Bouchard et Marlin Chevrolet Oldsmobile inc. |
2010 QCCLP 7808 |
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Dossier 387069-31-09018
[1] Le 3 août 2009, monsieur Christian Bouchard, (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 2 juillet 2009, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST dispose de deux demandes de révision déposées par le travailleur. Elle déclare irrecevable la demande de révision datée du 2 juin 2009 à l’encontre d’une décision initiale datée du 24 mars 2009 au motif qu’elle a été déposée en dehors du délai prévu à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi). Par ailleurs, elle modifie la décision qu’elle a initialement rendue le 27 mai 2009 et déclare que le travailleur est capable d’exercer son emploi à compter du 25 mai 2009.
Dossier 400028-31-1001
[3] Le 21 janvier 2010, le travailleur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 22 décembre 2009, à la suite d’une révision administrative.
[4] Par cette décision la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 4 novembre 2009 et déclare que le travailleur n’a pas subi une récidive, rechute ou aggravation le 23 août 2009.
[5] Une audience se tient à Québec, le 24 août 2010, en présence du travailleur qui est assisté d’un avocat. Marlin Chevrolet Oldsmobile inc. (l’employeur) est représentée par avocate ainsi que la CSST. Un délai est accordé à l’avocat du travailleur afin qu’il dépose différents rapports médicaux. Le dernier document est reçu à la Commission des lésions professionnelles le 10 septembre 2010 et la cause est mise en délibéré à cette date.
LES OBJETS DES CONTESTATIONS
Dossier 387069-31-0908
[6] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que la décision portant sur la capacité d’exercer son emploi à compter du 25 mai 2009 est prématurée au motif que le rapport complémentaire est irrégulier. Conséquemment, il demande de déclarer que le travailleur récupère son droit à l’indemnité de remplacement du revenu. Par ailleurs, il précise ne pas contester l’aspect de la décision de la CSST faisant suite à la révision administrative déclarant irrecevable la demande de révision du 2 juin 2009 à l’encontre de la décision initiale rendue le 24 mars 2009 à la suite de l’avis du Bureau d’évaluation médicale.
Dossier 400028-31-1001
[7] Le travailleur demande de déclarer qu’il a subi une récidive, rechute ou aggravation le 11 juin 2009 et notamment, à cet égard, que le syndrome d’abutement à l’épaule gauche soit reconnu comme lésion professionnelle en lien avec la lésion initiale.
LES FAITS
[8] La preuve démontre que le travailleur travaille comme mécanicien pour l’employeur lorsque, le 1er mai 2008, il subit un accident du travail. En tirant sur un pneu pour le déprendre de la machine à pneus, il ressent une vive douleur à l’épaule gauche et au cou. Il consulte le docteur Chouinard la journée même et il pose le diagnostic d’entorse cervicale gauche.
[9] Le 8 mai 2008, le travailleur revoit le docteur Chouinard qui note que l’entorse cervicale gauche s’est améliorée. Cependant, il ajoute un diagnostic de tendinite à l’épaule gauche. Il prescrit des traitements de physiothérapie et autorise l’assignation temporaire.
[10] La CSST accepte les deux diagnostics d’entorse cervicale et de tendinite à l’épaule gauche.
[11] Le 23 juin 2008, le physiothérapeute note à un rapport d’étape que la douleur est variable à l’épaule gauche et que les mouvements sont presque complets et sans douleur. Il précise également que les tests d’abutement sont négatifs.
[12] Par la suite, le docteur Chouinard note une amélioration graduelle de la condition du travailleur et il recommande un retour progressif au travail. Le 4 août 2008, le physiothérapeute note une douleur variable à la mobilisation, mais des amplitudes articulaires complètes à l’épaule gauche.
[13] Le 19 août 2008, le docteur Chouinard note que l’état du travailleur s’est un peu détérioré. Il recommande de continuer le travail régulier à demi-temps et il précise que le travailleur aura une infiltration à l’épaule gauche.
[14] Le 4 septembre 2008, le travailleur subit une infiltration à l’épaule gauche.
[15] Le 26 septembre 2008, le docteur Chouinard note que l’entorse cervicale et la tendinite à l’épaule gauche sont améliorées. Il recommande la reprise des traitements de physiothérapie et la poursuite du travail à demi-temps.
[16] Le 8 octobre 2008, le travailleur passe un examen par résonance magnétique qui révèle la présence d’une hernie discale centro-latérale gauche C5-C6 venant s’appuyer légèrement contre la face antéro-latérale gauche du sac dural, mais sans compression médullaire ni radiculaire.
[17] Le 23 octobre 2008, le docteur Chouinard note une amélioration de la condition du travailleur et il recommande d’augmenter le travail à trois jours et demi par semaine.
[18] Le 28 octobre 2008, le travailleur est examiné par le chirurgien orthopédiste Fradet à la demande de l’employeur. Il rapporte que le travailleur allègue une amélioration de sa condition de 70 %, mais qu’il a atteint un plateau de récupération depuis deux mois. Il se plaint de douleurs à la base du cou ainsi qu’à la pointe latérale de l’épaule gauche. Il allègue notamment une faiblesse du côté latéral du bras gauche ainsi que des paresthésies au niveau du bras, de l’avant-bras et de la main gauches. Le travailleur se plaint d’ankyloses pour tous les mouvements de l’épaule gauche.
[19] À l’examen, le docteur Fradet note d’abord que les amplitudes articulaires du rachis cervical sont complètes sauf pour une légère limitation aux mouvements de flexion latérale droite et gauche. Au regard de l’épaule gauche, il retrouve un crépitement sous-acromial, mais constate des amplitudes articulaires identiques tant à droite qu’à gauche et l’absence d’atrophie musculaire. Il note que les manœuvres diagnostiques de Hawkins, Neer, Jobe, Speed et Yergason sont toutes positives ce qui ne correspond à aucune lésion objectivable. Il indique que la contraction contre résistance de toute la musculature du membre supérieur gauche provoque de la douleur au-dessus de l’épaule, ce qui représente un signe de Waddell.
[20] Le docteur Fradet conclut que le travailleur demeure avec une ankylose résiduelle à la région cervicale, mais qu’il n’a pu mettre en évidence une pathologie active au niveau de l’épaule gauche étant donné que toute contraction musculaire, même à distance, ne sollicitant pas l’épaule, provoquait des douleurs ainsi que tout effort. Il retient qu’il y a beaucoup de disproportion dans le cadre de l’examen physique et qu’il n’a pu objectiver une tendinite active au niveau de l’épaule gauche.
[21] Considérant les disproportions notées lors de l’examen à l’épaule gauche, le docteur Fradet recommande un examen par résonance magnétique pour éliminer toute pathologie. D’autre part, concernant le cou, il accorderait un déficit anatomo-physiologique de 2 % pour l’ankylose objectivée aux mouvements de flexion latérale droite et gauche.
[22] Par la suite, le docteur Chouinard continue de suivre régulièrement le travailleur. Il ressort de ses rapports médicaux que la condition du travailleur est fluctuante au niveau de l’épaule gauche. Il retient le diagnostic de hernie discale C5-C6 gauche et de tendinite à l’épaule gauche. Il recommande un examen par résonance magnétique pour l’épaule gauche.
[23] Le 21 novembre 2008, le travailleur passe un examen par résonance magnétique afin d’éliminer une déchirure de la coiffe des rotateurs. Le radiologiste indique que la morphologie est de type 1 et qu’il y a de légers signes de tendinopathie touchant le tendon sus-épineux et, de façon un peu plus marquée au niveau du sous-épineux, mais sans déchirure. Il note, par ailleurs, des remaniements acromio-claviculaire légers à modérés sans effet de masse appréciable sur la jonction myotendineuse du sus-épineux. Il conclut à des remaniements dégénératifs acromio-claviculaire légers à modérés sans effet de masse appréciable sur la jonction myotendineuse du sus-épineux et des signes de tendinopathie touchant les tendons sus-épineux et sous-épineux sans déchirure démontrée.
[24] Le 15 décembre 2008, le docteur Chouinard retient les diagnostics de hernie discale et de tendinite de l’épaule gauche. Il précise que l’état est peu amélioré et que le travailleur aura une infiltration.
[25] Le 19 décembre 2008, le physiothérapeute note qu’un plateau de récupération est atteint.
[26] Le 21 décembre 2008, le docteur Chouinard indique que le travailleur verra le physiatre.
[27] Le 9 février 2009, le docteur Chouinard remplit un rapport complémentaire afin de commenter l’expertise produite par le docteur Fradet. Il indique que le travailleur a déjà passé l’examen par résonance magnétique recommandé par le docteur Fradet et qu’il révèle une tendinopathie du sus-épineux et sous-épineux gauche ainsi que des changements dégénératifs. Il se dit en accord avec les conclusions du docteur Fradet. Cependant, il indique que le travailleur verra un physiatre le 21 février 2009 et qu’il désire attendre cette évaluation avant de statuer sur la nécessité de soins ou traitements additionnels.
[28] Le 25 février 2009, le travailleur consulte le physiatre Parent, à la demande du médecin traitant. Il rapporte que la condition du travailleur ne s’est pas améliorée et que les douleurs ont même augmenté et qu’elles irradient parfois à l’avant-bras avec une sensation de paresthésies intermittentes aux troisième et quatrième doigts de la main gauche. Il note que le travailleur est présentement en arrêt de travail.
[29] À l’examen, le docteur Parent indique qu’il ne retrouve pas d’atrophie musculaire. Il précise qu’il n’y a pas d’abutement et que l’amplitude de la colonne cervicale est complète. Il retrouve également des amplitudes articulaires complètes de l’épaule gauche et précise que les manœuvres de Neer, Hawkins et de Jobe sont légèrement positives.
[30] Il retient que le travailleur présente des séquelles d’entorse cervicale avec irritation facettaire secondaire C5-C6 et C6-C7 gauche sur une discopathie C5-C6 sans conflit disco-radiculaire. Il retient également qu’il présente de légers signes de tendinite de la coiffe des rotateurs gauche. Cependant, il note une certaine disproportion entre l’intensité des symptômes décrits, l’examen clinique et l’investigation.
[31] Le docteur Parent recommande des infiltrations que le travailleur refuse. Il ajoute que le travailleur pourrait bénéficier d’un programme de réadaptation multidisciplinaire.
[32] Le 5 mars 2009, le travailleur est examiné par l’orthopédiste Cloutier, membre du Bureau d’évaluation médicale. Il rapporte que le travailleur se plaint d’une douleur constante à la région cervicale postérieure jusqu’au niveau de la nuque, de l’omoplate et à toute la partie supérieure de son épaule avec irradiations dans tout le bras. De plus, le travailleur allègue être incapable de travailler avec le bras au-dessus de l’épaule. Le travailleur se plaint d’un accrochage de l’épaule à l’occasion.
[33] À l’examen, le docteur Cloutier retrouve des amplitudes articulaires complètes au niveau de la région cervicale. Au niveau de l’épaule gauche, il note que l’examen a été très difficile. En position couchée sur la table, après répétition des manœuvres, il obtient des mouvements passifs complets de l’épaule gauche comme pour le côté opposé. Il précise que, du côté de l’épaule gauche, les manœuvres de Jobe, Neer et Hawkins sont peu concluantes à cause de la douleur associée lors de tous les mouvements. La force est normale. Lors des mouvements de rotation de l’épaule gauche à 90 degrés d’abduction, il note un léger accrochage sous-acromial, comme pour le côté opposé. Le travailleur allègue une hypoesthésie circonférentielle à tout le membre supérieur commençant au tiers proximal du bras et allant jusqu’à toute la main, mais qu’il n’y a pas d’atrophie du membre supérieur gauche.
[34] Le docteur Cloutier conclut que le traumatisme allégué est compatible avec les diagnostics d’entorse cervicale et de tendinite à l’épaule gauche. Cependant, il précise que le travailleur ne présente aucun signe d’un syndrome facettaire et que la hernie discale observée à l’imagerie radiologique ne compresse pas la racine. Il souligne que le travailleur allègue une hypoesthésie circonférentielle à tout le membre supérieur gauche qui ne correspond avec aucun territoire nerveux et spécifique. Étant donné son examen normal de la région cervicale, il consolide la lésion sans nécessité de soins ni traitements additionnels. Quant à l’épaule gauche, son examen ne lui permet pas de retenir une pathologie active et il note que l’examen par résonance magnétique n’a démontré tout au plus que de légers signes de tendinopathie. Il est d’avis que, après neuf mois depuis la survenance de la lésion, le travailleur a eu un traitement adéquat pour une tendinite de la coiffe des rotateurs. Il consolide donc la lésion à l’épaule sans nécessité de soins ni traitements additionnels.
[35] Le 12 mars 2009, le docteur Chouinard note une douleur au trapèze gauche et des mouvements douloureux et précise que l’état est stable.
[36] Le 24 mars 2009, la CSST rend une décision confirmant les conclusions du membre du Bureau d’évaluation médicale. Elle détermine qu’il y a relation entre les diagnostics d’entorse cervicale et de tendinite de la coiffe des rotateurs et l’événement survenu le 1er mai 2008, mais ajoute que celui de hernie discale C5-C6 n’a pas été retenu par le membre du Bureau d’évaluation médicale. Elle décide également que les soins et traitements ne sont plus justifiés depuis le 5 mars 2009 et que, la lésion étant consolidée, le travailleur a droit à l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce que la CSST se prononce sur la capacité à exercer son emploi. Le travailleur a déposé une demande de révision de cette décision, en dehors du délai prévu à la loi, et cette contestation est déclarée irrecevable ce que ne conteste plus le travailleur.
[37] Par la suite, la CSST invite le docteur Chouinard à remplir le rapport médical final. Celui-ci y indique que le travailleur présente une condition stable et qu’il ne persiste pas d’atteinte permanente, mais que le travailleur demeure avec des limitations fonctionnelles. Il précise qu’il ne produira pas le rapport d’évaluation médicale et il suggère de la réadaptation.
[38] Le 16 avril 2009, l’agente d’indemnisation communique avec le travailleur et lui demande si son médecin l’a référé à un médecin spécialiste pour l’évaluation de ses limitations fonctionnelles après la production du rapport médical final. Le travailleur répond par la négative et ajoute qu’il ne connaît pas de spécialiste.
[39] C’est dans ce contexte que le 12 mai 2009, le travailleur est évalué par le chirurgien orthopédiste Nadeau, à la demande de la CSST. Il rapporte les plaintes du travailleur. Celui-ci allègue des douleurs constantes au niveau du cou ainsi que de l’œdème et de la chaleur. Il se plaint que ses mouvements sont limités et ressent des douleurs à l’effort. Les quintes de toux et les éternuements aggravent ses douleurs. Le travailleur allègue également des engourdissements et une faiblesse à tout le membre supérieur gauche jusqu’au bout des doigts et décrit des douleurs constantes à l’épaule gauche irradiant au cou avec chaleur et rougeur, avec des mouvements diminués et des craquements.
[40] À l’examen, le docteur Nadeau note que les mouvements de la région cervicale sont complets. Il retrouve également des amplitudes articulaires complètes au niveau de l’épaule gauche qui sont identiques à celles de l’épaule droite. Il précise que le travailleur allègue de la douleur à la mobilisation de l’épaule gauche, mais qu’il parvient à exécuter des mouvements complets. Il retient que les manœuvres de Neer, Hawkins et de Jobe sont négatives au niveau des deux épaules et qu’il n’y a aucune crépitation au niveau de la coiffe des rotateurs. Le docteur Nadeau retrouve un déficit sensitif au toucher léger et à l’aiguille à toute l’hémiface gauche dans tout le membre supérieur gauche jusqu’au niveau de D8 en antérieur. Il note que l’examen des forces musculaires et des sensibilités est normal.
[41] Il conclut à un examen normal au niveau du cou et de l’épaule gauche. De plus, il précise que l’hypoesthésie au niveau du visage jusqu’à D8 incluant tout le membre supérieur gauche ne peut être considérée comme un déficit organique. En outre, concernant la région cervicale, il prend en considération l’absence de spasme musculaire et de limitation de mobilité et retient le diagnostic d’entorse cervicale consolidée sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles. Quant à l’épaule gauche, il tient compte de l’absence d’accrochage, des amplitudes articulaires complètes et des épreuves de sollicitation négatives superposables à celles du docteur Cloutier et retient le diagnostic de tendinite sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles.
[42] Le 15 mai 2009, l’agente inscrit à ses notes évolutives qu’elle a reçu l’évaluation du docteur Nadeau. Elle écrit qu’une demande de rapport complémentaire est faite au médecin traitant et elle appelle le travailleur pour l’informer de la démarche à suivre après la réception du rapport du docteur Nadeau.
[43] Le 19 mai 2009, la CSST écrit au docteur Chouinard et l’informe qu’elle lui fait parvenir l’expertise du docteur Nadeau qui infirme ses conclusions. Elle l’informe qu’il peut remplir un rapport complémentaire, étayer ses conclusions et expliquer les raisons pour lesquelles il maintient ou modifie son opinion.
[44] Le 23 mai 2009, le docteur Chouinard remplit un rapport complémentaire afin de commenter l’évaluation du docteur Nadeau. Il écrit d’abord que, sur son rapport médical final du 9 avril 2009, il avait déjà indiqué qu’il ne subsistait pas d’atteinte permanente. Il ajoute ce qui suit concernant les limitations fonctionnelles :
« Pour les limitations fonctionnelles la condition semble s’être améliorée depuis le 9 avril 2009 d’après l’examen par le docteur Paul Nadeau. Je suis donc d’accord.»
[45] Le 26 mai 2009, l’agente de la CSST indique à ses notes évolutives qu’elle a reçu le rapport complémentaire du docteur Chouinard confirmant être d’accord avec les conclusions du docteur Nadeau. Elle écrit que la CSST reconnaît donc cette expertise comme étant le rapport d’évaluation médicale du travailleur et que, à la suite de ce rapport, le travailleur est capable d’exercer son travail sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles. À la même note évolutive, l’agente ajoute qu’elle communique avec le travailleur pour l’informer que la CSST cesse le versement de l’indemnité de remplacement du revenu puisqu’il est reconnu apte à exercer son emploi. L’agente n’ayant pas rejoint le travailleur, un message est laissé à cet effet sur sa boîte vocale. Le même appel est logé auprès de l’employeur.
[46] Le 27 mai 2009, la CSST rend une décision qui est à l’origine d’un des présents litiges. Elle détermine que le travailleur est capable d’exercer son emploi depuis le 9 avril 2009.
[47] Le 1er juin 2009, un représentant de l’employeur communique avec l’agente de la CSST et lui indique que le travailleur lui a dit ne pouvoir entrer travailler parce qu’il est incapable d’exercer son emploi.
[48] Le 11 juin 2009, le travailleur consulte le docteur Chouinard. Il note une augmentation de douleur au cou et à l’épaule gauche sans raison apparente. Il retient que le travailleur présente une tendinite à l’épaule gauche, une entorse cervicale ainsi qu’une hernie discale cervicale. Il ajoute qu’il y a aggravation d’une condition préexistante. Lors des visites médicales subséquentes, le docteur Chouinard note que la condition est stable et qu’il n’y a pas d’amélioration de la condition du travailleur. Il prescrit des traitements de physiothérapie.
[49] Le 12 juin 2009, l’agente de la CSST fait un résumé du suivi médical et administratif du dossier. Notamment, elle décrit qu’elle a envoyé le rapport médical du docteur Nadeau au docteur Chouinard afin qu’il remplisse un rapport complémentaire. Elle ajoute qu’une copie de l’expertise a également été envoyée au travailleur et qu’elle l’a informé de rencontrer son médecin traitant à l’intérieur du délai de 30 jours dont dispose son médecin pour remplir le rapport complémentaire. Par ailleurs, elle ajoute que, après avoir reçu le rapport complémentaire sur lequel le médecin traitant se dit en accord avec les conclusions du docteur Nadeau, le travailleur a été informé qu’il était reconnu apte à effectuer son travail.
[50] Le 8 juillet 2009, un formulaire de demande de Bureau d’évaluation médicale est rempli par le médecin-conseil de la CSST, le docteur Raymond Houle. Il indique demander l’opinion du Bureau d’évaluation médicale sur l’existence des limitations fonctionnelles.
[51] Le 28 août 2009, le docteur Chouinard rapporte que, récemment, le travailleur a subi une fracture de la clavicule gauche. Le 29 août, le travailleur est revu par un autre médecin de la même clinique que le docteur Chouinard. Il rapporte que, le 26 août, en dormant, le travailleur a fait un sursaut et a levé son bras et qu’il craint un déplacement au niveau de sa clavicule. Il prescrit une radiographie.
[52] Le 1er septembre 2009, le travailleur informe l’agente de la CSST qu’il s’est infligé une fracture de la clavicule gauche. Il avait un rendez-vous pour un examen au Bureau d’évaluation médicale et il se demande s’il doit s’y présenter puisqu’il est souffrant et sous médication.
[53] Le 16 septembre 2009, le docteur Chouinard indique sur son rapport médical d’évolution que le travailleur présente une entorse cervicale, une hernie discale ainsi qu’une tendinite de l’épaule gauche qui sont détériorées à la suite d’une fracture de la clavicule gauche .
[54] Le 24 septembre 2009, le travailleur consulte le chirurgien orthopédiste Bégin qui précise être consulté par le travailleur, à la demande du docteur Chouinard pour une fracture à la clavicule gauche. Il indique qu’il y a un mois, soit le 23 août, le travailleur a foncé dans un cadre de porte en courant et qu’il s’est frappé l’épaule gauche. Il a présenté une douleur importante à l’épaule et a porté une attelle. Il mentionne que le 29 août, il a présenté une sensation de déplacement de la clavicule et que depuis, la douleur a diminué et les mouvements ont augmenté. Il précise que les paresthésies diminuent. À l’examen, il note une déformation de la clavicule gauche avec une légère douleur à la palpation et une diminution de douleur au mouvement de flexion-extension de l’épaule gauche. Il note que l’abduction s’effectue à 30 degrés. Il rapporte que, selon la radiographie, le travailleur présente une fracture comminutive avec deux fragments déplacés. Il recommande au travailleur de bien mobiliser son épaule.
[55] À la note évolutive du 7 octobre 2009, l’agente indique au travailleur que la demande de Bureau d’évaluation médicale a été définitivement annulée étant donné que, sur le rapport complémentaire, le médecin traitant a indiqué être en accord avec les conclusions du docteur Nadeau. Il n’y a donc pas lieu d’aller au Bureau d’évaluation médicale.
[56] Le 16 octobre 2009, le travailleur soumet une réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation survenue le 23 août 2009. Il indique que son épaule s’est aggravée à la suite d’un accident du travail.
[57] Le 26 octobre 2009, le docteur Bégin note qu’il y a diminution de la douleur, mais qu’elle est inconfortable. Il recommande une radiographie parce qu’il a un doute sur l’union de la fracture. Il recommande la poursuite du traitement conservateur. Le travailleur passe une radiographie. La radiologiste observe une fracture comminutive à l’union du tiers moyen et externe de la clavicule gauche. Elle note qu’il y a un décalage inférieur presque complet du fragment distal principal et que les fragments intermédiaires sont obliqués médialement entre les segments principaux.
[58] Le 3 novembre 2009, l’agente de la CSST procède à une cueillette d’information afin de se prononcer sur l’admissibilité de la récidive, rechute ou aggravation. Elle communique avec le travailleur qui lui décrit s’être accroché dans le cadre de porte chez lui autour du 23 août 2009. Il dit qu’il s’est cassé la clavicule, mais que ce n’était pas un gros impact. Il ajoute que son médecin lui a dit que cette fracture s’explique par le fait que son épaule gauche était fragilisée par la lésion professionnelle et que, s’il n’avait pas subi une telle lésion, il n’aurait probablement pas eu de fracture à la clavicule. Il indique à l’agente que son épaule gauche n’était pas guérie lorsqu’il s’est fracturé la clavicule.
[59] Le 4 novembre 2009, la CSST rend une des décisions à l’origine des présents litiges et elle détermine qu’il n’y a pas de relation entre la détérioration de l’entorse cervicale, la hernie discale cervicale et la tendinite à l’épaule gauche et l’événement du 1er mai 2008.
[60] Le 9 décembre 2009, le docteur Bégin rapporte que le travailleur se dit pire qu’avant. Il prescrit un examen par tomodensitométrie qui révèle la présence d’un cal osseux au niveau de la fracture. Le docteur Bégin indique qu’il va procéder à une exostectomie si l’aspérité osseuse nuit toujours.
[61] Le 17 mars 2010, le travailleur est examiné par le docteur du Tremblay aux fins de la production d’une expertise dans le cadre du présent litige. Il rapporte que le travailleur présente toujours une douleur à la région cervicale gauche avec irradiations au trapèze tant au repos qu’à l’activité. Le travailleur se plaint aussi d’un phénomène d’accrochage lorsqu’il effectue des mouvements de 90 degrés et du fait que les activités de la vie quotidienne sont réalisables, mais avec difficulté. Il se plaint également depuis quelque temps d’un phénomène d’engourdissements au niveau de l’auriculaire gauche.
[62] À l’examen, il note des amplitudes articulaires complètes du rachis cervical, mais avec une douleur à la fin de tous les mouvements sans spasme. Il observe des signes évidents d’une fracture du tiers moyen de la clavicule gauche avec proéminence osseuse qui est douloureuse à la palpation, mais sans signe de pseudarthrose. Quant aux épaules, il note que les mouvements passifs sont complets et que les mouvements actifs sont légèrement limités dus à un phénomène douloureux. Il retrouve un accrochage évident à 90 degrés d’abduction. Puis, il note une hypoesthésie dans le territoire du nerf cubital gauche avec un phénomène douloureux à la mobilisation du nerf au niveau de la gouttière olécranienne.
[63] Il conclut que le travailleur présente une pathologie cervicale consolidée sans séquelles fonctionnelles. En ce qui concerne l’épaule gauche, le docteur du Tremblay est d’avis que le travailleur présente une tendinite à l’épaule gauche avec des signes d’abutement résiduel. Il croit qu’il demeure avec des signes de tendinopathie et qu’il devrait consulter un orthopédiste afin de juger de l’opportunité d’un traitement chirurgical. Selon lui, la fracture de la clavicule demeure symptomatique avec mal-union qui pourrait devenir chirurgicale, mais il croit que cette lésion n’a eu aucun effet sur la blessure à l’épaule gauche. Il est d’avis que le travailleur est toujours demeuré symptomatique de son épaule gauche malgré la fracture de la clavicule et que certains évaluateurs avaient définitivement noté des signes d’abutement au niveau de l’épaule gauche avant l’événement du 23 août. Au regard des engourdissements, il les considère non en relation avec le traumatisme initial.
[64] Finalement le 9 juin 2010, le travailleur subit une exostectomie de la clavicule gauche pour une mal-union à la clavicule gauche. Au protocole opératoire, le docteur Bégin note qu’il visualise une spicule osseuse en antérieur qui est très pointue mesurant environ cinq à six millimètres de diamètre. Il précise qu’elle pointe comme une aiguille ce qui est sans doute la cause majeure des symptômes du patient.
[65] Le 22 juin 2010, le docteur Bégin indique qu’il consolide la lésion à la clavicule sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles. Le 30 juin et le 14 juillet 2010, le docteur Chouinard remplit deux rapports médicaux d’évolution sur lesquels il retient les diagnostics de tendinite chronique à l’épaule gauche, d’entorse cervicale et de hernie discale cervicale.
L’AVIS DES MEMBRES
[66] Le membre issu des associations syndicales et la membre issue des associations d’employeurs sont tous les deux d’avis que le travailleur est capable d’exercer son emploi depuis le 25 mai 2009. Ils retiennent que le rapport complémentaire rendu le 23 mai 2009 est suffisamment clair et étayé et qu’il lie la CSST au regard de l’absence d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles. Par ailleurs, ils retiennent que le défaut du médecin traitant d’informer le travailleur du contenu de son rapport complémentaire ne l’invalide pas. Dans ces circonstances, ils sont d’avis que la CSST était bien fondée de ne pas demander l’avis du Bureau d’évaluation médicale sur les limitations fonctionnelles et de déclarer que le travailleur est capable d’exercer son emploi.
[67] Les deux membres issus sont également d’avis que le travailleur n’a pas subi une récidive, rechute ou aggravation le 11 juin 2009 ni le 23 août 2009. Ils retiennent de la preuve prépondérante qu’il n’y a pas eu de changement significatif de la condition du travailleur depuis la consolidation de la lésion initiale, sauf à partir du 23 août 2009, alors que le travailleur a subi un événement significatif d’ordre personnel à l’épaule gauche.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
Dossier 387069-31-0908
[68] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur est capable d’exercer son emploi depuis le 25 mai 2009. Cependant, de façon préliminaire, elle doit disposer du moyen préalable soulevé par le travailleur. Celui-ci prétend que le rapport complémentaire est irrégulier et que la décision de capacité d’exercer l’emploi est prématurée et devrait être annulée de façon à ce qu’un avis soit demandé au Bureau d’évaluation médicale sur la question des limitations fonctionnelles.
[69] Plus spécifiquement, il invoque que le rapport complémentaire n’est pas suffisamment étayé pour comprendre pourquoi le médecin traitant a changé d’opinion au regard des limitations fonctionnelles. Il soutient également que pour que le rapport complémentaire soit valide et puisse lier la CSST, le docteur Chouinard devait informer le travailleur du contenu de son rapport.
[70] D’abord, il y a lieu de rappeler qu’en vertu de l’article 192 de la loi, le travailleur a droit aux soins du professionnel de santé de son choix. En outre, la jurisprudence a déjà décrit le médecin qui a charge comme étant celui qui est choisi par le travailleur, qui l’examine, supervise l’investigation paraclinique, établit un plan de traitements et assure le suivi médical en vue de la consolidation de la lésion.[2] Dans le présent dossier, il n’est pas contesté que le médecin qui a charge ou le médecin traitant est le docteur Chouinard.
[71] Par ailleurs, par le biais des articles 224 et 358, la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles consacre le principe selon lequel la CSST est liée par les conclusions d’ordre médical établies par le médecin traitant et que le travailleur ne peut les contester[3].
[72] Dans le présent cas, le 5 mars 2009, le docteur Cloutier, membre du Bureau d’évaluation médicale, écarte les diagnostics de hernie discale et de syndrome facettaire et retient les diagnostics d’entorse cervicale et de tendinite à l’épaule gauche sans nécessité de soins ni traitements additionnels. Après cet avis du Bureau d’évaluation médicale, le médecin traitant est donc invité à remplir un rapport médical final pour indiquer si le travailleur demeure avec des séquelles permanentes.
[73] Ainsi, le 9 avril 2009, le docteur Chouinard remplit le rapport médical final et indique que le travailleur ne conserve aucune atteinte permanente, mais qu’il demeure avec des limitations fonctionnelles. Il indique qu’il ne produira pas le rapport d’évaluation médicale et il suggère de la réadaptation.
[74] Conformément à l’article 204 de la loi, la CSST requiert l’avis du docteur Nadeau qui conclut à l’absence d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles. Aux termes de l’article 205.1 de la loi, la CSST transmet une copie de ce rapport au docteur Chouinard qui est invité à en prendre connaissance et à remplir un rapport complémentaire. L’article 205.1 de la loi prévoit ce qui suit :
205.1. Si le rapport du professionnel de la santé désigné aux fins de l'application de l'article 204 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.
La Commission peut soumettre ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216 .
__________
1997, c. 27, a. 3.
[75] En vertu de l’article 205.1 de la loi, le médecin traitant peut produire une opinion étayée pour appuyer ses conclusions initiales. Cependant, il peut également changer d’avis. Dans un tel cas, la jurisprudence enseigne que son avis doit être clair et limpide.[4]
[76] Dans le présent cas, dans le cadre de son rapport complémentaire, le docteur Chouinard a changé d’avis au regard de l’existence des limitations fonctionnelles, mais la Commission des lésions professionnelles estime que son rapport est suffisamment clair et limpide pour lier la CSST.
[77] En effet, dans le cadre de son rapport complémentaire, le docteur Chouinard fait d’abord la distinction entre l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles. En outre, il précise qu’à son rapport médical final, il retenait les mêmes conclusions que le docteur Nadeau quant à la non-persistance d’atteinte permanente. Par ailleurs, il ajoute que, d’après l’examen médical du docteur Nadeau, la condition du travailleur semble s’être améliorée depuis son examen du 9 avril 2009 et qu’il est donc en accord avec lui sur l’absence de limitations fonctionnelles.
[78] Le docteur Chouinard est le médecin traitant du travailleur depuis le début du suivi médical. Il l’a examiné à de nombreuses reprises. Il a prescrit des examens paracliniques. Il a pris connaissance des résultats des divers examens. Il a fait voir le travailleur par le physiatre Parent peu de temps avant la production du rapport médical final. À l’instar du docteur Fradet, le physiatre consultant conclut à une certaine disproportion entre l’intensité des symptômes et l’investigation clinique.
[79] Puis, selon ce qu’il écrit au rapport complémentaire, le docteur Chouinard, prend connaissance de l’examen du docteur Nadeau qui conclut à un examen normal de la colonne cervicale et de l’épaule gauche, même s’il y a notamment, persistance d’une douleur aux mouvements actifs de l’épaule gauche. Le docteur Nadeau précise, par ailleurs, qu’il n’y a pas d’accrochage à l’épaule gauche.
[80] Le docteur Chouinard avait la possibilité de maintenir les conclusions de son rapport médical final et d’étayer ses conclusions. Or, il a plutôt choisi d’endosser l’examen du docteur Nadeau, sans revoir son patient. En outre, dans le présent cas, le docteur Chouinard avait conclu à l’absence d’atteinte permanente, c’est donc dire que ses observations cliniques retenues à la date du rapport médical final, ne devaient pas être très différentes de celles du docteur Nadeau.
[81] Par conséquent, la Commission des lésions professionnelles retient que les conclusions du docteur Chouinard sont suffisamment claires et limpides pour lier la CSST, même s’il a changé d’opinion au regard de la persistance de limitations fonctionnelles.
[82] Le travailleur invoque que le fait que la CSST avait enclenché une demande au Bureau d’évaluation médicale pour obtenir un avis sur les limitations fonctionnelles indique que le rapport complémentaire n’était pas suffisamment clair pour être liant. La Commission des lésions professionnelles ne partage pas ce point de vue. Il ressort clairement de la note évolutive du 26 mai 2009 que, dès la réception du rapport complémentaire, la CSST retient que le rapport du docteur Nadeau constitue le rapport d’évaluation médicale et que le travailleur est apte à son travail régulier sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles. Or, une demande semble tout de même avoir été faite au Bureau d’évaluation médicale, peut-être à cause d’un changement d’agent au dossier. La Commission des lésions professionnelles estime qu’il s’agit simplement d’une erreur dans le suivi administratif du dossier et que, pour être cohérente avec sa note évolutive du 26 mai 2009 et sa décision de capacité de retour au travail, c’est à bon droit que la CSST a annulé cette demande.
[83] Par ailleurs, comme il a été décidé à maintes reprises dans le passé, la Commission des lésions professionnelles retient que le défaut du médecin traitant d’informer le travailleur du contenu de son rapport complémentaire n’invalide pas ce rapport. En effet, la Commission des lésions professionnelles estime que cette obligation d’information qui est faite au médecin traitant constitue un rouage dans la transmission de l’information au travailleur pour l’informer si le processus d’indemnisation doit être poursuivi ou interrompu. Aucune sanction n’y est rattachée et le travailleur demeure lié par les conclusions de son médecin traitant qu’il ne peut, de toute façon, contester.[5]
[84] Pour ces raisons, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que le rapport complémentaire est régulier et que, dans ce contexte, l’avis du docteur Chouinard se disant en accord avec les conclusions du docteur Nadeau, liait la CSST sur l’absence d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles. Ainsi, elle était bien fondée de conclure à la capacité du travailleur d’exercer son emploi de mécanicien.
Dossier 400028-31-1001
[85] La Commission des lésions professionnelles doit maintenant déterminer si le travailleur a subi une récidive, rechute ou aggravation le 11 juin 2009.
[86] La lésion professionnelle est définie à l’article 2 de la loi :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.
[87] L’accident du travail est également défini à l’article 2 de la loi :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
« accident du travail » : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.
[88] Quant aux notions de « récidive, rechute ou aggravation », elles ne sont pas définies à la loi. Suivant les définitions courantes, il peut s'agir d’une reprise évolutive, d’une réapparition ou d’une recrudescence d’une lésion ou de ses symptômes[6].
[89] Par ailleurs, tel qu’il a été décidé dans la cause Fontaine et Knirps Canada inc. (fermé)[7], la continuité des mêmes symptômes et la présence de douleurs chroniques ne permettent pas de conclure à une récidive, rechute ou aggravation. Il ressort de cette décision qu’il est nécessaire de démontrer qu’il y a eu un changement significatif de l’état de santé ou qu’il y a eu une nouvelle manifestation significative de la lésion[8]. La simple affirmation de la réapparition ou de la persistance des symptômes ne peut permettre de conclure à une récidive, rechute ou aggravation.
[90] Le travailleur nous réfère également à la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Dubé et Entreprises du Jalaumé enr.[9], qui précise qu’une détérioration de la lésion englobe tous les changements possibles de modification de l’état de santé du travailleur et qu’il n’est pas nécessaire qu’il soit démontré des signes purement objectifs. Il y est également établi que des signes même partiellement objectifs ou purement subjectifs peuvent suffire s’ils sont fiables et que cette question relève en réalité de l’appréciation du caractère prépondérant de la preuve médicale relative à la modification de l’état de santé.
[91] La preuve médicale prépondérante doit également démontrer la relation qui existe entre la récidive, rechute ou aggravation alléguée et la lésion professionnelle diagnostiquée à la suite de l'événement initial.
[92] La jurisprudence de la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel) et de la Commission des lésions professionnelles tient compte de différents critères pour conclure à l'existence d'une relation entre la récidive, rechute ou aggravation et une lésion professionnelle initiale[10]. Ainsi, dans l'établissement de cette relation, elle doit examiner les éléments suivants : la gravité de la lésion initiale, la continuité des symptômes, l'existence ou non d'un suivi médical, le retour au travail avec ou sans limitations fonctionnelles, la présence ou l'absence d'une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, la présence ou l'absence d'une condition personnelle, la concordance des symptômes allégués au moment de la récidive, rechute ou aggravation et de la lésion initiale.
[93] Aucun de ces critères n'est décisif par lui-même et ils doivent être étudiés dans leur ensemble pour décider du bien-fondé d'une réclamation.
[94] La Commission des lésions professionnelles ne croit pas que le travailleur a subi une récidive, rechute ou aggravation ni le 11 juin 2009 ni le 23 août 2009.
[95] Tel que mentionné précédemment, la preuve démontre que, lors du rapport complémentaire daté du 23 mai 2009, les lésions initiales à la région cervicale et à l’épaule gauche ont été consolidées sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles.
[96] Par la suite, la preuve médicale démontre de façon prépondérante qu’il n’y a pas de changement significatif dans l’état de santé du travailleur. De fait, les constatations du docteur Chouinard réfère essentiellement à une augmentation de la douleur au niveau de l’épaule gauche. Notamment, le 11 juin 2009, il note une douleur exacerbée sans raison apparente.
[97] Le travailleur prétend que la détérioration même subjective de son état de santé peut permettre de conclure à la survenance d’une récidive, rechute ou aggravation. Cependant, tel qu’il le précise lui-même, encore faut-il que ces signes soient fiables, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
[98] En effet, dans le présent cas, différents médecins spécialistes ont souligné une disproportion entre les symptômes allégués par le travailleur et les signes objectifs retrouvés aux examens. Notamment, le docteur Fradet note une disproportion entre les signes subjectifs à l’épaule gauche et les signes cliniques. Il en est de même du physiatre Parent qui est consulté par le travailleur, à la demande du médecin traitant.
[99] De plus, sans mentionner expressément de disproportion entre les symptômes et les signes cliniques retrouvés, il n’en demeure pas moins que le docteur Cloutier, membre du Bureau d’évaluation médicale, et le docteur Nadeau font tous les deux état des symptômes importants allégués par le travailleur sans retrouver de signe clinique permettant d’identifier une pathologie active à l’épaule gauche. Par exemple, ils retiennent tous les deux que l’hypoesthésie alléguée par le travailleur au membre supérieur gauche et même au visage ne correspond à aucune lésion organique.
[100] À l’audience, le travailleur indique qu’en date du 11 juin 2009, il ressentait des engourdissements à tout son membre supérieur gauche et qu’il présentait de l’enflure qu’il associe à l’examen fait par le docteur Nadeau, le 12 mai 2009. Pourtant, son médecin traitant indique que la douleur est augmentée sans raison apparente et il ne fait aucunement état d’une enflure ou d’engourdissements au membre supérieur gauche.
[101] Ainsi, la Commission des lésions professionnelles retient de la preuve prépondérante que les signes subjectifs allégués par le travailleur sont peu fiables et ne peuvent justifier la reconnaissance d’une récidive, rechute ou aggravation.
[102] Par ailleurs, la Commission des lésions professionnelles retient que, dans le cadre de sa réclamation, le travailleur indique comme date de récidive, rechute ou aggravation, le 23 août 2009. Or, cette date correspond à la date de la survenance d’un événement personnel significatif à son épaule gauche.
[103] Le tribunal retient que, initialement, le travailleur a clairement tenté de diminuer l’importance de ce nouvel événement d’ordre personnel. À sa note évolutive du 9 novembre 2009, l’agente de la CSST rapporte que le travailleur s’est accroché dans un cadre de porte chez lui et qu’il s’est cassé la clavicule. Elle précise que, selon le travailleur, il ne s’agissait pas d’un gros impact et que le médecin lui aurait dit que, n’eût été du fait que son épaule gauche était fragilisée par une lésion professionnelle préexistante, il n’aurait probablement pas subi de fracture.
[104] À l’audience, le travailleur a aussi minimisé le traumatisme subi à l’épaule le 23 août 2009. Il déclare qu’il est rentré un peu vite dans un cadre de porte en s’enfargeant.
[105] Pourtant, la note médicale du docteur Bégin, dont le dépôt a été requis à la fin de l’audience, est non équivoque. Le 23 août 2009, le travailleur a foncé dans un cadre de porte en courant et il a subi une fracture comminutive à l’épaule gauche entraînant des limitations importantes de mouvements et des paresthésies. Selon les notes subséquentes du docteur Bégin, la condition du travailleur semble empirée. En outre, il y a une mal-union de la fracture qui entraîne finalement une chirurgie d’exostectomie à l’épaule gauche. Or, le docteur Bégin note au protocole opératoire que cette exostectomie devrait régler la majeure partie des symptômes dont se plaint le travailleur.
[106] Ainsi, la preuve prépondérante démontre que, le 23 août 2009, il est survenu un changement significatif dans la condition du travailleur qui n’est aucunement en relation avec la lésion professionnelle initiale, mais plutôt en lien avec un événement d’ordre personnel.
[107] Finalement, en se référant à l’expertise du docteur du Tremblay, le travailleur prétend qu’il présente un syndrome d’accrochage à l’épaule gauche qui est en relation avec la lésion professionnelle initiale. Il souligne que le docteur du Tremblay note un signe d’abutement évident à 90 degrés au mouvement d’abduction de l’épaule gauche. Le docteur du Tremblay établit la relation avec l’événement initial au motif que certains évaluateurs ont noté des signes d’abutement au niveau de l’épaule gauche antérieurement à la fracture de la clavicule.
[108] La Commission des lésions professionnelles retient plutôt que le docteur du Tremblay est le seul médecin à noter un tel signe d’abutement évident à l’épaule gauche, soit près de trois ans après la survenance de la lésion initiale et, même plusieurs mois après la date de la récidive, rechute ou aggravation alléguée du 11 juin 2009. De plus, il fait ce constat après la survenance de la fracture à la clavicule au mois d’août 2009, mais avant la chirurgie d’exostectomie.
[109] Par ailleurs, le tribunal retient que le médecin traitant du travailleur n’a jamais rapporté de signe d’abutement à l’épaule gauche. Quoiqu’écrive le docteur du Tremblay à ce sujet, le docteur Parent, qui examine le travailleur à la demande du médecin traitant, précise clairement qu’il ne constate pas de phénomène d’abutement. Les docteurs Fradet et Nadeau n’ont pas non plus retrouvé un tel signe. Quant au docteur Cloutier, il note un léger accrochage, mais non significatif puisqu’il se retrouve aux deux épaules.
[110] Par conséquent, la preuve soumise par le travailleur ne convainc pas le tribunal qu’il a subi une récidive, rechute ou aggravation le 11 juin 2009 ou le 23 août 2009.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 387069-31-0908
REJETTE la requête de monsieur Christian Bouchard, le travailleur;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 2 juillet 2009, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur est capable d’exercer son emploi à compter du 25 mai 2009;
Dossier 400028-31-1001
REJETTE la requête du travailleur;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 22 décembre 2009;
DÉCLARE que le travailleur n’a pas subi une récidive, rechute ou aggravation ni le 11 juin 2009 ni le 23 août 2009.
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] Marceau et Gouttière Rive-Sud Fabrication inc., 91084-62-9709, 22 octobre 1999, H. Marchand.
[3] Paquette et Aménagement Forestier LF, 246976-08-0410, 6 juillet 2005, J.-F. Clément; Jean et Belron Canada inc [2006] C.L.P. 473 .
[4] Paquette et Aménagement Forestier LF, précitée note 3, Ferguson et Industries de Moulage Polytech inc., 155516-62B-0102, 3 octobre 2001, A, Vaillancourt; Morin et 1970-0374 Québec inc., 135078-08-0003, 9 octobre 2001, L. Boudreault; Fox et Commission scolaire South Shore, 152348-62-A-0012, 22 mars 2002, N. Tremblay, révision rejetée le 25 juin 2003, N. Lacroix; Bacon et Général Motors du Canada ltée, [2004] C.L.P. 941 ; Jalbert et Supermarché St-Raphael inc., 218556-04-0310, 28 octobre 2004, L. Collin.
[5] Voir notamment Hamilton et Toyota Pie IX inc., 312268-63-0703, 10-03-04, P. Perron; Rangers et Asphalte ST, 364388-02-0811, 1er juin 2009, R. Bernard.
[6] Lapointe et Cie minière Québec-Cartier, [1989] C.A.L.P. 38 .
[7] 263575-61-0506, 10 janvier 2007, S. Di Pasquale.
[8] Voir Cantin et Industries Leclerc inc., 265203-04-0506, 14 février 2006, D. Lajoie; Comeau et Rest. Nouvelle Chine dorée inc., 168930-61-0109, 18 octobre 2002, L. Nadeau, (02LP-115) (décision accueillant la requête en révision), requête en révision judiciaire rejetée, C.S. Laval, 540-05-006970-028, 27 mai 2003, j. Piché; Lafontaine et C.H.-C.H.S.L.D. de Papineau, 170168-07-0110, 27 août 2003, N. Lacroix, (décision accueillant la requête en révision).
[9] 380599-01A-0906, 21 septembre 2009, G. Tardif.
[10] Boisvert et Halco inc., [1995] C.A.L.P. 19 .
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