Décision

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Gabarit de jugement pour la cour d'appel

Maison Jean-Yves Lemay Assurances inc. c. Bar et spectacles Jules et Jim inc.

2016 QCCA 1494

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

QUÉBEC

N° :

200-09-008875-145

 

200-09-008882-141

(200-17-015614-118)

 

DATE :

19 SEPTEMBRE 2016

 

 

CORAM :

LES HONORABLES

NICOLE DUVAL HESLER, J.C.Q.

MANON SAVARD, J.C.A.

JEAN-FRANÇOIS ÉMOND, J.C.A.

 

 

N° :

200-09-008875-145

 

LA MAISON JEAN-YVES LEMAY ASSURANCES INC.

LOUIS-CHARLES WARREN

APPELANTS - Défendeurs

c.

 

BAR ET SPECTACLES JULES ET JIM INC.

INTIMÉE - Demanderesse

et

GÉRARD LÉGARÉ

INTIMÉ - Défendeur sur mise en cause forcée

 

 

N° :

200-09-008882-141

 

BAR ET SPECTACLES JULES ET JIM INC.

APPELANTE - Demanderesse

c.

 

LA MAISON JEAN-YVES LEMAY ASSURANCES INC.

LOUIS-CHARLES WARREN

INTIMÉS - Demandeurs

et

GÉRARD LÉGARÉ

INTIMÉ - Défendeur sur mise en cause forcée

 

 

ARRÊT

 

 

[1]           Les parties se pourvoient contre un jugement rendu le 14 novembre 2014 par la Cour supérieure, district de Québec (l’honorable Clément Samson), qui condamne La Maison Jean-Yves Lemay assurances inc. et Louis-Charles Warren à payer à la société Bar et Spectacles Jules et Jim inc. un montant de 348 032,74 $[1].

[2]           Pour les motifs de la juge Savard, auxquels souscrit le juge Émond dans des motifs concordants, LA COUR :

[3]           ACCUEILLE l’appel de La Maison Jean-Yves Lemay assurances inc. et Louis Charles Warren, sans frais de justice à l’égard de Bar et Spectacles Jules et Jim inc. vu leur renonciation à ceux-ci (Dossier 200-09-008875-145);

[4]           ACCUEILLE en partie l’appel de Bar et Spectacles Jules et Jim inc., avec frais de justice à l’encontre de Gérard Légaré uniquement (Dossier 200-09-008882-141);

[5]           INFIRME le jugement de première instance, et procédant à rendre le jugement qui aurait dû être prononcé le 14 novembre 2014;

[225] ACCUEILLE en partie la requête introductive d’instance ré-amendée de Bar et Spectacles Jules et Jim inc.;

[226] CONDAMNE solidairement La Maison Jean-Yves Lemay assurances inc. et Louis Charles Warren à payer à Bar et Spectacles Jules et Jim inc. 186 200 $, avec intérêt et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q. à compter de l’assignation, avec les dépens sur cette somme, y compris les frais d’expertise de monsieur René Laporte fixés à 13 287,52 $;

[227] CONDAMNE Gérard Légaré à payer à Bar et Spectacles Jules et Jim inc. 188 665 $, avec intérêt et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q. à compter de l’assignation, avec les dépens sur cette somme, y compris les frais d’expertise de monsieur Evans Jalbert fixés à 4 512,77 $;

[6]           DONNE ACTE du paiement fait par la Maison Jean-Yves Lemay assurances inc. et Louis Charles Warren à Bar et Spectacles Jules et Jim inc. de la somme de 186 200 $, en capital, intérêts et indemnité additionnelle, et des frais d’expertise de monsieur René Laporte fixés à 13 287,52 $;

[7]           DONNE ACTE du paiement fait par Gérard Légaré à Bar et Spectacles Jules et Jim inc. des frais d’expertise de monsieur Evans Jalbert fixés à 4 512,77 $;

[8]           De son côté, la juge en chef Duval-Hesler, pour d’autres motifs, aurait rejeté l’appel de La Maison Jean-Yves Lemay assurances inc. et Louis-Charles Warren (Dossier 200-09-008875-145) et aurait accueilli en partie l’appel de Bar et Spectacles Jules et Jim inc. (Dossier 200-09-008882-141) afin d’augmenter les dommages accordés de 26 832,62 $ vu l’admission des parties concernant les frais de démolition, avec frais de justice contre La Maison Jean-Yves Lemay assurances inc. et Louis-Charles Warren.

 

 

 

 

NICOLE DUVAL HESLER, J.C.Q.

 

 

 

 

 

MANON SAVARD, J.C.A.

 

 

 

 

 

JEAN-FRANÇOIS ÉMOND, J.C.A.

 

Me Éric Lemay

Dussault, Gervais, Thivierge

Pour La Maison Jean-Yves Lemay assurances inc. et

Louis-Charles Warren

 

Me David Ferland

Me Claude Ouellet

Stein, Monast

Pour Bar et Spectacles Jules et Jim inc.

 

Me Jean-François Gagnon

Langlois, avocats

Pour Gérard Légaré

 

Date d’audience :

5 mai 2016



 

 

MOTIFS DE LA JUGE EN CHEF

 

 

INTRODUCTION

[9]           En juin 2010, Bar Jules et Jim souhaite renouveler la couverture d’assurances de son immeuble, alors assuré pour 424 000 $. Sur la recommandation de son courtier, les appelants Lemay Assurance et Warren (ce dernier étant le représentant de Lemay Assurance), le Bar sollicite un rapport d’évaluation de l’intimé Légaré[2].

[10]        Ce rapport, qui porte l’évaluation du montant des coûts de reconstruction de l’immeuble de 424 000 $ à 565 000 $, est livré au courtier entre le 12 et le 16 juillet 2010. L’appelant Warren en prend connaissance le 20 juillet et demande à une collègue de s’occuper du suivi puisqu’il part en vacances.

[11]        Rien n’est fait.

[12]        L’immeuble est détruit par un incendie le 23 juillet 2010. L’assureur paie l’indemnité de 424 000 $ selon le contrat en vigueur sans la révision à la hausse souhaitée par le Bar assuré.

[13]        Il s’avère alors que le montant de l’évaluation aurait été insuffisant de toute façon en raison d’erreurs de l’évaluateur. Non seulement les coûts de reconstruction sont-ils sous-évalués, mais les frais de démolition et les frais de mise aux normes n’ont pas été pris en compte et le fait qu’ils ne l’étaient pas est passé sous silence[3]. Surtout, l’évaluation traite tout le bâtiment comme un immeuble résidentiel, alors que le rez-de-chaussée a une vocation commerciale.

[14]        L’évaluation à 565 000 $ aurait donc été nettement insuffisante, les coûts de reconstruction à eux seuls faisant l’objet d’une admission au montant de 714 845,25 $.

[15]        Dans les faits, les coûts de reconstruction et de démolition ont atteint la somme de1 003 708 $.


LES QUESTIONS EN APPEL

[16]        Rendue au procès, Bar Jules et Jim, l’intimée, poursuivait à la fois le courtier et l’évaluateur[4].

[17]        Le courtier, au stade de l’appel, admet son erreur, c’est-à-dire son inaction, et a volontairement versé au Bar Jules et Jim la différence entre le montant de la couverture existante et celui qui, selon sa position, aurait dû être le montant de couverture adéquat en l’espèce. Il porte le jugement en appel parce que le juge de première instance l’a tenu seul responsable de l’entièreté des dommages, écartant les erreurs de l’évaluateur parce que le courtier n’avait donné aucune suite à son rapport, ce qui avait rompu, quant au juge, le lien de causalité entre ces erreurs et le manque de couverture adéquate.

[18]        Selon le jugement de première instance, la valeur à assurer aurait dû être de 772 032,74 $[5], soit le montant des frais de reconstruction estimables (de 714 845,25 $ comme déjà mentionné) plus les frais de démolition[6]. Le Bar souligne, avec raison, que ce montant est erroné, les frais de démolition faisant l’objet d’une admission des parties. La valeur à assurer prévisible était plutôt de 798 865,36 $, soit près de 27 000 $ de plus.

[19]        Le courtier plaide qu’il ne saurait être condamné à verser un montant plus élevé que le montant de couverture qui aurait été prévisible à partir du rapport d’évaluation tel que soumis. Selon le juge de première instance, il fallait plutôt tenir compte d’un rapport non entaché d’erreur, puisque le rapport soumis n’a pas servi, ce qui explique le montant retenu de 772 032,74 $. Le courtier soutient encore que puisqu’il a volontairement acquitté la différence entre le montant qu’il considère être celui des dommages prévisibles (610 200 $) et celui de la couverture existante, toute condamnation contre lui serait excessive.

[20]        Réagissant à l’appel du courtier, l’évaluateur soutient, dans un premier temps, que son erreur ne peut être considérée comme causale, prétention du reste acceptée par le juge. Dans un deuxième temps, il plaide qu’il ne saurait, lui non plus, être tenu responsable d’un montant supérieur à ce qu’aurait été le montant d’une évaluation non erronée au moment où l’assuré, Bar Jules et Jim, a voulu augmenter sa protection.

[21]        Le Bar, soulignant qu’il recherchait et avait droit à une couverture adéquate, plaide pour le maintien du jugement ou, à tout le moins, pour la condamnation de l’évaluateur à toute diminution, par cette Cour, du montant auquel le courtier a été condamné par le jugement de première instance.

LE JUGEMENT DE PREMIÈRE INSTANCE

[22]        Rappelant que, selon l’article 2138 C.c.Q., le courtier a une obligation de moyens qui correspond au fait qu’il est un spécialiste de l’évaluation du risque[7] et doit en conséquence conseiller sa clientèle, le juge de première instance a retenu que cette obligation revêt l’intensité d’une obligation de diligence, où le débiteur est tenu de « faire preuve de prudence et d’habileté pour parvenir au résultat souhaité par les parties.[8] »

[23]        Il a également souligné l’article 39 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers[9] en ces termes :

[53]      L’article 39 de la Loi crée une obligation particulière au courtier. Lorsque vient le temps du renouvellement d’une police, le courtier ne peut se satisfaire d’un renouvellement automatique de la police, nonobstant l’augmentation peut-être régulière et automatique du montant de couverture suggéré par l’assureur. La Loi crée une obligation pour le courtier d’offrir au client un produit qui couvre un sinistre éventuel pour un montant approprié, mais le produit d’assurance offert doit s’ajuster aux besoins du client. Lorsqu’il relaie la police proposée par l’assureur, son rôle de conseiller-expert doit encore s’exercer.

[Référence omise]

[24]        Le juge de première instance s’est également attardé aux obligations statutaires de l’évaluateur, mais je ne crois pas que cette discussion soit nécessaire vu le résultat auquel mène l’analyse de la causalité qui suit.

[25]        De toute évidence, en effet, la causalité est au cœur de cet appel. Pour le trancher, il faut donc revenir à certaines notions de base de la causalité en droit civil québécois, dont notamment la notion de l’obligation in solidum  en matière contractuelle et la différence entre une faute contributoire et une faute successive. Je précise dès maintenant que la notion de l’obligation in solidum, ainsi que celles des fautes contributoires et successives, ne s’appliquent que si toutes les fautes sont causales, c’est-à-dire, ont contribué aux dommages.

L’OBLIGATION IN SOLIDUM

[26]        La responsabilité in solidum peut être appliquée lorsque l’on est en présence de deux fautes contractuelles émanant de deux contrats distincts, ce qui est le cas ici. La doctrine et la jurisprudence sont claires à cet égard :

2603. L’obligation in solidum peut aussi résulter de deux fautes contractuelles séparées, quoique reliées par un objectif commun. Ainsi, seront tenus in solidum, à l’égard d’un patient, le chirurgien dentiste et le chirurgien plasticien, qui auraient, chacun, manqué à leur devoir contractuel respectif d’informer leur client de l’existence d’un traitement moins risqué. Fait aussi partie de la typologie classique de la solidarité imparfaite l’obligation, contractée successivement par des acheteurs subséquents, de prendre en charge, au profit du vendeur initial, la dette pour le solde du premier acheteur : le premier vendeur a une créance in solidum contre chacun de ces acheteurs. Rien n’empêche, par ailleurs, qu’une obligation in solidum soit associée à une obligation véritablement solidaire.[10]

[Références omises; soulignements ajoutés]

[27]        La jurisprudence reconnaît elle aussi l’existence de la solidarité imparfaite lorsque plusieurs débiteurs dont l’obligation provient d’une source distincte contribuent à la réalisation d’un même dommage[11]. On retrouve dans la jurisprudence des exemples où le tribunal déclare responsables in solidum les débiteurs de deux obligations contractuelles distinctes, notamment dans les affaires Prévost-Masson c. Trust Général du Canada et Chartré c. Exploitation agricole et forestière des Laurentides inc.[12]

[28]        Il existe d’autres cas d’obligations in solidum, mais l’affaire sous étude ne met en cause que des fautes contractuelles distinctes.

LA FAUTE CONTRIBUTOIRE ET LA FAUTE SUCCESSIVE

[29]        Des fautes sont qualifiées de contributoires lorsqu’elles sont indépendantes les unes des autres, mais ont contribué ensemble à la réalisation d’un même dommage[13]. Il faut les distinguer des fautes communes, où deux personnes ou plus commettent ensemble une seule et même faute causant un seul dommage à la victime.

[30]        Il m’apparaît clair en l’espèce que nous ne sommes pas en présence d’une faute contributoire de la part de l’évaluateur, son rapport n’ayant jamais servi à quoi que ce soit.

[31]        De leur côté, les fautes qualifiées de successives sont des fautes distinctes dont chacune d’elles peut être reliée à un dommage individuel précis, contrairement aux fautes contributoires.

LE « BUT-FOR TEST » DE LA COMMON LAW

[32]        Il s’agit du test retenu par le juge de première instance.

[33]        La Cour suprême a affirmé à plusieurs reprises, dans des dossiers en provenance de provinces de common law, qu’en règle générale le critère pour établir le lien de causalité est celui du « but-for test », traduit en français par le « critère du facteur déterminant » ou au moyen de l’expression « n’eût été »[14]. Ce test nécessite la démonstration que le préjudice ne serait pas survenu en l’absence du comportement fautif[15].

[34]        Je n’entends pas m’étendre ici sur ce test, puisqu’il ne s’applique ici qu’à rebours. Voici pourquoi.

[35]        Supposant que l’évaluateur ait ici remis un rapport exemplaire, ne contenant aucune erreur, cela n’aurait eu aucun impact sur les dommages subis par l’assuré, le courtier n’ayant nullement utilisé le contenu de ce rapport pour faire quoi que ce soit. La faute de l’évaluateur n’a tout simplement jamais fait partie de la trame des événements. Elle est plutôt invoquée après coup par le courtier qui tente ainsi de réduire sa propre responsabilité pour avoir omis d’agir selon son mandat.

[36]        Le courtier ne peut s’appuyer sur un rapport qui s’avère déficient après les faits pour réduire une responsabilité qui est la sienne au départ, d’autant que la loi lui confie une obligation de moyen élevée qui comporte un devoir de conseil du client. Qui peut dire qu’un courtier diligent n’aurait pas, ici, décelé les lacunes du rapport soumis par l’évaluateur et n’aurait réussi à fournir à l’assuré une couverture adéquate?  Je n’affirme pas ici qu’il avait l’obligation de déceler ces lacunes. Je souligne simplement que d’utiliser les fautes entachant un rapport qui a été ignoré par le courtier dans le but de réduire la responsabilité de ce dernier ne peut, en l’espèce, mener à une juste solution.

[37]        J’ajoute que de se livrer à pareil exercice dans le cas présent tient de la spéculation plutôt que de l’analyse des faits. En effet, si l’évaluateur n’avait pas commis d’erreur dans son évaluation, cela aurait été sans conséquence, comme déjà mentionné, puisque le courtier a de toute façon négligé d’augmenter la couverture de son client. Pour que l’évaluateur puisse être responsable, il faudrait que sa faute ait été nécessaire pour que le préjudice survienne, ce qui n’est aucunement le cas.

 

LE LIEN DE CAUSALITÉ EN DROIT DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE QUÉBÉCOIS

[38]        Que l’on soit en présence d’une obligation contractuelle ou d’une faute délictuelle, la partie poursuivie doit être, du moins en partie, l’auteur du dommage. S’il n’y a pas de lien entre la faute contractuelle ou délictuelle commise et les dommages subis, l’auteur de la faute ne peut être tenu responsable. Elle constitue tout simplement un fait dont l’on ne peut tirer de conséquence légale. C’est le cas en l’espèce. Avant la survenance du sinistre, personne ne s’est penché sur ce rapport. Ce n’est qu’après les faits qu’il a été estimé inadéquat, sans avoir jamais servi à quelque fin que ce soit jusque-là.

[39]        En droit civil québécois, quatre théories principales ont été élaborées pour expliquer le lien de causalité[16].

[40]        En premier lieu, notons celle de la causalité immédiate, que le Dictionnaire de droit privé définit comme une « [t]héorie qui ne retient comme véritable cause du préjudice que celle qui le précède immédiatement »[17]. Ainsi, « parmi tous les événements qui ont participé à la réalisation du préjudice, le droit ne retient comme cause que celui qui précède immédiatement le préjudice, dans le temps et l’espace. »[18]

[41]        Tel que l’affirme Pierre Deschamps, cette théorie a pour effet de simplifier à outrance la recherche du lien de causalité : « Elle a pour effet d’éliminer d’emblée comme facteurs causals des comportements humains qui, en toute logique et en toute justice, peuvent avoir été déterminants dans la réalisation du préjudice subi par une personne »[19].

[42]        Vient ensuite la théorie de l’équivalence des conditions. Le Dictionnaire de droit privé affirme qu’il s’agit d’une « [t]héorie selon laquelle une valeur causale identique est attribuée à tous les faits sans lesquels le préjudice ne se serait pas produit »[20]. Ainsi, aucune sélection n’est exercée par rapport aux événements qui ont pu contribuer de près ou de loin à la réalisation du préjudice[21] et est considéré comme causal tout fait sans lequel le dommage n’aurait pas eu lieu, indépendamment du degré ou de l’intensité de sa participation à la réalisation du préjudice[22].

[43]        Cette théorie a l’inconvénient de multiplier le nombre d’agents susceptibles d’être associés à la faute et de tenir compte d’antécédents lointains sans opérer une sélection quantitative ou qualificative entre elles[23].

[44]        Une troisième théorie est celle de la causalité adéquate. Le Dictionnaire de droit privé énonce notamment à son sujet ce qui suit :

Théorie selon laquelle, parmi tous les faits ayant joué un rôle dans la réalisation du préjudice, on retient celui ou ceux susceptibles d’engager seuls le préjudice. « […] il y a causalité, “causalité adéquate”, lorsqu’une condition est de nature, dans le cours habituel des choses et selon l’expérience de vie, à produire l’effet qui s’est réalisé ».[24]

[Référence interne omise]

[45]        L’auteur Pierre Deschamps précise encore :

En vertu de cette théorie, une sélection est faite parmi l’ensemble des circonstances, des comportements ou des événements qui ont pu conduire à la réalisation d’un préjudice. Le but de l’exercice est alors de séparer la ou les causes véritables des simples circonstances ou occasions du préjudice. En principe, seuls les faits qui constituent des facteurs causals déterminants, qui peuvent être considérés comme la causa causans ou la cause efficiente du préjudice, seront considérés comme facteurs causals. Suivant cette théorie, sera considérée une cause adéquate le ou les événements qui, par leur simple existence, rendent objectivement possible la création du dommage ou encore le fait qui, dans le cours ordinaire des choses, accroît sensiblement la possibilité de réalisation du dommage.[25]

[46]        Selon les auteurs Jean Pineau et Monique Ouellette, cette théorie, malgré ses imprécisions qui peuvent la faire paraître arbitraire, est susceptible d’amener une solution satisfaisante :

Cette théorie n’a, donc, rien de précis; le choix ou la sélection des conditions peut paraître parfaitement arbitraire. Néanmoins on n’a encore trouvé rien de mieux, et, sur le plan pratique, les résultats ne sont pas si mauvais. En effet, lorsqu’entre la faute et le dommage il ne semble pas y avoir une “causalité adéquate” lorsque le dommage ne semble pas être une suite normalement attachée à la faute, c’est que probablement, entre cette faute et le dommage, s’est interposé un autre (ou plusieurs autres) fait (fautif ou fortuit) qui est (ou sont) plus directement rattaché au dommage et qui doit (ou doivent) être considéré comme la cause unique du dommage.[26]

[47]        Une quatrième et dernière catégorie, et d’ailleurs la seule qui s’applique véritablement ici, est celle de la prévision raisonnable des conséquences. Elle « retient une relation causale entre l’acte fautif et le dommage, lorsque le type de dommage causé était normalement prévisible pour l’agent » et « permet dans certains cas d’écarter des dommages inhabituels, inusités ou qui sont, par rapport à la faute, d’une gravité tout à fait exceptionnelle »[27].

[48]        Dans l’arrêt Roberge c. Bolduc également, la Cour suprême cite les propos de Baudouin voulant que la jurisprudence québécoise démontre un désir de sélectionner, parmi les tous les faits qui ont contribué à la réalisation du préjudice, seulement ceux qui ont un rapport logique et étroit avec le préjudice :

La seule constante véritable de toutes les décisions est la règle selon laquelle le dommage doit avoir été la conséquence logique, directe et immédiate de la faute. Maintes fois mise de l’avant par les tribunaux, cette règle révèle un désir de restreindre le champ de compétence de la causalité et de ne retenir comme cause que le ou les événements ayant un rapport logique et intellectuel étroit avec le préjudice.[28]

[Soulignements ajoutés]

[49]        Finalement, on ne saurait aborder la notion du lien de causalité sans rappeler la portée de la théorie du novus actus interveniens, « c’est-à-dire l’événement nouveau, indépendant de la volonté de l’auteur de la faute et qui rompt la relation directe entre celle-ci et le préjudice, même si, selon le système de la causalité adéquate, l’acte fautif pouvait à lui seul objectivement provoquer le dommage et l’agent en prévoir les conséquences »[29].

[50]        Toutefois, tel que maintes fois répété par cette Cour, pour conclure à une rupture du lien de causal, il faut à la fois (1) l’arrêt complet du lien entre la faute initiale et le dommage et (2) la relance d’un nouveau lien avec le préjudice en raison d’un acte sans rapport direct avec la faute initiale[30].

[51]        Personne, en cette instance, ne remet en question l’erreur du courtier. Ce qui est attaqué en appel, c’est plutôt l’analyse de la prévisibilité des dommages, en ce que, selon les appelants, l’erreur de l’évaluateur aurait été en quelque sorte sublimée dans celle du courtier, le juge de première instance ayant considéré que le montant de l’évaluation était immatériel dans les circonstances de l’espèce parce qu’il y avait eu rupture du lien de causalité entre la faute de l’évaluateur et celle, subséquente, du courtier :

[206]    Pour démontrer que le montant de l’évaluation est peu important dès lors qu’il est suffisamment élevé pour justifier une réaction du courtier, prenons pour acquis que l’évaluateur aurait fixé le plein montant de la valeur; le dommage serait le même, car le courtier n’aurait pas davantage réagi adéquatement. Peu importe le montant fixé par l’évaluateur, dès lors qu’il est suffisamment élevé pour provoquer une réaction du courtier, cela démontre que seul le courtier a commis l’erreur déterminante de la perte de l’assuré. Et le Tribunal ne croit pas le courtier lorsqu’il laisse sous-entendre que sa réaction aurait différente si le rapport avait établi un écart de 500 000$ à la valeur assurée et la valeur de reconstruction.

[…]

[209]    Le Tribunal conclut que le fait que le rapport de l’évaluateur soit fautif n’a aucun lien avec les nouvelles fautes du courtier. L’évaluateur, bien que fautif, n’a pas commis une faute causale avec le dommage subi par l’assuré.

[52]        Le juge de première instance, en concluant ainsi, n’a commis aucune erreur. Le fait demeure que l’évaluation n’a nullement servi au courtier dans les circonstances de l’espèce. Ce dernier avait reçu le mandat de procurer à l’assuré une couverture adéquate et n’a pas donné suite à ce mandat avant l’incendie. Il serait illogique de considérer que l’évaluateur a contribué aux dommages subis par l’assuré en pareilles circonstances. Son rapport est resté sur le coin d’un bureau et n’a engendré aucune conséquence, ni dans les faits, ni en droit.

[53]        Il serait donc illogique de considérer que les dommages prévisibles causés par l’erreur du courtier, ici, seraient limités par la sous-évaluation erronée de l’évaluateur dont le rapport n’a jamais servi à qui que ce soit. L’erreur possible de l’évaluateur ne faisait pas partie de la prévisibilité envisageable par l’assuré et le courtier au moment où le mandat a été confié. Ce qui était prévisible, c’est que le courtier saurait obtenir pour l’assuré une couverture adéquate, selon l’obligation pointue de moyen qui était sienne de par la loi. Il me semblerait injuste de nier au Bar, l’assuré, la pleine indemnisation de son préjudice à cause d’un aléa qui n’a aucun lien de causalité avec les actions du courtier ou le dommage subi. Et je ne vois pas en quoi l’évaluateur peut être considéré responsable d’une erreur qu’il aurait commise mais qui n’a généré aucun dommage. Il ne s’agit pas après tout de punir tout geste fautif par qui que ce soit, mais bien d’imputer la responsabilité à l’auteur véritable du dommage.

[54]        Par ailleurs, l’article 1613 C.c.Q. stipule que la prévisibilité des dommages s’évalue en fonction de la date du contrat (« au moment où l’obligation a été contractée ») soit, ici, la date où l’assuré a donné mandat au courtier d’augmenter sa couverture. Le juge de première instance a conclu, et il s’agit là d’une question de faits, que l’assuré voulait être pleinement couvert. La position du courtier revient à modifier la date de prévisibilité des dommages prévue au Code civil du Québec en la faisant passer de la date du contrat à celle de sa propre faute, soit la date où il a reçu le rapport de l’évaluateur qu’il a du reste complètement ignoré. 

[55]        La jurisprudence sous l’article 39 de la Loi sur la distribution des produits & services financiers nous enseigne que si le courtier avait respecté son obligation de traiter le rapport avec diligence, la responsabilité de l’évaluateur aurait alors été engagée, car le courtier ne pouvait être tenu responsable des erreurs de ce dernier. Le résultat suggéré par le courtier, soit un partage de responsabilité à la lumière des dommages qui étaient prévisibles, serait alors applicable. Cependant, ce n’est pas là la trame factuelle retenue par le juge de première instance et, à défaut d’une erreur manifeste entachant ses constatations de fait, la Cour serait mal venue d’intervenir. L’existence d’un lien de causalité est une conclusion de fait laissée à l’appréciation de la ou du juge de première instance[31].

[56]        À vrai dire, le juge de première instance n’a pas accepté la position du courtier que ses actions auraient été modulées par les erreurs dans le rapport[32]. Il s’exprime clairement à ce sujet au paragraphe [206] précité.

[57]        Avec égards pour l’avis contraire, je considère que la conclusion du juge est logique et juste : il impose au courtier la responsabilité d’indemniser son client pour les dommages qui étaient prévisibles lors de sa réception du mandat et qui sont la suite immédiate et directe de l’inexécution de ses obligations.

[58]        Pour ces motifs, je propose d’essentiellement rejeter l’appel et de n’intervenir qu’à la seule fin d’augmenter les dommages accordés de 26 832,62 $ en fonction de l’admission des parties concernant les frais de démolition, comme déjà noté au paragraphe [18] des présents motifs, le tout avec frais de justice contre la maison de courtage et le courtier appelants.

 

 

 

NICOLE DUVAL HESLER, J.C.Q.


 

 

MOTIFS DE LA JUGE SAVARD

 

 

[59]        J’ai eu l’avantage de prendre connaissance des motifs de ma collègue, la juge en chef Duval-Hesler. Avec égards, je ne peux me rallier à la thèse qu’elle propose.

[60]        Selon moi, le juge de première instance a erré en condamnant exclusivement les courtiers, Warren et La Maison Jean-Yves Lemay Assurances inc. (collectivement le Courtier), pour les dommages subis par l’assurée, Bar et Spectacles Jules et Jim inc. (assurée ou Bar Jules et Jim), en raison de la couverture inadéquate d’assurance. L’évaluateur Légaré (l’Évaluateur) devait seul assumer les dommages découlant des erreurs commises dans la préparation du rapport d’évaluation du coût de remplacement du bâtiment.

* * * * *

[61]        Le débat devant la Cour est circonscrit. En première instance, les parties ont admis le montant des dommages subis par l’assurée. En appel, elles ne remettent pas en question les conclusions du juge quant aux fautes commises par le Courtier et l’Évaluateur. La seule question qui demeure porte sur leur responsabilité respective envers l’assurée.

* * * * *

[62]        Pour trancher cette question, il importe préalablement de mettre en perspective les obligations d’un courtier et celles d’un évaluateur et revoir les fautes de chacun d’eux en l’occurrence.

[63]        Bien qu’émanant d’une province de common law, les principes énoncés dans l’arrêt Fletcher c. Société d’assurance publique du Manitoba[33] quant aux obligations d’un courtier s’appliquent en droit québécois[34] :

Il est tout à fait légitime, à mon sens, d’imposer aux agents et aux courtiers d’assurances privés une obligation stricte de fournir à leurs clients des renseignements et des conseils. Ils sont après tout des professionnels agréés qui se sont spécialisés dans l’évaluation des risques au profit des clients et dans la négociation de polices personnalisées. Ils offrent un service très personnalisé, axé sur les besoins de chaque client. La personne ordinaire a souvent de la difficulté à comprendre les différences subtiles entre les diverses protections offertes. Les agents et les courtiers ont reçu une formation qui les rend aptes à saisir ces différences et à fournir des conseils adaptés à la situation de chaque individu. Il est à la fois raisonnable et opportun de leur imposer l’obligation non seulement de fournir des renseignements mais encore de conseiller les clients.

[Je souligne.]

[64]        Ces principes se retrouvent dans la Loi sur la distribution de produits et services financiers[35] (la Loi), notamment aux articles 27 et 28. Lors du renouvellement d’une police d’assurance, comme c’était le cas en l’espèce, l’article 39 de la Loi impose plus précisément au courtier l’obligation suivante :

39. À l’occasion du renouvellement d’une police d’assurance, l’agent ou le courtier en assurance de dommages doit prendre les moyens requis pour que la garantie offerte réponde aux besoins du client.

39. Damage insurance agents and brokers must, when renewing an insurance policy, take the necessary steps to ensure that the coverage provided corresponds to the client’s needs.

[65]        L’étendue de cette obligation s’apprécie selon les circonstances et le degré de sophistication de l’assurée, étant entendu que, en tout temps, le courtier doit agir avec prudence et diligence.

[66]        Afin de s’assurer de la suffisance de la couverture d’assurance lors du renouvellement, le courtier pourrait devoir recommander à son client de procéder à l’évaluation de ses biens[36]. Il s’agit là d’une obligation de conseil, la décision revenant ultimement au client de décider de la tenue d’une telle évaluation[37], de même que de l’étendue et la nature de la protection à laquelle il désire adhérer[38].

[67]        Par ailleurs, vu la nature de son obligation, le courtier n’est pas tenu de visiter les lieux pour s’assurer de la suffisance de la protection décidée par le client[39]. L’évaluation des biens relève plutôt du champ d’exercice de l’évaluateur agréé, et non de celui du courtier d’assurance[40]. Dès lors, sous réserve du respect de son obligation de renseignement et de conseil, le courtier n’est pas responsable des dommages pouvant résulter d’une évaluation inadéquate de la valeur des biens assurés par le client[41]. Bien qu’aucune des parties n’ait porté à l’attention de la Cour une décision sur ce point, je suis d’avis que le même principe doit s’appliquer si, au lieu de déterminer lui-même la valeur des biens assurés, le client confie à un évaluateur la tâche de déterminer l’étendue de la couverture d’assurance. Le courtier n’est pas garant du travail de l’évaluateur, sous réserve, encore une fois, du respect de son obligation de renseignement et de conseil. Il ne s’agit pas, à cet égard, d’une obligation de résultat.

[68]        Le travail de l’évaluateur est, quant à lui, encadré par le Code des professions[42] et doit être effectué dans le respect des obligations énoncées au Code de déontologie de l’Ordre des évaluateurs agréés du Québec[43].

[69]        En l’occurrence, lors de l’audition de l’appel, les parties reconnaissent l’existence de deux relations contractuelles, l’une entre l’assurée et le Courtier en vue du renouvellement de la police d’assurance, et, l’autre entre l’assurée et l’Évaluateur pour l’évaluation de l’immeuble. Cet aspect du litige n’est pas remis en question devant la Cour, de sorte que je le prendrai pour acquis aux fins de mon analyse.

[70]        Le juge de première instance est d’avis que le Courtier a commis plusieurs fautes à l’occasion du renouvellement de la police de l’assurée Bar Jules et Jim : retard à entamer les démarches en vue du renouvellement de la police d’assurance; défaut de renseignement du client quant à sa couverture eu égard aux frais de démolition[44]; retard à mandater un évaluateur à la demande du client; défaut d’effectuer un suivi adéquat du processus d’évaluation et, finalement, omission de traiter avec diligence le rapport de l’évaluateur après sa réception. Aux yeux du juge, cette dernière faute constitue la plus importante. Voici comment il s’exprime à ce sujet :

[119] Ce dernier évènement à lui seul constitue, de l’avis du Tribunal, une faute professionnelle.

[…]

[121] La faute est d’autant plus grave qu’à chacune des étapes, si le courtier avait pris conscience de ses erreurs, il aurait fait davantage attention lors de son intervention suivante. En se rendant compte qu’il prenait contact tardivement avec l’assurée, il aurait dû être porté à accélérer ses actions. En se rendant compte que, par sa faute, l’évaluateur n’avait pas reçu mandat avant le 22 juin, il aurait dû l’appeler pour lui demander de hâter son rapport; chose certaine, il n’aurait pas dû omettre d’assurer un suivi le 6 juillet comme il s’y était engagé. S’il avait été conscient du fait que ce dossier devenait urgent par le passage du temps, il aurait posé des gestes entre le 6 et le 20 juillet. En recevant le rapport le 20 juillet, ce dossier aurait dû devenir prioritaire compte tenu de la négligence évidente avec laquelle il avait été traité. Au pire, ses vacances auraient pu attendre. Mais rien n’a alors été fait.

[Je souligne.]

[71]        Quant à l’Évaluateur, celui-ci admet ses fautes après que la preuve eut été administrée, lors des observations devant le juge de première instance. Ce dernier les résume en trois points : 1) avoir évalué la bâtisse comme s’il s’agissait d’un immeuble résidentiel, alors qu’une partie de celui-ci était utilisée à des fins commerciales; 2) avoir omis de mentionner ou de faire une réserve dans son rapport quant aux frais de démolition advenant la perte totale de l’immeuble; et, 3) avoir omis de faire des recherches quant aux obligations légales de l’assurée eu égard à la mise aux normes dans l’éventualité d’une reconstruction de l’immeuble. Ces fautes ont faussé à la baisse les calculs de l’évaluation et, par conséquent, la valeur de reconstruction recommandée à l’assurée. N’eût été ces erreurs, la valeur de reconstruction aurait été fixée à 714 845 $, au lieu de 565 000 $, et il y aurait eu mention des frais de démolition de 84 020 $, ces deux montants ayant fait l’objet d’une admission devant le juge. Ainsi, selon une évaluation non erronée, la couverture d’assurance suggérée aurait été de : 798 865 $ (714 845 $ + 84 020 $).

[72]        Il y a donc ici des fautes distinctes de la part du Courtier et de l’Évaluateur, toutes deux de nature contractuelle[45].

* * * * *

[73]        C’est à la lumière de ces obligations et fautes respectives que la responsabilité de chacun doit être déterminée.

[74]        Comme je l’ai déjà écrit, le montant des dommages subis par l’assurée est admis. Il correspond à la différence entre le montant de la couverture existante (424 000 $) et celui de la couverture qui aurait dû être stipulée à la police, n’eût été les fautes du Courtier et de l’Évaluateur (798 865 $) et totalise 374 865 $. Je rappelle que la valeur de reconstruction recommandée à l’assurée par l’Évaluateur était de 565 000 $.

[75]        Le juge de première instance énonce correctement le test devant être appliqué pour déterminer le lien de causalité entre une faute et un dommage :

[145] Pour déterminer s’il y a [un] lien entre [une] faute et [un] dommage en matière de responsabilité professionnelle, la Cour suprême, dans l’arrêt Parrot c. Thomson67 enseigne un test tout simple :

          « Il faut, pour le déterminer, envisager la situation abstraction faite de l’erreur, comme si l’erreur n’avait pas eu lieu. »

_____________________

67    Caisse populaire Desjardins de la Haute-Beauce c. Richard Grondin 2006 QCCS 2991 (CANLII), par. 33.

[76]        Le juge estime que la faute du Courtier, subséquente à celle de l’Évaluateur, a eu pour effet de rompre le lien de causalité, de sorte que la responsabilité de ce dernier ne peut être engagée. Selon lui, même si le rapport d’évaluation avait été exempt d’erreurs, le résultat aurait été le même vu le défaut du Courtier de le transmettre en temps à l’assureur en vue d’obtenir un ajustement de la couverture d’assurance. Il estime donc que le Courtier est le seul responsable des dommages subis par l’assurée.

[77]        Avec égards, cette façon d’aborder le problème est erronée. Le juge se trompe en voyant une rupture du lien de causalité entre la faute de l’Évaluateur et les dommages subis en raison du défaut du Courtier de transmettre le rapport en temps opportun. Selon moi, il n’y a pas ici survenance d’un « novus actus interveniens  » qui pourrait justifier une telle conclusion.

[78]        Le Courtier et l’Évaluateur ont commis des fautes distinctes, qui ne sont cependant pas simultanées. Chacune d’elles participe aux dommages de l’assurée et peut être reliée à un dommage individuel précis[46]. Aucune d’elles ne peut, à elle seule, provoquer l’entièreté des dommages subis par Bar Jules et Jim. Le juge de première instance le reconnaît d’ailleurs lorsqu’il écrit :

[137] Compte tenu de cette prudence, le courtier prudent aurait au minimum ajouté une valeur de 57 187,60 $62 [frais de démolition] à la valeur de reconstruction. Il aurait ainsi porté la valeur à assurer à une somme de 772 032,74 $63 si l’évaluateur n’avait pas commis d’erreur. Il aurait suggéré une valeur de 610 200 $64 en tenant compte de l’erreur de l’évaluateur.

[…]

[221] N’eût été la faute du courtier et même celle de l’évaluateur, l’assureur aurait couvert pour une somme de 772 032,74 $. […]

_____________________

62      8% x 714 845,14 = 57 187,60 $

63       714 845,14 $ + 57 187,60 $ = 772 032,74 $

64      8% x 565 000 $ = 45 200 $ + 565 000 $ = 610 200 $

[Je souligne.]

[79]        Je note en passant que ce montant de 772 032,74 $ est erroné vu l’admission des parties quant aux frais de démolition qui s’élèvent à 84 020 $. Le juge aurait plutôt dû écrire : 798 865 $.

[80]        Selon l’article 1613 C.c.Q., la responsabilité du Courtier ne peut aller au-delà de ses obligations et des gestes fautifs :

1613. En matière contractuelle, le débiteur n'est tenu que des dommages-intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir au moment où l'obligation a été contractée, lorsque ce n'est point par sa faute intentionnelle ou par sa faute lourde qu'elle n'est point exécutée; même alors, les dommages-intérêts ne comprennent que ce qui est une suite immédiate et directe de l'inexécution.

[Je souligne.]

1613. In contractual matters, the debtor is liable only for damages that were foreseen or foreseeable at the time the obligation was contracted, where the failure to perform the obligation does not proceed from intentional or gross fault on his part; even then, the damages include only what is an immediate and direct consequence of the nonperformance.

[81]        La faute principale du Courtier retenue par le juge aux fins de l’analyse du pourvoi consiste en son défaut d’avoir transmis à l’assureur de façon diligente le rapport d’évaluation. Cette faute est circonscrite et ne doit pas être confondue avec les autres obligations de renseignement et de conseil que le Courtier a ici correctement exécutées. En effet, je rappelle que, conformément à ses obligations en vertu de l’article 39 de la Loi, le Courtier a recommandé à l’assurée d’avoir recours à un évaluateur agréé après avoir constaté l’insuffisance de la couverture d’assurance. Aucun reproche ne lui est fait quant au choix de l’évaluateur proposé à l’assurée, de sorte que le juge ne conclut pas à l’existence d’une faute à ce niveau. Il est également acquis que, à la seule lecture du rapport soumis par l’Évaluateur, le Courtier ne pouvait y déceler les erreurs qu’il comportait, outre la question des frais de démolition sur laquelle je reviendrai. Ce dernier n’a pas agi à titre d’évaluateur, pas plus qu’il n’a laissé croire qu’il avait les compétences pour procéder à l’évaluation de l’immeuble.

[82]        Ainsi, l’obligation principale à laquelle le Courtier fait défaut est celle de transmettre diligemment à l’assureur le rapport de l’Évaluateur, tel que reçu, en vue de faire augmenter la couverture d’assurance selon la valeur inscrite au rapport. Un courtier prudent et diligent aurait demandé et obtenu cette couverture et aurait de ce fait respecté ses obligations envers l’assurée. C’est d’ailleurs la conclusion à laquelle le juge de première instance en arrive, alors qu’il écrit :

[165] Il ne fait aucun doute dans l’esprit du Tribunal que, si le courtier avait lui-même procédé aux modifications [après avoir reçu le rapport], il aurait demandé de hausser la valeur de la couverture à 565 000 $, sans demander une autre autorisation à l’assurée compte tenu des circonstances. Madame Blasco [l’assurée] avait raison d’affirmer que, en recevant le rapport, l’affaire suivrait son cours et le courtier devait immédiatement procéder suivant la valeur apparaissant au rapport.

[Je souligne et mes ajouts.]

[83]        Dès lors, le préjudice résultant de la faute du Courtier consiste en la différence entre la couverture existante (424 000 $) et celle qu’elle aurait été s’il n’avait pas commis le geste fautif (565 000 $), représentant 141 000 $.

[84]        Quant aux frais de démolition, je rappelle que l’Évaluateur omet de tenir compte de ces frais dans son évaluation, mais que, selon le juge de première instance, le Courtier aurait dû constater cette omission. Il y a là une violation de son obligation de conseil. Le juge estime qu’un courtier prudent et diligent aurait alors augmenté la valeur de reconstruction recommandée par l’évaluateur de 8 % afin de tenir compte de ces frais pour obtenir la protection demandée (8 % x 565 000 $ = 45 200 $). Le Courtier ne conteste pas sa responsabilité à cet égard devant la Cour, ayant d’ailleurs déjà payé cette somme à l’assurée (de même que les 141 000 $ mentionnés au paragraphe [83]). Dans ce contexte, il n’est pas nécessaire que je me prononce sur la question du partage de responsabilité et de la solidarité possible eu égard aux dommages relatifs aux frais de démolition, lesquels résultent des fautes du Courtier et de l’Évaluateur.

[85]        De son côté, la faute de l’Évaluateur participe, de façon distincte, aux dommages de l’assurée. Celui-ci fait défaut d’évaluer l’immeuble selon les règles de l’art. Il est seul imputable de cette évaluation et des erreurs qu’elle contient (sous réserve des frais de démolition), le Courtier n’étant pas responsable du montant de couverture que l’assurée, via l’évaluateur dont il retient les services, demande. N’eût été la faute de l’Évaluateur, le courtier prudent et diligent aurait demandé et obtenu une couverture d’assurance au montant de 798 865 $ (incluant les frais de démolition, selon l’admission des parties). Il s’agit là d’une autre conclusion de fait du juge de première instance qui n’est pas contestée devant la Cour[47].

[86]        L’Évaluateur est dès lors responsable des dommages découlant de sa propre faute. Ceux-ci consistent en la différence entre le montant de l’évaluation n’eût été sa faute (798 865 $) et celui de l’évaluation erronée (565 000 $), soit 233 865 $. Ce dernier montant doit par ailleurs être réduit afin de tenir compte des frais de démolition déjà payés par le Courtier (45 200 $), laissant ainsi un solde de 188 665 $[48].

[87]        Le fait que le Courtier n’a jamais transmis le rapport erroné ou demandé une augmentation de la couverture d’assurance sur la base de ce rapport n’a pas pour effet d’absoudre l’Évaluateur pour sa faute. On ne peut y voir là une « véritable rupture du lien causal, justifiant de décharger le premier auteur de la faute et de ne retenir que la responsabilité du second »[49]. Dans Lacombe et al. c. André et al.[50], le juge Baudouin précise la condition essentielle pour conclure à une telle rupture :

[59] […] Il faut, dans un premier temps, constater l’existence d’arrêt complet du lien entre la faute initiale et le préjudice, et, dans un second temps, la relance ou le redémarrage de celui-ci en raison de la survenance d’un acte sans rapport direct avec la faute initiale. Il ne peut en effet, en toute logique, y avoir de rupture lorsqu’il y a continuité dans le temps et donc rattachement causal des fautes l’une à l’autre.

[88]        En l’occurrence, cette condition essentielle n’est pas respectée. La faute de l’Évaluateur, commise avant celle du Courtier, vient ici aggraver les dommages subis par l’assurée. Le Courtier n’aurait pas été fautif que l’assurée aurait néanmoins subi des dommages en raison de la faute de l’Évaluateur, lesquels auraient cependant été moindres que ceux en l’espèce (soit la différence entre le montant de l’évaluation erronée (bonifié des frais de démolition) qui aurait été transmise à l’assureur par un courtier diligent et celui d’une évaluation exempte d’erreurs). Dans un tel scénario, le Courtier n’aurait pas été responsable des dommages alors subis par l’assurée puisqu’il n’est pas imputable du montant de couverture choisie par cette dernière ou par son évaluateur. Seul l’Évaluateur aurait été responsable à l’égard de son client. Les faits de l’espèce sont cependant différents puisque tant le Courtier que l’Évaluateur ont été fautifs. Dans un tel cas, ils contribuent tous deux aux dommages de l’assurée, distinctement et à la hauteur de leurs obligations respectives.

[89]        Imputer au Courtier la responsabilité de l’ensemble des dommages subis par l’assurée aurait pour effet de lui faire assumer ceux découlant de la faute exclusive de l’Évaluateur. Avec égards, une telle conclusion est contraire aux principes de la responsabilité civile.

[90]        Une telle conclusion fait également abstraction du rôle et des obligations respectives de l’Évaluateur et du Courtier, notamment, dans ce dernier cas, à la lumière de l’article 39 de la Loi. Comme je l’ai maintes fois répété, celui-ci n’est pas garant de la valeur des biens déterminée par le client ou l’évaluateur dont il a retenu les services.

* * * * *

[91]        Pour ces motifs, je propose d’accueillir l’appel du Courtier, sans frais de justice à l’égard de Bar Jules et Jim vu sa renonciation à ceux-ci advenant qu’il ait gain de cause. Je propose également d’accueillir en partie l’appel de Bar Jules et Jim, avec frais de justice à l’encontre de Gérard Légaré uniquement vu le sort de l’appel. Au final, vu l’admission de responsabilité du Courtier pour un montant de 186 200 $, je conclus à la responsabilité de l’Évaluateur à l’égard de Bar Jules et Jim à hauteur de 188 665 $. Celle-ci est ainsi pleinement indemnisée pour les dommages subis à la suite des fautes du Courtier et de l’Évaluateur. Les conclusions relatives aux frais des experts ne sont pas modifiées puisqu’elles ne sont pas contestées en appel.

 

 

 

 

MANON SAVARD, J.C.A.


 

 

MOTIFS DU JUGE ÉMOND

 

 

[92]        Je suis d’accord avec l’analyse effectuée par la juge Savard aux paragraphes [75] à [91] de ses motifs.

[93]        Je me permets néanmoins un bref commentaire.

[94]        Dans son jugement, le juge de première instance affirme à plusieurs reprises que les courtiers La Maison Jean-Yves Lemay Assurances inc. et Warren ont commis plusieurs fautes d’inexécution. Il conclut que n’eût été ces fautes, sa cliente Bar et Spectacles Jules et Jim inc. n’aurait pas connu la perte réclamée :

[213]   Chose certaine, après avoir analysé la preuve, le Tribunal est en mesure d’affirmer, selon la balance des probabilités que, n’eût été des fautes du courtier, l’assuré n’aurait pas connu la perte réclamée.

[95]        Cette conclusion est manifestement erronée en ce qu’elle est contraire à la preuve.

[96]        Si l’on fait abstraction de la faute d’omission relative aux frais de démolition, la séquence des évènements retenue par le juge implique irrémédiablement qu’une seule des fautes commises par les courtiers Lemay et Warren a causé un préjudice à sa cliente Bar et Spectacles Jules et Jim inc. : celle d’avoir tardé à remettre le rapport d’évaluation à l’assureur.

[97]        Si le juge avait fait cette distinction, il lui aurait été nécessaire de reconnaître que n’eût été cette faute précise, Bar et Spectacles Jules et Jim inc. aurait malgré tout subi une perte de 141 000 $, ce montant représentant la différence entre la valeur de l’immeuble apparaissant au rapport et celle de remplacement qui aurait dû y apparaître.

[98]        En somme, les deux prestataires de services concernés ont fait défaut d’honorer leurs engagements contractuels. De ce fait, ils sont l’un et l’autre tenus, à l’égard de la cliente Bar et Spectacles Jules et Jim inc., de réparer le préjudice découlant de leurs fautes d’inexécution dans le cadre de leur contrat respectif.

[99]        Pour ces motifs, je fais mienne la conclusion figurant au paragraphe [91] des motifs de la juge Savard.

 

 

 

JEAN-FRANÇOIS ÉMOND, J.C.A.

 



[1]     Bar et spectacles Jules et Jim inc. c. Maison Jean-Yves Lemay Assurances inc., 2014 QCCS 5443.

[2]     Les appelants seront collectivement ci-après appelés « le courtier » et l’intimé Légaré, l’évaluateur.

[3]     Voir le paragr. 131 du jugement a quo. Il faut noter toutefois qu’en l’espèce, un avenant excluait les coûts de mise aux normes.

[4]     Cette précision suffit, l’historique procédural étant ici sans conséquence.

[5]     Voir le paragraphe 137 du jugement a quo.

[6]     Voir le paragraphe 168 du jugement a quo.

[7]     Fletcher c. Société d’assurance publique du Manitoba, [1990] 3 R.C.S. 191, 217.

[8]     Roberge c. Bolduc, [1991] 1 R.C.S. 374, 396.

[9]     RLRQ c. D-9.2.

[10]     Didier Luelles et Benoît Moore, Droit des obligations, 2e éd., Montréal, Thémis, 2012, no 2603, p. 1547.

[11]     Fonds d’assurance responsabilité professionnelle du Barreau du Québec c. Gariépy, 2005 QCCA 60, paragr. 14, 18.

[12]     Prévost-Masson c. Trust Général du Canada, [2001] 3 R.C.S. 882, 2001 CSC 87, paragr. 33 et 34; Chartré c. Exploitation agricole et forestière des Laurentides inc., J.E. 2002-1155 (C.A.), paragr. 54.

[13]    Mainville c. Laval (Ville de), 2006 QCCS 880, paragr. 45; France Allard et al., Dictionnaire de droit privé et lexiques bilingues : les obligations, Cowansville, Yvon Blais, 2003, p. 152.

[14]    Ediger c. Johnston, [2013] 2 R.C.S. 98, 2013 CSC 18, paragr. 28; Clements c. Clements, [2012] 2 R.C.S.181, 2012 CSC 32, paragr. 8, 46; Resurfice Corp. c. Hanke, [2007] 1 R.C.S. 333, 2007 CSC 7, paragr. 21; Athey c. Leonati, [1996] 3 R.C.S. 458, paragr. 14; Snell c. Farrell, [1990] 2 R.C.S. 311, p. 320.

[15]    Lara Khoury, « Lien de causalité », dans JurisClasseur Québec, coll. « Droit civil », Obligations et responsabilité civile, vol. 2, fasc. 21, no 15.

[16]    Jean-Louis Baudouin, Patrice Deslauriers et Benoît Moore, La responsabilité civile, 8e éd., Cowansville, Yvon Blais, 2014, no 1-669, p. 713.

[17]    France Allard et al., Dictionnaire de droit privé et lexiques bilingues : les obligations, Cowansville, Yvon Blais, 2003, p. 38.

[18]    Ibid.

[19]    Pierre Deschamps, « Les conditions générales de la responsabilité civile du fait personnel », dans Collection de droit 2015-2016, École du Barreau, Responsabilité, vol. 4, p. 37.

[20]    France Allard et al., Dictionnaire de droit privé et lexiques bilingues : les obligations, Cowansville, Yvon Blais, 2003, p. 141.

[21]    Pierre Deschamps, « Les conditions générales de la responsabilité civile du fait personnel », dans Collection de droit 2015-2016, École du Barreau, Responsabilité, vol. 4, p. 37.

[22]    Jean-Louis Baudouin, Patrice Deslauriers et Benoît Moore, La responsabilité civile, 8e éd., Cowansville, Yvon Blais, 2014, no 1-670, p. 714.

[23]    Jean-Louis Baudouin, Patrice Deslauriers et Benoît Moore, La responsabilité civile, 8e éd., Cowansville, Yvon Blais, 2014, no 1-671, p. 714; Pierre Deschamps, « Les conditions générales de la responsabilité civile du fait personnel », dans Collection de droit 2015-2016, École du Barreau, Responsabilité, vol. 4, p. 37.

[24]    France Allard et al., Dictionnaire de droit privé et lexiques bilingues : les obligations, Cowansville, Yvon Blais, 2003, p. 38.

[25]    Pierre Deschamps, « Les conditions générales de la responsabilité civile du fait personnel », dans Collection de droit 2015-2016, École du Barreau, Responsabilité, vol. 4, p. 37.

[26]    Jean Pineau et Monique Ouellette, Théorie de la responsabilité civile, 2e éd., Montréal, Thémis, 1980, p. 178.

[27]    Jean-Louis Baudouin, Patrice Deslauriers et Benoît Moore, La responsabilité civile, 8e éd., Cowansville, Yvon Blais, 2014, no 1-676, p. 716, 717.

[28]    Roberge c. Bolduc, [1991] 1 R.C.S. 374, p. 442, citant : Jean-Louis Baudouin, La responsabilité civile délictuelle, 3e éd., Cowansville, Yvon Blais, 1990, no 353, p. 192 et 193.

[29]    Jean-Louis Baudouin, Patrice Deslauriers et Benoît Moore, La responsabilité civile, 8e éd., Cowansville, Yvon Blais, 2014, no 1-691, p. 727.

[30]    Lacombe c. André, [2003] R.J.Q. 720 (C.A.), paragr. 59; Pullan c. Gulfstream Financial Ltd., 2013 QCCA 1888, paragr. 51; Laval (Ville de) (Service de protection des citoyens, département de police et centre d'appels d'urgence 911) c. Ducharme, 2012 QCCA 2122, paragr. 64; Gargantiel c. Québec (Procureure générale), 2015 QCCA 224, paragr. 24; SNC-Lavalin inc. c. Société québécoise des infrastructures (Société immobilière du Québec), 2015 QCCA 1153, paragr. 62; Fortin c. Mazda Canada inc., 2016 QCCA 31, paragr. 158.

[31]    Jean-Louis Baudouin, Patrice Deslauriers et Benoît Moore, La responsabilité civile, 8e éd., vol. 1, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2014, no 1-665, p.710; Ediger c. Johnston, [2013] 2 R.C.S. 98, 2013 CSC 18, paragr. 29; Clements c. Clements, [2012] 2 R.C.S. 181, 2012 CSC 32, paragr. 8; St-Jean c. Mercier, [2002] 1 R.C.S. 491, 2002 CSC 15, paragr. 104; 2855-0523 Québec inc. c. Ivanhoé Cambridge inc., 2014 QCCA 124, paragr. 32.

[32]    Jugement dont appel, paragr. 206.

[33]     Fletcher c. Société d’assurance publique du Manitoba, [1990] 3 R.C.S. 191, p. 217.

[34]     2164-6930 Québec inc. c. Agence J.L.Paillé Cie Ltée, [1996] R.R.A. 549 (C.A.), p. 552; Breton c. Bergeron, J.E. 2000-1221 (C.A.), 2000 CanLII 8238 (QCCA), paragr. 16 et 17; Fermes Forcier & Fils, s.e.n.c. c. Promutuel Lac St-Pierre - Les Forges, société mutuelle d’assurances générales, 2006 QCCS 5231, paragr. 24; 125057 Canada inc. (Tricots LG ltée) c. Rondeau, 2011 QCCS 94, paragr. 45; Sébastien Lanctôt, Les représentants en assurances : pouvoirs de représentation et obligations, Markham, LexisNexis, 2007, p. 118 et 119; Jean-Louis Baudouin, Patrice Deslauriers et Benoît Moore, La responsabilité civile, 8e éd., vol. 2, Cowansville, Yvon Blais, no 2-499, p. 532; Céline Gervais, « La responsabilité professionnelle du courtier d’assurances », (2011) 337 Développements récents en droit des assurances 41, p. 48; Jean-Guy Bergeron, Les contrats d’assurance (terrestre), t. 1, Sherbrooke, SEM, 1989, p. 501 et 502.

[35]     Loi sur la distribution de produits et services financiers, RLRQ, c. D-9.2.

[36]     Renaud c. Promutuel Dorchester, société mutuelle d’assurances générales, 2006 QCCS 2167, paragr. 96, conf. par Renaud c. Promutuel Dorchester, société mutuelle d’assurances générales, 2008 QCCA 525; Sébastien Lanctôt, supra, note 2, p. 187.

[37]     2164-6930 Québec inc. c. Agence J.L.Paillé Cie Ltée, [1996] R.R.A. 549 (C.A.), p. 553. Voir aussi : Croteau c. Promutuel Bois-Francs, [2005] R.R.A. 1099 (C.S.), 2005 CanLII 23659 (QC CS), paragr. 67, conf. par Croteau c. Promutuel Bois-Francs, 2007 QCCA 713;

[38]     Centre de prévention suicide de la Haute-Yamaska c. Lambert, Jutras Assurances inc., 2006 QCCS 838, paragr. 45, conf. par Lambert, Jutras Assurances inc. c. Centre de prévention suicide de la Haute-Yamaska, 2008 QCCA 760; 9169-2327 Quebec inc. c. Compagnie d’assurances ING du Canada, 2009 QCCS 3922, paragr. 101; Céline Gervais, supra, note 2, p. 51.

[39]     Renaud c. Promutuel Dorchester, société mutuelle d’assurances générales, 2006 QCCS 2167, paragr. 87-89, conf. par Renaud c. Promutuel Dorchester, société mutuelle d’assurances générales, 2008 QCCA 525.

[40]     Ibid., paragr. 89-91. Voir aussi : Pelletier c. Promutuel de l’Est, société mutuelle d’assurance, SOQUIJ AZ-50305432 (C.A.), 2005 CanLII 9488 (QC CS), paragr. 36, conf. par Pelletier c. Promutuel de l'Est, société mutuelle d'assurance générale, 2006 QCCA 1359; Sébastien Lanctôt, supra, note 2, p. 186 et 187; Céline Gervais, supra, note 2, p. 50 et 52.

[41]     Renaud c. Promutuel Dorchester, société mutuelle d’assurances générales, supra, note 7.

[42]    Code des professions, RLRQ, c. C-26.

[43]    Code de déontologie de l’Ordre des évaluateurs agréés du Québec, RLRQ, c. C-126, r. 123.

[44]    Le juge estime que le Courtier a également fait défaut de respecter son obligation de renseignement à l’égard des frais de mise aux normes que l’Évaluateur avait omis de considérer dans son rapport en omettant de répondre adéquatement aux questions de l’assurée à l’égard de cet avenant. Par contre, selon le juge, cette faute est sans conséquence sur les dommages subis par l’assurée (paragr. 221). Cette conclusion n’étant pas remise en question devant la Cour, il n’est pas nécessaire de s’attarder sur les conséquences des fautes du Courtier et de l’Évaluateur sur les frais de mise aux normes.

[45]    Voir paragraphe [69] des présents motifs.

[46]    Jean-Louis BAUDOUIN, Patrice DESLAURIERS et Benoît MOORE, La responsabilité civile, 8e éd., vol. 1, Cowansville, Yvon Blais, 2014, no1-722, p. 746.

[47]    Dans son mémoire, l’Évaluateur contestait la conclusion de fait du juge de première instance voulant que l’assureur aurait accepté d’assurer l’immeuble pour ce montant. Il a cependant renoncé à ce moyen lors de l’audience de l’appel.

[48]    Je note qu’aucune des parties ne plaide la question de la solidarité à l’égard de ce montant. Je ne me prononcerai donc pas sur cette question, bien que, à première vue, l’approche adoptée par les parties me semble ici conforme aux règles de droit applicables.

[49]    Lacombe et al. c. André et al., J.E. 2003-524 (C.A.), 2003 CanLII 47946 (QC CA), paragr. 59.

[50]    Ibid.

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