Décision

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Ashby-Noël et Ministère de la défense Nationale Dcspc

2009 QCCLP 6849

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Gatineau

13 octobre 2009

 

Région :

Outaouais

 

Dossier :

361483-07-0810

 

Dossier CSST :

131427049

 

Commissaire :

Marie Langlois, juge administratif

 

Membres :

Philippe Chateauvert, associations d’employeurs

 

Royal SansCartier, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Diane Ashby-Noël

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Ministère de la défense Nationale Dcspc (C)

 

et

 

R.H.D.C.C. Direction travail

 

Parties intéressées

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 17 octobre 2008, madame Diane Ashby-Noël (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision rendue le 23 septembre 2008 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.

 

[2]                Par cette décision, la CSST confirme sa décision initiale du 3 juillet 2008 et déclare que la travailleuse n’a pas droit au remboursement des médicaments Omega, Pregnenolone, Undecyn, « Allergy testing and serum », « Vitamines and minerals nutrient », injection de B12 et injection de Thymus.

[3]                L’audience a été tenue le 15 juillet 2009 à la Commission des lésions professionnelles à Gatineau. La travailleuse s’y représente seule. Ministère de la défense Nationale DCSPC (C) (l’employeur) n’est pas représenté. R.H.D.C.C. Direction travail, autre partie intéressée, n’y est pas non plus représentée. À la suite de l’audience, le tribunal a procédé à une réouverture d’enquête demandant à la CSST de fournir une lettre que la docteure Armstrong lui avait fait parvenir et qui n’était pas au dossier de la Commission des lésions professionnelles. Ce document est parvenu à la Commission des lésions professionnelles le 9 octobre 2009, de sorte que l’affaire est mise en délibéré à cette date.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                La travailleuse demande le remboursement des médicaments et produits suivants : Omega-3, Pregnenolone, Undecyn, tests d’allergies et sérum, vitamines et nutriments minéraux, injection de B12 et injection de Thymus.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]                Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis que le test d’allergies et sérum sont remboursables comme faisant partie de l’assistance médicale à laquelle a droit la travailleuse. Il en est de même pour les autres produits réclamés. En effet, ces produits naturels, même s’ils peuvent être en vente libre, peuvent être remboursés en autant qu’ils soient compris comme des médicaments ou produits pharmaceutiques, qu’ils soient prescrits par le médecin et en relation avec la lésion professionnelle.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[6]                La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la travailleuse a droit au remboursement des médicaments et produits suivants : Omega, Pregnenolone, Undecyn, tests d’allergies et sérum, vitamines et nutriments minéraux, injection de B12 et injection de Thymus dont les factures démontrent des achats en 2008 et 2009.

[7]                La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) prévoit qu’un travailleur victime d’une lésion professionnelle a droit à l’assistance médicale que requiert son état en raison de la lésion professionnelle. La loi définit ce qu’est l’assistance médicale et précise que son coût doit être assumé par la CSST. Les dispositions pertinentes sont les suivantes :

188.  Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.

__________

1985, c. 6, a. 188.

 

 

189.  L'assistance médicale consiste en ce qui suit :

 

1° les services de professionnels de la santé;

 

2° les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);

 

3° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;

 

4° les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;

 

5° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.

__________

1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166.

 

 

194.  Le coût de l'assistance médicale est à la charge de la Commission.

 

Aucun montant ne peut être réclamé au travailleur pour une prestation d'assistance médicale à laquelle il a droit en vertu de la présente loi et aucune action à ce sujet n'est reçue par une cour de justice.

__________

1985, c. 6, a. 194.

 

 

[8]                En l’espèce, le 30 mars 2007, la travailleuse est victime d’une lésion professionnelle en raison d’une maladie professionnelle. La docteure Jennifer Armstrong assure le suivi médical. Dans son rapport médical du 16 mai 2007, elle retient des diagnostics de Syndrome de fatigue chronique avec sensibilité chimique multiple (Chronic Fatigue Syndrome with Multiple Chemical Sensitivities).

 

[9]                Le 16 avril 2007, le docteur William A. Croft, pathologiste, écrit à la docteure Armstrong que les échantillons d’urine de la travailleuse contiennent une substance nommée la mycotoxine qui est poison pour l’humain et peut affecter plusieurs organes. Il recommande que la travailleuse soit immédiatement retirée du milieu contenant cette substance.

[10]           Le 26 avril 2007, la docteure Armstrong écrit que la travailleuse souffre d’allergies et de sensibilité chimique multiple. Elle doit être retirée de son milieu de travail et ne doit jamais y retourner. Le 21 juin suivant, le médecin pose le diagnostic de syndrome de fatigue chronique (Chronic Fatigue Syndrome) et indique que la travailleuse a développé des sensibilités chimiques (chemical sensibiities) et des allergies alimentaires en lien avec l’exposition aux moisissures (mould) à son travail.

[11]           Le 23 juillet 2007, une étude environnementale de l’édifice dans lequel la travailleuse oeuvrait est faite. Entre autres, des moisissures sont détectées.

[12]           Le 27 août 2007, la docteure Armstrong, dans une communication à la compagnie d’assurances, laisse voir que le diagnostic primaire est un syndrome de fatigue chronique et le diagnostic secondaire est la sensibilité chimique. Ces diagnostics sont accompagnés d’allergies alimentaires et d’allergies d’inhalation le tout en lien avec la qualité de l’air de l’édifice dans lequel elle a travaillé au cours des deux dernières années.

[13]           Le 24 octobre 2007, la docteure Armstrong confirme à la CSST que la travailleuse est diagnostiquée avec le syndrome des édifices malades et le syndrome de fatigue chronique. Le diagnostic de sensibilité chimique multiple est écarté.

[14]           Les notes évolutives au dossier du 25 octobre 2007 laissent voir que la CSST retient le diagnostic de syndrome des édifices malades ainsi que le syndrome de fatigue chronique qui en est la conséquence.

[15]           Selon la CSST, l’exposition de la travailleuse est confirmée par les études industrielles. La relation est donc établie entre la condition de la travailleuse et son travail de sorte que la CSST accepte de reconnaître la lésion professionnelle de la travailleuse à titre de maladie professionnelle avec les diagnostics de syndrome des édifices malades et de syndrome de fatigue chronique associé.

[16]           Le 29 janvier 2008, la docteure Armstrong reprend le diagnostic de « Sick Building Syndrome » et propose un retour progressif au travail. Cependant, le 10 avril suivant, le médecin se ravise. Elle complète le rapport final indiquant que la travailleuse ne pourra pas retourner au travail.

[17]           Les notes évolutives de la CSST du 22 février 2008 laissent voir que la travailleuse poursuit des tests d’allergies au laboratoire désigné par la docteure Armstrong et elle reçoit des sérums pour l’aider. Celles du 17 mars 2008 indiquent que la CSST est disposée à appliquer les dispositions de l’article 53 de la loi qui prévoit le paiement de l’indemnité de remplacement du revenu dans les circonstances.

[18]           Les notes au dossier font état que la travailleuse se procure des médicaments et produits qui lui sont vendus par la clinique de santé et environnement d’Ottawa, soit le Ottawa Environmental Health Clinic Inc. où la docteure Armstrong pratique la médecine.  La travailleuse réclame le remboursement de ceux-ci. La CSST refuse, d’où le présent litige.

[19]           Les médicaments et produits refusés par la CSST sont les omega-3, Pregnenolone, Undecyn, test d’allergie et sérum, vitamines et nutriments minéraux ainsi que des injections de B12 et des injections de Thymus.

[20]           Le 26 juin 2008, le docteur John Molot, médecin avec une pratique restreinte à la médecine de l’environnement, produit un rapport de sept pages expliquant la condition de la travailleuse. Il retient le diagnostic de syndrome des édifices malades et indique que cela a exacerbé sa condition préalable de sensibilités chimiques multiples et de fatigue chronique, conditions pour lesquelles elle avait été absente du travail pendant deux ans et demi il y a une dizaine d’années. Il ajoute des allergies inhalatoires et des intolérances alimentaires. Depuis la maladie professionnelle, la travailleuse réagit maintenant aux odeurs de nouveaux édifices, nouveaux tapis, pièces d’auto, déodorants, nouveaux vêtements, essence et produits dérivés, parfums, fumée de tabac pour ne nommer que ceux-ci. Ses symptômes incluent de la fatigue, des étourdissements, des maux d’oreilles, des douleurs articulaires et ou le souffle court. Le médecin estime que la travailleuse est maintenant « functionally disabled ». Elle ne peut donc plus retourner sur le marché du travail.

[21]           La travailleuse dépose à l’audience un document tiré du site internet du Center for Disease Control and Prevention du gouvernement américain[2] portant entre autres sur le traitement du syndrome de fatigue chronique. Il y est indiqué que les symptômes varient et peuvent inclure les problèmes de sommeil, de douleurs musculaires et articulaires, de dysfonction cognitive, d’instabilité orthostatique, de fatigue, de céphalées et de maux de gorge. Il peut également y avoir des problèmes gastro-intestinaux, de la dépression et des allergies. La travailleuse a témoigné ressentir ces symptômes. Le traitement du syndrome inclut une thérapie pharmacologique, des suppléments nutritionnels et des produits naturels de même que des thérapies alternatives, des stratégies de sommeil, des traitements en clinique de douleurs ou en psychologie pour traiter la dépression ainsi que des stimulants pour les problèmes cognitifs.

[22]           Sur la question des produits naturels, le tribunal réfère à la décision de la Commission des lésions professionnelles dans Barnabé et TM Composites inc.[3] dans laquelle il a été décidé que les termes « médicaments et autres produits pharmaceutiques » sont suffisamment larges pour inclure les produits naturels, dont le supplément nutritionnel MSM. Dans cette affaire, la Commission des lésions professionnelles notait que des vitamines avaient été considérées, par la Cour supérieure, comme des médicaments au sens de la Loi sur la pharmacie[4].

[23]           En outre, la Commission des lésions professionnelles a reconnu que dans la mesure où les produits naturels sont prescrits par un médecin et en lien avec la lésion professionnelle, ils doivent être remboursés par la CSST, et ce, même s’ils peuvent être vendus sans ordonnance. La Commission des lésions professionnelles a imposé à la CSST le remboursement de Glucosamine[5], des produits naturels Replenex et Florify[6], de comprimés d’oméga-3[7] et de pommade Rub 535[8].

[24]           En l’espèce, le produit Pregnenolone est une hormone naturelle qui joue un rôle sur la mémoire, l’humeur, la réduction de stress et peut soulager certaines douleurs. Il est prescrit par le médecin de la travailleuse à cause de sa lésion professionnelle, de sorte que la CSST doit le rembourser.

[25]           Le produit Undecyn est un supplément alimentaire hypoallergique qui agit sur la flore intestinale. Ce produit est prescrit par le médecin encore là en raison de la lésion professionnelle et doit être remboursé.

[26]           Les omega-3 sont des suppléments nutritionnels qui, comme l’exprime la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Renaud[9], sont bien plus qu’un supplément alimentaire et s’assimilent à un médicament. Il en est de même des vitamines, des nutriments minéraux, des injections de vitamine B12 et de Thymus. Ces produits sont également prescrits en raison du syndrome de fatigue chronique qui affecte la travailleuse, la CSST doit les rembourser.

[27]           Quant aux tests d’allergies et aux sérums, ils sont remboursables par la CSST puisqu’ils sont prescrits par le médecin, requis par son état de santé relié à la lésion professionnelle et du fait qu’ils constituent, au même titre que des tests de résonance magnétique[10], des services de professionnels de la santé au sens du second alinéa de l’article 189 de la loi.

[28]           Par conséquent, la Commission des lésions professionnelles conclut que la travailleuse a droit au remboursement des coûts afférents aux médicaments et produits suivants : Omega-3, Pregnenolone, Undecyn, tests d’allergies et sérum, vitamines et nutriments minéraux, injection de B12 et injection de Thymus.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de madame Diane Ashby-Noël, la travailleuse;

INFIRME la décision rendue le 23 septembre 2008 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la travailleuse a droit au remboursement des coûts afférents aux médicaments et produits suivants : Omega-3, Pregnenolone, Undecyn, tests d’allergies et sérum, vitamines et nutriments minéraux, injection de B12 et injection de Thymus.

 

 

 

 

 

__________________________

 

Marie Langlois

 

 

 

 

 

 

Me Julie Perrier

Panneton Lessard

Représentante de la partie intervenante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001

[2]           Chronic Fatigue Syndrome, News & Highlights, http : www.cdc.gov

[3]           C.L.P. 169317-07-0110, 9 août 2002, M. Langlois

[4]           R. c. General Nutrition Canada ltd, C.S. Montréal, 500-27-005421-799, 23 octobre 1980, J. Mierzwinski

[5]           Lagacé et Glissières Trans-Québec (1992) inc., C.L.P. 274566-31-0510, 14 décembre 2005, H. Thériault

[6]           Breton et Serrurier Indépendant enr., C.L.P. 267008-63-0507, 21 août 2006, F. Mercure, (06LP-89)

[7]           Renaud et Marché R. Théberge inc., 245162-63-0409, 07-07-23, M. Juteau

[8]           Plouffe et Brenka Limousines inc., C.L.P. 185507-71-0207, 12 juin 2007, L. Crochetière

[9]           Renaud et Marché R. Théberge inc., précité note 7

[10]         Savard et Municipalité St-Gédéon, C.L.P. 356516-07-0808, 5 mars 2009, S. Séguin

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