Jacques c. Petro-Canada |
2009 QCCS 5603 |
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JB 1988 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
QUÉBEC |
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Nº : |
200-06-000102-080 |
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DATE : |
30 novembre 2009 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
DOMINIQUE BÉLANGER, j.c.s. |
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SIMON JACQUES
MARCEL LAFONTAINE
ASSOCIATION POUR LA PROTECTION AUTOMOBILE
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Requérants |
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c.
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PETRO-CANADA, IMPERIAL OIL LIMITED/COMPAGNIE PÉTROLIÈRE IMPÉRIALE LTÉE, PÉTROLIÈRE IMPÉRIALE, PÉTROLES CREVIER INC., LES PÉTROLES IRVING INC./LES OPÉRATIONS PÉTROLES IRVING LTÉE, LA SOCIÉTÉ CANADIAN TIRE LIMITÉE, LES PÉTROLES THERRIEN INC., DISTRIBUTIONS PÉTROLIÈRES THERRIEN INC., ULTRAMAR LTÉE, PROVIGO DISTRIBUTION INC., LA COOP FÉDÉRÉE, ALIMENTATION COUCHE-TARD INC., DÉPAN-ESCOMPTE COUCHE-TARD INC., LES PÉTROLES CADRIN INC., LES PÉTROLES GLOBAL (QUÉBEC) INC./GLOBAL FUELS (QUEBEC) INC., LES PÉTROLES GLOBAL INC./GLOBAL FUELS INC., PHILIPPE GOSSELIN & ASSOCIÉS LIMITÉE, LE GROUPE PÉTROLIER OLCO INC., GUY ANGERS, CAROLE AUBUT, CLAUDE BÉDARD, RICHARD BÉDARD, FRANCE BENOÎT, CÉLINE BONIN, PIERRE BOURASSA, ANDRÉ BILODEAU, LUC COUTURIER, DANIEL DROUIN, MICHEL DUBREUIL, GISÈLE DURAND, LUC FORGET, STÉPHANE GRANT, DANIEL LEBLOND, JEAN-MICHEL LECLAIR, CAROL LEHOUX, RICHARD MICHAUD, ROBERT MURPHY, GARY NEIDERER, JACQUES OUELLET, CHRISTIAN PAYETTE,
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Intimés |
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J U G E M E N T sur requête amendée pour obtenir l'autorisation d'exercer un recours collectif et pour obtenir le statut de représentants |
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Contexte du recours
[1] Au lendemain de l’annonce par le Bureau de la concurrence du Canada de la mise à jour d’un cartel touchant les prix de l’essence dans les régions de Victoriaville, Thetford Mines, Sherbrooke et Magog, quatre demandes d’autorisation d’exercer un recours collectif touchant ce cartel ont été déposées au Québec.
[2] Les procureurs des deux premiers dossiers ont décidé d’unir leurs efforts pour mener à bien le présent dossier. La présente requête est la première à être entendue.
[3] Le 24 avril 2009, le Tribunal autorisait certains amendements à la requête pour autorisation, mais refusait d'étendre le territoire visé par le présent recours collectif à toute la province de Québec.
[4] À la suite de ce jugement, les requérants demandent au Tribunal d'autoriser l'exercice d'un recours collectif contre quarante-deux intimés, relativement à leur implication dans un cartel ayant pour but de fixer le prix de l'essence et du diesel à la pompe dans les marchés des régions de Victoriaville, Thetford Mines, Sherbrooke et Magog, et ce, en contravention avec les dispositions de la Loi sur la concurrence[1], du Code civil du Québec, de la Charte des droits et libertés de la personne[2] et de la Loi sur la protection du consommateur[3].
[5] Les requérants désirent exercer un recours solidaire et in solidum contre les intimés pour le compte du groupe suivant :
Toutes les personnes physiques ou morales de droit privé, sociétés ou associations, comptant en tout temps au cours de la période de 12 mois qui précède le 13 juin 2008 sous leur direction ou leur contrôle cinquante (50) employés ou moins liés à elle par un contrat de travail, qui ont acheté de l'essence et/ou du diesel à au moins une reprise entre le 1er janvier 2002 et le 12 juin 2008 dans les marchés des régions de Victoriaville, Thetford Mines et Sherbrooke/Magog;
[6] Les requérants désirent également exercer un recours collectif solidaire et in solidum pour le compte du sous-groupe suivant :
Toutes les personnes physiques, sauf un commerçant qui se procure un bien ou un service pour les fins de son commerce, qui ont acheté de l'essence et/ou du diesel à au moins une reprise entre le 1er janvier 2002 et le 12 juin 2008 dans les marchés des régions de Victoriaville, Thetford Mines et Sherbrooke/Magog;
[7] Les conclusions suivantes sont recherchées :
1. Une condamnation à payer aux membres du groupe la somme de 7 500 000 $;
2. Une condamnation à payer 500 $ à chacun des membres du groupe à titre de dommages et intérêts pour troubles, tracas et inconvénients;
3. Une condamnation à payer 1 000 $ à chacun des membres du groupe à titre de dommages exemplaires; et
4. Une condamnation à payer 250 000 $ à la requérante, Association pour la protection automobile, à titre de dommages exemplaires.
Audience sur la requête pour autorisation
[8] En début d’audience, le Tribunal a autorisé un désistement contre Sonerco et Shell Canada.
[9] Sonerco est une bannière appartenant à Pétroles Cadrin inc. Elle est une société de portefeuille qui n’opère pas de stations-services et ne vend pas d’essence.
[10] Le désistement a été autorisé envers la bannière Shell, étant donné qu’elle n’opère pas de station corporative dans les régions visées, qu’elle ne vend pas d’essence en consignation ni n’a d’employé ou de représentant sur le territoire visé et que l’étude des contrats démontre que Shell n’exerce aucun contrôle sur les prix dans ces marchés.
[11] Au moment de l'audience, les requérants ont indiqué au Tribunal en être arrivés à une entente avec deux des intimés, soit Gisèle Durand et Michel Dubreuil. Il a été convenu que la question de l'approbation de ce règlement soit reportée.
[12] Les parties ont convenu entre elles que le Tribunal ne devrait pas utiliser la pièce R-66 aux fins de la requête en autorisation et, en ce sens, une copie caviardée de cette requête a été déposée au Tribunal.
[13] Le Tribunal tiendra compte de l'entente intervenue entre les parties à cet égard.
[14] Les requérants ont également indiqué au Tribunal que la période visée devrait se terminer le 30 juin 2006 et qu’ils ne désirent plus inclure le diesel dans leur demande.
Contestation des intimés
[15] Les intimés contestent la demande d'autorisation de ce recours, alléguant qu'il s'agit du recours de la démesure.
[16] Ainsi, ils allèguent que la composition du groupe et du sous-groupe, telle que proposée par les requérants, est beaucoup trop large et que la requête contient des allégations qui vont à l'encontre des quelque cent quatre-vingts pièces déposées au soutien du recours.
[17] Ils soulignent aussi l'impossibilité de conclure à un seul cartel, juridiquement parlant, car il est évident que les tous les intimés n'ont pas fixé ensemble le prix dans les quatre marchés concernés. Cette méprise en droit engendrerait, pour le Tribunal, l'obligation de refuser l'autorisation d'exercer un recours collectif.
[18] Il plaident que l'existence d'un dommage aurait dû être démontrée pour chaque membre du groupe.
[19] Finalement, ils allèguent que le Tribunal n’a pas à refaire le travail des requérants ni à réécrire la description du groupe.
Enquête du Bureau de la concurrence
[20] Le Tribunal dispose d’une volumineuse documentation pour décider de la requête en autorisation. Au stade de l’autorisation, le Tribunal tient les faits pour avérés.
[21] Les agents du Bureau de la concurrence ont rencontré, le 22 juin 2004[4], monsieur Christian Goulet, propriétaire de la station-service Christian Moto Sport de Victoriaville. Ce dernier souhaitait vendre l’essence au prix qu’il voulait, sans recevoir de menaces.
[22] À la suite de cette révélation, les agents du Bureau de la concurrence ont visité certains détaillants de la région de Victoriaville, ce qui les a convaincus d'entreprendre une enquête sur la fixation des prix de l’essence à Victoriaville, pour, ultérieurement, étendre cette enquête au marché de Thetford Mines.
[23] Le 2 mars 2005, la Cour du Québec autorisait l’interception des communications téléphoniques. La période d'écoute électronique s'est échelonnée du 3 mars au 30 juin 2005 pour les marchés de Victoriaville et de Thetford Mines. Plus d'un millier de communications ayant trait à l'augmentation et à la diminution concertées des prix furent interceptées.
[24] L'écoute électronique et la surveillance visuelle ont démontré un système par lequel certains coordonnateurs s'assuraient de la participation de pratiquement toutes les stations-services à une augmentation ou diminution coordonnée des prix, à une heure déterminée.
[25] L'écoute électronique a permis de constater qu'entre le 4 mars et le 23 juin 2005, neuf augmentations coordonnées de prix ont eu lieu dans le marché de Victoriaville et cinq ont eu lieu dans celui de Thetford Mines. Il est arrivé que jusqu'à vingt-trois des vingt-quatre stations-services de Victoriaville participent à l'entente et vingt et une des vingt-trois stations-services de Thetford Mines ont fait de même.
[26] Une augmentation ou une diminution des prix en vigueur dans la ville de Québec servait généralement de signal à une augmentation ou une diminution dans les marchés de Victoriaville et de Thetford Mines[5].
[27] L’enquête s’est poursuivie dans la région de Sherbrooke qui comptait, durant la période pertinente, jusqu’à soixante-six stations-services.
[28] Le Bureau de la concurrence a découvert une façon de procéder similaire à celle en place à Victoriaville et Thetford Mines.
[29] Une période supplémentaire d’écoute électronique a eu lieu entre décembre 2005 et avril 2006 dans les marchés de Sherbrooke et Magog.
[30] Durant la même période, l'enquête du Bureau de la concurrence a démontré que cinquante-quatre des soixante-six stations-services dans le marché de Sherbrooke et quatorze des quatorze stations-services dans le marché de Magog auraient participé à l'infraction.
[31] Dans le marché de Sherbrooke[6], entre le 1er avril 2005 et le 18 avril 2006, il y a eu seize augmentations ou tentatives d'augmentations coordonnées du prix de vente de l'essence ordinaire.
[32] Dans le marché de Sherbrooke, l'augmentation ou la diminution de prix était sensible aux fluctuations de prix dans la ville de Montréal.
[33] Entre le 29 mai 2006 et le 9 juin 2006, quatre-vingt-huit mandats de perquisition ont été exécutés par les agents du Bureau dans des stations-services, sièges sociaux et résidences.
[34] S’en sont suivi plusieurs accusations portées en vertu de la Loi sur la concurrence.
[35] À la suite des perquisitions et dans le cadre du programme d’immunité du Bureau de la concurrence, des parties visées par l’enquête ont offert leur collaboration et fourni au Bureau des éléments de preuve additionnels, visant non seulement Victoriaville et Thetford Mines, mais aussi d’autres marchés.
[36] Voici comment s’exprime à cet égard le procureur du Directeur des poursuites, lors des représentations sur sentence[7] :
« En vertu du programme, la première corporation, le premier individu à se présenter et qui est prêt à collaborer avec le Bureau, peut recevoir une immunité de poursuite de la part du procureur général ou du Directeur des poursuites pénales. Et dans ce cas-ci, ça s’est avéré un fait. Et la compagnie Provigo et ses affiliés ont reçu cette immunité de poursuite provisoire en échange de sa collaboration dans le dossier.
Alors cette collaboration se poursuit toujours et suite à cette demande de Provigo, la compagnie Pétro-T qui est également ici aujourd’hui pour enregistrer un plaidoyer, a fait de même, elle s’est prévalue du programme d’immunité. Et par la suite, la compagnie Ultramar, qui plaide coupable devant vous, a fait la même chose et a fait une demande d’immunité pour certains marchés qui n’étaient pas couverts par les autres demandes d’immunité qui avaient été accordées précédemment à Provigo ou à Pétro-T. »
[37] Le programme d'immunité du Bureau de la concurrence prévoit que le premier qui se présente à la porte peut bénéficier d'une immunité totale de poursuites. Le deuxième peut bénéficier d'une immunité partielle et le troisième recevra aussi un traitement favorable, mais moins favorable que le deuxième et ainsi de suite[8].
[38] L'enquête du Bureau de la concurrence a duré près de deux ans. Dans le présent cas, Provigo s'est prévalu la première du programme d'immunité de poursuites. Dans un deuxième temps, Pétroles Therrien, et, dans un troisième temps, Ultramar.
[39] Des accusations ont été portées contre plusieurs des intimés. Au moment de l’audition de la demande d’autorisation, treize intimés avaient plaidé coupables aux accusations d’avoir comploté en vue de fixer le prix de l’essence, et ce, en contravention à la Loi sur la concurrence.
[40] Le tableau suivant résume la situation des intimés qui ont plaidé coupables.
Sociétés |
Marchés |
Bannières |
Amendes |
Périodes |
Les Pétroles Therrien Distribution Pétroles Therrien inc. |
Victoriaville Thetford Mines Sherbrooke |
Pétro-T Esso |
179 000 $ |
3 mars 2005 au 18 avril 2006 |
Ultramar ltée |
Victoriaville Thetford Mines |
Ultramar |
1 850 000 $ |
3 mars 2005 au 23 juin 2005 |
Philippe Gosselin et associés ltée |
Victoriaville Thetford Mines |
Shell |
600 000 $ |
3 mars 2005 au 23 juin 2005 |
Les Pétroles Cadrin inc. |
Victoriaville |
Sonerco Axco |
90 000 $ |
3 mars 2005 au 23 juin 2005 |
Individus |
Marchés |
Employeurs |
Amendes et peines |
Périodes |
Jacques Ouellet |
Victoriaville Thetford Mines |
Ultramar ltée |
50 000 $ |
3 mars 2005 au 23 juin 2005 |
Daniel Leblond |
Victoriaville |
Pétroles Global inc./Olco |
10 000 $ |
22 juin 2004 au 23 juin 2005 |
Pierre Bourassa |
Magog Sherbrooke |
Pétroles Global inc./Olco |
12 mois d’emprisonnement (dans la collectivité) |
1er avril 2005 au 29 mai 2006 |
Christian Payette |
Magog Sherbrooke |
Pétroles Global inc. |
5 000 $ 12 mois d’emprisonnement (dans la collectivité) |
1er avril 2005 au 29 mai 2006 |
Carol Lehoux |
Victoriaville Thetford Mines |
Philippe Gosselin et associés ltée |
10 mois d’emprisonnement (dans la collectivité) |
3 mars 2005 au 23 juin 2005 |
André Bilodeau |
Victoriaville Thetford Mines |
Philippe Gosselin et associés ltée |
10 mois d’emprisonnement (dans la collectivité) et 75 heures de travaux communautaires |
3 mars 2005 au 23 juin 2005 |
Jean-Yves Plourde |
Victoriaville |
Les Variétés Jean-Yves Plourde inc. |
150 heures de travaux communautaires |
3 mars 2005 au 23 juin 2005 |
Daniel Drouin |
Victoriaville |
Pétroles Cadrin inc. |
Absolution inconditionnelle et 10 000 $ œuvre de bienfaisance |
3 mars 2005 au 23 juin 2005 |
[41] Ainsi, le Tribunal a pu bénéficier des énoncés des admissions des accusés et des notes sténographiques des auditions tenues devant la cour criminelle.
ANALYSE
Composition du groupe :
[42]
Avant même d’examiner si les critères de l’article
[43] Le groupe, tel que le suggère la requête amendée, vise les marchés des régions de Victoriaville, Thetford Mines et Sherbrooke/Magog.
[44] Lors de l'audience, les requérants précisent la demande en suggérant que le territoire visé soit constitué d’un très grand territoire regroupant les MRC de La Haute-Yamaska, de Brome-Missisquoi, de Memphrémagog, de Coaticook, du Haut St-François, du Val St-François, d'Asbestos, du Granit, de Beauce-Sartigan, de l’Amiante, d'Arthabaska, de L’Érable et de Nicolet-Yamaska, alléguant que le cartel a directement ou indirectement produit des effets dans les villes et villages avoisinants les quatre municipalités concernées, territoire qui engloberait les municipalités de Victoriaville, Thetford Mines, Sherbrooke et Magog.
[45] Ils invoquent la théorie du parallélisme conscient, laquelle ferait en sorte que les augmentations de prix, faites de manière concertée par les intimés, entraîneraient aussi une augmentation de prix dans les autres stations-services.
[46] L’argument des intimés est fondamental : il y a impossibilité de conclure à un seul cartel juridiquement parlant, car il est évident que tous les intimés n'ont pas fixé ensemble le prix de l’essence dans les marchés des régions de Victoriaville, Thetford Mines et Sherbrooke/Magog. Cette méprise en droit engendrerait l'obligation de refuser l'autorisation d'exercer un recours collectif.
[47] Les questions ne seraient pas identiques dans les différents marchés. Le recours d'un membre du marché de Sherbrooke ne soulève pas les mêmes questions de fait que le recours d'un membre du marché de Victoriaville. Les acteurs sont différents, la période peut être différente et les dommages peuvent être différents.
[48] Les intimés plaident, avec raison, que l'essence d'un complot est une entente visant un objet particulier dans un marché identifié.
[49] Le point de départ de toute analyse en droit de la concurrence est la définition du marché pertinent[9].
[50] L'objet du complot doit être le même pour tous les conspirateurs impliqués qui agissent de concert pour atteindre un but commun[10].
« Le mot «conspirer» vient de deux mots latins «con» et «spirare» qui signifient «souffler ensemble». Conspirer c’est s’entendre. L’essence du complot criminel est la preuve de l’entente. Dans une accusation de complot, l’entente en soi est la substance de l’infraction: Paradis c. R., à la p. 168. L’actus reus est le fait de l’entente: D.P.P. v. Nock, à la p. 66. L’entente à laquelle parviennent les conspirateurs peut envisager plusieurs actes ou infractions. Le nombre de participants n’est pas limité. De nouvelles personnes peuvent se joindre au projet en cours alors que d’autres peuvent l’abandonner. Aussi longtemps qu’il existe un plan général ininterrompu, des changements peuvent intervenir quant aux méthodes, aux conspirateurs ou aux victimes, sans que le complot prenne fin. L’enquête importante ne porte pas sur les actes accomplis conformément à l’entente, mais plutôt sur la question de savoir s’il existe vraiment une entente commune dont les actes découlent et à laquelle participent tous les présumés responsables. Dans R. v. Meyrick and Ribuffi à la p. 102, il s’agissait de savoir si [TRADUCTION] «les actes des accusés visaient une fin criminelle qu’ils poursuivaient ensemble», et dans 11 Halsbury (4e éd.), à la p. 44, on lit:
[TRADUCTION] Il ne suffit pas que deux ou plusieurs personnes poursuivent le même objet illégal, en même temps ou au même endroit; il faut démontrer qu’il y a eu accord des volontés, un consensus visant une fin illégale.
La preuve doit établir, hors de tout doute raisonnable, que les conspirateurs présumés ont agi de concert pour atteindre un but commun. »
(les citations ont été omises)
[51] Dans l’affaire Reine c. Nova Scotia Pharmaceutical society[11], la Cour suprême a rappelé, en examinant l’ancien article 32, maintenant l’article 45, que l’étude du processus d’évaluation du caractère indu de la restriction de la concurrence comporte l’examen de deux éléments principaux.
[52] Premièrement, la structure du marché, et deuxièmement, le comportement des parties à l'accord. Mais d’abord et avant tout, il faut déterminer le marché pertinent, celui-ci s'entendant autant du territoire que du produit[12].
[53] Le juge Gonthier, j.c.a., poursuit en établissant que le but de l'examen de la structure du marché est de vérifier le degré de puissance commerciale des parties[13], dont la part du marché de chacun.
[54] Il est clair de l'enquête du Bureau de la concurrence que ce dernier a établi l'existence de quatre marchés distincts.
[55] Le procureur du Directeur des poursuites pénales, dans ses représentations sur sentence[14], indique que les experts du Bureau de la concurrence ont déterminé que les marchés géographiques sont des marchés locaux qui se limitent aux villes en question et que tous les marchés sont distincts les uns des autres.
[56] Les énoncés des admissions des personnes qui ont plaidé coupables font tous état que « la vente au détail de l'essence constitue un marché local, car il s'agit d'un bien qui est utilisé quotidiennement, qui fait l'objet de ravitaillement fréquent et qui ne peut être entreposé par les particuliers. »
[57] Chacun des marchés pertinents aux villes de Victoriaville et de Thetford Mines est bien défini par ses stations-services. Toutes autres stations, à l'extérieur des limites de ces villes, sont situées suffisamment loin et suffisamment difficiles d'accès pour ne pas représenter une source de concurrence[15].
[58] D'ailleurs, on constate que mises à part certaines personnes impliquées au début de la chaîne, plusieurs détaillants sont complètement absents de certaines villes.
[59]
En l'occurrence, une infraction à l'article
[60]
Dans ces circonstances, le recours civil, basé sur l'article
[61] Les faits allégués et les documents déposés ne soutiennent donc pas la théorie des requérants selon laquelle il y aurait eu une entente entre tous les intimés, afin de fixer le prix de chaque litre d'essence dans le territoire qu’ils décrivent, et ce, pendant une période de quatre à six ans.
[62] Les requérants n’ont démontré aucune possibilité concrète que le Tribunal retienne un seul grand territoire comme étant le marché concerné par les pratiques décrites.
[63] Le Tribunal doit disposer de cette question immédiatement, car il est acquis que la définition d’un groupe ne peut s’appuyer sur un critère qui dépend de l'issue du recours collectif au mérite.
[64] Dans une affaire touchant un recours collectif dans la province de l'Alberta, au moment où celle-ci n'avait pas encore adopté une législation encadrant l'exercice d'un recours collectif, l'affaire Western Canadian Shopping Centres inc. c. Dutton[16], la Cour suprême s’est penchée sur la nécessité que le groupe soit bien défini, basé sur des critères objectifs et explicites, permettant aux éventuels membres de savoir si oui ou non, ils font partie du groupe.
« 38 Bien qu’il existe des différences entre les critères, il se dégage quatre conditions nécessaires au recours collectif. Premièrement, le groupe doit pouvoir être clairement défini. La définition du groupe est essentielle parce qu’elle précise qui a droit aux avis, qui a droit à la réparation (si une réparation est accordée), et qui est lié par le jugement. Il est donc primordial que le groupe puisse être clairement défini au début du litige. La définition devrait énoncer des critères objectifs permettant d’identifier les membres du groupe. Les critères devraient avoir un rapport rationnel avec les revendications communes à tous les membres du groupe mais ne devraient pas dépendre de l’issue du litige. Il n’est pas nécessaire que tous les membres du groupe soient nommés ou connus. Il est toutefois nécessaire que l’appartenance d’une personne au groupe puisse être déterminée sur des critères explicites et objectifs : voir Branch, op. cit., par. 4.190-4.207; Friedenthal, Kane et Miller, Civil Procedure (2e éd. 1993), p. 726-727; Bywater c. Toronto Transit Commission (1998), 27 C.P.C. (4th) 172 (C. Ont. (Div. gén.)), par. 10-11. »
[65] Quelques mois plus tard, dans l'affaire Hollick c. Ville de Toronto[17], la Cour suprême réitère l'importance de pouvoir déterminer si une personne est membre du groupe, sans attendre l’issue du litige. Le groupe doit être clairement circonscrit, par opposition à un groupe qui n'aurait pas de limite. Le groupe doit être identifiable en recourant à des critères objectifs.
[66] Toujours dans cette affaire, la Cour suprême établit qu'il incombe aux représentants proposés d'établir que le groupe est défini de manière suffisamment étroite par opposition à un groupe inutilement large.
[67] Dans l'affaire Paquin c. Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique[18], la Cour d'appel retient que la définition du groupe ne doit pas être circulaire, imprécise ou subjective.
[68] Dans l'affaire Georges c. Le Procureur général du Québec et autres[19], la Cour d'appel résume bien les enseignements de la Cour suprême dans Dutton et Hollick et confirme l'intégration du recours collectif en droit québécois, en créant une liste de quatre critères susceptibles d'orienter les tribunaux lorsqu'ils analysent la définition d'un groupe.
« [40] De ces arrêts se dégagent les enseignements applicables à la définition du groupe dans le cadre d’une demande d’autorisation pour exercer un recours collectif :
1. La définition du groupe doit être fondée sur des critères objectifs;
2. Les critères doivent s’appuyer sur un fondement rationnel;
3. La définition du groupe ne doit être ni circulaire ni imprécise;
4. La définition du groupe ne doit pas s’appuyer sur un ou des critères qui dépendent de l’issue du recours collectif au fond. »
[69] De ces arrêts se dégage un enseignement clair, applicable à la définition du groupe.
[70] Dès l’autorisation, une personne doit savoir si elle est membre du groupe ou non. L'endroit où elle a acheté de l'essence et la période où elle l'a achetée doivent être précisées dans la détermination du groupe, quitte à modifier le groupe ultérieurement, si nécessaire.
[71] Les marchés de l'essence ne sont pas connus du commun des mortels. C'est certainement pour cette raison que les procureurs des requérants ont jugé important d'établir des limites territoriales qui, soit dit en passant, excèdent de beaucoup les territoires des quatre municipalités concernées.
[72] Tel que proposé, le recours collectif ne remplit pas les critères de l’article 1003 a) et b) et, en conséquence, il ne saurait être autorisé.
[73] La question devient donc de savoir si le Tribunal peut et doit remodeler le groupe proposé.
Pouvoir de remodeler la
description du groupe (article
[74] Dans Lallier c. Volkswagen Canada[20], la Cour d'appel a mis en garde les requérants lorsqu’ils définissent un groupe de façon trop large, en leur indiquant qu’il leur appartient, au premier chef, de proposer une description adéquate du groupe :
« [18] Pendant longtemps, la jurisprudence a
insisté sur le pouvoir du juge d’autorisation de modifier la composition du
groupe proposé par le requérant en recours collectif. Sans minimiser
l’importance de ce pouvoir, je note que cette insistance a pu avoir l’effet
pervers d’inciter certains requérants à proposer des définitions fort larges.
Se fiant sur cette faculté du juge de remodeler le groupe dans des proportions
logiques et raisonnables, ces requérants sous-estiment le risque qu’ils
encourent de voir leur requête rejetée pour défaut de conformité avec
l’exigence du paragraphe a) de l’article
[…]
[22] Dans cette même veine, on conçoit aisément que plus le juge aura à s’éloigner de la définition proposée dans la requête, moins il lui sera facile de choisir l’option du remodelage par opposition à celle du rejet. »
[75] Dans une affaire récente, Contat c. General Motors du Canada ltée[21], la Cour d'appel réitère le principe qu'avait adopté le juge Pelletier, j.c.a., dans l'affaire Citoyens pour une qualité de vie[22], selon lequel il appartient aux requérants d'identifier un groupe qui colle à la réalité et à l'ampleur du problème à l'origine du litige.
« [107] Il y a ici confusion des genres dans la mesure où le postulat dont il s’agit n’existe pas. Certes, la description du groupe visé doit figurer au jugement d’autorisation. Cette exigence est liée au contenu de l’avis qui devra être publié. Cela ne signifie pas pour autant qu’il incombe au juge de créer cette description. C’est plutôt au requérant que revient le devoir d’identifier un groupe qui colle à la réalité et à l’ampleur du problème à l’origine du litige. Le juge, quant à lui, possède le pouvoir de remodeler la description, mais seulement s’il le juge approprié. »
[76] Donc, le juge possède le pouvoir de remodeler la description, mais seulement s'il le juge approprié.
[77] Dans le présent cas, le Tribunal est fort réticent à rejeter le recours simplement parce que le groupe proposé est trop large.
[78] Notons d’abord qu’il n’est pas difficile de scinder le groupe proposé en quatre groupes et de dire que le territoire visé est celui de chacune des municipalités concernées. Toute la documentation soumise établit que c’est de cette manière que les experts du Bureau de la concurrence ont envisagé les marchés.
[79] Par ailleurs, les fins de la justice ne seraient pas bien servies si le Tribunal rejetait le présent recours parce que le groupe est trop large. Établissons que jusqu'à maintenant, le recours a fait l’objet de cinq conférences de gestion et de neuf jours d’audience impliquant, certains jours, la présence de trente-sept avocats.
[80] Les coûts reliés à la gestion du présent dossier et la somme des énergies investies par tous incitent le Tribunal à remodeler le groupe en le scindant en quatre groupes correspondant aux territoires des quatre municipalités visées, tout en ajoutant que la composition du groupe pourra être modifiée à nouveau, si jamais la preuve le justifie.
[81]
L’analyse des critères de l’article
Les critères spécifiques
[82]
L'article
1003. Le tribunal autorise l'exercice du recours collectif et attribue le statut de représentant au membre qu'il désigne s'il est d'avis que:
a) les recours des membres soulèvent des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes;
b) les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées;
c) la composition du groupe rend difficile ou peu pratique l'application des articles 59 ou 67; et que
d) le membre auquel il entend attribuer le statut de représentant est en mesure d'assurer une représentation adéquate des membres.
Premier critère : L’article 1003 a) : Le recours des membres soulève-t-il des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes?
[83] Dans l'affaire Western Canadian Shopping Centres inc. c. Dutton[23], la Cour suprême s’est penchée sur la question de ce qui constitue ou non des questions de fait ou de droit communes à tous les membres.
[84] De façon schématisée, nous devons retenir de cette affaire ce qui suit :
a. il faut examiner l’objet du recours et évaluer si, en fonction de cet objet, le recours collectif permettra d’éviter une multitude de recours portant sur l’analyse des mêmes faits ou sur la même analyse juridique;
b. une question est commune lorsque sa résolution est nécessaire pour résoudre la demande de chaque membre du groupe;
c. il n’est pas essentiel que chaque membre soit dans une situation identique;
d. il n’est pas nécessaire non plus que les questions communes prédominent sur les questions non communes ni que leur résolution règle les demandes de chaque membre du groupe;
e. les demandes des membres du groupe doivent partager un élément commun important afin de justifier le recours collectif;
f. il faut soupeser l’importance des questions communes par rapport aux questions individuelles;
g. il ne faut pas exiger du représentant qu’il soit dans la même situation que chacun des membres du groupe, comme c’est le cas dans une poursuite individuelle;
h. le succès d’un membre du groupe signifie nécessairement le succès de tous, quoique pas nécessairement dans la même mesure;
i. le recours collectif ne doit pas être autorisé quand des membres du groupe sont en conflit d’intérêts.
[85] Dans leur requête amendée, les requérants identifient comme suit les principales questions de fait et de droit pour lesquelles ils demandent un traitement collectif :
1. Les intimés sont-ils parties à un complot, une coalition ou à la conclusion d'un accord ou d'un arrangement ayant pour effet de ou visant à fixer le prix du carburant dans la région visée, durant la période visée?
2. Les intimés ont-ils commis une ou des fautes génératrices de responsabilités?
3. Les agissements reprochés aux intimés ont-ils causé des dommages aux membres du groupe?
4.
Les intimés sont-ils responsables des dommages
subis par les membres du groupe en vertu de l'article
5. Les intimés sont-ils responsables des dommages subis par les membres du groupe en vertu du C.c.Q.?
6.
Les intimés ont-ils porté atteinte
intentionnellement aux droits protégés par l'article
7. Les intimés sont-ils passibles de dommages punitifs ou exemplaires et, si oui, quel est le montant de ces dommages?
8. Les intimés sont-ils solidairement responsables envers les corequérants et les membres du groupe pour les dommages subis par ces derniers?
[86] À cela, il faut ajouter la question relative à la création d’un groupe consommateur dont nous traiterons plus loin.
[87] Les intimés contestent vivement que les recours des membres soulèvent des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes. Ils estiment que dans le présent cas, il y a surabondance de questions individuelles.
[88] Premièrement, ils soulèvent que le complot aurait eu lieu de façon épisodique et que les participants à ce complot ne seraient pas toujours les mêmes au moment des différents épisodes. Ainsi, chacun des épisodes constituerait une cause d’action.
[89] À cet égard, le Tribunal estime que c’est la preuve lors du procès qui démontrera ou non l’existence d’épisodes. La preuve révélera si, dans les faits, entre les journées précises où il y a eu augmentation ou diminution concertées, il y a eu un ou des épisodes où la concurrence jouait son rôle. Ce n’est qu’après avoir entendu toute la preuve qu'il pourra être décidé de cette question.
[90] Par ailleurs, les requérants ont soumis un cas en jurisprudence[24] où la question de la défense de conspiration épisodique n’a pas été retenue. Toute cette question en est une qui peut faire l’objet du débat au mérite.
[91] Deuxièmement, les intimés allèguent qu’il est impossible, sans une analyse individuelle de chaque achat d'essence, de déterminer si l'un ou l'autre des membres du groupe proposé a pu subir un dommage en raison des faits allégués.
[92] Les intimés allèguent que le Tribunal devrait examiner des centaines de transactions, une à une.
[93] Ainsi, les intimés allèguent que pour évaluer l'existence du préjudice, le Tribunal devrait examiner une foule de variables, dont les éléments suivants :
a) la date de l'achat du produit;
b) l'heure de l'achat du produit;
c) la station-service où l'achat a été fait;
d) l'identification géographique du marché;
e) l'appartenance de la station-service en question à ce marché, à ce moment précis;
f) le type de produit acheté;
g) la durée de l'effet d'un épisode de fixation sur le prix affiché par rapport au prix qui aurait normalement dû être payé dans un marché où règne la libre concurrence;
h) la détermination de ce prix de référence pour le même marché n'eut été de l'épisode;
i) la participation ou non, en ce jour et lieu, par cette station-service à une hausse concertée du prix du carburant visé;
j) l'identification des autres stations-services participant à cet épisode;
k) L'entente en vue de fixer le prix a-t-elle eu pour effet d'augmenter le prix du carburant?
l) Dans le contexte d'un achat précis, le membre du groupe avait-il le statut de consommateur ou de commerçant au sens de la L.P.C.?
m) Est-ce que la facture relative à l'achat de produit a, par ailleurs, été remboursée par un tiers, notamment un employeur non membre du groupe?
n) La hausse en question aurait-elle pu découler d'une manifestation du phénomène du parallélisme conscient?
[94] Les intimés allèguent donc que l'ensemble des variables ci-haut mentionnées ne peut être traité qu'individuellement pour chacun des membres du groupe, mais également pour chacun des achats effectués par ceux-ci, multipliant ainsi de façon exponentielle, voire infinie, le nombre de miniprocès auxquels l'autorisation du recours collectif pourrait donner lieu.
[95]
Une telle perspective serait incompatible avec l'impératif d'économie
des ressources judiciaires qui sous-tend l'institution du recours collectif au
Québec et avec le principe de la proportionnalité de l'article
[96] La question soulevée par les intimés est d'importance.
[97] En fait, la question remet en cause l'ouverture à la procédure qu’est le recours collectif dans des cas où les consommateurs[25] sont floués par l'institution d'un complot relatif à un bien de consommation quotidienne, telle l'essence. Pour les intimés, le recours collectif n’est pas la procédure appropriée.
[98] Les intimés invitent le Tribunal à bien différencier la démonstration de l'existence d'un dommage par rapport à l'établissement du quantum de ce dommage, lequel peut être déterminé à une étape ultérieure.
[99] Ainsi, dans une situation où il est impossible de déterminer si chacun des membres du groupe a effectivement subi un dommage, il y aurait absence de question commune quant aux dommages et le recours ne devrait pas être autorisé[26].
[100] Soulignons immédiatement que nous ne sommes pas en présence d’un dossier de fixation de prix dont les membres seraient des acheteurs indirects. En Ontario, cette question a été l’objet de plusieurs jugements comme le démontre l’analyse de madame la juge Helen A. Rady dans une affaire récente[27]. D'ailleurs, le même débat a eu lieu en Colombie-Britannique et la Cour d'appel de Colombie-Britannique vient d'autoriser le recours collectif contre Infineon Technologies AG[28].
[101] Notre dossier concerne un produit unique, vendu directement à la pompe, et aucune demande ne vise un produit dérivé, comme c’était le cas dans le dossier du peroxyde d’hydrogène ou dans le dossier du DRAM, où des acheteurs directs et indirects étaient membres. Nous sommes en présence d’acheteurs directs seulement d’un produit qui ne constitue pas une composante d’un autre produit.
[102] Au Québec, quelques jugements ont été rendus dans des dossiers contestés à la suite d'une demande d’autorisation d’exercer un recours collectif en cas de complot visant à fixer les prix.
[103] Quelques jugements ont autorisé les recours aux fins d’entériner des règlements intervenus entre les parties[29].
[104] Dans l’affaire Labranche, on demandait l’autorisation d’exercer un recours collectif au nom « de tous les consommateurs résidents du Québec qui avaient acheté du carburant au Québec à partir de 1958 ». Dans un jugement rendu en 1982, la Cour a accueilli une requête en irrecevabilité, car les faits allégués à l’affidavit et à la requête étaient insuffisants, ne répondant pas aux exigences du Code de procédure civile[30].
[105] Dans l'affaire Savoie[31], la Cour supérieure a autorisé l'exercice d'un recours collectif contre les pétrolières, lesquelles se seraient concertées, afin d'augmenter le prix des produits pétroliers de façon illégale.
[106] Dans cette affaire, la question de la démonstration de l'existence d'un dommage a également été soulevée. L'honorable Jacques Léger, j.c.s., a déterminé qu'il appartiendra au juge au mérite d'opter pour la liquidation des réclamations individuelles plutôt qu'une mesure réparatrice globale.
[107] Au Québec, dans l’affaire Infineon Technologies AG[32], la Cour supérieure a déclaré ne pas avoir compétence pour entendre le recours collectif et a soulevé le défaut d’apparence de droit, étant donné que le complot est survenu aux États-Unis et non au Canada. L'affaire est présentement devant la Cour d'appel du Québec.
[108] L'affaire Harmegnies c. Toyota[33] constitue certainement un arrêt de principe sur la nécessité, au stade de l'autorisation, de démontrer l'existence d'une perte ou d'un dommage commun à chacun des membres du groupe.
[109] Rappelons
les faits de cette affaire qui constituait également une demande d'autorisation
d'exercer un recours collectif basé aussi sur l'article
[110] Dans cette affaire, Harmegnies demandait l'autorisation d'exercer un recours collectif contre Toyota Canada et trente-huit concessionnaires de la région de Montréal. En effet, Toyota avait décidé de modifier son système traditionnel de vente pour certaines de ses automobiles dans la grande région de Montréal et avait mis sur pied un programme intitulé Accès Toyota, lequel avait pour objectif de rationaliser les prix en les uniformisant, afin d'éviter aux consommateurs le marchandage classique d'un concessionnaire à l'autre.
[111] Une fois par mois, les concessionnaires soumettaient à Toyota Canada un prix pour chacun des modèles du programme. Toyota établissait alors un prix moyen pondéré pour fixer le prix de vente de ces modèles et elle escomptait ce prix par rapport au prix de détail du fabricant.
[112] Le requérant se plaignait qu’il avait subi un préjudice d’abord parce qu’il avait été privé de négocier librement le prix de l'automobile qu’il avait achetée et, ensuite, parce qu’il avait payé un prix plus élevé pour son automobile.
[113] Lors de sa demande d'autorisation, il apparaît que le requérant n'avait pas été en mesure d'apporter la preuve que cette pratique avait eu comme conséquence de lui faire subir une perte.
[114] La juge de première instance avait alors conclu que si l'autorisation était accueillie, elle aurait à examiner et à soupeser, cas par cas, l'habilité de chacun à négocier ou son absence d'intérêt ou d'aptitude à se prêter à un tel exercice[34].
[115] La Cour d'appel a estimé que l'appelant faisait face à une grande difficulté de démontrer qu'il existe pour certains membres du groupe un préjudice collectif. Elle retenait que le préjudice subi par certains membres du groupe était susceptible de variations individuelles considérables et d'éléments subjectifs impondérables. Elle retenait qu'il était difficile de chiffrer le dommage résultant de la privation de la possibilité de négocier.
[116] Par ailleurs, la valeur exacte de chaque véhicule acheté ou loué dépendait d'éléments essentiellement individuels comme l'inclusion dans le prix de certains accessoires ou avantages additionnels, etc.
[117] Constatons qu’il y a des différences majeures entre l’affaire Toyota et la présente affaire.
[118] D’abord, au Québec, l’essence se vend au litre dans des stations-services que l’on retrouve généralement partout. Le consommateur se rend à la station-service, fait le plein et paie le prix au litre indiqué à la pompe. Aucune négociation n'intervient et le seul choix du consommateur est d’acheter son essence dans une autre station-service s’il estime que le prix affiché par l’une d’elles est trop élevé.
[119] Dans l’achat d’un litre d’essence, il n’y a aucun facteur individuel relié à l’acheteur. Ce dernier est captif des prix affichés.
[120] Le deuxième facteur qui distingue notre dossier de l’affaire Toyota, c’est l’homogénéité du produit. Contrairement à l’achat d’une automobile qui comprend ou non certaines options, le litre d’essence est un produit homogène : un litre d’essence est exactement le même produit d’une station-service à l’autre.
[121] Le fait qu’il n’y a aucune négociation possible et le fait que nous avons un produit homogène suffisent pour dire que l’affaire Toyota est de peu d’utilité pour analyser le présent dossier.
[122] Maintenant, parlons dommages.
[123] Les arguments avancés par les intimés ne tiennent pas compte de la spécificité du recours collectif. Leurs arguments visent la possibilité d’un recouvrement individuel seulement.
[124] Le recours collectif a ceci de particulier qu’il permet un recouvrement collectif si la preuve permet d’établir d’une façon suffisamment exacte le montant total des réclamations des membres, même si l’identité de chacun des membres n’est pas connue ou que le montant exact de leur réclamation n’est pas établi[35].
[125] Dans ce cas, le Tribunal établit le montant global de dommages dû par le débiteur.
[126] Dans un article traitant de la question de l’octroi des dommages[36], Me Donald Bisson fait d’ailleurs état de la discrétion accordée au juge du mérite dans l’évaluation du préjudice, à l’aide de moyennes[37], statistiques ou pondérations.
[127] Il faut aussi souligner le pouvoir du juge du mérite d’ordonner l’exécution d’une mesure réparatrice s’il le juge approprié[38].
[128] À cet égard, il faut souligner l’inventivité démontrée par certains jugements[39].
[129] Dans le présent cas, les requérants réclament un recouvrement collectif de 7,5 millions de dollars.
[130] Ils allèguent être en mesure de faire la preuve, par litre d’essence vendu, du dommage subi par les consommateurs.
[131] Le nombre de litres d’essence vendu par périodes, par marchés et par détaillants semble une donnée connue.
[132] Les requérants estiment être en mesure de démontrer la perte subie pour chaque litre vendu, cette perte étant la différence entre le prix convenu par les participants au cartel et le prix du marché, soit le prix par litre que le consommateur aurait dû payer dans un marché libre.
[133] Ainsi et par exemple, si un litre d’essence dans un marché donné a été vendu un sou au-dessus du prix du marché à la suite d'une entente entre les détaillants, la perte du consommateur sera d’un sou par litre acheté.
[134] Suivant la logique des requérants, il serait relativement aisé d’établir une perte globale dont le recouvrement serait approprié.
[135] Cette approche a été retenue dans les affaires Irving Paper[40] et Pro-Sys Consultants ltd c. Infineon Technologies AG[41]. Les jugements rendus en Ontario et en Colombie-Britannique ont établi qu'il n'est pas essentiel de démontrer une perte individuelle, mais que la démonstration d'une perte collective par une méthode crédible d'établissement des dommages est acceptable.
[136] Étant
donné les articles
[137] Dans l'appréciation du premier critère, il vaut mieux appliquer une méthode pratique permettant d'apprécier globalement les dommages, par un recouvrement collectif lorsque cette évaluation est possible, plutôt que de se retrancher derrière la difficulté d'évaluer les pertes individuelles.
[138] Il s'agit en quelque sorte de tenir compte d'une autre façon d'octroyer réparation.
[139] Il est vrai que dans plusieurs jugements[42], l’on constate que le montant du recouvrement collectif a été établi en effectuant une règle de trois. On estime d’abord un nombre de membres et l'on évalue un dommage pour chacun d’eux. Finalement, on multiplie le nombre potentiel de membres par le montant du dommage individuel pour arriver à un montant total.
[140] Par exemple, dans le cas du recours touchant les victimes d’une grève illégale du transport en commun[43], on a évalué que potentiellement, il pouvait y avoir 50 000 usagers touchés par la grève illégale, donc membres du groupe. Considérant que chacune avait droit à un dommage de vingt dollars, on condamne la défenderesse à verser un million de dollars, précisant que le recouvrement collectif est approprié.
[141] Le Tribunal est donc d'avis que les requérants n'ont pas à démontrer l'existence d'une perte individuelle affectant chacun des membres du groupe.
[142] Décider autrement ne tiendrait pas compte de la spécificité du recours collectif et de ses objectifs, lesquels sont d'offrir un accès plus large à la justice, d'économiser les ressources judiciaires et d'inciter les contrevenants à modifier des comportements illégaux.
[143] Bien que ce dernier objectif a souvent été relié au critère de la « preferable procedure » que l'on retrouve dans les juridiction de common law, le Tribunal est d'avis qu'il s'agit aussi d'un objectif de la loi québécoise.
[144] En résumé, la question de déterminer s’il y a eu complot entre les intimés afin de fixer le prix de l’essence dans un marché donné et sur une période donnée est une question commune à tous les membres de chacun des quatre groupes.
[145] L’existence du dommage est aussi une question commune.
L’application de l’article 1003 a) au sous-groupe consommateur
[146] Les requérants soumettent que la question de fait et de droit identique, similaire ou connexe reliant chacun des membres du groupe consommateur aux intimés serait la suivante :
Les intimés sont-ils responsables des dommages subis par les membres du
groupe consommateur en vertu de l'article
[147] Soulignons qu’en vertu de la L.P.C., un consommateur est une personne physique, sauf un commerçant qui se procure un bien ou un service aux fins de son commerce[44].
[148] Le recours des membres consommateurs au sens de la Loi sur la protection du consommateur serait différent de celui des membres qui ne sont pas des consommateurs au sens de la loi, car le dédommagement serait différent.
[149] Les requérants espèrent pouvoir réclamer des dommages exemplaires en vertu de la Loi sur la protection du consommateur.
[150] Les requérants n’ont toutefois pas démontré être en mesure de déterminer le volume d’essence acheté par les consommateurs par rapport au volume d’essence acheté par des commerçants. Ils n’ont pas démontré non plus être en mesure de différencier les membres des deux groupes, pas plus qu’ils n’ont démontré comment il serait possible de différencier les personnes qui achètent de l’essence en partie pour leur travail et en partie pour leurs besoins personnels.
[151] La création de ce sous-groupe compliquerait singulièrement les choses et il est vrai qu’une multitude de miniprocès devrait s’ensuivre, ce qui rend pratiquement impossible de compenser uniquement les consommateurs au sens de la Loi sur la protection du consommateur.
[152] À
cet égard, l’argument des intimés est bien fondé et la création de ce sous-groupe
ne sera pas autorisé, car il ne rencontre pas le critère prévu au premier
alinéa de l’article
Deuxième critère :
A) La base juridique du recours ou le syllogisme juridique
[153] Le
recours que désirent intenter les requérants est basé à la fois sur l’article
[154] L’article
[155] Ce recours vise toute personne qui aurait contrevenu à l'article 45 (1) de la loi, et ce, qu'elle ait été reconnue coupable ou non de l’infraction.
[156] L'article 36, paragraphe 2, crée une présomption selon laquelle un plaidoyer ou une déclaration de culpabilité constitue la preuve qu’une personne a eu un comportement allant à l'encontre de l'article 45 de la loi.
[157] L'article 45 (1) de la loi établit que quiconque conclut un accord ou un arrangement avec une autre personne pour empêcher ou réduire la concurrence dans la vente d'un bien ou de toutes autres façons pour restreindre indûment la concurrence ou lui causer un préjudice indu commet un acte criminel :
45. (1) Commet un acte criminel et encourt un emprisonnement maximal de cinq ans et une amende maximale de dix millions de dollars, ou l’une de ces peines, quiconque complote, se coalise ou conclut un accord ou arrangement avec une autre personne :
a) soit pour limiter, indûment, les facilités de transport, de production, de fabrication, de fourniture, d’emmagasinage ou de négoce d’un produit quelconque;
b) soit pour empêcher, limiter ou réduire, indûment, la fabrication ou production d’un produit ou pour en élever déraisonnablement le prix;
c) soit pour empêcher ou réduire, indûment, la concurrence dans la production, la fabrication, l’achat, le troc, la vente, l’entreposage, la location, le transport ou la fourniture d’un produit, ou dans le prix d’assurances sur les personnes ou les biens;
d) soit, de tout autre façon, pour restreindre, indûment, la concurrence ou lui causer un préjudice indu.
[158] La question devient donc de savoir si les faits allégués paraissent justifier le recours proposé. Le Tribunal doit donc examiner l’apparence de droit quant à la participation au complot (la faute) et quant à l’existence de dommages, les dommages devant découler de la faute.
B) Apparence quant à la participation au complot
[159] Le Tribunal doit examiner l'apparence de droit relativement à chacun des quarante intimés à la présente requête.
[160] La requête doit démontrer, eu égard à chacun d’eux, une apparence quant à leur implication dans les gestes posés, soit personnellement, soit par l’entremise de l’un de leurs employés.
[161] Notons que l'on peut diviser les intimés en trois groupes distincts.
[162] Un
premier groupe est constitué des intimés ayant plaidé coupables aux infractions
relatives à l'article
[163] Le Tribunal est d'avis que quant aux intimés qui ont plaidé coupables, l'apparence de droit relative à la participation au complot est bien établie.
[164] Douze intimés font partie de cette catégorie :
1. Les Pétroles Therrien inc.
2. Distributions Pétrolières Therrien inc.
3. Ultramar ltée
4. Les Pétroles Cadrin inc.
5. Philippe Gosselin & associés ltée
6. Pierre Bourassa
7. André Bilodeau
8. Daniel Leblond
9. Carol Lehoux
10. Christian Payette
11. Daniel Drouin
12. Jacques Ouellet
[165] La deuxième catégorie d'intimés est celle dont la documentation, dont l'énoncé des admissions des intimés ayant plaidé coupables, démontre qu'ils auraient participé au complot. Tenant les faits et documents pour avérés, le Tribunal est d'avis que le fardeau de démonstration relativement à ces dix-neuf intimés est également rempli.
1. Alimentation Couche-Tard inc. et Dépan-Escompte Couche-Tard inc.
2. Les Pétroles Global inc. et Les Pétroles Global (Québec) inc.
3. Provigo Distribution inc.
4. Guy Angers
5. Carole Aubut
6. Claude Bédard
7. Richard Bédard
8. France Benoît
9. Céline Bonin
10. Luc Couturier
11. Michel Dubreuil
12. Gisèle Durand
13. Luc Forget
14. Stéphane Grant
15. Richard Michaud
16. Robert Murphy
17. Gary Neiderer
[166] Finalement, le troisième groupe des intimés (9) est composé de ceux ayant fait l'objet d'une perquisition ou, selon les allégations de la requête, détenant un contrôle sur les prix. Pour l'essentiel, plusieurs de ces intimés sont des compagnies détenant une bannière. Nous les reprendrons un à un.
Pétro-Canada
[167] Les allégations de la requête envers Pétro-Canada[45] sont que celle-ci opérait directement ou indirectement des stations-services et qu'elle exerçait un contrôle sur le prix du carburant des stations-services affichant la bannière Pétro-Canada.
[168] Or, les allégations selon lesquelles les bannières déterminent le prix de l'essence sont contredites spécifiquement par les documents. Les représentations faites devant les tribunaux et l'enquête du Bureau de la concurrence expliquent que les bannières, dont Pétro-Canada, n'auraient pas participé aux infractions[46].
[169] Rien dans la volumineuse preuve documentaire que les requérants déposent au soutien de leur requête ne démontre une implication de Pétro-Canada ou de l’un de ses employés dans le cartel. Le recours ne sera pas autorisé envers cette dernière.
Pétrolière Impériale et Compagnie Pétrolière Impériale ltée
[170] Les allégations envers Pétrolière Impériale sont qu’elle est engagée dans le raffinage et la mise en marché de produits pétroliers, qu'elle opère directement ou indirectement des stations-services et qu'elle exerce un contrôle sur le prix du carburant des stations-services affichant la bannière Esso.
[171] Précisons que l’enquête du Bureau de la concurrence a visé uniquement le contrôle sur les prix de vente au détail dans les stations-services. Il n’y est aucunement question de fixation du prix de vente chez les raffineurs ou les distributeurs en gros.
[172] Il est toutefois précisé qu’Esso est l'une des bannières affichées par Alimentation Couche-Tard, Dépan-Escompte Couche-Tard, Pétroles Therrien, Distribution Pétroles Therrien et Pétroles Global.
[173] Constatons, tout comme nous l'avons fait dans le cas de Pétro-Canada, que le Bureau de la concurrence mentionne que les bannières ne contrôlent pas les prix. Il semble que cela ait été le cas à tout le moins chez Couche-Tard et Dépan-Escompte Couche-Tard qui contrôlaient les prix elles-mêmes.
[174] Cette affirmation du Bureau de la concurrence est faite après une longue enquête, des perquisitions et de l'écoute électronique.
[175] Pétrolière Impériale a demandé et obtenu l’autorisation de produire les contrats la liant aux stations-services qui affichent la bannière Esso.
[176] Pétrolière Impériale dépose trois types de conventions.
[177] D’abord, les conventions de distributeur de marque au détail intervenues avec Alimentation Couche-Tard, Distributions Pétroles Therrien et Olco/Global mises en place entre le 1er mai 2004 et le 1er juin 2005.
[178] Avant que ces entreprises ne distribuent les produits pétroliers Esso, les détaillants indépendants affichant la bannière Esso s’approvisionnaient directement chez Pétrolière Impériale. L’essence leur appartenant, ils déterminaient eux-mêmes le prix de vente.
[179] À compter de l’automne 2004 et à des moments différents, Couche-Tard, Distributions Pétroles Therrien et Olco/Global ont pris charge de l’approvisionnement et de la gestion des ententes contractuelles pour tous les détaillants indépendants, à l’exception de Christian Moto Sport inc.
[180] Exceptionnellement, Olco Ste-Catherine a affiché la bannière Esso à compter de décembre 2005. Il apparaît cependant que les prix déterminés à cet endroit l’étaient par Olco/Global.
[181] Que ce soit avant ou après que Pétrolière Impériale ait délégué la distribution de ses produits pétroliers aux distributeurs, rien n’indique une implication de celle-ci ou de l’un de ses employés relativement à un complot visant la fixation du prix de vente de l’essence chez les détaillants indépendants.
[182] Deuxièmement, il y avait en place des conventions d'associés commerciaux, où là, l'essence appartient toujours à Pétrolière Impériale et où les associés commerciaux reçoivent des redevances à la suite de la vente d'essence.
[183] Trois stations-services font partie de cette catégorie dans les marchés de Sherbrooke et Magog.
[184] Jean-Guy Léveillé Libre-Service inc. exploite deux stations-services situées à Sherbrooke sous le nom d'Esso/Jacques Cartier Libre-service et Jacques Cartier Libre-Service. Selon l’enquête du Bureau de la concurrence, la société ou ses employés auraient participé à l’infraction.
[185] L’entente d’associé commercial a été en place entre le 1er mai 2001 et le 21 juin 2006, soit pendant la période où il y aurait eu infraction à la Loi sur la concurrence.
[186] La compagnie 2854-7222 Québec inc. exploitait une station-service située à Magog. Selon l’enquête du Bureau de la concurrence, la société ou ses employés auraient participé à l’infraction.
[187] Dans ce cas, l’entente d’associé commercial a été en place entre le 1er décembre 2001 et le 30 novembre 2005, période au cours de laquelle une nouvelle convention de même type est intervenue avec Jean-Guy Léveillé Libre-Service, pour finalement être résiliée le 3 juillet 2007.
[188] Notons que ni les entreprises ni les individus n’ont été accusés.
[189] La question devient donc de savoir si le fait que ces stations-services recevaient des redevances à la suite de la vente de l’essence de Pétrolière Impériale crée une apparence de droit suffisante envers cette dernière.
[190] Précisons que la convention d’associé commercial prévoit que ce dernier vend le carburant en qualité d’agent d’Impériale et au prix de détail que définit l’Impériale.
[191] Il y a là une apparence de droit suffisante pour autoriser le recours quant à Pétrolière Impériale dans les marchés de Sherbrooke et de Magog.
[192] Bien
que le dossier ne dénote aucune participation d'employés de Pétrolière
Impériale, la responsabilité de cette dernière, tant en vertu du Code civil
du Québec que de l’article
Société Canadian Tire ltée
[193] Les allégations visant la Société Canadian Tire sont d'avoir agi en tant que détaillant de produits pétroliers, d’avoir détenu la bannière Canadian Tire, d'avoir exploité directement ou indirectement des stations-services et exercé un contrôle sur le prix du carburant des stations-services affichant la bannière Canadian Tire.
[194] Or, ce sont des compagnies distinctes de Canadian Tire qui exploitent les stations-services portant la bannière. Ces compagnies n’apparaissent pas être des filiales ou être liées à Canadian Tire. C’est ce que révèle l’affidavit du représentant de Canadian Tire, de même que les extraits du CIDREQ déposés par les requérants.
[195] Ce sont également ces compagnies qui ont fait l'objet d'une perquisition et non pas La Société Canadian Tire.
[196] La Société Canadian Tire a obtenu l’autorisation de déposer les contrats la liant aux détaillants, mais elle s’en est abstenue. Toutefois, il ne lui appartenait pas de démontrer qu’elle n’a rien à voir avec le cartel. Il appartient aux requérants de démontrer une apparence de droit envers elle.
[197] Rien dans la volumineuse documentation des requérants ne démontre la participation de La Société Canadian Tire ou de l’un de ses employés dans le cartel et rien ne démontre non plus que Canadian Tire avait quoi que ce soit à faire avec la fixation des prix de l’essence chez les détaillants concernés.
[198] L'apparence de droit eu égard à La Société Canadian Tire ltée est donc absente.
Pétroles Crevier
[199] Les allégations envers Pétroles Crevier sont qu'elle a agi en tant que détaillant de produits pétroliers, qu'elle détient directement ou indirectement la bannière Crevier, qu'elle exploite directement et indirectement des stations-services dans la région visée et qu'elle exerce un contrôle sur le prix des carburants des stations-services affichant la bannière Crevier.
[200] Pétroles Crevier n'a fait l'objet d'aucune dénonciation par le Bureau de la concurrence et d'aucune enquête, perquisition ou accusation. Rien ne démontre non plus que Pétroles Crevier inc. détenait un contrôle sur les prix ou qu’elle ait eu des représentants impliqués dans le cartel.
[201] En fait, deux stations-services affichaient une bannière Crevier, soit Crevier Armand Pouliot située à Thetford Mines et Dépanneur du Rond-Point Victoriaville inc. situé à Victoriaville.
[202] Pétroles Crevier a obtenu la permission de produire les deux contrats la liant à ces deux stations-services.
[203] Les contrats énoncent que Pétroles Crevier vend de l’essence aux stations-services, lesquelles revendent l’essence à un prix de détail qu’elles fixent elles-mêmes.
[204] Eu égard à cet intimé, la démonstration d'un lien de droit sérieux n'a pas été faite non plus. Le recours ne sera pas autorisé quant à Pétroles Crevier.
Groupe Pétrolier Olco
[205] La situation du Groupe Pétrolier Olco est particulière.
[206] Notons d'abord qu'Olco n'a pas exploité de station-service dans la région de Thetford Mines. Quant au marché de Sherbrooke, Magog et Victoriaville, pour toute la période comprise entre le 31 août 2004 et le 12 septembre 2006, Olco avait transféré toutes ses opérations de ventes au détail à Pétroles Global.
[207] Il reste donc la période antérieure au 31 août 2004.
[208] Daniel Leblond, employé d'Olco jusqu'au 31 août 2004, a plaidé coupable d’avoir comploté en vue de fixer les prix pour la période entre le 22 juin 2004 et le 23 juin 2005.
[209] Son témoignage[47] est accablant envers Olco, alléguant que la fixation des prix faisait partie de la culture de l’entreprise.
[210] Le Tribunal est d'avis qu'en conséquence, l'apparence de droit relativement à Olco est suffisante.
Les Pétroles Irving
[211] Les Pétroles Irving sont des distributeurs de produits pétroliers.
[212] Irving n'exploite elle-même aucune station-service. Dans les marchés concernés, la bannière Irving est affichée par les dépanneurs Couche-Tard et Dépan-Escompte Couche-Tard, de même que par la station-service Roberge & fils, située à Thetford Mines, et Accommodation Domon, située à Sherbrooke.
[213] Bien qu'Irving ait été autorisé à produire les contrats la liant à Couche-Tard et Roberge & fils, elle n’a pas déposé ces contrats.
[214] Irving a fait l’objet d’une perquisition, mais aucune accusation n'a été portée contre elle.
[215] De même, deux de ses employés, Claude Bédard et Stéphane Grant, ont fait l’objet de perquisition, mais aucune accusation n'a été portée contre eux. Ils sont également intimés à la présente requête.
[216] Cependant, Claude Bédard et Stéphane Grant, alors représentants pour Irving, sont identifiés comme étant impliqués dans des actes d’accusations ou de dénonciations.
[217] Selon Irving, l'implication de ces deux ex-employés est minime. On aurait communiqué avec eux, ils ne seraient pas des instigateurs et aucune accusation n'aurait été portée contre eux.
[218] La question de connaître, de façon précise, l’implication des deux représentants d’Irving relève du mérite du dossier. Pour l’instant, en apparence, ils ont été impliqués dans le cartel malgré les représentations[48] du procureur du Directeur des poursuites pénales qui explique que ce n’est pas Irving qui avait la responsabilité de fixer les prix de l’essence, mais bien les détaillants Couche-Tard. Il se pourrait que ce commentaire ne s'applique pas aux deux autres stations-services.
[219] Étant donné l’implication de deux représentants d’Irving, l’apparence de droit est suffisante.
Coop Fédérée
[220] Deux des employés de la Coop Fédérée, Robert Murphy et Gary Neiderer, auraient été impliqués dans le complot. Cela suffit pour créer une apparence de droit suffisante quant à la Coop Fédérée.
Jean-Michel Leclair
[221] L'intimé Jean-Michel Leclair est un employé d'Ultramar. Il est le seul individu à faire partie du troisième groupe d'intimés. Par ailleurs, il est le seul individu intimé qui ne fait pas l'objet d'accusations criminelles ou d'allégations de fixation de prix par le Bureau de la concurrence ou qui n’est pas nommé dans les énoncés des admissions des personnes ou entreprises qui ont plaidé coupables.
[222] Toutefois, il a fait l'objet d'un mandat de perquisition, ce qui en soi ne crée pas une apparence de droit.
[223] Par ailleurs, l'allégation contenue à la requête selon laquelle Jean-Michel Leclair aurait participé au cartel est directement contredite par les documents déposés au soutien de cette requête par les requérants.
[224] Ainsi, le procureur du Directeur des poursuites pénales a clairement dit, lors des représentations que ce dernier a faites devant le Tribunal le 12 juin 2008[49], que le représentant régional à Sherbrooke « n'était définitivement pas impliqué dans ces infractions », quoique d’autres employés auraient pu engager la responsabilité d’Ultramar.
[225] D'ailleurs, l'énoncé des admissions d'Ultramar[50], accepté par le procureur de la Couronne, indique que le représentant régional d’Ultramar à Sherbrooke « n’avait aucun contact à ce sujet », ce qui semble exclure l’implication du représentant régional du marché de Sherbrooke.
[226] Finalement, le seul énoncé qui touche cet individu est le fait qu'il aurait reçu un appel téléphonique de Pierre Bourassa, sans que l'on en connaisse la teneur[51].
[227] Les documents produits par les requérants tendent plutôt à contredire l'allégation vague selon laquelle monsieur Leclair aurait participé au cartel des prix des carburants.
[228] Les requérants n'ont pas démontré une apparence de droit suffisante à l'égard de Jean-Michel Leclair et le recours contre ce dernier ne sera pas autorisé.
C) Apparence quant à l'existence de dommages
[229] Les intimés estiment que les requérants n'ont pas démontré que l'ensemble des membres du groupe aurait subi un préjudice en raison des fautes alléguées. Ainsi, ils estiment qu'il est impossible de démontrer un dommage eu égard à l'ensemble du groupe pour les motifs suivants :
a) la nature épisodique et éphémère des épisodes allégués fait en sorte qu'un très grand nombre de membres du groupe proposé n'a pas pu subir de dommages en raison des faits allégués;
b) même en ce qui a trait aux épisodes identifiés, les requérants ont fait défaut de démontrer que les prix convenus lors des épisodes étaient supérieurs aux prix qui avaient été fixés dans un marché de libre concurrence.
[230] Le Tribunal a déjà indiqué que la nature épisodique ou non du complot est une question qui devra être étudiée lors du mérite du dossier. Pour l’instant, le tribunal tient les faits pour avérés.
[231] La question devient donc celle de savoir si les requérants ont démontré l'existence d'une perte, bien que celle-ci ne soit pas encore quantifiée.
[232] Les intimés estiment que les requérants ne sauraient avoir recours à une preuve statistique et effectuer une démonstration collective de l'existence d'un préjudice. Ainsi, la preuve statistique ne serait possible que pour évaluer le quantum du dommage, mais non pour en identifier l'existence.
[233] Pour démontrer l'existence d'une perte, les requérants soumettent un article publié dans Cyberpresse relatant les propos d'un économiste de l'Université York qui s'est intéressé aux conséquences du cartel de l'essence.
[234] L’article relate que cet économiste a travaillé sept ans au Bureau de la concurrence et il a chiffré, de façon globale, la perte des automobilistes de Sherbrooke sur une année. La méthode semble simple, soit comparer les prix de l'essence au détail dans les régions touchées par le cartel par rapport à un marché différent, en l'occurrence Montréal, où le prix de gros est le même.
[235] Les intimés ont fait valoir au Tribunal que le prix de détail de l'essence ne peut être inférieur au prix à la rampe de chargement. D'ailleurs, les requérants ont produit le bulletin d'informations sur le prix des produits pétroliers au Québec, lequel indique les prix à la rampe de chargement.
[236] L'article 67 de la Loi sur les produits pétroliers[52] prévoit spécifiquement que dans une zone, une entreprise ne peut vendre de l'essence au détail à un prix inférieur à ce qu'il en coûte à un détaillant de cette zone pour acquérir et revendre ces produits.
[237] Le dossier démontre que les données relativement au prix à la rampe de chargement sont disponibles et que les données relatives aux prix et aux quantités vendues, par détaillant, durant les périodes où le Bureau de la concurrence a enquêté et accusé certains des intimés sont également connues[53].
[238] Par exemple, l'énoncé des admissions d'Ultramar fait état de façon précise du nombre de litres ordinaires vendus par Ultramar entre juin 2004 et le 29 mai 2006 dans les marchés de Victoriaville et de Thetford Mines.
[239] L'énoncé fait également part du coût par litre, en excluant les taxes, ainsi que des parts de marchés de la plupart des coconspirateurs dans le présent dossier.
[240] Le même énoncé des admissions indique que, relativement aux cycles de prix, « une augmentation ou une diminution des prix en vigueur dans la ville de Québec servait généralement de signal quant à une augmentation ou une diminution des prix dans les marchés de Victoriaville et de Thetford Mines ».
[241] Pour qu'une augmentation de prix fonctionne, le temps de réaction est essentiel. Il faut que les stations-services suivent rapidement l'instigateur du changement de prix, sinon l'augmentation est généralement vouée à l'échec.
[242] Le cycle observé commence par une montée plus ou moins significative du prix, suivie par une période de stabilisation pouvant durer jusqu'à quelques semaines, elle-même suivie d'une ou plusieurs chutes de prix. Voilà un énoncé qui, tenu pour avéré au stade de l'autorisation, ne permet pas de retenir l'argument des épisodes.
[243] Les volumes de vente des stations-services et leur part de marché sont connus[54].
[244] Partant de là, le Tribunal estime qu’il y a apparence qu’une perte existe ou peut être démontrée. Le quantum de la perte globale n'a toutefois pas été déterminé. Bien que certains intimés aient indiqué au Tribunal qu'ils estiment que cette perte ne sera pas très élevée, il n'en demeure pas moins qu'elle existerait.
[245] Quant à l'argument selon lequel le Tribunal ne devrait pas tenir compte de l'article de journal faisant état de l'opinion d'un économiste, car il constituerait du ouï-dire, le Tribunal se dit d'avis qu'il ne faut pas confondre un fardeau de démonstration et un fardeau de preuve.
[246] Le fardeau de démontrer peut résulter d'un ensemble d'éléments que le Tribunal doit soupeser, afin d'établir si ces éléments, étant prouvés selon les règles de preuve habituelle, constitueraient une base pour un recours collectif.
[247] Bien entendu, si les requérants désirent faire établir un calcul précis par un économiste, ils devront le faire selon les règles habituelles de preuve. Les intimés pourront, au moyen de leurs propres expertises, tenter de minimiser ou même de démontrer que les dommages sont inexistants.
[248] Toutefois, la preuve par expert n’est ni requise ni appropriée avant que le recours ne soit autorisé. Il suffit que le requérant démontre qu’il sera en mesure d’apporter une expertise en temps voulu.
[249] Le Tribunal est d'avis que les requérants ont démontré que les faits allégués paraissent justifier les conclusions demandées.
Troisième critère : la
composition du groupe rend difficile ou peu pratique l'application des articles
[250] Il est admis par tous que ce critère est rempli.
Quatrième critère : deux corequérants demandent à être nommés représentants.
[251] La requête fait état du fait que Simon Jacques est en mesure d'assurer une représentation adéquate, qu'il comprend la nature du recours et les enjeux soulevés et qu'il est disposé à consacrer le temps requis par le litige.
[252] Le Tribunal est satisfait de la preuve selon laquelle il a acheté de l'essence à Thetford Mines entre 2002 et 2005.
[253] Marcel Lafontaine est un coureur automobile connu dans le milieu de la course automobile au Québec. Il est ingénieur de formation et, dans le cadre de son travail et de ses activités personnelles, voyage beaucoup avec son automobile. Il est en mesure de comprendre les enjeux soulevés par la requête et il est membre de l'Association pour la protection automobile.
[254] Il a acquis de l'essence à Victoriaville en juin 2006.
[255] L'Association pour la protection automobile est un organisme reconnu et voué à la défense des intérêts des membres du groupe.
[256] Les intimés ont soulevé le fait qu'aucun des deux requérants n'a acheté de l'essence dans les marchés de Sherbrooke et Magog.
[257] Les intimés ont également soulevé l'absence d'intérêt juridique des requérants relativement à tous les intimés. Ils invoquent l'arrêt Bouchard c. Agropur Cooperative[55].
[258] Dans l'affaire Agropur, la Cour d'appel a décidé que dans les cas de recours collectifs impliquant plusieurs intimés, les requérants devaient faire valoir une cause d'action envers chacun d'eux[56]. Elle ajoute qu'un représentant ne peut entreprendre un recours collectif contre des parties avec lesquelles il n'entretient aucun rapport de droit[57].
[259] Ayant déjà décidé que le Tribunal établirait quatre groupes et non un seul, le fait que certains intimés soient impliqués dans un seul des marchés fait-il en sorte que les requérants ne sont pas adéquats pour représenter les membres impliqués uniquement dans les marchés de Sherbrooke et Magog?
[260] En 2007, dans l'affaire du Regroupement des CHSLD Christ-Roy[58], la Cour d'appel s'est prononcée de nouveau sur la question de la nécessité qu'un lien de droit existe avec chacun des défendeurs.
[261] Dans cette affaire, la Cour d'appel a décidé qu'il n'était pas nécessaire que le représentant ait un lien de droit avec chacun des défendeurs lorsque la cause d'action est unique pour tous les membres du groupe et pour tous les défendeurs[59].
[262] Dans l'affaire Agropur, la cause d'action était différente envers chacun des intimés, ce qui n'était pas le cas dans l'affaire du Regroupement des CHSLD.
[263] Ainsi, lorsqu'un représentant établit l'existence d'un lien de droit avec un intimé ou défendeur et qu'il est en mesure de représenter adéquatement le groupe, il ne sera pas nécessaire qu'il établisse une cause d'action envers tout un chacun des intimés si la cause d'action est unique, par exemple, si elle découle d'une obligation légale.
[264] D'ailleurs, dans le dossier du tabac[60], le juge Pierre J. Dalphond, j.c.s., avait déjà retenu qu'il existait des exceptions au principe de la nécessité d'un lien de droit entre le représentant et chacun des défendeurs.
[265] Le Tribunal est donc d'avis qu'il faut accorder à Simon Jacques, Marcel Lafontaine et à l'Association pour la protection automobile, le statut de représentants.
Divers
[266] Les intimés contestent la période visée, car elle excéderait la période au cours de laquelle le Bureau de la concurrence a fait enquête. Le Tribunal est d'avis qu'il s'agira d'une question à être examinée au mérite que d'évaluer la période sur laquelle les agissements auraient pu survenir.
[267] Par ailleurs, il n'est pas démesuré que la fin de la période soit le 30 juin 2006, soit quelques semaines après que les perquisitions aient été effectuées.
[268] Quant aux réclamations pour dommages exemplaires, punitifs et autres, ces questions sont des accessoires aux questions principales et devront être débattues au mérite.
[269] Vu la création de quatre groupes, la requête introductive d'instance devra spécifier quelles sont les intimés qui sont poursuivis dans chacun des quatre marchés et quel est le recouvrement collectif réclamé pour chacun des quatre groupes.
[270] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[271] REPORTE la question de l'approbation du règlement intervenu avec les intimés Gisèle Durand et Michel Dubreuil;
[272] AUTORISE l'exercice d'un recours collectif envers tous les intimés, à l'exception de Gisèle Durand, Michel Dubreuil, Pétro-Canada, Société Canadian Tire ltée, Pétroles Crevier inc. et Jean-Michel Leclair;
[273] ACCORDE à Simon Jacques, Marcel Lafontaine et l'Association pour la protection automobile, le statut de représentants aux fins d'exercer le recours collectif pour le compte des quatre groupes ci-après décrits :
Toutes les personnes physiques ou morales de droit privé, sociétés ou associations, comptant en tout temps au cours de la période de 12 mois qui précède le 30 juin 2006 sous leur direction ou leur contrôle cinquante (50) employés ou moins liés à elle par un contrat de travail, qui ont acheté de l'essence à au moins une reprise entre le 1er janvier 2002 et le 30 juin 2006 sur le territoire de la ville de Victoriaville.
Toutes les personnes physiques ou morales de droit privé, sociétés ou associations, comptant en tout temps au cours de la période de 12 mois qui précède le 30 juin 2006 sous leur direction ou leur contrôle cinquante (50) employés ou moins liés à elle par un contrat de travail, qui ont acheté de l'essence à au moins une reprise entre le 1er janvier 2002 et le 30 juin 2006 sur le territoire de la ville de Thetford Mines.
Toutes les personnes physiques ou morales de droit privé, sociétés ou associations, comptant en tout temps au cours de la période de 12 mois qui précède le 30 juin 2006 sous leur direction ou leur contrôle cinquante (50) employés ou moins liés à elle par un contrat de travail, qui ont acheté de l'essence à au moins une reprise entre le 1er janvier 2002 et le 30 juin 2006 sur le territoire de la ville de Sherbrooke.
Toutes les personnes physiques ou morales de droit privé, sociétés ou associations, comptant en tout temps au cours de la période de 12 mois qui précède le 30 juin 2006 sous leur direction ou leur contrôle cinquante (50) employés ou moins liés à elle par un contrat de travail, qui ont acheté de l'essence à au moins une reprise entre le 1er janvier 2002 et le 30 juin 2006 sur le territoire de la ville de Magog.
[274] IDENTIFIE comme suit les principales questions de fait et de droit qui seront traitées collectivement :
· Les intimés ont-ils été parties à un complot, une coalition ou à la conclusion d'un accord ou d'un arrangement ayant eu pour effet ou visant à fixer le prix de l'essence dans les marchés visés, durant la période visée?
· Les intimés ont-ils commis une ou des fautes génératrices de responsabilités?
· Les agissements reprochés aux intimés ont-ils causé des dommages aux membres des groupes?
·
Les intimés sont-ils responsables des dommages
subis par les membres des groupes en vertu de l'article
· Les intimés sont-ils responsables des dommages subis par les membres des groupes en vertu du C.c.Q.?
·
Les intimés ont-ils porté atteinte
intentionnellement aux droits protégés par l'article
· Les intimés sont-ils passibles de dommages punitifs ou exemplaires et, si oui, quel est le montant de ces dommages?
· Les intimés sont-ils solidairement responsables envers les requérants et les membres des groupes pour les dommages subis par ces derniers?
[275] IDENTIFIE les conclusions recherchées par le recours collectif à être institué comme étant les suivantes :
ACCUEILLIR le recours collectif des corequérants pour le compte de tous les membres des groupes;
CONDAMNER les intimés
solidairement à payer aux membres des groupes des dommages temporairement évalués à SEPT MILLIONS ClNQ CENT
MILLE DOLLARS (7 500 000 $), sauf à parfaire, avec intérêts au taux Iégal majoré de
I'indemnité additionnelle prévue à l'article
CONDAMNER solidairement les intimés à payer à chacun des membres des groupes, y compris au corequérant Jacques et au corequérant Lafontaine, une somme de ClNQ CENTS DOLLARS (500 $) à titre de dommages et intérêts pour troubles, tracas et inconvénients, le tout avec intérêt au taux Iégal et I'indemnité additionnelle à compter de l'institution du présent recours et ORDONNER le recouvrement collectif de ces sommes;
CONDAMNER solidairement les intimés à payer à chacun des membres des groupes, y compris au corequérant Jacques et au corequérant Lafontaine, une somme de MILLE DOLLARS (1 000 $) à titre de dommages exemplaires, sauf à parfaire, le tout avec intérêts au taux Iégal et I'indemnité additionnelle à compter du jugement à être prononcé et ORDONNER le recouvrement collectif de ces sommes;
CONDAMNER solidairement les intimés à payer une somme de DEUX CENT CINQUANTE MILLE DOLLARS (250 000 $) à titre de dommages exemplaires à la corequérante Association pour la protection automobile ou à tout autre organisme désigné par la Cour et ORDONNER que ce montant soit utilisé pour assurer la protection des automobilistes et des consommateurs d'essence au Québec;
LE TOUT avec dépens incluant les frais d'expertises, d'enquêtes et de publication des avis aux membres.
[276] REPORTE la question de la publication de l'avis aux membres à la prochaine conférence de gestion;
[277] REPORTE à la prochaine séance de gestion la question de la détermination de la date après laquelle un membre ne pourra plus s'exclure des groupes;
[278] LE TOUT frais à suivre.
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__________________________________ DOMINIQUE BÉLANGER, j.c.s. |
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Me Pierre Lebel Me Claudia Lalancette |
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Lebel avocats Casier no 79 |
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Procureurs des requérants |
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Me Guy Paquette Me Karine St-Louis Me Philippe Charest-Beaudry |
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Paquette Gadler inc. 300, Place d'Youville, B-10 Montréal (Québec) H2Y 2B6 |
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Procureurs-conseils des requérants |
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Me Sylvain Lussier Me Karine Chênevert |
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Osler, Hoskin & Harcourt 1000, de La Gauchetière Ouest Bureau 2100 Montréal (Québec) H3B 4W5 |
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Procureurs de Les Opérations Pétroles Irving inc. |
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Me Pascale Cloutier Me Fadi Amine |
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Miller Thomson Pouliot La Tour CIBC, 31e étage 1155, boulevard René-Lévesque Ouest Montréal (Québec) H3B 3S6 |
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Procureurs de Les Pétroles Therrien inc. et de Distributions Pétrolières Therrien inc., France Benoît et Richard Michaud |
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Me Louis P. Bélanger Me Julie Girard |
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Stikeman Elliott 1155, boulevard René-Lévesque Ouest 40e étage Montréal (Québec) H3B 3V2 |
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Procureurs de Ultramar ltée, Guy Angers, Luc Couturier, Luc Forget, Jean-Michel Leclair et Jacques Ouellet |
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Me Pierre Legault Me Paule Hamelin |
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Gowling Lafleur Henderson 1, Place Ville-Marie 37e étage Montréal (Québec) H3B 3P4 |
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Procureurs de Imperial Oil ltd, Compagnie Pétrolière Impériale ltée et Pétrolière Impériale |
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Me Éric Vallières Me Sidney Elbaz |
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McMillan Binch Mendelsohn 1000, rue Sherbrooke Ouest 27e étage Montréal (Québec) H3A 3G4 |
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Procureurs de Le Groupe Pétrolier Olco inc. |
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Me Éric Dunberry Me Alexandre Bourbonnais |
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Ogilvy Renault 1981, Ave McGill College Bureau 1100 Montréal (Québec) H3A 3C1 |
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Procureurs de Pétro-Canada |
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Me Michel C. Chabot Me Hugo Poirier |
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Gravel Bernier Vaillancourt Casier no 95 |
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Procureurs de Philippe Gosselin & associés ltée, André Bilodeau, Carol Lehoux et Claude Bédard |
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Me Louis-Martin O’Neill Me Nick Rodrigo Me Guy Du Pont Michael Lubetsky, stagiaire |
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Davies Ward Phillips & Vineberg 501, McGill College bureau 2600 Montréal (Québec) H3A 3N9 |
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Procureurs d'Alimentation Couche-Tard inc. et Dépan-Escompte Couche-Tard inc. |
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Me Daniel O'Brien Me Pierre Grégoire |
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O'Brien avocats Casier no 41 |
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Procureur de Pétroles Cadrin inc. et Daniel Drouin |
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Me Jean Saint-Onge Me Jean-Philippe Lincourt |
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Lavery de Billy 1, Place Ville-Marie Bureau 4000 Montréal (Québec) H3B 4M4 |
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Procureurs de Les Pétroles Global inc./Global Fuels inc., Les Pétroles Global (Québec) inc./Global Fuels (Québec) inc. |
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Me Serge Amar Me Marie-Geneviève Masson |
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Langlois Kronström Desjardins Tour Scotia 1002, rue Sherbrooke Ouest 28e étage Montréal (Québec) H3A 3L6 |
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Procureurs de La Société Canadian Tire ltée |
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Me Michel Jolin |
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Langlois Kronström Desjardins Casier no 115 |
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Procureur de La Société Canadian Tire ltée |
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Me Julie Chenette |
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Chenette, Boutique de litige inc. 1155, rue University Bureau 1400 Montréal (Québec) H3B 3A7 |
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Procureur de La Coop Fédérée, Robert Murphy et Gary Neiderer |
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Me Julia Mercier Me Robert E. Charbonneau |
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Borden Ladner Gervais 1000, rue de La Gauchetière Ouest Bureau 900 Montréal (Québec) H3B 5H4 |
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Procureurs de Provigo Distribution inc. |
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Me Louis Riverin Me Geneviève Fortin |
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Barbeau et associés Casier no 160 |
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Procureurs de Gisèle Durand et Michel Dubreuil |
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Me Pierre Séguin |
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Séguin & associés avocats 437, boulevard St-Charles Vaudreuil-Dorion (Québec) J7V 2N4 |
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Procureurs de Pétroles Crevier inc. |
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Me Richard Morin |
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Les avocats Morin & associés inc. 30, rue de la Gare, bureau 200 Saint-Jérôme (Québec) J7Z 2B8 |
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Procureurs de Carole Aubut |
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Me Louis Belleau |
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Filteau, Belleau avocats 28, rue Notre-Dame Est, bureau 301 Montréal (Québec) H2Y 1L3 |
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Procureurs de Céline Bonin |
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Me Mark J. Paci |
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Pateras & Iezzoni inc. |
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500, Place d'Armes Bureau 2314 Montréal (Québec) H2Y 2W2 |
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Procureurs pour Richard Bédard |
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Me Gérald Soulière Me Dominic Desjarlais |
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Lamarre Linteau et Montcalm 28, rue Notre-Dame Est bureau 301 Montréal (Québec) H2Y 1B9 |
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Procureurs de Christian Payette |
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Me Jean Berthiaume |
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1800, rue Sherbrooke Est Montréal (Québec) H2K 1B3 Procureurs de Pierre Bourassa |
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Me Jean-Olivier Lessard Me Jo-Anne Demers |
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Nicholl Paskell-Medi 630, boulevard René-Lévesque Ouest Bureau 1700 Montréal (Québec) H3B 1S6 |
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Procureurs de Daniel Leblond |
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Monsieur Stéphane Grant |
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[…] Val-Bélair (Québec) […] |
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Intimé |
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Dates d’audience : |
21 au 29 septembre 2009 |
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[1] Loi sur la concurrence, L.R.C. (1985), c. C-34
[2] Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q., c. C-12
[3] Loi sur la protection du consommateur, L.R.Q., c. P-40.1, ci-après désigné «L.P.C.»
[4] Pièce R-33D
[5] Pièce R-33
[6] Pièce R-36D
[7] Pièce R-32F, p. 21
[8] Pièce R-47I, p. 73 et suivantes
[9] Yves
BÉRIAULT, Madeleine RENAUD et Yves COMTOIS,
[10] La Reine c. Cotroni,
[11] La Reine c. Nova Scotia Pharmaceutical society,
[12] Id., 651
[13] Id., 653
[14] Pièce R-32F, p. 15 et suivantes
[15] Pièce R-33D, énoncé des admissions par Ultramar
[16] Western Canadian Shopping Centres inc. c. Dutton,
[17] Hollick
c. Ville de Toronto,
[18] Paquin
c. Compagnie de chemin de Fer Canadien Pacifique et autres,
[19] Georges
c. Le Procureur général du Québec et autres,
[20] Lallier c. Volkswagen Canada,
[21] Contat
c. General Motors du Canada ltée et autres, C.A. Montréal,
[22] Citoyens
pour une qualité de vie c. Aéroports de Montréal,
[23] Western Canadian Shopping Centres inc. c. Dutton, précité, note 16
[24] R. c. Burrows, (1968), 54 C.P.R. 95, 148 (B.-C. S.C.)
[25] Consommateurs au sens large et non au sens de la Loi sur la protection du consommateur
[26] STIKEMAN ELLIOTT,
[27] Voir la revue de la jurisprudence faite par Madame la Juge Rady dans Irving Paper Limited c. Atofina Chemicals inc. [2009] O.J. (Quicklaw) no 4021 (Ont. S.C.J.) (porté en appel)
[28] Pro-Sys Consultants ltd c. Infineon Technologies AG, 2009, BCCA 503
[29] À
titre d’exemple, voir Anne Johnson c. Bayer, C.S. Québec,
[30] Labranche c. Compagnie Pétrolière Impériale ltée Esso et autres, C.S. Montréal, no. 500-06-00002-82, 13 juillet 1982, j. Major, confirmé par C.A. Montréal, no. 500-09-001009-828, 23 septembre 1985
[31] Savoie
c. Compagnie Pétrolière Impériale et autres,
[32] Option
Consommateurs c. Infineon Technologies AG,
[33] Harmegnies
c. Toyota Canada et autres,
[34] Id., paragr. 44
[35] C.p.c., art. 1031
[36] Donald BISSON, « Problèmes théoriques et pratiques et constatations reliés aux conclusions collectives et individuelles d’une décision au mérite en matières de recours collectif au Québec », dans Association du Barreau Canadien, Division Québec, Quatrième colloque sur les recours collectifs, Éditions Yvon Blais, p.153, 157
[37] Riendeau
c. Brault & Martineau,
Ciment St-Laurent c. Barette, 2008 (CSC) 64
[38] C.p.c., art. 1032
[39] À titre d’exemple, voir le jugement dans l’affaire Binette c. Syndicat des chauffeures et chauffeurs de la Corporation métropolitaine de Sherbrooke, section locale 3434 du SCFP, C.S. St-François, no 450-06-000001-028, 22 juillet 2004, j. Richer
[40] Irving Paper Limited c. Atofina Chemicals inc., précité, note 27
[41] Pro-Sys Consultants ltd c. Infineon Technologies AG, précité, note 28
[42] Clavel
c. Productions musicales Donald K. Donald inc.,
Viau c. Syndicat canadien de la Fonction publique,
[43] Viau c. Syndicat canadien de la Fonction publique, précité, note 42
[44] Loi sur la protection du consommateur, précitée, note 3, art. 1 e)
[45] Voir paragraphes 56, 248, 276 de la requête
[46] Pièces R-1B, R-32 F p. 12 à 14, R-47I
[47] Pièce R-47I
[48] Pièce R-32F, p. 13
[49] Pièce R-32F, p. 35
[50] Pièce R-33D
[51] Pièce R-62D
[52] Loi sur les produits pétroliers, L.R.Q., c. P-30.1
[53] Voir à titre d’exemple la pièce R-32F, p. 16
[54] Voir à titre d’exemple R-35G, R-36D et R-36I
[55] Bouchard c. Agropur Cooperative,
[56] Id., paragr. 110
[57] Id., paragr. 112
[58] Regroupement
des CHSLD Christ-Roy c. Comité provincial des malades,
[59] Id., paragr. 24 et suivants
[60] Imperial
Tobacco Canada c. Conseil québécois sur le tabac et la santé,
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