Décision

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Modèle de décision CLP - avril 2013

Deschamps et Barnabé Nissan Châteauguay inc.

2014 QCCLP 6195

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Longueuil

11 novembre 2014

 

Région :

Richelieu-Salaberry

 

Dossier :

543195-62C-1405

 

Dossier CSST :

139416028

 

Commissaire :

Lucie Couture, juge administratif

 

Membres :

Mario Lévesque, associations d’employeurs

 

René Deshaies, associations syndicales

 

 

Assesseur :

Pedro Molina-Negro, médecin

______________________________________________________________________

 

 

 

Martin Deschamps

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Barnabé Nissan Châteauguay inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 30 mai 2014, monsieur Martin Deschamps (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste la décision rendue le 27 mai 2014, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme celles rendues les 19 avril 2013 et 15 avril 2014. La CSST déclare qu’elle a épuisé sa compétence relative à la décision rendue le 19 avril 2013 refusant de reconnaître la relation entre le nouveau diagnostic de hernie discale et l’événement du 19 mars 2012. La CSST indique avoir déjà rendu une décision, à la suite d’une révision administrative le 20 juin 2013.

[3]           Cette décision confirme également celle rendue le 15 avril 2014 et déclare irrecevable la demande de révision du travailleur concernant l’évaluation médicale entérinée par le médecin traitant du travailleur. Elle déclare conforme le bilan des séquelles entériné par le médecin qui a charge du travailleur et déclare que la lésion professionnelle du 19 mars 2012 a entraîné une atteinte permanente de 2,2 % donnant droit au travailleur à une indemnité pour préjudice corporel de 1 556,57$ plus les intérêts prévus à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

[4]           Lors de l’audience tenue à Salaberry-de-Valleyfield le 6 novembre 2014, le travailleur est présent et représenté. Barnabé Nissan de Châteauguay inc. (l’employeur) est absent. Sa nouvelle représentante, Me Montpetit, a informé le tribunal de son absence avant l’audience.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[5]           Le travailleur informe la Commission des lésions professionnelles qu’il se désiste de la portion de la décision de la révision administrative traitant de sa demande de révision faite en 2014, de la décision du 20 juin 2013 concernant le nouveau diagnostic de hernie discale.

[6]           Quant à la portion de cette décision du 20 juin 2013 traitant de la question de l’atteinte permanente, il demande au tribunal de déclarer que la CSST ne pouvait être liée par l’opinion du docteur Dulude. Cette décision est donc prématurée. Il demande de retourner le dossier à la CSST.

L’AVIS DES MEMBRES

[7]           Le membre issu des associations d’employeurs, monsieur Mario Lévesque, et le membre issu des associations syndicales, monsieur René Deshaies, sont d’avis de faire droit à la requête du travailleur. Ils sont d’avis que la preuve démontre que la CSST ne pouvait se déclarer liée par l’opinion du docteur Dulude lequel entérinait les conclusions du médecin désigné par la CSST, le docteur Paul Moïse. En effet, le docteur Dulude n’était plus le médecin qui a charge du travailleur à la date où la CSST lui demande d’entériner les conclusions de son médecin désigné. De plus, le docteur Dulude ne s’est pas conformé aux exigences de la loi, en ce qui a trait au rapport complémentaire soumis. Il n’a pas informé le travailleur de son avis ni ne l’a rencontré à cet égard. Par conséquent, la décision de la CSST doit être annulée et le dossier retourné pour finaliser cette question de l’évaluation des séquelles permanentes.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[8]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la décision rendue par la CSST concernant l’atteinte permanente découlant de la lésion professionnelle du 19 mars 2012 est bien fondée.

[9]           Le tribunal retient les éléments suivants :

[10]        Le 19 mars 2012, le travailleur un débosseleur est victime d’une lésion professionnelle. En reculant, il tombe dans un trou de trois pieds de profondeur et se cogne la hanche droite. Il ressent une douleur au dos et à la hanche droite.

[11]        Il consulte le même jour le docteur Boisvert qui pose un diagnostic de chute et d’entorse lombaire avec sciatalgie.

[12]        Le 26 mars 2012, le docteur Dulude pose un diagnostic de contusion lombaire et de sciatalgie S1 droite. Il prescrit une résonance magnétique, un électromyogramme et des traitements de physiothérapie.

[13]        Le 11 avril 2012, la CSST accepte la réclamation du travailleur pour une entorse lombaire avec sciatalgie.

[14]        Le 20 avril 2012, le rapport de la résonance magnétique montre une perte de signal au niveau du disque L5-S1 et une hernie discale postérieure modérée en para-sagittal intra-foraminal droite. On note une subluxation des facettes avec légère ostéoarthrose, une sténose foraminale droite sévère et sténose du récessus droit où il y a déplacement postérieur de la racine droite de S1 qui pourrait être irritée également.

[15]        Le 9 mai 2012, le docteur Dulude reprend son diagnostic de contusion lombaire avec sciatalgie S1 droite. La résonance montre une sténose foraminale S1 droite. Il dirige le travailleur en physiatrie afin de recevoir une infiltration.

[16]        Le 29 mai 2012, le docteur Attig, neurologue, effectue un électromyogramme. Il est d’avis que cette étude ne révèle aucun signe franc de neuropathie diffuse ni compressive ni de signe de radiculopathie motrice dans les myotomes de L4 à S1. Le médecin note qu’un syndrome facettaire versus une radiculopathie sensitive est toujours possible, mais serait atypique.

[17]        Le docteur Dulude continue de suivre le travailleur. Il reprend ses diagnostics de contusion lombaire et de sciatalgie droite.

[18]        Le 27 juin 2012, le travailleur reçoit des épidurales L5 et S1 à droite.

[19]        Le 2 août 2012, le docteur Primeau ajoute au diagnostic d’entorse lombaire celui de hernie discale et de lombosciatalgie droite. Il recommande de poursuivre la physiothérapie et l’ergothérapie.

[20]        Le 22 août 2012, le docteur Primeau pose un diagnostic d’entorse lombaire et de hernie discale.

[21]        Le 18 septembre 2012, le docteur Primeau remplit un formulaire d’information médicale complémentaire. Il mentionne ne pas être le médecin traitant du travailleur. Il confirme toutefois que le diagnostic de hernie discale est posé à la suite du rapport de la résonance magnétique et de l’examen clinique.

[22]        Le 1er octobre 2012, l’agent au dossier convient d’attendre le rendez-vous en neurochirurgie avant de rendre une décision quant au nouveau diagnostic de hernie discale.

[23]        Le 28 novembre 2012, le docteur Dulude dirige le travailleur en neurochirurgie.

[24]        Le 11 février 2013, le docteur Maria Li, neurochirurgienne, pose un diagnostic d’entorse lombaire. Elle mentionne qu’aucun traitement chirurgical n’est recommandé. Elle consolide la lésion à cette date avec un déficit anatomo-physiologique de 2 % et des limitations fonctionnelles de classe II.

[25]        Le 14 février 2013, l’agent au dossier indique que le travailleur aurait vu deux neurochirurgiens qui auraient mentionné qu’il n’aurait pas besoin de chirurgie, mais que sa guérison serait longue.

[26]        Le 8 mars 2013, le docteur Vachon pose un diagnostic de lombalgie aiguë. Il ne recommande aucun traitement actif. Il recommande un arrêt de travail et que le travailleur soit vu en expertise.

[27]        Le 17 avril 2013, le médecin régional de la CSST, la docteure Lussier, mentionne qu’étant donné que le diagnostic de hernie discale n’a pas été repris depuis août 2012, que le neurochirurgien ne retient pas ce diagnostic en février 2013 et que la résonance magnétique montre surtout des changements dégénératifs, elle ne peut relier ce diagnostic de hernie discale à l’événement du 19 mars 2012. Le médecin retient le diagnostic d’entorse lombaire avec sciatalgie. Comme le travailleur mentionne qu’il ne reverrait pas son médecin avant six mois, la CSST décide de faire expertiser le travailleur.

[28]        Le 19 avril 2013, la CSST refuse la relation entre le diagnostic de hernie discale et l’événement du 19 mars 2012.

[29]        Le 14 mai 2013, le travailleur demande la révision de cette décision, laquelle sera confirmée, le 20 juin 2013, à la suite d’une révision administrative. Le travailleur ne déposera toutefois pas une requête à la Commission des lésions professionnelles.

[30]        Malgré que le médecin désigné par la CSST, le docteur Serge Tohmé, chirurgien orthopédiste, ait jugé la lésion consolidée le 10 mai 2013, le membre du Bureau d’évaluation médicale à qui le dossier sera transmis, ne juge pas cette lésion consolidée. En effet, le 26 juillet 2013, le docteur Jacques Demers, neurochirurgien et membre du Bureau d’évaluation médicale, estime que la lésion n’est pas consolidée. Il note un Lasègue positif à droite et des limitations d’amplitudes articulaires de la colonne lombaire. Il est d’avis que l’accident n’est pas banal. Bien qu’il se dise lié par le diagnostic d’entorse lombaire avec sciatalgie, il précise ceci : « que la sciatalgie n’est pas un diagnostic médical, mais plutôt un symptôme rattachable à une condition sous-jacente. Il m’apparaît assez évident que dans le cas présent, la sciatalgie est rattachable à une hernie discale L5-S1, avec extension foraminale. Le radiologue qui décrit la résonance magnétique fait aussi état d’une sténose foraminale sévère à ce niveau. Dans le foramen L5-S1, il y a la racine L5 qui fait partie intégrante du nerf sciatique. Pour ces raisons, je conclus que la sciatalgie est rattachable à cette trouvaille concordante radiologique. » Il est d’avis que la lésion n’est pas consolidée et que d’autres traitements sont nécessaires. Il recommande des manipulations en chiropractie et un programme de développement des capacités fonctionnelles de huit semaines. Il est trop tôt pour se prononcer sur l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles.

[31]        Le travailleur demeure sous les soins de ses médecins.

[32]        Le 29 août 2013, la CSST rend une décision à la suite de l’avis du docteur Demers. Elle déclare que la lésion n’est pas consolidée et que le travailleur continuera de recevoir des indemnités.

[33]        Le 22 novembre 2013, le docteur Dulude produit un rapport final consolidant la lésion à cette date avec séquelles. Il dirige le travailleur au docteur Paul Moïse pour l’évaluation des séquelles.

[34]        Même si le travailleur a décidé de se faire expertiser par le docteur Moïse pour l’évaluation de ses séquelles, la CSST décide plutôt de requérir, en vertu de l’article 204 de la loi, l’avis du docteur Moïse sur les questions d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles.

[35]        Ainsi, le 6 janvier 2014, le docteur Paul Moïse examine le travailleur à la demande de la CSST. Il observe des limitations d’amplitude articulaire de la colonne lombaire dans tous les axes de mouvements. Il rapporte que la manœuvre de Lasègue est positive à droite. Il accorde un déficit anatomo-physiologique de 2 % et des limitations fonctionnelles de classe II.

[36]        Le 11 février 2014 (nouveaux documents) le travailleur produit une réclamation à la CSST pour une récidive, rechute ou aggravation en date du 10 février 2014.

[37]        Le 6 mars 2014, le docteur Vachon rapporte une rechute en date du 16 février 2014. Il observe une lombosciatalgie sévère avec paresthésie et pied tombant. Il prescrit un électromyogramme. Le 6 mars 2014, le docteur Vachon mentionne sur un rapport médical une accentuation des paresthésies du membre inférieur droit avec pied tombant.

[38]        Le travailleur ne revoit plus le docteur Dulude à la suite de la visite du 22 novembre 2013. Il informe la CSST le 18 mars 2014 qu’il a changé de médecin, le nouveau étant le docteur Vachon. La CSST rapporte ce changement dans la note évolutive du 18 mars 2014.

[39]        Le tribunal note que ce même jour, la CSST informe le travailleur qu’elle enverra un rapport complémentaire au docteur Dulude avec une copie au travailleur. L’agent fait état du rapport du 6 mars 2014 du docteur Vachon.

[40]        Le 3 avril 2014, le docteur Dulude mentionne dans un rapport complémentaire être en accord avec les conclusions du docteur Moïse. Il ne mentionne toutefois pas s’il a examiné le travailleur depuis le mois de novembre 2014 et s’il l’a informé de ses conclusions relatives à son atteinte permanente et à ses limitations fonctionnelles.

[41]        Le 15 avril 2014, la CSST rend sa décision à la suite de l’évaluation du docteur Moïse. Elle détermine que le travailleur conserve une atteinte permanente de 2,2 % lui donnant droit à une indemnité pour préjudice corporel de 1 556,57 $.

[42]        Le 29 avril 2014, le travailleur demande la révision de la décision du 19 avril 2013.

[43]        Le même jour, il demande la révision de la décision du 15 avril 2014.

[44]        Le 15 mai 2014, le docteur Vachon réfère le travailleur en psychothérapie pour un trouble anxieux relié à la sciatalgie droite et hernie discale L5-S1 et problème avec la CSST. Il indique que le travailleur accuse des paresthésies distales dans le territoire de S1 avec pied tombant. Il note qu’il s’agit d’une aggravation de l’état neurologique secondaire à l’événement initial. Il demande une résonance magnétique.

[45]        Le 27 mai 2014, la CSST, à la suite d’une révision administrative, déclare avoir épuisé sa compétence relativement à la décision du 19 avril 2013 sur le nouveau diagnostic de hernie discale. Elle confirme la décision du 15 avril 2014 et déclare que le travailleur conserve une atteinte permanente de 2,2 % lui donnant droit à une indemnité pour préjudice corporel de 1 556,57 $.

[46]        Le 30 mai 2014, le travailleur dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre de cette décision.

[47]        Le 9 juin 2014, la CSST détermine que le travailleur a droit à la réadaptation.

[48]        Le 18 septembre 2014, la CSST refuse la réclamation du travailleur pour la récidive, rechute ou aggravation du 10 février 2014.

[49]        Le 1er octobre 2014, le travailleur demande la révision de cette décision.

[50]        Lors de l’audience, le travailleur a témoigné qu’il n’avait pas revu le docteur Dulude depuis le mois de novembre 2013. Il précise ne pas avoir été examiné par ce médecin ni ne lui avoir parlé depuis novembre 2013. Il indique avoir avisé la CSST, en mars 2014, qu’il avait un nouveau médecin traitant, soit le docteur Vachon. L’agent de la CSST lui a confirmé qu’il pouvait changer de médecin. Il indique que le docteur Dulude ne l’a jamais informé du contenu du rapport du docteur Moïse ni du fait qu’il se disait d’accord avec les conclusions de ce dernier. Le travailleur précise ne pas avoir été réexaminé par le docteur Dulude avant qu’il ne remplisse son rapport complémentaire du 3 avril 2014.

[51]        Le représentant du travailleur est d’avis que la CSST ne pouvait se sentir liée par l’opinion du docteur Dulude exprimée dans le rapport complémentaire daté du 3 avril 2014. En effet, il prétend que le docteur Dulude n’était plus le médecin traitant à cette date. De plus, il ne s’est pas conformé aux dispositions de l’article 212.1 de la loi, en n’informant pas le travailleur du contenu de son rapport. Ce faisant, son opinion n’est pas conforme à la loi et par conséquent, la CSST ne pouvait être liée par son opinion. Il demande au tribunal de retourner le dossier à la CSST afin que le dossier soit soumis au Bureau d’évaluation médicale. Il a soumis deux décisions[2] du tribunal à l’appui de ses prétentions.

[52]        Le tribunal est d’avis de faire droit à la requête du travailleur.

[53]        L’article 212.1 de la loi se lit comme suit :

212.1.  Si le rapport du professionnel de la santé obtenu en vertu de l'article 212 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de cet article, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.

 

La Commission soumet ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216.

 

 

[54]        Dans le présent dossier, le docteur Dulude a rempli un rapport final le 22 novembre 2013 consolidant la lésion à cette date et référant le travailleur au docteur Moïse pour l’évaluation des séquelles permanentes.

[55]        Le 18 mars 2014, le travailleur informe la CSST que le docteur Dulude n’est plus son médecin traitant, ce dernier étant dorénavant le docteur Vachon.

[56]        Bien que le travailleur ait mentionné en décembre 2013 qu’il acceptait de faire évaluer ses séquelles par le docteur Moïse, la CSST décide plutôt de demander au docteur Moïse, par le biais des dispositions de l’article 204 de la loi, son avis sur les questions de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. Cette disposition permet en effet à la CSST de faire examiner un travailleur par un médecin de son choix sur les questions médicales en lien avec une lésion professionnelle.  Comme la CSST a choisi de faire examiner le travailleur en vertu des dispositions de l’article 204 de la loi, par le docteur Moïse, elle fait parvenir au docteur Dulude, un rapport complémentaire accompagné du rapport du docteur Moïse afin de savoir s’il était d’accord avec les conclusions du docteur Moïse.

[57]        Lorsque le docteur Dulude fait parvenir à la CSST son rapport complémentaire, le 3 avril 2014, la CSST sait qu’il n’est plus le médecin qui a charge du travailleur puisque le 18 mars 2014, le travailleur l’avait informé que ce médecin n’était plus son médecin traitant. Les rapports médicaux contemporains sont d’ailleurs émis par le docteur Vachon et la note évolutive du 18 mars 2014 confirme que le docteur Dulude n’est plus le médecin qui a charge.

[58]        Le docteur Dulude ne pouvait plus agir à titre de médecin qui a charge du travailleur. Il ne pouvait à ce titre, donner son avis sur un rapport complémentaire prévu à l’article 212.1, sur les conclusions du docteur Moïse. Son avis ne pouvait avoir un caractère liant pour la CSST.

[59]        De plus, le docteur Dulude remplit ce rapport complémentaire le 3 avril 2014 sans avoir revu le travailleur depuis le mois de novembre 2013 et surtout sans informer le travailleur du contenu de son rapport complémentaire dans lequel il se disait d’accord avec les conclusions du docteur Moïse.

[60]        La CSST a rendu sa décision sur le pourcentage d’atteinte permanente plutôt que de soumettre l’avis du docteur Moïse au Bureau d’évaluation médicale.

[61]        Le tribunal partage les propos exprimés dans les deux décisions déposées par le représentant du travailleur selon lesquelles, le défaut d’informer le travailleur du contenu du rapport complémentaire, contrairement aux dispositions prévues à l’article 212.1, enlève le caractère liant de ce rapport et empêche la CSST d’être liée par le contenu de ce rapport.

[62]        Comme le docteur Dulude n’était plus le médecin qui a charge du travailleur, il ne pouvait plus se prononcer sur les questions médicales découlant de la lésion professionnelle de mars 2012. De plus, le fait qu’il se prononce sur ces questions sans informer le travailleur de son opinion fait en sorte que la CSST ne pouvait se sentir liée par l’opinion de ce médecin. Elle aurait donc dû soumettre le tout au Bureau d’évaluation médicale ou requérir du docteur Vachon, son opinion sur l’atteinte permanente.

[63]        Ce faisant, la décision rendue le 15 avril 2014 concernant le pourcentage d’atteinte permanente et le montant d’indemnité pour préjudice corporel devient irrégulière.

[64]        Le tribunal est donc d’avis qu’il y a lieu d’annuler cette décision. Il y a lieu de retourner le dossier à la CSST afin qu’elle obtienne du médecin traitant un rapport complémentaire conforme aux dispositions de l’article 212.1 de la loi ou qu’elle soumette le dossier au Bureau d’évaluation médicale sur les questions de l’atteinte permanente.

[65]        La requête du travailleur doit être accueillie.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de monsieur Martin Deschamps, le travailleur;

MODIFIE en partie la décision rendue le 27 mai 2014, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail ne pouvait être liée par les conclusions du docteur Moïse concernant les questions de l’atteinte permanente;

DÉCLARE irrégulière la décision rendue le 15 avril 2014, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail concernant l’atteinte permanente et l’indemnité pour préjudice corporel;

DÉCLARE nulle la décision du 15 avril 2014 concernant l’atteinte permanente et l’indemnité pour préjudice corporel;

RETOURNE le dossier à la Commission de la santé et de la sécurité du travail pour suivi approprié.

 

 

__________________________________

 

Lucie Couture

 

 

 

 

Michel Julien

G.M.S. CONSULTANTS

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Isabelle Montpetit

BÉCHARD MORIN AVOCATS

Représentante de la partie intéressée

 



[1]           RLRQ, c. A-3.001.

[2]           McQuinn et Étiquettes Mail-Well, C.L.P. 201087-62A-0303, 31 janvier 2005, N. Tremblay, décision rectifiée le 15 février 2005; Dupont et Entreprise de déménagement John Gray inc., 2014 QCCLP 4317.

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