Décision

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Décision - Commissaire - Montréal

COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL

(Division des relations du travail)

 

Dossier :

AM-2001-0170

Cas :

CM-2014-1730

 

Référence :

2014 QCCRT 0414

 

Montréal, le

23 juillet 2014

______________________________________________________________________

 

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Karine Blouin, juge administrative

______________________________________________________________________

 

 

Michel Foucreau

 

Plaignant

c.

 

Syndicat des Métallos

 

et

 

Syndicat des Métallos, section locale 9414

Intimés

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 12 février 2014, Michel Foucreau (le plaignant) dépose une plainte en vertu de l’article 47.2 du Code du travail, RLRQ, c. C-27 (le Code), contre le Syndicat des Métallos et le Syndicat des Métallos, section locale 9414 (le local 9414).

[2]           Il reproche au Syndicat des Métallos d’avoir manqué à son devoir de représentation à son endroit en négligeant de traiter sa plainte de harcèlement psychologique contre le local 9414 qu’il considère être son employeur. Dans le cadre de cette plainte, il reproche à ce dernier de l’avoir démis de ses fonctions d’« officier » syndical libéré à temps plein.

[3]           Le Syndicat des Métallos et le local 9414, représentés par le même procureur, présentent une requête en rejet sommaire au motif que le plaignant n’invoque aucune des quatre conduites prohibées par l’article 47.2 du Code et que la plainte concerne une décision de régie interne du local 9414, qui n’est pas l’employeur du plaignant, et sur laquelle la Commission n’a pas compétence.

[4]           Comme l’avis d’audience et la requête en rejet sommaire ne mettaient en cause que le local 9414, Michel Courcy avise la Commission qu’il a été mandaté pour représenter les deux syndicats. Le Syndicat des Métallos est donc ajouté au présent recours et la requête en rejet sommaire est amendée verbalement en conséquence.

[5]           Il est convenu que la Commission entende le témoignage du plaignant, afin de mieux circonscrire la plainte pour ensuite disposer de la requête en rejet sommaire. Le Syndicat des Métallos et le local 9414 ne font entendre aucun témoin.

les faits

le contexte

[6]           Depuis 2002, le plaignant est ajusteur en charpente métallique chez Mométal Structures inc. (Mométal). Le local 9414 est accrédité chez cet employeur pour représenter le groupe suivant dont le plaignant fait partie.

« Tous les salariés au sens du Code du travail à l’exception des employés de bureaux, des magasiniers, de la maintenance, inspecteurs et expéditeurs de Mométal et des salariés affectés à des travaux en chantier par le Bill 290. »

[7]           En septembre 2011, il a été élu secrétaire financier par le comité directeur (« comité exécutif ») du local 9414. Il exécute, le soir, les tâches reliées à cette fonction.

[8]           Le 29 février 2012, Mométal accepte, à la demande du local 9414, de libérer le plaignant à temps plein pour affaires syndicales du local 9414.

[9]           Ce même jour, une entente est signée à cet effet par Mométal et le local 9414. Il y est convenu de ce qui suit :

Les parties s’entendent sur les suivants concernant la libération pour Affaires Syndicales de Michel Foucreau

Je soussigné, Michel Foucreau demande à Mométal une permission d’absence de longue durée pour occuper un poste d’officier libéré temps plein à l’intérieur du Syndicat des Métallos et ce pour une période indéterminée, les conditions suivantes s’appliquent :

Cette demande d’absence est formulée comme stipulée dans la convention collective soit :

Par écrit au représentant de la direction au moins trente (30) jours avant la date prévue. Une telle demande doit préciser le nom du salarié concerné, la date prévue, la nature des activités syndicales ainsi que la durée de l’absence.

Durant cette période, l’employeur maintiendra le salaire régulier du salarié ainsi que ces bénéfices et le syndicat remboursera l’employeur sur réception d’une facture à cet effet. Cette facture comprendra le salaire, tous les bénéfices ainsi que toutes les charges d’employeur.

Durant la période d’absence, l’employé accumule son ancienneté.

L’employé pour lequel une telle demande a été acceptée doit informer par écrit un représentant de la direction de son retour au travail au moins quinze (15) jours à l’avance. Toutefois, le jour du retour doit coïncider avec le premier jour ouvrable de la semaine.

À son retour, l’employé réintègre son poste. Si son poste a été aboli, alors le salarié pourra exercer son droit de déplacement tel que prévu à l’article 8.

Cette entente est intervenu compte tenu de circonstances particulières et les parties s’entendent pour ne pas la considérer comme un précédent.

(reproduit tel quel, à l’exception du soulignement qui a été ajouté)

[10]        Le syndicat accrédité pour représenter les salariés syndiqués du local 9414 est Métallurgistes unis d’Amérique, local 15377, lequel représente le groupe suivant :

« Tous les employés de bureau, salariés au sens du Code du travail du Québec. »

[11]        Le plaignant n’est pas membre de ce syndicat, mais doit respecter les statuts et règlements du local 9414 lorsqu’il occupe sa fonction d’« officier » syndical libéré à temps plein.

la fin de la libération syndicale

[12]        Vers le mois de juin 2013, le plaignant raconte qu’il commence à avoir des difficultés à exécuter ses fonctions syndicales. Il se sent mis à l’écart et attribue cette situation au comportement de Christian Ricard, président du local 9414. Sans donner de détails, il explique que ce dernier s’acharne sur lui.

[13]        Monsieur Ricard lui reproche d’avoir commis une erreur dans le traitement d’un grief de harcèlement psychologique d’une salariée de Mométal et le rencontre afin de lui faire part de deux plaintes d’autres salariés qui n’étaient pas satisfaits de son travail.

[14]        Le 14 juin 2013, le comité directeur, à la demande de monsieur Ricard, se réunit et décide, à la suite d’un vote, de permettre au plaignant de continuer à occuper ses fonctions.

[15]        Le lendemain, monsieur Ricard tente encore de lui faire quitter son poste affirmant que l’assemblée de la veille n’était pas conforme et le menace de « le mettre dehors ».

[16]        À partir de ce moment-là, le plaignant relate qu’il n’est plus invité à dîner par ses collègues du local 9414 et qu’il n’est plus convoqué à certaines réunions.

[17]        Le 19 juillet 2013, le plaignant se plaint à Denis Trottier, coordonnateur du Syndicat des Métallos, de harcèlement et menaces de la part de monsieur Ricard qui tente de l’évincer de son poste d’« officier » syndical libéré à temps plein.

[18]        Quelques jours plus tard, à sa demande, le plaignant rencontre messieurs Trottier et Ricard ainsi que Michel Courcy du Syndicat des Métallos. À la suite de cette réunion, il a l’impression que tout est réglé, mais ce n’est pas le cas. 

[19]        Ces évènements font en sorte que le plaignant est nerveux et souffre de manque de sommeil. Il obtient, de son médecin, un congé de maladie le 29 août.

[20]        Au début du mois de décembre, il avise le local 9414 de son retour qui aura lieu le 2 ou le 9 décembre suivant. Il reçoit alors, le 2 décembre, un courriel de monsieur Ricard l’avisant de la fin de sa libération syndicale.

[21]        À partir de ce moment-là, le local 9414 supprime ses codes d’accès du système d’alarme du bureau et ne le laisse plus entrer pour s’occuper de ses tâches syndicales.

[22]        Le 6 décembre, il reçoit une lettre de monsieur Ricard qui l’avise officiellement de la fin de sa libération syndicale en raison, notamment, de « [son] manque de compétences à l’égard de [son] poste d’officier syndical ».

[23]        Tant en décembre 2013 qu’en février 2014, le plaignant sollicite, sans succès, l’intervention de monsieur Trottier afin de régler cette situation.

[24]        Le 16 décembre 2013, le plaignant réintègre son poste d’ajusteur chez Mométal et le 20 décembre suivant, il se plaint de harcèlement psychologique contre le local 9414 auprès de la Commission des normes du travail (la CNT) qui ferme son dossier en raison du fait qu’il n’est pas un salarié de ce dernier. La Commission n’est pas saisie de cette plainte.

[25]        Le 16 janvier 2014, il est de nouveau en arrêt de travail en raison d’un cancer et n’est plus retourné au travail depuis lors, bien qu’il soit toujours un employé de Mométal.

Position des parties

Le plaignant

[26]        Le plaignant soutient que sa libération syndicale à temps plein fait en sorte qu’il est un salarié du local 9414. Il est soumis à ses statuts et règlements que l’on devrait assimiler à une convention collective et le Syndicat des Métallos a un devoir de représentation à son égard. C’est la raison pour laquelle il s’est plaint de la situation au Syndicat des Métallos en juillet, puis à la CNT en décembre. Il reconnaît toutefois être un salarié de Mométal, être régi par sa convention collective et être membre du local 9414.

Le Syndicat des métallos et le local 9414

[27]        Le Syndicat des Métallos et le local 9414 prétendent que le plaignant est un salarié de Mométal, libéré à temps plein pour des fonctions syndicales en vertu d’une entente intervenue entre les parties selon la convention collective. Ses conditions de travail sont déterminées par cette convention collective et il est un salarié syndiqué membre du local 9414. Les employés syndiqués du local 9414 sont, quant à eux, membres des Métallurgistes unis d’Amérique, local 15377, ce qui n’est pas le cas du plaignant.

[28]        Le devoir de représentation du Syndicat des Métallos et du local 9414 concerne l’application de la convention collective liant Mométal et le plaignant au sujet de laquelle ce dernier n’a aucun reproche à formuler. Quant à la plainte de harcèlement à l’encontre du président du local 9414, en lien avec la perte de sa fonction syndicale à temps plein, il s’agit d’une question de régie interne pour laquelle la Commission n’a pas compétence.

analyse et dispositif

[29]        Le devoir de représentation imposé à une association de salariés est édicté par le Code aux articles suivants :

47.2. Une association accréditée ne doit pas agir de mauvaise foi ou de manière arbitraire ou discriminatoire, ni faire preuve de négligence grave à l'endroit des salariés compris dans une unité de négociation qu'elle représente, peu importe qu'ils soient ses membres ou non.

47.3. Si un salarié qui a subi un renvoi ou une mesure disciplinaire, ou qui croit avoir été victime de harcèlement psychologique, selon les articles 81.18 à 81.20 de la Loi sur les normes du travail (chapitre N-1.1), croit que l'association accréditée contrevient à cette occasion à l'article 47.2, il doit, dans les six mois s'il désire se prévaloir de cet article, porter plainte et demander par écrit à la Commission d'ordonner que sa réclamation soit déférée à l'arbitrage.

[…]

47.5. Si la Commission estime que l'association a contrevenu à l'article 47.2, elle peut autoriser le salarié à soumettre sa réclamation à un arbitre nommé par le ministre pour décision selon la convention collective comme s'il s'agissait d'un grief. Les articles 100 à 101.10 s'appliquent, compte tenu des adaptations nécessaires. L'association paie les frais encourus par le salarié.

La Commission peut, en outre, rendre toute autre ordonnance qu'elle juge nécessaire dans les circonstances.

la demande de rejet sommaire

[30]        Le paragraphe 1° du premier alinéa de l’article 118 du Code prévoit ce qui suit :

118. La Commission peut notamment :

1° rejeter sommairement toute demande, plainte ou procédure qu'elle juge abusive ou dilatoire;

[…]

[31]        Cet article vise à empêcher que des recours abusifs ou dilatoires obligent la tenue d’une audience, alors qu’à la face même du dossier, ils ne présentent aucune « chance de succès ».

[32]        L’article 47.2 du Code impose à l’association accréditée, en l’occurrence le local 9414, un devoir de juste représentation à l’égard des salariés qui sont visés par l’unité de négociation qu’elle détient. Il s’agit du corollaire de son pouvoir exclusif de représenter les salariés auprès de l’employeur. (Voir, Noël c. Société d’énergie de la Baie James, [2001] CSC 39.)

[33]        Le Code confère donc compétence à la Commission en ce qui concerne la négociation et l’application de la convention collective par le syndicat, incluant le dépôt d’un grief et son déféré en arbitrage.

[34]        La Commission doit, par ailleurs, décliner compétence lorsque la matière sur laquelle on lui demande de statuer ne découle pas de la relation employeur-salarié.

[35]        Aussi, la Commission s’est maintes fois prononcée sur le fait que le devoir légal de représentation prévu à l’article 47.2 du Code ne s’étend pas à la gestion interne des affaires de ce syndicat. Un manquement reproché à ce dernier sur ce sujet ne relève pas de la compétence de la Commission. (Voir à titre d’exemple, Cusson c. Syndicat des employé(e)s de Soucy international inc., 2005 QCCRT 0041, ou Paradis c. Métallurgistes unis d’Amérique, local 9379, 2005 QCCRT 0230.)

[36]        Dans le cas qui nous occupe, le plaignant est un salarié de Mométal, libéré à temps plein pour occuper des fonctions syndicales, ce que permet la convention collective. Cela ne lui confère aucunement un statut de salarié chez le local 9414. Il n’est d’ailleurs pas couvert par l’accréditation des salariés du local 9414.

[37]        Pendant qu’il est libéré pour s’occuper des affaires syndicales du local 9414, ses conditions de travail sont prévues dans les statuts et règlements de ce syndicat, lesquels ne répondent pas à la définition de convention collective prévue au Code. Il continue, par ailleurs, à bénéficier de son salaire et de son ancienneté prévus à la convention collective chez Mométal.

[38]        Le plaignant n’est pas un salarié syndiqué du local 9414 et ne peut alors exiger du Syndicat des Métallos un devoir de représentation au sens de l’article 47.2 du Code.

[39]        En effet, le devoir de représentation du syndicat est une obligation de ce dernier à l’égard de ses membres dans le cadre de la négociation et de l’application de la convention collective.

[40]        Par ailleurs, les reproches qu’il adresse au Syndicat des Métallos à l’égard du local 9414 relativement au harcèlement qu’il aurait subi de la part de monsieur Ricard sont en lien avec sa destitution de son poste d’« officier » syndical libéré à temps plein et relèvent des affaires internes de l’association accréditée. La Commission doit donc décliner compétence.


EN CONSÉQUENCE, la Commission des relations du travail

ACCUEILLE                  la demande de rejet sommaire;

REJETTE                      la plainte.

 

 

__________________________________

Karine Blouin

 

M. H. Laddie Schnaiberg

Représentant du plaignant

 

M. Michel Courcy

Représentant des intimés

 

Date de l’audience :

3 juillet 2014

 

/nl

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