’un produit dans la colonne, visent à pallier l’instabilité de la colonne pour diminuer la pression sur le disque. Il souligne qu’une dysfonction lombaire est l’équivalent, selon lui, d’un diagnostic d’entorse lombaire. Il ajoute que la travailleuse a besoin de traitements pour compenser avec sa musculature en raison d’un disque défaillant dont elle est porteuse. Le but des traitements qu’il recommande, est de rendre la travailleuse fonctionnelle.

[92]           Concernant les traitements de prolothérapie, il mentionne que la travailleuse a témoigné avoir connu une amélioration avec ces traitements bien que leur efficacité ne soit pas encore prouvée. Il estime toutefois que ces traitements ne peuvent pas nuire et qu’ils étaient acceptables dans le contexte.

[93]           En réponse aux questions du tribunal, il admet qu’autant une dysfonction des sacro-iliaques qu’une discopathie L5-S1 peuvent provoquer une diminution des amplitudes articulaires, tout comme les traitements de prolothérapie qui pourraient avoir un effet sur la mobilité de la colonne.

[94]           Malgré les explications apportées par le docteur Lambert à l’audience, la Commission des lésions professionnelles ne peut retenir son opinion voulant que la lésion de la travailleuse ne soit pas encore consolidée, parce qu’elle présente des symptômes plus importants que ce qu’ils étaient avant la lésion professionnelle et qu’elle présente également une diminution des amplitudes articulaires.

[95]           D’abord, concernant les symptômes de la travailleuse, la comparaison de sa condition avant et après la lésion professionnelle est, de l’avis de la Commission des lésions professionnelles, tout à fait similaire. La veille même de la lésion professionnelle, la travailleuse se plaignait d’une lombalgie de niveau 5/10 qui était à 2/10 le plus souvent, selon les activités pratiquées. Quelques semaines auparavant, sa douleur était décrite de niveau 4 à 5/10. Un mois avant la lésion professionnelle, la douleur qui était considérablement diminuée, avait augmenté graduellement, apparemment sans raison.

[96]           La Commission des lésions professionnelles estime que dans ce contexte, on ne peut parler de symptômes mineurs, la travailleuse présentant des douleurs continues et variables. La Commission des lésions professionnelles ne partage pas l’opinion du docteur Lambert voulant que la douleur ait presque disparu la veille de la lésion professionnelle, car elle était suffisamment incommodante pour nécessiter un traitement d’ostéopathie prodigué par le docteur Hobden.

[97]           De plus, le tableau que présentait la travailleuse avant la lésion professionnelle en était un de douleur qui variait constamment et était aggravée à la moindre activité. Or, il s’agit d’un tableau tout à fait similaire qui se dégage après quelques mois de traitements à la suite de la lésion professionnelle.

[98]           Tout comme décrit précédemment, la travailleuse présente une douleur qui se propage, qui change d’endroit, qui connaît des aggravations transitoires sans raison et qui se manifeste de façon plus intensive à l’activité. Dès que la travailleuse tente de reprendre des activités physiques, par exemple de la danse, elle ressent une douleur lombaire. Elle avait le même problème avant la lésion professionnelle.

[99]           La travailleuse mentionne qu’elle n’avait pas d’irradiation avant la lésion professionnelle, alors qu’elle en avait par la suite. Cet élément est pourtant retrouvé avant la lésion professionnelle, tel que décrit dans le rapport du docteur Vernec lors de la consultation du 13 mars 2000 et dans le rapport de la physiothérapie du 4 mai 2000. Également la Commission des lésions professionnelles constate qu’à la suite de la lésion professionnelle, un diagnostic relativement à des problèmes de jambe, soit le syndrome des jambes sans repos (« restless leg syndrome »), a été identifié par le médecin traitant de la travailleuse, le docteur Dumontier. Il est possible que la travailleuse rapporte plutôt des symptômes reliés à ce syndrome sans qu’il n’y ait de véritable irradiation aux membres inférieurs en provenance de la région lombaire. D’ailleurs, cette irradiation n’a jamais été démontrée, les tests d’imagerie médicale et l’EMG s’étant révélés négatifs.

[100]       Il est vrai qu’il existe quelques notes au dossier relativement à des diminutions d’amplitude articulaire à la suite de la lésion professionnelle. Ainsi, le 3 septembre, le 1er novembre et le 13 novembre 2001, il est noté des diminutions d’amplitude articulaire. Cependant, la Commission des lésions professionnelles estime que ces éléments ne sont pas significatifs eu égard à l’ensemble de la preuve. Le 3 septembre, il s’agit de diminution d’amplitude non précisée, mais la flexion est notée normale. Le 1er novembre, c’est l’extension qui est diminuée et le 13 novembre 2001, c’est plutôt la flexion qui est diminuée.

[101]       Quant aux diminutions d’amplitude articulaire auxquelles fait référence le docteur Lambert, la Commission des lésions professionnelles note que cet élément n’est pas retrouvé par les experts qui ont examiné la travailleuse et étaient déjà présents avant la lésion professionnelle.

[102]       Entre la date de la lésion professionnelle et la date de la consolidation médicale, la travailleuse a été examinée par deux experts qui n’ont pas retrouvé de diminution d’amplitude articulaire. Quant au médecin traitant, de ce qu’il est possible de lire de ses notes, on retrouve que le 13 septembre 2001, il note des diminutions d’amplitude articulaire sans autres détails. Par la suite, il n’en fait plus mention. Il s’agit donc d’un élément qui est loin d’être constant au dossier.

[103]       Compte tenu de la variation dans la condition de la travailleuse et des rares mentions de diminution d’amplitude articulaire, la Commission des lésions professionnelles estime que cet élément n’est pas suffisamment significatif pour être retenu. Pour le considérer, il aurait fallu retrouver cet élément de façon régulière, afin de le déclarer prépondérant. Ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

[104]       Et même, si l’on retenait que cet élément est présent et doit être considéré, il ressort qu’il n’est pas davantage présent après la lésion professionnelle qu’avant celle-ci. En effet, il apparaît dans les notes de la physiothérapie du 20 janvier 2000 et d’avril à mai 2000, que l’ampleur de la flexion antérieure varie d’un jour à l’autre et généralement s’améliore avec les traitements. Ainsi, le problème de flexion est présent bien avant la lésion professionnelle et ne peut être mis en seule relation avec l’entorse lombaire survenue le 20 juillet 2001.

[105]       Au surplus, le docteur Lambert admet que d’autres conditions ont pu influencer sur la diminution des amplitudes articulaires. Il s’agit de la présence d’une discopathie, d’une atteinte au niveau des sacro-iliaques, tel qu’il est noté à plusieurs reprises au dossier et des traitements de prolothérapie.

[106]       Ces éléments ne permettent pas de retenir que la preuve prépondérante démontre des signes de diminutions d’amplitude articulaire significatifs chez la travailleuse à la suite de sa lésion professionnelle ayant entraîné une entorse lombaire.

[107]       La Commission des lésions professionnelles estime que la preuve prépondérante permet plutôt d’établir que le 12 novembre 2001, la travailleuse ne présentait plus de signe d’entorse lombaire et que sa condition était redevenue sensiblement la même qu’elle était avant la lésion professionnelle, c’est-à-dire avec présence d’une douleur variable, mais continue, et avec des aggravations fréquentes lors d’exécution d’activités diverses.

[108]       La Commission des lésions professionnelles note également, tel que le souligne le docteur Lambert, que les traitements qui lui sont maintenant recommandés par ses médecins, visent à stabiliser la région lombaire et s’adressent particulièrement à son problème de discopathie. Le docteur Lambert discute de la nécessité de ces traitements en raison du disque défaillant. Il a bien mentionné que la travailleuse devra compenser avec sa musculature pour la fragilité qu’elle présente en raison d’un problème qui n’est pas encore complètement identifié au niveau de son disque. Les traitements visent à stabiliser sa colonne pour diminuer la compression sur le disque. En aucun temps, les médecins n’ont fait référence à des traitements visant à diminuer les signes d’entorse lombaire. Vraisemblablement l’étiologie de la douleur de la travailleuse provient d’un disque défaillant. Or, le diagnostic de discopathie lombo-sacrée, est-il utile de le rappeler, a été refusé par la CSST.

[109]       La travailleuse demande la poursuite des traitements pour une condition personnelle qui était chronique avant l’événement et qui était même active la veille de cet événement.

[110]       Compte tenu de ces éléments, la Commission des lésions professionnelles estime qu’il y a lieu de maintenir la date de consolidation de la lésion professionnelle au 12 novembre 2001, telle qu’établie par le membre du Bureau d'évaluation médicale, le docteur Turcotte. En raison des éléments soulevés, la travailleuse n’a plus besoin de traitements.

[111]       La travailleuse a droit à la poursuite du versement de l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce que la CSST se soit prononcé sur sa capacité à exercer son emploi.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier 184501-72-0205

REJETTE la requête du 15 mai 2002 de madame Anik Laverdière, la travailleuse;

CONFIRME la décision rendue le 8 mai 2002 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la lésion subie par la travailleuse le 15 juillet 2001, est une entorse lombaire, que cette lésion est consolidée le 12 novembre 2001 et qu’il n’y a pas lieu de poursuivre les traitements au-delà de cette date;

Dossier 192720-72-0210

ACCUEILLE la question préalable soulevée par la travailleuse;

DÉCLARE que la décision rendue le 5 juillet 2002 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, faisant suite à l’avis rendu par un membre du Bureau d'évaluation médicale, est irrégulière;

DÉCLARE nulles les décisions rendues le 5 juillet 2002 et le 10 octobre 2002 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail;

RENVOIE le dossier à la CSST, afin que la procédure d’évaluation médicale soit reprise, conformément aux dispositions de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

 

 

__________________________________

 

Francine Juteau

 

Commissaire

 

Hélène Toussaint

F.I.I.Q.

Représentante de la partie requérante

 

 

Me Lise-Anne Desjardins

MONETTE, BARAKETT & ASS.

Représentante la partie intéressée

 

 



[1]          L.R.Q. c. A-3.001

[2]          C.L.P. 121701-62-9908, 11 janvier 2000, L. Vallières

[3]          Cegep de Jonquière et Vaillancourt, C.L.P. 100736-02-9805, 26 janvier 1999, P. Simard; Lemieux et Asbestos Eaman inc. et als, C.L.P. 149262-71-0010, 6 novembre 2001, D. Gruffy.

[4]          C.L.P. 156808-61-0103, 29 janvier 2002, L. Nadeau

[5]          C.L.P. 188243-62C-0207, 20 mai 2003, R. Hudon

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.