J.L. c. R. |
2021 QCCA 1509 |
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COUR D’APPEL |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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GREFFE DE
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N° : |
200-10-003719-197, 200-10-003720-195 |
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(150-01-050613-166) (150-01-050618-165) (150-01-057787-187) |
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DATE : |
12 OCTOBRE 2021 |
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200-10-003719-197 |
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J... L... |
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APPELANT - accusé |
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c. |
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SA MAJESTÉ LA REINE |
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INTIMÉE - poursuivante |
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200-10-003720-195 |
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SA MAJESTÉ LA REINE |
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APPELANTE - poursuivante |
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c. |
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J... L... |
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INTIMÉ - accusé |
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MISE EN GARDE : Ordonnance limitant la publication : Il est interdit de publier ou diffuser de quelque façon que ce soit tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité de la victime ou d’un témoin (article 486.4(1) C.cr.).
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[2] L’appelant L... se pourvoit uniquement contre le verdict de culpabilité d’agression sexuelle tandis que la poursuivante se pourvoit contre le verdict d’acquittement des deux chefs de harcèlement criminel;
[3] L’appelant L... demande également la permission de se pourvoir contre le jugement sur la peine rendu par le même juge le 10 décembre 2019;
[4] Pour les motifs de la juge Marcotte, auxquels souscrivent les juges Pelletier et Rancourt, LA COUR :
Dans le dossier : no : 200-10-003719-197 :
[5] REJETTE l’appel sur la déclaration de culpabilité;
[6] ACCUEILLE la requête en autorisation d’appel de la peine;
[7] REJETTE l’appel sur la peine.
Dans le dossier : no : 200-10-003720-195 :
[8] ACCUEILLE l’appel de la poursuivante et ORDONNE la tenue d’un nouveau procès sur les chefs de harcèlement.
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MOTIFS DE LA JUGE MARCOTTE |
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[9] Dans son avis d’appel, l’appelant L... (ci-après « l’appelant ») se pourvoit contre les déclarations de culpabilité prononcées contre lui[1]. Toutefois, ses moyens d’appel ne portent que sur le chef d'agression sexuelle retenu. Il demande également l’autorisation de se pourvoir à l’encontre de la peine d’emprisonnement de 14 mois prononcée le 10 décembre 2020 à l’égard de ce chef[2]. Sa requête en autorisation d’appel a été déférée à la formation chargée d’entendre l’appel de la déclaration de culpabilité[3].
[10] Le ministère public se pourvoit pour sa part à l’encontre du verdict d’acquittement des accusations de harcèlement criminel.
[11] Malgré les moyens d’appel qui sont circonscrits au chef d’agression sexuelle et aux verdicts d’acquittement de l’accusation de harcèlement criminel, il convient de reprendre le jugement dans son ensemble pour bien cerner le contexte de l’affaire.
[12] Le juge résume d’entrée de jeu les huit chefs d’accusation et décrit les liens qui unissaient l’appelant aux plaignantes. Il signale que la première plaignante, S... B..., a fait vie commune avec lui d’octobre 2010 à la fin mars 2014 et qu’un enfant est né de leur union. La seconde, F... A..., l’a fréquenté par la suite, à compter de septembre 2014, et a vécu avec lui du mois de mai 2015 à la mi-janvier 2016. Elles ont porté plainte au même moment, en septembre 2016, après qu’une troisième plaignante (également ex-conjointe de l’appelant) a porté plainte contre lui. La plainte de cette dernière devait être instruite en même temps que les deux autres, mais comme elle a refusé de compléter son témoignage, l’appelant a été acquitté de tous les chefs qui la concernaient.
[13] Le juge aborde et rejette en premier lieu la thèse du complot invoquée par l’appelant selon laquelle les plaignantes se seraient concertées pour porter plainte contre lui en septembre 2016, bien après les faits reprochés.
[14] Il se penche ensuite sur les infractions de harcèlement criminel. Après avoir dit qu’il retenait de la preuve le caractère contrôlant, colérique et manipulateur de l’appelant, bien que ce dernier nie ces traits de caractère, il résume les gestes reprochés par les plaignantes durant la vie commune. Il conclut ensuite que la poursuite n’a pas prouvé, hors de tout doute raisonnable, le harcèlement criminel à leur égard et acquitte l’appelant en conséquence.
[15] Il ne retient pas non plus l’accusation de voies de fait à l’endroit de la plaignante B..., considérant les versions qui s’opposent et les contradictions relevées dans le témoignage de la plaignante. Il dit croire les explications de l’appelant voulant que la plaignante soit entrée chez lui sans permission, qu’elle ait refusé de quitter, ce qui aurait obligé l’appelant à la sortir de force des lieux pendant qu’elle se débattait, en faisant alors usage d’une force raisonnable. Il signale que la plaignante aurait par ailleurs tenté de retourner à l’intérieur de son logement et l’appelant l’en aurait empêchée en barrant la porte qu’elle aurait frappée à coups de pied. Il conclut que la poursuite n’a pas rempli son fardeau de prouver l’infraction.
[16] Selon le juge, la poursuite n’a pas non plus démontré que l’appelant a tenté d’entraver ou de détourner le cours de la justice en communiquant avec la plaignante B... après qu’elle eut porté plainte contre lui. Il écrit :
[74] Il est reproché à M. L... d’avoir, le ou le 7 août 2014, volontairement tenté d’entraver, de détourner ou de contrecarrer le cours de la justice.
[75] Il est en preuve que le 7 août 2014, M. L... s’est présenté chez Mme B... et a défoncé la porte. Elle a appelé la police.
[76] Elle témoigne à l’effet qu’une journée plus tard (dans les faits, c’est le matin même), elle reçoit un message d’excuse de M. L... qui lui demande de retirer sa plainte et de dire aux policiers que ce qui était arrivé n’était pas vrai et qu’une plainte est dommageable pour lui.
[77] M. L... témoigne qu’il est exact qu’il a envoyé un message texte à Mme B... le lendemain matin de l’événement, mais que c’était parce qu’il n’avait pas vu sa fille à la garderie et pour s’excuser d’avoir brisé le cadre de porte.
[78] Il ne lui a pas demandé de retirer sa plainte, car il ignore à ce moment qu’elle a appelé la police; ce message lui ayant été envoyé avant que la police ne le rencontre et ne lui fasse signer un engagement dans lequel il lui est interdit de contacter Mme B....
[79] Le Tribunal croit le témoignage de M. L....
[80] Le Tribunal ajoute, au surplus, ne pas être convaincu de façon hors de tout doute raisonnable qu’il y a eu entrave, car Mme B... a retiré sa plainte plusieurs semaines après le 7 août 2014 et a admis avoir dit aux policiers qu’elle la retirait sans contrainte ni menace de M. L....
[81] La poursuite n’a pas rempli son fardeau.
[17] Il ne traite de l’accusation d’introduction par effraction à l’origine de l’entrave qu’à la toute fin du jugement et ne retient pas non plus l’accusation, jugeant que l’appelant ne s’est pas introduit chez la plaignante B... pour y commettre du harcèlement à son endroit, mais plutôt parce qu’il était inquiet pour sa fille.
[18] Il écrit :
[131] Sa crainte vis-à-vis la sécurité de sa fille, bien que non fondée, était raisonnable et, de plus, son témoignage est confirmé par Mme B....
[132] Bien que la méthode choisie ne soit pas la meilleure, car il aurait été préférable qu’il appelle la police, cela ne constitue pas pour autant une infraction.
[133] L’introduction par effraction, à elle seule, ne constitue pas une infraction; celle-ci devant être accompagnée d’un crime et, en l’espèce, la poursuite devait faire la preuve que l’introduction a été faite dans le but de commettre un acte criminel soit du harcèlement.
[134] Bien qu’il soit prouvé que M. L..., une fois à l’intérieur et après s’être assuré que sa fille allait bien, s’est rendu dans la chambre de Mme B... pour voir s’il y avait quelqu’un, le Tribunal a un doute qu’il s’est présenté à la résidence dans le but de harceler ou sans se soucier que Mme B... se sente harcelée.
[135] La poursuite n’a pas rempli son fardeau.
[19] Le juge résume ensuite la preuve entourant l’accusation de voies de fait armées découlant du tir d’une boîte de condoms en direction de la plaignante lors d’une dispute. Il conclut qu’il a commis une voie de fait armée suivant la définition large du mot « arme » de l’article 2 du Code criminel qui inclut « toute chose conçue, utilisée ou qu’une personne entend utiliser pour soit tuer ou blesser quelqu’un soit la menacer ou l’intimider ».
[20] Il traite ensuite la preuve en lien avec l’accusation d’entreposage illégal d’une arme à feu avant de conclure que l’accusation a été démontrée.
[21] Finalement, en ce qui concerne l’agression sexuelle reprochée à l’égard de F... A..., il en explique d’abord le contexte : l’appelant et la plaignante faisaient vie commune et se trouvaient en visite chez les parents de celle-ci pendant les fêtes de 2015. Il résume ensuite leurs versions des événements, analyse les éléments de l’infraction et conclut que ceux-ci ont été démontrés hors de tout doute raisonnable. Il convient de reprendre son analyse vu les reproches formulés par l’appelant à son égard :
[104] Le Tribunal résume ainsi le témoignage de Mme A... à ce sujet :
- Monsieur L... veut une relation sexuelle et elle ne veut pas parce qu’ils se sont chicané dans la journée;
- Elle lui dit non à trois reprises;
- À un moment donné, elle abandonne, car peu importe qu’elle dise non 800 fois, s’il veut une relation, il va l’avoir;
- Elle a fermé son cerveau, l’a laissé faire, elle pleurait pendant l’acte et il lui disait qu’elle n’avait pas le droit de pleurer.
[105] Appelé à témoigner sur cette infraction, M. L... dit que c’est faux et qu’il n’y a rien de proche de ce qu’elle a dit.
[106] Il faut donc comprendre de ce témoignage qu’il nie l’agression sexuelle et tout le reste.
[107] La poursuite doit donc faire la preuve hors de tout doute raisonnable des éléments constitutifs de l’infraction que sont l’actus reus et la mens rea tel que mentionné précédemment.
[108] Tout au long de son témoignage, Mme A... a témoigné de façon sereine et sans animosité, sans cacher les bons côtés de la vie avec M. L... et a répondu franchement aux questions, démontrant même une solide maîtrise de soi.
[109] Toutefois, lorsqu’est venu le temps de témoigner de l’événement lié à l’agression sexuelle, elle est devenue émotive, ce qui ne l’a pas empêchée de témoigner clairement et spontanément sur cet événement.
[110] Le Tribunal croit Mme A... lorsqu’elle témoigne qu’il y a eu relation sexuelle avec M. L... ce soir-là, alors qu’ils se trouvent chez ses parents.
[111] Par conséquent, les deux premiers éléments de l’actus reus que sont les attouchements et la nature sexuelle des contacts ont été prouvés hors de tout doute raisonnable.
Absence de consentement
[112] Suivant le témoignage de Mme A..., elle a dit non à trois reprises et, devant l’insistance de M. L... et connaissant ce dernier, elle a abandonné.
[113] Il ne fait aucun doute pour le Tribunal que Mme A... n’a pas consenti à cette relation sexuelle. Comment peut-il en être autrement lorsque l’on refuse trois fois, qu’on abandonne, qu’on n’en a pas envie et qu’on pleure lors de la relation?
[114] Que Mme A... n’ait pas dit que M. L... était incisif ou menaçant envers elle lorsqu’il continuait de lui demander d’avoir une relation sexuelle malgré ses refus, non plus qu’il a été agressif envers elle lorsqu’il y a eu relation, n’a aucune incidence sur l’accord ou non donné à l’activité sexuelle.
[115] La passivité et le laisser-aller exprimés par Mme A..., après trois refus, n’enlèvent rien non plus à son absence de consentement. Il ne peut s’agir d’un consentement tacite, consentement qui de toute façon n’est pas accepté par la jurisprudence. Il y a consentement ou il n’y en a pas.
[116] En se plaçant du point de vue de Mme A..., de l’état d’esprit dans lequel elle se trouvait dans son for intérieur, comme l’exige la jurisprudence, il ne fait aucun doute qu’elle n’a pas donné son consentement à l’activité sexuelle.
[117] Le Tribunal conclut de la preuve que les trois éléments de l’actus reus on été prouvés de façon hors de tout doute raisonnable.
Mens rea
[118] En témoignant que ce que Mme A... a dit est faux, M. L... nie donc tout, incluant qu’il y ait eu une relation sexuelle ce soir-là. Il ne présente donc pas une défense de croyance sincère mais erronée au consentement.
[119] Le Tribunal a déjà conclu qu’il y a eu relation sexuelle sans le consentement de Mme A....
[120] La poursuite doit quand même prouver l’existence de la mens rea qu’est l’intention de M. L... de se livrer à des attouchements sur Mme A... et la connaissance qu’il a de l’absence de consentement de cette dernière ou son insouciance ou aveuglement volontaire à cet égard.
[121] La preuve que M. L... avait l’intention de se livrer à des attouchements est démontrée par ses demandes d’avoir une relation sexuelle malgré trois refus et par la relation sexuelle qui en a suivi.
[122] La preuve qu’il y a eu une activité sexuelle malgré trois refus de Mme A..., la passivité de celle-ci et ses pleurs lors de l’acte et la demande que lui a faite M. L... de ne pas pleurer, démontrent tant sa connaissance de l’absence de consentement que son insouciance et aveuglement à cet égard.
[123] La poursuite a donc prouvé hors de tout doute raisonnable la mens rea et, par conséquent, la commission de cette infraction.
[22] En somme, le juge retient que l’appelant « nie l’agression sexuelle et tout le reste ». Il croit le témoignage de la plaignante selon lequel elle a refusé trois fois et a pleuré lors de la relation sexuelle et il conclut que les trois éléments de l’actus reus ont été prouvés hors de tout doute raisonnable[4]. Il détermine que la mens rea a été prouvée bien que l’appelant nie tout. Selon lui, ce dernier a continué à demander d’avoir une relation sexuelle malgré les trois refus de la plaignante et lui a demandé de ne pas pleurer, démontrant ainsi sa connaissance de l’absence d’un consentement de sa part ou son insouciance ou son aveuglement à cet égard[5].
[23] L’appelant soutient que le juge aurait omis de se prononcer sur sa crédibilité. Il aurait marginalisé son témoignage et omis d’expliquer pourquoi il rejetait celui-ci et ne soulevait pas un doute raisonnable. Il lui reproche en outre d’avoir mis de côté les deux premières étapes de la méthode suggérée dans R. c. W.(D.)[6] et de l’avoir condamné uniquement parce qu’il a préféré le témoignage de la plaignante au sien.
[24] Il est vrai que le juge s’attarde aux raisons qui l’amènent à retenir le témoignage de la plaignante sur l’agression. Toutefois, l’importance qu’il accorde à ce témoignage dans son jugement et le peu de motifs qu’il consacre à la version de l’appelant sur l’agression n’est que le reflet du contenu fort limité de son témoignage, puisque l’appelant s’est contenté de nier de manière générale que l’événement avait eu lieu, tel qu’il ressort de l’unique passage où il témoignage de l’agression :
Q |
O.k. Vous avez entendu Mme A... parler d’une, d’une relation, d’une relation sexuelle? |
R |
Oui. |
Q |
Le chef d’agression sexuelle comporte un évènement? |
R |
Oui. |
Q |
Est-ce que vous êtes en mesure de nous parler de cet événement-là? |
R |
De l’événement… |
Q |
Ben où que Madame prétend que vous l’avez agressée sexuellement? |
R |
Ah ben dans le fond notre relation sexuelle était très ordinaire je dirais là, il y avait pas rien de, de, de spécial dans notre relation sexuelle là, pis même que je dirais que ça l'arrivait fréquemment là pis j'ai jamais eu… |
|
[Objection de la procureure de la poursuivante et discussions relatives à celle-ci] |
Q |
L’événement en question, est-ce que, Madame dit que vous l’auriez agressée sexuellement? |
R |
Ben il y a pas eu cet évènement-là jamais. |
Q |
O.k. |
R |
Même pas, même pas proche de rien que ce qu’elle a dit.[7] |
[25] En réaction au témoignage de l’appelant, le juge écrit, aux paragraphes 105 et 106 cités précédemment, que l’appelant a nié l’agression.
[26] Selon l’appelant, le juge devait aussi se prononcer sur sa crédibilité, d’autant plus qu’il conclut que sa version des faits soulève un doute raisonnable relativement à d’autres infractions reprochées. L’absence de motivation à l’égard de l’infraction d’agression sexuelle ne permet pas, selon lui, d’apprécier convenablement la justesse de son raisonnement. Il plaide ainsi que les motifs du juge sont insuffisants, bien qu’il reconnaisse dans son mémoire que « [l]a décision du juge d’instance est longue et amplement motivée »[8] et que « [l]a seule conclusion logique à la lecture des motifs du juge c’est qu’il a forcément déterminé que la version de l’appelant ne soulevait aucun doute raisonnable dans son esprit »[9] et convienne « qu’au regard de l’ensemble de la décision, le juge donne des explications relatives au témoignage de l’appelant »[10].
[27] Dans un tel contexte, à mon avis, l’appelant ne peut sérieusement soutenir que les motifs du juge sont déficients au point de faire obstacle à un examen en appel, comme l’exige la jurisprudence[11].
[28] Il y a lieu d’analyser la suffisance des motifs en tenant compte du dossier dans son ensemble, comme le rappelait la Cour suprême dans R. c. R.E.M. :
[…] Le caractère suffisant des motifs ne dépend pas seulement de ce que le juge du procès a dit, mais de ce qu’il a dit dans le contexte du dossier, des questions en litige et des observations des avocats au procès. Il s’agit de savoir si, en lisant les motifs dans leur contexte global, il est possible de discerner le fondement des conclusions du juge du procès — le « pourquoi » du verdict.[12]
[29] Dans l’arrêt R. c. Vuradin[13], la Cour suprême soulignait que le principe du doute raisonnable demeure la considération primordiale du juge des faits :
[21] La question primordiale qui se pose dans une affaire criminelle est de savoir si, compte tenu de l’ensemble de la preuve, il subsiste dans l'esprit du juge des faits un doute raisonnable quant à la culpabilité de l’appelant : W.(D.), p. 758. L’ordre dans lequel le juge du procès énonce des conclusions relatives à la crédibilité des témoins n’a pas de conséquences dès lors que le principe du doute raisonnable demeure la considération primordiale. Un verdict de culpabilité ne doit pas être fondé sur un choix entre la preuve de l’appelant et celle du ministère public : R. c. C.L.Y., 2008 CSC 2, [2008] 1 R.C.S. 5, par. 6-8. Les juges de première instance n’ont cependant pas l’obligation d’expliquer par le menu le cheminement qu’ils ont suivi pour arriver au verdict : voir R. c. Boucher, 2005 CSC 72, [2005] 3 R.C.S. 499, par. 29.
[30] À cela s’ajoute la présomption selon laquelle « [l]es juges du procès sont censés connaître le droit qu'ils appliquent tous les jours »[14].
[31] La Cour suprême rappelait récemment dans R. c. G.F.[15] que « les juridictions d’appel devraient non pas prendre en considération le fait que le juge du procès a expressément utilisé les mots “crédibilité” et “fiabilité”, mais plutôt se demander s’il s’est penché sur les facteurs pertinents qui se rapportent à la vraisemblance de la preuve dans le contexte de l’affaire, notamment les préoccupations concernant la véracité et l’exactitude ».
[32] Ces propos sont aisément transposables ici, en réponse au reproche d’absence d’évaluation de la « crédibilité » de l’appelant par le juge du procès.
[33] En l’espèce, je suis d’avis que le juge applique le bon fardeau de preuve. Il conclut « que les trois éléments de l’actus reus ont été prouvés de façon hors de tout doute raisonnable » et que « [l]a poursuite a donc prouvé hors de tout doute raisonnable la mens rea et, par conséquent, la commission de cette infraction »[16].
[34] Soit, il n’écrit pas textuellement qu’il ne croit pas l’appelant lorsqu’il témoigne au sujet de l’accusation d’agression sexuelle. Toutefois, une lecture complète de son jugement permet de comprendre qu’il a néanmoins apprécié sa crédibilité dans le contexte global de l’affaire et retenu qu’il s’agissait d’une personne contrôlante, manipulatrice et colérique, alors que l’appelant niait ces traits de caractère. Le juge n’a alors pas cru l’appelant. Ses conclusions sur ce point, jumelées à son analyse des circonstances de l’agression reprochée dans l’extrait du jugement reproduit précédemment, permettent d’inférer qu’il ne le croit pas non plus lorsqu’il nie l’agression sexuelle. Qu’il n’ait pas écrit ne pas croire l’appelant, en lien particulier avec l’agression sexuelle, ne constitue pas une erreur ni n’a pour effet de rendre ses motifs insuffisants.
[35] De plus, le fait que le juge a accepté une partie de sa version des faits sur d’autres chefs n’a pas eu pour effet de marginaliser pour autant son témoignage concernant l’agression sexuelle.
[36] En définitive, selon moi, l’appelant n’invoque ici aucune erreur (encore moins manifeste et déterminante[17]) dans l’appréciation faite par le juge de première instance du témoignage de la plaignante qui puisse mener à conclure à un verdict déraisonnable justifiant cette Cour de l’écarter.
[37] En ce qui concerne l’appel de la poursuite à l’encontre des verdicts d’acquittement pour les infractions de harcèlement criminel, la poursuite soulève que le juge aurait commis trois erreurs de droit :
1) en concluant que les éléments constitutifs des chefs d’accusation de harcèlement criminel n’avaient pas été démontrés;
2) en adoptant un raisonnement conjectural et stéréotypé concernant le comportement des victimes de violence conjugale qui aurait eu une incidence significative sur l’analyse de la preuve et sur les verdicts d’acquittement;
3) en omettant de donner aux conclusions factuelles l’effet juridique qui s’imposait.
[38] Dans R. c. J.M.H.[18], la Cour suprême aborde les lacunes dans l’appréciation de la preuve par le juge du procès qui sont susceptibles de constituer une erreur de droit qui puisse donner ouverture à un appel d’un acquittement. Les principes énoncés dans cette affaire ont été résumés par cette Cour dans l’arrêt R. c. Poulin[19] :
[44] Dans R. c. J.M.H., le juge Cromwell, au nom de la Cour suprême, examine quatre types de situations dans lesquelles « un traitement prétendument inadéquat de la preuve peut constituer une erreur de droit », tout en soulignant que cette liste n’est peut-être pas exhaustive : 1) une conclusion de fait qui n’est appuyée par aucun élément de preuve, la conclusion que le juge des faits entretient un doute raisonnable n’étant pas à cette fin une conclusion de fait; 2) l’effet juridique des conclusions de fait ou des faits incontestés; 3) une appréciation de la preuve fondée sur un mauvais principe juridique; et 4) l’omission du juge de tenir compte de toute la preuve qui se rapporte à la question ultime de la culpabilité ou de l’innocence de l’appelant. […]
[Renvois omis]
[39] Dans l’arrêt R. c. Graveline[20], la Cour suprême rappelle également le fardeau qui incombe au ministère public lorsqu’il interjette appel d’un acquittement :
14 Il est cependant établi depuis longtemps qu’un appel interjeté par le procureur général ne saurait être accueilli sur une possibilité abstraite ou purement hypothétique selon laquelle l’appelant aurait été déclaré coupable n’eût été l’erreur de droit. Il faut des moyens plus concrets. Pour obtenir un nouveau procès, le ministère public doit convaincre la cour d’appel qu’il serait raisonnable de penser, compte tenu des faits concrets de l’affaire, que l’erreur (ou les erreurs) du premier juge ont eu une incidence significative sur le verdict d’acquittement. Le procureur général n’est toutefois pas tenu de nous persuader que le verdict aurait nécessairement été différent.
[40] Il convient d’aborder les questions soulevées par la poursuite à la lumière de ces principes pour déterminer si l’appel des verdicts d’acquittement s’avère fondé.
[41] Après avoir rappelé le droit applicable en matière de harcèlement criminel, la poursuite reproche au juge de première instance d’avoir indûment catégorisé la preuve selon les différents sous-paragraphes du paragraphe 264(2) C.cr. en faisant abstraction du contexte global de violence conjugale dans lequel les actes reprochés s’inscrivaient.
[42] Selon elle, en ce qui concerne la plaignante S... B..., le juge ne traite pas du fait que la preuve a révélé qu’elle subissait de la violence conjugale et que ses communications avec l’appelant visaient à la contrôler. De plus, il tient compte à tort de l’absence de menace et de l’élément de répétition, alors qu’il ne s’agit pas d’éléments essentiels de l’infraction.
[43] Quant à F... A..., le juge n’aurait pas tenu compte de l’ensemble de la conduite harcelante de l’appelant au fil du temps, notamment du caractère intimidant et oppressant de ses gestes. Il considère à tort que la violence physique, les propos menaçants et le caractère répétitif sont essentiels à l’infraction de harcèlement.
[44] L’appelant répond que la poursuite se trompe dans son interprétation du droit applicable, puisque chaque élément de l’infraction de harcèlement criminel est distinct et doit être prouvé. Selon lui, la poursuite devait prouver hors de tout doute raisonnable un des actes interdits par le paragraphe 264(2) C.cr. et non pas simplement un amalgame de différents éléments pouvant entrer dans l’une ou l’autre des catégories.
[45] Ainsi, pour les sous-paragraphes a) et b), une preuve de répétition est nécessaire et elle n’était pas présente en l’espèce. Quant au sous-paragraphe d), il reconnaît que ni la violence physique, ni les propos menaçants, ni le caractère de répétition ne sont des éléments essentiels à l’infraction, mais que leur absence est néanmoins pertinente à l’évaluation de la conduite de l’appelant. De plus, le juge devait tenir compte du fait que les infractions reprochées ont été commises durant la vie commune et ont cessé après la séparation.
[46] Il rappelle que le juge n’a pas accepté l’ensemble des témoignages des plaignantes qui présentaient certaines contradictions et qu’il a retenu que sa version soulevait un doute relativement à la mens rea de l’infraction en l’absence d’une preuve de crainte subjective.
[47] Comme dernier argument, il plaide le manque de fiabilité des témoignages des plaignantes en raison de leurs nombreuses et longues discussions et de leurs intérêts communs. À mon avis, il n’y a pas lieu de s’attarder à ce dernier argument dans la mesure où le juge a expressément rejeté la thèse de collusion soulevée à l’égard des plaignantes et ne remet pas en question la fiabilité de leur témoignage à l’égard des gestes reprochés.
[48] D’ailleurs, avant d’aller plus loin, il m’apparaît essentiel de reproduire les extraits pertinents du jugement qui portent sur l’analyse des accusations de harcèlement pour évaluer le bien-fondé des reproches soulevés par la poursuite.
[49] Le juge décrit les gestes reprochés par la plaignante B... comme suit :
[29] Les gestes de harcèlement commis par M. L... selon le témoignage de Mme B... durant la vie commune sont les suivants :
- Il est contrôlant;
- Il n’est pas attentionné, l’ayant laissée aller seule à l’hôpital lorsque enceinte;
- Il ne voulait pas qu’elle s’achète des vêtements de maternité;
- Il lui envoyait souvent des textos;
- Il ne veut pas qu’elle voit ses amies;
- Il est colérique;
- Ils se chicanent, ce qui lui cause un stress constant. C’est mentalement difficile;
- Il a déjà donné des coups dans le mur lorsqu’il était fâché;
- Elle fait ce qu’il veut parce qu’elle ne sait pas comment ça va finir;
- Il a déjà déchiré son propre chandail en disant qu’elle le poussait à bout;
- Il lui donne des directives à savoir quoi faire ou ne pas faire lorsqu’il quitte;
- Il lui envoie des messages textes disant qu’il sait où elle est;
- Elle découvre qu’une fonction sur son téléphone cellulaire permettant de la localiser a été activée et présume que c’est lui;
- Elle doit rendre des comptes;
- Tant qu’il n’a pas décidé que la conversation est terminée, il continue;
- Elle ne sait pas où et comment ça va finir.
[30] Après la séparation et la période couverte par l’accusation, Mme B... dit :
- Elle recevait des messages textes et des appels incessants de fin juillet à début d’août 2014;
- Elle l’a vu passer en voiture devant chez elle et devant le domicile de son nouveau conjoint;
- Il l’a suivie avec son véhicule.
[31] Dans la déclaration vidéo faite aux policiers au moment de sa plainte le 7 septembre 2016, soit plus de deux ans après la séparation, elle dit qu’elle ne dort pas la nuit et a peur.
[32] Appelée par l’avocat de M. L... à spécifier son sentiment, elle dira qu’elle avait peur de la réaction de ce dernier après la dénonciation.
[50] Il conclut ensuite :
[45] En aucun temps Mme B... ne parle de menace envers elle. M. L... a des réactions de colère mais pas de menace. Il est colérique sur tout.
[46] Le Tribunal n’a pas non plus la preuve que cela a pu avoir comme effet qu’elle a pu avoir une crainte psychologique.
[47] Le contenu des messages textes envoyés à M. L... par Mme B… au cours de la vie commune et après la séparation, les séparations et reprises de vie commune avant la séparation définitive de la fin mars 2014, les tentatives de reprise de vie commune après cette séparation, sans succès, tel qu’admis par cette dernière, ne démontrent nullement qu’elle se sent menacée.
[48] Le Tribunal conclut de la preuve que, bien que contrôlant, le comportement de M. L... ne constitue pas une menace.
[49] Le Tribunal ajoute de plus que la poursuite n’a pas prouvé la crainte chez Mme B....
[50] La vie commune avait ses hauts et ses bas, mais aucune crainte n’a été prouvée.
[…]
[51] Monsieur L... était contrôlant et colérique, mais la preuve ne démontre nullement qu’il a harcelé ni ne s’est pas soucié que Mme B... se sente harcelée. Sa conduite n’a pas non plus eu pour effet de faire raisonnablement craindre à Mme B... pour sa sécurité.[21]
[Soulignements ajoutés]
[51] En ce qui a trait aux gestes de harcèlement criminel reprochés par F... A..., le juge les énonce comme suit :
[55] Ce qui constitue pour Mme A... du harcèlement de la part de M. L... est :
- Il est colérique;
- Il surveille son temps sur facebook alors qu’ils ne demeurent pas ensemble;
- Il lui pose plein de questions, lui demande ce qu’elle fait, lui dit qu’il sait avec qui elle est;
- Si elle ne répond pas immédiatement à ses messages, il est intense et il réécrit souvent;
- Il ne veut pas qu’elle sorte;
- Elle parle d’un événement aux Fêtes de 2013 où il sait où elle est sortie sans lui et il sait où elle est et ce qu’elle fait;
- Il est arrivé sans invitation chez une amie où elle se trouve alors qu’il ignorait où elle était allée et ne pouvait connaître cet endroit;
- Il sait qu’elle prend un café avec un ami;
- Elle découvre qu’une application de géolocalistion se trouve sur son téléphone;
- Il ne veut pas qu’elle ait des amis;
- Elle se sent isolée;
- Il est manipulateur;
- Tout devenait chicane.
[52] Puis, il conclut :
[56] La majorité des gestes et paroles décrits par Mme A... se sont produits et étaient connus d’elle avant qu’elle aille demeurer avec M. L....
[57] Le Tribunal n’est pas convaincu que Mme A... craint M. L..., alors que, sans en avoir été obligée, elle va demeurer avec lui.
[58] Le Tribunal n’est pas non plus convaincu qu’elle est harcelée ou se sent harcelée alors qu’après avoir découvert que M. L... avait activé sans le lui dire la géolocalisation sur son cellulaire, elle a accepté volontairement, après lui en avoir parlé, qu’elle demeure activée.
[59] L’envoi de messages textes ne constitue pas du harcèlement; M. L... et Mme A... utilisant cette façon de communiquer mutuelle; Mme A... disant même qu’ils s’en envoient à tous les matins.
[60] Madame A... dit qu’elle a peur des excès de colère de M. L..., mais elle dit aussi qu’il n’a jamais été violent envers elle ni qu’il n’a tenu des propos menaçants à son endroit. Il ne s’est donc pas comporté de façon menaçante envers elle comme l’exige le sous-paragraphe d) de l’article 264 (2) C.cr.
[61] Elle admet également qu’après la séparation, elle n’a pas fermé la porte à une réconciliation, qu’elle a organisé une soirée de fête pour lui, qu’ils se sont envoyé des messages textes, qu’elle l’a invité à son logement et sont allés au cinéma.
[62] Outre que les gestes reprochés n’ont pas le caractère répétitif nécessaire pour constituer du harcèlement, le comportement de Mme A... n’en est pas un d’une personne qui craint.
[63] La poursuite n’a donc pas prouvé de façon hors de tout doute raisonnable que F... A... a été harcelée criminellement.[22]
[Soulignements ajoutés]
[53] Puisque l’argument de la poursuite repose en large partie sur l’interprétation de l’article 264 C.cr., il convient également d’en reproduire le libellé :
Harcèlement criminel |
Criminal harassment |
264 (1) Il est interdit, sauf autorisation légitime, d’agir à l’égard d’une personne sachant qu’elle se sent harcelée ou sans se soucier de ce qu’elle se sente harcelée si l’acte en question a pour effet de lui faire raisonnablement craindre — compte tenu du contexte — pour sa sécurité ou celle d’une de ses connaissances. |
264 (1) No person shall, without lawful authority and knowing that another person is harassed or recklessly as to whether the other person is harassed, engage in conduct referred to in subsection (2) that causes that other person reasonably, in all the circumstances, to fear for their safety or the safety of anyone known to them. |
Actes interdits |
Prohibited conduct |
(2) Constitue un acte interdit aux termes du paragraphe (1), le fait, selon le cas, de : |
(2) The conduct mentioned in subsection (1) consists of |
a) suivre cette personne ou une de ses connaissances de façon répétée; |
(a) repeatedly following from place to place the other person or anyone known to them; |
b) communiquer de façon répétée, même indirectement, avec cette personne ou une de ses connaissances; |
(b) repeatedly communicating with, either directly or indirectly, the other person or anyone known to them; |
c) cerner ou surveiller sa maison d’habitation ou le lieu où cette personne ou une de ses connaissances réside, travaille, exerce son activité professionnelle ou se trouve; |
(c) besetting or watching the dwelling-house, or place where the other person, or anyone known to them, resides, works, carries on business or happens to be; or |
d) se comporter d’une manière menaçante à l’égard de cette personne ou d’un membre de sa famille. |
(d) engaging in threatening conduct directed at the other person or any member of their family. |
[…] |
(…) |
[54] Le Code criminel ne fournit pas une définition du terme « harcèlement » pour les fins de l’article 264 C.cr. Dans R. c. Morrissette[23], cette Cour le souligne et propose une définition issue de la jurisprudence, notamment celle proposée par cette Cour dans l’arrêt Lamontagne[24] :
[12] In the present case the judgment under appeal fails to explain why or how the judge was left with a reasonable doubt with respect to each of the elements of criminal harassment. The Code does not define harassment for the purposes of section 264 but the jurisprudence on this point is well established. It denotes conduct that is more than disturbing or unsettling. Various synonyms have been ventured to describe the heightened effect that harassing conduct must demonstrate. Proulx J.A. addressed this in Lamontagne:
Il ne suffit pas que la plaignante soit «vexed, disquieted or annoyed», encore faut-il démontrer que la conduite prohibée ait «tormented, troubled, worried continually or chronically, plagued, bedeviled and badgered», soulignent ces arrêts.
[…]
De ces définitions du «harcèlement» auxquelles je me range, je retiens que l'on ne se limite pas au sens classique et restreint du mot qui est de «soumettre sans répit à de petites attaques réitérées, à de rapides assauts incessants» (Le Petit Robert I, 1987). «Harceler» peut tout aussi bien signifier le fait d'«importuner (qqn) par des demandes, des sollicitations, des incitations» (Le Grand Robert de la langue française, 1992), ce qui traduit bien l'idée qu'il doit s'agir d'un comportement qui a pour effet d'importuner en raison de sa continuité ou de sa répétition, («vex, trouble, annoy continually or chronically»).
En raison de la distinction que fait le législateur entre l'acte interdit au sens du par. (2) et le harcèlement comme conséquence ultime de l'acte, on ne peut donc tout simplement faire l'équation entre les deux, d'où la nécessité, comme je viens de l'exposer, de s'interroger sur la définition de l'état d'«harcèlement», indépendamment des actes interdits qui peuvent générer cet état et qui sont expressément prévus au par. (2).[25]
[Soulignement ajouté; caractères gras dans l’original]
[55] Dans son mémoire, la poursuite soutient que le caractère répétitif des gestes n’est pas un élément essentiel de l’infraction, en s’appuyant sur les propos suivants de la juge Thibault dans l’arrêt Bertrand c. R. :
[24] Les cours d'appel canadiennes ont examiné la notion de harcèlement dans cinq arrêts. On peut en dégager que la répétition de l'événement n'est pas un élément de l'infraction de harcèlement criminel et que, dans certaines circonstances, un événement unique suffit.[26]
[56] Dans cet arrêt, la juge Thibault réfère d’ailleurs au passage de l’arrêt Lamontagne, tel que repris dans l’extrait de l’arrêt R. c. Morrissette reproduit précédemment. Elle se fonde également sur l’arrêt R. v. Hyra, où la Cour d’appel du Manitoba signale que l’article 264(2)d) ne requiert pas la preuve d’actes répétés :
21 It is trite to say that not all harassment is criminal harassment. What specifically makes the harassment criminal under s. 264(2)(d) is when an accused engages in threatening conduct directed at the other person or any member of their family. While the trial judge found that the accused did engage in threatening conduct directed at the complainant by finding him guilty of the offence, he did not expressly state what the threatening conduct was that caused him to convict under subs. (d).
22 When considering an offence under this subsection, it is important to note that unlike s. 264(2)(a) and (b), the word “repeatedly” is absent from subs. (d). There need not be a repetitive element to the threatening conduct for subs. (d) to be engaged. A single incident can constitute threatening conduct provided that it carries as a consequence that the complainant is in a state of being harassed. See R. v. Kosikar (1999), 138 C.C.C. (3d) 217 (Ont. C.A.), leave to appeal to S.C.C. refused 142 C.C.C. (3d) vi.
23 What readily demonstrates that the accused’s conduct in this case reached the level of criminal harassment under s. 264(2)(d) is his threatening conduct towards the complainant during Period III, when he threatens to “ruin her life.” This threatening conduct is to be examined in the context of all that preceded it. Indeed, the indictment specifies that the offence occurred between December 1, 2000 and August 2, 2004.[27]
[Soulignements ajoutés]
[57] Néanmoins, l’ensemble de la jurisprudence à laquelle elle réfère vise l’application de l’article 264(2)d) C.cr. sans nécessairement couvrir tous les actes prévus à l’article 264(2) C.cr.
[58] Ainsi, la poursuite ne peut, sur la foi de ce seul arrêt, prétendre que la répétition n’est jamais un élément essentiel, d’autant que le libellé des sous-paragraphes n’appuie pas cette prétention. Le caractère répétitif de l’acte reproché devra être prouvé s’il est celui visé par les sous-paragraphes 264(2)a) C.cr. ou 264(2)b) C.cr., par opposition aux sous-paragraphes 264(2)c) et 264(2)d) C.cr.[28] qui ne requièrent pas une telle répétition.
[59] Le juge ne commet donc pas d’erreur en retenant qu’une preuve de répétition est nécessaire pour les sous-paragraphes a) et b) qui visent les actes de suivre la personne ou de communiquer à répétition avec celle-ci ou l’une de ses connaissances.
[60] Cela étant, sa conclusion de fait à l’égard de l’absence d’actes répétitifs suffisait-elle pour conclure que l’infraction n’avait pas été démontrée, alors que la poursuite plaide qu’une évaluation globale des actes reprochés s’impose dans le contexte de la violence conjugale et que l’acte reproché est celui du comportement menaçant prévu au sous-paragraphe 264(2)d) C.cr. qui n’exige pas la démonstration d’actes répétés?
[61] L’appelant a raison de soutenir qu’il y a un flou en ce qui concerne les actes visés par les accusations de harcèlement. Cela étant, ce flou n’est pas étranger au fait que les gestes reprochés s’insèrent dans un climat de violence conjugale, de domination, de jalousie et de manipulation et semblent indissociables du comportement menaçant interdit au sous-paragraphe 264(2)d), bien que pris isolément, ils pourraient autrement correspondre aux actes visés par les sous-paragraphes 264(2)a) C.cr. ou 264(2)b) C.cr.
[62] Une confusion entre les éléments essentiels des différents actes interdits par le paragraphe 264(2) C.cr. peut donner ouverture à une intervention en appel, tel que l’a décidé la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans R. v. Scuby[29] :
[5] At the outset of the trial, Crown counsel advised the court that the conduct upon which it was relying to find Mr. Scuby guilty of criminal harassment was that described in s. 264 (2) (b). The repeated communications consisted of nine telephone calls made by Mr. Scuby and directed to the complainant, Detective Coady. Five calls were made on December 11, 2002 and four were made on December 19, 2002.
(…)
[10] The trial judge found that the Crown had established the first, fourth, and fifth elements of the offence beyond a reasonable doubt. She was not satisfied, however, that the second element of the offence had been established; that is, that Det. Coady had been harassed. Her conclusion in that regard is found at paras. 11 and 12 of her reasons for judgment:
(…)
[11] In my view, it is apparent from this passage that the trial judge divorced the fact of the repeated telephone calls from the content of those calls in determining whether Det. Coady had been harassed. She also misdirected herself by confusing, or intermingling, the prohibited conduct under s. 264(2)(b) (repeated communications) with that under s. 264(2)(d) (engaging in threatening conduct). Her finding that the content of the telephone calls did not amount to an express threat to Det. Coady was not determinative of the question of whether Det. Coady had been harassed by "repeated communications".
[12] In determining whether Det. Coady had been tormented, troubled, or worried continually by the repeated telephone calls, as alleged, the trial judge had to consider both the content and the repetitious nature of those calls, together with the context in which those calls were made. Her failure to do so, combined with her misdirection in interjecting irrelevant considerations under s. 264(2)(d) into her analysis constituted an error in law.
[Soulignements dans l’original; caractères gras ajoutés]
[63] Ici, les gestes décrits par le juge à l’égard des plaignantes ne semblent pas niés par l’appelant qui plaide plutôt qu’ils ne suffisent pas pour le déclarer coupable de harcèlement. Il prétend cependant que les motifs du juge ne permettent pas de conclure qu’il a retenu le récit des plaignantes à l’égard des gestes reprochés.
[64] Dans la formulation de ses motifs, le juge ne remet toutefois pas en question la version des plaignantes. Il conclut plutôt sur la base des gestes qu’elles ont rapportés qu’elles n’ont pas craint non plus que ressenti une menace de la part de l’appelant. Dans ce contexte, je ne peux souscrire à la thèse de l’appelant voulant que le juge n’ait pas cru les plaignantes. J’estime par ailleurs que les gestes rapportés, lorsque considérés dans le contexte global de violence conjugale, de domination et de manipulation dans lequel ils s’inscrivent, sont par leur nature susceptibles de correspondre au comportement menaçant interdit sous l’article 264(2)d) C.cr., à condition que les éléments essentiels de l’infraction énoncés dans l’arrêt Lamontagne[30] soient démontrés, à savoir :
(1) que l'appelant s'est comporté d'une manière menaçante envers les plaignantes;
(2) qu'en se comportant d'une manière menaçante, cela a eu pour effet de faire raisonnablement craindre les plaignantes - compte tenu du contexte - pour leur sécurité;
(3) que les plaignante ont été harcelées;
(4) que l'appelant savait que les plaignantes se sentaient harcelées ou ne se souciait pas qu'elles se sentent harcelées.
[65] Le juge de première instance retient en outre que l’appelant n’a jamais été violent envers les plaignantes, alors qu’il ne s’agit pas d’un critère pour conclure à un comportement menaçant.
[66] De toute manière, il s’agit d’une conclusion paradoxale en ce qui concerne la plaignante B... dans la mesure où il déclare l’appelant coupable de voies de fait armées à son endroit et que madame B... a témoigné d’explosions de violence de l’appelant (coups de poing dans les murs, à travers les portes, déchirures de chandail, cris, insultes) [31] et raconté l’altercation qui a eu lieu chez lui au mois d’avril 2014, alors qu’elle tentait de récupérer les vêtements de sa fille. Certes, le juge conclut que l’appelant a fait usage de force raisonnable à l’endroit de la plaignante qui s’était introduite chez lui sans son consentement. Le récit de celle-ci demeure néanmoins saisissant pour peu qu’on s’attarde à la description qu’elle fait de la manière avec laquelle l’appelant la pousse d’abord sur le lit de leur enfant, l’y maintient de force avant de la tirer par les chevilles sur le sol, de la traîner sur le dos dans le corridor tandis qu’elle s’accroche au cadre de porte. Il la poussera ensuite à l’extérieur en bas de la galerie, trois marches plus bas[32].
[67] Le juge conclut par ailleurs que les plaignantes n’ont pas craint l’appelant. Il fait très peu de cas du contexte de contrôle et de manipulation qui régnait au moment d’analyser les éléments essentiels des infractions de harcèlement reprochées pour chacune des plaignantes, au-delà du constat que l’appelant « était contrôlant et colérique »[33].
[68] Pourtant, tel que le soulignait cette Cour dans l’arrêt Côté c. R.[34] « [l]a crainte peut naître d'un ensemble de facteurs et la conduite du harceleur, au fil du temps, est l'une des composantes à prendre en considération pour analyser si une personne raisonnable aurait, dans les mêmes circonstances, craint pour sa sécurité ».
[69] De plus, la crainte de la victime dépasse le seul cadre de sa sécurité physique, tel que le rappelait récemment cette Cour dans l’arrêt R. c. Rancourt[35] :
[34] Je note cependant que tant dans l’affaire Lamontagne que dans l’arrêt R. v. Sillip de la Cour d’appel de l’Alberta que cite la Cour, seule la crainte pour la sécurité physique des victimes était en cause.
[35] Or, les tribunaux ont depuis reconnu que la crainte subjective d’une victime pour sa sécurité en matière de harcèlement criminel s’étend non seulement à la sécurité physique, mais également à la sécurité psychologique ou émotionnelle.
[36] Dans l’affaire R. v. Gowing, la Cour de justice de l’Ontario affirme d’ailleurs :
[...] the intention of the legislature that a victim's fear for his or her safety must include psychological and emotional security. To restrict it narrowly, to the risk of physical harm by assaultant behaviour, would ignore the very real possibility of destroying a victim's psychological and emotional well-being by a campaign of deliberate harassment. If conduct by an accused person constitutes embarking on a course of conduct that causes a person reasonably to fear for his or her emotional and psychological safety, when viewed objectively, this would, in my view, constitute an offence under this section.
[37] S’il est vrai qu’une simple inquiétude ou un sentiment d’inconfort ne suffisent pas pour déclarer un individu coupable de harcèlement criminel, l’élément de la crainte subjective n’exige pas pour autant que la victime soit terrifiée. À cet égard, le juge Donald de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique énonce également :
I do not accept the notion that victims of harassment must suffer ill health or major disruption in their lives before obtaining the protection of s. 264.
[38] Il est ainsi possible pour un tribunal d’inférer, à la lumière de l’ensemble des circonstances et des témoignages, qu’une personne a subjectivement craint pour sa sécurité, et ce, même si celle-ci n’emploie pas les termes « crainte » ou « peur » dans le cadre de son témoignage.[36]
[Soulignements ajoutés; renvois omis]
[70] En l’espèce, à mon avis, même en se limitant aux seuls gestes décrits par le juge dans son jugement, ceux-ci correspondent à un comportement menaçant susceptible de faire raisonnablement craindre les plaignantes pour leur sécurité physique, psychologique ou émotionnelle aux termes du sous-paragraphe 264(2)d) C.cr., tel qu’interprété par la jurisprudence[37]. J’ajouterai que la conclusion à laquelle en vient le juge du procès, lorsqu’il conclut à l’absence de crainte ou de menace ressentie par les plaignantes, est tributaire de la seconde erreur qui lui est reprochée et qui relève du recours aux stéréotypes de la « victime attendue » en matière de violence conjugale et que j’aborderai au point suivant.
[71] La poursuite cite les propos de la Cour suprême au sujet du phénomène de violence conjugale et rappelle qu’une plaignante peut agir dans ce contexte d’une façon qui semble irrationnelle. Elle plaide que le juge de première instance a tiré des conclusions fondées sur des stéréotypes. Ceci, notamment lorsqu’il conclut que la plaignante B... n’avait pas le comportement d’une personne menacée puisqu’elle a gardé contact avec l’appelant et tenté de refaire vie commune avec lui. De la même façon, le juge décide, sur la base de stéréotypes semblables, que la seconde plaignante F... A... ne craignait pas non plus l’appelant puisqu’elle a continué de vivre avec lui et, qu’après la séparation, elle n’a pas fermé la porte à une réconciliation. Il ajoute qu’elle a même accepté volontairement l’activation de la géolocalisation sur son cellulaire, après avoir réalisé qu’il l’avait activée à son insu.
[72] Dans son mémoire, l’appelant concède « que le juge a tiré certaines inférences fondées sur le comportement attendu d’une victime qui vivrait dans la peur »[38]. Il précise toutefois que « même si les conclusions du juge sont en partie teintées par des idées reçues et des préjugés, il n’en demeure pas moins que le comportement des victimes peut demeurer pertinent afin de déterminer si l’appelant savait que les victimes se sentaient harcelées ou qu’il ne s’en souciait pas »[39].
[73] Selon lui, le juge a retenu qu’il n’y avait pas de preuve de crainte et le comportement des plaignantes est compatible avec cette conclusion. Les plaignantes n’ont pas éprouvé de difficultés particulières à le quitter et, même si la preuve révèle que l’appelant était contrôlant, « [elles] ont conservé une large part d’autonomie ». Selon lui, la preuve est faible quant aux conséquences de la violence subie par les plaignantes et rien ne démontre qu’elles ont maintenu contact avec lui en raison d’un sentiment d’oppression. Par ailleurs, l’appelant plaide que le juge pouvait déduire du témoignage de F... A... qu’elle n’était pas entièrement sous son emprise, sans qu’il s’agisse d’appliquer un stéréotype. Au surplus, le fait qu’elle a accepté d’être géolocalisée pouvait faire en sorte qu’il ignore qu’elle se sentait harcelée.
[74] Dans R. c. Lavallee, la Cour suprême relève le genre de stéréotypes auxquels peut donner lieu le contexte de violence conjugale et le risque que pose la réaction de la personne moyenne face au « syndrome de la femme battue » :
Une preuve d'expert relative à l'effet psychologique que peut avoir la violence sur les épouses et les conjointes de fait doit, me semble-t-il, être à la fois pertinente et nécessaire dans le contexte du présent litige. En effet, comment peut-on juger de l'état mental de l'appelante sans cette preuve? On peut pardonner au citoyen (ou au juré) moyen s'il se demande: Pourquoi une femme supporterait-elle ce genre de traitement? Pourquoi continuerait-elle à vivre avec un tel homme? Comment pouvait elle aimer quelqu'un qui la battait tellement qu'elle devait être hospitalisée? On s'attendrait à ce que la femme plie bagage et s'en aille. N'a-t-elle aucun respect de soi? Pourquoi ne part-elle pas refaire sa vie? Telle serait la réaction de la personne moyenne devant ce qu'il est convenu d'appeler le [TRADUCTION] "syndrome de la femme battue". Nous avons besoin d'aide pour le comprendre et cette aide, nous pouvons l'obtenir d'experts compétents en la matière.
[…]
Toutefois, une femme qui allègue devant un juge ou un jury avoir été battue, et qui fait valoir cela comme facteur pertinent à prendre en considération dans l'appréciation d'actes ultérieurs, risque toujours la condamnation en raison de la mythologie populaire relative à la violence domestique: Elle était certainement moins gravement battue qu'elle le prétend, sinon elle aurait quitté cet homme depuis longtemps. Ou, si elle était si sévèrement battue, elle devait rester par plaisir masochiste.
[…]
La cour conclut à la p. 379 que la situation de la femme battue [TRADUCTION] "fait l'objet d'un grand nombre de mythes et de stéréotypes." Cela étant, elle [TRADUCTION] "échappe aux connaissances du juré moyen et se prête en conséquence à l'élucidation par témoignage d'expert". Je partage cet avis.[40]
[Soulignements ajoutés]
[75] La Cour d’appel du Manitoba, faisant une revue de la jurisprudence applicable, rappelle que le recours aux mythes et stéréotypes pour discréditer la crédibilité d’une victime d’agression sexuelle doit être évité :
[46] The strategy of using myths and stereotypes to discredit the credibility of a complainant in an allegation of sexual violence is “invidious” because such a submission is subtlety persuasive by its appeal to common sense (Find at para 103). While the argument in the accused’s factum focusses on the circumstances of this case and the issue of different levels of scrutiny, any doubt as to what was meant by the statement in the accused’s factum that the complainant’s version of the events was not “plausible in the context of the situation” was made crystal clear at the hearing of the appeal. Counsel for the accused invited the Court to interfere with the judge’s credibility assessment based on a submission relying on myths and stereotypes regarding a complainant of a sexual assault and domestic violence.
[47] During oral submissions, counsel for the accused argued that it wasn’t usual for rape victims to invite perpetrators back into the house and console them (which was the complainant’s evidence). He further argued that the complainant’s credibility should have been questioned by, as counsel put it, her reckless decision after the July 2012 incident to leave the children with the accused who had apparently threatened to kill them. At the core, these submissions go beyond the determination of credibility based on the facts of the case and place an impermissible reliance on myths and stereotyping to discredit the complainant. As Cory J explained in Osolin, “inferences pertaining to consent or the credibility of rape victims which are based on groundless myths and fantasized stereotypes is improper” (at p 670).
[48] One of the unfortunate realities of the Canadian criminal justice system historically is the prevalence of the use by lawyers, judges and juries of myths and stereotyping to discredit female and child witnesses. McLachlin CJC explained this reality in the following manner in Find (at paras 101-3):
The appellant also contends that myths and stereotypes attached to the crime of sexual assault may unfairly inform the deliberation of some jurors. However, strong, sometimes biased, assumptions about sexual behaviour are not new to sexual assault trials. Traditional myths and stereotypes have long tainted the assessment of the conduct and veracity of complainants in sexual assault cases—the belief that women of “unchaste” character are more likely to have consented or are less worthy of belief; that passivity or even resistance may in fact constitute consent; and that some women invite sexual assault by reason of their dress or behaviour, to name only a few. Based on overwhelming evidence from relevant social science literature, this Court has been willing to accept the prevailing existence of such myths and stereotypes: see, for example, Seaboyer, [1991] 2 SCR 577]; R. v. Osolin, [1993] 4 S.C.R. 595, at pp. 669-71; R. v. Ewanchuk, [1999] 1 S.C.R. 330, at paras. 94-97.
Child complainants may similarly be subject to stereotypical assumptions, such as the belief that stories of abuse are probably fabricated if not reported immediately, or that the testimony of children is inherently unreliable: R. v. W. (R.), [1992] 2 S.C.R. 122; R. v. D.D., [2000] 2 S.C.R. 275, 2000 SCC 43; N. Bala, “Double Victims: Child Sexual Abuse and the Canadian Criminal Justice System”, in W. S. Tarnopolsky, J. Whitman and M. Ouellette, eds., Discrimination in the Law and the Administration of Justice (1993), 231.
These myths and stereotypes about child and adult complainants are particularly invidious because they comprise part of the fabric of social “common sense” in which we are daily immersed. Their pervasiveness, and the subtlety of their operation, create the risk that victims of abuse will be blamed or unjustly discredited in the minds of both judges and jurors.
[49] Similarly, Schulman J, in his report in the Lavoie Inquiry (Commission of Inquiry into the Deaths of Rhonda Lavoie and Roy Lavoie, A Study of Domestic Violence and the Justice System in Manitoba (Manitoba: Department of Justice, 1997)), which examined domestic violence and the justice system in Manitoba, warned of the danger of evaluating the credibility of victims of domestic violence based on uninformed and pre-conceived notions of human behaviour (at p 43):
Judges and the court system can play a crucial role in interrupting the cycle of violence and preventing further violence. To do so, judges must understand the issues associated with domestic violence. The behaviour of a victim may confuse or mislead someone who does not appreciate the dynamics of an abusive relationship. Victims frequently return to an abusive relationship or ask that criminal charges against an offender be dropped. They often fail to enforce a no-contact no-communication condition or a recognizance or probation order or refuse to tell anyone, including police officers, about the abuse. While this behaviour is typical of victims of domestic violence, it may lead an uninformed person to conclude that the abuse did not really occur or was not very significant.
To ensure that judges do not formulate incorrect and inappropriate assumptions about victims of domestic violence, they must be aware that domestic violence occurs within every socioeconomic and demographic group. Victims do not necessarily fit into specific categories or possess specific characteristics.
See also R v Lavallee, [1990] 1 SCR 852 at 870-73.
[50] The law is now well settled that the use of myths and stereotypes has no place in the determination of credibility because such reasoning corrupts and distorts the trial process and may result in an unfair trial. As this Court explained in RGB (at para 59):
[T]he credibility of a witness should be judged on the evidence before the judge, not on stereotypical assumptions. A judge would err in law if there is a sound basis to conclude, on appellate review, that a credibility finding was not based on a proper evidentiary foundation, but rather on inappropriate judicial stereotyping.
(…)
[52] The accused’s submission that the complainant’s credibility as to her version of events was undermined because it did not conform to some “idealized standard of conduct” (R v CMG, 2016 ABQB 368 at para 60) is unsound. I reject it unequivocally. Credibility determinations must be based on the totality of the evidence, not untested assumptions of a victim’s likely behaviour based on myths and stereotypes.[41]
[Soulignements ajoutés]
[76] Dans l’affaire R. c. A.R.J.D, la Cour suprême confirmait par ailleurs récemment l’erreur de droit découlant de l’appréciation de la crédibilité de la plaignante en la comparant au comportement attendu d’une victime type d’agression sexuelle :
[2] Nous sommes d’avis de rejeter le pourvoi, essentiellement pour les motifs des juges majoritaires de la Cour d’appel. En prenant en considération l’absence de preuve que la plaignante aurait cherché à éviter l’appelant, le juge du procès a commis l’erreur même contre laquelle il s’était mis en garde plus tôt dans ses motifs : il a apprécié la crédibilité de la plaignante uniquement en comparant son comportement à celui attendu de la victime type d’agression sexuelle. Il s’agissait là d’une erreur de droit. Nous ne voyons rien dans les motifs de la majorité, y compris les par. 39 et 41 soulignés par la défense, qui tende à indiquer le contraire.[42]
[Soulignements ajoutés]
[77] Dans cette affaire, la Cour d’appel de l’Alberta avait d’abord retenu ceci :
[4] The basis for reasonable doubt was explained by the trial judge; first, “given the length of time that these events occurred over, and the fact that the most serious event occurred months before [the complainant] complained, I would have expected some evidence of avoidance either conscious or unconscious; second, that “[a]s a matter of logic and common sense, one would expect that a victim of sexual abuse would demonstrate behaviours consistent with that abuse or at least some change of behaviour such as avoiding the perpetrator”; third, “[w]hile I recognize that everyone does not react in the same way, the evidence suggests that despite these alleged events, the relationship between the accused and the complainant was an otherwise normal parent/child relationship”; and concluding “[t]hat incongruity is significant enough to leave me in doubt about these allegations.”
[5] This appeal raises one issue: did the trial judge err by relying on an impermissible stereotype, or myth, about the behaviour of sexual assault victims in assessing the complainant’s credibility and ultimately acquitting the accused? Specifically, that “one would expect that a victim of sexual abuse would demonstrate behaviours consistent with that abuse or at least some change in behaviour such as avoiding the perpetrator.” The answer is clear: he did.
(…)
[9] To be clear, reliance on a stereotype to found an assessment of credibility bearing on reasonable doubt is impermissible—it is an error of law. Accordingly, reasonable doubt is not a shield for appellate review if that doubt is informed by stereotypical and therefore prejudicial reasoning. Similarly, to suggest that stereotypical thinking is merely logic or common sense is a licence for it to continue unmasked and unabated. That is why, as a matter of law, this type of reasoning must not be insulated from appellate review.
(…)
[39] The more important question is what, if anything, can evidence of a lack of avoidant behaviour by a complainant tell a trier of fact about a sexual assault allegation? The answer is simple—nothing.
[40] There was no explanation provided by the trial judge for the relevance of his conclusion that there was no evidence of avoidant behaviour by the complainant, other than in the context of an expectation that post-assault a victim generally, or this particular complainant, would avoid the perpetrator. Where that expectation was deemed to be unmet, it led to a direct finding against the complainant’s credibility—that her behaviour was not “consistent with [the] abuse” alleged.
(…)
[44] Stereotypicality is never a legitimate anchor on which to tie crucial credibility assessments in the context of sexual assaults. And, counter-stereotypicality must never translate to less credibility.
[45] Moreover, although it is trite that reasonable doubt leading to an acquittal can rest on an “absence of evidence”, the absence of evidence found here—no evidence of avoidance or change in behaviour—appears to be based solely on the trial judge’s impermissible reliance on his own unmet expectation, rather than on a clearly articulated and full assessment of the complainant’s police statement or trial testimony. In the result, the trial judge misdirected himself by basing his credibility assessment of the complainant not on a proper evidentiary foundation, but on inappropriate judicial stereotyping, a point ably made by the Manitoba Court of Appeal in R v RGB, 2012 MBCA 5 at para 59, 287 CCC (3d) 463: (…)[43]
[Soulignements ajoutés]
[78] Plus récemment dans l’affaire R. v. J.C.[44], la juge Paciocco de la Cour d’appel de l’Ontario analysait de manière exhaustive la règle interdisant le recours aux stéréotypes en prenant soin de distinguer les stéréotypes de la preuve admissible d’un comportement particulier d’une victime ou d’un agresseur :
[63] The second relevant, overlapping rule is that factual findings, including determinations of credibility, cannot be based on stereotypical inferences about human behaviour. I will call this “the rule against stereotypical inferences”. Pursuant to this rule, it is an error of law to rely on stereotypes or erroneous common-sense assumptions about how a sexual offence complainant is expected to act, to either bolster or compromise their credibility: Roth, at para. 129; R v. A.B.A., 2019 ONCA 124, 145 O.R. (3d) 634, at para. 5; Cepic, at para. 14. It is equally wrong to draw inferences from stereotypes about the way accused persons are expected to act: R. v. Quartey, 2018 ABCA 12, 430 D.L.R. (4th) 381, at para. 21, aff’d 2018 SCC 59, [2018] 3 S.C.R. 687; and see Cepic, at para. 24.
[64] Two points are critical in understanding this rule and ensuring that it does not impede proper judicial reasoning.
[65] First, like the rule against ungrounded common-sense assumptions, the rule against stereotypical inferences does not bar all inferences relating to behaviour that are based on human experience. It only prohibits inferences that are based on stereotype or “prejudicial generalizations”: R. v. A.R.D., 2017 ABCA 237, 422 D.L.R. (4th) 471, at paras. 6-7, aff’d 2018 SCC 6, [2018] 1 S.C.R. 218.
[66] For example, it is a myth or stereotype that a complainant would avoid their assailant or change their behaviour towards their assailant after being sexually assaulted, and it is an error to employ such reasoning: A.R.D., at paras. 57-58; A.B.A., at paras. 6, 8-10; R. v. Caesar, 2015 NWTCA 4, 588 A.R. 392, at para. 6. Similarly, it is a stereotype that women would not behave in a sexually aggressive manner, or that men would be interested in sex. Reasoning that is based on such inferences is not permitted: Cepic, at paras. 14-16; Quartey, at para. 21.
[67] By contrast, no stereotype or prejudicial generalization is offended by inferring, where a man drives a resisting woman to a secluded location before touching her sexually, that she did not consent and that he intended to touch her without her consent. Hence, such inferences are appropriate.
[68] The second critical point in understanding the rule against stereotypical inferences is that this rule prohibits certain inferences from being drawn; it does not prohibit the admission or use of certain kinds of evidence. Professor Lisa Dufraimont makes this point admirably in “Myth, Inference and Evidence in Sexual Assault Trials” (2019) 44:2 Queen’s L. J. 316, at pp. 345-46, 350; and it is reinforced in A.R.D., at paras. 6-8, 62; and Roth, at para. 73.
[69] For this reason, it is not an error to admit and rely upon evidence that could support an impermissible stereotype, if that evidence otherwise has relevance and is not being used to invoke an impermissible stereotype: Roth, at paras. 130-38. For example, in R. v. Kiss, 2018 ONCA 184, at paras. 101-2, evidence that the complainant did not scream for help was admitted, not to support the impermissible stereotypical inference that her failure to do so undermined the credibility of her claim that she was not consenting, but for the permissible purpose of contradicting her testimony that she had screamed to attract attention.
[70] By the same token, it is not an error to arrive at a factual conclusion that may logically reflect a stereotype where that factual conclusion is not drawn from a stereotypical inference but is, instead, based on the evidence. For example, although it is a stereotype that men are interested in sex, it was not an error to infer that the accused male was interested in sex at the time of the alleged assault where that inference was based on evidence: Quartey, at para. 21. Similarly, in R. v. F.B.P., 2019 ONCA 157, the trial judge was found not to have erred in finding it implausible that the complainant would consent to spontaneous sex on a balcony, potentially in full view of others, because that inference did not rest in stereotypes about the sexual behaviour of women. The inference was based on evidence about the ongoing sexual disinterest the complainant had shown in the accused, and the ready availability of a private bedroom.
[79] Pour établir l’erreur de droit, il ne suffit pas pour la poursuite de démontrer l’usage de stéréotypes. Elle a le fardeau de démontrer que cet usage a eu un impact sur la décision, comme le signalait cette Cour dans l’arrêt Gélinas c. R. :
[6] Pour que son moyen soit retenu, l’appelant doit non seulement établir l’usage d’un stéréotype, mais aussi que celui-ci a eu un impact sur la décision. Conclure à la culpabilité d’un accusé en se fondant sur des préjugés et non sur la preuve constitue une erreur de droit.[45]
[Renvoi omis]
[80] La poursuite « n’est toutefois pas tenu[e] de nous persuader que le verdict aurait nécessairement été différent »[46].
[81] Le juge conclut que la majorité des gestes posés à l’endroit de F... A... ont eu lieu avant qu’elle emménage chez l’appelant. Ainsi, elle n’a pu se sentir harcelée puisqu’elle a emménagé en connaissant son caractère contrôlant et manipulateur et elle n’a pas par ailleurs fermé la porte à la réconciliation à la suite de leur séparation. Il conclut à l’absence de crainte chez la plaignante parce qu’elle a communiqué avec lui par messages textes et qu’elle a par ailleurs accepté d’être géolocalisée en tout temps « pour éviter encore une chicane, une colère »[47], alors que l’appelant « n’a pas nié avoir lui-même installé l’application de géolocalisation sur le téléphone cellulaire »[48].
[82] La poursuite plaide qu’il s’agit là de l’application de stéréotypes qu’une « victime attendue » ou « normale » aurait dû refuser, protester ou manifester sa peur.
[83] À mon avis, la poursuite a raison. Le juge fait usage de stéréotypes qui participent de la même logique que ceux contre lesquels la Cour suprême nous met en garde en matière de violence conjugale, notamment celui qu’une plaignante « était certainement moins gravement battue qu'elle le prétend, sinon elle aurait quitté cet homme depuis longtemps »[49]. Comme le rapport cité par la Cour d’appel du Manitoba l’exprime : « [t]he behaviour of a victim may confuse or mislead someone who does not appreciate the dynamics of an abusive relationship. Victims frequently return to an abusive relationship […] »[50].
[84] Il n’est pas aisé de tracer la ligne entre l’utilisation de stéréotypes visant à discréditer le témoignage d’une plaignante et l’appréciation de son témoignage ou de l’ensemble de la preuve, au regard des critères juridiques applicables. Toutefois, en l’espèce, au moment de conclure que la preuve de l’infraction de harcèlement criminel n’a pas été faite hors de tout doute raisonnable, le juge de première instance fournit peu d’explications autres que celles qui s’appuient sur des stéréotypes qui doivent être évités.
[85] Concernant la plaignante S... B..., des reproches semblables sont adressés par la poursuite qui plaide à nouveau que le juge a fait usage de stéréotypes en retenant qu’elle ne se sentait pas menacée, malgré les réactions de colère de l’appelant et son caractère contrôlant, puisqu’elle a gardé contact et tenté de refaire vie commune avec lui et qu’elle communiquait avec lui par messages textes tant au cours de la vie commune que par la suite.
[86] Le raisonnement du juge relève une fois de plus du stéréotype puisqu’il retient en fait qu’une « vraie victime » n’aurait pas tenté de reprendre la vie commune avec la personne qui l’a harcelée si elle se sentait menacée et qu’elle n’aurait pas échangé des messages textes avec elle. À l’instar de la situation qui prévalait pour l’autre plaignante, madame A..., j’estime que la conclusion sur l’absence de crainte est fondée essentiellement sur des stéréotypes qui ne doivent pas être utilisés et qui vicient cette conclusion.
[87] S’appuyant sur l’arrêt R. c. J.M.H.[51], la poursuite rappelle que l’application de mauvais principes juridiques aux conclusions de fait constitue une erreur de droit. Selon elle, les conclusions de fait concernant les témoignages permettent de conclure que les éléments constitutifs de l’infraction de harcèlement ont été démontrés et qu’une intervention de la Cour s’impose.
[88] L’appelant répond que, même si le juge avait conclu à la présence d’un climat de violence, ce qu’il nie, il incombait à la poursuite de démontrer que l’appelant savait que les victimes se sentaient harcelées ou qu’il ne s’en souciait pas, ce qu’elle n’a pas fait.
[89] À mon avis, le jugement de première instance comporte une erreur de droit découlant d’ « une appréciation de la preuve fondée sur un mauvais principe »[52], en ayant recours à des stéréotypes lorsqu’il évalue la présence des éléments essentiels de l’infraction de harcèlement reprochée et cette erreur commande l’intervention de la Cour à l’égard des verdicts d’acquittement.
[90] En ce qui concerne le remède proposé, la poursuite demande à la Cour de substituer un verdict de culpabilité à ces verdicts d’acquittement. Or, la Cour suprême énonce les conditions qui doivent être satisfaites pour mener à un tel résultat :
[37] Par conséquent, nous concluons que le ministère public s’est acquitté de son fardeau de démontrer « qu’il serait raisonnable de penser, compte tenu des faits concrets de l’affaire, que l’erreur [. . .] du premier juge [a] eu une incidence significative sur le verdict d’acquittement » (Graveline, par. 14). Nous sommes donc d’avis d’annuler les acquittements.
[…]
[39] Pour annuler un acquittement et consigner un verdict de culpabilité, nous devons être convaincus « que [. . .] les conclusions de fait du juge du procès étayent, au regard du droit applicable, une déclaration de culpabilité hors de tout doute raisonnable » (R. c. Katigbak, 2011 CSC 48, [2011] 3 R.C.S. 326, par. 50). Or, ce pouvoir ne doit s’exercer que dans les situations les plus claires (R. c. Audet, [1996] 2 R.C.S. 171, par. 48).[53]
[91] Dans les circonstances de l’affaire, j’estime que nous ne sommes pas devant une de ces situations « les plus claires » qui justifie de substituer un verdict de culpabilité aux verdicts d’acquittement prononcés. À mon avis, l’erreur commise commande plutôt la tenue d’un nouveau procès à l’égard des chefs de harcèlement criminel reprochés[54].
[92] En ce qui concerne l’appel sur la peine prononcée le 10 décembre 2020 à l’égard du chef d’agression sexuelle condamnant l’appelant à un emprisonnement de 14 mois[55], ce dernier plaide que le juge de première instance aurait erré dans sa détermination des facteurs aggravants et qu’il aurait imposé une peine manifestement non indiquée en se fondant sur une fourchette de peines qui n’était pas applicable en l’espèce.
[93] Lors des observations sur la peine, les deux plaignantes et l’accusé ont témoigné. La défense a également produit une lettre d’une ex-conjointe de l’accusé, traçant un portrait positif de l’accusé, à laquelle la poursuite ne s’est pas opposée, mais en a signalé la faible valeur probante.
[94] Dans le cadre de son jugement, le juge rappelle la nature des actes reprochés et explique le long délai entre la déclaration de culpabilité et le prononcé de la peine (14 mois). Il souligne que l’appelant a omis de se présenter à l’audience, reportée à sa demande, pour lui permettre d’obtenir une évaluation sexologique qui n’a jamais été complétée et qu’il a dû faire l’objet d’un mandat d’arrestation.
[95] Le juge rappelle le caractère contrôlant, manipulateur et colérique de l’appelant et signale qu’il était membre des Forces armées canadiennes et ne l’est plus, étant inapte en raison d’un choc post-traumatique. Il précise également qu’il est père de deux enfants, dont une fille dont il partage la garde avec la plaignante B.... Il souligne qu’aucun rapport présentenciel n’a été produit. Il mentionne également les déclarations des plaignantes dont il retient qu’elles « vivent assurément des impacts liés aux accusations »[56].
[96] Il rappelle en outre les objectifs et les principes en matière de détermination de la peine : le principe fondamental de la proportionnalité ainsi que ceux de l’individualisation et de l’harmonisation des peines, puis expose que la poursuite demande une peine de 14 mois d’emprisonnement pour l’agression sexuelle, tandis que l’appelant demande une peine d’emprisonnement de 90 jours à être purgée de façon discontinue, assortie d’une probation avec suivi et l’obligation d’effectuer 200 heures de travaux communautaires.
[97] Il réfère ensuite à la gravité objective de l’acte d’agression sexuelle entraînant une peine pouvant aller jusqu’à 10 ans d’emprisonnement, avant d’aborder les facteurs atténuants et aggravants :
Facteurs atténuants
[22] Le Tribunal retient comme facteurs atténuants les éléments suivants :
- Absence d’antécédents judiciaires;
- Présence d’un seul événement pour chacune des victimes.[57]
[23] La défense soutient que la médiatisation du dossier de même que la durée des procédures et les effets sur M. L..., tel qu’il l’a mentionné lors de son témoignage, sont des facteurs atténuants.
[24] Les procès en matière criminelle sont publics et rien ne démontre que celui-ci se distingue d’un autre, que la couverture médiatique a été d’une ampleur exceptionnelle et que M. L... en a subi des conséquences.
Facteurs aggravants
[25] Les facteurs aggravants retenus par le Tribunal sont les suivants :
- Le contexte de contrôle auquel étaient soumises les deux victimes durant la vie commune;
- Infractions commises contre des conjointes et donc mauvais traitements contre des partenaires intimes (art. 718.2 a) (ii) C.cr.;
- Responsabilité morale entière;
- Responsabilité pénale entière;
- Absence de démarches pour gérer ses comportements;
- La gravité des gestes commis par M. L... sur Mme A…, parce qu’il y a eu relation sexuelle complète, et aussi parce qu’il a complètement fait fi du comportement et des demandes de cette dernière, allant même jusqu’à lui dire d’arrêter de pleurer.
[26] Le Tribunal considère de plus comme facteur aggravant que le risque de récidive est présent.
[27] Le témoignage que M. L... a rendu lors des représentations sur la peine où il a parlé presque exclusivement des impacts du processus judiciaire sur lui, allant même jusqu’à dire que ses enfants vont en souffrir parce qu’il va quitter la région, en est la preuve.
[28] Ce témoignage démontre qu’il n’a aucune prise de conscience de ses comportements envers les victimes. Il est vrai qu’il se dit désolé envers Mme B… et qu’il a pris conscience que tirer des choses n’est pas une bonne façon de réagir, mais il n’a rien fait pour justement éviter ces réactions.
[29] Il a déposé en preuve une déclaration écrite d’une ex-conjointe qui a récemment fait vie commune avec lui pendant deux ans, vantant ses mérites et disant qu’il a toujours été respectueux envers elle. Cela n’est pas suffisant pour amoindrir le risque de récidive.
[30] Par conséquent, le Tribunal ne peut donc exclure le risque de récidive.
[31] Le Tribunal ne considère pas comme facteur aggravant le fait qu’il y a absence de remords par M. L... puisque celui-ci a nié sa culpabilité concernant l’agression sexuelle et a porté ce dossier en appel.
[98] Finalement, le juge signale que les peines en matière sexuelle priorisent la dénonciation et la dissuasion et qu’elles sont de plus en plus sévères. Il résume les différentes décisions et fourchettes de peine proposées par les parties, puis rappelle l’importance non seulement de l’harmonisation des peines, mais aussi de leur individualisation.
[99] Il distingue les décisions invoquées par l’avocate de l’appelant en soulignant qu’elles présentent plusieurs facteurs atténuants qui sont ici absents et qu’elles ne présentent pas certains facteurs aggravants qui sont présents en l’espèce, notamment dans l’arrêt Ouellet c. R.[58], où l’accusé avait entrepris une démarche psychologique pour régulariser ses émotions, alors que ce n’est pas le cas en l’espèce.
[100] Il conclut[59] :
[40] Les facteurs atténuants et aggravants, le contexte de vie commune, la gravité de l’infraction et le degré de responsabilité entier de M. L... amènent le Tribunal à conclure que la peine suggérée de 90 jours d’emprisonnement est nettement insuffisante et qu’une peine de 14 mois pour l’agression sexuelle respecte les principes de détermination de la peine.
[101] L’appelant reproche au juge d’avoir commis des erreurs de principe en considérant l’absence de démarche pour gérer ses comportements comme une circonstance aggravante, de même qu’en concluant qu’il présente un risque de récidive. Il soutient par ailleurs que la peine infligée s’éloigne des peines habituellement imposées pour les crimes d’agression sexuelle, qu’elle ferait fi des principes de proportionnalité et d’harmonisation des peines et serait manifestement non indiquée.
[102] Récemment, dans l’arrêt R. c. Friesen, la Cour suprême reprenait et résumait l’état du droit depuis l’arrêt R. c. Lacasse[60] concernant les principes justifiant l’intervention d’une cour d’appel à l’égard d’une peine :
26. Comme l’a confirmé notre Cour dans Lacasse, la cour d’appel ne peut intervenir pour modifier une peine que si (1) elle n’est manifestement pas indiquée (par. 41) ou (2) le juge de la peine a commis une erreur de principe qui a eu une incidence sur la détermination de la peine (par. 44). Parmi les erreurs de principe, mentionnons l’erreur de droit, l’omission de tenir compte d’un facteur pertinent ou encore la considération erronée d’un facteur aggravant ou atténuant. La manière dont le juge de première instance a soupesé ou mis en balance des facteurs peut constituer une erreur de principe seulement s’il a « exercé son pouvoir discrétionnaire de façon déraisonnable, en insistant trop sur un facteur ou en omettant d’accorder suffisamment d’importance à un autre » (R. c. McKnight (1999), 1999 CanLII 3717 (ON CA), 135 C.C.C. (3d) 41 (C.A. Ont.), par. 35, cité dans Lacasse, par. 49). Ce ne sont pas toutes les erreurs de principe qui sont importantes : la cour d’appel ne peut intervenir que lorsqu’il ressort des motifs du juge de première instance que l’erreur a eu une incidence sur la détermination de la peine (Lacasse, par. 44). Si une erreur de principe n’a eu aucun effet sur la peine, cela met un terme à l’analyse de cette erreur et l’intervention de la cour d’appel ne se justifie que si la peine n’est manifestement pas indiquée.
27. Si la peine n’est manifestement pas indiquée ou si le juge de la peine a commis une erreur de principe qui a eu une incidence sur la détermination de la peine, la cour d’appel doit effectuer sa propre analyse pour fixer une peine juste (Lacasse, par. 43). Elle appliquera de nouveau les principes de la détermination de la peine aux faits sans faire preuve de déférence envers la peine existante même si celle-ci se situe dans la fourchette applicable. En conséquence, lorsque la cour d’appel conclut qu’une erreur de principe a eu un effet sur la peine, cela suffit pour qu’elle intervienne et fixe une peine juste. Dans un tel cas, le fait que la peine existante ne soit manifestement pas indiquée ou qu’elle se situe à l’extérieur de la fourchette des peines infligées auparavant ne constitue pas une condition préalable supplémentaire requise pour justifier l’intervention de la cour d’appel.[61]
[103] Les erreurs soulevées par l’appelant donnent-elles prise à une intervention en l’espèce? J’estime que non.
[104] L’appelant plaide que le juge a considéré à tort l’absence de démarche de gestion de comportement de la part de l’appelant comme facteur aggravant sans que la poursuite démontre ce fait hors de tout doute raisonnable, tandis que l’accusé a témoigné du fait qu’il a un suivi psychologique hebdomadaire. Ce moyen ne peut être retenu.
[105] L’appelant fonde cet argument sur l’article 724(3)e) du Code criminel[62] et sur la jurisprudence qu’il interprète pour affirmer que le facteur aggravant doit être prouvé hors de tout doute raisonnable, soit l’arrêt Ferguson, où la Cour suprême affirme :
[…]
Pour s’appuyer sur un fait aggravant ou une condamnation antérieure, le juge qui détermine la peine doit être convaincu hors de tout doute raisonnable de l’existence de ce fait ou de cette condamnation; pour se fonder sur tout autre fait pertinent, il doit être convaincu de l’existence de ce fait par une preuve prépondérante : al. 724(3)d) et e); voir aussi R. c. Gardiner, 1982 CanLII 30 (CSC), [1982] 2 R.C.S. 368; R. c. Lawrence (1987), 58 C.R. (3d) 71 (H.C. Ont.). Il ressort de cette démarche que le juge du procès ne doit s’appuyer que sur les constatations de fait nécessaires pour lui permettre d’infliger la peine appropriée dans l’affaire dont il est saisi. Il doit d’abord se demander quelles sont les questions pertinentes pour la détermination de la peine et, ensuite, faire les constatations de fait nécessaires pour trancher ces questions.
[Soulignement ajouté]
[106] L’arrêt de principe sur la question du fardeau de preuve, pour démontrer un facteur aggravant, demeure l’arrêt R. c. Gardiner où le juge Dickson affirme que le fardeau varie selon que les faits aggravants soient ou non contestés[63] :
…si, lors de l’audition relative à la sentence qui suit la déclaration de culpabilité, la poursuite tente de faire la preuve de circonstances aggravantes relatives à l’infraction commise et que ces circonstances sont contestées, l’obligation imposée à la poursuite est-elle de faire la preuve hors de tout doute raisonnable, norme qui sert ordinairement en matière criminelle, ou selon la prépondérance des probabilités, une norme de preuve moins stricte?
[…]
La poursuite doit prouver toutes les circonstances aggravantes qu’elle invoque et qui ne sont pas visées par cet aveu. Si ces circonstances ne sont pas contestées, la procédure peut être très peu formaliste. Si elles le sont, la question doit se régler selon les principes juridiques ordinaires qui régissent les procédures en matière criminelle, notamment le principe portant que tout doute pertinent doit profiter à l’accusé. Pour moi, les faits qui justifient la peine ne sont pas moins importants que ceux qui justifient la déclaration de culpabilité; les deux devraient être soumis à la même norme de preuve.
[Soulignements ajoutés]
[107] En 2015, la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse, se penchant à son tour sur les articles 723 et 724 C.cr.[64], expliquait que l’article 724(3)e) du Code criminel, qui impose un fardeau hors de tout doute raisonnable, ne trouve application qu’en cas de contestation des faits qui fondent le facteur aggravant[65] :
[50] Respectfully, we think this is a proper statement of the law, which is particularly relevant in the circumstances of this case. Ladue confirms what appears to us to be the clear meaning of s.724(3) - the Crown’s obligation to prove aggravating factors beyond a reasonable doubt is only triggered by a clear and unequivocal factual dispute. Further, there is nothing in the authorities or on a plain reading of the two provisions themselves which suggest that the term “information” contained in s.724(1) is intended to convey anything other than the common meaning of that term. As such, the nature and type of “information” which a sentencing court may consider, especially where introduced with the consent of both parties, is broad.
[Soulignement ajouté]
[108] En 2018, la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick en venait à une conclusion semblable dans une affaire où l’accusé avait plaidé coupable. Elle concluait que les faits non contestés ont force de preuve et pourront être pris en considération pour inférer hors de tout de raisonnable l’existence d’un facteur aggravant[66] :
Je voudrais toutefois formuler les observations suivantes sur la procédure à suivre en audience de détermination de la peine lorsqu’un fait aggravant est contesté, plus particulièrement sous le régime du par. 724(1) et de l’al. 724(3)e) :
[…]
i. un aveu de culpabilité est, en soi, un aveu des éléments de l’infraction sans plus.
ii. Si les faits que le ministère public souhaite invoquer en tant que faits aggravants ne sont pas contestés par l’accusé, le juge chargé de déterminer la peine est en droit de les considérer comme prouvés.
iii. Si les faits que le ministère public souhaite invoquer en tant que faits aggravants sont contestés, la question doit se régler selon les principes ordinaires qui régissent les procédures en matière criminelle; le ministère public a donc le fardeau de prouver les faits aggravants contestés, et un doute raisonnable, le cas échéant, doit profiter à l’accusé.
iv. Il est permis au juge, sans avoir à entendre une preuve complémentaire, d’inférer un état d’esprit contesté des faits non contestés présentés lors d’une audience de détermination de la peine. Évidemment, si un facteur aggravant entre en jeu, les faits non contestés doivent raisonnablement autoriser cette inférence hors de tout doute raisonnable.
[Soulignements ajoutés]
[109] Plus récemment, cette Cour résumait ainsi les règles de preuve au stade de la détermination de la preuve[67] :
[271] Au stade de détermination de la peine, il est bien connu que les règles de preuve sont assouplies, que le juge prend connaissance des éléments de preuve pertinents, et que les déterminations portant sur des faits contestés se font sur la base de la prépondérance de preuve, à l’exception des faits aggravants ou des condamnations antérieures.
[Soulignement ajouté]
[110] L’interprétation proposée par la poursuite selon laquelle l’article 724(3) du Code criminel ne trouve application qu’en présence d’une contestation est conforme au texte de l’article et à la jurisprudence. Les parties doivent prouver tout fait contesté sur la balance des probabilités et, si la poursuite a le fardeau de prouver les facteurs aggravants hors de tout doute raisonnable, le tribunal peut néanmoins inférer de tels facteurs aggravants à partir des faits non contestés établis hors de tout doute raisonnable devant lui[68]. Au surplus, la détermination des facteurs aggravants ou atténuants par le juge de première instance relève des faits et commandent la déférence, à moins d’une erreur manifeste et déterminante de sa part[69].
[111] S’il est vrai que l’appelant a brièvement témoigné sur le suivi psychologique qu’il reçoit en lien avec son choc post-traumatique dans les Forces armées, ce suivi paraît toutefois sans lien avec l’infraction d’agression sexuelle reprochée[70].
[112] Lors des observations sur la peine, l’appelant n’a d’ailleurs jamais invoqué ce suivi psychologique comme facteur atténuant. Son avocate a fait référence à une évaluation sexologique qui n’avait pu être obtenue en temps utile et n’a évoqué aucune démarche de l’appelant pour gérer ses comportements à l’endroit des plaignantes.
[113] L’appelant ne me convainc donc pas que le juge aurait commis quelque erreur de principe ou erreur manifeste ou déterminante en considérant comme facteur aggravant l’absence de démarche pour gérer de tels comportements.
[114] En ce qui concerne le risque de récidive, le juge retient que l’appelant « n’a aucune prise de conscience de ses comportements envers les victimes »[71].
[115] Selon l’appelant, en l’absence d’un rapport présentenciel, le juge ne pouvait se fonder sur l’absence de prise de conscience pour démontrer ce facteur aggravant hors de tout raisonnable, alors que l’absence de remords n’est pas un facteur aggravant, que l’appelant avait le droit de nier sa responsabilité ayant interjeté appel de la déclaration de culpabilité[72] et que ce fait ne pouvait être pris en considération dans la peine à imposer[73].
[116] Or, à mon avis, le juge n’a pas commis d’erreur en inférant de la preuve l’absence de prise de conscience de l’appelant à l’égard des actes reprochés et le risque de récidive en découlant. Sa conclusion factuelle à cet égard commande la déférence[74] et l’appelant ne démontre aucune erreur manifeste et déterminante dans le raisonnement du juge sur cette conclusion de fait. Au contraire, le juge distingue clairement le risque de récidive basé sur l’absence de prise de conscience et de l’absence de remords, qu’il ne considère pas comme facteur aggravant.
[117] Finalement, l’argument voulant que le juge ait fait appel à tort à la fourchette de peines retenue dans l’affaire Cloutier[75], concernant une agression sexuelle sur des mineurs, ne donne pas davantage prise à l’intervention recherchée.
[118] D’abord, cette fourchette de peines a déjà été retenue par cette Cour en matière d’agression sexuelle sur un adulte dans l’arrêt Côté[76], où la Cour écrivait :
[21] Dans l’affaire R. c. Cloutier, le juge Robert Sansfaçon a examiné une centaine de décisions et il a conclu ceci sur les fourchettes de peine en matière d’agression sexuelle :
[76] Les procureurs ont déposé un nombre imposant de décisions (environ 100) tant de la Cour du Québec, de la Cour supérieure que des cours d'appel. Une revue exhaustive de ces décisions sur la détermination de la peine nous permet de constater que les sentences en sont toutes de détention, certaines avec sursis et qu'elles s'échelonnent de 12 mois à 13 ans. Des sentences de 12 à 20 mois de détention ferme, (16 dossiers) nous retenons qu'elles concernent principalement des cas où il n'y a qu'une seule victime. De plus, dans ces cas les gestes sexuels posés sont les moins graves et/ou ne sont survenus qu'en de rares occasions et/ou sur une courte période de temps. Des rares dossiers autres, nous notons que l'âge avancé de l'accusé, 75 ans et plus, l'état de santé et/ou le très long délai entre la fin des événements et le jour de la sentence ont joué un rôle déterminant. À l'opposé, les sentences de 7 à 13 ans ont été imposées en raison de circonstances particulières de violence, au-delà des gestes sexuels et/ou de la présence d'antécédents judiciaires et évidemment en relation avec des infractions comportant une gravité objective encore plus grave que dans le présent dossier.
[77] Les sentences variant de 2 ans moins 1 jour à 6 ans représentent la plus forte proportion lorsqu'il y a détention réelle, avec une concentration importante de 3 à 4 ans.
[Soulignements dans l’original; renvoi omis]
[119] Plus récemment, dans l’arrêt Oum c. R.[77], notre Cour confirmait que la fourchette retenue dans l’arrêt Côté était appropriée, dans un contexte qui présentait certaines similitudes avec le présent dossier. Dans ce cas, le juge de première instance avait retenu des facteurs aggravants et atténuants semblables à ceux de l’espèce[78]. Les peines proposées par chacune des parties et la peine retenue par le juge étaient analogues. En appel, après avoir rappelé la grande déférence accordée au juge de première instance en matière de détermination de peine, la Cour refusait d’intervenir.
[120] De la même façon ici, même si je dois reconnaître que la peine prononcée est quelque peu sévère, j’estime qu’elle ne s’écarte pas pour autant de la fourchette applicable qui, de toute manière, n’est qu’un guide dans la détermination de la peine et ne lie pas le tribunal[79]. Le juge applique par ailleurs correctement les principes de détermination de la peine et il prend en considération les facteurs aggravants et atténuants qui s’imposent en tenant compte des principes d’harmonisation et d’individualisation des peines, tout en soulignant l’importance de l’objectif de dénonciation et de dissuasion. Son raisonnement ne laisse entrevoir aucune erreur manifeste ou quelque erreur de principe qui puisse commander l’intervention de cette Cour.
* * *
[121] Pour l’ensemble de ces motifs, je propose, dans un premier temps, de rejeter l’appel sur la déclaration de culpabilité dans le dossier no : 200-10-003719-197, d’accueillir l’appel de la poursuite dans le dossier no : 200-10-003720-195 et d’ordonner en conséquence un nouveau procès de l’appelant sur les chefs de harcèlement.
[122] Dans un second temps, en ce qui concerne l’appel sur la peine dans le dossier no : 200-10-003719-197, je propose d’accueillir la requête en autorisation d’appel de la peine, mais de rejeter l’appel.
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GENEVIÈVE MARCOTTE, J.C.A. |
[1] R. c. J.L., 2019 QCCQ 6894 [Jugement sur la culpabilité].
[2] R. c. J.L., 2020 QCCQ 13493 [Jugement sur la peine].
[3] J.L. c. R., 2021 QCCA 145 (J. unique).
[4] Jugement sur la culpabilité, supra, note 1, paragr. 112-117.
[5] Id., paragr. 118-123.
[6] R. c. W.(D.), [1991] 1 R.C.S. 742, p. 758.
[7] Témoignage de J... L..., 5 septembre 2018, M.A. 195, vol. 3, p. 757-759.
[8] A.A. 197, paragr. 18.
[9] A.A. 197, paragr. 19.
[10] A.A. 197, paragr. 20.
[11] R. c. Gagnon, 2006 CSC 17, [2006] 1 R.C.S. 621, paragr. 13.
[12] R. c. R.E.M., 2008 CSC 51, [2008] 3 R.C.S. 3, paragr. 37.
[13] R. c. Vuradin, 2013 CSC 38, [2013] 2 R.C.S. 639, paragr. 21.
[14] R. c. Burns, [1994] 1 R.C.S. 656, p. 664. Repris notamment dans R. c. R.E.M., supra, note 12, paragr. 47; R. c. Sheppard, 2002 CSC 26, [2002] 1 R.C.S. 869, paragr. 32.
[15] R. c. G.F., 2021 CSC 20, paragr. 82.
[16] Jugement sur la culpabilité, supra, note 1, paragr. 117 et 123.
[17] R. c. Gagnon, supra, note 11, paragr. 20.
[18] R. c. J.M.H., 2011 CSC 45, [2011] 3 R.C.S. 197, paragr. 24.
[19] R. c. Poulin, 2014 QCCA 2297, paragr. 44.
[20] R. c. Graveline, 2006 CSC 16, [2006] 1 R.C.S. 609, paragr. 14 [Graveline].
[21] Jugement sur la culpabilité, supra, note 1, paragr. 45-51.
[22] Jugement sur la culpabilité, supra, note 1, paragr. 58.
[23] R. c. Morrissette, 2020 QCCA 1482 [Morrissette].
[24] R. c. Lamontagne, 129 C.C.C. (3d) 181, 1998 CanLII 13048 (C.A.) [Lamontagne].
[25] Morrissette, supra, note 23, paragr. 12, citant: R. c. Lamontagne, 129 C.C.C. (3d) 181, 1998 CanLII 13048 (C.A.) qui s’appuie sur R. v. Ryback, 105 C.C.C. (3d) 240, 1996 CanLII 1833 (C.A. B.C.); R. v. Sillipp, 1997 ABCA 346 et référant aussi à : R. v. Sanchez, 2012 BCCA 469; R. v. Scuby, 2004 BCCA 28 [Scuby]; R. v. Kordrostami, 143 C.C.C. (3d) 488, 2000 CanLII 5670 (C.A. Ont.); R. v. Kosikar, 138 C.C.C. (3d) 217, 1999 CanLII 3775 (C.A. Ont.) [Kosikar].
[26] Bertrand c. R., 2011 QCCA 1412, paragr. 24.
[27] R. v. Hyra, 2007 MBCA 69, paragr. 21-23.
[28] Kosikar, supra, note 25, paragr. 20-21.
[29] Scuby, supra, note 25, paragr. 5 et 10-12.
[30] R. c. Lamontagne, supra, note 24.
[31] Témoignage de S... B…, 17 décembre 2018, M.A., vol. 1, p. 90-92.
[32] Id., p. 98-100.
[33] Jugement sur la culpabilité, supra, note 1, paragr. 45 et 51.
[34] Côté c. R., 2013 QCCA 1437, paragr. 78, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 13 février 2014, no 35593.
[35] R. c. Rancourt, 2020 QCCA 933, paragr. 34-38.
[36] R. c. Rancourt, supra, note 35, paragr. 34-38.
[37] R. c. Lamontagne, 129 C.C.C. (3d) 181, 1998 CanLII 13048 (C.A.). R. c. Rancourt, supra, note 35, paragr. 35.
[38] A.I. 195, paragr. 35.
[39] A.I. 195, paragr. 39.
[40] R. c. Lavallee, [1990] 1 R.C.S. 852, p. 871-873 [Lavallee].
[41] R. v. C.A.M., 2017 MBCA 70, paragr. 46-50 et 52.
[42] R. c. A.R.J.D., 2018 CSC 6, [2018] 1 R.C.S. 218, paragr. 2.
[43] R. v. A.R.D., 2017 ABCA 237, paragr. 4-5, 9, 39-40 et 44-45.
[44] 2021 ONCA 131.
[45] Gélinas c. R., 2020 QCCA 1693, paragr. 6. Voir aussi : Lemire-Tousignant c. R., 2020 QCCA 1065, paragr. 10 : « Une conclusion basée sur des préjugés ou des stéréotypes et non sur la preuve constitue une erreur de droit. Cela est vrai tant pour les victimes que pour les accusés d’une agression sexuelle […] » [renvoi omis; soulignement ajouté].
[46] Graveline, supra, note 20, paragr. 14.
[47] Témoignage de F... A..., 18 décembre 2018, M.A. 195, vol. 2, p. 303, l. 25 à p. 304, l. 16 :
Puis dans les messages iPhone à iPhone, il y avait une nouvelle fonction qui disait qu’on pouvait partager la position soit pendant une heure (1 h), je crois que c’est huit heures (8 h) ou partager indéfiniment, donc, là, bien, c’est ça, pour éviter la colère de monsieur L..., je lui ait dit: « À la place de le faire dans mon dos puis de tout le temps me prendre puis me picosser sur ça, pour te rassurer, je vais le faire de bonne foi, je vais te partager ma position indéfiniment, comme ça, tu n’auras pas besoin vraiment de m’espionner, puis t’sais, au moins, là, tu vas me suivre, mais je le sais que tu me suis, ça fait que, je vais arrêter de te chercher partout. »
Donc… donc, c’est ça, donc, à partir de ce moment-là, pour vraiment éviter encore une chicane, une colère, je lui avais partagé ma position par les iMessage qu’on appelle.
[48] Jugement sur la culpabilité supra, note 1, paragr. 34.
[49] Lavallee, supra, note 40, p. 873.
[50] R. v. C.A.M., 2017 MBCA 70, paragr. 48.
[51] R. c. J.M.H., 2011 CSC 45, [2011] 3 R.C.S. 197.
[52] R. c. Poulin, supra, note 19, paragr. 44.
[53] R. c. McRae, 2013 CSC 68, [2013] 3 R.C.S. 931, paragr. 37-39.
[54] R. c. Katigbak, 2011 CSC 48, [2011] 3 R.C.S. 326, paragr. 50, repris par : R. c. McRae, supra, note 53, paragr. 39.
[55] Jugement sur la peine, supra, note 2, paragr. 44.
[56] Jugement sur la peine, supra, note 2, paragr. 14-15.
[57] À noter que le jugement sur la peine couvre également l’infraction de voies de fait armées retenue contre l’appelant à l’égard de la plaignante B…, d’où la référence à chacune des victimes.
[58] 2014 QCCA 135.
[59] Jugement sur la peine, supra, note 2 , paragr. 40.
[60] R. c. Lacasse, 2015 CSC 64, [2015] 3 R.C.S. 1089.
[61] R. c. Friesen, 2020 CSC 9, paragr. 26-27 [Friesen].
[62] L’article 724(1) C.Cr. prévoit que :
Acceptation des faits 724 (1) Le tribunal peut, pour déterminer la peine, considérer comme prouvés les renseignements qui sont portés à sa connaissance lors du procès ou dans le cadre des procédures de détermination de la peine et les faits sur lesquels le poursuivant et le délinquant s’entendent. […] Faits contestés (3) Les règles suivantes s’appliquent lorsqu’un fait pertinent est contesté : a) sauf s’il est convaincu que des éléments de preuve suffisants ont été présentés lors du procès, le tribunal exige que le fait soit établi en preuve; b) la partie qui a l’intention de se fonder sur le fait pertinent, notamment si celui-ci figure au rapport présentenciel, a la charge de l’établir en preuve; c) chaque partie est autorisée à contre-interroger les témoins convoqués par l’autre partie; d) sous réserve de l’alinéa e), le tribunal doit être convaincu, par une preuve prépondérante, de l’existence du fait contesté sur lequel il se fonde pour déterminer la peine; e) le poursuivant est tenu de prouver hors de tout doute raisonnable tout fait aggravant ou toute condamnation antérieure du délinquant. […] |
Information accepted 724 (1) In determining a sentence, a court may accept as proved any information disclosed at the trial or at the sentencing proceedings and any facts agreed on by the prosecutor and the offender. […] Disputed facts (3) Where there is a dispute with respect to any fact that is relevant to the determination of a sentence, (a) the court shall request that evidence be adduced as to the existence of the fact unless the court is satisfied that sufficient evidence was adduced at the trial; (b) the party wishing to rely on a relevant fact, including a fact contained in a presentence report, has the burden of proving it; (c) either party may cross-examine any witness called by the other party; (d) subject to paragraph (e), the court must be satisfied on a balance of probabilities of the existence of the disputed fact before relying on it in determining the sentence; and (e) the prosecutor must establish, by proof beyond a reasonable doubt, the existence of any aggravating fact or any previous conviction by the offender. […] |
[63] R. c. Gardiner, 1982 CanLII 30, [1982] 2 RCS 368, p. 387 et 414-415.
[64] R. c. Phinn, 2015 NSCA 27, paragr. 46-50.
[65] Id., paragr. 50; R. c. Gosselin, 2020 QCCQ 2313, paragr. 38-39.
[66] LeBreton c. R., 2018 NBCA 27; R v. PES, 2018 MBCA 124, paragr. 44. Elle s’appuyait sur le passage suivant d’une décision de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans R. v. Ladue, 2011 BCCA 101, paragr. 30-31 (confirmé par 2012 CSC 13, [2012] 1 R.C.S. 433 (sub nomine : R. c. Ipeelee)) :
[30] Mr. Ladue submits that the judge should not have considered the parts of the reports which he did not rely upon as they were disputed, and the Crown bore the onus of proving the contents.
[31] There is no question that the Crown has the obligation to prove any aggravating fact beyond a reasonable doubt: see s. 724(3)(e) and R. v. Gardiner, 1982 CanLII 30 (SCC), [1982] 2 S.C.R. 368. Any party wishing to rely on a relevant fact, including a fact in a pre-sentence report, has the burden of proving the fact: see s. 724(3)(b). However, these provisions do not come into play until the fact is disputed. What constitutes a dispute may differ depending on the circumstances, but any dispute over the facts presented on a sentencing hearing must be clear and unequivocal: see R. v. Ford, 2010 BCCA 105, 254 C.C.C. (3d) 442; and R. v. Hodwitz, [1985] B.C.J. No. 1676 (C.A.).
[Soulignements ajoutés]
[67] Vallières c. R., 2020 QCCA 372, paragr. 71.
[68] R. v. Pes, supra, note 66 , paragr. 44 :
[44] However, there is a difference between facts admitted and inferences taken. That section does not preclude a sentencing judge from making an inference from the undisputed facts presented at an informal sentencing hearing without the requirement for hearing further evidence. Of course, where an aggravating factor is involved, the undisputed facts must support that inference beyond a reasonable doubt (see LeBreton v R, 2018 NBCA 27). [Soulignements ajoutés]
[69] Friesen, supra, note 61, paragr. 28. Oum c. R., 2021 QCCA 462, paragr. 52-53 [Oum].
[70] Interrogatoire en chef de J... L..., transcription de l’audition du 23 novembre 2020 :
Q. Je pense que ça a été mentionné, là, dans le cadre des procédures, mais là, vous souffrez d’un choc post-traumatique ?
R. Oui.
Q. Suivant la fin de votre temps dans les Forces, là ?
R. Oui.
Q. Est-ce que vous avez un suivi psychologique, depuis ?
R. Oui, une fois par semaine, avec mon psychologue Adam Bouchard, qui a été… qui m’a été mandaté par les Anciens combattants.
Q. C’est une fois par semaine ?
R. Une fois par semaine.
Q. O.K. Mais là, vous êtes en détention, vous êtes en détention depuis quelques semaines déjà, est-ce que le suivi, il s’est… il a continué ?
R. Oui, j’ai fait les démarches et les personnes ici ont été assez gentils pour m’accommoder, donc je fais… ça fait trois (3) semaines que je vois mon psychologue à chaque semaine.
Q. Puis est-ce que vous considérez que c’est bénéfique ?
R. Oui, absolument. Même que je considère que c’est nécessaire, là. Ça m’aide beaucoup à enlever la lourdeur que j’ai sur mes épaules.
Q. O.K. Est-ce que vous avez l’intention de le continuer, votre suivi, une fois que…
R. Oui, absolument. J’ai pas l’intention d’arrêter mon suivi dans un temps rapproché, là. J’en ai encore grandement besoin. [Soulignements ajoutés]
[71] Jugement sur la peine, supra, note 2, paragr. 28.
[72] Citant à l’appui Lépine c. R., 2007 QCCA 70, paragr. 15.
[73] Citant à l’appui Czornobaj c. R., 2017 QCCA 907, paragr. 97.
[74] Brais c. R., 2016 QCCA 356, paragr. 28.
[75] R. c. Cloutier, 2004 CanLII 48297 (C.Q.).
[76] Côté c. R., 2014 QCCA 2083, paragr. 21.
[77] Oum, supra, note 69, paragr. 1 et 48-49
[78] Id., paragr. 55 :
« Par ailleurs, la peine infligée se situe dans la fourchette des peines généralement imposées et se situant entre 12 et 20 mois d’emprisonnement dans des circonstances similaires au présent dossier pour une infraction poursuivie par acte criminel ». Citant Côté, supra, note 76, paragr. 22.
[79] R. c. Friesen, supra, note 61, paragr. 37.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.