Décision

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 COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

2016-05-06(C)

 

DATE :

4 décembre 2017

 

 

LE COMITÉ :

Me Daniel M. Fabien

Vice-président

M. Mathieu Gagnon, C. d’A.Ass., FPAA,

CRM, courtier en assurance de dommages

Membre

 

 

 

 

Me MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

 

Partie plaignante

c.

 

PIERRE LÉVESQUE, courtier en assurance de dommages (4A)

 

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR SANCTION

 

 

 

[1]          Le 28 juillet 2017, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages rendait une décision sur culpabilité dans le présent dossier[1], dans laquelle il trouvait l’intimé coupable sur chacun des 12 chefs de la plainte.

[2]          Il est utile ici de reproduire les chefs sur lesquels l’intimé a été déclaré coupable : 

 

 

 « Dans le cas de l’assuré A.H. :

1.        Durant le terme du contrat d’assurance des entreprises émis aux noms des assurés 9xxx Québec inc. et autres, du 22 février 2007 au 22 février 2008 par Aviva, Compagnie d’assurance du Canada sous le numéro [...], s’est placé à compter du mois de mai 2007 directement ou indirectement dans une situation où il serait en conflit d’intérêts et/ou en non-respect de son obligation d’indépendance professionnelle en agissant à la fois comme représentant en assurance de dommages pour les assurés via le cabinet Gravel et Lévesque Inc. et comme créancier prêteur envers 9xxx Québec inc. et A.H. via sa compagnie 2630-0335 Québec inc., le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment l’article 10 dudit code;

2.        Durant le terme du contrat d’assurance des entreprises émis aux noms des assurés 9xxx Québec inc. et autres, du 22 février 2008 au 22 février 2009 par Aviva, Compagnie d’assurance du Canada sous le numéro [...], s’est placé directement ou indirectement dans une situation où il serait en conflit d’intérêts et/ou en non-respect de son obligation d’indépendance professionnelle en agissant à la fois comme représentant en assurance de dommages pour les assurés via le cabinet Gravel et Lévesque Inc. et comme créancier prêteur envers 9xxx Québec inc. et A.H. via sa compagnie 2630-0335 Québec inc.., le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment l’article 10 dudit code;

3.        Durant le terme du contrat d’assurance des entreprises émis aux noms des assurés 9xxx Québec inc. et autres, du 22 février 2009 au 22 février 2010 par Aviva, Compagnie d’assurance du Canada sous le numéro [...], s’est placé directement ou indirectement dans une situation où il serait en conflit d’intérêts et/ou en non-respect de son obligation d’indépendance professionnelle en agissant à la fois comme représentant en assurance de dommages pour les assurés via le cabinet Gravel et Lévesque Inc. et comme créancier prêteur envers 9xxx Québec inc. et A.H. via sa compagnie 2630-0335 Québec inc.., le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment l’article 10 dudit code;

4.        Durant le terme du contrat d’assurance des entreprises émis aux noms des assurés 9xxx Québec inc. et autres, du 22 février 2010 au 22 février 2011 par Aviva, Compagnie d’assurance du Canada sous le numéro [...], s’est placé directement ou indirectement dans une situation où il serait en conflit d’intérêts et/ou en non-respect de son obligation d’indépendance professionnelle en agissant à la fois comme représentant en assurance de dommages pour les assurés via le cabinet Gravel et Lévesque Inc. et comme créancier prêteur envers 9xxx Québec inc. et A.H. via sa compagnie 2630-0335 Québec inc.., le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment l’article 10 dudit code;

 

Dans le cas de l’assuré 9xxx Québec inc. et M.T. :

5.        Durant le terme du contrat d’assurance des entreprises émis au nom de l’assuré 9xxx Québec inc., du 6 décembre 2008 au 6 décembre 2009, par La compagnie d’assurances Jevco sous le numéro [...], s’est placé à compter du mois de février 2009 directement ou indirectement dans une situation où il serait en conflit d’intérêts et/ou en non-respect de son obligation d’indépendance professionnelle en agissant à la fois comme représentant en assurance de dommages pour l’assuré via le cabinet Gravel et Lévesque Inc. et comme créancier prêteur envers l’assuré, le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment l’article 10 dudit code;

6.        Durant le terme du contrat d’assurance des entreprises émis au nom de l’assuré 9xxx Québec inc., du 19 octobre 2009 au 19 octobre 2010, par Lloyd’s of London sous le numéro [...], s’est placé directement ou indirectement dans une situation où il serait en conflit d’intérêts et/ou en non-respect de son obligation d’indépendance professionnelle en agissant à la fois comme représentant en assurance de dommages pour l’assuré via le cabinet Gravel et Lévesque Inc. et comme créancier prêteur envers l’assuré, le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment l’article 10 dudit code;

7.        Durant le terme du contrat d’assurance automobile émis au nom de l’assuré 9xxx Québec inc., du 22 janvier 2008 au 22 janvier 2009, par AXA Assurances inc. sous le numéro [...], s’est placé directement ou indirectement dans une situation où il serait en conflit d’intérêts et/ou en non-respect de son obligation d’indépendance professionnelle en agissant à la fois comme représentant en assurance de dommages pour l’assuré via le cabinet Gravel et Lévesque Inc. et comme créancier prêteur envers l’assuré, le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment l’article 10 dudit code;

8.        Durant le terme du contrat d’assurance automobile émis au nom de l’assuré 9xxx Québec inc., du 22 janvier 2009 au 22 janvier 2010, par AXA Assurances inc. sous le numéro [...], s’est placé directement ou indirectement dans une situation où il serait en conflit d’intérêts et/ou en non-respect de son obligation d’indépendance professionnelle en agissant à la fois comme représentant en assurance de dommages pour l’assuré via le cabinet Gravel et Lévesque Inc. et comme créancier prêteur envers l’assuré, le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment l’article 10 dudit code;

9.        Durant le terme du contrat d’assurance automobile émis au nom de l’assuré 9xxx Québec inc., du 22 janvier 2010 au 22 janvier 2011, par AXA Assurances inc. sous le numéro [...], s’est placé directement ou indirectement dans une situation où il serait en conflit d’intérêts et/ou en non-respect de son obligation d’indépendance professionnelle en agissant à la fois comme représentant en assurance de dommages pour l’assuré via le cabinet Gravel et Lévesque Inc. et comme créancier prêteur envers l’assuré, le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment l’article 10 dudit code;

 

Dans le cas des assurés T S-T et C.C. :

10.      Durant le terme du contrat d’assurance automobile émis au nom de l’assuré T. S-T. et C.C., du 11 octobre 2006 au 11 octobre 2007, par Aviva, Compagnie d’assurance du Canada sous le numéro [...] et d’une assurance des entreprises émise notamment au nom de T. S-T. pour ce même terme aussi émise par Aviva, Compagnie d’assurance du Canada sous le numéro [...], s’est placé à compter du mois d’avril 2007 directement ou indirectement dans une situation où il serait en conflit d’intérêts et/ou en non-respect de son obligation d’indépendance professionnelle en agissant à la fois comme représentant en assurance de dommages pour les assurés via le cabinet Gravel et Lévesque Inc. et comme créancier prêteur envers ces mêmes assurés, le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment l’article 10 dudit code;

11.      Durant le terme du contrat d’assurance automobile émis au nom de l’assuré T. S-T. et C.C., du 11 octobre 2007 au 11 octobre 2008, par Aviva, Compagnie d’assurance du Canada sous le numéro [...] et d’une assurance des entreprises émise notamment au nom de T. S-T. pour ce même terme aussi émise par Aviva, Compagnie d’assurance du Canada sous le numéro [...], s’est placé directement ou indirectement dans une situation où il serait en conflit d’intérêts et/ou en non-respect de son obligation d’indépendance professionnelle en agissant à la fois comme représentant en assurance de dommages pour les assurés via le cabinet Gravel et Lévesque Inc. et comme créancier prêteur envers ces mêmes assurés, le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment l’article 10 dudit code;

12.      Durant le terme du contrat d’assurance automobile émis au nom de l’assuré T. S-T. et C.C., du 11 octobre 2008 au 11 octobre 2009, par Aviva, Compagnie d’assurance du Canada sous le numéro [...] et d’une assurance des entreprises émise notamment au nom de T. S-T. pour ce même terme aussi émise par Aviva, Compagnie d’assurance du Canada sous le numéro [...], s’est placé directement ou indirectement dans une situation où il serait en conflit d’intérêts et/ou en non-respect de son obligation d’indépendance professionnelle en agissant à la fois comme représentant en assurance de dommages pour les assurés via le cabinet Gravel et Lévesque Inc. et comme créancier prêteur envers ces mêmes assurés, le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment l’article 10 dudit code; »

[3]          Dans sa décision sur culpabilité, le Comité est venu à la conclusion que l’intimé avait failli à son devoir de sauvegarder son indépendance professionnelle. Il fut donc déclaré coupable d’avoir enfreint l’article 10 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages[2], qui se lit comme suit :

« Art. 10.  Le représentant en assurance de dommages doit éviter de se placer, directement ou indirectement dans une situation où il serait en conflit d’intérêts.

 

Sans restreindre la généralité de ce qui précède, le représentant est en conflit d’intérêts:

 

1° lorsque les intérêts en présence sont tels qu’il peut être porté à privilégier certains d’entre eux à ceux de son client ou que son jugement et sa loyauté envers celui-ci peuvent en être défavorablement affectés;

 

2° lorsqu’il obtient un avantage personnel, direct ou indirect, actuel ou éventuel, pour un acte donné. »

 

[4]          Le 19 octobre 2017, le Comité procède à l’audition sur sanction du présent dossier. Lors de l’audition, Me Marie-Josée Belhumeur, ès qualités de syndic, est présente et représentée par Me Claude G. Leduc.

[5]          L’intimé Pierre Lévesque est également présent avec son procureur, Me Éric Lemay.

[6]          Mme Isabelle Guay, membre du Comité lors de l’audition sur culpabilité, est absente pour cause de maladie. En conséquence, le Comité avise les parties qu’il siègera à deux membres, comme le permet l’article 371 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.  

[7]           Nous sommes par ailleurs informés qu’il n’y a pas d’entente entre les parties quant aux sanctions à imposer à l’intimé et que la partie plaignante n’a pas de preuve à offrir.

I.          Preuve sur sanction par la partie intimée

[8]          M. Pierre Lévesque témoigne. Il nous explique ce qui suit :

o        Il a aujourd’hui 72 ans, il œuvre dans le domaine de l’assurance depuis 53 ans, dont près de 50 ans à titre de courtier en assurance de dommages;

o        Il prévoit à court terme se retirer;

o        Les assurés à qui il a fait des prêts étaient tous des amis de longue date;

o        Il n’a jamais sollicité les assurés pour leur prêter de l’argent, il est plutôt venu en aide à des amis;

o        Il accepte la décision du Comité et reconnait qu’il n’aurait jamais dû faire des prêts à ses clients;

o        Il n’est pas d’accord avec la sanction envisagée par le syndic, soit l’imposition d’une amende de 2 000 $ sur chacun des chefs pour un total de 24 000 $;

o        Il ne fait plus de prêt à des assurés et il n’a pas l’intention d’en faire. 

 

 

II.         Représentations sur sanction de la partie plaignante

[ 9 ]        Me Leduc informe le Comité qu’il sollicite l’imposition des sanctions suivantes à l’intimé :

o        Chef 1 : une amende de 2 000 $;

o        Chef 2 : une amende de 2 000 $;

o        Chef 3 : une amende de 2 000 $;

o        Chef 4 : une amende de 2 000 $;

o        Chef 5 : une amende de 2 000 $;

o        Chef 6 : une amende de 2 000 $;

o        Chef 7 : une amende de 2 000 $;

o        Chef 8 : une amende de 2 000 $;

o        Chef 9 : une amende de 2 000 $;

o        Chef 10 : une amende de 2 000 $;

o        Chef 11 : une amende de 2 000 $;

o        Chef 12 : une amende de 2 000 $;

o        Le paiement par M. Lévesque de tous les frais et déboursés du dossier.

[ 10 ]     Bref, des amendes totalisant la somme de 24 000 $ plus les frais.

[ 11 ]     Le paragraphe 9 de la présente décision illustre bien la position du syndic. Me Leduc nous dit que l’imposition de l’amende minimale sur chacun des chefs est juste et raisonnable et que notre marge de manœuvre est restreinte dans le présent dossier considérant que l’intimé a été reconnu coupable des 12 chefs d’accusation allégués à la plainte.

[ 12 ]     Dans un premier temps, l’avocat du syndic nous fait remarquer qu’il y a absence de preuve que l’imposition des amendes minimales sur chacun des chefs totalisant la somme de 24 000 $ équivaudrait à une sanction accablante pour l’intimé.

[ 13 ]     Me Leduc nous dit qu’en l’absence d’une telle preuve, le Comité ne pourrait pas réduire le total des amendes en s’appuyant sur le principe de la globalité de la sanction.

[ 14 ]     Selon le syndic, réduire le total des amendes aurait pour effet de contrecarrer l’amende minimale, ce que le Comité ne peut pas faire.

[ 15 ]     Me Leduc nous réfère au quatrième alinéa de l’article 156 du Code des professions et plaide que le législateur a même prévu que l’amende minimale, lorsqu’une infraction est continue, peut être imposée pour chaque jour puisque la continuité de l’infraction constitue, jour par jour, une infraction distincte.

[ 16 ]     Il résulte de cette dernière disposition de la loi que l’imposition de l’amende minimale sur chacun des chefs dans le présent dossier ne peut être considérée comme punitive. À ce sujet, l’avocat du syndic nous réfère à l’affaire Médecins c. Rancourt[3].

[ 17 ]     Au soutien de sa suggestion, l’avocat du syndic adjoint nous réfère notamment aux précédents jurisprudentiels suivants :

o        Thibault c. Da Costa, 2014 QCCA 2347 (CanLII)

o        ChAD c. Lareau, 2013 CanLII 33424 (QC CDCHAD)

o        ChAD c. Lareau, 2013 CanLII 46535 (QC CDCHAD)

[ 18 ]     Me Leduc termine ses représentations en nous disant que dans l’affaire précitée de ChAD c. Lareau, l’intimé s’est vu imposer l’amende minimale sur chacun des chefs.

[ 19 ]     La position du syndic serait donc conforme à ce précédent jurisprudentiel quasi identique à la présente affaire.

 

III.        Représentations sur sanction de l’intimé

[ 20 ]     Me Lemay débute son argumentaire en mentionnant que la décision du Comité dans l’affaire Lareau n’était pas encore rendue lorsque l’intimé a consenti des prêts à ses assurés. Qui plus est, dans Lareau, le Comité a appliqué le principe de la globalité de la sanction et a réduit les amendes imposées à M. Lareau.

[ 21 ]     L’avocat de M. Lévesque est d’avis que la suggestion du syndic est exagérée dans les circonstances.

[ 22 ]     Considérant que l’intimé a octroyé 3 prêts à ses clients, Me Lemay est d’avis qu’il serait juste et approprié pour le Comité d’imposer l’amende minimale sur chacun des prêts. Donc, le procureur de l’intimé recherche l’imposition d’amendes totalisant la somme de 6 000 $, plus les déboursés.

[ 23 ]     Cette suggestion serait fondée notamment sur le fait qu’il n’y a aucun facteur aggravant dans le présent dossier.

[ 24 ]     Les assurés qui ont emprunté des sommes de l’intimé étaient tous des amis de ce dernier. Les prêts ont été sollicités par les assurés. Ce n’était pas l’intimé qui cherchait à prêter de l’argent. Bref, l’intimé a tout simplement voulu aider des amis.

[ 25 ]     Selon l’avocat de l’intimé, il n’y a pas d’épouvantail dans le présent dossier, comme le prétend erronément le syndic.

[ 26 ]     Il n’y aurait aucun risque de récidive. Il n’y a pas eu de fraude. Donc, rien ne permet au Comité d’imposer une amende globale aussi substantielle et excessive.

[ 27 ]     Au soutien de sa thèse, Me Lemay nous remet un volumineux cahier d’autorités et de précédents jurisprudentiels, à savoir :

o        Tan c. Lebel, 2010 QCCA 667 (CanLII)

o        Courchesne c. Castiglia, 2009 QCCA 2303 (CanLII)

o        Pigeon c. Daigneault, 2003 QCCA 32934 (CanLII)

o        Royer c. Rioux, 2004 CanLII 76507 (QC CQ)

o        Paquet c. Infirmières et Infirmiers, 2013 QCTP 87 (CanLII)

o        Roy c. Médecins, 1998 QCTP 1735 (CanLII)

o        ChAD c. Phaneuf, 2017 CanLII 48009 (QC CDCHAD)

o        ChAD c. Bernard, 2017 CanLII 47418 (QC CDCHAD)

o        ChAD c. Kalume, 2017 CanLII 30963 (QC CDCHAD)

o        ChAD c. Domon, 2016 CanLII 74877 (QC CDCHAD)

o        ChAD c. Campeau, 2016 CanLII 66955 (QC CDCHAD)

o        ChAD c. Sinigagliese, 2016 CanLII 10284 (QC CDCHAD)

o        ChAD c. Bérard, 2014 CanLII 62655 (QC CDCHAD)

o        ChAD c. Lareau, 2013 CanLII 33424 (QC CDCHAD)

o        ChAD c. Lareau, 2013 CanLII 46535 (QC CDCHAD)

o        ChAD c. Therriault, 2012 CanLII 21064 (QC CDCHAD)

o        ChAD c. Cianciulli, 2010 CanLII 20034 (QC CDCHAD)

o        Pierre Bernard, La sanction disciplinaire: quelques réflexions. Volume 206, Développements récents en déontologie, droit professionnel et disciplinaire, 2004.

[ 28 ]     Me Lemay conclut en déclarant que son client a eu une longue carrière sans tache et qu’il aurait préféré ne pas terminer celle-ci devant le Comité. 

 

 

IV.        Analyse et décision

[ 29 ]     Le Comité partage entièrement les arguments avancés par le procureur de la partie intimée lors de sa plaidoirie, particulièrement quant au fait qu’il n’y a pas de véritables facteurs aggravants dans cette affaire.

[ 30 ]     Le Comité considère donc qu’il est juste et approprié d’imposer à l’intimé les sanctions suivantes :

o        Chefs 1 à 12 : une amende de 2 000 $ par chef pour un total de 24 000 $, laquelle somme sera réduite à une amende globale de 6 000 $.

[ 31 ]     À notre avis, l’imposition d’amendes totalisant la somme de 24 000 $ serait punitive.

[ 32 ]     Or, la Cour d’appel du Québec dans l’arrêt Thibault c. Da Costa[4], nous enseigne que la sanction disciplinaire ne doit pas avoir pour objectif de punir le professionnel.

[ 33 ]     La sanction imposée doit non seulement être proportionnelle à la gravité du manquement reproché au professionnel, mais elle doit aussi être individualisée, afin de coller aux circonstances particulières du cas d'espèce dont est saisi le Comité[5].

[ 34 ]     En tenant compte des représentations des parties, le Comité considère que la sanction proposée par la partie intimée, dans sa globalité, constitue une sanction qui est juste et équitable dans les circonstances et ce, après avoir tenu compte et fait l’évaluation de tous les facteurs tant aggravants qu’atténuants.

[ 35 ]     Inutile de dire que la gravité objective des infractions commises par l’intimé ne fait pas de doute.

[ 36 ]     Toutefois, après avoir délibéré, nous croyons que la sanction suggérée par le syndic serait excessive et accablante dans les circonstances du présent dossier où l’intimé bénéficie de nombreux facteurs atténuants.

[ 37 ]     Sur cette question, voici comment le Tribunal des professions s’exprime dans Kenny c. Dentistes[6] :

 

« Quant à la globalité ou à la totalité des amendes imposées (…) elle doit être analysée par le comité de discipline. Ce dernier doit regarder si cette globalité ou totalité ne constitue pas une sanction accablante même si les sanctions imposées sur chacun des chefs peuvent par ailleurs apparaître justes, appropriées et proportionnées dans les circonstances. »

 

(nous soulignons)

[ 38 ]     Par ailleurs, Me Pierre Bernard[7] écrit ce qui suit quant au principe de la globalité de la sanction dans son article cité par la partie intimée :

 

« Le juge lorsqu’il est appelé à imposer plusieurs sanctions en regard de plusieurs chefs d’accusation pour lesquels le professionnel a été reconnu coupable doit alors faire appel à un autre principe de détermination de la sanction soit le principe de la globalité, c’est-à-dire qu’il doit regarder, en imposant les différentes sanctions, l’effet global qui va être obtenu à la fin du compte.  Le résultat global auquel il doit en arriver ne doit pas, selon cette règle, être excessif par rapport à culpabilité générale du contrevenant.  On doit tenir compte de ce principe de globalité quand il s’agit notamment de voir comment des sanctions consécutives ou concurrentes vont devoir être imposées. »

 

(nous soulignons)

[ 39 ]     Or, nous partageons entièrement cet avis de Me Bernard.

[ 40 ]     Dans l’affaire Brochu c. Médecins[8], le Tribunal des professions s’exprime ainsi sur le principe de globalité :

 « [62] Quant à globalité de la sanction, le Comité et, par la suite, le Tribunal, doivent vérifier si en raison de ce principe, la sanction envisagée n'est pas dans l'ensemble « accablante », même si les sanctions imposées sur chaque chef en particulier pouvaient paraître justes, appropriées et proportionnées.

 

[63] Prises individuellement, des amendes variant de 3 000 $ à 6 000 $, pourraient sembler justes et appropriées à chaque faute déontologique.  Par contre, des amendes totalisant 12 000 $ apparaissent trop élevées.   De l'avis du Tribunal, ceci constitue une sanction accablante qui dénote un aspect punitif plutôt que l'assurance de la réhabilitation de l'appelant. »

 

[ 41 ]     En résumé, la sanction globale ne doit pas être disproportionnée par rapport à l’ensemble de la condamnation[9].

[ 42 ]     Nous sommes par ailleurs d’avis que même en l’absence d’une preuve établissant que l’intimé aurait de la difficulté à payer les amendes trop élevées, rien ne nous empêche d’analyser l’effet global des sanctions et de vérifier si celles-ci sont excessives à la lumière de la culpabilité générale de l’intimé.

[ 43 ]     Autrement dit, le Comité doit regarder l’effet global de la sanction. Cet examen n’est pas conditionnel à l’administration d’une preuve sur cette question.

[ 44 ]     Il s’agit d’un devoir dont le Comité doit s’acquitter à la face même du dossier.

[ 45 ]     L’effet global de la sanction doit obligatoirement être analysé lorsqu’il y a plusieurs sanctions à imposer en raison d’une multiplicité de chefs d’accusation.

[ 46 ]     Cela étant dit, le principe de la parité des sanctions milite aussi en faveur de l’imposition d’une amende globale réduite à 6 000 $.

[ 47 ]     Dans la décision sur culpabilité rendue dans l’affaire Lareau[10], voici comment s’exprime le président du Comité Me Patrick de Niverville :

 

 « [72] Il est important de noter que, suivant le témoignage de l’assuré R.R., c’est de sa propre initiative qu’il a contacté l’intimé pour lui demander de lui avancer des fonds;

 

[73] Bref, l’intimé n’a jamais sollicité les assurés pour les convaincre d’emprunter de lui ou de l’une de ses compagnies;

 

[74] Suivant l’assuré R.R., les institutions financières exigeaient trop de garanties et il préférait alors se tourner vers un prêteur privé;

 

(…)

 

[91] Pour conclure sur les chefs nos 1 à 5, le Comité tient à souligner que le consentement du client et l’absence de sollicitation de la part de l’intimé constitueront des circonstances atténuantes majeures au moment de déterminer la sanction. »

 

(nous soulignons)

[ 48 ]     Plus tard, lors de l’imposition de la sanction à M. Lareau, Me de Niverville écrit :

« [10] Dans les circonstances, le Comité est d’avis que les sanctions proposées sont justes et raisonnables et qu’elles reflètent adéquatement la gravité objective des infractions;

 

 [11] De plus, les sanctions suggérées tiennent compte des circonstances particulières du présent dossier et plus précisément de la bonne foi de l’intimé ainsi que des autres facteurs décrits aux paragraphes 72, 73, 74, 75 et 91 de la décision sur culpabilité;

 

 [12] Pour ces motifs, les sanctions suggérées seront entérinées sans modification; »

 

 

[ 49 ]     Le Comité décide d’entériner la suggestion commune des parties. Or, cette recommandation des parties prévoyait spécifiquement la réduction des amendes en raison du principe de la globalité de la sanction.

[ 50 ]     Dans notre affaire, il ne fait aucun doute que l’intimé est de bonne foi. De plus, la preuve nous révèle que l’intimé n’a pas sollicité les assurés pour les convaincre d’emprunter.

[ 51 ]     Or, comme nous l’avons mentionné dans notre décision sur culpabilité, le présent dossier est quasi identique à celui de M. Lareau.

[ 52 ]     Avec respect pour l’opinion du syndic, nous ne voyons pas pourquoi il serait interdit au Comité d’exercer son devoir de considérer si l’effet global des sanctions est excessif en relation avec la culpabilité générale de l’intimé dans les circonstances du présent dossier.

[ 53 ]     Le Comité doit protéger le public tout en rendant une sanction proportionnelle à la gravité des infractions commises. Malgré cela, le Comité doit individualiser la sanction afin que celle-ci colle aux faits du dossier.

[ 54 ]     Chaque cas est un cas d’espèce, et nous sommes d’opinion que la sanction suggérée par l’intimé et retenue par le Comité est taillée sur mesure au cas de l’intimé.

[ 55 ]     En terminant, faut-il le rappeler, la sanction disciplinaire n’a pas pour objectif de punir le professionnel.    

 

V.           Conclusion

[ 56 ]     Suite à l’évaluation de l’ensemble des facteurs atténuants et aggravants, tant objectifs que subjectifs, de même que tous les autres principes mentionnés à la présente décision, le Comité considère que dans sa globalité, l’imposition d’une amende totale de 6 000 $ à l’intimé constitue une sanction qui satisfait chacun des objectifs établis par la Cour d’appel dans l’arrêt Pigeon c. Daigneault[11].

[ 57 ]     En effet, selon le Comité, la présente sanction atteint pleinement chacun des objectifs suivants :  la protection du public, la dissuasion du professionnel de récidiver, l'exemplarité à l'égard des membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables et finalement, le droit du professionnel visé d'exercer sa profession.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

            IMPOSE à l’intimé les sanctions suivantes sur chacun des chefs d’accusation pour lesquels il a été reconnu coupable, soit :

            Chefs nos 1 à 12 :     une amende de 2 000 $ sur chacun des chefs d’accusation;

            considérant le principe de la globalité de la sanction :

            RÉDUIT le montant total des amendes à la somme globale de 6 000 $;           

 

CONDAMNE l’intimé au paiement des frais et déboursés.

 

 

 

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Me Daniel M. Fabien

Vice-président du comité de discipline

 

 

 

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M. Mathieu Gagnon, C. d’A.Ass., FPAA, CRM, courtier en assurance de dommages

Membre du comité de discipline

 

 

 

 

 

Me Claude G. Leduc

Procureur de la partie plaignante

 

 

Me Éric Lemay

Procureur de la partie intimée

 

 

 

Date d’audience :

19 octobre 2017

 



[1] ChAD c. Lévesque, 2017 CanLII 55107 (QC CDCHAD);

[2] R.L.R.Q., ch. D-9.2, r.5;

[3] 2017 CanLII 64528 (QC CDCM), aux paragraphes 130 et 131;

[4] 2014 QCCA 2347 (CanLII);

[5]     Comptables généraux licenciés c. Leporé, 2004 QCTP 41 (CanLII), au paragraphe 22;

[6]    [1993] D.D.C.P. 214 (T.P.);

[7]     BERNARD, P. La sanction en droit disciplinaire : quelques réflexions, dans « Développement récent en déontologie, droit professionnel et disciplinaire », S.F.P.B.Q., 2004, 2006, pp. 123 et ss.;

[8]  2002 QCTP 2 (CanLII), aux paragraphes 62 et 63;

[9] Gervais, ès qualité c. Dagenais (notaires), 2000 QCTP 63 (CanLII);

[10] 2013 CanLII 33424 (QC CDCHAD);

[11]  2003 CanLII 32934 (QC CA) aux paragraphes 38 et suivants;

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