Décision

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Silicium Bécancour inc. et Commission de la santé et de la sécurité du travail

2012 QCCLP 200

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Trois-Rivières

12 janvier 2012

 

Région :

Mauricie-Centre-du-Québec

 

Dossier :

383482-04-0907

 

Dossier CSST :

81314776

 

Commissaire :

Diane Lajoie, juge administratif

 

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Silicium Bécancour inc.

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 13 juillet 2009, l’employeur, Silicium Bécancour inc., dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) le 8 juillet 2009, à la suite d’une révision administrative. 

[2]           Par cette décision, la CSST confirme l’avis de cotisation du 2 avril 2009 émis pour l’année 2008 et réclamant à l’employeur un montant de 670 208,32 $.

[3]           À l’audience tenue le 22 février 2011, l’employeur est présent et représenté par son procureur. La CSST est représentée par sa procureure. L’affaire est prise en délibéré ce même jour.  Toutefois, la soussignée a dû s’absenter du travail du 14 mars 2011 au 9 janvier 2012. En conséquence, le délibéré a été suspendu durant cette période et repris le 9 janvier 2012.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de modifier l’avis de cotisation du 2 avril 2009. Il soumet que le montant correspondant aux bénéfices du régime d’assurance collective accordés aux retraités de Silicium Bécancour inc. ne doit pas faire partie du montant des salaires bruts de ses travailleurs déclaré par l’employeur à la CSST.

LA PREUVE

[5]           Du dossier constitué par la Commission des lésions professionnelles et de la preuve produite à l’audience, le tribunal retient ce qui suit.

[6]           Le 2 avril 2009, la CSST émet un avis de cotisation à l’employeur au montant de 670 208,32 $. Pour l’année 2008, la CSST retient les montants de salaire suivants :

2008  Cotisation précédente (salaires prévus)          (19 300 000 $ / 100) x 2,14 $      -413 020,00 $

         Cotisation (salaires versés)                                                                                                (18 310 388 $ / 100) x 2,14 $       391 842,30 $

         Cotisation précédente (salaires versés)         (18 310 388 $ / 100) x 2,14 $      -391 842,30 $

         Cotisation ajustée (salaires versés révisés)   (18 924 118 $ / 100) x 2,14 $       404 976,13 $

              Suite à l’appel téléphonique fait à Suzie Boisclair le 20 mars 2009

 

 

[7]           La différence entre le montant des salaires versés (18 310 388 $) et le montant des salaires versés révisés (18 924 118 $) correspond au montant des bénéfices d’assurance collective consentis par l’employeur à ses retraités. Ce montant de 613 730 $ est inclus par la CSST dans le montant des salaires versés, aux fins de la cotisation.

[8]           Le 7 avril 2009, l’employeur demande la révision de l’avis de cotisation. Le 23 juin 2009, le représentant de l’employeur s’entretient avec le réviseur de la CSST et soumet que les retraités ne sont pas des travailleurs au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) puisqu’ils n’offrent aucune prestation de travail et qu’en conséquence la CSST n’a pas à cotiser l’employeur pour un avantage imposable pour les retraités.

[9]           Le 8 juillet 2009, la CSST rend une décision à la suite d’une révision administrative par laquelle elle confirme l’avis de cotisation du 2 avril 2009. La CSST motive ainsi sa décision :

 

« La Révision administrative rappelle que depuis le 1er janvier 2008, la Commission considère les primes d’assurance collective versées par l’employeur à un retraité comme un salaire brut auquel s’applique une cotisation. En effet, la Commission considère que c’est en vertu d’un contrat de travail que l’employeur paie cette prime. Pour cet aspect, le contrat de travail est toujours en vigueur peu importe le statut de la personne qui bénéficie des avantages du contrat. L’employeur doit cotiser auprès de la Commission sur cet avantage même s’il s’agit d’un retraité. L’employeur doit donc inscrire dans sa Déclaration des salaires, le montant de prime versée pour le retraité à la ligne 1-Travailleur et autres personnes visées de sa Déclaration des salaires. »

 

 

 

[10]        L’employeur conteste maintenant cette décision devant la Commission des lésions professionnelles.

[11]        Monsieur Carl Rivard, directeur des ressources humaines chez l’employeur, témoigne à l’audience.  Il explique qu’il y a chez l’employeur un régime de retraite à prestations déterminées (E-2).  Le facteur 80 est applicable pour une pleine retraite à l’âge de 58 ans.

[12]        Il est prévu à la convention collective (E-1[2]) qu’un employé qui désire prendre sa retraite doit se présenter au Service des ressources humaines afin de signer une déclaration de départ à la retraite. Cette déclaration se lit comme suit :

DÉCLARATION DE L’EMPLOYÉ

 

Par la présente, je confirme ma décision de quitter mon emploi et de prendre ma retraite en date du _____________________.

 

Je confirme également que ma décision de quitter mon emploi est définitive et prise de façon volontaire. Advenant le cas d’une lésion professionnelle, d’un accident grave ou d’une absence sérieuse pour maladie (pièces justificatives à l’appui), selon la volonté de l’employé, la date de retraite pourra être reportée et s’appliquera automatiquement le 1er  du mois suivant son retour. Cette décision devra faire l’objet d’un accord entre la compagnie, l’employé et le syndicat.

 

Je demande à Silicium Bécancour inc. d’entreprendre immédiatement les démarches nécessaires afin de donner suite à ma décision.

 

 

                 

 

_________________________                                ______________________________                                                                                            

                  Nom                                                                      Signature

 

 

[13]         L’employeur demande au travailleur de signer la déclaration trois mois avant la date de la retraite afin que toutes les informations soient disponibles en temps utile pour l’employé.  La signature de cette déclaration déclenche donc le processus de mise à la retraite. La firme Mercer procède au calcul des prestations et fournit les informations à l’employé. À la date prévue pour la retraite, il n’existe plus de lien d’emploi avec l’employeur.

[14]        Monsieur Rivard explique que l’employé à la retraite reçoit une rente de retraite versée par Manuvie. Le retraité ne fournit plus aucune prestation de travail pour l’employeur. Il n’est pas géré par la convention collective.

[15]        Le témoin réfère le tribunal aux dispositions suivantes de la convention collective. Il est prévu à l’article 29.09 de la convention collective que l’employeur s’engage à maintenir tel quel le régime de retraite au bénéfice des salariés.

[16]        Selon l’article 29.01 de la convention collective, l’employeur maintient en vigueur le régime d’assurance collective et convient d’en assumer le coût des primes afférentes.  On retrouve à l’article 29.04 des modifications apportées à ce régime, par exemple quant au montant accordé par année pour des soins en massothérapie.

[17]        Monsieur Rivard explique que les retraités bénéficient d’une assurance collective. Ce régime d’assurance est distinct du régime de retraite. Le régime d’assurance collective vise trois groupes de personnes : les membres de la direction, les employés syndiqués et non syndiqués et les retraités.

[18]        Le régime d’assurance collective comporte trois distinctions pour les retraités. D’abord, les retraités ne bénéficient pas d’une assurance salaire puisqu’ils ne reçoivent plus de salaire. Ensuite, le montant de l’assurance vie est fixé à 10 000 $ et non en fonction du salaire. Enfin, selon l’article 29.01 de la convention collective, à l’âge de 65 ans, le salarié, futur retraité, doit opter entre le régime d’assurance médicaments en vigueur chez l’employeur et le régime général public d’assurance médicaments instauré par la Loi sur l’assurance médicaments.  

[19]        Il existe un document faisant état du régime d’assurance collective pour les retraités.

[20]        Monsieur Rivard témoigne qu’il a été informé du litige concernant la déclaration des salaires de l’employeur auprès de la CSST par l’une de ses employés, madame Suzie Boisclair. Il explique que la CSST a ajouté au montant des salaires versés les montants correspondants à la valeur fiscale accordée aux bénéfices du régime d’assurance collective pour les retraités. Ces montants se retrouvent au Relevé 1 émis par le ministère du Revenu provincial et au T-4 émis par le gouvernement fédéral.

[21]        Les montants retenus par la CSST pour chaque retraité sont inscrits au relevé provincial dans la case A Revenus d’emploi et au relevé fédéral dans la case 14 Revenus d’emploi (E-5).

[22]        Le total des ces montants pour les quelques 115 retraités de Silicium Bécancour est, pour l’année 2008, de 613 730 $, lequel montant a été ajouté par la CSST à celui du  salaire versé.

[23]        Il appert du Guide sur la déclaration des salaires fourni par la CSST qu’en 2007-2008, la prime versée par un employeur à des régimes d’assurance au bénéfice d’un retraité doit être exclue du montant du salaire à déclarer (E-3). On ne retrouve plus cette exclusion dans le guide 2008-2009 (E-4).

L’ARGUMENTATION DES PARTIES

[24]        L’employeur soumet que pour disposer du présent litige, le tribunal doit s’en tenir au texte et à l’esprit de la loi. Selon l’article 1 de la loi, l’objectif est la réparation des lésions professionnelles et de leurs conséquences. La loi ne peut viser que les travailleurs.

[25]        Un retraité n’est pas un travailleur au sens de la loi et il ne peut réclamer pour un événement survenu alors qu’il ne travaille pas. Dans ce contexte, la CSST ne peut cotiser pour quelqu’un qui n’est pas salarié.

[26]        Il appert de la documentation émanant de la CSST que cette dernière a changé ses règles en matière de déclaration des salaires sans qu’il n’y ait eu de changements législatifs à cet effet.

[27]        L’article 289 de la loi réfère au salaire brut d’un travailleur. Un retraité n’est pas un travailleur au sens de la loi. Au surplus, il ne représente aucun risque de subir une lésion professionnelle. Il faut se rappeler que la loi est un régime d’assurance.

[28]        En fait, conformément à l’article 1159.1 de la Loi sur les impôts[3], on considère, à des fins fiscales, que la prime d’assurance collective versée aux retraités est un revenu d’emploi imposable. C’est dans ce contexte que la CSST l’inclut dans le salaire à déclarer.

[29]        Le représentant de l’employeur dépose de la jurisprudence au soutien de ses prétentions.

[30]        Quant à la CSST, elle plaide que l’article 289 de la loi réfère à toute forme de rémunération. De plus, l’article 1159.1 de la Loi sur les impôts, auquel réfère l’article 289 de la loi, vise les primes d’assurance collective versées à une personne qui n’est plus à l’emploi.

[31]        Par ailleurs, les primes d’assurance collective consenties par l’employeur le sont en vertu de la convention collective, soit le contrat de travail, et non dans le cadre du régime de retraite. Ces primes font donc partie de la rémunération globale du travailleur, laquelle peut être différée dans le temps.

[32]        Au surplus, la prime ainsi consentie est identifiée au relevé pour fins d’impôts comme du revenu d’emploi.

[33]        La représentante de la CSST donne des exemples d’autres montants inclus au salaire brut, comme la période d’assurance maladie de moins de 105 jours, la rémunération pour vacances, une option d’achat de titre, des ajustements salariaux. Et ce, malgré qu’aucune prestation de travail ne soit rattachée à ces montants.

[34]        Quant à la notion de risque à laquelle réfère l’employeur, elle est visée à l’article 304 de la loi et doit être considérée dans ce contexte seulement.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[35]        La Commission des lésions professionnelles doit décider si le montant des primes d’assurance collective versées par l’employeur au bénéfice de ses retraités doit être inclus dans le montant du salaire brut d’un travailleur que doit déclarer l’employeur à des fins de cotisation.

[36]        Cette question se pose dans le contexte du chapitre de la loi concernant le financement.  L’article 281 de la loi prévoit :

281.  La Commission perçoit des employeurs les sommes requises pour l'application de la présente loi.

__________

1985, c. 6, a. 281; 1986, c. 58, a. 112.

 

 

[37]        L’article 281 s’inscrit dans la cadre d’un régime d’assurance obligatoire. La reconnaissance pour un travailleur du droit à des indemnités implique une contribution de l’employeur au régime qui assume ces indemnités. Dans ce contexte de la loi, c’est l’employeur d’un travailleur ayant droit aux indemnités prévues qui est cotisé.

[38]        Les articles 304 et 306 de la loi prévoient que la CSST fixe annuellement le taux de cotisation applicable à chaque unité de classification. Le montant de la cotisation est calculé à partir des salaires déclarés par l’employeur conformément à l’article 291 de la loi.

[39]        À cette fin, l’article 291 impose aux employeurs de déclarer à la CSST les salaires bruts de ses travailleurs :

291.    Pour l’application du présent chapitre, l'employeur déclare à la Commission le montant des salaires bruts de ses travailleurs  et les autres renseignements prévus par règlement, de la manière, selon les modalités et dans les délais également prévus par règlement.

 

L’employeur ou son représentant qui a une connaissance personnelle des renseignements transmis atteste leur exactitude lorsque le règlement l’exige.

 

__________

1985, c. 6, a. 291; 2006, c. 53 a.7

 

(Nos soulignés)

 

 

[40]        Cette obligation se trouve à l’article 292, tel qu’en vigueur en 2008, et se lit comme suit :

292.  L'employeur transmet chaque année à la Commission, avant le 15 mars, un état qui indique, notamment :

 

1° le montant des salaires bruts gagnés par ses travailleurs au cours de l'année civile précédente; et

 

2° une estimation des salaires bruts qu'il prévoit payer à ses travailleurs pendant l'année civile en cours.

 

L'exactitude de cet état est attestée par une déclaration signée par l'employeur ou son représentant qui a une connaissance personnelle des matières qui y sont mentionnées.

__________

1985, c. 6, a. 292; 1993, c. 5, a. 6; 1996, c. 70, a. 11.

 

(nos soulignés)

 

 

[41]        L’article 289 de la loi vise le salaire brut d’un travailleur :

289.  Pour l'application du présent chapitre, le salaire brut d'un travailleur est pris en considération jusqu'à concurrence du maximum annuel assurable établi en vertu de l'article 66 .

 

 

On entend par « salaire brut » toute forme de rémunération provenant de l'employeur et qui fait partie du salaire de base, au sens de l'article 1159.1 de la Loi sur les impôts (chapitre I-3), à l'exclusion de ce salaire de base se rapportant à la partie d'une absence pour maladie qui excède 105 jours consécutifs.

__________

1985, c. 6, a. 289; 1993, c. 5, a. 5; 1999, c. 83, a. 1; 2005, c. 38, a. 1.

 

(Nos soulignés)

 

 

[42]        Le Règlement concernant la classification des employeurs, la déclaration des salaires et les taux de cotisation[4]  définit le salaire assurable comme le salaire brut pris en considération, conformément aux articles 289 et 289.1 de la loi, jusqu’à concurrence du maximum assurable établi conformément à l’article 66 de la loi. Le règlement réfère aux salaires des travailleurs[5].

[43]        Le tribunal retient de ces dispositions que l’employeur doit, à des fins de cotisation, déclarer le montant des salaires bruts de ses travailleurs. La déclaration des salaires et la cotisation impliquent une relation employeur/travailleur.

[44]        À l’époque pertinente, la loi définit ainsi la notion de travailleur :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

 « travailleur » : une personne physique qui exécute un travail pour un employeur, moyennant rémunération, en vertu d'un contrat de travail ou d'apprentissage, à l'exclusion:

 

1° du domestique;

 

2° de la personne physique engagée par un particulier pour garder un enfant, un malade, une personne handicapée ou une personne âgée, et qui ne réside pas dans le logement de ce particulier;

 

3° de la personne qui pratique le sport qui constitue sa principale source de revenus;

 

4° du dirigeant d’une personne morale quel que soit le travail qu’il exécute pour cette personne morale;

 

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1;

 

 

 

 

[45]        À la lecture de cette définition, il apparaît clair qu’une personne retraitée n’est pas un travailleur. Selon la preuve, et cela tombe sous le sens, la prise de la retraite met fin au lien d’emploi. Tel que mentionné dans la Déclaration de l’employé, ce dernier quitte son emploi. Le retraité n’exécute plus un travail pour l’employeur. Il reçoit une rente de retraite et non une rémunération.

[46]        Au surplus, Silicium Bécancour inc. ne peut être identifié comme l’employeur d’un retraité au sens de la loi :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« employeur » : une personne qui, en vertu d'un contrat de travail ou d'un contrat d'apprentissage, utilise les services d'un travailleur aux fins de son établissement;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1;

 

 

[47]        Silicium Bécancour inc. n’utilise d’aucune façon les services d’un retraité aux fins de son établissement.

[48]        Dans ces circonstances, le tribunal est d’avis que Silicium Bécancour inc. n’a pas à déclarer à la CSST un montant versé au bénéfice d’un retraité qui n’est pas un travailleur et dont il n’est pas l’employeur.

[49]        L’article 289 de la loi réfère à l’article 1159.1 de la Loi sur les impôts. Selon cette disposition et celles auxquelles elle renvoie, plusieurs montants doivent être inclus par un particulier dans le calcul de son revenu, dont certains montants provenant d’une charge ou d’un emploi qu’il reçoit ou dont il bénéficie durant l’année.

[50]        Dans son argumentation, la CSST réfère plus particulièrement à la section de cette loi visant les avantages marginaux. L’article 37.0.1.1 de la Loi sur les impôts vise la valeur de l’avantage qu’un particulier reçoit ou dont il bénéficie pour une année d’imposition lorsqu’en raison de sa charge ou de son emploi actuel, antérieur ou projeté, une protection lui est accordée au cours de l’année en vertu d’un régime d’assurance de personnes.

[51]        Cette disposition fait en sorte qu’une valeur fiscale est accordée aux primes d’assurance collective versées par l’employeur au bénéfice de ses retraités. C’est cette valeur fiscale qui apparaît au relevé 1 et au relevé T-4 et que le retraité doit inclure dans son revenu, pour fins d’imposition.

 

[52]        Toutefois, malgré que les primes d’assurance collective versées par l’employeur  au bénéfice de ses retraités constituent un montant imposable faisant partie du salaire de base au sens de l’article 1159.1 de la Loi sur les impôts, il n’en demeure pas moins que ce montant n’est pas versé ou consenti au bénéfice d’un travailleur au sens de la loi.

[53]        Le tribunal estime que la référence dans l’article 289 de la loi à l’article 1159.1 de la Loi sur les impôts doit servir uniquement aux fins d’établir le montant du salaire brut d’un travailleur. On ne peut se servir de cette disposition, adoptée à des fins fiscales, pour élargir l’obligation de l’employeur à qui la loi impose de déclarer les salaires bruts de ses travailleurs et non de ses retraités.

[54]         Le tribunal est d’avis qu’il faut également analyser la question qui lui est soumise en considérant l’objet de la loi. L’article 1 décrit l’objet de la loi :

1.  La présente loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires.

 

Le processus de réparation des lésions professionnelles comprend la fourniture des soins nécessaires à la consolidation d'une lésion, la réadaptation physique, sociale et professionnelle du travailleur victime d'une lésion, le paiement d'indemnités de remplacement du revenu, d'indemnités pour préjudice corporel et, le cas échéant, d'indemnités de décès.

 

La présente loi confère en outre, dans les limites prévues au chapitre VII, le droit au retour au travail du travailleur victime d'une lésion professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 1; 1999, c. 40, a. 4.

 

 

[55]        La loi ne s’applique pas à un retraité mais à un travailleur :

7. La présente loi s'applique au travailleur victime d'un accident du travail survenu au Québec ou d'une maladie professionnelle contractée au Québec et dont l'employeur a un établissement au Québec lorsque l'accident survient ou la maladie est contractée.

__________

1985, c. 6, a. 7; 1996, c. 70, a. 1.

 

 

[56]        Les lésions professionnelles surviennent par le fait ou à l’occasion du travail. Un travailleur peut subir une lésion professionnelle. Il représente un risque. Il apparaît logique de cotiser l’employeur en considérant son salaire. D’ailleurs, la cotisation est fixée en fonction de l’unité de classification et de la masse salariale versée par un employeur à ses travailleurs.

 

[57]        Un retraité n’est pas couvert par la loi, quoiqu’il puisse bénéficier de certaines indemnités, par exemple pour une récidive, rechute ou aggravation ou encore le paiement de certains frais, le tout étant toutefois accordé en raison d’une lésion survenue alors qu’il était un travailleur. Le retraité ne représente pas de risque et le tribunal ne voit pas pourquoi des sommes versées pour son bénéfice devraient être déclarées aux fins de cotisation, laquelle sert ultimement à l’application de la loi.

[58]        Le fait que la convention collective fasse mention du régime d’assurance collective ne suffit pas à faire d’un retraité un travailleur au sens de la loi. Au moment de la retraite, le lien d’emploi est rompu et la convention collective ne s’applique plus au retraité. 

[59]        Selon l’article 1.01 de la convention collective, le but en est de prévoir les conditions de travail applicables aux salariés et une procédure de règlement des griefs qui pourraient survenir durant sa durée.

[60]        Dans son argumentation, la CSST a donné des exemples de montants qu’elle inclut dans le montant du salaire déclaré, lesquels montants ne seraient pas rattachés à une prestation de travail. Toutefois, n’étant pas saisi de cette question, il n’appartient pas au présent tribunal de statuer sur le bien fondé de l’inclusion ou non de ces montants dans la déclaration des salaires. Quant à la période d’assurance maladie de moins de 105 jours, elle est visée expressément par l’article 289 de la loi.

[61]        Aussi, le tribunal constate que la CSST a modifié son guide de déclaration des salaires sans qu’aucune modification législative ne soit survenue. À tout événement, ce guide rédigé par la CSST s’apparente à une politique et ne lie pas le tribunal.

[62]        En conclusion, le tribunal est d’avis que malgré le fait que les primes d’assurance collective versées par l’employeur au bénéfice de ses retraités puissent faire partie du salaire de base et constituer un montant imposable, inscrit sous la rubrique revenus d’emploi aux relevés pour fins d’impôts en vertu de la Loi sur les impôts, ce montant n’est pas consenti à un travailleur au sens de la loi et ne doit donc pas être inclus au montant des salaires bruts de ses travailleurs que l’employeur doit déclarer à la CSST.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de l’employeur, Silicium Bécancour inc.;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 8 juillet 2009, à la suite d’une révision administrative;

MODIFIE l’avis de cotisation du 2 avril 2009;

DÉCLARE que le montant de 613 730 $ correspondant au montant des primes d’assurance collective versées par l’employeur au bénéfice de ses retraités pour l’année 2008 ne doit pas être inclus dans le montant du salaire retenu aux fins de cotisation.

 

 

__________________________________

 

Diane Lajoie

 

 

 

 

Me Jean-Frédéric Bleau

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Line Régnier

VIGNEAULT, THIBODEAU, GIARD

Représentante de la partie intervenante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001

[2]           La convention collective déposée sous E-1 a été signée le 8 juin 2009 et est en vigueur jusqu’au 30 avril 2013. Les dispositions pertinentes au présent cas étaient les mêmes en 2008.

[3]           L.R.Q., c. I-3

[4]           A-3.001, r.0,02

[5]           Voir entre autres les articles 13, 14 et 18 du Règlement.

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