Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Trois-Rivières

30 décembre 2003

 

Région :

Mauricie

 

Dossier :

201487-04-0303

 

Dossier CSST :

121174296

 

Commissaire :

Me Jean-François Clément

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Sylvain Bouchard

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Nettoyage Docknet inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

RECTIFICATION D’UNE DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]        La Commission des lésions professionnelles a rendu le 4 décembre 2003 une décision dans le présent dossier;

[2]        Cette décision contient des erreurs au niveau de certaines dates qu’il y a lieu de rectifier en vertu de l’article 429.55 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., c. A-3.001.

[3]        Au paragraphe 5, nous lisons :

Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître qu’il n’était pas capable de reprendre son emploi le 17 juillet 2002 et qu’il avait droit à la poursuite de l’indemnité de remplacement du revenu. Il demande également de reconnaître qu’il a été victime d’un nouvel accident du travail le 30 juillet 2002 qui a aggravé sa condition passée.

 

 

[4]        Alors que nous aurions dû lire à ce paragraphe :

Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître qu’il n’était pas capable de reprendre son emploi le 17 juillet 2002 et qu’il avait droit à la poursuite de l’indemnité de remplacement du revenu. Il demande également de reconnaître qu’il a été victime d’un nouvel accident du travail le 30 juillet 2002 qui a aggravé sa condition passée, la date retenue par la CSST (29 juillet) n’étant pas exacte, l’accident étant survenu dans la nuit du 29 au 30 juillet, soit bel et bien le 30 juillet.

 

 

[5]        Au paragraphe 51, nous lisons :

Le procureur de la CSST estime que la docteure Fortier pouvait remplacer son rapport final initial étant dans une situation imprévisible. Comme elle a vu le travailleur au Lac-en-Cœur à deux reprises, il s’agissait d’une telle situation. En se basant sur ce nouveau rapport final, il est clair que le travailleur avait la capacité d’effectuer son travail. Quant à la lésion du 29 juillet 2002, son diagnostic est celui de discopathie. Aucune preuve au dossier ne relie ce diagnostic à l’événement initial. L’événement initial n’était pas important puisqu’il n’a causé aucune douleur sur le coup comme l’indiquent les notes évolutives. Le travailleur est affecté d’une condition personnelle importante qui ne peut être reliée à l’événement de juillet 2001 ou au nouvel événement de juillet 2002. Le 30 juillet 2002, aucun événement imprévu et soudain n’est survenu ni aucun geste pouvant causer une telle discopathie. Aucun changement significatif n’existe dans la deuxième résonance magnétique par rapport à la première. Il estime que le seul diagnostic liant est contenu à la pièce I-1. Le fait d’insérer un diagnostic sur une attestation médicale ne constitue pas une preuve de relation avec le travail. Le diagnostic de discopathie n’a jamais été reconnu puisque la CSST n’a pas rendu de décision écrite et motivée pour l’accepter. Il n’y a de plus aucune décision implicite. Le diagnostic de discopathie ne peut donc d’aucune façon être relié à l’événement initial.

 

 

[6]        Alors que nous aurions dû lire à ce paragraphe :

Le procureur de la CSST estime que la docteure Fortier pouvait remplacer son rapport final initial étant dans une situation imprévisible. Comme elle a vu le travailleur au Lac-en-Cœur à deux reprises, il s’agissait d’une telle situation. En se basant sur ce nouveau rapport final, il est clair que le travailleur avait la capacité d’effectuer son travail. Quant à la lésion du 30 juillet 2002, son diagnostic est celui de discopathie. Aucune preuve au dossier ne relie ce diagnostic à l’événement initial. L’événement initial n’était pas important puisqu’il n’a causé aucune douleur sur le coup comme l’indiquent les notes évolutives. Le travailleur est affecté d’une condition personnelle importante qui ne peut être reliée à l’événement de juillet 2001 ou au nouvel événement de juillet 2002. Le 30 juillet 2002, aucun événement imprévu et soudain n’est survenu ni aucun geste pouvant causer une telle discopathie. Aucun changement significatif n’existe dans la deuxième résonance magnétique par rapport à la première. Il estime que le seul diagnostic liant est contenu à la pièce I-1. Le fait d’insérer un diagnostic sur une attestation médicale ne constitue pas une preuve de relation avec le travail. Le diagnostic de discopathie n’a jamais été reconnu puisque la CSST n’a pas rendu de décision écrite et motivée pour l’accepter. Il n’y a de plus aucune décision implicite. Le diagnostic de discopathie ne peut donc d’aucune façon être relié à l’événement initial.

 

 

[7]        Au paragraphe 53, nous lisons :

Le membre issu des associations syndicales estime quant à lui qu’il n’y a ni récidive, rechute ou aggravation ni accident du travail le 29 juillet 2002 mais la continuation de la même symptomatologie alléguée par le travailleur suite à l’événement initial.

 

 

[8]        Alors que nous aurions dû lire à ce paragraphe :

Le membre issu des associations syndicales estime quant à lui qu’il n’y a ni récidive, rechute ou aggravation ni accident du travail le 30 juillet 2002 mais la continuation de la même symptomatologie alléguée par le travailleur suite à l’événement initial.

 

 

[9]        Au paragraphe 54, nous lisons :

La membre issue des associations d’employeurs estime quant à elle qu’il n’y a pas preuve d’une récidive, rechute ou aggravation ou d’un nouvel accident du travail le 29 juillet 2002. Elle a également noté que la crédibilité du travailleur a été éprouvée lors de l’audience puisque plusieurs contradictions sont apparues dans la preuve. Elle a également noté que l’expérience de travail de M. Bouchard se limite à peu de choses.

 

 

[10]      Alors que nous aurions dû lire à ce paragraphe :

La membre issue des associations d’employeurs estime quant à elle qu’il n’y a pas preuve d’une récidive, rechute ou aggravation ou d’un nouvel accident du travail le 30 juillet 2002. Elle a également noté que la crédibilité du travailleur a été éprouvée lors de l’audience puisque plusieurs contradictions sont apparues dans la preuve. Elle a également noté que l’expérience de travail de M. Bouchard se limite à peu de choses.

 

 

[11]      Au paragraphe 56, nous lisons :

La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur était capable de reprendre son emploi le 17 juillet 2002. Elle doit également déterminer s’il a subi une lésion professionnelle le 30 juillet 2002.

 

 

[12]      Alors que nous aurions dû lire à ce paragraphe :

La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur était capable de reprendre son emploi le 17 juillet 2002. Elle doit également déterminer s’il a subi une lésion professionnelle le 30 juillet 2002, et non le 29 juillet pour les motifs exposés par le travailleur.

 

 

[13]      Au paragraphe 65, nous lisons :

Le tribunal doit maintenant décider si le travailleur a subi une lésion professionnelle le 29 juillet 2002. Cette notion est ainsi définie par la Loi :

 

 

[13]      Alors que nous aurions dû lire à ce paragraphe :

Le tribunal doit maintenant décider si le travailleur a subi une lésion professionnelle le 30 juillet 2002. Cette notion est ainsi définie par la Loi :

 

 

[14]      Au paragraphe 66, nous lisons :

Dans un premier temps, malgré que le dossier ait été aligné vers la notion de récidive, rechute ou aggravation, le travailleur prétend plutôt avoir été victime d’un accident du travail le 29 juillet 2002. Cette notion est aussi définie à l’article 2 de la Loi :

 

 

[15]      Alors que nous aurions dû lire à ce paragraphe :

Dans un premier temps, malgré que le dossier ait été aligné vers la notion de récidive, rechute ou aggravation, le travailleur prétend plutôt avoir été victime d’un accident du travail le 30 juillet 2002. Cette notion est aussi définie à l’article 2 de la Loi :

 

 

[16]      Au paragraphe 73, nous lisons :

Il est vrai qu’avant le 29 juillet 2002 le travailleur avait encore des douleurs au dos. La présence d’une condition antérieure ne peut cependant faire échec à la reconnaissance d’un accident du travail en présence d’un nouveau fait accidentel bien documenté : il s’agit là d’une application de la règle du crâne fragile. Le travailleur a donc subi un accident du travail le 29 juillet 2002.

 

 

[17]      Alors que nous aurions dû lire à ce paragraphe :

Il est vrai qu’avant le 30 juillet 2002 le travailleur avait encore des douleurs au dos. La présence d’une condition antérieure ne peut cependant faire échec à la reconnaissance d’un accident du travail en présence d’un nouveau fait accidentel bien documenté : il s’agit là d’une application de la règle du crâne fragile. Le travailleur a donc subi un accident du travail le 30 juillet 2002.

 

 

[18]      À la page 15, nous lisons :

DÉCLARE que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 29 juillet 2002;

 

 

[19]      Alors que nous aurions dû lire :

DÉCLARE que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 30 juillet 2002;

 

 

[20]      À la note de bas de page numéro 3, nous lisons :

3 Nobili et Fruits Butner ltée, [1997] C.A.L.P. 734 .

 

 

[21]      Alors que nous aurions dû lire :

3 Nobili et Fruits Botner ltée, [1997] C.A.L.P. 734 .

 

 

 

__________________________________

 

Me Jean-François Clément

 

Commissaire

 

 

 

 

M. Jean Philibert

A.T.T.A.M.

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Michel Côté

PANNETON LESSARD

Représentant de la partie intervenante


 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Trois-Rivières

4 décembre 2003

 

Région :

Mauricie

 

Dossier :

201487-04-0303

 

Dossier CSST :

121174296

 

Commissaire :

Me Jean-François Clément

 

Membres :

Ginette Vallée, associations d’employeurs

 

Henri Provencher, associations syndicales

 

 

Assesseur :

Dr René Boyer

______________________________________________________________________

 

 

 

Sylvain Bouchard

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Nettoyage Docknet inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]    Le 11 mars 2003, M. Sylvain Bouchard (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 28 janvier 2003 à la suite d’une révision administrative.

[2]    Par cette décision, la CSST confirme celles qu’elle a initialement rendues les 18 juillet et 20 septembre 2002 et déclare que le travailleur est capable d’exercer son emploi prélésionnel depuis le 17 juillet 2002 le privant ainsi du droit à l’indemnité de remplacement du revenu. Elle déclare aussi qu’il n’a pas subi de lésion professionnelle le 29 juillet 2002.

[3]    Une audience est tenue le 22 octobre 2003 à Trois-Rivières en présence du travailleur, de son représentant, de l’employeur et d’un procureur de la CSST.

[4]    Le travailleur et la CSST se sont engagés à produire des documents après l’audience, lesquels ont été reçus par le commissaire soussigné le 3 décembre 2003. C’est à cette date que le dossier a été pris en délibéré.

 

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[5]    Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître qu’il n’était pas capable de reprendre son emploi le 17 juillet 2002 et qu’il avait droit à la poursuite de l’indemnité de remplacement du revenu. Il demande également de reconnaître qu’il a été victime d’un nouvel accident du travail le 30 juillet 2002 qui a aggravé sa condition passée.

 

LES FAITS

[6]    De l’ensemble du dossier et de la preuve, la Commission des lésions professionnelles retient principalement les éléments suivants.

[7]    Le 22 septembre 2000, la Commission des lésions professionnelles rend une décision dans le dossier 123991-04-9909 concernant le travailleur et un autre employeur. Par cette décision, le tribunal décide que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le 23 octobre 1997 en relation avec un événement initial du 7 février 1996 où il avait effectué un faux mouvement en levant une chaudière d’eau en relation avec un diagnostic de myalgie thoracique antérieure gauche simple. On parle également dans cette décision de la découverte d’une scoliose dorsale associée le 2 décembre 1996. Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles refuse donc la relation entre les diagnostics d’entorse dorsale, de scapulalgie, d’entorse intercostale et de costalgie en rapport avec la lésion initiale.

[8]    Le 31 juillet 2001, le travailleur subit un accident du travail qu’il décrit comme suit dans sa réclamation du 13 août 2001 :

J’étais entrain d’enlever le tuyau du capteur après le conduit de ventilation quand j’ai perdu l’équilibre en tirant dessus, tombe en bas de l’escabeau, sur les talons mais essayer de me retenir avec le bras gauche, pas été capable.  [sic]

 

 

[9]    Sa réclamation indique que cet événement est survenu vers 10 h 15.

[10]           Apparaît au dossier un « Avis de l’employeur et demande de remboursement » qui indique que le même jour vers 10 h 30 le travailleur se serait blessé au poignet avec une perceuse à batterie.

[11]           Le 31 juillet 2001, le docteur M. Boissonneault diagnostique une entorse lombaire avec étirement musculaire thoracique gauche. Il indique qu’il s’agit d’une rechute. La note consignée au dossier médical indique des antécédents de douleurs lombaires et thoraciques gauches en CSST depuis deux ans.

[12]           Le 6 août 2001 et à plusieurs reprises par la suite, le docteur Boissonneault revoit son patient et maintient qu’il est aux prises avec des problèmes lombaires et thoraciques. Les traitements de physiothérapie sont prescrits.

[13]           Le 15 août 2001, une note évolutive relatant une conversation entre l’agent d’indemnisation et le travailleur indique que lors de sa chute, le travailleur n’a pas ressenti de douleur sur le coup mais elles seraient apparues en fin de matinée ou début d’après-midi. Le même jour, une représentante de l’employeur communique avec la CSST pour lui mentionner que le jour de l’événement, le travailleur se plaignait de douleurs à la main droite mais jamais au niveau de son dos. Le lendemain, le travailleur s’est rendu voir l’employeur pour remettre un billet médical et il a mentionné qu’il n’avait ressenti qu’un petit coup dans le dos lors de la chute, sans impact.

[14]           Le 6 septembre 2001, la CSST rend une décision acceptant la lésion du 31 juillet 2001 en relation avec un diagnostic d’étirement musculaire dorsolombaire et thoracique gauche (pièce E-1). Le diagnostic de costalgie sera accepté par une décision ultérieure.

[15]           Le 11 septembre 2001, le docteur Chaîné diagnostique une costalgie et une entorse lombaire.

[16]           Le 20 septembre 2001, une tomodensitométrie lombaire démontre au niveau L4-L5 une impression discale au plateau vertébral supérieur de L5 sans signe de hernie. Il y a aussi légère arthrose facettaire.

[17]           Le 13 octobre 2001, une scintigraphie osseuse révèle une légère scoliose dorsolombaire avec minime hyperactivité sur le versant gauche de L3 pouvant représenter une légère atteinte dégénérative. Le reste de l’examen se situe à l’intérieur des limites de la normale.

[18]           Le 15 octobre 2001, des radiographies révèlent une légère spondylose en dorsal inférieur, une minime déviation scoliotique vers la gauche en dorsal inférieur, une anomalie transitionnelle à la jonction lombo-sacrée, une sacralisation partielle de L5 avec possibilité de néoarticulation ainsi que des signes peu marqués de discopathie dégénérative à L2-L3 et L4-L5.

[19]           Le même jour, une résonance magnétique démontre une légère discopathie dégénérative à L2-L3 et L4-L5 sans répercussion sténosante vraiment significative sur le canal spinal et son contenu.

[20]           Le 18 octobre 2001, le docteur Chaîné mentionne la présence d’une dorsolombalgie et d’une costalgie. Il reverra souvent le patient par la suite et maintiendra ces diagnostics en plus de celui d’entorse lombaire. Il réfère son patient au docteur Nadeau, ostéopathe à Shawinigan-Sud.

[21]           Le 28 février 2002, le docteur Nadeau rencontre le travailleur et note un spasme paravertébral droit plus que gauche avec diminution de la force au membre inférieur droit et à L4-L5 à droite. Il y a certaines limitations de mouvements.

[22]           Le 18 mars 2002, le travailleur rencontre le docteur Pierre Béliveau, physiatre, à la demande de la CSST (article 204). L’événement lui est rapporté par le travailleur : il aurait perdu l’équilibre et serait tombé en bas de l’escabeau debout sur les talons. Au niveau des antécédents, il mentionne un accident survenu en 1996 alors qu’il s’est blessé à la région lombaire en soulevant un seau d’eau au travail. Il y a eu à ce moment six mois d’arrêt de travail. Le travailleur aurait contesté cette décision de retour au travail et il n’y serait pas retourné, bénéficiant d’aide sociale jusqu’en 1998 alors qu’il a commencé des travaux de peinture sur meuble et sur toile jusqu’en mai 2001, moment où il a débuté son emploi chez l’employeur. À l’examen, le Schober est limité et l’amplitude des mouvements lombaires est également limitée. En conclusion, il émet le diagnostic d'entorse lombaire pour laquelle il persiste encore des signes d’une atteinte facettaire lombo-sacrée. Il ne peut éliminer la présence d’une petite hernie discale centrale L3-L4. Il y a également une chondrite sternale des troisième et quatrième côtes gauches. Il estime que la lésion n’est pas consolidée et qu’il est trop tôt pour fixer un déficit anatomo-physiologique ou des limitations fonctionnelles. Il suggère une approche thérapeutique.

[23]           Le 21 mars 2002, le docteur Chaîné réfère sa patiente à la docteure Josée Fortier, physiatre, qui rencontre le travailleur le 3 avril 2002. Elle diagnostique une lombalgie mécanique d’origine facettaire de même qu’une discopathie. Elle suggère l’administration de blocs facettaires qui sont prodigués le 24 mai 2002.

[24]           Le 12 juin 2002, la docteure Fortier revoit le travailleur et mentionne que la lombalgie est augmentée depuis les blocs facettaires. Elle suggère un programme PERT et un électromyogramme.

[25]           Le 19 juin 2002, la docteure Fortier émet un premier rapport final consolidant la lésion au 19 juin 2002 avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles. Elle indique qu’elle produira le rapport d’évaluation en conformité avec le Règlement sur le barème des dommages corporels[1]et qu’elle reverra le travailleur le 17 juillet à 11 h 30 à cet effet. Elle suggère une épidurale (pièce T-2).

[26]           Le 2 juillet 2002, la docteure Fortier a une conversation téléphonique avec l’agent d’indemnisation de la CSST. Elle mentionne avoir vu le travailleur au Lac-en-Cœur pendant plusieurs minutes se déplacer sans démarche antalgique et soulever des charges, bref déambuler comme si de rien n’était, sans boiterie. Elle mentionne que lors du prochain rendez-vous du travailleur, elle le confrontera et ne voit plus la nécessité d’envoyer le travailleur au programme PERT.

[27]           Le 17 juillet 2002, le travailleur rencontre la docteure Fortier tel que prévu. Celle-ci émet cependant un deuxième rapport final consolidant la lésion au 17 juillet 2002 sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles. Dans sa note médicale, elle mentionne ce qui suit pour justifier son changement d’opinion :

-          Patient devait avoir APIP ce jour

-          J’ai vu ce patient à 2 reprises dans un endroit public et celui-ci me semblait en excellente condition physique.

 

-          Je l’ai vu ce [sic] :               -    pencher

-        lever charge

-        Marcher sans boiterie

 

-          J’ai expliqué ceci au patient, j’étais présentement non objective dans l’évaluation et que la CSST devra prendre une décision.

 

-          Je l’ai consolidé sans atteinte ni limitations

 

-          Je lui ai expliqué ses droits p/r à la contestation

 

-          Il verra Mme Charland ce PM

 

 

 

[28]           Le 30 juillet 2002, le travailleur ressent une douleur dorsale en amenant et en levant une grosse poubelle remplie d’eau graisseuse. Il était alors à laver des hottes de poêle dans un restaurant de Ste-Anne-de-la-Pérade. Sur sa réclamation du 15 août 2002, il indique qu’il s’agit d’un accident du travail mais il inscrit la date du 30 juillet 2002 sous la rubrique récidive, rechute ou aggravation.

[29]           Le 30 juillet 2002, le docteur B. Dubuc mentionne la présence d’une lombalgie aiguë survenue alors que le travailleur levait un objet lourd. Il a lors senti une douleur lombaire vive irradiant à la jambe droite jusqu’au gros orteil. À l’examen, le Lasègue est à 45o à droite et il y a limitation de certains réflexes.

[30]           Le 31 juillet 2002, le docteur Trudel parle d’une entorse lombaire et d’une discopathie.

[31]           Le 4 décembre 2002, une résonance magnétique démontre l’apparition d’une toute petite hernie discale centrale à L4-L5 sur un disque dégénéré.

[32]           Le 11 décembre 2002, le docteur Truffer, neurochirurgien, rencontre le travailleur. Il conclut à l’absence d’atteinte neurologique et à la présence d’une discopathie non chirurgicale.

[33]           Le 14 décembre 2002, le travailleur adresse une lettre à la CSST. Il y a lieu d’en reproduire certains extraits :

Bonjour à vous, je vous écris pour vous faire part de ma situation médical et financière, tel que demandé par téléphone le 11 décembre 2002. Au mois de juin 2002, j’ai consulté le docteur Fortier, à ma consultation elle m’a remis un papier bleu sur lequel était indiqué oui au sujet des limitations, or elle m’a donné un autre rendez-vous pour fixer mes limitations en juillet 2002. Me voici à la consultation de juillet 2002, elle me dit que je suis guérit et que j’étais capable de recommencer mon travail, je lui explique mon point de vue à ce sujet. Sans me faire passer aucun test, car elle dit m’avoir observé en juin dernier au Lac en cœur quand j’ai été chercher les enfants avec ma copine, je l’ai meme vue et lui ai envoyé la main à cet endroit, elle me resigne un papier bleu sur lequel elle inscrit, non au sujet des limitations. Elle m’a dit que je pouvais contesté cette décision. Mais, je suis quand meme parti de son bureau avec une prescription pour me faire donner une épidurale. Je me suis présenté au bureau de CSST rencontrer mon agent. Elle m’a dit qu’avec ce papier son travaille était terminé, je devais donc retourner travailler. Elle m’a aussi expliqué l’art 32 et que je pouvais contester cette décision. (cela faisait environ 2 mois que la rencontrais pour une réorientation de travail.) Elle me disait elle meme que je ne serai plus capable d’effectuer ce genre de travail, elle avait meme appelé mon employeur pour du travail léger.  [sic]

 

 

[34]           Le 11 janvier 2003, le docteur Jocelyn Trudel prépare un complément d’information en tant que médecin de famille du travailleur (pièce T-1).

[35]           Le seul témoin entendu est le travailleur. Il relate les circonstances de l’événement survenu le 31 juillet 2001. Il se trouvait alors en haut de l’escabeau à une hauteur d’environ 8 à 10 pieds du sol. À un certain moment donné, il est tombé au sol sur ses talons pour ensuite tomber assis par terre. Il a continué son travail jusqu’à 16 h mais avait de la difficulté à faire des efforts pendant l’après-midi. À la fin de l’après-midi, il s’est rendu consulter le docteur Boissonneault à sa clinique médicale. Par la suite, le docteur Chaîné est devenu son médecin de famille.

[36]           Vers 1995 ou 1996, il avait subi une lésion professionnelle au niveau du thorax et il avait reçu des indemnités de la CSST pendant environ quatre mois. Cette lésion avait été consolidée sans atteinte ni limitations fonctionnelles. Il n’avait ressenti aucun problème thoracique jusqu’au nouvel événement du 31 juillet 2001. Les traitements de physiothérapie qu’il a reçus pendant trois ou quatre mois ne l’ont pas aidé. Il a ensuite été référé en ergothérapie. Il a également rencontré le docteur M. Nadeau qui est orthopédiste et ostéopathe.

[37]           Dans le cadre de son deuxième rapport final, la docteure Fortier ne lui donne aucune atteinte ni limitations fonctionnelles parce qu’elle l’a vu dans un endroit public et qu’elle estime qu’il est en bon état de santé. Il précise qu’il a rencontré la docteure Fortier au Lac-en-Cœur alors qu’il allait chercher ses enfants. La seule charge qu’il portait dans ses bras était un oreiller et un sac de couchage et il ne s’est pas caché puisqu’il l’a même saluée. Il lui a même présenté son amie. Il a pu se pencher à cette occasion car aucun de ses médecins ne lui avait interdit de le faire. Ses douleurs allaient de toute façon en augmentant et en diminuant selon les activités qu’il faisait. De plus, les médicaments qu’il prenait, soit du Neurotyn, de la morphine et des Empracets, avaient pour effet d’« engourdir son mal » et de le rendre plus mobile. La docteure Fortier l’a donc rencontré alors qu’il était dans une condition acceptable. Elle ne l’a pas observé longtemps. Il lui arrive souvent de marcher sans boiterie et il n’y a rien de surprenant à cela. Les activités auxquelles il s’adonnait au Lac-en-Cœur ce jour-là ne lui ont été interdites d’aucune façon et étaient plutôt légères.

[38]           Suite au deuxième rapport final, il a tenté de retourner au travail. Dans la nuit du 29 au 30 juillet, lors du premier quart de travail, il a dû manipuler une poubelle de 30 pouces de haut qui était pleine d’eau graisseuse. Il était alors avec un compagnon de travail. Il a initialement tenté de lever le seau seul mais la douleur est apparue immédiatement. Il a obtenu ensuite de l’aide de son compagnon pour transporter le seau sur de petites distances à la fois. Le seau pesait de 100 à 150 livres. En le levant, il a senti une douleur immédiate dans le bas du dos et il l’a mentionné à son collègue de travail. Il a ensuite obtenu de l’aide pour lever cette poubelle. Il estime que malgré le deuxième rapport final de la docteure Fortier, il n’était pas guéri ni apte au travail.

[39]           Son médecin de famille, le docteur Chaîné, a cessé de pratiquer la médecine et il a par la suite confié son dossier au docteur Trudel.

[40]           Au printemps 2002, un TENS lui a été payé par la CSST.

[41]           Il a rencontré le docteur Béliveau le 25 novembre 2002 et a payé une résonance magnétique de sa poche. Il est également retourné aux études à ses frais dans un programme d’analyste. Il mentionne que contrairement à ce qui est écrit aux notes évolutives, il a ressenti des douleurs immédiatement lors de l’événement.

[42]           Bien que l’accident de 1996 ait surtout intéressé son thorax, il avait éprouvé certaines douleurs au dos à ce moment. Entre 1996 et 2001, les douleurs au dos allaient et venaient selon les activités.

[43]           Il ne comprend pas pourquoi la docteure Fortier s’est étonnée du fait qu’il marchait sans boiterie puisque sa boiterie était intermittente selon ses activités et sa médication. Il ne se souvient pas si les quelques fois où il est allé voir la docteure Fortier il boitait ou non.

[44]           Le travailleur exhibe le site de ses douleurs lors de l’événement de 1996. Elles étaient situées à la région précordiale du thorax gauche au niveau des quatrième, cinquième et sixième côtes. Des douleurs étaient également ressenties de D12 à L5 au centre. Il mentionne que les douleurs aujourd’hui sont situées environ au même endroit. Il ne pratique aucun sport ni activité physique. Il allait très bien avant le 31 juillet 2001.

[45]           Entre 1996 et 2001, il s’est adonné à la peinture sur toile, il a décoré sa maison de peintures artistiques pour lesquelles il a eu une subvention et il a travaillé chez Norsk Hydro trois à quatre semaines en 1999.

[46]           Il lui était déjà arrivé de lever des chaudières d’eau dans le passé.

[47]           Lorsqu’il s’est rendu chez la docteure Fortier alors qu'elle devait préparer le rapport d’évaluation médicale, la secrétaire a repris le premier rapport final, l’a déchiré et lui en a remis un autre contredisant le premier. Il n’y a eu aucun examen d’aucune sorte. La docteure Fortier lui a mentionné que s’il n’était pas content, il n’avait qu’à contester. Elle lui a mentionné que lorsqu’elle l’avait vu au Lac-en-Cœur, elle trouvait qu’il allait bien. Il mentionne qu’il a parlé de ses problèmes de poignet au médecin consulté le 31 juillet 2001. Il n’en a cependant pas fait mention dans sa note.

[48]           On fait remarquer au travailleur que les réclamations déposées au dossier indiquent que l’événement concernant le poignet serait arrivé après celui concernant le dos alors qu’il mentionne le contraire à l’audience.

 

L’ARGUMENTATION DES PARTIES

[49]           Le représentant du travailleur estime que la docteure Fortier n’a pas agi de façon convenable en modifiant son rapport final. Elle indique bien à sa note que le travailleur « semble » en meilleur état. Elle ne l’a toutefois pas examiné et s’est fiée à sa perception. Elle contredit de plus les opinions qu’elle avait émises dans le passé notamment lors des bilans verbaux avec la docteure Lemay de la CSST. Le suivi médical par la suite indique qu’il y avait existence de séquelles. La deuxième résonance magnétique démontrait également une détérioration radiologique. Le travailleur est crédible et à la fin juillet 2002 il a aggravé sa condition parce qu’il n’était pas capable de reprendre son travail. Si le tribunal estime que le travailleur ne pouvait reprendre son travail, l’événement de la fin juillet 2002 n’était que la continuité d’une condition déjà installée. Par contre, s’il y a capacité de travail, le travailleur a subi une récidive, rechute ou aggravation ou encore un nouvel accident du travail le 30 juillet 2002. Comme le diagnostic de discopathie dégénérative a été porté tout au long du dossier et n’a jamais été écarté par une décision de la CSST, on doit donc reconnaître qu’il a été accepté. Même le docteur Béliveau mandaté par la CSST a parlé de hernie discale. Les diagnostics sont généralement évolutifs et le dossier démontre que la discopathie a été acceptée puisque la CSST a indemnisé le travailleur et lui a octroyé des soins et des traitements alors que les diagnostics étaient différents de ceux contenus dans la décision initiale.

[50]           L’employeur mentionne qu’il avait demandé au travailleur s’il avait déjà eu des problèmes au dos avant de l’embaucher et le travailleur avait affirmé que non. Le travail effectué par le travailleur est exigeant et il aurait dû divulguer ses antécédents. La poubelle employée par le travailleur le 30 juillet 2002 est faite de plastique mince et il est impossible de la remplir plus qu’à la moitié. Elle estime son poids à environ 50 livres et croit qu’il est impossible pour le travailleur de la lever seul parce que le plastique dont elle est faite est malléable.

[51]           Le procureur de la CSST estime que la docteure Fortier pouvait remplacer son rapport final initial étant dans une situation imprévisible. Comme elle a vu le travailleur au Lac-en-Cœur à deux reprises, il s’agissait d’une telle situation. En se basant sur ce nouveau rapport final, il est clair que le travailleur avait la capacité d’effectuer son travail. Quant à la lésion du 29 juillet 2002, son diagnostic est celui de discopathie. Aucune preuve au dossier ne relie ce diagnostic à l’événement initial. L’événement initial n’était pas important puisqu’il n’a causé aucune douleur sur le coup comme l’indiquent les notes évolutives. Le travailleur est affecté d’une condition personnelle importante qui ne peut être reliée à l’événement de juillet 2001 ou au nouvel événement de juillet 2002. Le 30 juillet 2002, aucun événement imprévu et soudain n’est survenu ni aucun geste pouvant causer une telle discopathie. Aucun changement significatif n’existe dans la deuxième résonance magnétique par rapport à la première. Il estime que le seul diagnostic liant est contenu à la pièce I-1. Le fait d’insérer un diagnostic sur une attestation médicale ne constitue pas une preuve de relation avec le travail. Le diagnostic de discopathie n’a jamais été reconnu puisque la CSST n’a pas rendu de décision écrite et motivée pour l’accepter. Il n’y a de plus aucune décision implicite. Le diagnostic de discopathie ne peut donc d’aucune façon être relié à l’événement initial.

 

L’AVIS DES MEMBRES

[52]           Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs partagent en grande partie le même avis. Le deuxième rapport final de la docteure Fortier doit être écarté vu le caractère final du premier. Aucune situation imprévisible n’a été prouvée à la satisfaction du tribunal devant l’imprécision des affirmations de la docteure Fortier qui n’a pas témoigné à l’audience et qui aurait dû se retirer du dossier et le confier à un confrère de concert avec le travailleur afin qu’un rapport d’évaluation médicale soit préparé. Le dossier doit donc être retourné à la CSST afin qu’un tel rapport d’évaluation médicale soit obtenu d’un autre médecin que la docteure Fortier.

[53]           Le membre issu des associations syndicales estime quant à lui qu’il n’y a ni récidive, rechute ou aggravation ni accident du travail le 29 juillet 2002 mais la continuation de la même symptomatologie alléguée par le travailleur suite à l’événement initial.

[54]           La membre issue des associations d’employeurs estime quant à elle qu’il n’y a pas preuve d’une récidive, rechute ou aggravation ou d’un nouvel accident du travail le 29 juillet 2002. Elle a également noté que la crédibilité du travailleur a été éprouvée lors de l’audience puisque plusieurs contradictions sont apparues dans la preuve. Elle a également noté que l’expérience de travail de M. Bouchard se limite à peu de choses.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[55]           Pour rendre sa décision, la Commission des lésions professionnelles a pris connaissance de l’ensemble de la documentation au dossier, des témoignages rendus à l’audience, de l’argumentation des parties et tenu compte de l’avis des membres. Elle rend en conséquence la décision suivante.

[56]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur était capable de reprendre son emploi le 17 juillet 2002. Elle doit également déterminer s’il a subi une lésion professionnelle le 30 juillet 2002.

[57]           Il est évident que la question de la capacité de travail est largement sinon exclusivement tributaire de l’existence et de la description d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles.

[58]           Il importe donc de décider lequel des deux rapports finaux de la docteure Fortier lie la CSST et le présent tribunal en l’espèce. Il est bien établi que la CSST et par la suite la Commission des lésions professionnelles sont liées par le rapport du médecin du travailleur sur les questions d’ordre médical visées à l’article 212 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la Loi)[3].

[59]           La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles donne beaucoup de pouvoir au médecin qui a charge du travailleur puisque son avis liera la CSST à moins qu’une procédure d’évaluation médicale ne soit enclenchée à l'initiative de la CSST ou de l’employeur. C’est donc dire que le travailleur ne peut d’aucune façon contester l’avis émis par son médecin traitant sur les questions médicales prévues à l’article 212 et ce contrairement à ce que semble en penser la docteure Fortier. Cette lourde responsabilité qui est source de conséquences importantes pour un travailleur ou une travailleuse devrait avoir comme contrepartie qu’avant de poser un jugement ou d’émettre une opinion, un médecin s’assure d’avoir en main toutes les données pertinentes et nécessaires à l’évaluation d’une question.

[60]           Or, le tribunal ne croit pas que la docteure Fortier ait agi d’une façon convenable dans ce dossier. En effet, elle change son opinion de façon drastique en se basant sur les impressions laissées par deux rencontres fortuites du travailleur. Dans sa note médicale du 17 juillet 2002, elle mentionne que le travailleur lui « semble » en excellente condition physique. Il s’agit là d’une pure impression énoncée en des termes peu convaincants. Elle affirme l’avoir vu se pencher sans mentionner à quel degré. Il aurait levé des charges mais elle ne mentionne pas de quelles charges il s’agit. Le travailleur mentionne qu’il s’agissait tout au plus d’un sac de couchage et d’un oreiller. Le travailleur aurait marché sans boiterie alors que sa boiterie était intermittente, ce qui peut très bien s’expliquer. Il semble peu convenable que la docteure Fortier en soit arrivée à des conclusions aussi néfastes pour le travailleur sans avoir à tout le moins procédé à un examen physique. Comment peut-elle tout à coup, sur de simples impressions, anéantir l’opinion émise antérieurement à l’effet que le travailleur était aux prises avec une pathologie importante nécessitant un programme PERT? Elle-même indique dans ses notes du 17 juillet 2002 qu’elle ne croyait plus être objective. Pourtant, elle dépose un deuxième rapport final qui signifie ni plus ni moins que la peine de mort pour son patient. Le tribunal croit que si elle ne se sentait plus objective, elle devait référer le dossier à un collègue qui aurait procédé à l’examen du travailleur et qui aurait pu, parmi d’autres critères, tenir compte des observations de la docteure Fortier au Lac-en-Cœur. Elle était sur l’impression que son patient pourrait contester son avis, ce qui n’est pas le cas. Le tribunal n’a pas bénéficié du témoignage de la docteure Fortier qui aurait pu peut-être parfaire la preuve au dossier. Cependant, sa note médicale et sa conversation avec l’agent d’indemnisation ne sont pas assez précises pour que le tribunal puisse considérer que le travailleur avait posé des actes qui allaient en contradiction flagrante avec l’état objectivé antérieurement. La docteure Fortier n’a pas non plus expliqué si le fait que le travailleur prenait des médicaments pouvait expliquer certaines améliorations intermittentes de son état.

[61]           Le tribunal croit donc qu’une observation visuelle ne remplace pas un goniomètre et qu’un examen aurait dû avoir lieu avant de contrecarrer les acquis du travailleur qui était en voie de se faire reconnaître une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. Cet examen aurait pu être accompagné de tests croisés qui auraient permis à la docteure Fortier de vérifier si le travailleur était fiable dans le cadre de l’examen objectif. Cependant, le tribunal le répète, la docteure Fortier ne semblait plus avoir la sérénité pour jouer son rôle de médecin qui a charge avec toutes les conséquences qu’il comporte. Elle aurait dû se retirer du dossier et recommander le travailleur à un collègue.

[62]           En émettant un premier rapport final, la docteure Fortier a posé un jugement. Ce rapport final, de par sa nature et son appellation, implique donc qu’il s’agit du rapport définitif quant à l’état de santé d’un travailleur suite à une lésion professionnelle sous réserve de la production d’un rapport d’évaluation médicale.

[63]           Un rapport final ne peut être modifié que pour corriger une erreur matérielle manifeste ou en raison d’une situation inattendue[4]. Le tribunal ne croit pas être en présence de l’un ou de l’autre en l’espèce. Ainsi, aucune erreur matérielle manifeste n’a été alléguée ou prouvée. Reste la situation inattendue ou imprévisible. Une amélioration exceptionnelle de l’état d’un travailleur avec preuve prépondérante à l’appui peut peut-être constituer une telle situation inattendue. Cependant, en l’espèce, le tribunal répète que les allégations imprécises et incomplètes de la docteure Fortier ne peuvent convaincre le tribunal de l’existence d’une situation inattendue ou imprévisible. Le tribunal ne voit en l’espèce rien de nouveau ou d’exceptionnel prouvé par prépondérance de preuve qui lui permette de ne pas respecter la règle établie par la jurisprudence à l’effet qu’un rapport final doit rester final et définitif[5].

[64]           En conséquence, le tribunal constate que le premier rapport final de la docteure Fortier est liant au sens de l’article 224 et en conséquence, il retourne le dossier à la CSST afin qu’un rapport d’évaluation médicale soit obtenu du médecin qui a charge de la travailleuse, médecin qui doit être différent, vu les circonstances déjà exposées, de la docteure Josée Fortier. Bien entendu, les droits de la CSST et de l’employeur de contester ce rapport son préservés. Ainsi, si le rapport d’évaluation médicale à venir prévoit l’existence d’une atteinte permanente ou de limitations fonctionnelles, la CSST et l’employeur pourront faire valoir leurs recours s’il y a lieu. Suite à ce processus, la CSST devra se prononcer sur la capacité du travailleur à refaire son travail. En conséquence, la décision rendue par la CSST décrétant la capacité de travail au 17 juillet 2002 doit être annulée puisque basée sur le deuxième rapport final qui doit être écarté. En l’absence d’une description de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles, et en l’absence d’une certitude qu’une telle atteinte et que de telles limitations seront maintenues dans le rapport d’évaluation médicale, il est impossible pour le présent tribunal de se prononcer sur cette question. La CSST devra donc se prononcer à nouveau lorsqu’elle aura obtenu le rapport d’évaluation médicale ou l’avis du Bureau d’évaluation médicale.

[65]           Le tribunal doit maintenant décider si le travailleur a subi une lésion professionnelle le 29 juillet 2002. Cette notion est ainsi définie par la Loi :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.

 

 

[66]           Dans un premier temps, malgré que le dossier ait été aligné vers la notion de récidive, rechute ou aggravation, le travailleur prétend plutôt avoir été victime d’un accident du travail le 29 juillet 2002. Cette notion est aussi définie à l’article 2 de la Loi :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

 

« accident du travail » : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.

 

 

[67]           En cette matière, le législateur a prévu une présomption à l’article 28 de la Loi, lequel se lit comme suit :

28. Une blessure qui arrive sur les lieux du travail alors que le travailleur est à son travail est présumée une lésion professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 28.

 

 

[68]           Les diagnostics retenus de façon prédominante par les médecins qui ont examiné le travailleur après le 30 juillet 2002 sont ceux d’entorse lombaire et de discopathie. Ces diagnostics n’ont été contestés d’aucune façon et lient le présent tribunal au sens de l’article 224 de la Loi. La discopathie n’est pas une blessure mais l’entorse lombaire en est une et ce tel que reconnu par une jurisprudence constante[6]. Le tribunal estime également que cette entorse est survenue au travail puisque le geste posé par le travailleur lorsqu’il a soulevé le seau d’eau est susceptible de provoquer l’apparition d’une entorse lombaire vu la position dans laquelle le travailleur était, la sollicitation de la région lombaire, l’apparition d’une douleur immédiate à ce niveau et le poids significatif qu’il a soulevé et ce, qu’il soit de 50 livres comme le prétend l’employeur ou d’une centaine de livres comme le prétend le travailleur[7]. La version du travailleur est d’ailleurs corroborée par la note médicale consignée le jour même de la lésion à l’urgence du Centre hospitalier du Centre-de-la-Mauricie. La preuve a également démontré que le travailleur était en train d’exécuter son travail.

[69]           La consultation médicale a été immédiate et un avis a été donné à l’employeur rapidement après l’événement. Dans ces circonstances, la présomption prévue à l’article 28 de la Loi trouve application.

[70]           La présomption de l’article 28 fait donc présumer de l’existence d’un accident du travail et donc d’une lésion professionnelle[8]. Une fois cette présomption établie, le travailleur n’a pas à prouver que sa blessure résulte d’un accident du travail ou donc d’un événement imprévu et soudain puisque la lésion professionnelle est présumée[9].

[71]           Pour renverser cette présomption, l’employeur ou la CSST devait démontrer par une preuve prépondérante que la blessure n’était pas survenue par le fait ou à l’occasion du travail, soit une preuve d’absence de relation : cette preuve est totalement absente en l’espèce[10].

[72]           Le procureur de la CSST a tenté par son interrogatoire de faire ressortir certaines contradictions surtout en ce qui concerne l’événement initial. Même si certaines contradictions existent, il n’en reste pas moins que l’événement initial a été dûment reconnu par la CSST sans qu’aucune contestation ne soit logée à l’encontre de cette décision. La lésion du 31 juillet 2001 a donc été reconnue par une décision finale et irrévocable. Il est un peu tard à ce stade-ci pour tenter d’affecter la crédibilité du travailleur en démontrant certaines contradictions au niveau des faits entourant la survenance de cette lésion.

[73]           Il est vrai qu’avant le 29 juillet 2002 le travailleur avait encore des douleurs au dos. La présence d’une condition antérieure ne peut cependant faire échec à la reconnaissance d’un accident du travail en présence d’un nouveau fait accidentel bien documenté : il s’agit là d’une application de la règle du crâne fragile. Le travailleur a donc subi un accident du travail le 29 juillet 2002.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de M. Sylvain Bouchard, le travailleur;

INFIRME la décision rendue par la CSST le 28 janvier 2003 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le rapport final qui lie la CSST est celui du 19 juin 2002 et que comme il est incomplet, il doit être complété par un rapport d’évaluation médicale;

ORDONNE à la CSST, en collaboration avec le travailleur, d’obtenir du médecin qui a charge un rapport d’évaluation médicale se prononçant sur l’existence d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles et le cas échéant sur leur description, ce rapport ne devant pas être préparé par la docteure Josée Fortier;

ORDONNE à la CSST, sur réception du rapport d’évaluation médicale ou du rapport du Bureau d’évaluation médicale, de se prononcer sur la capacité du travailleur de reprendre son emploi;

DÉCLARE que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 29 juillet 2002;

ET

 

DÉCLARE que le travailleur a droit aux bénéfices prévus par la Loi.

 

 

__________________________________

 

Me Jean-François Clément

 

Commissaire

 

 

 

 

M. Jean Philibert

A.T.T.A.M.

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Michel Côté

PANNETON LESSARD

Représentant de la partie intervenante

 

 



[1]          (1987) 119 G.O. II, 5576.

[2]          L.R.Q. c. A-3.001.

[3]          Nobili et Fruits Butner ltée, [1997] C.A.L.P. 734 .

[4]          Voir notamment Lab Crisotile inc. et Dupont, [1996] C.A.L.P. 132 ; Teinturerie perfection Canada inc. et Godefroid MBO KIL, C.L.P. 167421-72-0108, 23 mai 2002, D. Lévesque.

[5]          Paulaszek et Hôpital Reine-Élizabeth, C.A.L.P. 69046-60-9505, 30 juillet 1996, B. Lemay; Molson Outaouais ltée c. CSST, DTE 92T-491 (C.S.); Talbot et Centre hospitalier la Pieta, [1991] C.A.L.P. 492 .

[6]          Lévesque et STCUM, [1988] C.A.L.P. 903 ; Poisson et Urgences santé, [1999] C.L.P. 869 ; Bourret et Dominion Textile inc., [1992] C.A.L.P. 313 , requête en révision judiciaire rejetée, [1992] C.A.L.P. 1169 (C.S.)

[7]          Lafrenière et Wal-Mart Canada inc., C.L.P. 137073-63-0005, 17 janvier 2001, M. Gauthier.

[8]          Forex inc. et Deschamps, [1987] C.A.L.P. 328 ; Michaud c. C.L.P., [2001] C.L.P. 156 (C.S.)

[9]          Fuoco et Sûreté du Québec, [1993] C.A.L.P. 873 ; Poisson et Urgences santé, précitée note 6.

[10]        Ouellette et Centre hospitalier Maisonneuve Rosemont, [1994] C.A.L.P. 1442 ; Provigo distribution et Ingui, C.L.P. 133677-71-0003, 24 août 2001, M. Zigby (décision sur requête en révision).

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