[1] La mise en cause Commission des lésions professionnelles et l’intimé Hervé Yergeau ont demandé à la Cour de rectifier son arrêt du 3 avril 2006.
1. Demande de rectification de la mise en cause
[2] Les motifs accompagnant l’arrêt de la Cour, arrêt du 3 avril 2006, parlent par erreur de la « commissaire Ginette Vallée » ou de la « commissaire Vallée », alors qu’ils auraient plutôt dû parler de la « commissaire Diane Lajoie » ou de la « commissaire Lajoie », puisque c’est en effet celle-ci qui a rendu la décision en cause dans le pourvoi et non Ginette Vallée, membre issue des associations d’employeurs. Il faut par conséquent corriger les paragraphes 16, 19, 32, 47, 48, 62, 73 et 76 des motifs (et tout autre paragraphe, au besoin), de façon à y remplacer les mots « Ginette Vallée » ou « Vallée » par les mots « Diane Lajoie » ou « Lajoie », selon le cas.
2. Demande de rectification de l’intimé
[3] Le 15 juin 2005, la juge Pierrette Rayle a accordé à l’appelante la permission de se pourvoir contre le jugement de la Cour supérieure accueillant la requête en révision judiciaire de l’intimé et elle a assorti l’appel de la condition suivante :
[8] ACCORDE la permission de faire appel à la condition toutefois que les dépens de l’appel au fond soient en faveur du mis en cause, et ce, peu importe le sort du pourvoi;
Compte tenu de la désignation des parties dans la requête pour permission d’appeler soumise à la juge Rayle, il faut comprendre que le « mis en cause » est en l’espèce l’intimé Yergeau.
[4] Par inadvertance, l’arrêt rendu par cette Cour le 3 avril 2006 ne tient pas compte de la condition imposée par la juge Rayle et accueille l’appel en ces termes :
[4] ACCUEILLE l’appel, avec dépens;
[5] INFIRME le jugement de première instance;
[6] REJETTE la requête en révision judiciaire, avec dépens; et
[7]) RENVOIE le dossier devant la Commission des lésions professionnelles pour que l’affaire y suive son cours.
[5] Le 5 avril 2006, l’intimé, par l’intermédiaire de son avocat, a demandé la rectification de l’arrêt de la Cour.
[6] Vu l’inadvertance, il y a lieu de rectifier la première des conclusions de la Cour, de façon à ce qu’elle se lise de la manière suivante :
[4] ACCUEILLE l’appel, avec dépens en faveur de l’intimé;
[7] Par souci de concordance, le paragraphe 77 des motifs accompagnant cet arrêt doit être modifié dans le même sens. Il convient de corriger également, proprio motu, une simple erreur d’écriture dans ce paragraphe, de façon à ajouter le verbe « soit » après les mots « requête en révision judiciaire » et avant le mot « rejetée ». Le nouveau paragraphe 77 se lira donc ainsi :
[77] Je propose donc que le pourvoi soit accueilli, avec dépens en faveur de l’intimé, que le jugement de première instance soit infirmé, que la requête en révision judiciaire soit rejetée avec dépens et que le dossier soit renvoyé devant la CLP pour que l'affaire y suive son cours.
[8] Le jugement de la juge Rayle ne portant que sur les dépens de l’appel au fond, il n’y a pas lieu de modifier la conclusion de la Cour sur les dépens rattachés au rejet de la requête en révision judiciaire (ces dépens ayant été réclamés par l’appelante dans la portion « les conclusions recherchées » de sa requête pour permission d’appeler, et malgré que son exposé n’en fasse pas mention, non plus que celui de la mise en cause).
[9] POUR CES MOTIFS, LA COUR :
[10] REMPLACE la conclusion [4] de l’arrêt du 3 avril 2006 par la conclusion suivante :
[4] ACCUEILLE l’appel, avec dépens en faveur de l’intimé;
[11] REMPLACE, dans les motifs accompagnant l’arrêt du 3 avril 2006 (et notamment aux paragraphes 16, 19, 32, 47, 48, 62, 73 et 76 de ces motifs), les mots « Ginette Vallée » ou « Vallée » par les mots « Diane Lajoie » ou « Lajoie », selon le cas;
[12] SUBSTITUE le paragraphe suivant au paragraphe 77 des motifs accompagnant l’arrêt :
[77] Je propose donc que le pourvoi soit accueilli, avec dépens en faveur de l’intimé, que le jugement de première instance soit infirmé, que la requête en révision judiciaire soit rejetée avec dépens et que le dossier soit renvoyé devant la CLP pour que l'affaire y suive son cours.
[13] LE TOUT, sans frais.
Cascades Conversion inc. c. Yergeau |
2006 QCCA 464 |
||||
COUR D’APPEL |
|||||
|
|||||
CANADA |
|||||
PROVINCE DE QUÉBEC |
|||||
GREFFE DE
|
MONTRÉAL |
||||
N° : |
500-09-015713-050 |
||||
(405-17-000379-045) |
|||||
|
|||||
DATE : |
3 AVRIL 2006 |
||||
|
|||||
|
|||||
CORAM : |
LES HONORABLES |
LOUISE MAILHOT J.C.A. JOSEPH R. NUSS J.C.A. MARIE-FRANCE BICH J.C.A. |
|||
|
|||||
|
|||||
CASCADES CONVERSION INC. |
|||||
APPELANTE / Intervenante |
|||||
c. |
|||||
|
|||||
HERVÉ YERGEAU |
|||||
INTIMÉ / Demandeur |
|||||
et |
|||||
COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
|||||
MISE EN CAUSE / Défendeur |
|||||
|
|||||
|
|||||
ARRÊT |
|||||
|
|||||
|
|||||
[1] LA COUR; -Statuant sur l’appel d’un jugement rendu le 16 mai 2005 par la Cour supérieure, district de Drummond (l’honorable Benoît Emery), qui accueille la requête en révision judiciaire de l’intimé et casse la décision rendue séance tenante le 24 mars 2004, avec motifs détaillés en date du 31 mars 2004, par la Commission des lésions professionnelles dans le dossier numéro Q-206424-04B-0304;
[2] Après avoir étudié le dossier, entendu les parties et délibéré;
[3] Pour les motifs de la juge Bich, auxquels souscrivent les juges Mailhot et Nuss :
[4] ACCUEILLE l’appel, avec dépens;
[5] INFIRME le jugement de première instance;
[6] REJETTE la requête en révision judiciaire, avec dépens; et
[7] RENVOIE le dossier devant la Commission des lésions professionnelles pour que l’affaire y suive son cours.
|
||
|
|
|
|
LOUISE MAILHOT J.C.A. |
|
|
|
|
|
|
|
|
JOSEPH R. NUSS J.C.A. |
|
|
|
|
|
|
|
|
MARIE-FRANCE BICH J.C.A. |
|
|
||
Me Jean Beauregard |
||
Lavery, de Billy |
||
Avocat de l’APPELANTE |
||
|
||
Me Alain Pard |
||
Avocat de l’INTIMÉ |
||
|
||
Me Claude Verge |
||
Levasseur Verge |
||
Avocat de la MISE EN CAUSE |
||
|
||
Date d’audience : |
le 7 mars 2006 |
|
|
|
MOTIFS DE LA JUGE BICH |
|
|
[8] La Commission des lésions professionnelles (« CLP »), mise en cause, a-t-elle violé les règles de la justice naturelle et excédé les limites de sa compétence en rejetant l'objection formulée par l'intimé au témoignage d'un médecin assigné par l'employeur à titre d'expert, aucun rapport écrit n'ayant été produit d'avance ni même confectionné?
I. Mise en contexte
[9] L'intimé Hervé Yergeau (« Yergeau ») prétend avoir, le 9 octobre 2002, subi un accident du travail qui aurait causé la déchirure du tendon sus-épineux de l'épaule droite et une déchirure du labrum de cette même épaule.
[10] Le 23 décembre 2002, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (« CSST ») rejette la réclamation de Yergeau, décision qui est confirmée le 31 mars 2003, au stade de la révision administrative. Tout en reconnaissant la nature de la lésion qui afflige Yergeau, la CSST est d'avis que cette lésion ne résulte pas et ne peut résulter de l'incident qui, selon Yergeau, s'est produit le 9 octobre 2002. Les raisons du refus de la CSST sont exprimées comme suit dans sa décision initiale :
Votre lésion n'a pas été reconnue à titre d'accident du travail. Vous n'avez pas démontré la survenue d'un événement imprévu et soudain. De plus, selon notre service médical, il n'y a pas de relation entre le geste posé et votre lésion.[1]
[11] En révision, la CSST confirme sa décision et précise que :
De ces faits, la Révision administrative doit déterminer si le travailleur a subi une lésion professionnelle.
En premier lieu, la Révision administrative établit que le diagnostic à retenir est celui émis le 19 décembre 2002 par le médecin qui a charge du travailleur suite aux résultats de l'examen en résonance magnétique, soit le diagnostic de déchirure du tendon sus-épineux et déchirure du labrum à l'épaule droite.
Pour faciliter la preuve de lésion professionnelle, la loi prévoit la présomption suivante : une blessure qui survient sur les lieux du travail alors que le travailleur est à son travail est présumée une lésion professionnelle.
Or, le diagnostic de déchirure est un diagnostic de blessure au sens de la loi. Cependant, il est difficile d'établir que la blessure soit survenue sur les lieux du travail alors que le travailleur état à son travail. En effet, malgré que le travailleur déclare avoir ressenti une grande douleur lors de l'événement allégué, il s'est écoulé un délai de 21 jours avant la première consultation médicale sans qu'il ne donne de motifs valables. De plus, le travailleurs a poursuivi son travail régulier pendant cette période. Le travailleur ne peut bénéficier de la présomption de lésion professionnelle.
Ces mêmes motifs de même que la preuve médicale au dossier à l'effet qu'une simple abduction en flexion antérieure ne peut causer la lésion diagnostiquée ne permettent pas à la Révision administrative d'établir la relation entre l'événement allégué et le diagnostic de déchirure du tendon du sus-épineux et déchirure du labrum à l'épaule droite.
En conséquence, la Révision administrative confirme la décision de la Commission du 23 décembre 2002, déclare que le travailleur n'a pas subi de lésion professionnelle le 9 octobre 2002 et qu'il n’a pas droit aux indemnités prévues à la loi.[2]
[12] Yergeau se pourvoit devant la CLP.
[13] Le 24 mars 2004, au début de l'audience devant la CLP, le représentant de Yergeau annonce deux témoins, soit Yergeau lui-même et la docteure Pascale Larochelle, chirurgienne orthopédiste. Le représentant de l'employeur, l'appelante Cascades Conversion inc. (« Cascades »), annonce alors que, de son côté, il fera entendre le Dr José Rivas, de même qu'une autre personne.
[14] Le représentant du travailleur s'oppose immédiatement au témoignage du Dr Rivas, pour les raisons suivantes : 1° aucun rapport écrit du Dr Rivas n'ayant été déposé au dossier, le fait d'entendre ce témoin violerait le droit de Yergeau à une défense pleine et entière et enfreindrait les règles de la justice naturelle; 2° le Dr Rivas ne peut être qualifié d'expert puisque, d'une part, il travaille pour Cascades et que, d'autre part, il n'est pas orthopédiste. Subsidiairement, le représentant de Yergeau réclame qu'il soit ordonné au Dr Rivas de produire un rapport écrit avant de témoigner.
[15] Cascades répond à cela que : 1° ni les lois applicables ni les Règles de preuve, de procédure et de pratique de la Commission des lésions professionnelles,(2000) 132 G.O.II, 1627 (« R.P.P.P. ») n'imposent la production d'un rapport médical écrit avant le témoignage d'un médecin expert; 2° le Dr Rivas n'est pas à son emploi; 3° les qualifications et le titre d'expert du Dr Rivas ne peuvent être contestés à cette étape du litige et ils seront mis en preuve lors de son témoignage.
[16] La commissaire Ginette Vallée, pour la CLP, rejette séance tenante l'objection formulée par le représentant de Yergeau, lui signifiant par ailleurs clairement qu'un délai lui serait accordé, postérieurement au témoignage du Dr Rivas, pour consulter son propre médecin expert, préparer le contre-interrogatoire et même présenter, le cas échéant, une contre-preuve. Selon ce qu'indique la décision de la commissaire, le représentant de Yergeau manifeste son désaccord, refuse de procéder sur le fond du litige et déclare son intention de se pourvoir devant les tribunaux supérieurs. Il demande par ailleurs à la commissaire de consigner par écrit les motifs qui, selon elle, justifient que l'objection soit rejetée.
[17] La commissaire décide alors de reporter l'audience à plus tard[3] et de reconvoquer les parties en conséquence. Par ailleurs, le 31 mars 2004, elle explique par écrit, de façon détaillée, les raisons qui l'ont convaincue de rejeter l'objection.
[18] Yergeau intente alors un recours en révision judiciaire de cette décision.
[19] Cascades présente une requête en irrecevabilité de cette demande de révision judiciaire, alléguant son caractère prématuré, vu la nature interlocutoire de la décision de la commissaire Vallée. Cette requête en irrecevabilité est rejetée par la Cour supérieure (le juge Jean-Guy Dubois), le 5 octobre 2004.
[20] Le 16 mai 2005, la Cour supérieure (le juge Benoît Émery), donne raison à Yergeau sur le fond de l'affaire.
[21] Selon le juge de première instance, la décision de la commissaire doit être examinée en fonction de la norme de la décision correcte, puisqu'en effet la question en litige se rattache à la mise en œuvre des règles de la justice naturelle, et plus précisément de la règle audi alteram partem, qui protège notamment le droit à une défense pleine et entière. Le juge écrit à ce propos que :
[25] Après examen du dossier, le tribunal est d'avis que la question en litige dans la présente affaire porte sur le droit d'une partie de faire valoir pleinement ses moyens et sa capacité de pouvoir réfuter dans un délai raisonnable les moyens qui lui sont opposés. Il s'agit donc d'une règle de justice naturelle si bien que la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte. Il s'agit ainsi de déterminer si la CLP a commis une erreur juridictionnelle en privant le demandeur de connaître à l'avance la preuve d'expertise que l'employeur entendait lui opposer à l'audience.
[22] Appliquant cette norme à l'espèce, le juge de première instance explique que :
[28] En rejetant l'objection du demandeur et en décidant qu'un expert pouvait témoigner sans avoir préalablement produit un rapport écrit, le tribunal est d'avis que la CLP a violé les règles de justice naturelle, privant le demandeur de pouvoir adéquatement faire valoir ses droits devant ce tribunal. En venant à cette conclusion, la CLP a commis une erreur juridictionnelle puisque cela constitue manifestement une violation aux règles d'équité procédurale.
[29] Le droit à un procès juste et équitable comporte celui de pouvoir adéquatement préparer sa cause ce qui inclut la capacité de pouvoir pleinement réfuter une preuve d'expertise présentée par une autre partie. Pour ce faire, la partie est en droit d'obtenir, au moins 15 jours avant l'audience, une copie du rapport d'expertise afin de lui permettre de consulter un expert qui pourra confirmer ou réfuter les opinions qui y sont consignées.
[30] Le fait que le demandeur était accompagné d'une médecin le matin de l'audience ne change rien à la règle. Le demandeur, même accompagné d'un expert, a droit de jouir d'un délai raisonnable pour réfuter le preuve d'expertise qu'on entend lui opposer. D'une part, rien ne dit nécessairement que le domaine d'expertise de l'expert produit par la partie adverse ne soit le même que celui de l'expert qui accompagne le demandeur le jour de l'audition. C'est notamment le cas dans les causes où le travailleur est polytraumatisé. Le demandeur pourrait alors être appelé à consulter plus d'un expert.
[31] D'autre part, même lorsque le domaine d'expertise est le même, l'expert du demandeur a besoin de temps pour vérifier les données et les opinions soumises par l'autre expert. Il faut aussi du temps pour préparer le contre-interrogatoire approprié. Ainsi, en l'espèce, il n'était pas suffisant pour la CLP de préciser qu'un délai aurait pu être accordé au demandeur après la présentation de la preuve d'expertise de l'employeur. D'ailleurs, on ignore ce que la CLP envisageait. S'agissait-il d'une pause de quelques heures ou plutôt d'un ajournement de plusieurs jours. Dans le premier cas, ce délai serait la plupart du temps nettement insuffisant. Dans la deuxième hypothèse, cela signifie que les auditions se dérouleraient en deux étapes ce qui occasionnerait des délais et des frais additionnels. Ce processus ne découlerait certes pas d'une saine administration de la justice. En revanche, la divulgation préalable de toutes les expertises est garante d'une pratique judiciaire aussi efficace qu'équitable.
[32] Même si selon la Loi sur la justice administrative, la CLP est « maître de la conduite de l'audience et doit mener les débats avec souplesse » [renvoi omis], cela n'autorise pas pour autant un employeur de prendre le salarié par surprise en l'informant le matin de l'audience qu'une preuve d'expertise sera présentée contre lui. D'ailleurs, la CLP a omis de souligner qu'aux termes de cette même loi, les procédures menant à une décision « sont conduites dans le respect du devoir d'agir équitablement » [renvoi omis]et « les procédures menant à une décision (…) sont conduites de manière à permettre un débat loyal, dans le respect du devoir d'agir de façon impartiale » [renvoi omis].
(L'italique est dans le texte.)
[23] En conclusion, le juge de première instance casse la décision rendue par la CLP et déclare que « l'employeur ou toute autre partie ne pourra faire entendre un expert à moins que son rapport écrit n'ait préalablement été communiqué et produit au dossier au moins 15 jours avant la date fixée pour la tenue d'une audience, à moins que le commissaire n'en autorise la production tardive aux conditions qu'il détermine »[4]. Il renvoie par ailleurs l'affaire à la CLP.
II. Appel et moyens d'appel
[24] Comme elle l'a fait devant la Cour supérieure, Cascades soutient que la norme de contrôle de la décision de la CLP est en l'espèce celle de la décision manifestement déraisonnable. C'est la seule conclusion à laquelle on pourrait en venir en appliquant les règles de l'analyse pragmatique et fonctionnelle désormais bien connue. Or, la décision de la CLP n'est pas manifestement déraisonnable : au contraire, elle est conforme aux principes généraux qui sous-tendent la justice administrative et conforme aussi aux règles particulières qui encadrent l'action de la CLP et qu'énonce la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., c. A-3.001.
[25] En décidant que les dispositions législatives et réglementaires pertinentes ne permettent pas le témoignage d'un expert à moins que celui-ci n'ait préalablement déposé un rapport écrit, dans un délai de 15 jours précédant la date de l'audience devant la CLP, le juge de première instance, selon l'appelante, a substitué son interprétation à celle de la CLP. Ce faisant, il a indûment ajouté une exigence à celles que prévoient les lois et les règlements applicables.
[26] Par ailleurs, même à supposer que la norme de contrôle de la décision correcte s'applique à la présente affaire, Cascades allègue que le juge a erré en concluant que la CLP a violé les règles de la justice naturelle par son interprétation des dispositions pertinentes et par son rejet de l'objection de Yergeau. En effet, prétend Cascades, le seul fait qu'un rapport écrit ne soit pas déposé avant que le médecin témoigne ne viole pas la règle audi alteram partem, dans la mesure où on laisse à la partie adverse le loisir et les moyens de répliquer. Or, c'est précisément ce qu'aurait fait la CLP en l'espèce : consciente de ce que le témoignage du médecin annoncé par Cascades pouvait prendre Yergeau par surprise, la commissaire a indiqué à ce dernier qu'il disposerait du temps nécessaire pour consulter son propre médecin expert, pour préparer le contre-interrogatoire et pour présenter une contre-preuve, au besoin.
[27] Cascades fait valoir que cette mesure suffisait amplement à protéger les droits de Yergeau à une défense pleine et entière et à une audition équitable.
[28] La CLP produit un mémoire et fait des observations portant principalement sur la norme de contrôle applicable à la décision litigieuse, norme qui serait celle de la décision manifestement déraisonnable. La CLP invoque également le fait que le jugement de première instance, sur le fond, est contraire aux dispositions législatives et réglementaires pertinentes, qui ont supprimé l'obligation de divulgation préalable des rapports d'expert. De plus, ce jugement serait susceptible d'engendrer des délais et des inconvénients sérieux dans le déroulement des affaires soumises à la CLP.
[29] Yergeau, pour l'essentiel, reprend les arguments retenus par le juge de première instance et affirme qu'il ne peut y avoir débat complet et respectueux des règles de justice naturelle « alors qu'une des parties au litige se présente à l'audition sans connaître le nom et les qualifications de l'expert, ses bases factuelles, ses conclusions et les références citées par ledit expert »[5].
III. Analyse
[30] Bien que les parties n'aient pas soulevé cette question dans leurs mémoires respectifs, la Cour tient à signaler que la règle énoncée dans l'arrêt Cégep de Valleyfield c. Gauthier-Cashman[6], reprise maintes fois par la jurisprudence[7], fait toujours autorité : sauf exception, il n'est pas opportun de procéder à la révision judiciaire de la décision interlocutoire d'un tribunal administratif et l'on devrait donc normalement s'en abstenir. En l'espèce, malgré le jugement de son collègue Dubois, jugement qui n'avait pas l'autorité de la chose jugée, il aurait sans doute été préférable que le juge Émery applique cette règle et, dans l'exercice de sa discrétion judiciaire, rejette la requête en révision présentée par Yergeau, en raison de son caractère prématuré.
[31] Toutefois, dans les circonstances, il demeure nécessaire de statuer sur le fond de l'affaire, le débat, tel que les parties l'ont formulé, portant sur une question de principe.
[32] Avec égards pour le point de vue du juge de première instance, j'estime que le pourvoi doit être accueilli, la commissaire Vallée n'ayant pas violé la règle audi alteram partem ou, si l'on préfère, le droit d'être entendu et n'ayant pas commis d'erreur en rejetant l'objection formulée par l'intimé à l'endroit du témoignage du Dr Rivas.
Tout en maintenant le principe que les règles fondamentales de justice doivent être respectées, il faut se garder d'imposer un code de procédure à un organisme que la loi a voulu rendre maître de sa procédure.
[34] Or, le jugement de première instance a précisément l'effet d'imposer à la CLP, « organisme que la loi a voulu rendre maître de sa procédure », une règle d'administration de la preuve issue directement du Code de procédure civile et obéissant à un souci d'efficacité certainement souhaitable, mais qui n'est pas l'une des composantes du droit d'être entendu.
[35] Le droit d'être entendu, bien sûr, est fondamental : ce droit, fermement ancré dans la common law et consacré par les articles 7 de la Charte canadienne des droits et libertés et 23 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, est l'un des piliers de notre système juridique et il est la condition sine qua non de la justice, que celle-ci soit rendue par les tribunaux judiciaires ou par les tribunaux et organismes administratifs.
[36] Cela dit, le droit d'être entendu, qui est primordial, ne se décline pas d'une seule façon et, comme l'a rappelé la Cour suprême du Canada :
75 L’obligation de se conformer aux règles de justice naturelle et à celles de l’équité procédurale s’étend à tous les organismes administratifs qui agissent en vertu de la loi (voir Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board of Commissioners of Police, [1979] 1 R.C.S. 311 ; Cardinal c. Directeur de l’établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643 , p. 653; Baker, précité, par. 20; Therrien, précité, par. 81). Ces règles comportent l’obligation d’agir équitablement, notamment d'accorder aux parties le droit d’être entendu (la règle audi alteram partem). Cette obligation a une nature et une étendue « éminemment variable et son contenu est tributaire du contexte particulier de chaque cas » (le juge L’Heureux-Dubé dans Baker, précité, par. 21). En l’espèce, il faut interpréter généreusement la portée du droit d’être entendu puisque le processus administratif du Conseil de la magistrature ressemble au processus judiciaire habituel (voir Knight, précité, p. 683); la décision du Conseil est sans appel (voir D. J. M. Brown et J. M. Evans, Judicial Review of Administrative Action in Canada (feuilles mobiles), vol. 1, p. 7-66 et 7 - 67); et les enjeux de l’audience sont très graves pour l’intimée (voir Kane c. Conseil d'administration de l’Université de la Colombie-Britannique, [1980] 1 R.C.S. 1105 , p. 1113).[8]
(Je souligne.)
[37] En l'espèce, il y a certainement lieu d'interpréter généreusement la portée du droit d'être entendu : la CLP est un organisme administratif spécialisé à vocation strictement juridictionnelle, dont le fonctionnement, sur le plan processuel, s'apparente à celui des tribunaux judiciaires, notamment par son caractère contradictoire, et dont les décisions, par leur nature et leur importance pour les justiciables concernés, doivent être prises dans le respect des règles de justice naturelle. La CLP doit donc, pour reprendre une expression que la Cour suprême a déjà avalisée[9], agir judiciairement.
[38] On trouve d'ailleurs dans les lois qui régissent l'activité de la CLP la confirmation de cette exigence. Ainsi, les articles 9 , 10 et 12 , paragr. 2, de la Loi sur la justice administrative, L.R.Q., c. J-3, prescrivent que :
9. Les procédures menant à une décision prise par le Tribunal administratif du Québec ou par un autre organisme de l'ordre administratif chargé de trancher des litiges opposant un administré à une autorité administrative ou à une autorité décentralisée sont conduites, de manière à permettre un débat loyal, dans le respect du devoir d'agir de façon impartiale.
10. L'organisme est tenu de donner aux parties l'occasion d'être entendues.
Les audiences sont publiques. Toutefois, le huis clos peut être ordonné, même d'office, lorsque cela est nécessaire pour préserver l'ordre public.
12. L'organisme est tenu:
[…]
2° de donner aux parties l'occasion de prouver les faits au soutien de leurs prétentions et d'en débattre;
[…]
429.13 Avant de rendre une décision, la Commission des lésions professionnelles permet aux parties de se faire entendre.
[40] Enfin, l'article 29 R.P.P.P prévoit même que :
29. La Commission ne peut retenir, dans sa décision, un élément de preuve que si les parties ont été à même d'en commenter ou d'en contredire la substance.
[41] Le respect du droit d'être entendu s'impose donc à la CLP, ce qui inclut le droit pour chaque partie de présenter son point de vue, mais aussi de réfuter celui de la partie adverse, dans les deux cas de façon pleine et entière, en faisant valoir tous ses moyens de fait et de droit.
[42] Cela dit, la CLP n'est pas un tribunal judiciaire et le fait qu'elle soit tenue d’agir judiciairement ne signifie pas qu'elle doive en tout modeler ses manières sur celles des tribunaux judiciaires. Comme l'écrit le professeur Garant, parlant des tribunaux administratifs exerçant des fonctions juridictionnelles :
Toutefois même ces derniers tribunaux ne sont pas soumis au même formalisme que les cours ordinaires : selon la Cour suprême, le tribunal administratif « n'a pas à faire siens les rites d'une cour de justice ».[10]
[43] Les tribunaux administratifs jouissent donc d'une certaine latitude dans l'application concrète des règles de justice naturelle, latitude qui s'exprime notamment au double chapitre de la preuve et de la procédure. La jurisprudence a depuis longtemps reconnu que les tribunaux administratifs sont maîtres de ces dernières[11], principe que le législateur québécois a consacré à l'article 11 de la Loi sur la justice administrative :
11. L'organisme est maître, dans le cadre de la loi, de la conduite de l'audience. Il doit mener les débats avec souplesse et de façon à faire apparaître le droit et à en assurer la sanction.
Il décide de la recevabilité des éléments et des moyens de preuve et il peut, à cette fin, suivre les règles ordinaires de la preuve en matière civile. Il doit toutefois, même d'office, rejeter tout élément de preuve obtenu dans des conditions qui portent atteinte aux droits et libertés fondamentaux et dont l'utilisation est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice. L'utilisation d'une preuve obtenue par la violation du droit au respect du secret professionnel est réputée déconsidérer l'administration de la justice.
[44] Lorsqu'on se penche sur la question de savoir si un tribunal administratif a ou n'a pas violé une règle de justice naturelle, on doit donc tenir compte de ce principe d'autonomie, non pas pour réduire l'exigence, mais pour l'adapter au contexte.
[45] Qu'en est-il en l'espèce?
[46] Je note tout d'abord qu'il ne me paraît pas utile, aux fins de répondre à cette question, de procéder à l'exercice consistant à déterminer la norme de contrôle applicable[12], selon l'analyse pragmatique et fonctionnelle, la violation d'une règle de justice naturelle affectant la compétence même du tribunal[13]. Il s'agit de savoir si oui ou non il y a eu violation et il faut, pour reprendre les termes de la Cour suprême dans Ellis-Don Ltd. c. Ontario (Commission des relations de travail)[14], « examiner la nature du problème de justice naturelle en cause pour déterminer le seuil justifiant le contrôle judiciaire »[15].
[47] Dans la présente affaire, la commissaire Vallée a permis à l'appelante de faire témoigner ou, du moins, de commencer à faire témoigner celui qu'elle a présenté comme son expert, le Dr Rivas, et cela nonobstant le fait que ce dernier n'ait pas préparé de rapport écrit. Mais elle a aussi, et cela est crucial, signifié à l'intimé et à son représentant qu'un délai lui serait « accordé, à la suite du témoignage du docteur Rivas, afin qu'il puisse consulter son propre médecin expert sur ce témoignage et préparer le contre-interrogatoire et la présentation d'une contre preuve, le cas échéant »[16].
[48] À mon avis, en décidant ainsi, la commissaire Vallée a respecté la règle audi alteram partem et préservé l'équité du processus; elle n'a en rien enfreint le droit de l'intimé de se faire entendre et de se défendre pleinement et elle n'a pas non plus créé un déséquilibre entre les parties.
[49] Examinons plus avant les motifs qui sous-tendent la décision de la commissaire, motifs dont je ferai ci-dessous un résumé.
[50] La commissaire rappelle d'abord les principes applicables : elle fait état du principe de l'autonomie de la procédure et de la preuve devant les tribunaux administratifs, citant l'article 11 de la Loi sur la justice administrative; elle signale que bien qu'un tribunal administratif puisse, aux termes de cette disposition, s'inspirer des règles du Code de procédure civile, il n'y est pas tenu et elle mentionne à ce propos l'article 2 R.P.P.P., qui reprend cette règle[17]; elle précise enfin que cette autonomie « ne doit toutefois pas faire ombrage au devoir de préserver les droits fondamentaux des parties »[18]. Sur l'ensemble de ces points, son exposé est conforme à l'état du droit sur le sujet et le juge de première instance n'y trouve d'ailleurs rien à redire, même s'il n'est pas satisfait de l'application qui en est faite.
[51] La commissaire statue ensuite sur certaines des allégations de l'intimé quant au statut du Dr Rivas, qui serait l'employé de l'appelante et n'aurait par ailleurs pas les qualifications nécessaires à un expert. Elle décide, à nouveau correctement, que le débat là-dessus est prématuré et que ces éléments deviendront pertinents lorsqu'il s'agira d'évaluer la valeur probante d'un témoignage par ailleurs pertinent vu la nature du litige (qui porte sur le lien de causalité entre l'incident allégué par l'intimé et la lésion diagnostiquée ultérieurement).
[52] La commissaire reprend ensuite le thème de la justice naturelle et, en particulier, celui de la règle audi alteram partem, telle qu'elle s'incarne dans les articles 429.13 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et 29 R.P.P.P. (dispositions reproduites aux paragr. [39] et [40] ci-dessus).
[53] Elle répond ensuite à l'argument de l'intimé, qu'elle résume comme suit :
[…] en permettant le témoignage du docteur Rivas, sans qu'un rapport d'expertise écrit ne soit produit, il est pris par surprise et ne peut adéquatement contester ou commenter la preuve apportée par ce témoignage[19].
[54] Voici comment elle statue là-dessus :
[32] Le tribunal ne partage pas ce point de vue. D’abord, la lecture de la loi et des règles de preuve adoptées sous son autorité ne permet pas d’y retrouver une obligation, pour un témoin expert, de présenter au tribunal un rapport écrit.
[33] L’article 12 des Règles de preuve se lit comme suit :
« 12. Un rapport d’expert est déposé au dossier de la Commission au moins 15 jours avant la date fixée pour la tenue de l’audience.
Un commissaire peut toutefois autoriser la production tardive d’un tel rapport aux conditions qu’il détermine. »
[34] Le tribunal ne voit pas dans cette règle l’obligation pour un expert de produire un rapport écrit. Le délai de 15 jours s’applique dans les cas où un rapport est produit, mais il n’en impose pas la production.
[35] Cette règle diffère de celle édictée par l’article 402.1 du Code de procédure civile [renvoi omis] (C.p.c.) qui indique clairement qu’un expert ne peut être entendu à moins que son rapport écrit n’ait été communiqué et produit au dossier.
[36] Rappelons ici cependant que la Commission des lésions professionnelles n’est pas tenue à l’application de cette règle. Au surplus, même si cette règle était applicable au cas qui nous occupe, force est de constater que le C.p.c. accorde au tribunal le pouvoir de permettre le témoignage de l’expert malgré l’absence de production du rapport écrit. Cette permission pourra être accordée dans les cas où la partie adverse ne subit pas de préjudice [renvoi omis].
[37] En l’espèce, l’absence d’un rapport écrit ne prive pas le travailleur de son droit de se faire entendre, comme le prétend son représentant. Le tribunal ne peut souscrire à cette prétention. D’abord, en début d’audience, il a été précisé que le docteur Rivas était là pour donner son opinion d’expert quant au lien de causalité qui pourrait exister entre le diagnostic de la lésion et le travail exécuté par le travailleur. À tout le moins, à partir de ce moment, l’objet de son témoignage est connu.
[38] Le tribunal tient également compte de la présence à l’audience de la docteure Larochelle, médecin expert du travailleur, qui aurait donc assisté au témoignage du docteur Rivas et qui aurait en conséquence pu l’analyser et conseiller le représentant du travailleur. Sa présence permettait également la production d’une contre preuve.
[39] Et enfin, le tribunal a assuré au représentant du travailleur qu’il pourrait bénéficier d’un délai pour préparer le contre-interrogatoire du docteur Rivas et une contre preuve médicale, le cas échéant.
[40] De l’avis du tribunal, tous ces éléments font en sorte que les droits fondamentaux du travailleur de se faire entendre, de commenter le témoignage du témoin expert de la partie adverse et de réfuter cette preuve sont préservés. Dans ces circonstances, le dépôt d’une expertise écrite n’ajoute pas à la garantie de ces droits et, l’absence d’un rapport d’expertise écrit ne peut justifier que l’on empêche le témoin expert de l’employeur de témoigner.
[41] Le tribunal est également d’avis que les droits de l’employeur de se faire entendre et de présenter une preuve complète et entière au soutien de ses prétentions quant à l’objet du litige doivent aussi être préservés. Le rejet du témoignage de son médecin expert pourrait sans doute compromettre le respect de ces droits.
[42] En statuant que le témoignage du docteur Rivas est recevable, dans la mesure où un délai est accordé au travailleur pour commenter ou contredire ce témoignage et en se gardant disponible pour entendre, du moins en partie, les témoins présents à l’audience, le tribunal estime que non seulement il garantit la protection des droits et l’égalité des parties, mais il assure aussi l’accessibilité de la justice administrative, en appliquant, compte tenu des circonstances, le traitement le plus simple, le plus souple et le plus rapide possible de la demande soumise par le travailleur [renvoi omis].
[55] En décidant ainsi, la commissaire a exercé judicieusement son pouvoir discrétionnaire : consciente de ce que le témoignage annoncé du Dr Rivas pouvait peut-être prendre l'intimé par surprise, en l'absence d'un rapport écrit déposé d'avance, elle a assuré l'intimé d'un délai pour préparer son contre-interrogatoire et, le cas échéant, une contre-preuve médicale. Elle a ainsi, en quelque sorte par avance, remédié au problème qu'aurait pu soulever le fait de recevoir le témoignage du Dr Rivas, protégeant ainsi le droit de l'intimé de se défendre contre cette preuve et de la réfuter.
[56] Le juge de première instance opine au contraire qu'il y a violation des règles de justice naturelle. Je me permets de reproduire de nouveau les paragraphes 30 et 31 de son jugement, paragraphes qui me semblent particulièrement importants :
[30] Le fait que le demandeur était accompagné d'une médecin le matin de l'audience ne change rien à la règle. Le demandeur, même accompagné d'un expert, a droit de jouir d'un délai raisonnable pour réfuter le preuve d'expertise qu'on entend lui opposer. D'une part, rien ne dit nécessairement que le domaine d'expertise de l'expert produit par la partie adverse ne soit le même que celui de l'expert qui accompagne le demandeur le jour de l'audition. C'est notamment le cas dans les causes où le travailleur est polytraumatisé. Le demandeur pourrait alors être appelé à consulter plus d'un expert.
[31] D'autre part, même lorsque le domaine d'expertise est le même, l'expert du demandeur a besoin de temps pour vérifier les données et les opinions soumises par l'autre expert. Il faut aussi du temps pour préparer le contre-interrogatoire approprié. Ainsi, en l'espèce, il n'était pas suffisant pour la CLP de préciser qu'un délai aurait pu être accordé au demandeur après la présentation de la preuve d'expertise de l'employeur. D'ailleurs, on ignore ce que la CLP envisageait. S'agissait-il d'une pause de quelques heures ou plutôt d'un ajournement de plusieurs jours. Dans le premier cas, ce délai serait la plupart du temps nettement insuffisant. Dans la deuxième hypothèse, cela signifie que les auditions se dérouleraient en deux étapes ce qui occasionnerait des délais et des frais additionnels. Ce processus ne découlerait certes pas d'une saine administration de la justice. En revanche, la divulgation préalable de toutes les expertises est garante d'une pratique judiciaire aussi efficace qu'équitable.
(Je souligne.)
[57] En toute déférence, ces affirmations me semblent relever de la spéculation. Le juge a peut-être raison lorsqu'il dit que l'intimé a besoin de temps pour réfuter pleinement le témoignage du Dr Rivas et qu'il pourrait même être appelé à consulter plus d'un expert, ce qui nécessiterait encore un délai supplémentaire. Mais, justement, la commissaire a donné à l'intimé l'assurance qu'elle lui laisserait pour cela le temps nécessaire, qui pouvait difficilement être évalué à ce stade, le témoin n'ayant pas encore été entendu. Il est possible, en effet, que l'intimé doive consulter plus d'un expert et, par ailleurs, il est possible également qu'il ait besoin d'un délai assez long pour se préparer à contre-interroger le Dr Rivas ou à réfuter son témoignage. Le juge de première instance ne pouvait cependant pas présumer que le délai accordé par la commissaire pour ce faire n'aurait pas été suffisant. Il ne pouvait non plus décider, au nom d'une saine administration de la justice, qu'une méthode autre que celle choisie par la commissaire aurait été préférable afin de protéger le droit de l'intimé. J'aborderai tour à tour chacun de ces points.
[58] Sur le premier point, il convient de rappeler un passage de l'arrêt Ellis-Don Ltd. c. Ontario (Commission des relations de travail)[20], où les juges majoritaires écrivent qu'il ne suffit pas, pour justifier la révision judiciaire, qu'existe une crainte de violation de la règle audi alteram partem; il faut plutôt que cette violation soit réelle :
49 Dans le cas d’une présumée violation de la règle audi alteram partem, même s’il peut s’avérer difficile de prouver ce fait dans certain cas, celui qui demande le contrôle judiciaire doit démontrer l’existence d’une violation réelle. Aucune décision n’appuie la proposition avancée par l’appelante, selon laquelle une «crainte» de violation suffit pour donner lieu au contrôle judiciaire. Dans Consolidated-Bathurst, le juge Gonthier a fait une distinction claire entre les deux problèmes: la partialité et la règle audi alteram partem. D’une part, il a examiné la question de savoir si le processus de consultation institutionnelle avait donné lieu à une crainte de partialité. En étudiant l’application de la règle audi alteram partem, il n’a jamais indiqué qu’une crainte de violation suffisait pour justifier une intervention. En fait, il était d’avis que le dossier dont notre Cour était saisie ne révélait aucune preuve que d’autres questions ou arguments avaient été abordés à la réunion plénière de la Commission. Il a donc conclu que l’appelant n’avait pas réussi à démontrer l’existence d’une violation de la règle audi alteram partem: voir Consolidated‑Bathurst, aux pp. 339 et 340. Par conséquent, il faut examiner la nature du problème de justice naturelle en cause pour déterminer le seuil justifiant le contrôle judiciaire. L’arrêt Consolidated-Bathurst n’appuie pas l’affirmation que le seuil justifiant le contrôle judiciaire dans tous les cas de présumée violation des règles de justice naturelle est simplement la crainte de violation de ces règles.
50 À l’appui de son argument, l’appelante a également invoqué la décision rendue par notre Cour dans Kane c. Conseil d’administration de l’Université de la Colombie-Britannique, [1980] 1 R.C.S. 1105 , où le juge Dickson (plus tard Juge en chef) a écrit à la p. 1116:
Nous [c.‑à‑d., notre Cour] ne sommes pas concernés ici par la preuve de l’existence d’un préjudice réel mais plutôt par la possibilité ou la probabilité qu’aux yeux des gens raisonnables, il existe un préjudice.
Cet extrait n’a toutefois pas la signification que lui attribue l’appelante. Dans Kane, le demandeur avait démontré l’existence d’une violation réelle de la règle audi alteram partem: au cours des délibérations du Conseil d’administration de l’U.C.‑B. dans une affaire disciplinaire, le président de l’université avait fait part aux arbitres de faits supplémentaires en l’absence des parties. S’exprimant au nom des juges majoritaires, le juge Dickson a simplement affirmé qu’une fois la violation de la règle audi alteram partem établie, il n’était pas nécessaire de prouver que cette violation avait causé un préjudice réel au justiciable, mais seulement de démontrer la probabilité de préjudice.[21]
(Je souligne.)
[59] Le juge de première instance ne pouvait donc pas trancher l'affaire en supposant que la commissaire donnerait à l'intimé un délai insuffisant pour se préparer à réfuter le témoignage à venir du Dr Rivas et en lui reprochant ce qu'elle n'avait pas encore fait et n'aurait d'ailleurs peut-être pas fait. La situation ne se prêtait pas à une hypothèse de ce genre et ne permettait pas de conclure que surviendrait une violation de la règle audi alteram partem : rien dans les circonstances n'indiquait que cette violation appréhendée se matérialiserait.
[60] Par ailleurs, quant au second point relevé par le juge de première instance, on peut penser, en effet, qu'il eut été préférable, par souci d'efficacité et pour éviter le report de l'audience, que le Dr Rivas fasse un rapport écrit et que celui-ci soit déposé d'avance. Le juge de première instance n'a donc pas tort d'indiquer que la divulgation préalable est garante d'une pratique judiciaire efficace et équitable. Mais cela signifie-t-il que l'absence de divulgation préalable engendre forcément et irrémédiablement une violation de la règle audi alteram partem ou enfreint autrement la justice naturelle?
[61] Je ne le crois pas : le respect de la règle audi alteram partem n'est assurément pas incompatible avec une gestion d'instance et, en particulier, une gestion d'audience efficaces, mais ce n'est pas parce qu'un procédé paraît moins efficace qu'il contrevient à la justice naturelle. On peut aussi, par exemple, préférer qu'une audience ait lieu en une seule fois et ne soit pas interrompue, mais le fait qu'elle soit scindée en deux parties ou qu'il y ait un débat en deux temps ne porte pas, en lui-même, atteinte à la justice naturelle.
[62] La commissaire Vallée faisait ici face à une difficulté réelle, qu'elle devait résoudre : le témoin annoncé par l'appelante n'ayant pas fait de rapport écrit, son témoignage risquait de prendre l'intimé par surprise. Or, ce n'est pas parce qu'il y a surprise qu'il y a nécessairement violation de la règle audi alteram partem : plutôt, il faut examiner les mesures prises en vue de remédier à cet effet de surprise et au déséquilibre qu'il est susceptible d'engendrer. Or, dans la mesure où la commissaire Vallée entendait permettre à l'intimé d'exercer son droit de réfuter cette preuve et de s'y préparer adéquatement, il n'y a pas violation de la règle audi alteram partem ou de l'équité procédurale; il n'y a pas de déséquilibre. On peut même penser que l'intimé pourrait tirer avantage (avantage qui, dans les circonstances, ne serait pas indu) du fait d'avoir entendu le témoignage du Dr Rivas puis de bénéficier d'un délai avant de le réfuter ou d’y répliquer. Dans la mesure où on lui accorde ce délai de préparation, l'intimé n'est pas dans une position plus désavantageuse que celle dans laquelle il se serait trouvé s'il avait obtenu d'avance un rapport écrit, qu'il aurait dû réfuter de la même façon.
[63] Bref, au stade où l'on en était de l'audience, c'est-à-dire au tout début, la commissaire pouvait légitimement recevoir le témoignage de l'expert annoncé par l'appelante ou, du moins, commencer à l'entendre, tout en assurant à l'intimé qu'on lui accorderait le délai nécessaire pour y répondre. Les règles de pratique, de procédure et de preuve qui gouvernent la CLP ne l'interdisent pas et iI était trop tôt encore pour voir dans cette démarche une violation des règles de justice naturelle.
[64] En fait, sans le dire explicitement, le juge de première instance se trouve ici à transposer au régime de la CLP l'article 402.1 C.p.c., disposition qui énonce que :
402.1 Sauf avec la permission du tribunal, nul témoin expert n'est entendu à moins que son rapport écrit n'ait été communiqué et produit au dossier conformément aux dispositions des sections I et II du chapitre I.1 du présent titre. Toutefois, dans le cas d'une requête autre qu'une requête introductive d'instance, une copie du rapport doit être signifiée aux parties, au moins 10 jours avant la date de l'audition, à moins que le tribunal n'en décide autrement.
La production au dossier de l'ensemble ou d'extraits seulement du témoignage hors cour d'un témoin expert peut tenir lieu de son rapport écrit.
Or, à mon avis, rien ne justifie une telle transposition.
[65] La CLP est maître de sa procédure et de sa preuve et, s'il lui est fait obligation de respecter les règles de la justice naturelle, elle n'est pas tenue pour ce faire d'appliquer toutes et chacune des dispositions du Code de procédure civile, quoiqu'elle puisse s'en inspirer. Les règles de pratique de la CLP consacrent d'ailleurs nombre de règles s'apparentant à celles de la procédure judiciaire ordinaire. La règle exprimée par l’article 402.1 C.p.c. n'est toutefois pas de celles que la CLP a retenues. Les articles 10 et 12 R.P.P.P prévoient plutôt que :
10. Une partie qui veut déposer une pièce au dossier la transmet à la Commission dès que possible pour qu'elle la reproduise et la transmette aux autres parties avant l'audience.
Toutefois, une partie qui veut déposer un écrit au dossier moins de 15 jours avant la date de l'audience doit en produire cinq exemplaires à la Commission et en transmettre une copie aux autres parties.
12. Un rapport d'expert est déposé au dossier de la Commission au moins 15 jours avant la date fixée pour la tenue de l'audience.
Un commissaire peut toutefois autoriser la production tardive d'un tel rapport aux conditions qu'il détermine.
[66] La commissaire a interprété l'article 12 R.P.P.P. comme signifiant que le témoignage de l'expert n'est pas conditionnel à la rédaction préalable d'un rapport. Toutefois, si un tel rapport existe, il doit, sauf l'exception du second alinéa, être déposé dans un délai de 15 jours avant l'audience.
[67] Les parties, dans leur mémoire, discutent longuement de la question de la norme de contrôle applicable à cet aspect particulier de la décision de la commissaire : doit-on, l'interprétation de ses propres règles de pratique relevant certainement de la compétence spécialisée de la CLP, appliquer la norme de la décision manifestement déraisonnable? Doit-on plutôt, puisque l'exercice d'interprétation se rattache à une question de justice naturelle, appliquer la norme de la décision correcte, pour s'assurer que, sous couvert d'indiquer le sens à donner à une disposition des règles de pratique, on ne viole pas la règle audi alteram partem, ce qui constituerait un excès de compétence? Il ne me semble pas nécessaire de répondre à cette question précise puisque, quelle que soit l'interprétation retenue, on ne peut pas parler ici de violation de la justice naturelle.
[68] S'il est convaincu que l'intérêt de la justice le requiert, le tribunal, qu'il soit administratif ou judiciaire, peut, sauf exception[22], recevoir, même si l'on n'en a pas respecté les règles de production, une preuve qu'il estime pertinente[23], à condition de prendre alors les mesures destinées à pallier l'effet que ce défaut de respecter les règles en question pourrait causer à la partie adverse. En l'espèce, pourtant, le jugement de première instance prétend restreindre cette latitude. Son paragraphe 37 énonce en effet que :
[37] DÉCLARE que l'employeur ou toute autre partie ne pourra faire entendre un expert à moins que son rapport écrit n'ait préalablement été communiqué et produit au dossier au moins 15 jours avant la date fixée pour la tenue d'une audience, à moins que le commissaire n'en autorise la production tardive aux conditions qu'il détermine.
[69] Par cette conclusion, le juge de première instance limite indûment le droit de la CLP de recevoir une preuve pertinente, puisqu'il ne lui reconnaît pas la faculté d'entendre un témoignage d'expert en l'absence d'un rapport écrit.
[70] Or, même l'article 402.1 C.p.c. ne va pas si loin. En effet, aux termes de cette disposition, un témoin expert n'est pas admis à témoigner sans rapport écrit et sans dépôt préalable de ce rapport écrit, sauf permission du tribunal. La disposition (qui vise à éviter les surprises et, par conséquent, les ajournements qui ralentissent le processus[24]) n'est donc pas de rigueur. La jurisprudence et la doctrine reconnaissent d'ailleurs que le tribunal peut autoriser un expert à témoigner malgré qu'il n'ait pas fourni de rapport écrit[25], encore que cette autorisation soit accordée avec une certaine parcimonie, afin de ne pas neutraliser la disposition. Il reste qu'il est possible d'y déroger, pourvu que l'on s'assure de ne pas causer préjudice à l'autre partie, ce qui peut requérir un ajournement destiné à permettre à celle-ci de préparer sa contestation. Il n'y a pas lieu de priver les tribunaux administratifs, en l'occurrence la CLP, de cette possibilité.
[71] Comme l'a souligné la Cour suprême dans Komo Construction Inc. (précité, paragr. [33]), les tribunaux judiciaires ne peuvent pas imposer aux tribunaux administratifs leur mode de gestion d'instance ou leur imposer le modèle judiciaire intégral en matière d'administration de la preuve. Déjà, en matière de recevabilité, comme on l'a vu précédemment, les tribunaux administratifs jouissent d'une latitude plus grande que celle des tribunaux judiciaires. Il ne convient pas de restreindre cette latitude au chapitre de l'administration de la preuve.
[72] Dans un autre ordre d'idées, je me permettrai deux observations supplémentaires.
[73] Tout d'abord, devant la commissaire Vallée, l'intimé a laissé entendre que le Dr Rivas serait à l'emploi de l'appelante et qu'il ne pourrait donc, pour cette raison, prétendre témoigner comme expert dans l'affaire. L'intimé, dans son exposé, évoque à nouveau la chose, sans insister toutefois, signalant simplement que la façon de faire retenue par la commissaire « défavorise grandement les travailleurs qui eux n'ont pas de médecins à leur emploi »[26]. Le juge de première instance prend pour sa part la peine de souligner, au paragraphe 34 de son jugement, qu'« il semble que le Dr Rivas était au service de l'employeur ».
[74] Rien dans le dossier d'appel ne démontre que tel est le cas. Du reste, même à supposer qu'il ait été l'employé de l'appelante, cela ne l'empêcherait pas, en soi, de témoigner, même si la valeur probante de son témoignage risque alors de s'en ressentir[27]. À tout événement, le débat là-dessus n'est pas relié à la question de la justice naturelle et, vu l'état du dossier, il est prématuré.
[75] La même remarque vaut quant à l'argument relatif aux qualifications du Dr Rivas (qualifications dont nous ignorons tout pour le moment), sujet que l'intimé a abordé devant la CLP mais qu'il ne reprend pas en appel, sinon pour plaider qu'il est défavorisé par le fait de ne pas connaître d'avance les qualifications en question[28] : ce sera à la commissaire d'apprécier la valeur du témoignage que rendra le Dr Rivas, à la lumière des qualifications dont il fera état et il n'y a rien là-dedans qui affecte les règles de justice naturelle.
[76] En somme, je conclus que la commissaire Vallée n'a pas violé les règles de justice naturelle ni brimé le droit de l'intimé à un procès juste et équitable, dans le cadre duquel il pourra se faire entendre pleinement. Sa décision protège suffisamment les droits de l'intimé et n'atteint pas le seuil du contrôle judiciaire.
[77] Je propose donc que le pourvoi soit accueilli avec dépens, que le jugement de première instance soit infirmé, que la requête en révision judiciaire rejetée avec dépens et que le dossier soit renvoyé devant la CLP pour que l'affaire y suive son cours.
|
|
|
|
MARIE-FRANCE BICH J.C.A. |
[1] Exposé de l’appelante, à la p. 43.
[2] Exposé de l’appelante, à la p. 46.
[3] Au paragraphe 18 de sa décision, elle écrit que :
[18] Toutefois, devant le départ imminent du représentant du travailleur, de la docteure Larochelle et du travailleur, l'audience sur le fond du litige a été reportée. En effet, le tribunal est d'avis qu'il ne pouvait, en pareilles circonstances, et ce, malgré la disponibilité de l'employeur et de ses témoins, procéder sur le fond du litige sans priver le travailleur de son droit fondamental d'être entendu.
[4] Paragraphe 37 du jugement de première instance.
[5] Exposé de l'intimé, à la p. 4, paragr. 14.
[6] [1984] C.A. 633 .
[7] Voir par exemple : Technologies avancées de fibres (AFT)
inc. c. Fleury,
D.T.E. 2005T-76
(C.A.); Québec (Procureur
général) c. Bouliane,
[2004] R.J.Q. 1185
(C.A., requête pour
autorisation de pourvoi à
[8] Moreau-Bérubé c. Nouveau-Brunswick (Conseil de la magistrature), [2002] 1 R.C.S. 249 , aux p. 292-293 (paragr. 75). Au même effet, voir : Ruffo c. Conseil de la magistrature, [1995] 4 R.C.S. 267 , aux p. 318-319, paragr. 88; Re Therrien, [2001] 2 R.C.S. 3 , aux p. 58-59 (paragr. 82).
[9] Voir Syndicat des employés de production du Québec et de l'Acadie c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1989] 2 R.C.S. 879 , à la p. 908.
[10] Patrice GARANT, Droit administratif, 5e éd., Cowansville, Les Éditions Yvons Blais inc., 2004, aux p. 744-745, citant Kane c. University of British Columbia, [1980] 1 R.C.S. 1105 , à la p.1112.
[11] Pour un exemple récent de l'affirmation de ce principe, voir : Re Therrien, précité, note 8, aux p. 318 et s. (paragr. 88 et s.). Voir également : Yves OUELLETTE, Les tribunaux administratifs au Canada, Montréal, Les Éditions Thémis inc., 1997, aux p. 91-95.
[12] Voir en ce sens : Moreau-Bérubé c. Nouveau-Brunswick (Conseil de la magistrature), précité, note 8, à la p. 292 (paragr. 74). Parlant de l'équité procédurale, la juge Arbour écrit que :
74 La troisième question n’exige pas qu’on détermine la norme de révision judiciaire applicable. Pour vérifier si un tribunal administratif a respecté l’équité procédurale ou l’obligation d’équité, il faut établir quelles sont les procédures et les garanties requises dans un cas particulier. (Voir de façon générale Knight c. Indian Head School Division No. 19, [1990] 1 R.C.S. 653 , et Baker, précité).
[13] Université du Québec à Trois-Rivières c. Larocque, [1993] 1 R.C.S. 471 .
[14] [2001] 1 R.C.S. 221 .
[15] Id., à la p. 247 (paragr. 49).
[16] Décision de
[17] L'article 2 R.P.P.P. est ainsi rédigé :
2.
[18] Décision de
[19] Décision de
[20] Précité, note 14.
[21] Id., aux p. 247-248.
[22] Voir par exemple le cas de l'élément de preuve obtenu en violation
du secret professionnel : article
[23] C'est le principe général qu'énonce l'article
[24] Voir à ce propos : Léo DUCHARME, L'administration de la preuve, 3e éd., Montréal, Wilson & Lafleur ltée, 2005, à la p. 240 (paragr. 673).
[25] Voir par exemple : Association canadienne de ski c. Hébert, [1987] R.J.Q. 2006 (C.A.); Desbiens c. Frenkiel, J.E. 90-1113 (C.S.), particulièrement aux p. 9 et 10; Léo DUCHARME, op. cit., note 25, aux p. 252-255 (notamment au paragr. 713).
[26] Exposé de l'intimé, à la p. 5 (paragr. 20).
[27] Québec (procureur général) c. Marleau, [1995] R.D.J. 236 (C.A.); Mont-Tremblant (Municipalité du) c. Tellier, [1994] R.D.J. 44 (C.A.); L'Heureux c. Lapalme, [2002] R.R.A. 1025 (C.S.).
[28] Exposé de l'intimé, à la p. 4, paragr. 14 :
Comment peut-on prétendre qu'il y aura un débat complet et respectant les règles de justice naturelle alors qu'une des parties au litige se présente à l'audition sans connaître le nom et les qualifications de l'expert, ses bases factuelles, ses conclusions et les références citées par ledit expert.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.