______________________________________________________________________
______________________________________________________________________
[1] Le 21 avril 2004, madame Diane Lalancette (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 8 avril 2004 à la suite d'une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu'elle a initialement rendue le 18 décembre 2003 et déclare que la travailleuse n'a pas subi de lésion professionnelle le 21 avril 2003.
[3] L'audience s'est tenue le 17 août 2004 à St-Félicien en présence de la travailleuse et de son représentant, monsieur Carol Gobeil. L’employeur, Épicerie Jean-Marie Tremblay & Fils, était également représenté. La cause a été mise en délibéré le 17 septembre 2004, soit à la date où Me Alberga, représentant de l'employeur, soumettait ses commentaires à la suite du dépôt du dossier médical de la travailleuse.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le représentant de l'employeur soumet que la Commission des lésions professionnelles doit déclarer irrecevable la réclamation de la travailleuse car celle-ci n'est pas accompagnée ni d'une attestation ni d'un rapport médical spécifiant un diagnostic.
[5] Le tribunal a donc ajourné l'audience afin que la travailleuse se conforme à cette obligation. Il fut convenu entre les parties que si la travailleuse ne soumettait pas lesdits rapports médicaux, le tribunal prendrait en délibéré la question préliminaire. Lesdits documents ont été déposés au greffe du tribunal et le représentant de l'employeur a soumis son argumentation le 17 septembre 2004.
L’AVIS DES MEMBRES
[6] Les membres issus des associations des employeurs et des associations syndicales, après avoir été consultés sur les questions en litige, sont d'avis de rejeter le moyen préliminaire soulevé par l'employeur car la preuve médicale déposée après l'audience établit que le diagnostic retenu par le médecin traitant est celui d'une lésion à caractère psychologique.
QUESTION PRÉLIMINAIRE
[7] La Commission des lésions professionnelles doit décider si la réclamation de la travailleuse est recevable.
[8] Le représentant de la travailleuse a soumis le dossier médical de Madame Lalancette ainsi qu'une lettre du docteur Chabot datée du 17 août 2004 où il écrit :
Concernant le problème de dépression majeure versus trouble de l’adaptation avec humeur dépressive, les antécédents de dépression en 1991 et 2001 de même que des problèmes familiaux évolutifs bien qu’ajoutés à des problèmes relationnels au travail m’oblige à considérer que l’état de madame n’est pas uniquement en relation seul avec le problème au travail.
Je n’émettrai donc pas d’attestation médicale dans ce sens. [sic]
[9] Également, le représentant de la travailleuse écrit le 14 septembre 2004 :
Faisant suite à l’audience tenue le 17 août dernier dans le dossier mentionné en rubrique, vous trouverez ci-joint copie des notes cliniques du Dr Chabot ainsi que le suivi médical complet du CLSC Maria-Chapdelaine.
Pour ce qui concerne l’attestation médicale du Dr Chabot, vous trouverez en première page des documents ci-joint, une lettre daté du 17 août 2004 dans laquelle le Dr Chabot fait état de diagnostic de dépression majeur venus trouble d’adaptation avec humeur dépressive. Cependant, tel que vous constaterez, le Dr Chabot mentionne que le diagnostic « n’est pas uniquement en relation seul avec le problème au travail ».
Donc à notre avis, le travail a contribué aux conditions médicales actuelles de Madame et nous croyons qu’il existe une preuve suffisante afin de rejeter le moyen préliminaire de l’employeur et fixer une date pour enquête et audition sur le fond du litige. [sic]
[10] La Commission des lésions professionnelles doit donc décider si la réclamation de la travailleuse est recevable même s'il y a absence d'un formulaire prévu à la Loi sur les accidents du travail et des maladies professionnelles[1] (la loi). À cet effet, la loi prévoit à l'article 199 ce qui suit :
199. Le médecin qui, le premier, prend charge d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle doit remettre sans délai à celui-ci, sur le formulaire prescrit par la Commission, une attestation comportant le diagnostic et:
1° s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée dans les 14 jours complets suivant la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la date prévisible de consolidation de cette lésion; ou
2° s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée plus de 14 jours complets après la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la période prévisible de consolidation de cette lésion.
Cependant, si le travailleur n'est pas en mesure de choisir le médecin qui, le premier, en prend charge, il peut, aussitôt qu'il est en mesure de le faire, choisir un autre médecin qui en aura charge et qui doit alors, à la demande du travailleur, lui remettre l'attestation prévue par le premier alinéa. [sic]
__________
1985, c. 6, a. 199.
[11] Il appert donc de la preuve déposée que le médecin traitant de Madame Lalancette ne veut pas compléter le formulaire prévu à la loi. Selon les explications données par ce dernier, il semble qu'il ne relie pas la lésion psychologique de Madame Lalancette à un ou des événements survenus au travail. Or, la relation entre une maladie et le travail est une question à compétence exclusive du tribunal[2].
[12] Le médecin traitant refuse donc de compléter une attestation et un rapport médical tout en mentionnant que le diagnostic retenu est une dépression majeure versus trouble de l’adaptation avec humeur dépressive. Le tribunal considère donc que la preuve médicale démontre que Madame Lalancette est atteinte d'une lésion à caractère psychologique, ce qui constitue un diagnostic au sens de l'article 199 de la loi.
[13] À cet effet, le tribunal se réfère à certaines décisions qui établissent qu'une travailleuse ne peut se voir refuser le droit de voir sa réclamation acceptée pour une lésion professionnelle, et ce, même si le médecin traitant refuse d'émettre une attestation médicale[3]. En effet, le médecin traitant doit fournir l'attestation médicale et le fait qu'il ne le fasse pas ainsi que les conséquences de ce geste ne peuvent être imputées à la travailleuse puisque le médecin est un tiers.
[14] Le cas serait différent si aucun diagnostic n'avait été émis par le médecin traitant ce qui n'est pas le cas ici.
[15] Par contre, la travailleuse doit prendre conscience du fardeau de preuve qui sera sien. En effet, son propre médecin ne relie pas sa maladie au travail. Il est important dans un litige que le volet médical permette d'appuyer la preuve factuelle, ce qui constitue la prépondérance de la preuve qu'il y relation entre la maladie et le travail. Or, dans le présent dossier, cette preuve médicale est presque inexistante quant au lien entre la maladie et le travail.
[16] De plus, le défaut du médecin qui a charge de la travailleuse de lui remettre l'attestation médicale prévue à l'article 199, bien que ne la privant pas de son droit de faire une réclamation à la CSST, empêche cette dernière d'exiger de son employeur le versement de son salaire conformément à l'article 60 de la loi[4].
[17] Ce sont tous des éléments que la travailleuse devra prendre en considération avant de décider si elle poursuit ou non son recours.
[18] Dans les circonstances, le tribunal ne peut accueillir le moyen préliminaire soulevé par le représentant de l'employeur et retourne le dossier au greffe du tribunal afin qu'une date soit fixée pour le fond.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE le moyen préliminaire de Épicerie Jean-Marie Tremblay & Fils, l’employeur;
DÉCLARE que la réclamation de la travailleuse est recevable et;
RETOURNE le dossier au greffe afin qu'une date soit fixée pour entendre les parties sur le fond du litige.
|
|
|
Robert Deraiche |
|
Commissaire |
|
|
|
|
|
|
|
|
M. Carol Gobeil |
|
CABINET CONSULTATION & EXPERTISE |
|
Représentant de la partie requérante |
|
|
|
|
|
Me Don Alberga |
|
BORDEN LADNER GERVAIS |
|
Représentant de la partie intéressée |
|
|
|
|
[1] L.R.Q. chapitre A-3.001.
[2] Garage Rousseau et Fils Ltée c. CLP et CSST et Martial Bouchard, C.S. 155-17-000002-044, le 13 juillet 2004.
[3] Cie de papier Québec et Ontario Ltée et Fortin (1990) CALP 1153 ; Philippe McKay et Héroux Inc., CALP 01569-62-8612, le 6 juin 1989, commissaire Réal Brassard.
[4] Supra note 3.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.