Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
Modèle de décision CLP - juillet 2015

Vallée et Construction & rénovation M. Dubeau inc.

2016 QCTAT 4375

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL

(Division de la santé et de la sécurité du travail)

 

 

Région :

Chaudière-Appalaches

 

Dossier :

572576-03B-1504

 

Dossier CNESST :

118610682

 

Lévis :

le 20 juillet 2016

______________________________________________________________________

 

DEVANT LE JUGE ADMINISTRATIF :

Paul Champagne

______________________________________________________________________

 

 

 

Jocelyn Vallée

 

Partie demanderesse

 

 

 

et

 

 

 

Construction & Rénovation M. Dubeau inc.

 

Partie mise en cause

 

 

 

et

 

 

 

Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 30 avril 2015, monsieur Jocelyn Vallée (le travailleur) dépose une requête auprès de la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 1er avril 2015, à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 9 décembre 2014, déclare qu’elle est justifiée de reconsidérer une décision rendue le 18 juin 2014 et qu’elle n’a pas à assumer les cotisations de Construction & Rénovation M. Dubeau inc. (l’employeur) au régime de retraite du travailleur.

[3]           Le 1er janvier 2016, la Loi instituant le Tribunal administratif du travail[1] (la LITAT) est entrée en vigueur. Cette loi crée le Tribunal administratif du travail (le Tribunal) qui assume les compétences de la Commission des relations du travail et de la Commission des lésions professionnelles. En vertu de l’article 261 de cette loi, toute affaire pendante devant la Commission des relations du travail ou devant la Commission des lésions professionnelles est continuée devant la division compétente du Tribunal.

[4]           En vertu de l’article 258 de la LITAT, le mandat des commissaires de la Commission des lésions professionnelles est poursuivi à titre de membre du Tribunal. Le soussigné rend donc la présente décision à titre de membre du Tribunal administratif du travail.

[5]           De plus, depuis le 1er janvier 2016, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) assume les compétences autrefois dévolues à la CSST.

[6]           Une audience est tenue à Lévis, le 6 juillet 2016. Le travailleur est présent et non représenté. La Commission est intervenue au présent dossier et est représentée à l’audience. Bien que dûment convoqué, l’employeur est absent. Le dossier a donc été mis en délibéré au jour de l’audience.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[7]           Le travailleur demande au Tribunal d’infirmer la décision rendue par la CSST le 1er avril 2015, à la suite d’une révision administrative, et de déclarer  que celle-ci est tenue d’assumer la part de l’employeur à son régime de pension depuis le 20 août 2009.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[8]           De l’ensemble de la preuve, le Tribunal retient les éléments pertinents suivants.

[9]           Le travailleur est menuisier pour l’employeur et il a 64 ans lors de l’audience.

[10]        Le 20 mars 2000, le travailleur subit un accident du travail alors qu’il tombe assis en transportant une poubelle remplie de terre. À la suite de cet événement, le travailleur est d’abord suivi pour une lombosciatalgie gauche et une entorse lombaire L5-S1. La lésion professionnelle est consolidée au 29 août 2000 avec une atteinte permanente à l’intégrité physique de 2,40 % et des limitations fonctionnelles de classe 2.

[11]        Le ou vers le 19 janvier 2001, la CSST admet le travailleur en réadaptation. Selon les renseignements colligés au dossier, le travailleur n’a pas travaillé depuis le 20 mars 2000. Il a effectué un retour au travail le 13 mars 2007, et ce, que pour quelques heures.

[12]        Les notes évolutives au dossier, datées du 4 février 2002, font état d’une  demande du travailleur auprès de l’agente de la CSST concernant l’effet possible sur l’indemnité de remplacement du revenu d’une éventuelle demande de rente de retraite.

[13]        Le 13 mars 2007, le travailleur subit une récidive, rechute ou aggravation, dont les diagnostics sont une entorse lombaire, une hernie discale, une lombosciatalgie et un syndrome discal. Cette lésion professionnelle est consolidée le 20 août 2009 avec une atteinte permanente additionnelle de 20,65 % et des limitations fonctionnelles de classe 4.

[14]        Le 10 septembre 2009, la CSST rend une décision déclarant qu’elle ne peut déterminer la capacité du travailleur à exercer un emploi, ce dernier ayant droit à l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’à 68 ans.

[15]        Le 18 juin 2014, la CSST rend une décision reconnaissant que le travailleur est atteint d’une invalidité grave et prolongée, au sens de l’article 93 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi) et l’informe qu’il peut continuer de participer au régime de retraite offert par la Commission de la construction du Québec. Le cas échéant,  la CSST assume les cotisations de l’employeur.

[16]        Le 30 juillet 2014, le travailleur remplit un formulaire d’usage pour la CSST confirmant son intention de continuer de participer à son régime de retraite à partir du 20 août 2009.

[17]        Le 15 septembre 2014, la Commission de la construction du Québec transmet une correspondance à la CSST[3] indiquant  que le travailleur reçoit une rente du régime de pension pour les employés de l’industrie de la construction depuis le 1er février 2002 et que toute nouvelle cotisation ne serait pas utilisée pour augmenter la rente du travailleur. Après chaque année civile, les cotisations du travailleur lui sont remboursées ainsi qu’une partie des cotisations de la CSST[4].

[18]        Les notes évolutives au dossier, datées du 27 novembre 2014, font état d’une conversation entre l’agent de la CSST au dossier et un agent administrateur de la Commission de la construction du Québec. Les nouvelles cotisations ne peuvent servir à augmenter la rente du travailleur, est-il écrit, un pourcentage des cotisations de la CSST est remis au travailleur et le solde est versé au régime général de l’industrie de la construction. Quant aux cotisations du travailleur, elles lui sont remises en totalité à la fin de chaque année civile.

[19]        Le 2 décembre 2014, l’agente de la CSST au dossier communique avec le travailleur. Ce dernier est informé de la possibilité d’une reconsidération de la décision rendue le 18 juin 2014, à la suite des renseignements obtenus de la Commission de la construction du Québec. Des explications détaillées sont colligées aux notes évolutives.

[20]        Le 3 décembre 2014, l’agente de la CSST au dossier fait état d’une autre communication avec l’agent administrateur de la Commission de la construction du Québec. Elle indique que le travailleur a choisi de toucher sa rente de retraite en 2002, alors qu’il avait 51 ans. S’il n’avait pas commencé à utiliser sa rente de retraite, ses cotisations et celles de la CSST auraient contribué à augmenter sa rente.

[21]        Le 9 décembre 2014, la CSST rend sa décision par laquelle elle reconsidère celle du 18 juin 2014 et déclare qu’elle n’a pas à assumer la part de l’employeur au régime de retraite du travailleur puisque cela n’aurait pas pour effet d’améliorer la rente du travailleur. La CSST considère la lettre d’information de la Commission de la construction du Québec du 15 septembre 2014 comme un fait essentiel non connu au moment de sa décision du 18 juin 2014, à savoir que les cotisations versées n’auraient pas d’incidence sur la rente de retraite versée au travailleur.

[22]        Le travailleur a déposé en preuve deux lettres de l’administrateur du régime de pension dans lesquelles sont déterminées (hypothèse) les cotisations à payer pour la période du 20 août 2009 au 31 décembre 2015, puis du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2016. Il est fait mention que les cotisations obtenues sont considérées comme des cotisations remboursables, au sens du règlement, le travailleur pourrait avoir droit à un remboursement de cotisations pour les périodes en cause de 44 582,16 $, alors que ses cotisations auraient été d’environ 12 200 $.

[23]        Le travailleur a témoigné à l’audience. Il allègue que la CSST savait depuis 2002 qu’il a demandé une rente de retraite auprès du régime applicable aux travailleurs de la construction et qu’elle ne pouvait donc pas reconsidérer sa décision du 18 juin 2014 puisqu’elle ne respecte pas le délai de 90 jours prévu à la loi[5].

[24]        Le travailleur allègue également qu’il a droit au remboursement des cotisations versées annuellement, tant les siennes que celles versées par la CSST.

[25]        Dans un premier temps, il est d’abord utile de situer le litige dans son cadre juridique.

[26]        Les articles 93 et 116 de la loi se lisent comme suit :

93.  Une personne atteinte d'une invalidité physique ou mentale grave et prolongée est considérée invalide aux fins de la présente section.

 

Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

 

Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement entraîner le décès ou durer indéfiniment.

__________

1985, c. 6, a. 93

 

 

116.  Le travailleur qui, en raison d'une lésion professionnelle, est atteint d'une invalidité visée dans l'article 93 a droit de continuer à participer au régime de retraite offert dans l'établissement où il travaillait au moment de sa lésion.

 

Dans ce cas, ce travailleur paie sa part des cotisations exigibles, s'il y a lieu, et la Commission assume celle de l'employeur, sauf pendant la période où ce dernier est tenu d'assumer sa part en vertu du paragraphe 2° du premier alinéa de l'article 235.

__________

1985, c. 6, a. 116.

 

 

[27]        La CSST a reconnu que le travailleur est atteint d’une invalidité physique grave et prolongée, au sens de l’article 93 de la loi. L’article 116 peut être applicable en ce cas et il permet au travailleur d’éviter que les revenus émanant de son fonds de pension soient réduits en raison d’une lésion professionnelle.

[28]        Le Tribunal tient à préciser que l’article 116 de la loi ne s’applique pas aux travailleurs de la construction. La notion d’« établissement », laquelle étant définie à la Loi sur la santé et la sécurité du travail[6], exclut spécifiquement celle de « chantier de construction ». La jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles en a, par ailleurs, décidé ainsi dans quelques décisions[7]. D’autres dispositions de la loi prévoient des règles particulières pour les travailleurs de la construction, notamment en ce qui concerne l’exercice du droit de retour au travail, à la suite d’une lésion professionnelle[8].

[29]        La CSST a convenu d’une entente avec la Commission de la construction du Québec pour permettre aux travailleurs de la construction de bénéficier du droit de continuer de participer à leur régime de retraite s’ils sont invalides, au sens de l’article 93 de la loi[9]. Le cas échéant, la CSST paie les cotisations en lieu et place de l’employeur.

[30]        L’article 18.14.5 de la Loi sur les relations de travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction[10] prévoit ce qui suit :

18.14.5. Le Comité sur les avantages sociaux de l’industrie de la construction peut faire tout règlement pour donner effet à une clause d’une convention collective visant la création ou la modification d’un régime complémentaire d’avantages sociaux. Seule une clause expresse d’une convention collective peut modifier le montant des cotisations ou des contributions affectées aux régimes complémentaires d’avantages sociaux ou modifier ou abolir toute clause expresse d’une convention collective en regard de ce régime.

Le Comité peut établir par règlement les modalités nécessaires pour transférer à un autre régime toute somme provenant du patrimoine d’un régime complémentaire de retraite applicable à l’industrie de la construction pour un groupe de salariés assujettis jusque-là à une convention collective conclue en vertu de la présente loi. Il peut aussi établir par règlement les modalités nécessaires pour maintenir un régime d’avantages sociaux en faveur de salariés :

 

1° qui ne sont plus assujettis à une convention collective conclue en vertu de la présente loi;

 

2° qui exécutent temporairement des travaux non visés par la présente loi, mais dans la mesure où leur participation à ce régime n’est pas interdite par une convention collective ou un décret qui les vise;

 

3° visés par une convention collective ou un décret qui prévoit expressément leur participation à ce régime.

 

Le règlement détermine alors le montant des cotisations et contributions à ce régime.

                         

2011, c. 30, a. 14.

 

[31]        Il y a lieu de rapporter les articles 8 et 138 du Règlement sur les régimes complémentaires d’avantages sociaux dans l’industrie de la construction (le règlement)[11] :

8. Peut participer au régime de retraite le salarié invalide au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (chapitre A-3.001) à qui cette loi permet de continuer à participer à ce régime.

                         

Décision CCQ-951991, a. 8.

 

 

138. Cotisations remboursables. La Commission rembourse les cotisations salariales et les cotisations patronales pour service courant reçues dans les cas suivants :

 

1° les cotisations versées en rapport avec des heures travaillées à compter de la date de la retraite normale du participant;

 

2° les cotisations versées en rapport avec des heures travaillées à compter de la date du premier versement dû de la rente relative au compte complémentaire du participant;

 

3° les cotisations versées en rapport avec des heures travaillées avant la date du premier versement dû de la rente relative au compte complémentaire du participant, mais inscrites à son dossier après la fin du processus de la mise en service de cette rente;

 

4° les cotisations versées en rapport avec des heures travaillées à compter de la date de retraite d’un participant qui a reçu sa prestation de retraite selon les modalités de l’un ou l’autre des articles 134.4 à 134.6;

 

5° les cotisations versées en rapport avec des heures travaillées avant la date de retraite d’un participant qui a reçu sa prestation de retraite selon les modalités de l’un ou l’autre des articles 134.4 à 134.6, mais inscrites au dossier du participant après la fin du processus de paiement de cette prestation.

 

Les cotisations reçues au cours d’une année sont remboursées au cours de l’année suivante.

 

Les majorations ou réductions prévues à l’article 111.1 ne sont pas appliquées aux cotisations remboursées conformément au présent article.

                         

Décision CCQ-951991, a. 138; Décision CCQ-982384, a. 25; Décision CCQ-043311, a. 27; Décisions CAS-130065, CAS-130066, CAS-130067, CAS-130068, a. 9; Décisions CAS-140086, CAS-140087, CAS-140088, CAS-140089, a. 35.

            [notre soulignement]

[32]        Ainsi, la Loi sur les relations de travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction et le règlement permettent à un travailleur invalide, au sens de la loi, de continuer de participer à son régime de pension.

[33]        Pour qu’un travailleur ait droit de participer à son régime de pension, il doit satisfaire aux conditions prévues à l’article 116 de la loi. Le cas échéant, le travailleur paie les cotisations exigibles et la CSST assume celles de l’employeur.

[34]        Dans l’affaire à l’étude, le travailleur reçoit une rente de retraite depuis le 1er février 2002. Selon l’agent administrateur du régime de pension, toute nouvelle cotisation n’aurait pas pour effet de bonifier la rente du travailleur. Le cas échéant, les cotisations versées par le travailleur lui seraient remises à la fin de l’année civile et celles de la CSST seraient versées en partie au travailleur.

[35]        La CSST a reconsidéré sa décision du 18 juin 2014 lorsqu’il a été porté à sa connaissance que les cotisations versées au régime de pension du travailleur n’auraient aucun effet sur la rente de retraite du travailleur. La CSST considère qu’elle n’a pas à assumer la part de l’employeur puisque cela ne correspond pas à l’objectif poursuivi par l’article 116 de la loi.

[36]        La CSST pouvait-elle reconsidérer sa décision du 18 juin 2014? L’article 365 de la loi se lit comme suit :

365.  La Commission peut reconsidérer sa décision dans les 90 jours, si celle-ci n'a pas fait l'objet d'une décision rendue en vertu de l'article 358.3, pour corriger toute erreur.

 

Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'une partie, si sa décision a été rendue avant que soit connu un fait essentiel, reconsidérer cette décision dans les 90 jours de la connaissance de ce fait.

 

Avant de reconsidérer une décision, la Commission en informe les personnes à qui elle a notifié cette décision.

 

Le présent article ne s'applique pas à une décision rendue en vertu du chapitre IX.

__________

1985, c. 6, a. 365; 1992, c. 11, a. 36; 1996, c. 70, a. 43; 1997, c. 27, a. 21.

 

[37]        Le premier alinéa de l’article 365 ne trouve pas application, le délai de 90 jours étant atteint depuis quelques mois, au 9 décembre 2014. En vertu du deuxième alinéa, la CSST peut quand même reconsidérer sa décision si celle-ci a été rendue avant qu’il ait été porté à sa connaissance un fait essentiel de nature à modifier sa décision initialement rendue. À partir de la connaissance de ce fait, la CSST a 90 jours pour reconsidérer sa décision.

[38]        Il existe deux courants de jurisprudence au Tribunal relatifs à la notion d’« informer » les parties prévue au troisième alinéa de l’article 365 de la loi. Pour l’un, il s’agit d’une obligation nécessaire avant qu’une décision soit reconsidérée[12]. Pour l’autre, il s’agit d’une formalité qui n’affecte pas la régularité de la procédure, les seules conditions essentielles étant l’existence d’un fait essentiel et le délai de 90 jours[13]. Selon la preuve au dossier, le travailleur a été informé que la CSST envisageait de reconsidérer sa décision[14] et il a eu l’occasion de formuler ses commentaires avant que la décision soit rendue. De l’avis du soussigné, le travailleur n’a pas été pris par surprise par la décision de reconsidération et il a eu l’occasion de transmettre ses commentaires à la CSST. Il ne pourrait alléguer ne pas avoir été valablement « informer », au sens de l’article 365 de la loi.

[39]        Le Tribunal tient à préciser que ce n’est pas le fait que le travailleur touche une rente de retraite qui a motivé la CSST à reconsidérer sa décision, mais l’information selon laquelle toute nouvelle cotisation n’aurait pas pour effet de bonifier le fonds de pension du travailleur et lui procurer une rente plus élevée à sa retraite.

[40]        De l’avis du soussigné, il s’agit d’un fait essentiel, au sens de l’article 365 de la loi. Celui-ci justifie la CSST de reconsidérer sa décision puisqu’il est de l’essence même de la loi que les cotisations versées par la CSST doivent entraîner la majoration de la rente de retraite. Cette disposition de la loi permet à un travailleur d’éviter que les revenus provenant de son fonds de pension soient réduits en raison des conséquences d’une lésion professionnelle.

[41]        Ce fait a été porté à la connaissance de la CSST le ou vers le 15 septembre 2014. La CSST a rendu sa décision en reconsidération le 9 décembre 2014, soit dans les 90 jours prévus à la loi.

[42]        La loi prévoit que le travailleur peut participer à son régime de retraite s’il est atteint d’une invalidité grave et prolongée. Son régime prévoit qu’une participation postérieure au début de la retraite ne peut entraîner une majoration de la rente de retraite, le travailleur ne peut pas alors bonifier son régime de pension à la Commission de la construction du Québec.

[43]        Le travailleur veut un remboursement en capital des cotisations versées postérieurement à sa décision de prendre sa retraite. Il possède une rente de retraite moins élevée de ce qu’elle aurait pu être, ceci ne résultant pas des conséquences de sa lésion professionnelle, mais plutôt de sa décision de toucher sa rente de retraite alors qu’il avait 51 ans.

[44]        Dans les circonstances, il y a lieu de rejeter la demande du travailleur.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL :

REJETTE la requête de monsieur Jocelyn Vallée, le travailleur;

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 1er avril 2015, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail était justifiée de reconsidérer le 9 décembre 2014 la décision du 18 juin 2014;

DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail n’a pas à assumer la part de Construction & Rénovation M. Dubeau inc., l’employeur, au régime de pension du travailleur.

 

 

 

 

Paul Champagne

 

 

 

M. Jocelyn Vallée

Pour lui-même

 

Me Lucie Rondeau

PAQUET TELLIER

Pour la partie intervenante

 

 

Date de l’audience :             6 juillet 2016

 



[1]          RLRQ, c. T-15.1.

[2]           RLRQ, c. A-3.001.

[3]           Copie conforme au travailleur.

[4]           Comme libellé dans la lettre versée au dossier.

[5]           Une note évolutive datée du 4 février 2002 indique que le travailleur a demandé à l’agente de la CSST au dossier s’il serait pénalisé s’il faisait une demande de rente de retraite.

[6]           RLRQ, chapitre S-2.1.

[7]           Barber et Peintre & Décorateur HW inc., C.L.P. 254505-72-0502, 21 avril 2006,  S. A. et Compagnie A, [2010] C.L.P. 176; Y… L... et Compagnie A, C.L.P. 392274-71-0910, 16 juin 2010, M. Gagnon-Grégoire.

[8]           Voir les articles 234 et suivants de la loi.

[9]           La CSST a déposé, en preuve à l’audience, un document interne, daté de septembre 2015, intitulé « Participation au régime de retraite, cadre légal et normatif » expliquant le cadre applicable aux travailleurs de la construction.

[10]         RLRQ, chapitre R-20.

[11]         RLRQ, chapitre R-20, r. 10.

[12]         Gagnon et Olymel Vallée-Jonction, C.L.P. 288389-03B-0604, 10 avril 2008, R. Deraiche; Davila et 9135-7103 Québec inc., [2009] C.L.P. 19.

[13]         Bergeron et Gamma Industries inc., C.L.P. 207745-31-0305, 26 février 2004, J.-L. Rivard.

[14]         Notes évolutives du 2 décembre 2014.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.