Décision

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Centre petite enfance Gaminville

2011 QCCLP 763

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

3 février 2011

 

Région :

Laval

 

Dossier :

419455-61-1009

 

Dossier CSST :

133941815

 

Commissaire :

Lucie Nadeau, juge administrative

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Centre Petite Enfance Gaminville

 

Partie requérante

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 15 septembre 2010, le Centre Petite Enfance Gaminville (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 24 août 2010 à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 29 avril 2010 et déclare que le coût des visites médicales effectuées après la date de consolidation de la lésion professionnelle subie par Mme Carole Boutin (la travailleuse) doit être imputé au dossier de l’employeur.

[3]           L’audience était prévue pour le 5 janvier 2011 à Laval. L’employeur a avisé de son absence et a déposé une argumentation écrite. Le 2 février 2011, le président de la Commission des lésions professionnelles a rendu une ordonnance désignant la soussignée pour rendre la décision en remplacement d’une autre juge administrative.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il ne doit pas être imputé du coût des visites médicales postérieures au 24 avril 2009, date de la consolidation de la lésion professionnelle subie par la travailleuse.

LES FAITS

[5]           La travailleuse occupe un emploi d’éducatrice chez l’employeur. Le 24 octobre 2008, elle subit une lésion professionnelle en retenant dans ses bras un enfant de deux ans qui s’est projeté vers l’arrière.

[6]           Un diagnostic initial de tendinite au poignet droit est posé. La travailleuse bénéficie de divers traitements (physiothérapie, orthèse, infiltration, ergothérapie).

[7]           Le 24 avril 2009, la travailleuse est examinée par le Dr Richard Bonin à la demande de l’employeur. Celui-ci retient un diagnostic d’entorse du poignet droit. Il est d’opinion que la lésion professionnelle est consolidée à la date de son examen sans nécessité de traitements additionnels, sans atteinte permanente à l’intégrité physique ni limitation fonctionnelle.

[8]           À la suite de cette évaluation, un avis est demandé au Bureau d’évaluation médicale. La travailleuse est examinée le 7 juillet 2009 par le Dr André Léveillé. Ce dernier retient un diagnostic d’entorse du poignet droit. Il estime que la lésion est consolidée à la date de son examen, sans nécessité de soins supplémentaires, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.

[9]           La CSST rend une décision donnant suite à cet avis, décision qui est contestée par la travailleuse jusqu’à la Commission des lésions professionnelles. Le 30 mars 2010, la Commission des lésions professionnelles[1] rend une décision entérinant un accord intervenu entre l’employeur et la travailleuse. Cet accord porte uniquement sur la date de consolidation de la lésion professionnelle, de fin des traitements, de capacité de la travailleuse à occuper son emploi et de fin du droit aux prestations. Les autres conclusions du Bureau d’évaluation médicale demeurent inchangées.

[10]        Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles déclare que la lésion professionnelle est consolidée le 24 avril 2009, date de l’examen du Dr Bonin, sans nécessité de traitements supplémentaires après cette date. Elle déclare également que la travailleuse a récupéré la capacité d’exercer son emploi à cette date et qu’elle avait droit aux indemnités prévues à la loi jusqu’à cette date.

[11]        Le 15 avril 2010, l’employeur demande à la CSST de « désimputer » de son dossier les coûts postérieurs à la date de consolidation.


[12]        Le 29 avril suivant, la CSST fait droit en partie à la demande de l’employeur. Elle retire de son dossier les coûts reliés à l’indemnité de remplacement du revenu versée à la travailleuse après le 24 avril 2009 ainsi que les frais d’ergothérapie, d’acupuncture et de déplacements postérieurs à cette date. Toutefois, elle décide que le coût des visites médicales doit demeurer imputé à son dossier. La CSST maintient sa décision à la suite de la révision administrative en indiquant que « l’employeur n’a pas démontré que les visites médicales effectuées après la date de consolidation de la lésion professionnelle ne sont pas en relation avec celle-ci ».

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[13]        La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si l’employeur doit être imputé du coût des visites médicales postérieures au 24 avril 2009, date de consolidation de la lésion professionnelle.

[14]        En matière d’imputation du coût des prestations générées par un accident du travail, l’article 326 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi) prévoit ce qui suit :

326.  La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.

 

Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.

 

L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.

__________

1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.

[Nos soulignements]

 

 

[15]        La procureure de l’employeur plaide avec raison qu’il n’y a pas lieu de s’interroger à savoir si l’imputation de ces coûts a pour effet d’obérer injustement l’employeur en vertu du second alinéa de cet article. Il s’agit plutôt ici de déterminer si le coût des consultations médicales constitue « des prestations dues en raison d’un accident du travail » en vertu de la règle générale d’imputation énoncée au premier alinéa de l’article 326.


[16]        L’article 2 de la loi énonce qu’une prestation est « une indemnité versée en argent, une assistance financière ou un service fourni en vertu de la présente loi ». Les consultations médicales constituent une mesure d’assistance médicale aux termes des articles 188 et 189 de la loi :

188.  Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.

__________

1985, c. 6, a. 188.

 

189.  L'assistance médicale consiste en ce qui suit :

 

1° les services de professionnels de la santé;

 

2° les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);

 

3° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;

 

4° les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;

 

5° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.

__________

1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166.

[Nos soulignements]

 

 

[17]        Les consultations auprès de médecins sont des services fournis par des professionnels de la santé et constituent donc des prestations.

[18]        Cependant, après le 24 avril 2009, le Tribunal estime que ces visites médicales ne constituent pas des « prestations dues en raison d’un accident du travail », et ce, compte tenu de l’effet de la décision finale de la Commission des lésions professionnelles rendue le 30 mars 2010, qui a déclaré que la lésion professionnelle était consolidée le 24 avril 2009, sans nécessité de traitements, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle et qui a également déclaré que la travailleuse n’avait plus droit aux indemnités après cette date.

[19]        Dans l'affaire Confort Expert inc.[3], la Commission des lésions professionnelles s'exprimait ainsi :

[44]      Cependant, la Commission des lésions professionnelles partage le point de vue de l’employeur sur un point. Ce dernier ne doit pas assumer les coûts des visites médicales et des traitements prodigués après la date de la consolidation de la lésion professionnelle.

 

[45]      En effet, la consolidation de la lésion est sa guérison ou sa stabilisation à la suite de laquelle aucune amélioration de l’état de santé du travailleur n’est prévisible. Comme le mentionne la Commission des lésions professionnelles dans sa décision du 21 mars 2003, les soins ou les traitements ne sont plus justifiés après la date de la consolidation de la lésion et, en conséquence, les coûts rattachés à ces derniers ne doivent pas être imputés à l’employeur.

 

[46]      Toutefois, ces coûts ne doivent pas être supportés par l’employeur non parce qu’il est obéré injustement, mais parce que la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles dans le dossier portant sur les conséquences médicales de la lésion professionnelle le détermine.

 

[47]      L’employeur ne doit donc pas supporter les coûts reliés aux soins ou aux traitements à compter du 26 juin 2001, date de la consolidation de la lésion professionnelle, et, en conséquence, la Commission des lésions professionnelles modifie la décision rendue par la révision administrative sur ce point.

 

 

[20]        Dans l'affaire Logistec Arrimage inc.[4], la Commission des lésions professionnelles énonce que cela vaut tout autant pour les coûts reliés à l'indemnité de remplacement du revenu, les frais relatifs aux soins et aux traitements que les coûts générés par les visites médicales. La Commission des lésions professionnelles y précise que lorsqu'une lésion est consolidée sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle et qu'une décision a déterminé la capacité de reprendre le travail, la lésion est bouclée et les coûts reliés à l'assistance médicale, postérieurs à cette date ne sont plus en relation avec la lésion professionnelle et ils doivent, en conséquence, être retirés du dossier de l'employeur.

[21]        Comme le souligne la Commission des lésions professionnelles dans une décision récente, Provigo Distribution inc.[5], cette interprétation a été reprise par de nombreuses décisions :

[26]      CONSIDÉRANT que, comme l’a également décidé le tribunal à plusieurs reprises4, l’employeur ne doit pas non plus, en pareilles circonstances, supporter le coût des visites médicales effectuées par le travailleur postérieurement à la consolidation de sa lésion professionnelle;

 


[27]      CONSIDÉRANT que la jurisprudence retient au soutien de cette position qu’une consultation médicale est un service fourni par un professionnel de la santé au sens de l’article 189 de la loi et qu’il s’agit donc d’une « prestation » puisque, selon la définition retrouvée à l’article 2 de la loi, cette notion réfère entre autres à « un service fourni en vertu de la présente loi »;

 

[28]      CONSIDÉRANT que la jurisprudence retient également que, compte tenu de l’effet juridique produit par une décision finale concluant à la consolidation d’une lésion professionnelle et à la non-nécessité de soins ou traitements additionnels, les coûts qui se rattachent aux visites médicales effectuées après la date de consolidation ne constituent donc pas des prestations « dues en raison d’un accident du travail » selon le premier alinéa de l’article 326 de la loi;

________________

4.            Logistec Arrimage inc., C.L.P. 253227-71-0501, 5 juillet 2005, C. Racine; Résidence Laurendeau, C.L.P. 261184-61-0505, 12 octobre 2005, L. Nadeau; Compagnie d’arrimage Empire ltée, C.L.P. 260053-71-0504, 5 décembre 2005, C. Racine; A.D.M. Agri Industries ltd, C.L.P. 271212-03B-0509, 3 février 2006, P. Brazeau; I.B.M. Canada ltée, C.L.P. 256437-62B-0503, 9 février 2006, M.-D. Lampron; Métallurgie Brasco enr., C.L.P. 268225-05-0508, 22 février 2006, M.-C. Gagnon; Centre de S.S.S. Portneuf, C.L.P. 282796-31-0602, 8 novembre 2006, M.-A. Jobidon; Provigo Distribution (Div. Maxi), C.L.P. 289887-71-0605, 12 décembre 2006, D. Lévesque; McKerlie Millen (Carquest) et CSST, C.L.P. 278712-63-0512, 9 janvier 2007, M. Gauthier; Projets Préparation Emploi (MESSF), C.L.P. 296570-71-0608, 11 juillet 2007, S. Sénéchal; Mittal Canada inc., C.L.P. 346391-04B-0804, 27 janvier 2009, L. Collin; Coopérative Forestière Hautes-Laurentides, C.L.P. 349239-64-0805, 29 juillet 2009, M. Langlois; Mittal Canada Lachine inc., C.L.P. 377772-71-0905, 20 novembre 2009, M. Racine; Arcelor Mittal Montréal inc., C.L.P. 346924-62B-0804, 3 décembre 2009, M. Watkins; Métoplus inc., C.L.P. 395265-31-0911, 11 mars 2010, C. Lessard; Provigo Distribution (Division Maxi), C.L.P. 398384-02-1001, 25 mars 2010, J. Grégoire; Logistec Arrimage inc., C.L.P. 384341-64-0907, 12 avril 2010, M. Lalonde; Centre de données maritimes inc., C.L.P. 397026-71-0912, 6 juillet 2010, L. Desbois.

 

 

[22]        Il faut toutefois souligner qu’un autre courant jurisprudentiel existe sur cette question. Tout en retenant l’interprétation majoritaire du tribunal, la Commission des lésions professionnelles dans Orbi Métal Construction inc.[6] fait ainsi état de l’autre approche:

[38]      Selon un certain courant4, il n’y a pas lieu de désimputer l’employeur lorsque le tribunal ne dispose d’aucune preuve établissant qu’une visite médicale n’est aucunement reliée à la lésion professionnelle. Selon les tenants de cette position, plusieurs circonstances peuvent faire en sorte qu’une consultation ou un traitement, même effectué après la date de consolidation d’une lésion, soit requis, de sorte qu’il convient de s’interroger en premier lieu sur la relation entre ce traitement ou cette visite et la lésion professionnelle, et non pas seulement sur l’effet de la date de consolidation retenue au dossier. Les propos de la juge administrative Pauline Perron dans l’affaire Entrepôt non-périssable Montréal5 illustrent bien ce courant jurisprudentiel :

           

[17]         Avec respect, la Commission des lésions professionnelles considère que l’on ne peut appliquer un automatisme de retrait du coût des visites médicales faites après la date de consolidation de la lésion professionnelle comme le prétend l’employeur. Le cas qui nous occupe est d’ailleurs particulièrement éloquent.

 


[18]         Il faut d’abord, à notre avis, faire une distinction entre le coût du versement de l’indemnité de remplacement du revenu et des traitements, coûts pour lesquels il y a des conclusions juridiques spécifiques quant à la date de leur finalité et les visites médicales qui elles n’en n’ont pas. Or, en ce qui concerne ces dernières, le droit du travailleur aux soins du professionnel de son choix demeure après la date de consolidation. Rien dans la Loi ne prévoit le contraire. Le seul fait de dire que la lésion est consolidée ne signifie pas que toutes les visites médicales effectuées par la suite ne sont pas en raison de la lésion professionnelle subie2.

 

[19]         À titre d’exemple, même si une lésion professionnelle est consolidée sans atteinte objective, un travailleur peut avoir des douleurs et devoir consulter son médecin pour vérifier si un nouveau plan de traitements peut amener un soulagement différent des douleurs ou symptômes. Aussi, il peut arriver que malgré la consolidation d’une lésion professionnelle, un médecin recommande la poursuite de traitements pour quelque temps. Des visites médicales peuvent avoir lieu afin de valider la recommandation de poursuivre les modalités thérapeutiques. Elles peuvent également avoir pour objet de documenter une éventuelle réclamation pour récidive, rechute ou aggravation.

 

[20]         Par ailleurs, selon la Commission des lésions professionnelles, tant que le médecin qui a charge n’a pas consolidé la lésion et qu’un processus de contestation au Bureau d'évaluation médicale est entamé, les visites médicales au médecin qui a charge ou à des consultants sont nettement en relation avec la lésion professionnelle. Peut-être que le fait de déterminer une date antérieure de consolidation par la suite signifie que la nécessité de ces visites étaient discutables, mais il n’en demeure pas moins qu’elles ont été faites en relation avec la lésion professionnelle et le législateur n’exige pas la démonstration du bien-fondé ou non des visites médicales.

_____________

2       Programme emploi-service, C.L.P. 326384-62-0708, 9 juin 2008, L. Couture.

________________

4                      Voir notamment : Programme emploi-service, C.L.P. 326384-62-0708, 9 juin 2008, L. Couture. Dans le même sens : Entrepôt non-périssable Montréal, C.L.P. 326368-71-0708, 3 septembre 2009, P. Perron; Sobeys Group (IGA Extra #442), C.L.P. 372891-04-0903, 22 septembre 2009, J.-M. Hamel; Entrepôt non-périssable Montréal, C.L.P. 326410-71-0708, 25 septembre 2009, D. Gruffy; Hôpital Louis-H. Lafontaine, C.L.P. 369108-71-0901, 15 octobre 2009, J.-P. Arsenault.

5               Déjà citée, note 4.

 

 

[23]        Cette interprétation est également reprise et étayée dans Industries Plastique Transco ltée[7].

[24]        La soussignée souscrit toujours à l’interprétation retenue par le premier courant, non seulement parce qu’elle est majoritaire, mais également en raison des motifs qui soutiennent cette approche.

[25]        Dans un cas comme en l’espèce, conclure autrement aurait pour effet de nier une décision finale de la Commission des lésions professionnelles qui vient faire rétroagir la date de consolidation et qui consolide la lésion, sans nécessité de traitements, sans atteinte permanente et sans limitation fonctionnelle.

[26]        Il est vrai qu’il ne faut pas conclure par automatisme et qu’il y a peut-être certaines circonstances où les visites demeurent en relation avec la lésion professionnelle. Toutefois, en général dans de telles situations, l’effet de cette décision finale implique que les visites médicales postérieures à la date de consolidation ne sont pas des prestations dues en raison de l’accident du travail.

[27]        Certes, ces visites médicales étaient initialement reliés à la lésion professionnelle d’ailleurs, tout comme les traitements reçus alors. Dans le présent dossier, les visites postérieures au 24 avril 2009 sont pour la grande majorité des consultations auprès du Dr Pontbriand, médecin traitant de la travailleuse, pour le suivi de la lésion professionnelle, et ce, jusqu’à ce qu’il produise son rapport d’évaluation médicale le 11 février 2010.

[28]        Cependant, lorsqu’une décision finale a pour effet de faire rétroagir la date de consolidation, de fin des traitements, de capacité et de fin des indemnités, dans le cas évidemment d’une lésion consolidée sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, il est difficile de conclure que les frais d’assistance médicale relatifs aux visites médicales sont toujours dus en raison de la lésion professionnelle.

[29]        Prenons un exemple dans le présent dossier. Le 2 juin 2009, la travailleuse consulte le Dr Pontbriand en raison de son entorse au poignet droit. Celui-ci maintient la prescription d’ergothérapie et d’acupuncture. À la suite de la décision de la Commission des lésions professionnelles déclarant la lésion professionnelle consolidée au 24 avril 2009, sans nécessité de traitements supplémentaires, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, la CSST retire du dossier de l’employeur le coût des traitements reçus par la travailleuse.

[30]        Pourquoi le coût de la visite médicale au cours de laquelle les traitements en question sont prescrits demeure-t-il un coût relié à la lésion professionnelle?

[31]        Dans Industries Plastique Transco ltée[8], la Commission des lésions professionnelles fait une distinction basée sur l’article 212 de la loi au motif que les services des professionnels de la santé ne sont pas un élément prévu à cette disposition pouvant faire l’objet de la procédure d’évaluation médicale :

[54]      Il faut certes donner un effet juridique à une décision finale statuant sur la date de consolidation de la lésion et la nécessité ou durée des soins et traitements. Toutefois, le tribunal est d’avis qu’une telle décision a une portée limitée. Elle ne peut inclure les services de professionnels de la santé puisqu’il ne s’agit pas là d’un élément pouvant faire l’objet d’une procédure d’évaluation médicale, aux termes des articles 199 et suivants de la loi. Seuls les éléments prévus à l’article 212 de la loi peuvent faire l’objet de cette procédure. En d’autres termes, une conclusion prononcée sur un élément de l’article 212 de la loi ne peut avoir pour effet direct de mettre fin à des services de professionnels de la santé prévus au chapitre portant sur l’assistance médicale.

 

 

[32]        Avec respect, la soussignée ne peut souscrire à cet argument de texte. Il faut donner un sens à la décision finale qui déclare la lésion professionnelle consolidée sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle et qui détermine la capacité de reprendre le travail. Pour reprendre l’expression utilisée dans Logistec Arrimage inc.[9], dans une telle situation, la lésion est bouclée et les coûts reliés à l'assistance médicale postérieurs à cette date ne sont plus en relation avec la lésion professionnelle. Par conséquent, ils doivent être retirés du dossier de l'employeur.

[33]        Par ailleurs, la soussignée est d’accord avec une nuance qui a été apportée par la jurisprudence en ce qui concerne le coût des visites médicales en lien avec la procédure d’évaluation médicale.

[34]        Dans une décision récente, Aaron Mountain Canada Corporation[10], la Commission des lésions professionnelles rappelle cette distinction lorsque le dossier est soumis à l’évaluation médicale :

[26]      Cependant, ces principes doivent être nuancés lorsque le dossier est soumis à l’évaluation médicale en application des dispositions du chapitre VI de la loi.

 

[48]      Comme l’énonce à bon droit la Commission des lésions professionnelles dans Hôpital Notre-Dame de la Merci inc.11, les frais relatifs aux procédures d’évaluation médicale effectuées par le médecin qui a charge, le médecin désigné par la CSST ou par le membre du Bureau d'évaluation médicale ne peuvent être retirés du dossier d’expérience de l’employeur en vertu de l'article 326 car les coûts découlant de ces démarches médico-administratives sont évidemment reliés à la lésion professionnelle reconnue et les examens réalisés alors n’ont pas pour but de guérir ou d’améliorer l’état de santé d’un travailleur, mais bien d’établir ou de statuer sur les conséquences de sa lésion.

_______________________

11             C.L.P. 290891-71-0606, 30 novembre 2006, C. Racine, (06LP-209)

 

 

[35]        Dans le présent dossier, dans la liste des visites médicales postérieures à la consolidation du 24 avril 2009, le Tribunal constate que deux de ces visites sont reliées à la procédure d’évaluation médicale soit celle du 25 mai 2009 pour le rapport complémentaire du Dr Pontbriand (115 $) et celle du 7 juillet 2009 pour l’examen par un membre du Bureau d’évaluation médicale (420 $). La Commission des lésions professionnelles estime que ces coûts doivent demeurer imputés au dossier de l’employeur.

[36]        Par contre, le coût des autres visites médicales postérieures au 24 avril 2009 n’a pas à lui être imputé.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE en partie la requête du Centre Petite Enfance Gaminville, l’employeur;

MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 24 août 2010 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que les coûts relatifs aux visites médicales effectuées dans le cadre des procédures d’évaluation médicale relatives à la lésion professionnelle subie par la travailleuse demeurent imputés au dossier de l’employeur, soit celle du 25 mai 2009 pour le rapport complémentaire du Dr Pontbriand (115 $) et celle du 7 juillet 2009 pour l’examen par un membre du Bureau d’évaluation médicale (420 $);

DÉCLARE que les coûts relatifs aux autres visites médicales postérieures au 24 avril 2009 ne doivent pas être imputés au dossier de l’employeur.

 

 

__________________________________

 

Lucie Nadeau

 

Mme Kim Anh Hoang

ASS. QUÉBÉCOISE DES C.P.E.

Représentante de la partie requérante

 

 



[1]           C.L.P. 387757-61-0909, 30 mars 2010, L. Nadeau.

[2]          L.R.Q. c. A-3.001.

[3]           C.L.P. 175451-71-0112, 21 mars 2003, C. Racine, (02LP-193).

[4]           C.L.P. 253227-71-0501, 5 juillet 2005, C. Racine.

[5]          C.L.P. 395057-61-0911, 13 août 2010, G. Morin.

[6]          C.L.P. 400656-63-1001, 7 octobre 2010, M. Gauthier.

[7]          C.L.P. 382676-61-0907, 23 mars 2010, R. Napert.

[8]           Précité note 7.

[9]           Précité note 4.

[10]         C.L.P. 413318-61-1006, 10 décembre 2010, M. Langlois; Voir également Provigo Distribution       (Div. Maxi), 397804-62B-0912, 12 novembre 2010, M. Watkins.

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