Poulin c. Ville de Rosemère

2020 QCCS 2010

COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE TERREBONNE

 

 

 

N° :

700-36-001488-195

 

(18-56474-7)

 

DATE :

3 juillet 2020

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE MARIO LONGPRÉ, J.C.S.

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STEEVE POULIN

Appelant

c.

VILLE DE ROSEMÈRE

Intimée

 

 

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JUGEMENT sur appel d’UNE CONDAMNATION

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[1]           L’appelant interjette appel d’un jugement rendu le 19 mars 2019[1] par la Cour municipale de la Ville de Rosemère (le juge Jean-Sébastien Brunet) le déclarant coupable d’avoir fait usage d’un téléphone cellulaire en conduisant, contrevenant ainsi à l’article 443.1 du Code de la sécurité routière (C.s.r.).

1.         LE CONTEXTE

[2]           Au procès, le juge d’instance est confronté à des versions contradictoires des événements.

[3]           La preuve de la poursuite est constituée du constat d’infraction et du rapport d’infraction déposés en vertu de l’article 62 du Code de procédure pénale. Le policier y indique qu’il a observé l’appelant pendant une quinzaine de minutes, alors que ce dernier tenait un téléphone cellulaire à son oreille gauche.

[4]           Le policier voit le véhicule de l’appelant entrer dans le stationnement d’une station-service adjacente à un dépanneur où il est lui-même immobilisé à bord d’un véhicule banalisé. Il constate que l’appelant tient un téléphone cellulaire dans sa main, près de son oreille gauche et il voit très clairement l’écran lumineux du téléphone.

[5]           Selon le policier, l’appelant s’arrête à une pompe à essence et reste assis dans le véhicule pendant que sa passagère sort pour faire le plein. Par la suite, elle entre pour payer. Il voit alors le véhicule entrer au poste de lavage automatique (lave-auto) et, lorsqu’il en ressort, l’appelant a encore le téléphone cellulaire à l’oreille gauche. L’appelant sort de la station-service par le chemin Grande-Côte, pour ensuite emprunter le boulevard Labelle, direction sud.

[6]           En défense, l’appelant témoigne qu’il se déplace en voiture au moment des événements en compagnie de sa conjointe et de leurs deux enfants. Les enfants écoutent un film sur la banquette arrière sur des écrans intégrés aux appuis-tête, ce qui a pour conséquence d’empêcher le système téléphonique Bluetooth de fonctionner. Lorsque le téléphone cellulaire sonne, c’est sa conjointe, qui est passagère, qui répond. Elle place l’appareil dans sa main avec la fonction haut-parleur de manière à ce que l’appelant puisse tenir une conversation.

[7]           L’appelant entre sur le terrain de la station-service et, après avoir immobilisé son véhicule à une pompe à essence, il prend en main le téléphone cellulaire pour continuer sa conversation, le temps de mettre de l’essence. Sa conjointe se rend à l’intérieur de la station-service pour payer l’essence et acheter un lavage. Une fois revenue à l’auto, elle reprend en main le téléphone cellulaire, le temps de se diriger vers le lave-auto. À l’intérieur du lave-auto, compte tenu du bruit ambiant, l’appelant reprend en main le téléphone cellulaire pour mieux entendre son interlocuteur.

[8]           Il redonne le téléphone cellulaire à sa conjointe avant de sortir du lave-auto et continue sa conversation jusqu’au moment de son interception.

[9]           Il dépose des photographies du lave-auto et de son véhicule avec les écrans intégrés allumés à l’arrière des appuis-tête pour faire valoir que le policier a pu confondre l’écran de gauche avec l’écran d’un téléphone cellulaire.

[10]        L’appelant fait entendre au procès sa conjointe, Mme Marie-Josée Tremblay, qui corrobore essentiellement sa version des événements.

[11]        Le juge d’instance considère que l’usage d’un téléphone cellulaire avec la fonction haut-parleur ne constitue pas l’utilisation d’un dispositif mains libres et qu’en ce qui concerne l’utilisation du téléphone cellulaire à l’intérieur du lave-auto, l’appelant ne pouvait bénéficier de l’exception prévue lorsqu’un conducteur est stationné, car l’appelant était simplement immobilisé et non pas stationné.

[12]        Le juge d’instance conclut à la culpabilité de l’appelant considérant que son témoignage n’est pas crédible et qu’il ne soulève pas de doute raisonnable.

2.         LES QUESTIONS EN LITIGE

[13]        Les griefs d’appel tels que formulés par l’appelant sont les suivants :

a)        Le juge a-t-il erré en droit en n’interprétant pas les dispositions législatives pertinentes au regard des faits et gestes posés par l’appelant?

b)        Le juge a-t-il erré en droit en n’appliquant pas la notion du doute raisonnable à l’ensemble de la preuve de l’appelant?

3.         L’ANALYSE

La norme d’intervention

[14]        La norme d’intervention en appel est prévue à l’article 286 du Code de procédure pénale. Le juge accueille l’appel, notamment :

a)      si le jugement dont appel est déraisonnable eu égard à la preuve;

b)      si une erreur de droit est commise; ou

c)      si justice n’est pas rendue.

[15]        L’intervention du Tribunal est limitée. Il ne s’agit pas de refaire le procès. La norme d’intervention à l’égard des questions de droit est celle de la décision correcte. Lorsqu’il y a une erreur de droit, le Tribunal peut rejeter l’appel si le poursuivant démontre que, sans cette erreur, le jugement aurait été le même.

[16]        Quant à l’appréciation de la preuve ou de la crédibilité des témoins, le Tribunal ne peut tout simplement pas substituer son opinion à celle du juge d’instance. La jurisprudence reconnaît que le juge d’instance est généralement mieux placé pour évaluer la force probante de la preuve et la crédibilité des témoignages. Ainsi, l’appréciation des faits par le juge de première instance est souveraine, hormis une erreur manifeste et déterminante.

Les moyens d’appel

[17]        Le Tribunal analysera les griefs de l’appelant en trois volets distincts. En premier lieu, le Tribunal se penchera sur l’interprétation de l’infraction prévue à l’article 443.1 C.s.r. et sur celle de l’exception relative à l’utilisation d’un dispositif mains libres. Par la suite, le Tribunal analysera l’application de l’article 443.1 C.s.r. à l’intérieur du lave-auto, endroit dans lequel, selon le juge d’instance, l’appelant aurait aussi commis l’infraction. Finalement, le Tribunal se penchera sur le grief de l’appelant selon lequel le juge d’instance aurait erré en n’appliquant pas la notion du doute raisonnable à l’ensemble de la preuve soumise par l’appelant et analysera, à ce moment, la conséquence des erreurs commises dans l’interprétation des dispositions législatives, le cas échéant.

I.     L’interprétation de l’article 443.1 C.s.r. et celle de l’exception de l’utilisation d’un dispositif mains libres

[18]        Le législateur adopte en 2018 de nouvelles dispositions législatives régissant les distractions au volant[2].

[19]        Ces dispositions visent, entre autres, à remplacer l’ancien article 439.1 C.s.r. dont l’interprétation a fait l’objet de plusieurs décisions contradictoires dans le passé en créant, notamment au sein de la Cour supérieure du Québec, deux courants jurisprudentiels distincts sur les éléments constitutifs de l’infraction et, par conséquent, sur la légalité de l’utilisation d’un téléphone cellulaire à l’aide d’un dispositif mains libres[3].

[20]        Les nouvelles dispositions posent le principe général selon lequel il est interdit à un conducteur d’un véhicule routier et à un cycliste de faire usage d’un téléphone cellulaire, d’un appareil portatif conçu pour transmettre ou recevoir des informations ou servant à des fins de divertissement, ou encore de faire usage d’un écran d’affichage, à moins qu’une exception prévue par la loi ou un règlement ne s’applique.

[21]        Voici comment est rédigé l’article 443.1 C.s.r. :

443.1.  Il est interdit à tout conducteur d’un véhicule routier et à tout cycliste de faire usage d’un téléphone cellulaire ou de tout autre appareil portatif conçu pour transmettre ou recevoir des informations ou pour être utilisé à des fins de divertissement, ou de faire usage d’un écran d’affichage, sauf dans les cas suivants:

443.1.  Every driver of a road vehicle and every cyclist are prohibited from using a cellular telephone or any other portable device designed to transmit or receive information or to be used for entertainment purposes, or from using a display screen, except in the following cases:

1°   le conducteur du véhicule routier utilise un dispositif mains libres;

(1)   the driver of the road vehicle uses a hands-free device; or

2°   le conducteur du véhicule routier ou le cycliste consulte l’information affichée sur un écran d’affichage, y compris celui d’un appareil portatif, ou actionne une commande de l’écran alors que celui-ci satisfait à l’ensemble des conditions suivantes:

(2)   the driver of the road vehicle or the cyclist consults the information displayed on a display screen, including that of a portable device, or uses a screen command if the screen

a)   il affiche uniquement des informations pertinentes pour la conduite du véhicule ou liées au fonctionnement de ses équipements usuels;

(a)   displays only such information as is relevant to driving or riding the vehicle or related to the operation of its usual equipment;

b)   il est intégré au véhicule ou installé sur un support, amovible ou non, fixé sur le véhicule;

(b)   is integrated into the vehicle or mounted on a bracket, whether detachable or not, attached to the vehicle;

c)   il est placé de façon à ne pas obstruer la vue du conducteur du véhicule routier ou du cycliste, nuire à ses manœuvres, empêcher le fonctionnement d’un équipement ou en réduire l’efficacité et de manière à ne pas constituer un risque de lésion en cas d’accident;

(c)   is placed so as not to obstruct the driver’s or cyclist’s view, interfere with driving or riding manoeuvres, or prevent the operation of equipment or reduce its efficiency and in a manner that does not present a risk of injury in case of an accident; and

d)   il est positionné et conçu de façon à ce que le conducteur du véhicule routier ou le cycliste puisse le faire fonctionner et le consulter aisément.

(d)   is positioned and designed in such a way that the driver of the road vehicle or cyclist can operate and consult it easily.

Pour l’application du premier alinéa, le conducteur du véhicule routier ou le cycliste qui tient en main, ou de toute autre manière, un appareil portatif est présumé en faire usage.

For the purposes of the first paragraph, the driver of a road vehicle or cyclist who is holding a portable device in hand or in any other manner is presumed to be using the device.

Le gouvernement peut, par règlement, préciser les modalités d’application du présent article, notamment définir le sens de certaines expressions. Il peut également prévoir d’autres exceptions aux interdictions qui y sont prévues ainsi que d’autres normes applicables aux écrans d’affichage.

The Government may, by regulation, determine the manner in which this section is to be applied, in particular by defining the meaning of certain expressions. It may also prescribe other exceptions to the prohibitions under this section and other standards applicable to display screens.

[22]        L’article 443.1 C.s.r. interdit donc tout usage d’un appareil ayant une fonction téléphonique ou d’un écran d’affichage, ou les deux à la fois, sous réserve d’exceptions.

[23]        La première exception prévue au paragraphe 1 du premier alinéa vise l’utilisation de la fonction téléphonique d’un appareil. Le conducteur du véhicule qui utilise un dispositif mains libres n’engage pas sa responsabilité pénale.

[24]        La seconde exception prévue au paragraphe 2 du premier alinéa vise la consultation d’un écran ou son utilisation. Le conducteur d’un véhicule n’engage pas sa responsabilité pénale si toutes les conditions énumérées aux sous-paragraphes a) à d) sont respectées.

[25]        Selon le Tribunal, il en découle que le conducteur qui fait usage à la fois de la fonction téléphonique d’un appareil et de son écran ou d’un autre écran (ou la simple consultation d’un écran qui constitue une forme d’usage) doit respecter les conditions propres aux deux exceptions précédentes.

[26]        Le deuxième alinéa de l’article 443.1 C.s.r. crée une présomption en édictant que le conducteur d’un véhicule routier ou le cycliste qui tient « en main, ou de toute autre manière » un appareil portatif est présumé en faire usage.

[27]        Cette présomption ne déplace pas sur le défendeur le fardeau d’établir qu’il ne faisait pas usage d’un appareil dont il est fait mention à l’article 443.1 C.s.r. Il s’agit d’une présomption réfragable quant à l’élément matériel (actus reus) de l’infraction. Pour repousser cette présomption, un défendeur a un fardeau de présentation d’une preuve contraire susceptible de soulever un doute raisonnable sur l’usage présumé de l’appareil. Face à une telle preuve, la poursuite doit alors prouver hors de tout doute raisonnable que l’accusé a fait l’usage de l’appareil[4].

[28]        La présomption en lien avec le nouvel article 443.1 C.s.r. est plus large que l’ancienne, car elle édicte que le conducteur est présumé faire usage d’un appareil portatif non seulement dans le cas où il le tient en main, mais aussi dans le cas où il tient l’appareil portatif de toute autre manière. De plus, cette présomption s’applique aux cyclistes.

[29]        L’appelant plaide que l’article 443.1 C.s.r. devrait recevoir la même interprétation que celle de l’ancien article 439.1 C.s.r. Il fait valoir que le fait de tenir en main un téléphone cellulaire constituerait un élément essentiel du nouveau libellé de l’infraction comme cela l’était relativement à l’ancien article 439.1 C.s.r., selon l’un des deux courants jurisprudentiels. Il ajoute que le simple fait de parler au téléphone cellulaire ne constitue pas « faire usage » de celui-ci.

[30]        Le Tribunal est d’avis que l’appelant a tort.

[31]        Puisque le législateur ne définit pas ce que constitue « faire usage » d’un téléphone cellulaire ou de tout autre appareil portatif, le Tribunal doit s’en remettre aux principes d’interprétation et au sens usuel de l’expression.

[32]        Selon l’approche moderne d’interprétation, on doit lire les termes d’une loi ou d’un règlement en tenant compte du contexte global et en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, son objet et l’intention du législateur[5].

[33]        Le Tribunal considère que la jurisprudence antérieure à l’entrée en vigueur du nouvel article 443.1 C.s.r. peut être utile pour définir ce que signifie « faire usage », tout en retenant que l’utilisation de la présomption actuelle est plus large que l’ancienne.

[34]        Les tribunaux ont reconnu que l’utilisation d’un téléphone cellulaire n’exige pas nécessairement de tenir en main l’appareil, quoiqu’il soit vrai que plusieurs situations où on a conclu à l’usage impliquaient la manipulation de l’appareil. Ainsi, il a été jugé que constituait l’utilisation d’un téléphone cellulaire, entre autres le simple fait de regarder l’heure[6], de le déverrouiller[7], d’activer la fonction Bluetooth[8] de même que de brancher le téléphone pour le recharger[9].

[35]        Il a toujours été considéré par les tribunaux que de parler au téléphone cellulaire en constituait un usage. Cette forme d’utilisation n’a jamais fait l’objet de controverse au sein de la Cour supérieure, car celle-ci se limitait à la question de savoir si la poursuite devait prouver à titre d’élément essentiel de l’infraction que l’appareil devait être tenu en main et, par conséquent, s’il était permis de faire usage d’un dispositif mains libres.

[36]        Parmi les usages les plus courants d’un téléphone cellulaire, il va sans dire que tenir une conversation et parler en font partie. Il est donc possible, selon le Tribunal, de faire usage d’un téléphone cellulaire sans le tenir « en main, ou de toute autre manière » en parlant ou en tenant une conversation. À l’inverse, il est aussi possible de « faire usage » d’un téléphone cellulaire ou d’un autre appareil portatif sans parler ou utiliser la fonction téléphonique.

[37]        Ainsi, le simple fait de parler au téléphone en constitue un usage. Cela ne met toutefois pas fin à l’analyse du Tribunal, car il doit aussi se demander si l’utilisation de la fonction haut-parleur du téléphone cellulaire constitue un dispositif mains libres.

[38]        Lorsque le législateur donne un sens particulier à un terme autre que son sens grammatical et courant, c’est ce sens qu’il faut donner au terme lorsque le législateur l’exprime clairement[10].

[39]        Le juge d’instance part de la prémisse qu’il n’y a pas de définition de l’expression « dispositif mains libres » dans la loi et se sert des dictionnaires pour en déterminer le sens. Il conclut que l’expression « dispositif mains libres » fait référence à un appareil et non au fait de ne pas avoir de téléphone sur soi. Il conclut que l’intention du législateur n’est pas de prohiber d’avoir en main un appareil, mais plutôt de bannir l’usage d’un téléphone cellulaire, sauf si le conducteur utilise un dispositif mains libres.

[40]        Le juge d’instance en arrive à la conclusion que la passagère de l’appelant ne peut être considérée comme un dispositif mains libres permis par le Code de la sécurité routière.

[41]        Le juge d’instance se trompe en énonçant que l’expression « dispositif mains libres » n’est pas définie dans la loi ou dans un règlement. La définition se trouve dans la Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d’autres dispositions[11] qui adopte, notamment, les nouvelles dispositions du Code de la sécurité routière visant les distractions au volant. Voici comment est rédigé l’article 211 de cette loi :

211.     Jusqu’à la date de l’entrée en vigueur du premier règlement pris par le gouvernement en vertu du troisième alinéa de l’article 443.1 et du troisième alinéa de l’article 443.2 du Code de la sécurité routière, édictés par l’article 117 :

211.     Until the date of coming into force of the first regulation made by the Government under the third paragraph of section 443.1 and the third paragraph of section 443.2 of the Highway Safety Code, enacted by section 117,

1°   on entend par « dispositif mains libres » un dispositif permettant de faire fonctionner un appareil, notamment un téléphone cellulaire, au moyen d’une commande vocale ou d’une commande manuelle simple que le conducteur peut actionner sans être distrait de la conduite de son véhicule;

(1)   “hands-free device” means a device that can be used to operate another device, in particular a cellular phone, through a vocal command or a simple manual command that the driver can activate without being distracted from driving the vehicle;

[…]

[…]

[42]        Cet article prévoit non seulement la définition de « dispositif mains libres » au paragraphe 1, mais énonce aussi, aux paragraphes 2 et 3, des exemptions quant à certains types d’usages ou d’appareils qui ne sont pas visés par les interdictions prévues à l’article 443.1 C.s.r.

[43]        Ainsi, le législateur permet l’utilisation d’un appareil de communication vocale sans fil communément appelé radio bidirectionnelle[12], l’utilisation par un agent de la paix d’un écran d’affichage[13], l’utilisation d’un écran pour la gestion des messages dans le cadre des activités d’une entreprise ou pour percevoir les frais payables par un passager,[14] l’usage d’un écran dans le cadre des activités d’une entreprise d’utilité publique ou de télécommunication et l’utilisation d’un téléphone cellulaire pour effectuer un appel aux services d’urgence 911. Toutefois, le législateur précise que ces dernières utilisations non prohibées sont édictées sous réserve de l’application des sous-paragraphes b) à d) du paragraphe 2 du premier alinéa de l’article 443.1 C.s.r.

[44]        Une dernière exception est énoncée au paragraphe 3 de l’article 211. Elle permet à un agent de la paix qui circule à bicyclette de porter un seul écouteur.

[45]        Or, puisque le gouvernement n’a pas adopté de règlement depuis l’entrée en vigueur de la Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d’autres dispositions, la définition de l’expression « dispositif mains libres » est celle prévue au paragraphe 1 de l’article 211.

[46]        Le juge instance omet de se demander si la fonction haut-parleur du téléphone cellulaire lui-même peut constituer un dispositif mains libres. Il tient pour acquis qu’un dispositif mains libres est externe à l’appareil et conclut que le fait que Mme Tremblay tient le téléphone ne constitue pas l’utilisation d’un dispositif mains libres.

[47]        Dans l’affaire Ville de Saint-Jérôme c. Fortin[15], la Cour municipale arrive à la conclusion qu’un dispositif mains libres n’a pas à être nécessairement externe à l’appareil et que la fonction haut-parleur en constitue un exemple. Le Tribunal partage cet avis et considère cette conclusion bien fondée[16].

[48]        Rappelons que le Tribunal a énoncé précédemment que le simple fait de parler au téléphone constitue en « faire usage », et ce, même si le conducteur ne tient pas l’appareil « en main, ou de toute autre manière ».

[49]        La position de l’intimée voulant que seul un dispositif externe à l’appareil puisse constituer un dispositif mains libres amènerait des résultats non souhaitables et contraires à la volonté exprimée par le législateur que seul le conducteur d’un véhicule est visé par l’interdiction générale d’utiliser un téléphone cellulaire ou tout autre type d’appareils visés à l’article 443.1 C.s.r.

[50]        Ainsi, on peut facilement penser à l’exemple où le passager d’un véhicule utilise un téléphone cellulaire en mode haut-parleur pour parler à un ami en toute légalité, puisque les interdictions prévues à l’article 443.1 C.s.r. ne s’appliquent pas à un passager. Si l’intimée avait raison dans l’interprétation qu’elle propose, le conducteur engendrerait sa responsabilité pénale s’il engageait une conversation avec l’ami de son passager, même brièvement, car il utiliserait la fonction téléphonique d’un appareil sans utiliser un dispositif mains libres externe à l’appareil.

[51]        Cet exemple démontre qu’un tel résultat ne reflète pas la volonté du législateur, car ce dernier s’est limité à édicter les interdictions prévues à l’article 443.1 C.s.r. au conducteur d’un véhicule routier et non pas à ses passagers. L’interprétation proposée par l’intimée ne servirait aucun objectif de la loi qui vise à éviter les sources de distraction au volant. Rappelons que le législateur n’interdit pas toutes les formes de distraction et qu’il reconnaît, en prévoyant des exceptions, que, bien que potentiellement susceptibles de distraire le conducteur, il y a lieu de permettre certains usages, dont l’utilisation d’un dispositif mains libres pour la fonction téléphonique d’un appareil.

[52]        Selon le Tribunal, un conducteur peut utiliser un dispositif mains libres interne d’un appareil dans la mesure où le dispositif correspond à la définition prévue à l’article 211 de la Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d’autres dispositions[17]. Rappelons qu’il faut que le dispositif mains libres puisse permettre de faire fonctionner l’appareil, notamment un téléphone cellulaire « au moyen d’une commande vocale ou d’une commande manuelle simple que le conducteur peut actionner sans être distrait de la conduite de son véhicule ».

[53]        Le Tribunal est d’avis, à titre d’exemple, que le fait de simplement appuyer sur un bouton ou un voyant lumineux d’un téléphone cellulaire pour répondre ou raccrocher constitue une manœuvre simple, pourvu que les conditions énumérées à l’exception prévue au paragraphe 2 de l’article 443.1 C.s.r. soient respectées, puisqu’il s’agit à la fois de l’usage d’un écran et de la fonction téléphonique d’un appareil portatif[18].

[54]        En bref, si un conducteur, pour utiliser la fonction téléphonique d’un appareil portatif, doit toucher un écran ou le consulter en vue de répondre, de raccrocher ou d’ajuster le volume, ou pour toute autre raison, le conducteur devra aussi respecter les conditions prévues au paragraphe 2 de l’article 443.1 C.s.r. visant l’usage d’un écran, à savoir :

a)        l’écran affiche uniquement des informations pertinentes pour la conduite du véhicule ou liées au fonctionnement de ses équipements usuels (l’utilisation d’un dispositif mains libres fait partie de ses équipements usuels dans le cas d’un téléphone cellulaire);

b)        l’écran est intégré au véhicule ou installé sur un support, amovible ou non, fixé sur le véhicule;

c)        il est placé de façon à ne pas obstruer la vue du conducteur du véhicule routier ou du cycliste, nuire à ses manœuvres, empêcher le fonctionnement d’un équipement ou en réduire l’efficacité et de manière à ne pas constituer un risque de lésion en cas d’accident;

d)        l’écran est positionné et conçu de façon à ce que le conducteur du véhicule routier ou le cycliste puisse le faire fonctionner et le consulter aisément.

[55]        Un conducteur d’un véhicule routier qui fait usage d’un téléphone cellulaire pour parler ou tenir une conversation, sans le manipuler de quelque façon que ce soit et sans faire usage d’un écran, peut le faire en utilisant un dispositif mains libres, et ce, qu’il soit externe ou interne à l’appareil. Dans ce cas, l’appareil n’a pas à être placé sur un support, amovible ou non, fixé sur le véhicule, car aucun écran n’est utilisé, pourvu que le conducteur ne tienne pas l’appareil « en main, ou d’une autre manière ».

[56]        En ce qui concerne l’utilisation d’une commande vocale, si le conducteur doit consulter ou manipuler un écran pour utiliser la commande vocale d’un téléphone cellulaire ou d’un autre appareil portatif, l’appareil devra notamment être intégré au véhicule ou installé sur un support, amovible ou non, fixé sur le véhicule en respectant aussi les autres conditions permettant l’usage ou la consultation d’un écran.

[57]        Le Tribunal en arrive donc à la conclusion que le juge d’instance commet une erreur de droit dans l’interprétation de l’expression « dispositif mains libres », car un tel dispositif peut être externe ou interne à un téléphone cellulaire.

[58]        Par conséquent, le Tribunal est d’avis que la version de l’appelant au procès, si elle avait été crue ou qu’elle avait soulevé un doute raisonnable, aurait permis à l’appelant de bénéficier d’un acquittement, du moins en ce qui concerne la portion de l’infraction commise à l’extérieur du lave-auto.

[59]        Rappelons que, selon sa version corroborée par sa conjointe, il n’aurait jamais manipulé le téléphone cellulaire de quelque façon que ce soit ni consulté ou utilisé un écran en faisant usage de son téléphone. De plus, il n’aurait pas tenu son téléphone cellulaire « en main, ou de toute autre manière ».

[60]        En ce qui concerne la conséquence de cette erreur commise par le juge d’instance, le Tribunal en traitera plus loin lorsqu’il analysera le grief de l’appelant voulant que le juge d’instance n’ait pas appliqué la notion du doute raisonnable à l’ensemble de la preuve soumise par l’appelant.

II.    L’application de l’article 443.1 C.s.r. à l’intérieur du lave-auto

[61]        Le Tribunal commencera son étude en examinant la question de savoir si le lave-auto constitue un terrain commercial ou un autre terrain où le public est autorisé à circuler. Dans l’affirmative, le Tribunal poursuivra son analyse afin de déterminer si l’appelant était stationné dans le lave-auto et s’il pouvait ainsi bénéficier de l’exemption prévue à l’article 443.7 C.s.r.

L’application de l’article 443.1 C.s.r.

[62]        L’article 443.1 C.s.r. s’applique non seulement sur les chemins publics, mais aussi, entre autres, sur les terrains de centres commerciaux et autres terrains où le public est autorisé à circuler.

[63]        C’est l’article 443.6 C.s.r. qui prévoit le champ d’application de la section V du Code de la sécurité routière visant les distractions au volant :

443.6.  Les dispositions de la présente section s’appliquent non seulement sur les chemins publics mais également sur les chemins soumis à l’administration du ministère des Ressources naturelles et de la Faune ou entretenus par celui-ci, sur les chemins privés ouverts à la circulation publique des véhicules routiers ainsi que sur les terrains de centres commerciaux et autres terrains où le public est autorisé à circuler.

443.6.  This division applies not only on public highways, but also on highways under the administration of or maintained by the Ministère des Ressources naturelles et de la Faune, on private roads open to public vehicular traffic and on land occupied by shopping centres or other land where public traffic is allowed.

[64]        Le Tribunal est d’avis que le juge d’instance a raison de conclure que l’article 443.1 C.s.r. est susceptible de s’appliquer au lave-auto, lieu où l’appelant a utilisé son téléphone cellulaire[19].

[65]        La seule exigence de paiement pour avoir accès à la partie du terrain sur laquelle le lave-auto est situé ne fait pas en sorte que le Code de la sécurité routière ne s’applique pas[20].

[66]        Pour accéder au lave-auto, le conducteur doit nécessairement circuler jusqu’à son entrée et, après avoir pénétré à l’intérieur pour le temps du lavage, l’automobiliste doit sortir par une autre porte en faisant préalablement un arrêt à la station de séchage[21]. Il doit donc circuler à l’intérieur du lave-auto en suivant les consignes données par le poste de lavage automatique.

[67]        La jurisprudence est presque unanime à considérer qu’un terrain sur lequel est érigé un immeuble à vocation commerciale ou professionnelle est un terrain où le public est autorisé à circuler[22]. Le critère dominant expliquant cette qualification est celui de l’accessibilité au public.

[68]        Le fait qu’il s’agisse d’un terrain extérieur ou intérieur où le public est autorisé à circuler ne change rien à cette qualification. Ainsi, dans Ville de Québec c. Joli-Cœur[23], la Cour municipale a conclu que constituait un « terrain où le public est autorisé à circuler » un stationnement intérieur de quatre étages dans lequel on y accède soit avec une carte, soit avec un coupon donné par un système de contrôle automatisé.

[69]        Dans le cas d’un lave-auto, comme celui en cause, tout membre du public y aura accès en payant les frais exigés pour faire laver son véhicule.

[70]        Il s’agit donc d’un terrain où le public est autorisé à circuler, malgré l’exigence d’un paiement pour accéder au lave-auto.

[71]        L’appelant ne réussit pas à convaincre le Tribunal que le juge d’instance aurait commis une erreur quant à cette conclusion.

L’appelant était-il stationné dans le lave-auto?

[72]        Le Tribunal doit maintenant se demander si le juge d’instance a commis une erreur en concluant que l’appelant n’était pas stationné à l’intérieur du lave-auto, car, selon le juge d’instance, bien qu’immobilisé, le véhicule de l’appelant était encore dans la circulation.

[73]        Voici comment est rédigée l’exception prévue à l’article 443.7 C.s.r. :

443.7.  Les articles 443.1 et 443.2 ne s’appliquent pas :

1°  à un conducteur d’un véhicule routier, si son véhicule est stationné de manière à ne pas contrevenir aux dispositions du présent code ou d’une autre loi;

443.7.  Sections 443.1 and 443.2 do not apply

(1)   to the driver of a road vehicle, if his vehicle is parked so as not to contravene the provisions of this Code or another law;

 

2°  à un cycliste, s’il est immobilisé en bordure de la chaussée ou sur l’accotement de façon à ne pas gêner la circulation.

(2)   to a cyclist, if he is stopped on the side of the roadway or on the shoulder in such a way that does not obstruct traffic.

[74]        Selon l’article 64 du Code de procédure pénale, il appartenait à l’appelant de démontrer au procès qu’il bénéficiait d’une exception, d’une exemption, d’une justification ou d’une excuse, et ce, selon la prépondérance des probabilités.

[75]        Dans le Code de la sécurité routière, il y a des dispositions qui s’appliquent au stationnement d’un véhicule et d’autres qui s’appliquent à l’immobilisation d’un véhicule.

[76]        Comme la Cour supérieure l’énonçait dans Montréal (Ville de) c. Dion[24], l’immobilisation d’un véhicule et le stationnement d’un véhicule sont deux manœuvres distinctes, bien que le stationnement d’un véhicule implique nécessairement son immobilisation.

[77]        Dans la même décision, la Cour énonce que l’immobilisation résulte habituellement de la nécessité ou encore d’un acte volontaire qui est temporaire de par sa nature et habituellement brève[25].

[78]        Quant à la manœuvre de stationnement, la Cour mentionne qu’elle résulte généralement d’une décision librement prise par le conducteur, peu importe ses motifs[26].

[79]        Le Tribunal est d’avis, en s’appuyant sur la jurisprudence, qu’un véhicule est immobilisé et non pas stationné lorsqu’il est, entre autres, immobilisé en raison de la congestion routière ou arrêté à un feu rouge ou à un arrêt obligatoire. Ces situations sont temporaires et le conducteur, dans tous les cas, remettra nécessairement son véhicule en mouvement après un court laps de temps et, à ce moment, il aura besoin de toute son attention pour réagir aux changements de situation et aux aléas possibles[27].

[80]        D’autre part, le Tribunal est d’avis qu’un véhicule est stationné, entre autres lorsqu’il est immobilisé en bordure de la rue ou dans une aire de stationnement, car la personne qui occupe le siège de conducteur ne conduit pas[28].

[81]        De plus, selon le Tribunal, lorsqu’un véhicule est stationné, le conducteur est généralement en mesure de sortir de son véhicule, s’il le désire.

[82]        La conclusion qu’un conducteur est stationné ou pas dans un lave-auto dépendra avant tout des circonstances et du contexte révélés par la preuve[29].

[83]        L’appelant a fourni bien peu d’informations au juge d’instance pour le convaincre qu’il était stationné et s’acquitter de son fardeau[30]. Son témoignage ainsi que celui de Mme Tremblay, sa conjointe, ne révèlent même pas si le moteur du véhicule était éteint, ou encore à quelle position se trouvait le levier d’embrayage le temps du lavage.

[84]        Il ne faut pas interpréter le présent jugement comme un énoncé général voulant qu’un conducteur ne puisse jamais accomplir la manœuvre de stationner un véhicule routier dans un poste de lavage automatique ou tout autre type de lave-auto. Tout dépendra des circonstances en cause et de la preuve soumise au juge des faits.

[85]        En conclusion, le Tribunal est d’avis que le juge d’instance ne commet pas d’erreur en concluant que l’article 443.1 C.s.r. s’applique à l’intérieur du lave-auto en cause.

[86]        Au surplus, le Tribunal ne voit pas d’erreur dans la conclusion du juge d’instance voulant que l’appelant n’ait pas établi qu’il était stationné dans le lave-auto, selon les exigences du paragraphe 1 de l’article 443.7 C.s.r. L’appelant avait besoin de toute son attention, notamment pour suivre les instructions affichées par le poste de lavage automatique afin d’être prêt à avancer sa voiture à la station de séchage et sortir, par après, du lave-auto. La situation dans laquelle se trouvait l’appelant est similaire à celle d’un automobiliste immobilisé à un feu rouge de circulation en attente du feu vert.

[87]        Même si l’appelant avait eu raison dans sa prétention qu’il aurait été stationné pendant un certain moment dans le lave-auto, la preuve révèle qu’il y a circulé alors qu’il tenait encore son téléphone cellulaire à l’oreille. Rappelons que, selon la preuve en défense, en entrant dans le lave-auto, c’est la conjointe de l’appelant qui tient l’appareil avec la fonction haut-parleur active. L’appelant reprend le téléphone en main pour le porter à son oreille, car c’est trop bruyant. Selon son témoignage, ce n’est que lorsqu’il arrive au « séchoir » qu’il redonne le téléphone cellulaire à sa conjointe pour qu’elle le reprenne en main avec la fonction haut-parleur[31]. Le témoignage de sa conjointe est similaire, puisqu’elle mentionne que ce n’est qu’à la sortie que l’appelant lui redonne le téléphone cellulaire[32].

[88]        En ce qui concerne la conséquence de l’erreur commise par le juge d’instance quant à la définition de « dispositif mains libres », et ce, tant pour la portion de l’infraction commise à l’intérieur du lave-auto que pour celle commise à l’extérieur du lave-auto, le Tribunal l’examinera en traitant du grief de l’appelant touchant à l’application du doute raisonnable à l’ensemble de la preuve présentée par l’appelant au procès.

III.   L’application par le juge d’instance du doute raisonnable à l’ensemble de la preuve présentée par l’appelant

[89]        L’appelant fait valoir que la preuve de la poursuite est laconique et fragmentaire, car elle repose sur une description de 10 lignes pour décrire des événements qui se sont échelonnés sur une quinzaine de minutes. De plus, il plaide que le policier a pu se méprendre en confondant l’écran situé à l’arrière de l’appui-tête avec celui d’un téléphone cellulaire. Au surplus, il plaide qu’aucune lumière n’est émise lorsque la fonction téléphonique d’un téléphone cellulaire est utilisée, contrairement à ce que le policier rapporte.

[90]        L’appelant fait donc valoir que le juge d’instance aurait commis une erreur manifeste et déterminante justifiant l’intervention du Tribunal.

[91]        En ce qui concerne l’argument qu’un téléphone cellulaire n’émet pas de lumière lorsque la fonction téléphonique est utilisée, aucune preuve n’a été présentée au procès sur ce point ni sur le modèle du téléphone cellulaire en cause. Ce fait n’est pas de connaissance d’office et, en l’absence de preuve au dossier, le Tribunal doit rejeter cet argument.

[92]        Quant aux autres arguments, le Tribunal note que le juge d’instance indique explicitement dans ses motifs qu’il est convaincu hors de tout doute raisonnable que l’infraction a été commise de la façon que le policier l’a décrite dans le rapport d’infraction, soit que l’appelant tenait le téléphone cellulaire à l’oreille, et ce, même s’il commettait une erreur dans l’interprétation des dispositions législatives.

[93]        Il est fort probable que si le Tribunal avait siégé comme juge du procès, il aurait eu un doute raisonnable quant à la portion des faits reprochés survenus à l’extérieur du lave-auto. En effet, le rapport d’infraction est très succinct pour décrire des événements qui se sont échelonnés sur une quinzaine de minutes. De plus, le témoignage de l’appelant semble précis et est entièrement corroboré par sa conjointe. Ces témoignages n’ont pas fait l’objet d’un contre-interrogatoire par la poursuite et ils semblent cohérents.

[94]        Toutefois, le rôle du Tribunal n’est pas de substituer sa propre appréciation de la crédibilité des témoins à celle du juge d’instance.

[95]        Il est acquis que l’appréciation de la crédibilité n’est pas une science exacte et, sauf erreur manifeste et déterminante, le Tribunal doit respecter les perceptions du juge d’instance, vu la position privilégiée dans laquelle il se trouve pour apprécier la crédibilité des témoins.

[96]        L’appelant ne démontre pas au Tribunal une erreur manifeste et déterminante permettant l’intervention en appel quant à l’appréciation de la crédibilité des témoins. De plus, vu les conclusions du juge d’instance quant à la crédibilité des témoins, malgré l’erreur du juge d’instance concernant la définition d’un « dispositif mains libres », cette erreur est sans conséquence.

[97]        Mais il y a plus. Même si le Tribunal était d’avis que le juge d’instance aurait erré dans l’appréciation de la crédibilité des témoins, cela ne serait déterminant uniquement que pour la portion des faits survenus à l’extérieur du lave-auto. Quant aux faits survenus à l’intérieur du lave-auto, la situation est différente, car la preuve présentée en défense révèle que l’appelant a non seulement fait usage de son téléphone cellulaire en le tenant en main pendant qu’il était immobilisé, mais aussi qu’il a roulé dans le lave-auto alors qu’il tenait l’appareil à l’oreille. Il s’agit donc d’un aveu de la commission de l’infraction à l’intérieur du lave-auto suffisant pour prouver la culpabilité de l’appelant sans égard aux questions touchant à l’appréciation de sa crédibilité et à celle de sa conjointe.

[98]        Le grief de l’appelant est donc rejeté.

[99]        En conclusion, l’appelant ne réussit pas à démontrer que ses moyens d’appel permettent l’intervention du Tribunal.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[100]     REJETTE l’appel;

[101]     LE TOUT sans frais de justice.

 

 

 

__________________________________

MARIO LONGPRÉ, J.C.S.

 

Me Jean Denis

Cardinal Léonard Denis, avocats

Procureur de l’appelant

 

Me Christophe Bruyninx

DHC Avocats

Procureur de l’intimée

 

Date d’audience :

27 novembre 2019

 



[1]    Ville de Rosemère c. Poulin, 2019 QCCM 47.

[2]    Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d’autres dispositions, L.Q. 2018, c. 7. Les articles de cette loi ne sont pas tous entrés en vigueur à la même date. Quant à lui, l’art. 443.1 C.s.r. est entré en vigueur le 30 juin 2018.

[3]    Mori c. Ville de Terrebonne, 2018 QCCS 375, permission d’appel accordée à Ville de Terrebonne c. Mori, 2018 QCCA 392, désistement déposé le 13 juin 2018; Rivard c. Ville de Montréal, 2017 QCCS 690; Pedneault-Turmel c. Directeur des poursuites criminelles et pénales, 2015 QCCS 1203, demande pour proroger le délai d’appel rejetée à 2015 QCCA 928.

[4]    Caouette c. Saguenay (Ville de), 2016 QCCS 4882.

[5]    Elmer A. DRIEDGER, The Construction of Statutes, 2e éd., Toronto, Butterworths, 1983, p. 87.

[6]    Desgroseillers c. Montréal (Ville de), 2011 QCCS 6091; Montréal (Ville de) c. Njanda, 2015 QCCM 40.

[7]    Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Gruber-Bureau, 2017 QCCM 2.

[8]    Montréal (Ville de) c. Desjardins, 2013 QCCM 249.

[9]    Ville de Saint-Jérôme c. Gosselin, 2020 QCCM 79 (interprétation dans le cadre de la nouvelle disposition prévue à l’art. 443.1 C.s.r.).

[10]   Ruth SULLIVAN, Sullivan on the Construction of Statutes, 6e éd., Markham, LexisNexis Canada, 2014, par. 4.31.

[11]   Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d’autres dispositions, préc., note 2.

[12]   Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d’autres dispositions, art. 211, par. 2 a).

[13]   Id., art. 211, par. 2 b).

[14]   Id., art. 211, par. 2 c).

[15]   2020 QCCM 78.

[16]   Le Tribunal ne se sent pas lié en vertu de la règle du stare decisis par une opinion contraire émise notamment par la Cour municipale dans Ville de Montréal c. Langelier-Aouad, 2019 QCCM 173. Au surplus, le juge de la Cour municipale omet de considérer dans son analyse la définition de l’expression « dispositif mains libres » prévue à l’art. 211 de la Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d’autres dispositions, préc., note 2.

[17]   Préc., note 2.

[18]   Voir, par analogie, l’analyse détaillée de la Cour municipale dans Ville de Montréal c. Primeau-Ferraro, 2020 QCCM 20, de la définition de l’expression « actionne une commande » employée par le législateur au paragraphe 2 du premier alinéa de l’art. 443.1 C.s.r.

[19]   Cette disposition est d’application plus large que ne l’étaient les anciennes dispositions : voir Ville de Montréal c. Primeau-Ferraro, préc., note 18, par. 44-49.

[20]   Voir Larocque c. Ville de Longueuil, 2019 QCCS 899, par. 89, permission refusée à 2019 QCCA 1064.

[21]   Des photos du lave-auto ont été produites au procès. On constate, entre autres, qu’il est inscrit sur une pancarte qu’il s’agit d’un lave-auto sans contact.

[22]   Voir la revue de la jurisprudence dans Larocque c. Ville de Longueuil, préc., note 20, et Ville de Québec c. Joli-Cœur, 2019 QCCM 125.

[23]   Ville de Québec c. Joli-Cœur, préc., note 22.

[24]   Montréal (Ville de) c. Dion, 2003 CanLII 22293.

[25]   Id., par. 18.

[26]   Id., par. 19.

[27]   Ville de Québec c. Petitclerc, 2020 QCCM 18, par. 26.

[28]   Id., par. 27.

[29]   Montréal (Ville de) c. Dion, préc., note 24, par. 20.

[30]   Rappelons qu’un défendeur a le fardeau d’établir une exception, selon l’art. 64 du Code de procédure pénale.

[31]   Transcription du témoignage de l’appelant, 29 janvier 2019, p. 7.

[32]   Transcription du témoignage de Marie-Josée Tremblay, 29 janvier 2019, p. 17.

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