Montréal (Ville de) c. Njanda |
2015 QCCM 40 |
COUR MUNICIPALE DE MONTRÉAL
CANADA
DISTRICT DE MONTRÉAL
No : 807-298-332
DATE : LE 24 FÉVRIER 2015
VILLE DE MONTRÉAL
Poursuivante
c.
MÉLANIE NJANDA
Défenderesse
Me Jimmy Law
pour la poursuite
La défenderesse s’est représentée elle-même.
1. SURVOL
439.1. Une personne ne peut, pendant qu'elle conduit un véhicule routier, faire usage d'un appareil tenu en main muni d'une fonction téléphonique.
Pour l'application du présent article, le conducteur qui tient en main un appareil muni d'une fonction téléphonique est présumé en faire usage.
Cette interdiction ne s'applique pas au conducteur d'un véhicule d'urgence dans l'exercice de ses fonctions.
Le premier alinéa ne vise pas une radio bidirectionnelle, à savoir un appareil de communication vocale sans fil qui ne permet pas aux interlocuteurs de parler simultanément.
Le ministre peut, par arrêté, prévoir d'autres situations ou types d'appareil qui ne sont pas visés par l'interdiction prévue au premier alinéa.
Tout d’abord, il y a lieu de préciser qu’il n’est pas nécessaire que le véhicule dans lequel se trouve un défendeur soit en mouvement pour que l’article 439.1 du C.s.r. reçoive application. L’usage du téléphone cellulaire n’a simplement qu’à survenir pendant qu’un défendeur conduit un véhicule. L’expression « pendant qu’il conduit un véhicule routier » vise aussi bien les situations où le véhicule est en mouvement que celles où le véhicule est immobilisé aux feux de circulation, à un signal d’arrêt ou en raison de la circulation.
[9] En définitive, l’immobilisation d’un véhicule routier face à un feu rouge ne fait pas perdre à celui qui l’immobilise sa qualité de conducteur; il assume toujours la direction et le contrôle physique du véhicule. Le moteur est en marche et le conducteur a le pied posé sur le frein. Face à un feu rouge, le conducteur est toujours engagé dans la circulation, bien qu’il soit immobilisé. L’art. 359 lui impose des obligations complémentaires et continues dans le temps, toujours en sa qualité de conducteur. Et lorsque le feu passera au vert, il ne pourra poursuivre sa route, conformément à l’art. 363 du C.S.R., qu’après avoir cédé le passage aux véhicules routiers, aux cyclistes et aux piétons déjà engagés dans l’intersection, le cas échéant :
363. À moins d'une signalisation contraire, face à un feu vert, clignotant ou non, le conducteur d'un véhicule routier ou d'une bicyclette doit, après avoir cédé le passage aux véhicules routiers, aux cyclistes et aux piétons déjà engagés dans l'intersection, poursuivre sa route.
[10] Avec respect pour l’opinion contraire, on ne peut assimiler l’état dans lequel se trouve un automobiliste qui choisit d’immobiliser son véhicule sur le bord de la chaussée, afin de le stationner, avec la situation dans laquelle se trouve le conducteur qui s’immobilise momentanément face à un feu rouge, en attente d’un feu vert. Dans le premier cas, l’automobiliste se retire de la circulation. Dans le deuxième cas, il en fait toujours partie, de manière active.
[11] La Cour supérieure du Québec a précisé dans l’affaire Mérineau c. Ville de Longueuil, [2011] J.Q. no 7094, que le but recherché par l’adoption de l’art. 439.1 « est de contrer les distractions lors de la conduite d’un véhicule » (par. 19).
[12] Peut-on douter, dans ce contexte, de l’importance pour le conducteur immobilisé à un feu rouge de demeurer vigilant et de ne pas être distrait, précisément, par l’usage d’un téléphone cellulaire? Pour ma part, je n’ai aucun doute à ce sujet.
[6] À mon avis, la présomption d’usage porte sur l’appareil lui-même et non pas sur la seule fonction téléphonique de l’appareil puisque l’interdiction d’usage prévue par l’article 439.1 C.S.R. réfère à l’appareil lorsqu’il est tenu en main plutôt qu’à la fonction téléphonique elle-même. La défenderesse a admis au procès avoir utilisé l’appareil pour regarder l’heure ce qui constitue un usage de l’appareil tout comme regarder l’heure sur une montre bracelet. On doit conclure que le législateur a interdit de se servir d’un appareil muni d’une fonction téléphonique pour tous les usages possibles de cet appareil tenu en main pendant la conduite automobile; [soulignements ajoutés]
[20] Ainsi, les faits acceptés permettent de conclure que monsieur Desgroseillers faisait « usage » de son cellulaire.
[21] En effet, c'est en déterminant l'intention du législateur lorsqu'il a adopté l'article 439.1 C.s.r. que l'on est en mesure d'interpréter les termes « faire usage ».
[22] Dans Alma c. Claveau, on y mentionne que « l’intention manifeste du législateur était d’interdire l’usage au sens large et commun du terme pendant la conduite d’un véhicule routier ». Le législateur a, de cette façon, voulu empêcher la distraction lors de la conduite d’un véhicule.
[23] Par ailleurs, les débats parlementaires constituent une source limitée mais reconnue d'interprétation des lois. [...]
[25] La ministre des Transports avait clairement affirmé, lors des discussions entourant le Projet de loi 42, que le fait de tenir l’appareil téléphonique en main et de regarder l’écran est une fonction téléphonique et donc signifie en faire usage.
M. Bédard: Oui, seulement là-dessus. Comme maintenant on peut avoir accès à nos courriels avec les appareils téléphoniques, ce n'est pas couvert. Oui? C'est couvert? Le fait de tenir en main et regarder, c'est comme utiliser? Parfait. Merci.
Mme Boulet: Parce que c'est une fonction téléphonique, c'est couvert. C'est ça.
[26] Par ailleurs, dans l’arrêt R. v. Aisthorpe [2006 NLCA 40], la Cour d’appel de Terre-Neuve et du Labrador a donné une interprétation plus large à la notion de « faire usage » en affirmant que l’on n’exige pas que la personne soit nécessairement en communication téléphonique, mais qu’on doit se référer au contexte ainsi qu’à l'objectif qui est visé. Il s’agissait toutefois d’une disposition législative différente, soit l’article 176.1 du Highway Traffic Act, mais avec une terminologie analogue à l’article 439.1 C.s.r.
[27] La conclusion du premier juge voulant que monsieur Desgroseillers faisait usage de son appareil téléphonique au sens de l'article 439.1 C.s.r n'est donc pas déraisonnable. L'appelant a en effet sorti son téléphone de sa sacoche, il avait l'appareil en main, il avait quitté les yeux de la route pour regarder l'affichage et il tenait l'appareil en question à la hauteur de son oreille gauche.
[28] L'appel de monsieur Desgroseillers ne peut donc réussir.
[Les soulignements du par. 27 sont ajoutés.]
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RANDALL RICHMOND, j.c.m.m.
Date d’audition : le 19 août 2014 au Chef-lieu, salle 1.15
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.