DÉCISION
[1] Le 7 octobre 2002, madame Mary Ann O’Connor (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 23 septembre 2002, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle initialement rendue le 1er mai 2002 et déclare que la travailleuse n’a pas subi de lésion professionnelle le 6 mars 2002. La CSST ajoute que si cette décision devient finale, la travailleuse devra rembourser la somme de 161,87 $ représentant l’indemnité de remplacement du revenu reçue pour son absence au travail les 7 et 8 mars 2002.
[3] Le 16 janvier 2003, la Commission des lésions professionnelles tient une audience en présence de la travailleuse qui est représentée. L’employeur, Centre d’hébergement et de soins de longue durée (C.H.S.L.D.) Heather inc., a informé le tribunal qu’il serait absent à l’audience.
L'OBJET DE LA CONTESTATION
[4] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître qu’elle a été victime d’une lésion professionnelle le 6 mars 2002.
LES FAITS
[5] Après avoir pris connaissance du dossier et avoir entendu le témoignage de la travailleuse, la Commission des lésions professionnelles retient les éléments suivants.
[6] La travailleuse est préposée aux bénéficiaires chez l’employeur depuis 1988. Elle occupe le même poste à temps complet, sur le quart de soir, à compter du mois de septembre 1995.
[7] Le 6 mars 2002, elle allègue la survenance d’une lésion professionnelle dans les circonstances suivantes décrites au formulaire Avis de l’employeur et demande de remboursement :
Mercredi 6 mars 2002, je me suis présenter au travial à 3 :30 sur mon quart normale. J’ai rencontre le peintre qui m’averti qu’il commence a peinture le planche de ciment de la buanderie et les casiers avec de la peinture à l’huile et epoxy. Je souffre de migraine cronique aigue depuis plusieurs années et je dois prendre des médicaments tout les jours pour prévenir les migraines. L’employeur est au courant de mon état de santé. J’ai donc quitter mon travail aussitot que j’ai pu être remplacer. J’ai du m’absenter 3 jours dont 2 ou je devais travailler le 6 mars et le 8 mars le 7 mars était mon congé de semaine. [sic]
[8] À l’audience, la travailleuse affirme que la dizaine d’employés affectés au quart de soir chez l’employeur sont au courant de son problème de migraines et savent qu’elle ne doit pas être exposée à des odeurs fortes.
[9] Elle rappelle que le 16 mai 2001, son médecin lui a remis une note indiquant que ses migraines pouvaient être exacerbées par les odeurs fortes et qu’en conséquence, celles-ci devaient être évitées. Cette note a été remise à son employeur et se retrouve au dossier de la CSST.
[10] La travailleuse explique qu’il est arrivé, à l’occasion, que des odeurs fortes soient présentes sur les lieux du travail et qu’à ce moment, l’employeur l’a affectée à un secteur de l’immeuble où celles-ci n’étaient pas présentes.
[11] Le 6 mars 2002, à son arrivée au travail, elle a rencontré le peintre qui lui a dit qu’elle ne serait pas contente puisqu’il devait utiliser ce jour-là de la peinture à l’huile contenant de l’époxy. Cette conversation a eu lieu à l’endroit où le peintre avait déjà commencé à effectuer ses travaux; l’odeur de peinture y était forte et elle a ressenti les premiers symptômes de migraine. Elle a fait le tour de l’immeuble pour vérifier s’il n’y avait pas un endroit où les odeurs n’étaient pas présentes, ce qui n’était pas le cas. Elle a donc informé l’employeur de la situation et dès qu’elle a pu être remplacée, elle a quitté pour se rendre chez elle sans consulter de médecin.
[12] À son arrivée à la maison, elle a pris le médicament qui est prévu lorsque les migraines font leur apparition, elle s’est couchée et les symptômes se sont résorbés. Elle a communiqué avec l’employeur par la suite et, à compter du moment où les odeurs ont disparu, elle est retournée à son travail.
[13] La travailleuse explique que deux médicaments lui ont été prescrits par son médecin pour ses migraines : un médicament qu’elle prend quotidiennement à titre préventif et un autre qu’elle prend lorsque la migraine s’installe, comme cela était le cas le 6 mars 2002 après avoir respiré les odeurs de peinture. Elle ajoute que lorsque les symptômes se manifestent, ils prennent environ cinq jours avant de disparaître.
[14] En ce qui a trait à la mention apparaissant au dossier concernant le paiement effectué par l’employeur lors de ses deux jours d’absence du travail, la travailleuse apporte les précisions suivantes. La première journée d’absence a été prise par l’employeur à même sa banque de congés de maladie et, en conséquence, lui a été payée. Comme il ne lui restait plus à ce moment de journées dans sa banque de congés de maladie, la deuxième journée d’absence n’a pas été payée par l’employeur et ce, contrairement à ce qui apparaît au dossier.
[15] En effet, selon la mention apparaissant au formulaire Avis de l’employeur et demande de remboursement, la somme de 161,87 $ correspond à 90 % du salaire pour deux journées de travail. Toutefois, l’employeur précise, dans une note jointe à ce document, que madame O’Connor a été payée deux jours en maladie et que si sa réclamation est acceptée comme lésion professionnelle, l’employeur lui remboursera le montant de 161,87 $ à titre de prestation reçue en vertu du dossier ouvert à la CSST.
[16] Cette mention de l’employeur, quant au paiement des deux journées de congé en maladie, se retrouve aussi à un commentaire transmis par madame Jacline Morin, en date du 15 avril 2002.
L'AVIS DES MEMBRES
[17] Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs sont d’avis que la requête de la travailleuse devrait être rejetée. Les membres ne mettent nullement en doute le fait que la travailleuse présente des migraines chroniques, que l’employeur a été informé de cette situation et disposait d’un certificat médical précisant que la travailleuse devait éviter d’être exposée à des odeurs fortes qui étaient susceptibles d’augmenter ses migraines. Toutefois, les membres rappellent que lorsqu’une travailleuse allègue la survenance d’une lésion professionnelle qui entraîne un arrêt de travail, elle doit soumettre à la CSST un rapport médical précisant entre autres le diagnostic et la période prévue de consolidation.
[18] En conséquence, aucun médecin n’ayant constaté la manifestation d’une maladie, la réclamation de la travailleuse devrait être refusée.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[19] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la travailleuse a subi, le 6 mars 2002, une lésion professionnelle telle que définie à l’article 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) qui se lit comme suit :
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation.
[20] Dans le présent dossier, les faits ne sont pas contestés. La travailleuse a un problème de migraines chroniques documenté et connu de l’employeur depuis au moins le 16 mai 2001, date à laquelle le médecin a précisé qu’elle devait éviter d’être exposée à des odeurs fortes qui étaient susceptibles d’exacerber sa condition.
[21] Compte tenu que la travailleuse a un problème de migraines, la présomption de lésion professionnelle édictée à l’article 28 de la loi, qui s’applique dans les cas de blessure dans l’exécution du travail, ne peut recevoir application puisqu’il ne s’agit pas d’une blessure.
[22] L’analyse de la réclamation doit donc être faite sous l’angle de la survenance d’un accident du travail tel que défini à l’article 2 de la loi qui se lit comme suit :
« accident du travail » : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle.
[23] La Commission des lésions professionnelles considère que l’exposition à des produits, tel la peinture à l’huile, peut constituer, dans certaines circonstances, la survenance d’un événement imprévu et soudain à l’origine d’une lésion professionnelle. En effet, l’exposition aux vapeurs de ce produit peut, chez des personnes atteintes de migraines comme c’est le cas de la travailleuse, être à l’origine d’une augmentation des symptômes et, à ce titre, constituer une lésion professionnelle.
[24] Par ailleurs, l’article 267 de la loi prévoit que le travailleur qui allègue avoir été victime d’une lésion professionnelle doit remettre à son employeur l’attestation médicale prévue à l’article 199 de la loi. Ces articles se lisent comme suit :
267. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle qui le rend incapable d'exercer son emploi au - delà de la journée au cours de laquelle s'est manifestée sa lésion doit remettre à son employeur l'attestation médicale prévue par l'article 199.
Si aucun employeur n'est tenu de verser un salaire à ce travailleur en vertu de l'article 60, celui‑ci remet cette attestation à la Commission.
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1985, c. 6, a. 267.
199. Le médecin qui, le premier, prend charge d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle doit remettre sans délai à celui‑ci, sur le formulaire prescrit par la Commission, une attestation comportant le diagnostic et :
1° s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée dans les 14 jours complets suivant la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la date prévisible de consolidation de cette lésion; ou
2° s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée plus de 14 jours complets après la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la période prévisible de consolidation de cette lésion.
Cependant, si le travailleur n'est pas en mesure de choisir le médecin qui, le premier, en prend charge, il peut, aussitôt qu'il est en mesure de le faire, choisir un autre médecin qui en aura charge et qui doit alors, à la demande du travailleur, lui remettre l'attestation prévue par le premier alinéa.
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1985, c. 6, a. 199.
[25] Le 6 mars 2002, la travailleuse a informé son employeur de la situation qui prévalait dans l’immeuble ce jour-là; elle a quitté le travail et n’a pas consulté de médecin. Aucune consultation médicale n’a eu lieu lors de l’absence du mois de mars 2002 et la travailleuse est retournée à son emploi lorsqu’elle a eu la confirmation et qu’elle a pu vérifier qu’il n’y avait plus d’odeurs de peinture.
[26] Le seul document médical au dossier est la lettre transmise le 16 mai 2001 par le médecin qui indiquait que la travailleuse devait éviter d’être confrontée à des odeurs fortes qui pouvaient exacerber ses migraines.
[27] La Commission des lésions professionnelles considère qu’il ne s’agit pas là d’un document pouvant être considéré comme étant l’équivalent d’une attestation médicale requise par l’article 199 de la loi. En effet, ce document indique que la travailleuse est susceptible d’éprouver des problèmes si elle est confrontée à une situation spécifique mais il ne décrit pas la condition physique réelle de la travailleuse le 6 mars 2002, date de l’arrêt de travail.
[28] Il est clair dans l’esprit du tribunal que la travailleuse n’a pas à attendre d’être exposée pendant une longue période à des odeurs fortes et d’être gravement incommodée avant de consulter un médecin qui se prononcera sur la nécessité d’un arrêt de travail. Toutefois, dès qu’elle constate l’apparition des symptômes pouvant être reliés à l’exposition à certains produits, la travailleuse doit consulter un médecin afin de permettre de documenter la condition qui prévaut ce jour là et de compléter le dossier à être transmis à la CSST, comme le prévoit la loi.
[29] La réclamation de la travailleuse étant refusée par le tribunal, celle-ci n’a pas droit à l’indemnité de remplacement du revenu pour les deux journées où elle a été absente de son travail, soit les 7 et 8 mars 2002.
[30] Toutefois, compte tenu de la preuve dans ce dossier, la Commission des lésions professionnelles conclut que la travailleuse n’a pas à rembourser la somme de 161,87 $ dans la mesure où elle n’a jamais reçu cette somme. En effet, tant le témoignage de la travailleuse que les documents émanant de l’employeur précisent que cette absence de deux jours a été traitée à titre de maladie personnelle, et donc payée à même la banque de congés de maladie, et non en vertu d’une réclamation faite à la CSST, l’employeur ayant spécifiquement précisé que si la réclamation de la travailleuse était reconnue, il lui remettrait la somme de 161,87 $.
[31] En conséquence, la travailleuse n’ayant pas reçu cette somme, elle n’aura pas à la rembourser suite à la présente décision.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de madame Mary Ann O’Connor, la travailleuse;
MODIFIE la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 23 septembre 2002, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la travailleuse n’a pas subi de lésion professionnelle le 6 mars 2002;
DÉCLARE que la travailleuse n’a pas droit aux prestations et indemnités prévues par la loi; et
DÉCLARE que la travailleuse n’a pas à rembourser la somme de 161,87 $ parce qu’elle n’a pas reçu cette somme de l’employeur.
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DIANE BESSE |
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Commissaire |
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S.C.F.P. (M. Julien Lapointe) |
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Représentant de la partie requérante |
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.