Décision

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          COMMISSION D'APPEL EN MATIERE DE
          LÉSIONS PROFESSIONNELLES

     QUÉBEC    MONTRÉAL, le 9 juin 1992

     DISTRICT D'APPEL   DEVANT LA COMMISSAIRE:    Élaine Harvey
     DE MONTRÉAL

     RÉGION: Montérégie
     DOSSIER: 34133-62-9111

     DOSSIER CSST: 0354 080AUDITION TENUE LE:        5 mars 1992

          A:                Montréal

          MONSIEUR GILBERT LAPRADE
          13, rue Vervais
          Mercier (Québec)
          J6R 2K9

                                PARTIE APPELANTE

          et

          CIE SIMMCOR
          2100, chemin Remembrance
          Lachine (Québec)
          H8S 1X3

                               PARTIE INTÉRESSÉE

                              D É C I S I O N

     Le 21 novembre 1991, monsieur Gilbert Laprade, le travailleur, en
     appelle  à   la  Commission   d'appel  en   matière  de   lésions
     professionnelles (la Commission d'appel) d'une décision rendue le
     10  septembre  1991  par  le  bureau de  révision  de  la  région
     Richelieu-Salaberry  et transmise  aux parties,  le  27 septembre
     1991.
     

Par cette décision, le bureau de révision infirme une décision rendue le 11 décembre 1990 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) et déclare que le travailleur n'a pas été victime d'une sanction ou d'une mesure visée à l'article 32 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001).

OBJET DE L'APPEL Le travailleur demande à la Commission d'appel d'infirmer la décision du bureau de révision et de déclarer qu'il a été victime d'une sanction au sens de l'article 32 de la loi.

LES FAITS Le travailleur est à l'emploi de la compagnie Zimmcor inc., l'employeur, comme journalier.

Le 28 août 1989, en effectuant son travail, il subit une blessure au pouce et à l'index de la main gauche.

Cet événement est reconnu comme accident du travail par la Commission et le travailleur reçoit des prestations jusqu'à son retour au travail, le 23 octobre 1989.

Est également reconnu comme une lésion professionnelle, une rechute à la suite de laquelle le travailleur s'absente de son travail du 21 mars 1990 au 26 juin 1990.

Le 10 avril 1990, le travailleur soumet à la Commission une plainte en vertu de l'article 32 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, alléguant ce qui suit: «J'ai été victime d'une lésion professionnelle le 21-03-90 depuis cette date, la compagnie refuse de payer sa contribution à l'assurance groupe. Par ce fait, elle viole l'article 32 de la loi sur les accidents du travail et maladie professionnelle.

Je demande donc à la CSST de bien vouloir trancher le litige entre la compagnie Zimmcor et moi.» (sic) À la suite d'une audience tenue le 22 novembre 1990, en présence des deux parties, la Commission accueille la plainte du travailleur dans une décision rendue le 11 décembre 1990. Voici les motifs de cette décision: «Le Service recours et conciliation doit décider si l'employeur avait l'obligation de contribuer sa part pour maintenir la protection d'assurance collective du travailleur pendant son arrêt de travail, le tout en fonction des dispositions de l'article 235 de la loi.

L'article 235 de la loi se lit comme suit: «Le travailleur qui s'absente de son travail en raison de ses lésions professionnelles: 1. continue d'accumuler de l'ancienneté au sens de la convention collective qui lui est applicable et du service continu au sens de la convention et au sens de la Loi sur les normes du travail (chapitre N-1.1); 2. continue de participer aux régimes de retraite et d'assurance offerts dans l'établissement, pourvu qu'il paie sa part des cotisations exigibles, s'il y a lieu, auquel cas son employeur assume la sienne.

[...] De la preuve entendue et des documents au dossier, le soussigné retient les éléments suivants. Il a été mis en preuve que le travailleur Laprade a été victime d'une lésion professionnelle le 28 août 1989 et d'une rechute survenue le 21 mars 1990 avec un arrêt de travail du 23 mars 1990 au 26 juin 1990. Le travailleur fait partie de la loge 2653 de l'Association Internationale des Machinistes et des travailleurs de l'aéroastronautique. Cette unité de négociation est titulaire d'une police d'assurance collective auprès de The Maritime Life Assurance Compagny. Tous les employés faisant partie de la loge 2653 ne sont assurés que par la Maritime Life.

La convention collective en vigueur fait état à l'article 22.07 que: «La Compagnie paie la valeur de trente neuf cents (0.39$) par heure régulière travaillée pour chaque employé de l'unité de négociation pour la prime d'une police d'assurance collective...».

Le syndicat affirme, avec reçus à l'appui, que la part de monsieur Gilbert Laprade a été payée pendant la période d'incapacité, non contestée par la partie patronale. Or, il a été démontré clairement qu'aucun paiement par l'employeur n'a été effectué au syndicat concernant le travailleur Laprade durant sa période d'incapacité.

Le soussigné est d'avis que la mesure imposée par l'employeur est bien une sanction prévue à l'article 32 en s'appuyant sur une décision de la CALP dans Filichrome inc. et monsieur Yves Champoux: «La Commission d'appel fait aussi siens les motifs exposés par le bureau de révision lorsqu'il dit qu'un «travailleur accidenté ne doit pas être pénalisé parce qu'il a été victime d'un accident du travail» et que l'article 242, qui est d'ordre public, «est explicite et il laisse peu de marge à l'interprétation:...

Le non-respect de ces dispositions par l'employeur constitue une contravention à la loi qui peut être interprétée comme une mesure de sanction à l'encontre des dispositions de l'article 32 de la L.A.T.M.P.».

Le soussigné retient l'opinion émise par le BRP dans la décision Minerais Lac ltée et Meilleur et la situation était analogue puisque le travailleur en cause était traité comme tous les autres. Cependant le BRP conclut comme suit: «Le législateur a créé une obligation à l'employeur en regard avec le régime de pension, l'obligeant à agir comme si le travailleur était au travail. Le BRP en conclut que le travailleur a été victime de discrimination en vertu des obligations créées par l'article 235 puisque son employeur ne l'a pas traité comme s'il avait été au travail.

Le BRP ne peut que rejeter l'argument de Me Manzo à l'effet que cet article crée une obligation temporellle.

L'obligation se situe au niveau de l'application du régime de retraite sans égard à son mode de versement, l'interpréter autrement serait vidé cet article de son sens.

Le législateur a voulu protéger le régime de retraite des travailleurs, ce qui signifie poursuivre les versements comme si le travailleur était au travail».

Le soussigné soutient comme le BRP que le mode de versement de la contribution de l'employeur au régime d'assurance collective ne peut être invoqué pour faire défaut à l'obligation clairement stipulée à l'article 235 concernant cette question. Il a été aussi clairement établi que le travailleur en cause n'a pas eu la protection qu'il était en droit d'avoir.

Ce fait l'exposait à des pertes d'avantages prévus à son assurance collective qui auraient été perdus uniquement parce qu'il a été victime d'accident du travail. Ce n'est certainement pas l'intention du législateur dans l'article 235.» Le 19 décembre 1990, l'employeur demande la révision de cette décision. Le bureau de révision tient une audience en présence des parties, le 12 avril 1991.

Dans une décision majoritaire rendue le 10 septembre 1991, le membre représentant les travailleurs étant dissident, le bureau de révision infirme la décision de première instance en s'appuyant sur une décision rendue par la Commission d'appel dans l'affaire Minerais Lac ltée et André Meilleur [1991] CALP 355 .

Le bureau de révision écrit ceci: «Le Bureau de révision fait sienne l'interprétation du commissaire Leydet et est d'avis que l'article 235 de la loi ne prévoit pas de dispositions pour le calcul des cotisations de l'employeur lorsque le travailleur est absent du travail, que ce soit sur la base de la rémunération gagnée par le travailleur ou la base d'heures travaillées.

Dans l'affaire Minerais Lac Ltée, la commissaire Leydet se réfère au régime offert dans l'établissement pour établir le mode de participation de l'employeur au régime de retraite.

Le Bureau de révision est également d'avis que dans la présente affaire, on doit s'en référer au régime offert dans l'établissement pour établir le mode de cotisation de l'employeur au régime et subséquemment, déterminer si l'employeur a fait défaut d'assumer sa part des cotisations au régime.

Compte tenu du régime offert dans l'établissement, le Bureau de révision estime que l'employeur n'a pas fait défaut d'assumer sa part des cotisations basées sur les heures travaillées.» Le membre dissident du bureau de révision est plutôt d'avis que l'employeur devait continuer de payer sa contribution au régime d'assurance-collective pour les motifs suivants: «Le soussigné est d'avis que le travailleur ne doit pas perdre des avantages sociaux parce qu'il a subi un accident du travail et ceci est un principe fondamental de la loi.

Affirmer que ce serait ajouter à la loi ce qui est en litige dans cette affaire est mal aborder le problème; en effet, une convention collective est là pour offrir de meilleures conditions que les lois mais ne peut être en dessous des lois.

La Loi est pourtant claire à ce sujet: l'employeur doit payer sa part si l'employé paie la sienne et les dispositions d'une convention ne peuvent aller sous cette obligation minimum toujours selon le principe qu'un travailleur n'a pas à être pénalisé s'il est victime d'une lésion professionnelle. De plus, ce n'est pas parce que l'employeur traîte tout le monde de cette façon qu'il n'agit pas de façon discriminatoire. Dans les faits, le soussigné est d'avis que l'employeur agit de façon discriminatoire envers son groupe d'employé par rapport à l'ensemble des travailleurs.

Le travailleur a donc été victime d'une mesure ou sanction parce qu'il a été victime d'une lésion professionnelle.» Devant la Commission d'appel, les parties ne soumettent aucune nouvelle preuve.

ARGUMENTATION Le travailleur argumente qu'étant donné qu'il a payé sa part de cotisations au régime d'assurance-collective, l'employeur devait assumer la sienne. À l'appui de ses prétentions, le travailleur réfère aux décisions rendues par la Commission d'appel dans Gaston Marin et Société canadienne de métaux Reynolds [1990] CALP 423 ainsi que Louise Noël-Fontaine et La Société d'aluminium Reynolds (Canada) limitée [1991] CALP 615 .

Pour sa part, l'employeur maintient qu'il n'est pas tenu de payer sa part de cotisations. Selon l'employeur, l'article 235 renvoie à la convention collective. En l'instance, la convention collective prévoit que la participation de l'employeur est fonction des heures travaillées par le travailleur. Ainsi, l'employeur est d'avis qu'il est libéré de son obligation de payer lorsque le travailleur est absent de son travail.

MOTIFS DE LA DÉCISION La Commission d'appel doit décider si le travailleur a été l'objet de mesures discriminatoires, de représailles ou d'une sanction eu égard à l'article 32 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles qui édicte ce qui suit: 32. L'employeur ne peut congédier, suspendre ou déplacer un travailleur, exercer à son endroit des mesures discriminatoires ou de représailles ou lui imposer toute autre sanction parce qu'il a été victime d'une lésion professionnelle ou à cause de l'exercice d'un droit que lui confère la présente loi.

Le travailleur qui croit avoir été l'objet d'une sanction ou d'une mesure visée dans le premier alinéa peut, à son choix, recourir à la procédure de griefs prévue par la convention collective qui lui est applicable ou soumettre une plainte à la Commission conformément à l'article 253.

Plus précisément, la Commission d'appel doit décider si l'employeur devait assumer sa part de cotisation au régime d'assurance-collective pendant la période où le travailleur a été en arrêt de travail à la suite d'une lésion professionnelle, contrairement à l'article 235 de la loi.

L'article 235 édicte ceci: 235. Le travailleur qui s'absente de son travail en raison de sa lésion professionnelle: 1 continue d'accumuler de l'ancienneté au sens de la convention collective qui lui est applicable et du service continu au sens de cette convention et au sens de la Loi sur les normes du travail (chapitre N-1.1); 2 continue de participer aux régimes de retraite et d'assurances offerts dans l'établissement, pourvu qu'il paie sa part des cotisations exigibles, s'il y a lieu, auquel cas son employeur assume la sienne.

Le présent article s'applique au travailleur jusqu'à l'expiration du délai prévu par le paragraphe 1 ou 2 , selon le cas, du premier alinéa de l'article 240.

En l'espèce, le travailleur a payé sa part de cotisations exigibles pendant sa période d'arrêt de travail.

L'employeur, qui n'a pas payé sa part de cotisation, invoque l'article 22.07 de la convention collective qui prévoit ce qui suit: 22.07 La Compagnie paie la valeur de trente-neuf cents ($0.39) par heure régulière travaillée pour chaque employé de l'unité de négocation pour la prime d'une police d'assurance collective...» L'employeur soumet qu'en vertu de la convention collective, la contribution de l'employeur est fonction du nombre d'heures régulières travaillées par chaque travailleur. Ainsi, lorsqu'un travailleur s'absente de son travail pour quelque raison que ce soit, y compris en raison d'une lésion professionnelle, l'employeur n'est pas tenu de payer sa part de contisation pendant cet absence.

La Commission d'appel ne partage pas cette interprétation.

En effet, en plus du lien d'emploi et du droit de retour au travail qui sont protégés par la loi pendant l'absence d'un travailleur en raison d'une lésion professionnelle, l'accumulation de l'ancienneté, du service continu de même que la participation aux régimes de retraite et d'assurance sont des éléments expressément protégés par la loi.

Accepter l'interprétation suggérée par l'employeur enlèverait tout effet à l'article 235. Selon la Commission d'appel, la loi étant d'ordre public, elle doit avoir préséance sur toute disposition qui aurait pour effet d'empêcher son application.

Il ne faut pas oublier, non plus, l'article 242 par lequel le législateur impose de considérer comme période réelle de travail celle pendant laquelle le travailleur s'est absenté en raison de sa lésion professionnelle.

242. Le travailleur qui réintègre son emploi ou un emploi équivalent a droit de recevoir le salaire et les avantages aux mêmes taux et conditions que ceux dont il bénéficierait s'il avait continué à exercer son emploi pendant son absence.

Le travailleur qui occupe un emploi convenable a droit de recevoir le salaire et les avantages liés à cet emploi, en tenant compte de l'ancienneté et du service continu qu'il a accumulés.

En conséquence, la Commission d'appel en vient à la conclusion que le travailleur a été victime d'une sanction ou d'une mesure au sens de l'article 32 de la loi.

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIERE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES ACCUEILLE l'appel du travailleur, monsieur Gilbert Laprade; INFIRME la décision rendue le 10 septembre 1991 par le bureau de révision; DÉCLARE que le travailleur a été victime d'une sanction au sens de l'article 32 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles; ORDONNE à l'employeur de verser sa part de cotisation au régime d'assurance-collective pendant la période où le travailleur s'est absenté de son travail en raison de sa lésion professionnelle.

Élaine Harvey, commissaire Monsieur Valmore Nadeau 56, rue Dorais Chateauguay (Québec) J6K 5B2 Représentant de la partie appelante Monsieur André Durocher Syndic 2100, rue Remembrance Lachine (Québec) H8S 1X3 Représentant de la partie intéressée

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.