Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
_

SM Transport et Boutin

2010 QCCLP 682

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Lévis

27 janvier 2010

 

Région :

Chaudière-Appalaches

 

Dossier :

355368-03B-0808

 

Dossier CSST :

131854580

 

Commissaire :

Robin Savard, juge administratif

 

Membres :

Normand Beaulieu, associations d’employeurs

 

Marc Villeneuve, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

S.M. Transport

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Éric Boutin

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 8 août 2008, S.M. Transport (l'employeur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste la décision rendue le 25 juillet 2008 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a rendue initialement le 6 juin 2008 et déclare que l’assignation temporaire proposée par l'employeur le 30 avril 2008 ne respecte par les conditions prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la LATMP).

 

L’AUDIENCE

[3]                Une audience fut tenue le 20 octobre 2008 au Palais de justice de St-Joseph-de-Beauce. L'employeur est représenté par monsieur Richard Veilleux, son propriétaire, ainsi que par Me Jean-François Dufour du Groupe AST inc. Monsieur Éric Boutin (le travailleur) est présent et représenté par Me Réal N. Bélanger.

[4]                Le travailleur, madame Isabelle Jacques, contrôleuse et responsable des dossiers en santé et sécurité au travail chez l'employeur au moment de l’événement du 7 août 2007 ainsi que monsieur Jonathan Drolet, conseiller en santé et sécurité au travail au Groupe AST inc. depuis 2002, ont tous témoigné.

[5]                De plus, l'employeur a déposé trois pièces, d’abord sous la cote E-1, les notes évolutives de la CSST du 17 septembre 2008; sous la cote E-2, un formulaire d’assignation temporaire d’un travail daté du « 31 avril 2008 » et la liste des travaux offerts par l’employeur qui fut reçue par le Groupe AST inc. en date du 10 juin 2008 de même qu’un formulaire d’assignation temporaire complété, daté et accepté par le docteur Pierre Vachon le 16 avril 2008 avec la liste des travaux autorisés par ce médecin, et, sous la cote E-3, un formulaire d’assignation temporaire daté du 21 avril 2008, complété par le docteur Rodrigue et refusé par celui-ci ainsi que la liste des travaux légers offerts au travailleur par l'employeur.

[6]                En outre, deux engagements furent demandés aux parties. D’abord, le travailleur devait produire tout son dossier médical et administratif provenant du docteur André Rodrigue qui a assuré le suivi médical depuis le 7 août 2007 jusqu’au 20 octobre 2008 et aussi produire la preuve d’expédition par courrier recommandé de l’assignation temporaire datée du « 31 avril 2008 ». Par la suite, les procureurs des parties devaient soumettre une argumentation écrite au tribunal. L'employeur a d’abord produit la sienne le 9 mars 2009 même si celle-ci est datée du 22 novembre 2008 et le travailleur a produit la sienne le 14 avril 2009, date où la cause fut prise en délibéré.

 

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[7]                L'employeur demande à la Commission des lésions professionnelles d’accueillir sa requête qui n’est pas hors délai puisqu’il existe un délai postal de quelques jours depuis l’expédition, par la CSST, de la décision datée du 25 juillet 2008 qu’a contestée l'employeur le 8 août 2008, d’infirmer la décision rendue par la révision administrative de la CSST et de déclarer valide et conforme l’assignation temporaire du travailleur à partir du 29 avril 2008.

 

L’AVIS DES MEMBRES

[8]                Le membre issu des associations d'employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis d’infirmer la décision rendue le 25 juillet 2008 par la révision administrative de la CSST et d’accueillir la requête produite par l'employeur.

[9]                D’une part, les membres sont d’avis que c’est le docteur Rodrigue qui est le médecin qui a eu charge du travailleur lors de la procédure pour compléter les formulaires d’assignation temporaire d’un travail, que ce soit celui du 11 avril 2008 ou encore ceux qui sont postérieurs à cette date.

[10]           Ils sont d’avis que la preuve, tant factuelle que médicale, surtout les notes médicales obtenues par le tribunal après l’audience, démontre que le docteur Rodrigue a autorisé, le 29 avril 2008, en connaissance de cause, l’assignation temporaire au travailleur à compter du 30 avril 2008 et l’a même réitérée à deux reprises, le 30 avril 2008 et au début mai 2008.

[11]           De plus, les membres sont d’avis que le formulaire d’assignation temporaire qui serait daté du « 31 avril 2008 » ne peut avoir une portée rétroactive au 30 avril 2008, malgré les explications fournies par le docteur Rodrigue, puisque les notes médicales colligées par ce médecin, soit celles des 29 avril et 30 avril 2008, ainsi que celles du 7 mai 2008 et suivants vont à l’encontre de certains « dires » du docteur Rodrigue qui, rappellent-ils, n’a pas témoigné.

[12]           Les membres ne croient pas non plus que cette formule d’assignation temporaire a été complétée, le 30 avril 2008, par le docteur Rodrigue qui aurait omis de la signer et de l’expédier à cette date.

[13]           Les membres sont plutôt d’avis que c’est le ou vers le 11 juin 2008 que le docteur Rodrigue aurait complété ce formulaire d’assignation temporaire fait à la demande de l'employeur, le tout tel qu’il le mentionne dans ses notes médicales colligées le 11 juin 2008, où il précise qu’il faut signer une formule d’assignation temporaire pour l’annuler, car elle a été refusée par la CSST. Les membres réfèrent à ce formulaire d’assignation temporaire, dont le docteur Rodrigue refuse en cochant les trois cases de cette assignation temporaire datée du « 31 avril 2008 ».

[14]           Or, les membres sont d’avis que les notes évolutives colligées par la CSST, les notes médicales, les rapports médicaux ainsi que les témoignages rendus démontrent que le docteur Rodrigue a autorisé pour une certaine période l’assignation temporaire qu’il avait lui-même acceptée et reconnu en date du 29 avril 2008.

 

[15]           Ils sont d’avis que cette assignation temporaire est conforme à l’article 179 de la LATMP, même s’il n’y avait pas eu de formulaire à cet effet signé à nouveau par le docteur Rodrigue, le 29 avril 2008, quoiqu’un bilan médical fut fait avec un médecin de la CSST et qu’un billet médical de la CSST autorisait cette assignation temporaire qui fut confirmée par la suite par les notes médicales que ne possédait pas la CSST au moment de rendre ses décisions.

[16]           Conséquemment, les membres sont d’avis que les trois conditions nécessaires à la validité d’une assignation temporaire d’un travail prévues à l’article 179 de la LATMP sont respectées et que celle du 29 avril 2008 était conforme, ce qui fait en sorte que le travailleur pouvait refuser de l’exercer, mais, pour ce faire, il devait d’abord la contester, ce qu’il a fait le 20 mai 2008, tel qu’il appert de sa contestation à cet effet.

[17]           Les membres sont d’avis que le travailleur devait se présenter et exercer son assignation temporaire d’un travail à compter du 30 avril 2008, et ce, jusqu’à la contestation de cette assignation temporaire qui fut faite en date du 20 mai 2008, à la demande expresse du docteur Rodrigue.

[18]           Les membres concluraient donc que le travailleur n’avait pas droit à l’indemnité de remplacement du revenu durant la période du 1er au 19 mai 2008 si ce dernier n’a pas exercé son assignation temporaire durant cette période, et ce, jusqu’à sa contestation datée du 20 mai 2008.

[19]           Par ailleurs, les membres sont d’avis que le travailleur était de bonne foi, lorsqu’il a refusé et ne s’est pas présenté, après le 30 avril 2008, pour exercer son assignation temporaire, puisque son dossier est non seulement complexe, mais aussi confus, notamment dû à la pléiade de procédures administratives, de formulaires d’assignation temporaire qui ont été complétés sur une courte période de temps et aussi parce qu’il fallait savoir qui était le médecin qui a charge du travailleur.

[20]           En l’occurrence, les membres sont d’avis que l’assignation temporaire d’un travail, complété par le docteur Rodrigue en date du 29 avril 2008, dans un billet médical, mais confirmé préalablement lors d’un bilan médical et surtout par ses notes médicales démontrant que celle-ci était conforme à l’article 179 de la LATMP et que le travailleur devait s’y conformer jusqu’à ce qu’il la conteste valablement.

 

LES FAITS

[21]           Après l’analyse de la volumineuse preuve documentaire, incluant les pièces déposées et celles reçues après l’audience et des argumentations écrites des parties, la Commission des lésions professionnelles retient les faits suivants.

[22]           Le travailleur exerce un emploi à temps plein de camionneur chez l'employeur depuis octobre 2006, lorsqu’il a subi une lésion professionnelle le 7 août 2007. À cette date, le travailleur se retrouvait sur le dessus d’un voyage de billots de bois lorsqu’il a glissé et afin de ne pas tomber au sol, il a accroché son bras droit après le poteau de la remorque, mais est demeuré suspendu pendant quelques secondes entre un billot et le poteau pour ensuite tomber au sol.

[23]           Le travailleur quitte son travail et consulte le docteur André Rodrigue à compter du 8 août 2007. Ce dernier pose plusieurs diagnostics probables notamment ceux de déchirure musculaire de l’épaule droite et non gauche, de déchirure à l’omoplate droite et au grand pectoral et probablement il suspecte aussi une tendinite de l’épaule droite.

[24]           Par la suite, le diagnostic est précisé par le docteur Luc Lemire, orthopédiste et membre du Bureau d'évaluation médicale (BEM) qui a questionné et examiné le travailleur le 18 février 2008 et colligé son avis le 28 février 2008. Il retient alors comme diagnostic issu de cette lésion professionnelle celui d’élongation dans les muscles stabilisateurs de l’épaule droite par traction et de tendinite de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite avec arc douloureux résiduel. Ces lésions n’étaient toujours pas consolidées à cette date et nécessitaient, comme soins et traitements éventuels, une acromioplastie par arthroscopie qui fut d’ailleurs recommandée et prescrite par les docteurs Rodrigue et surtout Pierre Vachon, chirurgien orthopédiste qui a été consulté à au moins trois reprises par le travailleur à la demande du docteur Rodrigue.

[25]           Par ailleurs, le tribunal constate que le docteur Rodrigue a toujours agi comme médecin traitant et/ou qui a charge du travailleur à compter du 7 août 2007. Selon ses notes médicales déposées après l’audience, il a procédé à des examens cliniques au niveau de l’épaule droite du travailleur en date des 7 août, 8 août, 12 août, 29 août et 6 septembre 2007. À partir du 25 septembre 2007, jusqu’au 20 octobre 2008, date de la fin de ses notes médicales reçues par le tribunal, l’on constate que le docteur Rodrigue inscrit qu’il n’a pas procédé à un examen physique ou clinique au niveau de l’épaule droite du travailleur.

[26]           Toutefois, le tribunal constate que le docteur Rodrigue a tout de même procédé au suivi médical pour l’épaule droite du travailleur puisqu’il lui a prescrit des traitements, que ce soit un arrêt de travail, une assignation temporaire, de la médication qu’il a modifiée à quelques reprises, des traitements de physiothérapie et a même procédé à deux infiltrations à cette épaule. Cela appert de la preuve documentaire et surtout des notes médicales reçues par le tribunal.

[27]           Cependant, c’est à partir du 1er octobre 2007 que le docteur Rodrigue demande une consultation en orthopédie, le tout tel qu’il appert des notes médicales colligées à cette date. Toutefois, dans le rapport médical du 25 octobre 2007 du docteur Rodrigue, celui-ci dirigeait le travailleur auprès du docteur Beaudoin, orthopédiste. Cependant, la preuve démontre que le docteur Beaudoin n’a ni questionné ni examiné le travailleur puisque c’est le docteur Pierre Vachon, chirurgien orthopédiste, qui doit aussi procéder à l’opération au niveau de l’épaule droite du travailleur qui fut le premier médecin spécialisé à questionner et examiner le travailleur le 9 novembre 2007. Il a d’ailleurs procédé à la seule infiltration au niveau de la bourse sous-acromiale de l’épaule droite. Rappelons que le travailleur est droitier.

[28]           Le docteur Rodrigue précise dans ses notes du 19 novembre 2007 que l’infiltration administrée par le docteur Vachon fut sans succès et que le travailleur se présente avec une liste de travaux légers. L’employeur lui propose alors de répondre au téléphone et de s’occuper du courrier. Dans ses notes médicales du 19 novembre 2007, le docteur Rodrigue écrit que le travailleur est capable de faire ce travail même s’il le trouve « tannant » et se disait aussi un peu découragé de son état. Le docteur Rodrigue lui répond de ne pas s’en faire, car cela pourrait prendre du temps s’il se rend jusqu’à la chirurgie. Un rapport médical fut fait pour la CSST mentionnant ces faits et ajoutant que le travailleur est en assignation temporaire. Cela est d’ailleurs confirmé non seulement par un formulaire d’assignation temporaire d’un travail signé par le docteur Rodrigue, le 19 novembre 2007, mais aussi par son rapport médical adressé à la CSST à la même date. Il référait le travailleur au docteur Vachon. Le docteur Rodrigue recommandait aussi de nouveaux traitements de physiothérapie puisque ceux-ci avaient cessé le 18 octobre 2007 après 21 traitements.

[29]           Le 3 décembre 2007, le docteur Rodrigue écrit que le travailleur exerce des travaux légers, a des douleurs et doit changer sans cesse sa position. De plus, il a de la difficulté à s’endurer chez lui. Il se demande s’il doit continuer alors les travaux légers. Le docteur Rodrigue lui répond qu’il va probablement attendre l’avis de l’orthopédiste et le reverra par la suite.

[30]           La deuxième consultation médicale tenue par le docteur Vachon est celle du 4 décembre 2007. Dans son rapport médical, le docteur Vachon inscrit que le travailleur se plaint de douleurs persistantes au niveau de son épaule droite, et ce, même aux travaux légers. Il constate une faiblesse de cette épaule et qu’il souffre d’une tendinopathie de la coiffe des rotateurs. Il suggère une autre forme de traitements de physiothérapie. Il devait le revoir en janvier 2008. Dans les notes médicales du docteur Vachon, il est écrit que le travailleur se disait incapable de travaux légers.

[31]           Le 4 décembre 2007, le docteur Rodrigue a aussi vu le travailleur qui lui précise avoir consulté le docteur Vachon à la même date. Il lui aurait dit de ne plus faire de travaux légers s’il présente de la douleur à l’épaule droite. Le travailleur ne se sentait pas capable de les faire. Le docteur Rodrigue complète un rapport médical de la CSST en indiquant « arrêt de l’assignation », ce qui est confirmé par ses notes médicales colligées le 4 décembre 2007. La cessation de l’assignation temporaire fut confirmée par le docteur Rodrigue le 17 décembre 2007 qui cesse les traitements de physiothérapie pour une période de deux semaines. Le travailleur n’ayant plus d’assignation temporaire était alors en repos complet et soulagé par les analgésiques qu’il prenait.

[32]           Le 19 décembre 2007, le travailleur a vu le docteur Paul-O. Nadeau à la demande de l'employeur afin de se prononcer sur les cinq sujets de l’article 212 de la LATMP. C’est d’ailleurs ce rapport qui a initié l’avis du membre du BEM par la suite.

[33]           Le docteur Rodrigue revoit le travailleur les 17 et 24 janvier 2008 et attend la prochaine consultation auprès d’un orthopédiste, soit celle du 5 février 2008. À ce moment, le docteur Vachon constate toujours une douleur résiduelle au niveau de l’épaule droite du travailleur, avec peu d’amélioration, ainsi qu’une faiblesse à la coiffe des rotateurs. Une longue discussion s’ensuit concernant une acromioplastie possible.

[34]           Le 17 janvier 2008, le docteur Rodrigue écrit dans ses notes médicales que le travailleur aurait vu « le docteur Vachon » et non Beaudoin, en novembre 2007 et que ce dernier l’a infiltré et l’a revu en décembre 2007. C’est à ce moment que le travailleur discute avec le docteur Rodrigue des travaux légers proposés par l'employeur, ce à quoi, il se dit d’accord mais il aimerait connaître l’avis de l’orthopédiste qui doit le rencontrer le 5 février 2008 afin de trancher ce débat.

[35]           À compter du 13 février 2008, le docteur Rodrigue écrit dans son rapport médical de la CSST qu’une chirurgie est prévue à l’épaule droite du travailleur par le docteur Vachon. Il le réfère à nouveau à ce médecin pour cette chirurgie à venir.

[36]           Le tribunal constate que c’est en date du 13 février 2008 que le docteur Rodrigue aurait dit au travailleur qu’il pourrait étudier en attendant sa chirurgie et la récupération de son épaule droite. Toutefois, le travailleur devait vérifier auprès de la CSST s’il pouvait aller aux études.

[37]           Le docteur Rodrigue a revu le travailleur les 28 février et 13 mars 2008 et constate toujours qu’il y a plus ou moins d’amélioration au niveau de l’épaule droite du travailleur puisqu’il ressent toujours de la douleur qui va et vient. Les traitements sont continués et le travailleur est toujours en attente d’une chirurgie à l’épaule droite.

[38]           Dans les notes évolutives colligées par la CSST à compter de janvier 2008, où madame Priscilla Simard est devenue responsable du dossier du travailleur, celle-ci écrit que le travailleur ne recevait plus de traitements pour son épaule droite puisqu’ils étaient plus nuisibles qu’autre chose et qu’il était toujours en attente de sa chirurgie qui doit être faite par le docteur Vachon.

[39]           C’est d’ailleurs à compter de mars 2008 que monsieur Jonathan Drolet, conseiller en santé et sécurité au travail pour le Groupe AST depuis 2002, est intervenu régulièrement auprès de la CSST pour vérifier si une assignation temporaire de travail était possible. À ce moment, on précisait à monsieur Drolet qu’il devait d’abord obtenir une description détaillée des tâches proposées au travailleur lors d’une assignation temporaire éventuelle et qu’il pouvait ensuite vérifier auprès du médecin traitant s’il les autorisait ou non. S’il ne les autorisait pas, la CSST s’engageait à communiquer avec ce médecin pour connaître la raison, car le travailleur était toujours sans traitement et en attente de sa chirurgie.

[40]           C’est à l’occasion de ces discussions tenues en mars et avril 2008 que la CSST s’est adressée auprès du docteur Vachon et non du docteur Rodrigue pour obtenir des précisions sur des limitations fonctionnelles prévisibles résultant de l’éventuelle opération à l’épaule droite du travailleur, et ce, lors d’une demande d’information médicale complémentaire (IMCE).

[41]           Le 15 avril 2008, la CSST envoie la demande d’information médicale complémentaire écrite (IMCE) au docteur Vachon par l’entremise de son médecin-conseil, le docteur Yvan Lévesque. On lui pose notamment comme question si la condition du travailleur avant sa chirurgie pouvait lui permettre un retour en assignation temporaire et si c’est le cas, quelles seraient les limitations fonctionnelles devant être respectées. Il demande aussi quel serait le type de limitations fonctionnelles prévisibles à long terme dans le but de planifier le processus de réadaptation.

[42]           Le docteur Vachon répond le 22 avril 2008, précisant que l’acromioplastie est toujours nécessaire, mais qu’il ne peut indiquer à quelle date. Quant aux limitations fonctionnelles, il impose surtout celles à l’effet que le travailleur ne doit pas se servir de son bras droit. Il doit aussi éviter les mouvements supérieurs à 90 degrés d’abduction et d’élévation antérieure ainsi que les mouvements de circumduction.

[43]           Juste auparavant, soit le 16 avril 2008, il semble bien, selon les dates de télécopie inscrites sur une demande d’assignation temporaire d’un travail faite auprès du docteur Vachon par monsieur Drolet qui l’aurait expédiée le 11 avril 2008, que ce dernier n’aurait pas attendu l’IMCE du docteur Vachon, daté du 22 avril 2008, avant de se prononcer positivement sur celle-ci. En effet, le docteur Vachon a autorisé une assignation temporaire d’un travail en cochant la liste des travaux légers pouvant être exercés par le travailleur.

[44]           Or, dans les notes médicales du 16 avril 2008, le docteur Rodrigue écrit « problèmes de travaux légers » et que son employeur aimerait qu’il en fasse. Le docteur Rodrigue écrit qu’ils sont tous les deux d’accord, soit l'employeur et lui-même, mais il faut que ces travaux soient adaptés. Il ajoute que le travailleur en a fait antérieurement et qu’ils n’ont pas amélioré son état. Il appelle alors l'employeur qui était légèrement agressif. Celui-ci l’a transféré au gestionnaire. Le docteur Rodrigue écrit qu’il s’est entendu à l’effet qu’il y avait des travaux légers comme du travail de bureau ou des livraisons sans forcer. Il devait lui expédier, par télécopie, la liste des travaux. Le docteur Rodrigue écrit qu’il attendra les restrictions pour les travaux légers avant de se prononcer.

[45]           Le 16 avril 2008, monsieur Drolet avise madame Simard, de la CSST, que le travailleur suivrait probablement des cours au cégep et que le médecin, soit le docteur Rodrigue, refuse toujours l’assignation temporaire pour du travail clérical. Monsieur Drolet demande alors à la CSST de vérifier tout cela avec le travailleur et de donner suite à l’IMCE auprès du docteur Vachon qui avait déjà été envoyée le 15 avril 2008.

[46]           Le 16 avril 2008, le docteur Vachon a complété la demande d’assignation temporaire d’un travail en l’acceptant. Il l’a expédié, par télécopie, de même que la liste des travaux légers en date du 17 avril 2008 auprès de monsieur Drolet qui le confirme lors d’un entretien avec madame Simard, le 17 avril 2008, à 13 h 44. On précise que le docteur Vachon serait considéré comme un médecin traitant, selon monsieur Drolet, qu’il a autorisé cette assignation temporaire d’un travail et que le travailleur devait la débuter le 21 avril 2008 à temps complet. Monsieur Drolet a envoyé alors les documents à madame Simard.

[47]           Le 22 avril 2008, madame Simard écrit que monsieur Drolet lui précise que le travailleur ne s’est pas présenté à son assignation temporaire d’un travail le lundi matin comme prévu. Il a plutôt prétexté un rendez-vous auprès de son médecin.

[48]           Cela fut le cas, puisque les notes médicales du 21 avril 2008 du docteur Rodrigue indiquent que le travailleur se présente pour un suivi et pour un rapport médical. Il se présente alors avec une liste de travaux adaptés selon son patron. Le docteur Rodrigue écrit qu’au début, il avait comme accepté avec le responsable gestionnaire de l'employeur, mais que le travailleur lui a dit que ce sont les mêmes travaux et que l’orthopédiste les avait refusés antérieurement, car il trouvait que cela était inutile et un peu de « niaisage ». Le docteur Rodrigue écrit qu’il n’avait jamais été au courant de cela. Il conclut alors que le travailleur est toujours en attente d’une chirurgie et que les travaux sont trop peu importants et trop peu fréquents pour être acceptables. Il écrit donc dans ses notes médicales « travaux légers refusés » et qu’un rapport médical sera fait pour la CSST mentionnant ces faits. Il fut d’ailleurs complété le 21 avril 2008.

[49]           En effet, le docteur Rodrigue avait reçu par télécopie de madame Isabelle Jacques, conseillère aux ressources humaines chez l'employeur, la liste des tâches préparées par monsieur Drolet pour l’assignation temporaire proposée au travailleur, le 16 avril 2008. Cette liste est constituée de trois pages dont une page était le formulaire d’assignation temporaire d’un travail et les deux autres pages sont la liste des travaux légers proposés par l'employeur qui débutait par un travail administratif et qui se terminait par le lavage des véhicules et des remorques. Le docteur Rodrigue pouvait cocher toutes les cases ou encore tous les postes pour lesquels il était en accord pour l’assignation temporaire. De plus, monsieur Drolet se disait ouvert à toute autre recommandation de sa part. Cela appert des documents déposés en liasse par l'employeur sous la cote E-3, soit le formulaire d’assignation temporaire. Or, si on compare les écritures, notamment les dates signées par le docteur Rodrigue dans ces deux documents, soit E-2 et E-3, qui sont les formulaires d’assignation temporaire d’un travail datés du « 31 avril 2008 » (E-2) et du 21 avril 2008 (E-3), l’on constate que le chiffre « 4 » apparaissant dans E-2 est différent de celui inscrit le 21 avril 2008, soit E-3. Ce chiffre « 4 » ressemble beaucoup plus à un « 6 », ce qui ferait en sorte qu’il a été complété en juin 2008 et non en avril 2008.

[50]           Quoi qu'il en soit, le 21 avril 2008, le docteur Rodrigue a refusé l’assignation temporaire proposée par l'employeur qui devait débuter le 11 avril 2008 jusqu’à la consolidation médicale de la lésion à l’épaule droite. Le docteur Rodrigue invoque alors dans son document (E-3) que le travailleur est en attente d’une chirurgie et que ce genre de travail a déjà été refusé par l’orthopédiste, le 5 février 2008, et il se rallie à son opinion.

[51]           Le commentaire du docteur Rodrigue démontre, sans l’ombre d’un doute, qu’il n’était certes pas au courant que les mêmes tâches proposées au travailleur par l'employeur, lors d’une demande d’assignation temporaire d’un travail, ont été aussi proposées au docteur Vachon qui les a acceptées le 16 avril 2008, mais a notifié sa réponse le 17 avril 2008. D’ailleurs, cela se transpose dans les notes médicales du docteur Rodrigue, datées du 21 avril 2008, qui sont citées plus haut.

[52]           Un rapport médical daté du 21 avril 2008 fut d’ailleurs produit par le docteur Rodrigue auprès de la CSST, mais ce dernier n’indique pas qu’il a refusé l’assignation temporaire. Toutefois, la télécopie de cette assignation temporaire d’un travail et la description de tâches, déposées en liasse sous la cote E-3, démontrent que le docteur Rodrigue l’a expédié à l'employeur le 22 avril 2008.

[53]           Cela explique donc pourquoi le travailleur ne s’est pas présenté à son assignation temporaire qui devait débuter le 21 avril 2008, soit celle autorisée par le docteur Vachon qui était considéré alors comme son médecin traitant ou qui a charge.

[54]           Ces faits sont confirmés par les notes évolutives colligées par madame Simard le 22 avril 2008 vers 11 h 35. Elle écrit que monsieur Drolet lui a laissé un message en lui disant que le travailleur a rencontré son médecin, le 21 avril 2008, soit le docteur Rodrigue, que ce médecin a changé d’idée pour l’assignation temporaire d’un travail et qu’il la refuse de nouveau et prétextant que l’orthopédiste l’a refusée aussi. C’est à ce moment que monsieur Drolet se questionne sur la véracité de ces dires puisque l’orthopédiste a accepté cette assignation temporaire tel qu’en fait foi le formulaire daté du 16 avril 2008, qu’il a reçu le 17 avril 2008 et dont monsieur Drolet s’engage à retourner au docteur Rodrigue avec la preuve que ce médecin (docteur Vachon) l’a acceptée. Il y avait donc une discordance d’opinion. Monsieur Drolet demande à la CSST de faire un bilan médical avec le docteur Rodrigue pour mettre le tout au clair et avec raison, selon l’opinion du tribunal.

[55]           Le 22 avril 2008, madame Isabelle Jacques expédie par télécopie au docteur Rodrigue la lettre et les documents d’assignation temporaire signée par le docteur Vachon. Elle précise dans celle-ci qu’elle a bien reçu son document d’assignation temporaire du 21 avril 2008, en date du 22 avril 2008 et qu’elle a un peu de difficulté à comprendre pourquoi le travailleur ne serait pas apte à répondre au téléphone puisqu’elle a constaté qu’il fréquentait le Cégep Beauce-Appalaches le samedi, puisqu’elle est elle-même inscrite comme chargée de cours au niveau universitaire dans cet établissement. C’est alors que madame Simard écrit dans ses notes évolutives du 23 avril 2008, après un appel logé auprès de monsieur Drolet concernant l’assignation temporaire, qu’elle communiquera avec le travailleur pour mettre les choses au clair et qu’une démarche sera entreprise auprès du médecin traitant (docteur Rodrigue) pour voir pourquoi il y a autant de confusion.

[56]           Le 23 avril 2008, madame Simard s’adresse alors au travailleur concernant son assignation temporaire et c’est à ce moment que ce dernier lui répond qu’il a beaucoup de douleurs persistantes et qu’il ne s’endure plus. Il dit que son médecin (docteur Rodrigue) avait autorisé des tâches de bureau, mais lorsqu’il a débuté celles-ci, son employeur lui a demandé de déchiqueter du papier dans le bureau et de vider les poubelles, ce qui ne respectait pas ses tâches décrites précédemment.

[57]           Un bilan médical fut alors jugé nécessaire par madame Simard auprès du médecin traitant du travailleur afin de mettre au clair la question de l’assignation temporaire aux travaux légers. Une visite médicale auprès du docteur Rodrigue était prévue le 2 mai 2008 et le travailleur était toujours en attente de sa chirurgie. La CSST a aussi constaté que le travailleur s’était fait couper une partie de son indemnité de remplacement du revenu à compter du 21 avril 2008, selon le chèque qu’il a reçu. Celle-ci (IRR) fut rétablie par la suite, puisque le docteur Rodrigue avait refusé celle-ci, le 21 avril 2008.

[58]           Par ailleurs, et selon les notes évolutives des 25 et 28 avril 2008, il semble bien que le travailleur ait fait une journée de travaux légers avant le 21 avril 2008, suite à la recommandation du docteur Vachon qui n’avait ni questionné ni examiné le travailleur au moment où il les a autorisés, et ce, à partir des informations colligées par l'employeur et des tâches décrites qui pouvaient être exercées par le travailleur.

[59]           C’est d’ailleurs le 28 avril 2008 que l'employeur, notamment par l’entremise de monsieur Drolet, se questionne sur la volonté du travailleur à exercer les travaux légers, compte tenu des occupations qu’il pourrait faire à l’extérieur de ceux-ci.

[60]           Le 29 avril 2008 vers 14 h, le docteur Lévesque, médecin-conseil à la CSST, s’adresse au docteur Rodrigue lors d’une conversation téléphonique dont le but est de faire un suivi de la situation du travailleur et d’obtenir des précisions relativement à l’assignation temporaire. Le docteur Lévesque complète ce bilan téléphonique dans des notes datées du 30 avril 2008. Il écrit que le travailleur est en attente d’une acromioplastie de l’épaule droite et non gauche, que le docteur Vachon a autorisé une assignation temporaire le 16 avril 2008 et que le docteur Rodrigue n’était pas vraiment au courant. Le travailleur pouvait alors faire du travail administratif ou faire de l’inspection de véhicules, mais il a refusé de poursuivre l’assignation temporaire, car on lui aurait fait vider les poubelles et travailler à la déchiqueteuse.

[61]           Le docteur Lévesque ajoute qu’il lui fait part que le docteur Vachon lui a indiqué, sur une information médicale complémentaire écrite (IMCE) du 22 avril 2008, que le travailleur ne doit pas se servir de son bras droit. Il écrit alors :

Vous me mentionnez que vous seriez d’accord avec une assignation temporaire qui respecte cette limitation. Vous rencontrez d’ailleurs monsieur Boutin cet après-midi et vous lui en ferez part.

 

Ce dernier vous avisera si l'employeur ne respecte pas les modalités de l’assignation.

 

[…]

 

 

[62]           Auparavant, soit dans les notes évolutives datées du 29 avril 2008, à 14 h 51, le docteur Lévesque avait fait un résumé du bilan complémentaire avec le docteur Rodrigue qui est considéré comme son médecin traitant et/ou qui a charge et dont ce dernier s’est dit d’accord pour une assignation temporaire où le travailleur n’aurait pas à utiliser son bras droit, et non gauche, comme le recommande le docteur Vachon et qu’il devait rencontrer le travailleur en après-midi et l’aviser.

[63]           C’est alors que madame Simard appelle le travailleur concernant l’assignation temporaire. Madame Simard écrit aussi que le travailleur dit que son médecin (docteur Rodrigue) a autorisé l’assignation temporaire en fonction de ce que le docteur Vachon a inscrit sur l’IMCE, soit qu’il peut faire celle-ci mais sans utiliser son bras droit et non son bras gauche. Le travailleur lui dit que son médecin trouve bizarre que le docteur Vachon ait autorisé cette assignation temporaire sans qu’il ne l’ait revu. Le travailleur lui dit que son employeur n’a rien à lui donner comme travail dans le bureau et qu’ils sont déjà trois personnes à prendre les appels. Cela fut un peu contredit par le témoignage de madame Jacques qui précise qu’un autre travailleur exerçait des travaux légers, soit monsieur Serge Veilleux qui vérifiait aussi le manuel de formation, burinait des clés, agissait comme commissionnaire et déchiquetait, quelques heures par jour, du papier. Monsieur Veilleux souffrait d’une lésion au niveau d’un coude et non d’une épaule.

[64]           Madame Jacques a confirmé à l’audience que le docteur Rodrigue connaissait toutes les tâches proposées par l'employeur lors de l’assignation temporaire d’avril 2008 qui étaient les mêmes que celles proposées à compter du 29 avril 2008. Elle a aussi confirmé que c’était la première fois qu’elle gérait un cas aussi complexe, que la plupart des demandes d’assignation temporaire étaient expédiées directement au médecin traitant du travailleur, quelquefois par courrier recommandé compte tenu du contexte conflictuel entre le travailleur et son patron. Elle reconnaît aussi que monsieur Drolet et non elle-même a envoyé aux deux médecins traitants du travailleur les formulaires d’assignation temporaire du début avril 2008 selon une preuve documentaire qui n’a pas été contredite par le travailleur. Elle confirme aussi avoir reçu les papiers de refus de l’assignation temporaire du docteur Rodrigue en date du 22 avril 2008.

[65]           Questionnée à savoir si le docteur Rodrigue avait produit des billets médicaux CSST entre le 29 avril 2008 jusqu’au 7 juillet 2008, madame Jacques précise qu’il n’y a eu aucune consultation selon son dossier, mais qu’elle vérifiera à nouveau. Or, aucun billet médical n’a été produit auprès de la CSST par le docteur Rodrigue même si ce dernier a vu et questionné le travailleur à plusieurs reprises depuis le 29 avril 2008 jusqu’au mois d’octobre 2008, selon les notes médicales produites par le travailleur après l’audience.

[66]           Or, toujours selon les notes colligées par madame Simard, le 29 avril 2008, celle-ci écrit que le travailleur dit que son employeur propose l’assignation temporaire pour le niaiser et elle lui répond que celle-ci débutera le 30 avril 2008. Elle lui explique aussi qu’il doit se présenter à cette assignation temporaire et que s’il y a quoi que ce soit qui n’est pas respecté par son employeur, de lui en faire part. Elle encourage le travailleur à garder son calme pour ne pas aggraver sa relation conflictuelle avec son employeur et elle l’informe que s’il ne se présente pas à son assignation temporaire, ses indemnités de remplacement du revenu seront suspendues.

[67]           Cette conversation téléphonique avec madame Simard a eu lieu soit avant ou après la consultation tenue par le docteur Rodrigue le 29 avril 2008 avec le travailleur. Dans ses notes, le docteur Rodrigue écrit qu’il revoit le travailleur pour le suivi de son cas. Il sait qu’il avait refusé les assignations temporaires pour aller dans le même sens que l’orthopédiste, mais le docteur Vachon, le 16 avril 2008, accepte par téléphone, sans voir le travailleur, de le mettre aux travaux légers. Le docteur Rodrigue lui en avait déjà parlé, mais le docteur Vachon se rappelait vaguement du cas. Il aurait ajouté qu’il a procédé à celle-ci au travers des autres patients.

[68]           De plus, le docteur Rodrigue écrit avoir reçu un appel de la Mutuelle de prévention qui s’occupe du dossier de l'employeur. Devant cet état de fait, il écrit qu’il laisse le travailleur retourner au travail, mais il l’avertit que s’il se fait niaiser ou qu’il a des problèmes particuliers, il devrait refuser de travailler. Il ajoute que le travailleur doit respecter les normes, c’est-à-dire utiliser son membre supérieur droit et non gauche seulement et faire le travail de réceptionniste et de commissionnaire suggéré par l'employeur. C’est à ce moment qu’il collige un rapport médical CSST, le 29 avril 2008, indiquant dans celui-ci la mention « assignation temporaire ». La Commission des lésions professionnelles constate que cette mention dans ses notes médicales est différente de celle du 21 avril 2008, où il a refusé l’assignation temporaire, mais identique à celle du 19 novembre 2007, où il a autorisé celle-ci.

[69]           Toujours dans ses notes médicales du 29 avril 2008, le docteur Rodrigue écrit avoir revu le travailleur pour discuter de l’assignation temporaire qui avait été refusée, car en janvier (sic) on devrait plutôt lire février 2008 ou plutôt le 4 décembre 2007, le docteur Vachon avait refusé celle-ci. Entre-temps, écrit-il, le docteur Vachon et non Arsenault a eu un appel de la Mutuelle de prévention qui gère le dossier de l'employeur et il a accepté de le mettre aux travaux légers. Le docteur Rodrigue écrit « qu’il est un peu pris pour faire cette assignation temporaire, que le docteur Lévesque de la CSST l’a appelé et qu’il se sont expliqués. » C’est la raison pour laquelle un rapport médical fut fait pour la CSST avec la mention « assignation temporaire ». Le docteur Rodrigue devait revoir le travailleur pour son suivi.

[70]           Or, dès le 30 avril 2008, le travailleur revoit le docteur Rodrigue après être retourné au travail en assignation temporaire et, tel que le travailleur le pensait, il a fait des travaux légers et a eu seulement quelques téléphones. Cela est d’ailleurs confirmé dans les notes évolutives prises par madame Simard, le 1er mai 2008, à la suite d’une discussion tenue avec le travailleur. Le docteur Rodrigue écrit que le travailleur aura passé sa journée un peu à s’ennuyer, a trouvé le temps long et se dit un peu choqué du travail qu’on lui a donné à faire. Il lui conseille de le continuer pour le reste de la semaine, d’appeler à la CSST pour se plaindre et il verra s’il y aura du changement. Le docteur Rodrigue le réécrit dans ses notes du 30 avril 2008.

[71]           Dans les notes évolutives du 1er mai 2008, madame Simard écrit que le téléphone ne sonnait presque jamais, selon le travailleur et que l'employeur lui a demandé de lire une « formation » pour les camionneurs, ce qu’il a fait, mais après 10 minutes, il n’avait rien à faire d’autre durant sa journée. Il s’est alors présenté au travail, le 1er mai 2008, en matinée, mais puisque son employeur n’avait rien à lui offrir comme travaux légers, il l’a avisé qu’il pourrait l’appeler lorsqu’il aurait quelque chose pour lui. L'employeur lui aurait dit qu’il était d’accord, ce qui fut infirmé par madame Jacques. En somme, le travailleur dit que la seule journée où il fut en assignation temporaire, c’est le 30 avril 2008.

[72]           Le 1er mai 2008, monsieur Drolet a téléphoné à madame Simard de la CSST pour lui demander de suspendre les indemnités de remplacement du revenu du travailleur puisqu’il n’exerçait pas son assignation temporaire, car il ne s’est pas présenté le 1er mai 2008 au matin. Monsieur Drolet décrit aussi les tâches offertes par l'employeur au travailleur, le 31 avril 2008, soit prendre les appels, préparer les enveloppes et les timbrer, procéder aux télécopies, accueillir les clients, compléter le registre, lire le manuel de formation des camionneurs, rencontrer son employeur et lire des revues sur le camionnage. C’est alors que madame Simard écrit que le travailleur ne lui a pas du tout donné cette version lors d’une conversation tenue précédemment avec lui, à 9 h 20. Elle informe alors monsieur Drolet que la suspension aurait lieu.

[73]           Le 1er mai 2008, madame Simard a une conversation avec madame Isabelle Jacques concernant l’assignation temporaire du travailleur. Madame Jacques précise qu’elle n’était pas au courant que cette assignation temporaire avait été acceptée par le docteur Rodrigue. Elle lui dit que le travailleur est arrivé à son bureau vers 9 h 30 et qu’il a jeté la feuille de l’assignation temporaire sur le bureau de son patron lui disant qu’il allait être content puisque celle-ci est signée. Il a ensuite rencontré son employeur pendant 30 minutes et a débuté son assignation temporaire vers 10 h. Madame Jacques confirme que les tâches exercées par le travailleur étaient les mêmes que celles mentionnées par monsieur Drolet. Madame Jacques ajoute qu’elle fut prise au dépourvu puisque, normalement, elle sait à l’avance si un travailleur peut faire une assignation temporaire et se prépare alors une liste de tâches.

[74]           Comme elle n’a pu le faire, elle a donné des tâches au travailleur, le 1er mai 2008, mais ne voulait pas trop lui en donner pour ne pas le surcharger ni faire en sorte que ces limitations fonctionnelles ne soient pas respectées. Madame Jacques lui dit que le travailleur a quitté vers 16 h 15, en disant qu’il avait trop mal au bras alors que madame Simard écrit que le travailleur lui a dit qu’il a quitté puisqu’il n’avait plus de travail. Madame Jacques termine en précisant que l'employeur a fait en sorte de réintégrer le travailleur de la bonne manière, qu’elle l’a placé à l’accueil pour ne pas qu’il soit seul et isolé et ajoute que le travailleur n’était pas toujours content des tâches qu’elle lui donnait.

[75]           C’est alors que madame Simard précise que selon le travailleur, c’est la secrétaire de l'employeur qui prenait les appels alors que madame Jacques lui répond qu’il n’y en a plus au sein de l’entreprise depuis juin 2006 par manque de budget. En outre, madame Jacques précise qu’elle est en train de former le comité de santé et sécurité au travail puisqu’il n’y en a pas chez l'employeur. Elle termine en précisant qu’elle ne comprend pas pourquoi le travailleur a agi ainsi, étant donné qu’il y a un autre travailleur qui fait la même chose et qui va très bien. Elle veut savoir quand ce dernier reprendra le travail et qu’adviendra-t-il de ses indemnités de remplacement du revenu.

[76]           Sur ce, madame Simard répond, le 1er mai 2008, que c’est la décision du travailleur, mais que, par contre, ses indemnités de remplacement du revenu seront suspendues dès le 2 mai 2008, et ce, jusqu’au moment de son retour au travail.

[77]           Le 2 mai 2008, la CSST rend une décision en vertu de l’article 142 de la LATMP en mentionnant au travailleur que son indemnité de remplacement du revenu qu’elle lui verse est suspendue à compter du 1er mai 2008, puisqu’il a, sans raison valable, omis ou refusé d’exécuter le travail que son employeur lui a assigné temporairement, conformément à l’article 179 de la LATMP. Elle précise qu’elle pourra reprendre le versement de l’IRR dans la mesure où le motif qui en a justifié la suspension n’existera plus.

[78]           Le 7 mai 2008, madame Simard téléphone au travailleur concernant la décision rendue le 2 mai 2008 qui suspend son IRR. Elle lui précise que s’il ne retourne pas à son assignation temporaire, il n’aura pas droit à ses indemnités de remplacement du revenu. Elle lui dit pourquoi ses IRR sont suspendues et lui explique qu’il y a une assignation temporaire à un travail qui fut signé en bonne et due forme et que s’il ne se présente pas, elle ne peut autoriser ses IRR.

[79]           Le travailleur a revu le docteur Rodrigue le 7 mai 2008. Ce médecin a essayé de contacter madame Simard pour discuter du cas du travailleur. Il n’y a pas eu d’examen médical fait par le docteur Rodrigue, tout comme lors des procédures d’assignation temporaire complétées par lui ou encore par le docteur Vachon.

[80]           Le 9 mai 2008, madame Simard a une discussion avec le docteur Rodrigue qu’elle considère comme étant son médecin traitant pour l’assignation temporaire. Ce médecin lui demande pourquoi elle a suspendu les IRR du travailleur, lui dit qu’elle doit avoir un préjugé favorable envers l'employeur parce qu’elle n’a pas à les couper et qu’elle le pénalise en empirant le problème. Elle lui explique le processus légal de l’assignation temporaire et que si le travailleur refuse de se présenter, elle doit suspendre ses IRR. Elle ajoute qu’elle a informé le travailleur du fonctionnement de cette assignation temporaire du fait qu’il peut la contester s’il croit que son employeur ne la respecte pas. Le docteur Rodrigue lui répond clairement qu’il a une tendance favorable envers le travailleur, qu’il suit son dossier depuis le début et que selon lui, l'employeur niaise le travailleur. Le docteur Rodrigue lui dit que le travailleur ne retourne pas au travail puisqu’elle lui aurait dit de ne pas y retourner.

[81]           Madame Simard ajoute que cela est totalement faux et que le travailleur est au courant du fonctionnement de l’assignation temporaire et des conséquences qui s’ensuivront s’il ne se présente pas. Elle lui dit que le travailleur a eu cette information trois fois plutôt qu’une. Elle fait aussi remarquer au docteur Rodrigue que le travailleur ne dit pas la même version aux trois parties concernant le fait qu’il ne se présente pas en assignation temporaire.

[82]           Elle relate alors que le travailleur lui a dit que l'employeur le niaise et n’a rien à lui offrir. Ensuite, il lui dit que l'employeur n’a rien pour lui et que l'employeur l’appellera quand il aura quelque chose à lui donner comme travail. Finalement, le travailleur lui a dit qu’il a trop de douleurs, donc, il ne se présente pas au travail. Elle termine en précisant que ce n’est pas à elle de jouer à l’arbitre entre les parties et que ceux-ci savent et connaissent très bien leurs droits. Elle ne fait qu’appliquer la loi. Le docteur Rodrigue lui dit alors qu’il informera le travailleur pour la contestation.

[83]           Le 20 mai 2008, le travailleur rencontre le docteur Rodrigue pour le suivi. Le travailleur lui dit qu’il a appelé son agent de la CSST, qu’il n’a rien conclu et qu’il lui aurait dit qu’il devait contester mais n’a pas donné la façon de le faire. Le docteur Rodrigue lui dit qu’il faut absolument régler son problème le plus tôt possible, car le travailleur perd beaucoup d’argent. Le docteur Rodrigue lui demande d’appeler sans délai son agent de la CSST et de lui envoyer une lettre de contestation afin d’arrêter le processus pour qu’il puisse retourner aux travaux légers.

[84]           C’est ce qu’a finalement fait le travailleur en date du 20 mai 2008 après la discussion tenue avec le docteur Rodrigue puisqu’il a produit une contestation de son assignation temporaire auprès de madame Simard de la CSST. Le travailleur réitère les raisons pour lesquelles il a refusé de poursuivre cette assignation temporaire puisqu’il juge que l'employeur le niaisait.

[85]           Le 26 mai 2008, madame Simard avise madame Jacques que le travailleur a contesté son assignation temporaire et qu’elle transférera le dossier auprès du comité de santé et sécurité du travail qui s’occupe des contestations et comme il n’y en a pas, c’est la CSST qui traitera cette contestation. Madame Simard demande à madame Jacques de lui transmettre par télécopie le formulaire d’assignation temporaire d’un travail signé le 30 avril 2008.

[86]           Le 29 mai 2008, le travailleur a revu le docteur Rodrigue qui lui fait état de la conversation tenue avec l’agent de la CSST concernant son cas. Il écrit que cet agent lui aurait mentionné qu’il n’y avait pas de solution miracle à offrir et suggérerait au travailleur de rester chez lui et d’attendre. Le travailleur lui a dit que son employeur n’avait pas le droit de lui donner du travail et de le niaiser, c’est-à-dire qu’il travaille peu. Le docteur Rodrigue écrit qu’il n’y a pas de facilité à s’entendre avec l'employeur et qu’il raconte des mensonges.

[87]           Le 27 mai 2008, par télécopie, monsieur Drolet expédie à madame Simard un document lui faisant part qu’il n’a pas d’assignation temporaire datée du 29 avril 2008, mais qu’il a le billet médical complété par le docteur Rodrigue qui démontrerait, hors de tout doute, l’accord du médecin du travailleur en faveur de cette assignation temporaire. Il fait alors état de ce rapport médical du 29 avril 2008 où on inscrit « assignation temporaire », qu’il doit se servir seulement de son membre supérieur gauche, de la note administrative du docteur Lévesque du 29 avril 2008 où il a fait un bilan avec le médecin traitant du travailleur, le docteur Rodrigue, de la note administrative complétée par madame Simard, le 29 avril 2008, où elle indique que le travailleur lui précise que son médecin a autorisé l’assignation temporaire et le bilan médical du 29 avril 2008 qui confirme cet accord du docteur Rodrigue.

[88]           Monsieur Drolet ajoute qu’il est vrai qu’il n’y a pas de formulaire d’assignation temporaire en date du 29 avril 2008, mais que le docteur Rodrigue considérait tout de même cette assignation temporaire offerte par l'employeur comme étant favorable à la réadaptation du travailleur, qu’il est en mesure d’accomplir le travail et que l’assignation temporaire était sans danger pour son intégrité physique.

[89]           Monsieur Drolet ajoute que si le travailleur avait véritablement souffert pendant son assignation temporaire, il aurait davantage consulté son médecin traitant au lieu de contester cette dernière et qu’aucun rapport médical n’indique que cette assignation a été cessée par son médecin. Monsieur Drolet confirme aussi que le travailleur a remis le billet médical, daté du 29 avril 2008, à l’employeur en l’avisant qu’il débutait son assignation temporaire, le 30 avril 2008.

[90]           Le 5 juin 2008, le travailleur a contesté la décision rendue le 2 mai 2008 par la CSST qui suspendait son IRR.

[91]           Le 6 juin 2008, la CSST s’est prononcée sur la contestation du travailleur concernant son assignation temporaire en décidant que celle offerte par son employeur le ou vers le 29 avril 2008, mais dont le travailleur s’est présenté au travail, le 30 avril 2008, n’était pas conforme aux dispositions de la LATMP. La teneur de cette décision du 6 juin 2008 se lit comme suit :

St-Romuald, le 6 juin 2008

 

Monsieur Éric Boutin

[ADRESSE]

 

No demande de prestations :     131854 580

Date de l’événement :                7 août 2007

 

OBJET : Contestation de l’assignation temporaire

 

 

Monsieur,

 

La présente fait suite à votre contestation transmise au bureau régional Chaudière-Appalaches demandant, conformément à l’article 37 de la Loi sur la santé et la sécurité au travail (LSST), la révision de l’assignation offerte par votre employeur le 30 avril dernier.

 

Après analyse du dossier, nous constatons que le médecin traitant Dr Rodrigue n’a pas fait parvenir son consentement écrit quant à l’assignation temporaire.

 

L’accord du médecin qui a charge du travailleur est préalable et obligatoire à une assignation temporaire. L’accord verbal ne suffit pas à la validité d’une assignation temporaire, le médecin doit se prononcer sur les 3 conditions énumérées à l’article 179 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMMP).


 

Nous déterminons donc que l’assignation temporaire offerte par votre employeur n’était donc pas conforme en date du 30 avril 2008.

 

Veuillez prendre note que la présente décision se rattache uniquement à la validité de l’assignation temporaire.

 

Une autre décision sera rendue concernant votre droit à l’indemnité de remplacement du revenu, s’il y a lieu.

 

[…]

 

[Nos soulignements]

 

 

[92]           Le 10 juin 2008, monsieur Drolet pour la Mutuelle de l'employeur  conteste cette décision du 6 juin 2008, laquelle fut confirmée le 25 juillet 2008 par la révision administrative de la CSST et contestée à nouveau par l'employeur le 8 août 2008, d’où le présent litige.

[93]           Auparavant, soit le 27 mai 2008, monsieur Drolet a expédié au docteur Rodrigue le formulaire d’assignation temporaire pour le travailleur dont il lui demande de confirmer son accord dans ce document. Il ajoute que cette assignation temporaire fut autorisée auprès du docteur Lévesque de la CSST, lors de son rapport médical du 29 avril 2008. Il lui transmet alors le formulaire d’assignation temporaire et lui demande de bien vouloir le compléter et le retourner par télécopieur, afin de favoriser un prompt retour au travail pour le travailleur. Le 27 mai 2008 est indiqué comme date du début de l’assignation temporaire.

[94]           Or, ce formulaire d’assignation temporaire d’un travail est le même que celui expédié par l'employeur, en avril 2008, où madame Isabelle Jacques demandait au docteur Rodrigue de se référer à la description des tâches en annexe et de cocher le ou les postes avec lesquels il se dit en accord avec cette assignation temporaire. On précisait aussi que ce formulaire d’assignation temporaire est modifié par madame Jacques, puisque postérieur à celui du 21 avril 2008, alors que le docteur Rodrigue l’avait refusé.

[95]           C’est donc un nouveau formulaire d’assignation temporaire de travail qui fut réexpédié au docteur Rodrigue, le 27 mai 2008, lequel n’a pas eu de réponse de sa part.

[96]           Le 4 juin 2008, monsieur Drolet écrit de nouveau au docteur Rodrigue pour lui faire part que le travailleur a contesté l’assignation temporaire qu’il a autorisée le 29 avril 2008, en vertu de l’article 37 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail[2] (la LSST), et qu’il veut confirmer avec lui, au moyen du formulaire officiel prévu par l’article 179 de la LATMP, son accord à cette assignation temporaire. Six pages ont alors été expédiées au docteur Rodrigue qui n’y a pas donné suite immédiatement puisqu’une nouvelle demande fut faite par monsieur Drolet au docteur Rodrigue, le 10 juin 2008, dont il a joint un total de huit pages. Il lui demande de répondre, puisque son opinion est importante concernant la gestion du dossier de l'employeur.

[97]           C’est ce formulaire d’assignation temporaire qui a finalement été complété par le docteur Rodrigue le ou vers le 11 juin 2008, tel qu’il appert de ses notes médicales. En effet, ce dernier a rencontré le travailleur qui voulait faire compléter son rapport d’assurance et également le formulaire d’assignation temporaire pour l’annuler, car elle a été refusée par la CSST. Le docteur Rodrigue fait certainement référence à la décision du 6 juin 2008. Le docteur Rodrigue écrit que la formule d’assignation temporaire est remplie et qu’il inscrit qu’elle est annulée.

[98]           Or, selon la pièce E-2, il s’agit de l’assignation temporaire d’un travail complétée et signée par le docteur Rodrigue, le « 31 avril 2008 ». Toutefois, selon les explications fournies par l’employeur, auxquelles souscrit le tribunal et même le représentant du travailleur, il est logique de croire que cette assignation temporaire n’a pas été signée par le docteur Rodrigue, le 30 avril 2008 ni le 31 avril 2008, puisque les mois d’avril et juin n’ont pas 31 jours.

[99]           Il est plutôt logique de croire que, puisque monsieur Drolet voulait officialiser l’assignation temporaire du 29 avril 2008, dont il lui avait déjà expédié des documents à quelques reprises, que la pièce E2 a été complétée par le docteur Rodrigue après le 10 juin 2008, puisqu’il a refusé expressément cette assignation temporaire, tant le 11 juin 2008 que sur le formulaire à cet effet.

[100]       En outre, le travailleur s’était présenté à son assignation temporaire qui a débuté le 30 avril 2008 et qui a pris fin le matin du 1er mai 2008.

[101]       Cette preuve documentaire, que n’avait pas entièrement la CSST au moment de rendre ses décisions des 6 juin 2008 et 25 juillet 2008, démontre que le docteur Rodrigue n’a jamais officialisé, sur un formulaire d’assignation temporaire, un refus d’assignation temporaire, le ou vers le 30 avril 2008 ni expédié celui-ci à l'employeur ou encore à la CSST avant le ou vers le 11 juin 2008, le tout tel qu’il appert des notes médicales colligées par ce médecin et des pièces E-2 et E-3.

[102]       Quant aux argumentations des parties, soit celles des 19 novembre 2008 et 9 avril 2009, produites par le procureur du travailleur, et celle du 21 novembre 2008, produite par le procureur de l’employeur, la Commission des lésions professionnelles en disposera dans les motifs de sa décision.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[103]       La Commission des lésions professionnelles doit décider de la validité de l’assignation temporaire proposée au travailleur, à compter du 29 avril 2008, le tout conformément à l’article 179 de la LATMP qui se lit comme suit :

179.  L'employeur d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle peut assigner temporairement un travail à ce dernier, en attendant qu'il redevienne capable d'exercer son emploi ou devienne capable d'exercer un emploi convenable, même si sa lésion n'est pas consolidée, si le médecin qui a charge du travailleur croit que :

 

1° le travailleur est raisonnablement en mesure d'accomplir ce travail;

 

2° ce travail ne comporte pas de danger pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion; et

 

3° ce travail est favorable à la réadaptation du travailleur.

 

Si le travailleur n'est pas d'accord avec le médecin, il peut se prévaloir de la procédure prévue par les articles 37 à 37.3 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1), mais dans ce cas, il n'est pas tenu de faire le travail que lui assigne son employeur tant que le rapport du médecin n'est pas confirmé par une décision finale.

__________

1985, c. 6, a. 179.

 

 

[104]       Au préalable, les parties ont aussi argumenté sur la notion de « qui est le médecin qui a eu charge du travailleur » au moment de compléter les demandes d’assignation temporaire proposée par l’employeur, que ce soit celle du 11 avril 2008 qui a été acceptée par le docteur Vachon, le 16 avril 2008, sur le formulaire complété à cet effet, mais refusée par le docteur Rodrigue, le 22 avril 2008, ou encore celles des 23 avril 2008 et suivantes qui ont été faites auprès du docteur Rodrigue qui assure le suivi du travailleur depuis le début de sa lésion professionnelle.

[105]       D’abord, rappelons que la notion de « médecin qui a charge » n’est pas définie dans la LATMP. Le tribunal réfère alors à l’interprétation retenue majoritairement par les commissaires dans l’affaire Marceau et Gouttière Rive-Sud Fabrication inc. et CSST[3], où la commissaire Marchand cite les critères élaborés par la jurisprudence servant à identifier, qui des médecins consultés par le travailleur doit être considéré comme médecin qui a charge au sens de la LAMTP. Ces critères sont repris notamment aux paragraphes [62] et [63] d’une décision rendue le 20 octobre 2003 par la commissaire Morin(3) et qui se lisent comme suit :

[62]      Dans l'affaire Marceau et Gouttière Rive-Sud Fabrication inc. et CSST6, la Commission des lésions professionnelles a élaboré les critères servant à identifier qui, des médecins consultés par le travailleur, doit être considéré à titre de médecin qui a charge au sens de la loi :

 

« [33] Quant à la notion de médecin qui a charge, le législateur n'en a prévu aucune définition spécifique, laissant ainsi aux tribunaux spécialisés le soin d'en établir les principaux paramètres. Ainsi, la jurisprudence a dégagé plus ou moins quatre critères d'identification du médecin qui a charge du travailleur. Parmi ces critères retenons : 1) celui qui examine le travailleur; 2) celui choisi par le travailleur par opposition à celui qui lui serait imposé lors d'une expertise médicale demandée par la CSST ou l'employeur, par opposition également au médecin qui n'agit dans un dossier qu'à titre d'expert sans jamais suivre l'évolution médicale du patient; 3) celui qui établit un plan de traitement et enfin 4) celui qui assure le suivi du dossier du patient en vue de la consolidation de la lésion. »

 

 

[63]      Ces critères sont retenus par la jurisprudence7 avec la réserve faite dans l’affaire Serrumax inc. et Nadon8 voulant qu’ils doivent s'appliquer « en tenant compte des faits particuliers de chaque cas et non pas d'une manière abstraite ». Dans cette perspective, le nombre et la fréquence de consultations auprès d’un médecin sont des critères qui doivent être pris en considération parce qu’ils sont pertinents mais ils ne sont pas nécessairement déterminants.

__________

6             C.L.P. 91084-62-9709, 22 octobre 1999, H. Marchand

7             Voir notamment : Leduc et Commission scolaire Du Val-Des-Cerfs, C.L.P. 136313-62B-0004, 11 avril 2001, N. Blanchard; Côté et Gestion Rémy Ferland inc. et CSST, C.L.P. 175597-03B-0201, 20 juin 2002, J.-F. Clément; Thériault et Centre de protection et de réadaptation Côte-Nord (L'émergent) et CSST, C.L.P. 182572-09-0204, 4 février 2003, Y. Vigneault; Lévesque et Toitures P.L.C. Inc., C.L.P. 160953-01A-0103, 11 février 2003, D. Sams; Bérubé et Plantago inc. et CSST, 201559-32-0303, 22 août 2003, G. Tardif

8           C.L.P. 192583-72-0210, 17 juillet 2003, P. Perron

 

 

[106]       Le tribunal réfère aussi à une décision rendue le 11 février 2003[4], où le commissaire Sams se questionnait sur la possibilité et le rôle joué par deux médecins actifs dans un dossier d’un travailleur et lequel des deux pouvait être le médecin qui a charge de ce dernier. Ce commissaire conclut alors que, même s’il se peut qu’un travailleur ait eu, à un certain moment, deux médecins qui ont eu charge, notamment lors d’un plan de traitement suggéré à un travailleur, qu’il n’en demeure pas moins que c’est surtout le médecin qui a suivi l’évolution de ce travailleur et qui a établi son plan de traitement qui doit être, de l’avis du tribunal, reconnu à titre de médecin qui a charge de ce travailleur.

 

[107]       En somme, c’est surtout en analysant chaque cas, selon son mérite et les faits prouvés, que l’on peut déterminer qui est le médecin qui a charge d’un travailleur.

[108]       Ceci étant dit, la Commission des lésions professionnelles croit que le docteur Rodrigue était, et est encore le médecin qui a eu charge du travailleur, en avril 2008, lorsqu’il a dû répondre à des demandes d’assignation temporaire d’un travail formulées par l’employeur.

[109]       Que le docteur Vachon, médecin spécialiste consulté par le docteur Rodrigue pour obtenir son avis sur des traitements éventuels, notamment sur la nécessité d’une opération, n’en fait pas automatiquement un médecin qui a charge, surtout avant l’opération si le suivi est irrégulier et sporadique, comme c’est le cas.

[110]       Dans ce cas-ci, c’est le docteur Rodrigue qui a toujours assuré le suivi médical du travailleur depuis le début de sa lésion professionnelle survenue le 7 août 2007.

[111]       En effet, même si la preuve documentaire démontre que le docteur Rodrigue n’aurait pas procédé à un examen clinique à l’épaule droite du travailleur après le 6 septembre 2007, selon ses notes de consultation médicale, il n’en demeure pas moins que c’est ce médecin qui assurait tout de même le suivi médico-administratif. C’est le docteur Rodrigue qui a répondu en complétant la plupart des formulaires d’assignation temporaire qui lui ont été expédiés par l’employeur pour déterminer s’il y avait une possibilité d’une assignation temporaire en cours de lésion professionnelle, puisque celle-ci n’était pas consolidée, notamment en avril 2008, car le travailleur n’avait toujours pas été opéré à son épaule droite.

[112]       De plus, c’est le docteur Rodrigue qui fut choisi par le travailleur comme médecin qui a charge, même si le travailleur sait pertinemment que c’est le docteur Vachon qui doit procéder à son opération à l’épaule droite et que ce médecin lui a aussi prescrit des traitements lors des trois ou quatre visites médicales tenues jusqu’en février 2008. Cependant, le tribunal constate que le docteur Vachon n’a ni questionné ni examiné le travailleur en date du 16 avril 2008, soit au moment où il a complété et signé le formulaire d’assignation temporaire d’un travail autorisant celle-ci.

[113]       La validité de ce formulaire, complété par le docteur Vachon, le 16 avril 2008, n’est donc pas aussi probante que l’employeur le laisse croire. En effet, et contrairement au docteur Vachon, le docteur Rodrigue a vu, à plusieurs reprises, le travailleur, surtout à compter d’avril 2008 jusqu’en octobre 2008, et ils ont eu plusieurs discussions concernant les propositions d’assignation temporaire d’un travail formulées par l’employeur et expédiées surtout au docteur Rodrigue, le tout tel qu’il appert de la preuve ci-haut narrée.

[114]       En outre, le tribunal retient que le docteur Rodrigue a assuré le suivi médical du travailleur, notamment en lui prescrivant une imagerie par résonance magnétique, des traitements de physiothérapie, la prise de médication qu’il ajustait au besoin, selon la douleur ressentie par le travailleur, etc. De plus, c’est le docteur Rodrigue qui assure le suivi du dossier médico-administratif du travailleur en vue de la consolidation de sa lésion professionnelle.

[115]       Finalement, le tribunal constate que le docteur Vachon ne peut être considéré comme le médecin qui a eu charge du travailleur, aux fins de compléter le formulaire d’assignation temporaire daté du 16 avril 2008, où il autorisait celle-ci, puisqu’à cette date, il a répondu, lors d’une conversation téléphonique et, ensuite, par télécopie, à cette demande de l’employeur, sans avoir questionné ni examiné le travailleur, à savoir si les tâches décrites par l’employeur pouvaient être exercées, en tout ou en partie, par le travailleur, même s’il en a coché quelques-unes.

[116]       Cela dispose des arguments du procureur de l’employeur, à l’effet que le docteur Vachon ne peut être considéré comme le médecin qui a charge du travailleur aux fins de compléter les demandes d’assignation temporaire.

[117]       Conséquemment, c’est le docteur Rodrigue qui est le médecin qui a charge du travailleur et qui devait donc répondre aux demandes d’assignation temporaire d’un travail formulées par l’employeur, notamment celles à compter du 23 avril 2008, qui sont postérieures à la demande refusée le 21 avril 2008 (E-3).

[118]       Quoi qu’il en soit, la preuve ci-haut narrée dans la présente décision, qui est contradictoire sur certains aspects, mais prépondérante sur d’autres, démontre que l’assignation temporaire proposée par l’employeur au travailleur, lors d’une demande formulée le 23 avril 2008, mais acceptée par le docteur Rodrigue le 29 avril 2008, de façon explicite, est conforme aux dispositions de l’article 179 de la LATMP. À ce sujet, le soussigné souscrit aux motifs retenus par la commissaire Quigley[5], où celle-ci reprend certains grands principes retenus majoritairement par la Commission des lésions professionnelles sur la conformité ou non d’une assignation temporaire, selon l’article 179 de la LATMP.

[119]       Les paragraphes pertinents de cette décision se lisent comme suit :

[...]

 

[18]      Cette disposition législative prévoit donc la possibilité pour un employeur d’assigner temporairement un travailleur à d’autres tâches que celle qu’il effectue au cours de la période où il est en incapacité d’effectuer ses tâches régulières.

 

[19]      Évidemment, un tel droit est assujetti au consentement du médecin qui a charge qui considère que le travailleur est raisonnablement en mesure d’accomplir le travail, que ce travail ne comporte pas de dangers pour la santé et la sécurité et est favorable à la réadaptation du travailleur.

 

[20]      La CSST a conçu un formulaire qu’elle remet aux employeurs lorsqu’ils désirent se prévaloir de la possibilité d’assigner temporairement un travailleur à d’autres tâches.

 

[21]      En l’espèce, le tribunal constate que ledit formulaire n’a pas été complété par le docteur Gourdeau au moment où il a autorisé un retour au travail dans des travaux légers de type clérical. La CSST, dans le cadre de la décision rendue à la suite de la révision administrative, a considéré que les tâches allégées autorisées par le docteur Gourdeau ne constituaient pas une assignation temporaire conforme à la loi puisque le médecin n’avait pas complété un formulaire prescrit par la CSST.

 

[22]      Est-ce que l’omission de compléter le formulaire d’assignation temporaire conçu par la CSST a pour effet d’invalider une assignation temporaire?

 

[23]      Le tribunal ne le croit pas pour les motifs ci-après exposés.

 

[24]      En effet, le tribunal partage la position reprise dans plusieurs décisions du présent tribunal selon laquelle la procédure d’assignation temporaire, pour être valide, n’exige pas un tel niveau de formalisme.

 

[25]      Dans l’affaire Brisebois et Volailles Grenville inc.3 , la Commission des lésions professionnelles a eu à se prononcer sur la validité d’une assignation temporaire, tout comme dans le présent dossier. Bien que la travailleuse était informée du consentement du médecin traitant à l’assignation temporaire que proposait l’employeur, elle refusait de s’y conformer tant que le formulaire signé par son médecin ne serait pas déposé chez l’employeur pour qu’elle puisse le voir de ses propres yeux.

 

[26]      Le tribunal s’exprime ainsi sur le niveau de formalisme requis pour conclure à la validité d’une assignation temporaire :

 

[39] L’article précité ne soumet l’expression de la volonté de l’employeur d’assigner le travailleur à un travail déterminé et celle du consentement du médecin qui en a charge à aucun formalisme particulier, en termes de libellé, de document écrit ou de formulaire prescrit3. L’important c’est que les composantes pertinentes du travail assigné (en regard des trois critères énumérés au premier alinéa de l’article 179) soient connues et que l’accord du médecin traitant ne fasse pas de doute. Exiger en cette matière un formalisme à outrance, comme le voudrait la travailleuse, aurait pour conséquence d’entraver indûment l’application concrète et pratique de la loi4.

 

[40] Rien dans la preuve administrée ne démontrant en quoi l’assignation temporaire à du travail de bureau faite le 23 mai 2000 ne respectait pas les exigences de fond de la loi, le tribunal ne peut conclure que la travailleuse avait un motif raisonnable de refuser ou d’omettre de s’en acquitter dès à compter du lendemain. La CSST était donc justifiée de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu payable à la travailleuse à compter du 24 mai 2000. En conséquence, la contestation doit être rejetée à cet égard.

_________

3 Bourassa et Hydro-Québec, 111311-04-9903, 00-09-22, M. Carignan

4 Ville de Laval et Lalonde, 22936-61-9011, 91-06-20, J.-M. Duranceau, (J3-13-18).

 

(Nos soulignements)

 

 

[27]      De même, dans l’affaire Manning et Premier horticulture ltée , une cause comportant des faits similaires au présent dossier, la Commission des lésions professionnelles s’est prononcée comme suit :

 

[52] En outre, il est généralement reconnu qu’un employeur doit préciser au médecin le travail spécifique qu’il entend assigner au travailleur, afin que le médecin puisse se prononcer à savoir si ce travail rencontre les critères énoncés à l’article 179 de la loi5. Par contre, on n’exige pas toujours que l’avis du médecin soit consigné sur le formulaire administratif prévu par la CSST, ni qu’il soit écrit, ni même qu’il comporte une réponse spécifique à chacune des trois questions reliées aux critères de l’article 1796.

 

_________

5 Société canadienne des postes et Thibault, [1987] C.A.L.P. 377 ;  Mueller Canada inc. et Lavoie, [1987] C.A.L.P. 506 ;  Jonquière et Corneau, [1989] C.A.L.P. 14 ;  Bourgault et Marcel Lauzon inc. [1992] C.A.L.P. 188 ;  Bombardier inc. et Côté, C.A.L.P. 35904-60-9201, 17 novembre 1993, M. Lamarre; J.M. Asbestos inc. et Marcoux, C.A.L.P. 72559-05-9508, 26 juillet 1996, C. Demers;  Métallurgie Brasco inc. et Jomphe, C.L.P. 114861-01B-9904, 16 juin 2000, C. Bérubé;  Permafil ltée et Fournier, C.L.P. 148090 03B-0010, 28 février 2001, M. Cusson.

 

6 Ville de Laval et Lalonde, C.A.L.P. 22936-61-9011, 20 juin 1991, M. Duranceau; Bourassa et Hydro-Québec, C.L.P. 111311-04-9903, 22 septembre 2000, M. Carignan.

 

 

[28]      Le tribunal poursuit en réitérant un principe fondamental d’interprétation des lois comme suit :

 

[60] Le tribunal ne peut non plus avoir une interprétation de la loi d’une rigidité telle que l’on ne doive plus que se plier à sa lettre et non à son esprit et se plier à la lettre des formulaires et non à l’avis y clairement exprimé. En l’occurrence, il apparaît plus que probable que le médecin du travailleur ait approuvé les assignations proposées et jugé qu’elles respectaient les critères de l’article 179 de la loi, et ce, même s’il n’a pas coché les réponses à ces questions spécifiques.

 

(Notre soulignement)

 

 

[29]      La soussignée partage l’interprétation de l’article 179 de la loi proposée par ces décisions.

 

[30]      En appliquant les principes établis par la jurisprudence citée, le tribunal doit s’assurer que le médecin qui autorise des travaux légers respecte les trois conditions d’application de l’article 179.

 

[31]      En l’espèce, le tribunal est d’avis que le docteur Gourdeau, lorsqu’il a autorisé un retour au travail dans des travaux légers de type clérical, était convaincu que le travailleur était raisonnablement en mesure d’accomplir ce travail sans quoi il n’aurait pas fait cette recommandation. Ce faisant, il était évidemment d’accord avec le fait que le travail ne comportait pas de dangers pour la santé, la sécurité et l’intégrité physique du travailleur sans quoi il n’aurait pas, de sa propre initiative, proposé de tels travaux.

 

[32]      Quant au fait que cette assignation était favorable à la réadaptation, rien dans la preuve offerte ne permet d’en douter. D’autant plus que le docteur Davidson, qui est le premier médecin à poser le diagnostic de fracture, autorise tout de même des travaux légers malgré le constat médical qu’il fait.

 

[33]      Dans ces circonstances, le tribunal est d’avis que les tâches allégées autorisées par le docteur Gourdeau à compter du 26 mai 2008 constituent une assignation temporaire de travail valide au sens de l’article 179 de la loi.

__________

3           C.L.P. 157910, 29-11-02, J-F Martel.

4               C.L.P. 181536-09-0203, 10-03-03, L. Desbois. Voir au même effet : Bestar inc. et Lapierre, C.L.P. 200160-03B-0302, 30-05-03, R. Savard, Pointe-Nor inc. et Drolet, C.L.P. 252054-08-0501, 06-05-05, P. Prégent.

 

 

[120]       Le soussigné ajoute à ces principes dégagés par la jurisprudence que l’article 353 vient tempérer un certain formalisme exigé par la CSST, notamment dans le cadre d’une demande d’assignation temporaire d’un travail formulée par un employeur auprès d’un médecin qui a charge du travailleur. L’article 353 de la LATMP se lit comme suit :

353.  Aucune procédure faite en vertu de la présente loi ne doit être rejetée pour vice de forme ou irrégularité.

__________

1985, c. 6, a. 353; 1999, c. 40, a. 4.

 

 

[121]       Or, la Commission des lésions professionnelles est surprise de la décision rendue par la révision administrative de la CSST qui s’en remet à un formalisme exagéré, selon les informations qu’elle possédait déjà du docteur Rodrigue et celles du travailleur qui pouvaient être contradictoires de celles de son employeur. Toutefois, ces informations établissent, de façon probante, que le docteur Rodrigue a bel et bien accepté, en connaissance de cause, l’assignation temporaire d’un travail suggérée par l’employeur à compter du 23 avril 2008, mais devenue effective à compter du 29 avril 2008, alors que le travailleur l’a exercée le 30 avril 2008 seulement.

[122]       Pour s’en convaincre, le tribunal croit utile de reprendre certains faits ci-haut narrés et les éléments de preuve suivants :

.1)                  D’abord, rappelons que le docteur Rodrigue avait refusé la première demande d’assignation temporaire, le 22 avril 2008, lorsqu’il fut appelé à donner son opinion sur le formulaire d’assignation temporaire qui devait débuter le 11 avril 2008, le tout tel qu’il appert de la pièce E-3.

.2)                  Cependant, lorsque le docteur Rodrigue fut mieux informé et mis au courant que le docteur Vachon avait autorisé précédemment l’assignation temporaire, soit le 16 avril 2008, et s’est prononcé aussi, le 22 avril 2008, sur les limitations fonctionnelles temporaires au membre supérieur droit du travailleur pouvant s’appliquer dans le cadre d’une assignation temporaire, celui-ci fut contacté par l’employeur et surtout par le médecin-conseil de la CSST afin de donner, de nouveau, son avis sur cette assignation temporaire qu’il avait d’abord refusée.

.3)                  Or, les notes évolutives colligées par le docteur Lévesque de la CSST, en date du 29 avril 2008, de même que son bilan médical complété le 30 avril 2008, à la suite de cette conversation téléphonique tenue avec le docteur Rodrigue, la veille, démontrent, de façon probante, que le docteur Rodrigue a bel et bien autorisé cette assignation temporaire qui devenait effective qu’après sa réponse claire et précise du 29 avril 2008, soit à compter du 30 avril 2008.

.4)                  En effet, il est clair, selon les notes médicales obtenues du docteur Rodrigue, dont n’avait pas la CSST au moment de rendre ses décisions, que ce médecin voulait d’abord connaître l’opinion du docteur Vachon concernant l’aspect des limitations fonctionnelles temporaires au niveau de l’épaule droite du travailleur, et ce, avant de se prononcer sur une assignation temporaire proposée par l’employeur. Or, cette information fut obtenue surtout à compter du 22 avril 2008, lorsque le docteur Vachon a complété une demande d’information médicale complémentaire écrite exigée par la CSST, où ce médecin recommande que le travailleur ne doit pas utiliser son bras droit.

.5)                  D’ailleurs, dès le 29 avril 2008, le docteur Rodrigue a clairement précisé au docteur Lévesque qu’il se dit « maintenant d’accord avec une assignation temporaire qui respecte cette limitation fonctionnelle, qu’il rencontrera le travailleur en après-midi et lui en fera part ». Il ajoute que le travailleur l’avisera si l’employeur ne respecte pas les modalités de cette assignation temporaire.

.6)                  Le tribunal rappelle que la liste des travaux proposés en assignation temporaire par l’employeur était jointe aux envois faits auprès du docteur Rodrigue qui en avait déjà accepté une, le 19 novembre 2007, et qui avait alors constaté que certaines des tâches faites par le travailleur, lors d’une assignation temporaire précédente, notamment celles à la déchiqueteuse et le vidage des poubelles, ne devaient plus être faites par le travailleur dans le cadre de son assignation temporaire, ce qui fut le cas à compter du 30 avril 2008, lorsque le travailleur s’est présenté pour exercer les travaux légers proposés par l’employeur à cette date.

.7)                  Le tribunal s’en convainc surtout par les notes médicales colligées par le docteur Rodrigue en date des 29 et 30 avril 2008, dont n’avait pas la CSST au moment de rendre ses décisions. En effet, le docteur Rodrigue établit clairement qu’il accepte la procédure d’assignation temporaire d’un travail proposée par l’employeur et même qu’il suggère de la poursuivre, à tout le moins, pour le reste de la semaine, et ce, lors de la consultation du 30 avril 2008. Or, c’est la seule journée où le travailleur l’a exercée, puisque, le 1er mai 2008, il ne s’y est pas présenté et n’a pas consulté le docteur Rodrigue pour obtenir son opinion médicale sur les travaux que lui demande d’effectuer son employeur, ni pour se plaindre d’une aggravation à son épaule droite.

.8)                  Or, le rapport médical de la CSST, complété par le docteur Rodrigue, le 29 avril 2008, qui autorise clairement une assignation temporaire au travailleur, dont celui-ci fut remis à l’employeur, le 30 avril 2008, par le travailleur, démontre que le docteur Rodrigue a donné un consentement libre et éclairé, au moment où il a autorisé le travailleur à faire une assignation temporaire chez son employeur, laquelle devait respecter ses limitations fonctionnelles temporaires, notamment ne pas utiliser son membre supérieur droit, ce qui fut le cas.

.9)                  À ce sujet, les travaux faits par le travailleur, le 30 avril 2008, respectaient les limitations fonctionnelles retenues par le docteur Vachon et confirmées par le docteur Rodrigue, à savoir ne pas utiliser son membre supérieur droit dans certaines amplitudes, et ce, dans le cadre de ce travail proposé par l’employeur.

.10)             La preuve démontre donc que les trois conditions nécessaires à l’application de l’article 179 de la LATMP ont été respectées par l’employeur, puisque le travailleur s’est vu proposer un travail qu’il était raisonnablement en mesure d’accomplir, même s’il détestait le faire. De plus, ce travail ne comportait pas de danger pour sa santé, sa sécurité et son intégrité physique, compte tenu de sa lésion professionnelle à l’épaule droite. Finalement, ce travail est favorable à sa réadaptation, d’une certaine façon, puisqu’elle lui permettait non pas de guérir plus rapidement, mais surtout de rester en contact avec son milieu de travail jusqu’à, tout le moins, son opération qui a tardé à être pratiquée par le docteur Vachon.

.11)             En outre, le tribunal rappelle que les discussions tenues entre le docteur Rodrigue et madame Simard, en date du 9 mai 2008, ne laissent surtout pas croire que le docteur Rodrigue a signifié à celle-ci, à ce moment, qu’il avait complété un nouveau formulaire d’assignation temporaire, le ou vers le 30 avril 2008, et qu’il a refusé spécifiquement les travaux légers proposés par l’employeur.

.12)             C’est d’ailleurs à la suite de cette discussion du 9 mai 2008 que le docteur Rodrigue devait informer le travailleur qu’il pouvait contester son assignation temporaire d’un travail, ce qu’il a fait, mais seulement lors de la visite médicale du 20 mai 2008, où il lui a mentionné expressément de contester cette décision du 6 juin 2006, afin d’arrêter le processus pour qu’il puisse retourner aux travaux légers.

.13)             D’ailleurs, les notes médicales colligées par le docteur Rodrigue, en date du 11 juin 2008, confirment aussi que ce n’est qu’en juin 2008 qu’il a de nouveau complété un formulaire d’assignation temporaire en refusant spécifiquement cette assignation temporaire ou encore en l’annulant, puisqu’elle a été refusée par la CSST, le 6 juin 2008, à la suite de la contestation produite par le travailleur, le 20 mai 2008.

[123]       En l’occurrence, le tribunal conclut que les tâches allégées et autorisées par le docteur Rodrigue, à compter du 29 avril 2008, lors d’un rapport médical adressé à la CSST et à la suite d’un bilan médical fait avec un médecin-conseil de la CSST, lesquels sont confirmés par les notes médicales des 29 et 30 avril 2008, constituent une assignation temporaire de travail valide et conforme au sens de l’article 179 de la LATMP, et ce, même si le docteur Rodrigue n’a pas complété, à ces dates, le formulaire d’assignation temporaire exigé par la CSST.

[124]       À ce propos, le tribunal rappelle qu’il s’agit d’un formulaire administratif qui aide le médecin qui a charge d’un travailleur à préciser son avis et à faciliter sa tâche, notamment pour éviter une certaine confusion sur l’acceptation ou non de tels travaux légers.

[125]       Or, bien qu’il soit préférable que ce formulaire soit complété par le médecin qui a charge d’un travailleur, il n’en demeure pas moins qu’un billet médical de la CSST peut être suffisant, dépendamment des circonstances et des faits prouvés par les parties.

[126]       Or, ici, les circonstances démontrent, de façon probante, que le docteur Rodrigue a autorisé de tels travaux légers lors d’une assignation temporaire qu’il a acceptée le 29 avril 2008 et confirmée le 30 avril 2008 par ses notes médicales notamment.

[127]       De l’avis du tribunal, le travailleur était tenu de faire cette assignation temporaire, car elle était autorisée par son médecin qui a charge, et que le travailleur ne l’a pas contestée avant le 20 mai 2008, en se prévalant des mécanismes prévus aux articles 37 à 37.3 de la LSST.

[128]       Ces articles se lisent comme suit :

37.  Si le travailleur croit qu'il n'est pas raisonnablement en mesure d'accomplir les tâches auxquelles il est affecté par l'employeur, il peut demander au comité de santé et de sécurité, ou à défaut de comité, au représentant à la prévention et à l'employeur d'examiner et de décider la question en consultation avec le médecin responsable des services de santé de l'établissement ou, à défaut de médecin responsable, avec le directeur de santé publique de la région où se trouve l'établissement.

 

S'il n'y a pas de comité ni de représentant à la prévention, le travailleur peut adresser sa demande directement à la Commission.

 

La Commission rend sa décision dans les 20 jours de la demande et cette décision a effet immédiatement, malgré une demande de révision.

__________

1979, c. 63, a. 37; 1985, c. 6, a. 525; 1992, c. 21, a. 302; 2001, c. 60, a. 167.

 

(Nos soulignements)

 

 

37.1.  Une personne qui se croit lésée par une décision rendue en vertu de l'article 37 peut, dans les 10 jours de sa notification, en demander la révision par la Commission conformément aux articles 358.1 à 358.5 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (chapitre A-3.001).

 

37.2.  La Commission doit procéder d'urgence sur une demande de révision faite en vertu de l'article 37.1 .

 

La décision rendue par la Commission sur cette demande a effet immédiatement, malgré qu'elle soit contestée devant la Commission des lésions professionnelles.

 

 

37.3.  Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission à la suite d'une demande faite en vertu de l'article 37.1 peut, dans les 10 jours de sa notification, la contester devant la Commission des lésions professionnelles.

__________

1985, c. 6, a. 525; 1992, c. 11, a. 48; 1997, c. 27, a. 39.

 

 

[129]       Le soussigné rejoint alors la position retenue par le tribunal dans l’affaire Manning précitée[6].

[130]       Or, à défaut de se prévaloir de ce moyen de contestation jusqu’au 20 mai 2008, le travailleur était tenu de faire le travail que lui assignait son employeur, ce qu’il n’a pas fait.

[131]       En conséquence, le travailleur devait exercer son assignation temporaire proposée par l’employeur qui fut reconnue par le docteur Rodrigue, et ce, jusqu’à ce qu’il conteste cette assignation temporaire, en bonne et due forme, en date du 20 mai 2008.

 

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête produite par SM Transport (l’employeur);

INFIRME la décision rendue le 25 juillet 2008 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que l’assignation temporaire proposée par l’employeur, laquelle fut exercée par monsieur Éric Boutin (le travailleur), seulement le 30 avril 2008, respecte les conditions d’application prévues à l’article 179 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. (L.R.Q., c. A-3.001 (la loi);

et


 

DÉCLARE, en conséquence, que cette assignation temporaire était conforme aux dispositions de cet article.

 

 

__________________________________

 

Robin Savard

 

 

 

 

Me Jean-François Dufour

GROUPE AST INC.

Représentant de la partie requérante

 

 

Monsieur Réal N. Bélanger

RÉAL N. BÉLANGER & ASSOCIÉS, AVOCATS INC.

Représentant de la partie intéressée

 

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]          L.R.Q., c. S-2.1.

[3]           Industries Hagen ltée et Lanthier, C.L.P. 185747-61-0206, 20 octobre 2003, G. Morin.

[4]           Lévesque et Toitures P.L.C  inc. C.L.P. 160953-01A-0103, 11 février 2003, D. Sams.

[5]           Transylve inc. et Lavictoire, 1357176, 11 décembre 2008, A. Quigley.

[6]  C.L.P. 181536-09-0203, 10-03-03, L. Desbois. Voir au même effet : Bestar inc. et Lapierre, C.L.P. 200160-03B-0302, 30-05-03, R. Savard, Pointe-Nor inc. et Drolet, C.L.P. 252054-08-0501, 06-05-05, P. Prégent.

 

 

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.