Décision

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98011010 COUR D'APPEL


PROVINCE DE QUÉBEC
GREFFE DE MONTRÉAL

No: 500-09-000298-950
(500-05-005027-923)

Le 28 novembre 1997


CORAM: LES HONORABLES GENDREAU
BAUDOUIN
FISH, JJ.C.A.




PROVIGO DISTRIBUTION INC.,

APPELANTE - INTIMÉE-INCIDENTE
           - (défenderesse)

c.

SUPERMARCHÉ A.R.G. INC.
et
SUPERMARCHÉ FRONTENAC INC.,

INTIMÉES - APPELANTES-INCIDENTES
           - (demanderesses)


__________
LA COUR, statuant sur un pourvoi et un pourvoi incident contre un jugement de la Cour supérieure du district de Montréal, rendu le 25 janvier 1995 par l'honorable Diane Marcelin, accueillant l'action en dommages des intimées contre l'appelante et condamnant cette dernière à leur payer une somme totale de 3 762 835,20 $;

          Après étude, audition et délibéré;

          Pour les motifs apparaissant dans l'opinion de la Cour, dont copie est déposée avec les présentes;

          ACCUEILLE le pourvoi principal avec dépens, pour que les conclusions du jugement de la Cour supérieure se lisent désormais ainsi:

          
ACCUEILLE, en partie, les demandes des demanderesses, Supermarché A.R.G. inc. et Supermarché Frontenac inc.;


          
ORDONNE à la défenderesse, Provigo Distribution inc., de payer à la demanderesse, Supermarché A.R.G. inc., la somme de 45 995,00 $, avec intérêt depuis l'assignation ainsi que l'indemnité additionnelle prévue au Code civil du Bas-Canada;


          
ORDONNE à la défenderesse, Provigo Distribution inc., de payer à la demanderesse, Supermarché Frontenac inc., la somme de 2 148 459,00 $, avec intérêts depuis l'assignation ainsi que l'indemnité additionnelle prévue au Code civil du Bas-Canada;


          
REJETTE toutes les demandes en injonction permanente des demanderesses, Supermarché A.R.G. inc. et Supermarché Frontenac inc.;


ORDONNE à la défenderesse, Provigo Distribution inc., de payer aux demanderesses, Supermarché A.R.G. inc. et Supermarché Frontenac inc., la somme totale de 103 182,27 $ pour les frais d'expertise;


          
REJETTE la demande reconventionnelle de la défenderesse, Provigo Distribution inc.;


          
AVEC DÉPENS en faveur des demanderesses, Supermarché A.R.G. inc. et Supermarché Frontenac inc.;


          
REJETTE l'appel incident avec dépens.

                              
                              PAUL-ARTHUR GENDREAU, J.C.A.

                              
                              JEAN-LOUIS BAUDOUIN, J.C.A.

                              
                              MORRIS J. FISH, J.C.A.


Me Lucie Brunet
Me Philippe Casgrain, c.r.
Me Gérard Dugré
(BYERS CASGRAIN)
Procureurs de l'appelante


Me François Lamarre, c.r.
Me Isabelle Racine
(CAIN LAMARRE WELLS)
Procureur des intimées


AUDITION: 24-27 mars 1997

COUR D'APPEL


PROVINCE DE QUÉBEC
GREFFE DE MONTRÉAL

No: 500-09-000298-950
(500-05-005027-923)





CORAM: LES HONORABLES GENDREAU
BAUDOUIN
FISH, JJ.C.A.





PROVIGO DISTRIBUTION INC.,

APPELANTE - INTIMÉE-INCIDENTE
           - (défenderesse)

c.

SUPERMARCHÉ A.R.G. INC.

et

SUPERMARCHÉ FRONTENAC INC.,

INTIMÉES - APPELANTES-INCIDENTES
           - (demanderesses)


OPINION DE LA COUR




PLAN____________ Page



PREMIÈRE PARTIE: LES FAITS                       5


I.
LES PARTIES AU LITIGE                          5

     A. Le Groupe Gagnon                              5
     B. Provigo Distribution inc.                     6


II.
LES PRINCIPAUX FAITS                          6


III.
LES PROCÉDURES_____________________           15

     A. La première instance                           15

     B. Les pourvois                                   16

      1> L'appel principal                           16

      2> L'appel incident                            17


DEUXIÈME PARTIE: LE DROIT                              18


I.
LES OPPOSITIONS À LA PREUVE                          18


II. LES LIENS CONTRACTUELS ENTRE LES PARTIES______ 20

     
A. Le contexte factuel                            20

     B. La qualification des contrats                  23

      1> Le contrat de franchise                     24

      2> Les obligations en découlant                26



III.
LES FONDEMENTS JURIDIQUES DE LA RESPONSABILITÉ____ 27

     A. La responsabilité contractuelle                27

     B. Le devoir fiduciaire                           28

     C. L'obligation de bonne foi                      28


IV.
LA FAUTE                                       30


V.
LE LIEN DE CAUSALITÉ                           37
     A. Le contexte factuel                            37

     B. Le magasin de Cowansville                      40

     C. Les magasins de Granby                         44

     D. Conclusions                                    46


VI.
LE DOMMAGE                                     46
                  A. La réclamation                                 46

     B. Le jugement de la Cour supérieure              47

     C. L'évaluation du préjudice                      52

      1> La preuve d'expertise (Rapport Parent)     53

      a) La méthodologie du rapport              53

           i) Les magasins visés                   54

           ii) La recherche des revenus             54

           iii) La recherche des coûts               57

           iv) Le résultat                          57


          b) L'analyse du rapport                       58

           i) L'inclusion du marché de Cowansville    60

           ii) L'impact de la concurrence              61

           iii) L'influence de la grève à St-Jacques   
                    sur la période de référence       67

           iv) Les leçons de la période de référence  
                    et leur reflet dans la période
                    de projection                       74

           v) Le postulat de la croissance constante  81
                    des ventes

           vi) L'influence du taux d'inflation         88

           vii) Conclusions                             90


      2> Le calcul du préjudice subi                 91

      a) Les magasins Évangéline et Leclerc       92

      b) Le supermarché St-Jacques                101

      c) La période couverte                      102

      d) Conclusions                              103


     
D. Les frais d'expertise                          104


VII.
LES DOMMAGES PUNITIFS ET L'APPEL INCIDENT    105


VIII.
CONCLUSIONS GÉNÉRALES                        106






* * * * *




PREMIÈRE PARTIE: LES FAITS



          Le jugement de première instance relate en détail la situation de fait qui a donné naissance au présent litige. Toutefois pour la bonne intelligence de ce qui suit, il paraît indispensable d'en faire ne serait-ce qu'un bref résumé.

I. LES PARTIES AU LITIGE

     A.
Le Groupe Gagnon
__________
Les deux intimées, Supermarché A.R.G. inc. et Supermarché Frontenac inc., forment ce que l'on peut appeler le «Groupe Gagnon» dont l'âme dirigeante est Antonio Gagnon.

          Ce groupe est propriétaire de quatre magasins d'alimentation en Estrie. Trois d'entre eux sont à Granby et portent le nom de la rue où ils sont situés: Évangéline, Leclerc et St-Jacques, et le quatrième est à Cowansville (Cowansville).

          Le Groupe Gagnon oeuvre depuis longtemps dans le secteur de l'alimentation. Au début des années 80, il a signé avec l'appelante, Provigo Distribution inc. (Provigo), une série d'ententes dont le but et l'effet sont de placer ses quatre magasins sous la bannière de Provigo.

     B. Provigo Distribution inc.

          Provigo est une entreprise issue de la fusion, en 1969, d'un ensemble de trois grossistes du marché de l'alimentation. Elle est au centre d'un vaste réseau qui comprend des magasins dits corporatifs (c'est-à-dire dont elle est à la fois propriétaire et gestionnaire) et des magasins affiliés, comme c'est le cas pour le Groupe Gagnon. Son plus gros volume d'affaires provient de l'exploitation de la commande centrale.

          Son succès économique repose sur la faculté qu'elle a eue, dans un marché extrêmement compétitif et dont les marges de profit sont relativement minces, de s'adapter aux changements des goûts du public, de toujours tenir tête à la compétition commerciale et d'offrir une image de marque reconnue.

II. LES PRINCIPAUX FAITS

          Depuis ses débuts, les activités de Provigo peuvent être regroupés en deux grandes catégories: les activités de détail et
les activités de distribution. À titre d'exemple, le Rapport annuel 1993 les décrit ainsi:

Le groupe distribution fonctionne séparément du groupe détail. Il possède son propre personnel et son propre système administratif qui apportent le soutien nécessaire aux marchands affiliés dans certains domaines clés comme la gestion des magasins, le marketing, la publicité, les ressources humaines, les finances et l'administration, ainsi que l'approvisionnement et l'organisation. Ce groupe agit conjointement avec les marchands affiliés et les fournisseurs pour répondre aux exigences propres à chaque marché. Il compte des centres de distribution qui occupent des emplacements stratégiques et qui sont en mesure de fournir rapidement des produits à prix concurrentiel(1).


          Le rôle de Provigo se concrétise d'une part par la gestion du réseau des magasins, propriétés des marchands indépendants ou affiliés, et, d'autre part, comme propriétaire de magasins corporatifs. L'historique démontre que les réseaux d'affiliés ont toujours été de première importance pour Provigo. Ainsi, la division de détail a acquis en 1981 quatre-vingt-six (86) anciens magasins Dominion en vue d'assurer une présence sur le marché de l'alimentation. À cette époque et avant 1990, la participation de Provigo, à titre de détaillant, peut être résumée ainsi:

L'examen de l'évolution des opérations du réseau Provigo nous montre que l'implication corporative de Provigo au détail jusqu'en 1988, s'est opérée par la force des choses: ce sont des magasins repris par Provigo Distribution inc. suite à un insuccès ou à une incapacité d'un opérateur indépendant ou ouverts par Provigo Distribution inc. dans un marché ou l'indépendant est craintif ou n'a pas les moyens d'y aller, mais où Provigo doit bâtir pour stopper un compétiteur ou développer un nouveau marché.



Un exemple de cet intérêt mitigé de Provigo à la propriété des magasins au détail nous est fourni par l'épisode de l'acquisition des magasins A&P et Dominion, en 1981. On voit que rapidement, suite à cette acquisition, les magasins sont revendus à des affiliés. Lors de ces acquisitions, le nombre des S.M.P. corporatifs augmente drastiquement (47 en 1980 contre 124 en 1981), puis en l'espace de cinq ans Provigo ramène le nombre de ses unités corporatives en deçà de ce qu'il était avant l'acquisition (44), selon les informations fournies aux rapports annuels.


(Expertise de J.-André Leblond de mai 1993, P-107, m.a., vol. 16, p. 3574.)


          Le succès des opérations de Provigo est attribué en grande partie à sa stratégie de segmentation de marché, c'est-à-dire à la multiplication des bannières selon les besoins des consommateurs du marché alimentaire. Tous les distributeurs en alimentation au Québec utilisent cette stratégie. Par une recherche de nouveaux créneaux, Provigo entreprend d'accroître sa part du marché global de l'alimentation.
C'est en appliquant avec succès une stratégie de segmentation adaptée à des besoins changeants et diversifiés d'un large éventail de consommateurs que Provigo Distribution est parvenue à réaliser une forte croissance et atteindre d'excellents résultats. Notre part de marché au Québec a, en effet, progressé régulièrement depuis trois ans pour passer de 34% à 37.5%.


(Rapport annuel 1990, P-120, m.a., vol. 18, p. 4283.)


          Poursuivant cette stratégie, Provigo lance, dès 1981, un nouveau concept de magasins mini-marges, connu sous le nom Héritage. Quatre magasins corporatifs sont ouverts à cette époque dont le magasin Héritage de Granby. Ces magasins sont détenus corporativement et Provigo en est donc à la fois propriétaire et gestionnaire. Tout comme les supermarchés Provigo conventionnels, ces derniers s'adressent à la commande centrale, mais se distinguent d'eux par une formule de prix différente (Every Day Low Price) et par l'absence de certains services tels l'emballage aux caisses, le service à l'auto, couramment offerts par les supermarchés conventionnels.

Une nouvelle division a été mise sur pied dans le secteur du détail sous le nom Héritage et dont la fonction est de développer des magasins mini-marges, soit des magasins de vente au détail pratiquant une politique systématique et généralisée de vente avec marges réduites, accompagnée le plus souvent d'une réduction maximale des services et des frais d'exploitation. Cette formule, magasins entrepôts, favorisant le libre service et offrant un assortiment plus limité de produits, permet aussi de vendre à des prix sensiblement inférieurs à ceux des supermarchés conventionnels. L'on compte maintenant quatre magasins entrepôts Héritage dont un sous la juridiction de M. Loeb limitée.


(Rapport annuel 1983, Provigo inc., P-117,

m.a., vol. 17, p. 4184.)

En 1986, cette division est décrite comme étant:
Les magasins Héritage et Maxi, propriété de Provigo, sont tous deux des concepts de magasins à grande surface, de l'ordre de 30 000 pieds carrés dans le premier cas et de 50 000 à 70 000 pieds carrés dans le second, mais qui se distinguent l'un de l'autre par les services qui s'offrent à la clientèle et les bassins de population pour lesquels ils ont été conçus. La division dispose actuellement de huit Héritage et de deux Maxi dont les ventes et le bénéfice ont progressé de façon significative au cours du dernier exercice. On envisage d'ouvrir quatre Héritage et trois Maxi au cours des prochains mois.


(Rapport Provigo 1986, P-118, m.a., vol. 18, p. 4213.)


          Malgré le lancement de magasins Héritage, avant 1990, les relations d'affaires entre Provigo et ses marchands affiliés sont amplement décrites en termes de partenariat entre le grand distributeur et le marchand indépendant. Les rapports annuels d'avant 1990 font, d'ailleurs, longuement état des mérites de ce partenariat, comme en témoignent les quelques extraits suivants:

Notre rôle consiste dans une très large mesure à favoriser la croissance et le développement de ces marchands qui s'avèrent être de remarquables entrepreneurs. En s'associant à eux, nous sommes en mesure d'offrir aux consommateurs le meilleur de deux mondes, soit l'expertise de pointe d'un grand distributeur jointe à la souplesse et au service personnalisé d'entrepreneurs locaux. La dernière année s'est avérée excellente pour l'ensemble de nos marchands affiliés et franchisés. Nous avons pris l'engagement de les soutenir par l'élargissement de nos services et de fournir l'encadrement nécessaire au maintien de leur succès. Nous sommes un atout dans leur croissance; notre propre succès est intimement lié à leur réussite.


(Rapport annuel 1986, P-118, m.a., vol. 18, p. 4207.)



Partenaire dans la réalisation d'une oeuvre commune, Provigo a pris l'engagement de favoriser le développement de ses marchands. Entreprise destinée à leur fournir les services requis pour progresser dans l'environnement turbulent qui caractérise le commerce de détail, elle est un atout dans leur croissance et son propre succès est intimement lié à leur réussite. Au-delà de ses fonctions d'approvisionnement et de la logistique qui s'y rattache, elle est une entreprise de soutien dont l'éventail et la qualité des services sont à la base de sa propre compétitivité comme de celle de ses détaillants.


(Rapport annuel 1988, P. 119, m.a., vol. 18, p. 4250.)


          Les relations d'affaires entre le Groupe Gagnon et Provigo débutent en 1980. À cette époque, le Groupe Gagnon exploite déjà deux magasins à Granby à titre d'affiliés du groupe I.G.A.: Supermarché Leclerc et Supermarché Évangéline. Ces deux magasins I.G.A., propriété de M. Loeb ltée, sont acquis par Provigo en 1980 et passent ainsi sous la bannière Provigo. Aucune nouvelle convention n'intervient cependant à cette époque et les parties continuent à être régies par les contrats existants.

          Par la suite, le Groupe Gagnon acquiert deux autres magasins. Le premier est Supermarché Cowansville (ancien A&P), situé dans la ville qui porte ce nom, est acquis en 1984. Trois conventions sont alors signées: une convention d'affiliation le 24 juillet 1984 (P-3), une convention de base le 18 août 1984 (aussi cotée sous P-3) et une convention de sous-bail le 20 novembre 1984 (P-4). Le second est le Supermarché St-Jacques (ancien Dominion), situé à Granby, appartenant à Provigo en 1985. Trois conventions sont alors signées: une convention d'affiliation le 14 février 1985 (P-1), une convention de sous-bail le 15 février 1985 (P-2) et une convention de base (non produite). Les seules modifications subséquentes à ces contrats sont celles du 9 janvier et du 19 février 1991 (P-5 et P-6), touchant les sous-baux des Supermarchés Leclerc et Évangéline, suite aux agrandissements de ces magasins. Une autre série de conventions, les actes de fiducie(2), sont signées en faveur de Provigo et d'une institution financière. Elles garantissent les obligations financières du Groupe Gagnon. Il convient de les mentionner, même si elles ne sont pas directement en cause, parce qu'elles font partie d'un ensemble contractuel, et contiennent avec les autres conventions des clauses de défaut croisées (à l'exception de la pièce P-6). Les conventions, P-1 et P-2, relatives au magasin St-Jacques, ne se limitent pas cependant à régler les droits et obligations de celui-ci, mais aussi des trois autres magasins. L'analyse du contenu obligationnel de ces conventions fait l'objet d'une discussion détaillée ci-après.

          À la fin des années 1980, le marché de l'alimentation est à maturité et donc hautement compétitif. Provigo constate que depuis déjà quelques années, le marché de la commande centrale est en perte de vitesse par rapport à d'autres segments nommés «commodités» et «spécialistes». De plus, à l'intérieur de la commande centrale, les supermarchés conventionnels perdent des parts de marché au profit des supermarchés d'escompte. Ces derniers ne cessent de croître, à la fois en termes de volume de ventes et en nombre de magasins. Provigo poursuit donc sa stratégie de segmentation du marché de la commande centrale et le bloc de l'escompte prend de plus en plus d'ampleur. L'intensité de cette poursuite suscite une controverse parmi les experts en marketing. Certains estiment qu'elle vise à permettre à l'appelante de se tailler une place dans le marché à escompte (Thèse Moisan). D'autres pensent plutôt qu'elle vise une marginalisation des marchés conventionnels et éventuellement leur disparition (Thèse Zins). Entre 1989 et 1993, la décroissance des magasins de type conventionnel est significative: de 239 magasins en 1989, ce nombre passe à 175 en 1993(3).

          Consciente des difficultés des supermarchés conventionnels et des faibles perspectives de croissance du marché alimentaire(4), Provigo lance en 1988 un projet pilote au Saguenay, afin d'explorer la possibilité de changer sa stratégie de prix et de convertir celle du «High-Low» à celle du «Every Day Low Price», stratégie qui a déjà fait ses preuves pour Héritage. Les résultats s'avérant concluants, l'appelante annonce à ses affiliés son intention d'instaurer ce dernier système progressivement dans son réseau de supermarchés Provigo à la grandeur de la province.

          Le projet est cependant abandonné et une variante en est proposée en avril 1993. L'instauration du programme «Every Day Low Price» auprès des supermarchés Provigo conventionnels risquait, en effet, d'être coûteuse et de nuire à la croissance de la division de l'escompte que Provigo encourage à titre de détaillant. L'appelante, en toute connaissance de cause, préfère maintenir une différence de prix entre les magasins Héritage et les supermarchés conventionnels.

          Dans la région de Granby, le Groupe Gagnon a du mal à concurrencer les bas prix d'Héritage qui, lui, a eu un accès plus large à des outils de marketing plus attrayants, tels le couponnage et les circulaires, en nombre et importance croissants. En fait, la bataille que peut livrer le Groupe Gagnon tant à Héritage qu'à ses centres concurrents est nettement dépendante de l'appelante, puisque c'est cette dernière qui est seule maître à la fois de la publicité et des prix d'approvisionnement. Même si le Groupe Gagnon conserve une certaine marge de discrétion pour 10% de ses approvisionnements, dans les faits cette discrétion est limitée par les engagements pris par Provigo auprès de ses fournisseurs autorisés. L'intensification de la concurrence entre Héritage et le Groupe Gagnon est bien illustrée par un incident qu'il convient de signaler. Lors de la réouverture du magasin Évangéline après sa rénovation en mai 1990, le Groupe Gagnon a prévu une campagne de publicité menée avec l'accord de Provigo. Pourtant celle-ci est contrée par une publicité accrue d'Héritage qui annonçait les mêmes produits, mais à meilleur prix.

          Une rencontre a lieu entre les deux parties en octobre 1991 à laquelle les doléances du groupe sont présentées. Certaines solutions de rechange sont proposées par le Groupe Gagnon, mais écartées par Provigo. De plus, les plans stratégiques de cette dernière montrent une modification stratégique soit la limitation des supermarchés conventionnels à une vocation communautaire et ce, sans consultation des affiliés.

III.
LES PROCÉDURES

_____
A. La première instance

__________
Le Groupe Gagnon, par l'intermédiaire des deux sociétés intimées, poursuit donc l'appelante en dommages, lui réclamant pour les dommages passés une somme de 2 997 833 $ au nom de Supermarché A.R.G. inc., de 4 314 026 $ au nom de Supermarché Frontenac inc. Pour les dommages futurs, ces chiffres passent respectivement à 8 983 607 $ et 6 242 845 $. En outre, un montant de 1 million est aussi demandé à titre de dommages exemplaires.

          La poursuite comporte également, à l'origine, des demandes d'injonction permanente qui ont été refusées par la juge de la Cour supérieure et qui ne sont plus en litige devant notre Cour.

               La Cour supérieure, après une audition qui a duré 46 jours, rend jugement le 25 janvier 1995. Elle accueille l'action, trouve l'appelante contractuellement responsable et la condamne à payer aux intimées, à titre de dommages pour le passé, respectivement des sommes de 1 074 283 $ et de 2 585 370 $. Le jugement, par ailleurs, rejette une demande d'indemnisation pour le préjudice futur, ainsi que la demande reconventionnelle de l'appelante touchant le paiement des frais d'expertise et la condamne donc à payer, à ce titre, une somme de 103 182,27 $.

     B. Les pourvois

          1> L'appel principal

          
Provigo porte l'affaire en appel et demande le rejet complet de la réclamation en dommages du Groupe Gagnon et le maintien de sa demande reconventionnelle touchant les frais d'expertise.

          2> L'appel incident

          Les intimées se pourvoient en appel incident et, à ce titre, cherchent la réformation du jugement de la Cour supérieure sur trois points soit, d'une part, une augmentation du montant des dommages alloués par la première juge, d'autre part, l'octroi de la somme de 1 million à titre de dommages exemplaires et enfin, la reconnaissnce par notre Cour de l'existence d'une obligation fiduciaire de la part de l'appelante à leur égard. La Cour a entendu les deux pourvois du 24 au 27 mars 1997 et les a pris en délibéré.

          Devant certaines lacunes et imprécisions parfois importantes des mémoires d'appel des parties, la Cour a cependant été obligée, à plusieurs reprises, de demander des précisions supplémentaires aux procureurs des parties, ce qui a retardé d'autant le présent arrêt(5).

DEUXIÈME PARTIE: LE DROIT


I.
LES OPPOSITIONS À LA PREUVE



          L'appelante s'est formellement opposée, dès le début du procès, à la production en preuve par les intimées d'un certain nombre de documents. Il s'agit principalement d'une série de pièces touchant la planification stratégique de l'appelante
(P-59; CP 10, 11, 12, 13, 14-A, 15, 15-A, 31 et 32) et de ses états financiers (CP 30, 30-A, B et C).

          Quatre raisons principales étaient invoquées par elle au soutien de cette opposition, soit que ces pièces ne faisaient pas partie de la res gestae, que certaines d'entre elles étaient antérieures à la période du déclenchement du litige entre les parties, que, tout au plus, elles ne constituaient que des énoncés d'intention, donc du «ouï-dire écrit», et, enfin, qu'elles n'avaient aucune pertinence quant à la preuve des faits générateurs d'une éventuelle responsabilité.

          Devant l'impossibilité évidente, in limine litis, d'évaluer leur pertinence, la juge de première instance en a donc permis le dépôt sous réserve. Elle a, par la suite, été d'avis que tous ces documents étaient pertinents pour expliciter l'évolution des rapports entre les parties et pour éclairer les faits entourant la concurrence entre les différents supermarchés. Pour la juge, ces pièces faisaient partie, au sens large, de la res gestae. Elle a donc disposé ainsi de l'opposition de l'appelante (m.a. p. 96):

Après avoir entendu toute la preuve, le Tribunal arrive à la conclusion qu'il faut rejeter les objections relatives à la production de ces documents. Non seulement sont-ils pertinents pour expliciter le contexte de l'environnement concurrentiel entre les parties, mais ils font partie, de l'avis du Tribunal, de la res gestae de la demande. Non seulement le groupe Gagnon allègue-t-il concurrence déloyale, conflit d'intérêts, absence de loyauté, obligation de bonne foi, abus de droit et même obligation fiduciaire, il allègue aussi que les changements d'orientation effectués par Provigo ont directement contribué aux dommages qu'il réclame. Les objections de Provigo sont donc rejetées.


          Nous partageons les vues de la Cour supérieure.

          Non seulement ces documents avaient une pertinence, mais ils permettaient effectivement de mieux comprendre la stratégie à long terme de l'appelante et ainsi de donner un éclairage complet sur sa conduite et sur les fautes alléguées contre elle.

          Quant au reste des oppositions touchant les annexes au rapport d'André Leblond (P-107 A et B), nous sommes également d'avis que c'est à bon droit que la juge de la Cour supérieure a permis leur dépôt en preuve.

          En conséquence, ce moyen préliminaire doit être rejeté.

II. LES LIENS CONTRACTUELS ENTRE LES PARTIES

_____
A. Le contexte factuel


          Provigo et Supermarché A.R.G. inc. sont donc liées par un ensemble de contrats produits sous les cotes P-1, P-2, P-3 et P-4 (m.a., vol. 5, p. 988 à 1058; 1059 à 1148). Le premier de ces contrats, qui vise le Supermarché St-Jacques et celui de Cowansville, est intitulé «Convention d'affiliation». Il donne le droit à A.R.G., d'exploiter un supermarché sous la marque Provigo, selon les normes établies par cette dernière, le premier demeurant cependant un entrepreneur indépendant (art. 4, 16).

          L'affilié, le Groupe Gagnon, outre le paiement de certaines redevances (art. 3) s'engage à une exploitation continue de l'entreprise et à s'approvisionner auprès de Provigo pour au moins 90% des marchandises. Une série d'autres obligations accessoires complètent le tableau: obligation de confidentialité de l'affilié (art. 7); obligation de permettre l'accès des lieux à Provigo pour fins d'inspection (art. 10); droit de premier refus et option d'achat en faveur de Provigo en cas d'aliénation du commerce (art. 12); remise à Provigo des états financiers annuels (art. 13); engagement de l'affilié de respecter les normes de publicité et de promotion établies par Provigo (art. 14); concession par Provigo du droit d'usage de ses marques (art. 19); obligation de bon entretien et d'amélioration des lieux (art. 20) etc...

          L'article 17 prévoit une double clause de non concurrence en faveur de Provigo. La première vise la période de la durée de la convention. L'affilié et l'intervenant (le Groupe Gagnon et les Gagnon personnellement) s'engagent à ne pas exploiter directement ou indirectement de commerces semblables dans un rayon de 3 milles. La seconde touche la phase subséquente à l'expiration du contrat et prévoit alors la cessation de l'utilisation de la bannière et du nom de Provigo.

          Le second contrat est une convention de sous-bail entre Provigo et A.R.G., par laquelle Provigo loue à A.R.G. pour une certaine somme et moyennant certaines modalités, l'immeuble du centre commercial.

          Enfin, Provigo et Supermarché Frontenac inc. ont conclu, comme il a déjà été mentionné, des sous-baux (Pièces P-5 et P-6, m.a., vol. 5, p. 1149 à 1205; vol. 6, p. 1206 à 1287), touchant le Supermarché Leclerc et le Supermarché Évangéline, et une autre série de conventions (actes de fiducie) (Pièces P-102A et P-102B, P-103A, P-103B et P-103C, m.a., vol. 13, p. 3066 à 3116; vol. 14,
p. 3181 à 3340), signées avec Provigo et la caisse populaire, assurant le financement des entreprises.

          En somme, et en résumé, moyennant le paiement de certaines redevances, Provigo fournit globalement au Groupe Gagnon sa marque, ses signes de ralliement, son expertise et son expérience de la mise en marché et de l'approvisionnement du commerce de l'alimentation et son assistance technique. La chose est bien résumée dans l'un des «Attendus» de la convention d'affiliation (Pièce P-1, m.a., vol. 5, p. 989) qui se lit ainsi:

ATTENDU que l'affilié est conscient des qualifications de gestionnaire et de la compétence de Distribution et qu'il désire s'en prévaloir tant et aussi longtemps qu'il exploitera un supermarché Provigo, qu'il sollicite de Distribution la supervision de la gestion commerciale et technique et qu'il accepte et convient, tout en demeurant un entrepreneur totalement indépendant, de se soumettre aux normes, directives et instructions de Distribution;.....


 («Distribution» désigne ici Provigo Distribution inc.)


L'affilié acquiert le bénéfice du nom, un savoir-faire (donc une expérience et une expertise en matière d'alimentation au détail), l'accès à un réseau bien structuré d'approvisionnement et un partenariat de supervision commerciale et technique, le tout propre à maximiser ses profits et à minimiser ses pertes dans un marché concurrentiel. En réalité, Provigo contrôle l'ensemble des opérations du Groupe Gagnon (approvisionnement jusqu'à 90%; sites des entreprises; financement, etc...) sauf, naturellement pour ce qui est de la gestion interne. Les relations contractuelles des parties se situent cependant, malgré cette domination, dans un contexte de partenariat, même si le Groupe Gagnon reste «indépendant» et assume donc certains risques de perte.

     B. La qualification des contrats

          Les conventions de bail et de sous-bail n'étant pas directement en cause ici, point n'est besoin de les étudier en détail. Par contre, les conventions d'affiliation pour les supermarchés St-Jacques et Cowansville étant au centre du débat judiciaire méritent qu'on s'y attarde davantage.

          La juge de première instance a, à bon droit, qualifié le contrat d'affiliation de contrat de franchise. Elle y a ajouté le qualificatif de sui generis en raison du fait que, dans le présent dossier, l'achalandage appartient à l'affilié.
          1> Le contrat de franchise

          Nombreux sont les auteurs français récents(6) et québécois(7) qui ont donné une définition du contrat de franchise. Parmi toutes celles-ci, deux méritent d'être retenues.

          Le Vocabulaire Juridique Henri Capitant de Gérard CORNU(8), en donne la définition juridique suivante:

Contrat, également nommé contrat de franchise, en vertu duquel une personne nommée franchiseur s'engage à communiquer un savoir-faire à une autre personne nommée franchisé, à le faire jouir de sa marque et éventuellement à le fournir, le franchisé s'engageant en retour à exploiter le savoir-faire, utiliser la marque et éventuellement s'approvisionner auprès du franchiseur.


Une définition, de caractère plus technique, est celle de J.M. LELOUP, La franchise, droit et pratique, à la page 26(9): p. 26:

Contrat synallagmatique à exécution successive par lequel une entreprise dénommée franchiseur, confère à une ou plusieurs autres entreprises dénommées franchisés le droit d'utiliser, sous l'enseigne du franchiseur, à l'aide de ses signes de ralliement de la clientèle et de son assistance continue, le système de gestion préalablement expérimenté par le franchiseur et devant, grâce à l'avantage concurrentiel qu'il procure, raisonnablement permettre à un franchisé diligent de faire des affaires profitables.


          On note donc que le contrat de franchise a, en règle générale, les caractéristiques suivantes: c'est un contrat à titre onéreux, synallagmatique, et d'exécution successive. C'est aussi, parfois, un contrat d'adhésion, parce qu'il regroupe des clauses- types dont le contenu n'est pas ouvert à discussion. La convention d'affiliation est, en outre, souvent conçue et rédigée par le franchiseur et est à prendre ou à laisser(10). Enfin, il s'agit d'un contrat innomé et mixte qui participe, par certaines de ses dispositions, à la fois aux contrats de société, de mandat, de vente et de louage.


          2> Les obligations en découlant

          
Nulle part dans les contrats mentionnés plus haut ne trouve-t-on une obligation explicite de la part du franchiseur, Provigo, de s'abstenir de faire une concurrence directe ou indirecte à ses franchisés pendant la durée du contrat. Nulle part, non plus, ne trouve-t-on formellement exprimée une obligation de loyauté de la part de l'appelante. Toutefois, les obligations découlant d'un contrat ne sont évidemment pas limitées à celles expressément prévues par les parties. Elles s'étendent aussi à celles qui en découlent d'après la nature du contrat, l'équité, l'usage ou la loi(11).

          C'est donc, à la violation de ces obligations implicites, faisant partie du cercle contractuel élargi, représentatives du contenu obligationnel du contrat, qu'il convient de se référer, en l'absence de stipulation expresse, pour déterminer l'existence d'une éventuelle responsabilité civile.

III. LES FONDEMENTS JURIDIQUES DE LA RESPONSABILITÉ

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A. La responsabilité contractuelle

          Comme la juge de première instance l'a très justement noté, il ne saurait être question, en l'espèce, de responsabilité extracontractuelle. Même si l'on postule, pour les seules fins de la discussion, l'existence d'une faute intentionnelle ou dolosive de la part de l'appelante, ce caractère ne saurait transformer une faute de nature contractuelle, puisque résultant de l'inexécution d'obligations conventionnelles implicites, en faute extracontractuelle. Ce serait confondre l'intentionnalité de la faute avec le régime de la responsabilité et faire nécessairement de toute faute intentionnelle, même en rapport avec l'exécution d'un contrat, une faute délictuelle. Ce serait là une erreur de droit manifeste.

          La responsabilité de l'appelante ne peut donc être, en l'occurrence, que de nature contractuelle. Cette qualification a son importance principalement en ce qui concerne l'admissibilité et les critères d'évaluation des dommages qui doivent être non seulement directs, mais aussi prévisibles (Art. 1074 C.c.B.-C.; art. 1613 C.c.).

     B. Le devoir fiduciaire

          L'éventuelle responsabilité de l'appelante ne saurait, en second lieu, être fondée sur une prétendue obligation fiduciaire («fiduciary relationship») de la common law. Pour intéressante que puisse être cette théorie de la common law analysée par la Cour suprême(12), elle n'a, comme dans bien d'autres domaines(13), aucune pertinence en droit civil. Il faut donc savoir gré à la juge de la Cour supérieure de l'avoir résolument écartée au profit de l'obligation de bonne foi et de loyauté du droit civil dans l'exécution des engagements(14).

          C. L'obligation de bonne foi

          Le Code civil, à l'article 1376 C.c., codifie une règle jurisprudentielle acquise sous le régime du Code civil du Bas- Canada: tout contrat doit être non seulement négocié(15), éventuellement éteint, mais encore exécuté de bonne foi(16). La bonne foi (art. 6 C.c.) est d'ailleurs à la base même de ce que l'on a intitulé la nouvelle moralité contractuelle(17).
          L'une des manifestations de l'omniprésence de la bonne foi en matière contractuelle est d'ailleurs la consécration générale par le Code civil aux articles 6 et 7, de la doctrine civiliste de l'abus de droit.

          Il n'est cependant ni nécessaire, ni surtout utile de se référer à cette doctrine dans le présent dossier. Il y a faute civile, en effet, dès qu'il y existe un manquement prouvé à une obligation contractuelle, que celle-ci ait été explicitement prévue par les parties à l'acte, ou qu'elle puisse être qualifiée d'obligation implicite résultant de la nature du contrat ou de l'équité. Le seul fait qu'il y ait manquement à une obligation implicite n'autorise donc pas, en droit, de caractériser celui-ci comme un abus de droit. M. le juge Chouinard, de notre Cour, a bien noté ce fait dans Salsberg Inc. c. Dylex Ltd.(18). Toute transgression d'une obligation contractuelle implicite ne doit donc pas nécessairement être qualifiée d'abus de droit, sous peine de voir de l'abus de droit partout et de désigner ainsi toute forme d'inexécution contractuelle.

          Si donc c'est par rapport à la notion de bonne foi du droit civil et à l'intérieur du cercle des obligations contractuelles implicites, qu'il faut rechercher l'existence d'une faute. Quelle peut donc être celle-ci?

IV. LA FAUTE

          Le jugement de première instance base la faute de l'appelante sur l'existence d'un manque de loyauté dans la concurrence exercée. Il lui reproche plus particulièrement quatre manquements soit:

     1]   Le fait que l'appelante ait forcé les intimées à maintenir des prix élevés, vu leur obligation de s'approvisionner à 90% chez elle, alors que cette dernière livrait bataille aux magasins d'escompte.


     2]   Le fait que l'appelante ait radicalement changé sa stratégie commerciale en passant d'une vocation de grossiste à celle de détaillant et du marché général au marché d'escompte.


     3]   Le fait que l'appelante ait refusé aux intimées certains outils de marketing qui leur auraient permis de lutter plus efficacement contre les concurrents.


     4]   Le fait que l'appelante ait mené contre le magasin Évangéline, lors de sa réouverture, une campagne de publicité agressive en faveur de son magasin d'escompte Héritage de Granby.


          Ces constatations sur la concurrence déloyale doivent être nuancées. Tout d'abord, rappelons-le, aucune clause spécifique dans le contrat liant les parties ne prévoit expressément l'impossibilité pour l'appelante de prendre de telles initiatives. En outre, le magasin Héritage, sous sa forme corporative, existait déjà lors de la signature de ses conventions, s'adressait à la commande centrale et possédait alors toutes les caractéristiques d'un marché d'escompte. Ensuite, il est particulièrement important de tenir compte du contexte factuel précis du dossier. Le marché de détail de l'alimentation est hautement compétitif. Les grandes chaînes d'alimentation, comme le démontre de façon éloquente le présent dossier, sont en compétition féroce pour les faveurs d'un public dont la composition reste relativement stable. Il leur faut donc trouver des techniques nouvelles de mise en marché et de vente (couponnage, «Everyday Low Price», «Everyday Fair Price Policy», etc...) permettant d'assurer d'une part une fidélisation de la clientèle et, d'autre part, d'attirer l'achalandage de la concurrence.

          Aussi, il paraît difficile de poser comme règle générale qu'un franchiseur ne puisse jamais, et d'aucune manière, exercer une activité ayant pour effet de concurrencer ses franchisés dans un marché en perpétuelle évolution et où l'adaptation constante des techniques commerciales aux fluctuations du marché et aux goûts du public sont, pour lui, une question de vie ou de mort économique. Ainsi, on ne saurait, dans le présent dossier, exiger de Provigo qu'il refuse systématiquement de contrer la concurrence des compétiteurs d'Héritage, uniquement parce que ce combat risque de causer aussi un certain préjudice à son franchisé. Ce serait le tenir à l'impossible et le condamner à mort. La faute ne saurait donc nécessairement et de façon absolue se situer dans l'exercice à l'endroit de la concurrence, d'une pratique ou d'une restructuration des méthodes de mise en marché, à condition, toutefois, que celles-ci soient faites de bonne foi, ne soient pas dirigées contre son franchisé et n'aient pas pour conséquence de vider ainsi la franchise de ses avantages. Il en serait autrement si, dans le but d'éliminer ses franchisés, le franchiseur se permettait de leur faire une concurrence directe. Dès, en effet, que le franchiseur signe avec le franchisé un contrat d'affiliation, il s'engage avec lui dans un processus de partenariat et limite évidemment son droit de libre concurrence à son égard.

          En l'espèce, l'appelante a choisi, comme le montre clairement la preuve au dossier, de changer sa stratégie de gestion et d'exploitation, face à la maturité du marché et à la croissance du secteur de l'escompte, notamment par la généralisation de ce type de magasins. On ne saurait caractériser ce seul fait, sans nuance, comme constitutif d'une faute civile.

          Toutefois, l'une des obligations fondamentales du franchiseur à l'endroit du franchisé est celle d'assistance technique et commerciale, comprise dans cette perspective de partenariat, donc de collaboration. Le franchiseur possède, en effet, le savoir-faire et l'expertise dans le secteur commercial particulier où il oeuvre et c'est en partie ce qu'il vend à son franchisé. Ce faisant, il doit, bien évidemment et d'ailleurs dans son propre intérêt, suivre l'évolution du marché et adapter ses méthodes et ses techniques aux nouvelles réalités. Il doit cependant aussi, en raison de l'obligation de bonne foi et de loyauté qu'il assume à l'égard de son franchisé, faire bénéficier celui-ci de son assistance technique, de sa collaboration donc de ses nouveaux outils ou, au moins, trouver d'autres moyens de maintenir la pertinence du contrat qui le lie pour que les considérations motivant l'affiliation ne soient pas rendues caduques ou inopérantes.

          Comme l'écrit Christine Matray dans Le contrat de franchise(19):

Le franchiseur ne peut se contenter d'une part de céder son savoir-faire et l'usage des signes distinctifs de ralliement de la clientèle et, d'autre part, de lancer le franchisé dans la vie commerciale. Il doit, en outre, lui fournir, pendant toute la durée du contrat, une assistance commerciale et technique continue qui est également une modalité du devoir de collaboration.

............................................................

Le franchiseur doit, en effet, maintenir l'ensemble du réseau à un haut niveau de performance ce qui suppose, dans certains secteurs, une grande souplesse d'adaptation aux nécessités du marché.


          La lecture des témoignages et de l'ensemble de la preuve révèle que cette obligation d'assistance technique et de collaboration n'a pas été remplie par l'appelante. Celle-ci s'est adressée à la concurrence des magasins d'escompte, comme si son franchisé n'existait pas, en développant davantage ses propres magasins (ce qui en soi peut être légitime), mais, et c'est là où le bât blesse, en négligeant de minimiser l'impact que cette stratégie pouvait avoir sur son franchisé et surtout en ne lui fournissant pas les outils nécessaires pour lui-même y faire face.
          Il n'est pas du ressort de notre Cour de dire ce qu'un franchiseur de bonne foi, prudent et diligent, aurait pu ou dû faire. Diverses suggestions ont cependant été proposées, soit par les intimées, soit par les témoins-experts(20), et se trouvent au dossier, notamment: l'accès aux livraisons directes; l'instauration immédiate d'une nouvelle politique de prix («Every Day Low Price»); les modifications du contrat et des ententes; l'offre d'une participation dans les magasins à escompte; le rachat des affiliés; l'offre d'une compensation; les restrictions à la publicité des magasins à escompte; le couponnage; la reconsidération de la segmentation des marchés; etc...

          On constate cependant, d'après la preuve au dossier, que les intimées, forcées de s'approvisionner à 90% chez l'appelante, ont ainsi été obligées, afin de conserver une marge de profit acceptable, de souvent maintenir des prix élevés.

          L'appelante, liée par une obligation de bonne foi et de loyauté à l'endroit des intimées, avait le devoir devant ce nouveau tournant de travailler de concert avec son franchisé, de lui fournir les outils nécessaires, sinon pour empêcher qu'un préjudice économique ne lui soit causé, du moins pour en minimiser l'impact. Entre, d'une part, l'inaction totale et le maintien d'un statu quo qui risquaient de lui coûter sa place de marché et, d'autre part, l'exercice de son droit de libre concurrence vis-à-vis des tiers, il existe une marge. L'appelante ne pouvait négliger ses franchisés et récupérer le segment vulnérable de la commande centrale par une activité exercée par son propre magasin Héritage. Elle devait, de concert avec eux, mettre sur pied une réplique commerciale adéquate qui permettait à ces derniers de minimiser leurs pertes et de se repositionner dans un marché en évolution.

          C'est donc là où réside essentiellement la faute de l'appelante: le défaut de remplir adéquatement son obligation de collaboration et d'assistance technique, qui se traduit par un manque de loyauté, en omettant de fournir à son cocontractant les outils nécessaires pour résister commercialement à la concurrence, à partir du moment où elle a décidé de poursuivre avec vigueur, en 1990, la segmentation de la commande centrale(21).

V.
LE LIEN DE CAUSALITÉ

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A. Le contexte factuel

          La seconde condition nécessaire à l'existence d'une responsabilité contractuelle est la présence d'un lien de causalité. L'appelante plaide que, dans les circonstances de l'espèce, celui-ci n'existe pas; elle soutient que, depuis son affiliation, le Groupe Gagnon a signé d'autres contrats et n'a jamais exigé de garantie contractuelle de non-concurrence. Elle en tire l'argument qu'il acceptait ainsi ce concurrent direct.

          Comme nous l'avons déjà noté, Provigo a transformé son magasin AVA en épicerie à escompte (1982). Dès cette époque, ce supermarché a bénéficié de la formule de marketing "Low Price" alors que ceux du Groupe Gagnon utilisaient la technique du "High- Low". Malgré ce fait, le Groupe Gagnon n'a jamais exigé d'inscrire dans ses contrats une interdiction de la concurrence d'Héritage. Les intimées savaient donc qu'elles auraient, comme par le passé, à combattre Héritage au même titre que d'autres concurrents. En outre, en hommes d'affaires avisés et aguerris, les administrateurs du Groupe Gagnon ne pouvaient ignorer que cette concurrence pouvait être sujette à des changements plus ou moins radicaux pour s'ajuster aux goûts et aux besoins changeants de la clientèle.

          Enfin, à moins d'une augmentation de la population, le marché d'alimentation à l'intérieur d'une aire géographique donnée peut atteindre une limite. Or, la région de Granby a connu une certaine croissance démographique quoique faible, puisque, de l'avis de l'expert des intimées, André Leblond, ce marché était à maturité, sauf une augmentation de 2% à 2,5% de 1988 à 1993(22). Par ailleurs, il est admis qu'à la fin des années 1980 et au début des années 1990, le segment dit «à escompte» avait pris de l'ampleur dans l'ensemble de la province(23). Le Groupe Gagnon pouvait donc compter sur une certaine progression du volume de ses ventes à cause de l'augmentation de la population. Toutefois, la chose ne pouvait manquer de susciter aussi la convoitise de ses concurrents. C'est d'ailleurs ce qui s'est produit à compter de 1990 lorsque de nouveaux joueurs sont arrivés dans le décor.

          En somme, une plus grande robustesse de la concurrence et un plus fort dynamisme d'Héritage étaient deux facteurs prévisibles pour le Groupe Gagnon qui ne jouissait, encore une fois, au regard de ce dernier compétiteur, d'aucune protection contractuelle expresse.

          Cette constatation ne dispose toutefois pas du litige comme le prétend l'appelante. En effet, celle-ci, liée par contrat au Groupe Gagnon, gardait l'obligation préalablement analysée de fournir à ses affiliés les meilleurs services techniques et notamment les meilleurs outils de marketing. Or, à Granby, Provigo n'a manifestement pas rempli ce devoir mais, au contraire, a utilisé son expertise uniquement pour améliorer la position concurrentielle de son propre magasin Héritage. Elle a lancé, dans cette ville, une offensive qui, en toute logique, a entraîné une contre-offensive de tous les concurrents, y compris du Groupe Gagnon. Celui-ci ne pouvait cependant pas utiliser les meilleures armes disponibles, parce que l'appelante les lui refusait en s'en réservant l'exclusivité. En somme, Provigo, en gênant l'action d'un compétiteur important de son propre établissement, qui, par ailleurs, était son propre partenaire, améliorait la position de son propre magasin. Ainsi, Provigo a violé ses obligations contractuelles, comme il est largement démontré plus haut.

          Cette faute est-elle cependant la cause de la perte des profits raisonnablement anticipés par les intimées? Pour répondre à cette question, il est indispensable de déterminer si les agissements de Provigo ont entraîné une baisse du volume des ventes des magasins du Groupe Gagnon et, si oui, dans quelle proportion. Il convient donc d'évaluer de manière plus précise l'impact de la faute sur chaque magasin.

          B. Le magasin de Cowansville

          Les experts s'entendent pour affirmer qu'un supermarché d'alimentation a une influence géographique limitée et qu'à l'intérieur de la zone qui lui est reconnue, son degré de pénétration du marché diminue graduellement avec l'éloignement de ses clients. Il est d'ailleurs possible de mesurer précisément le niveau des ventes des zones primaire, secondaire et tertiaire d'une épicerie. Toutefois, cette part de marché peut être augmentée par une amélioration de la superficie des magasins, de la variété, de la quantité et de la qualité de ses services, de l'accessibilité de son stationnement, mesures visant toutes à étendre son pouvoir d'attraction et de rétention de la clientèle(24). Cette augmentation cependant ne peut se faire qu'à l'intérieur d'un certain rayon maximal, au-delà duquel l'effet reste insignifiant.

          Le rôle joué par l'appelante pour améliorer la situation compétitive d'Héritage à Granby pouvait-il, eu égard à cette donnée, affecter le supermarché de Cowansville? En d'autres termes, la perte de volume des ventes de ce dernier et la diminution de ses profits sont-elles attribuables à une faute commise à Granby?

          La réponse à cette question tient essentiellement dans la détermination de l'étendue de l'influence des magasins d'alimentation de Granby.

          Les documents utilisés par l'expert Leblond révèlent l'existence de trois zones autour de Granby. La dernière, la plus éloignée, dite «zone économique», inclut la ville de Cowansville. Toutes les études de marché au soutien du rapport Leblond montrent qu'aucun des magasins d'alimentation de Granby ne pénètre cette zone économique et, au premier chef, la ville même de Cowansville. Plus encore, Cowansville est qualifiée de marché autonome(25). Sauf l'expert Parent, tous les autres experts traitent séparément Granby et Cowansville. Michel Zins parle de la situation «marginale» de Cowansville(26) et André Leblond ne consacre que ces quelques lignes, dans un rapport de 47 pages, à la situation du supermarché de Cowansville:

Le supermarché Provigo-Gagnon de Cowansville a toujours été en progression depuis son acquisition par les Gagnon, passant d'un volume de ventes inférieur à 9 000 000 $ à un climax de plus de 16 000 000 $ en 1990.


La baisse se fait sentir à partir de 1991, soit au moment où Héritage Granby montre les dents et commence sa distribution de circulaires dans cette région.(27)

          
          Il sera d'ailleurs plus explicite au procès:

R.   Bien, écoutez, l'adjonction de Cowansville avec Granby, là, je pense qu'on a deux (2) discussions différentes.


Moi, j'ai pris la région immédiate de Granby, à partir des études de Provigo que je vous ai signifiées, hier, de quatre-vingt-neuf ('89), qui donnaient un marché séparé et qui avaient Cowansville dans un marché séparé. Alors qu'en quatre-vingt-sept ('87), ces deux (2) marchés-là             étaient réunis ensemble. Pour les fins de mon expertise, je me suis limité à Granby, avec les statistiques de Granby.(28)


          
(Soulignements ajoutés.)


          Certes, Parent a inclus les magasins de Cowansville dans son calcul des dommages et pour lui, les marchés de Granby et Cowansville doivent être confondus et n'en former qu'un seul. C'est pourquoi son étude définit la part de marché de chaque magasin à partir du volume total des ventes faites dans les régions. Il ne donne toutefois aucune explication de cette amalgamation. Comme Parent s'en est entièrement remis au rapport de Leblond pour les études de marketing, on doit conclure qu'aucune preuve ne relie véritablement le supermarché de Cowansville au magasin Héritage, propriété de l'appelante à Granby.

          On pourrait argumenter que, faute d'outils suffisants, le magasin de Cowansville n'a pas performé comme il aurait pu le faire dans son propre secteur. Cette prétention n'est cependant pas soutenue par la preuve. Au surplus, sauf en 1991 où il a connu une perte de 37 000 $ (en dépit d'honoraires de gestion de 197 000 $ versés à ses dirigeants), ce magasin a toujours été profitable durant la période de 1989 à 1993 inclusivement(29). L'importance très relative du taux de profits nets peut trouver une explication dans le montant payé en frais de gestion, représentant 771 625 $(30). Il faut aussi ajouter une baisse générale des profits qui s'amorce en 1987. En effet, au cours des trois dernières années de la période de référence, Cowansville, en dépit d'une augmentation régulière de ses ventes, a vu ses profits nets suivre une courbe différente, passant de 2.16% en 1987 à 2.58% en 1988 et à 1.78% en 1989(31).
          En résumé, la preuve au dossier n'établit pas que le magasin Héritage ait eu une influence sur l'évolution du marché alimentaire du secteur de Cowansville généralement et sur le supermarché du Groupe Gagnon en particulier. Le lien de causalité entre la faute de Provigo à Granby et la réduction des profits du magasin de Cowansville n'a donc pas été démontré. Par conséquent, la réclamation faite au nom de ce magasin n'est pas fondée et doit être rejetée.

          C. Les magasins de Granby

          La situation des supermarchés de Granby est différente. La campagne agressive qu'Héritage y a menée ciblait une augmentation de la part du marché aux dépens des compétiteurs dont le Groupe Gagnon qui, rappelons-le, fut privé du système de circulaires, de couponnage compétitif et de la structure de prix E.D.L.P. («Every Day Low Price») de 1990 à la fin d'avril 1993(32).

          Pour les experts de Provigo, cette initiative n'a eu aucune conséquence et n'a causé aucun dommage. Cette prétention n'est pas crédible, comme le constate d'ailleurs très justement la juge de première instance. L'appelante a, en effet, lancé une offensive en faveur de son magasin Héritage tout en laissant le Groupe Gagnon faire face à celle-ci et à la réponse des autres concurrents, sans lui apporter le soutien auquel elle était en droit de s'attendre. Il s'en est suivi des pertes de volume de ventes qui se sont répercutées dans les résultats financiers. À ce propos, les témoignages des experts, Leblond et Zins, sont convaincants. La Cour supérieure a, d'une part, noté que le Groupe Gagnon avait historiquement (du moins depuis 1985, puisque aucun document ne permet de décrire la période antérieure) fait des profits et, d'autre part, constaté que la baisse du volume des ventes et les pertes d'opérations coïncidaient étroitement avec la violation, par l'appelante, de ses obligations contractuelles.

          Dès lors, le lien de causalité découle raisonnablement de ces deux constats. La situation, en l'espèce, est une bonne illustration des propos de madame le juge L'Heureux-Dubé dans Roberge c. Bolduc(33):

Dans la plupart des relations contractuelles, la question de la causalité fait rarement surface. Si l'on peut démontrer que l'une des parties n'a pas exécuté une obligation contractuelle et qu'un dommage en a résulté, il est habituellement évident que c'est la partie contractante qui a "causé" le dommage.


          D. Conclusions

          Le lien de causalité est donc bien établi, selon la preuve au dossier, pour les établissements situés à Granby, mais non pas pour celui de Cowansville.

          Reste cependant une dernière question qui sera toutefois abordée lors de la discussion sur les dommages: les pertes subies par les supermarchés Évangéline, Leclerc et St-Jacques sont-elles toutes attribuables à la faute de l'appelante ou peuvent-elles avoir aussi été causées par d'autres facteurs?

VI.
LES DOMMAGES

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A. La réclamation

          Les intimées ont réclamé, suivant le jugement dont appel(34), pour les années 1990-1993 des pertes de gains de 7 311 909 $ (4 314 026 $ pour Supermarché Frontenac, les magasins Évangéline et Leclerc, et 2 997 883 $ pour Supermarché A.R.G., les épiceries St- Jacques et Cowansville). À défaut d'ordonnances d'injonction permanente, elles ont recherché une indemnité totale de 19 078 42l $(35) pour couvrir à la fois le passé et l'avenir. En outre, elles ont demandé que l'appelante soit condamnée à 1 000 000 $ à titre de dommages punitifs (500 000 $ pour chaque demanderesse), ainsi que l'émission d'une ordonnance d'injonction permanente.

          Cette réclamation s'appuie essentiellement sur une étude, un rapport et le témoignage du comptable Louis Parent qui, après avoir examiné l'évolution des ventes des magasins du Groupe Gagnon au cours des années 1985 à 1989, a préparé des états pro forma dans lesquels il projette, pour la période 1990-1993, la croissance réajustée de celle connue au cours des années de référence. Analysant donc la situation de chaque magasin, il établit la perte passée et, en actualisant les revenus de la dernière année, évalue le capital permettant d'indemniser la perte future.

     B. Le jugement de la Cour supérieure

          La juge du procès a fait sien le rapport Parent sauf sous trois aspects:

     1]   Elle a d'abord limité les dommages à la période s'étendant du début de 1990 au 30 juin 1993, au motif que la déclaration des demanderesses les arrêtait à cette date et que «le Groupe Gagnon (avait) choisi de ne pas réamender sa déclaration pour la mettre à jour, lors de l'audition»(36);

     2]   Elle a ensuite rejeté la demande d'actualisation des pertes passées. Elle en dispose en ces termes:

Les pertes passées ont été capitalisées par l'expert Parent et de l'avis du Tribunal il n'aurait pas dû le faire. Lorsque les contrats sont silencieux quant aux intérêts que doit payer un débiteur pour un défaut à une obligation, la loi y supplée au moyen de l'intérêt légal et de l'article 1078.1 C.c.B.-C.(37)


          et plus loin:

Toutefois, tel que déjà mentionné, les pertes passées ne peuvent être capitalisées.(38)


     
3]   Elle a enfin réduit les montants non capitalisés des pertes calculées par Parent et Boisjoli d'une somme égale à 10% au motif que «l'évaluation [...] ne tient pas compte d'impondérables commerciaux et des aléas que comporte tout commerce»(39).

          Pour le reste:

     1]   Elle a rejeté la demande d'indemnisation du dommage futur, principalement en raison de l'impossibilité de s'appuyer sur une base offrant des garanties suffisantes et de l'aspect purement conjectural et hypothétique des prémisses lui servant de fondement. Plus précisément, elle note, d'une part, que les contrats n'offrent «aucune garantie de rendement»(40) et, d'autre part, que le marché est en constante mutation(41), ce qui rend les prévisions à long terme hautement spéculatives; enfin elle souligne que, depuis les 23 et 26 avril 1993, Provigo a «modifié ses méthodes de distribution ainsi que le positionnement de la bannière Provigo»(42) et qu'il est trop tôt pour mesurer les effets de ces deux changements(43).

          Elle conclut donc généralement sur ce point:

Dans cette optique, le Tribunal n'est pas convaincu, selon le test mis de l'avant par la Cour suprême dans l'arrêt Laferrière c. Lawson, que le groupe Gagnon continuera, dans l'avenir, à subir des dommages comme conséquence des actes reprochés. Le Tribunal est d'avis que compte tenu de la preuve faite par Provigo et compte tenu du fait que le groupe Gagnon n'a pas réamendé sa déclaration, ni apporté de preuve relativement à des faits nouveaux, il faut plutôt réserver ses droits pour une éventuelle réclamation en dommages contre Provigo si, malgré les changements apportés par cette dernière depuis avril 1993, elle continue à abuser de ses droits ou à agir de mauvaise foi.(44)


     
2]   Comme nous l'avons déjà noté, elle n'a pas fait droit à la demande d'ordonnance en injonction qui se lisait ainsi:

     
1o ORDONNER à la défenderesse d'ajuster les prix vendants des quatre magasins des demanderesses au prix de vente net payé par le consommateur à ses magasins Héritage, notamment celui de Granby, tout en approvisionnant les demanderesses à un coût tel, leur permettant de conserver une marge bénéficiaire brute de 20.5%;


          
OU


2o ORDONNER à la défenderesse d'approvisionner les quatre (4) supermarchés exploités par les demanderesses auprès du groupe Provigo ou auprès des fournisseurs autorisés par le groupe Provigo ou Provigo Distribution inc., de tous les produits et marchandises dont les demanderesses auront besoin pour fins de vente ou autrement dans l'exploitation de leurs commerces, au choix des demanderesses, et ce au moindre des deux (2) coûts suivants:




          
(1) le prix coûtant net des marchandises indiqué au prix-bottin de Provigo pour les supermarchés Provigo;


                                   ou

     
(2) au prix de vente au détail déterminé par la défenderesse pour son magasin Héritage de Granby, soit le prix net payé par le consommateur à ce magasin moins 20.5%;


                    OU



3o ORDONNER à la défenderesse de fermer son magasin Héritage de Granby, et ce tant et aussi longtemps que les demanderesses n'auront pas récupéré le volume de ventes par pi2 qui était leur en 1989, extrapolé pour le 1er novembre 1992, selon le tableau ci-dessous, tout en continuant d'approvisionner les demanderesses, en leur permettant de conserver une marge bénéficiaire brute de 20.5%:



MAGASINS_____________1989______1992

                    
               Évangéline                18,02 $         20,74 $
               Boul. Leclerc              11,61 $         13,36 $
               Cowansville            15,94 $         18,34 $
               St-Jacques                  12,88 $         14,82 $(45)


À son avis, ces requêtes étaient «vagues et imprécises» et donc difficilement susceptibles d'exécution et «dépas(saient) largement les obligations expresses et implicites contenues à l'ensemble contractuel qui lie les parties».(46)


     
3]   Tout en semblant reconnaître implicitement l'application de l'article 6 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne à l'espèce, elle a refusé d'accorder les dommages exemplaires recherchés. «Le Groupe Gagnon, écrit- elle, n'a pas démontré une atteinte illicite au sens de la Charte, puisqu'à certaines conditions, il n'était pas illicite pour Provigo de lui faire compétition.»(47)

          En résumé donc, la juge de la Cour supérieure a d'une part réservé les droits des intimées quant aux dommages futurs, a, d'autre part, accepté intégralement la méthodologie, les prémisses et les conclusions du rapport Parent, sauf pour une réduction de 10%, et a, enfin, écarté toutes les autres conclusions recherchées.

     C. L'évaluation du préjudice
          
          L'expertise de Louis Parent se trouve donc au coeur même du débat. L'appelante n'a, en effet, pas jugé utile de proposer une autre méthode d'évaluation du préjudice. Elle s'est simplement contentée de plaider l'absence de faute et de lien de causalité et, quant au préjudice, de dénoncer et critiquer le rapport Parent. Cette stratégie ne donne donc d'autre choix à la Cour que celui d'analyser la seule preuve positive disponible.

          De l'avis de la Cour, si la technique utilisée par Louis Parent est fort acceptable, son étude présente néanmoins certaines faiblesses importantes qui empêchent, contrairement à ce qu'a fait la Cour supérieure, d'endosser pleinement toutes ses conclusions.

     1>   La preuve d'expertise (Rapport Parent)

__________
a)   La méthodologie du rapport

               Pour bien comprendre l'analyse du rapport Parent qui suivra, il convient d'en exposer succinctement la méthodologie et surtout la structure. Louis Parent voulait démontrer que le Groupe Gagnon aurait normalement dû afficher des profits et non des pertes pour les années 1990 à 1993 et pour l'avenir. À cette fin, il lui fallait donc préparer des bilans financiers pro forma, aussi appelés «scénarios», qui sont en fait des projections de ce qui aurait normalement dû arriver n'eut été de la faute de l'appelante, pour ensuite en comparer les résultats à ce qui, en fait, s'est effectivement produit. Il a estimé qu'il devait tenir compte, à cet égard, de trois facteurs principaux soit, premièrement, des magasins visés, deuxièmement, du niveau des ventes ou des revenus générés pour chacun d'eux et, enfin, des coûts ou dépenses d'entre prise.

          Voici comment il les a traités.

               i)   Les magasins visés
               
          Selon Parent, il découle du rapport d'André Leblond que tous les magasins du Groupe Gagnon ont été affectés de la même façon. La nécessaire conclusion de cette affirmation est que l'influence des épiceries de Granby se serait donc fait sentir à Cowansville ou, à tout le moins, le magasin Héritage aurait pénétré suffisamment le marché de Cowansville pour l'affecter de la même manière et aussi intensément que ceux de Granby. Deux conséquences se dégagent de ce postulat soit, premièrement, la nécessité de préparer, pour le supermarché de Cowansville, un bilan pro forma suivant les mêmes paramètres que ceux utilisés pour les magasins de Granby et, deuxièmement, l'obligation de baser l'étude sur l'addition des marchés des deux villes.

          C'est donc ce que Louis Parent a fait.

               ii) La recherche des revenus

          Il lui fallait ensuite établir les revenus qu'aurait normalement dû encaisser le Groupe Gagnon et donc d'abord évaluer ses ventes. Parent a donc, dans un premier temps, établi le taux de croissance de chaque magasin du Groupe Gagnon durant la période de référence (1985-1989), puis, dans un second temps, l'a projeté sur les années 1990-1993 en le réduisant cependant de la part de marché réellement accaparée par deux concurrents implantés dans la zone de Granby après 1990 et qu'il a appelés les «nouveaux entrants». Enfin, il a posé le postulat que l'ensemble du marché de Cowansville et de Granby aurait dû, en l'absence de faute de Provigo, se comporter ainsi: Héritage aurait maintenu sa part de marché constante à 12.2% et les «nouveaux entrants» se seraient adjugés la part de marché qu'ils ont en fait monopolisée, soit:
2% du marché en 1990; 6.5% du marché en 1991; 6.6% du marché en 1992 et 6.4% du marché en 1993.

          Cette première conclusion lui a permis de chiffrer les ventes totales de chaque magasin (sauf pour le marché St-Jacques pour lequel une autre technique a été utilisée), en appliquant au marché alimentaire total de Cowansville et de Granby la part que chaque magasin Gagnon aurait dû connaître si la croissance de 1985- 1989 (corrigée pour tenir compte des magasins nouvellement implantés) s'était poursuivie.

          Ces calculs l'ont donc amené à conclure que le Groupe Gagnon aurait dû passer d'un volume de ventes égal à 26.4% d'un marché initial de 164 311 965 $ (ou environ 43 400 000 $), à 31.7% d'une assiette globale de 200 814 285 $ (ou environ 63 700 000 $) en quatre ans.

          Le marché St-Jacques présentait une situation particulière en raison d'un conflit de travail qui l'a paralysé pendant 23 mois. Aussi, Parent a choisi une autre méthode d'évaluation. Il a postulé que ce magasin aurait réalisé en 1993, trois ans après la fin de la grève, un chiffre de ventes égal à celui de l'année précédant l'arrêt de travail. Il a donc fait graduellement progresser les ventes hebdomadaires de zéro en 1989 à 120 000 $ en 1990, puis à 140 000 $ en 1991, à 159 000 $ en 1992 et finalement à 185 000 $ en 1993, niveau de 1988(48).

          Les ventes totales de chaque magasin étant ainsi déterminées, leur répartition entre les diverses catégories de produits (épicerie, viandes, fruits et légumes, boulangerie et vrac), ainsi que le coût et le bénéfice de chacune d'elles furent calculés à partir des résultats réellement obtenus par chaque établissement au cours des années de projection. Ces opérations ont permis à Parent de dégager un profit brut, premier élément majeur de son calcul.

               iii) La recherche des coûts

          Enfin, Parent devait bien évidemment tenir compte des coûts engagés pour générer ces revenus. Il a alors utilisé les dépenses effectivement encourues par les différents établissements au cours des années 1990, 1991, 1992 et 1993, en excluant les salaires, les avantages sociaux et les emballages. Il chiffre ces derniers en utilisant un pourcentage du coût par rapport aux ventes totales et en l'appliquant aux ventes additionnelles que ses pro forma montrent. Quant aux salaires et avantages sociaux, il a appliqué les normes existantes en les redressant car, à son avis, il fallait tenir compte d'une amélioration de la productivité de 3% à 4%(49).

               iv)  Le résultat

          Ces éléments une fois déterminés, la confection des bilans pro forma devenait une opération relativement simple. Ceux-ci montrent globalement pour les années 1990 à 1993 que le Groupe Gagnon aurait dû réaliser des profits de 4 028 266 $, alors qu'il a connu une perte de 1 134 446 $.

          Le préjudice pour cette période se chiffre donc à 5 162 712 $(50).

          Toutefois, de l'avis de Parent, il était essentiel d'actualiser les pertes futures et celles subies depuis 1990. Projetant donc les résultats de 1993 et les capitalisant, il conclut à l'existence d'un dommage total de 19 078 421 $(51), ce qui constitue, suivant ses propres mots ...«le véritable transfert de richesse des actionnaires du Groupe Provigo-Gagnon envers les actionnaires d'Univa(52), résultant des pratiques commerciales d'Univa»(53).

          b)   L'analyse du rapport

          L'étude de Parent fut vigoureusement contestée par l'appelante. Si elle présente certaines failles, sur lesquelles nous reviendrons, il faut reconnaître que la technique qu'elle utilise n'est pas nouvelle et est parfaitement acceptable sur le plan méthodologique. Si, comme le prétend le proverbe, le passé est garant de l'avenir, examiner le passé d'une entreprise pour ensuite projeter ce qui probablement se serait produit, n'eût été la survenance d'un ou de plusieurs événements est une méthode connue et raisonnable d'évaluation du préjudice(54). Dans la mesure où les assises de cette projection sont établies, fiables et surtout, pertinentes et concluantes, que son usage ne remplace pas l'examen détaillé de toutes les données susceptibles de vérification et tient compte des impondérables, la reconstitution «de ce qui aurait pu se produire si....» permet d'évaluer les pertes ou les profits anticipés d'une entreprise. L'utilisation de cette technique ne signifie pas, pour autant, que l'évaluation des dommages est nécessairement aléatoire. Il faut, en effet, distin guer entre l'incertitude du dommage en elle-même et celle découlant de la difficulté qu'il y a à le mesurer exactement en raison de la nature du litige, de la réalité du débat ou de la complexité des faits.

          Certes donc, Louis Parent pouvait légitimement tirer certaines conclusions à partir de la méthodologie qu'il a choisie. Toutefois, certains de ses postulats et certaines de ses solutions ne sont pas exempts de critiques, lesquelles ont pour effet d'en atténuer la fiabilité et de justifier l'intervention de cette Cour
pour apporter au calcul du préjudice certains ajustements impor tants.

               i) L'inclusion du marché de Cowansville

          Parent a, à tort comme il a été démontré précédemment, tenu pour acquis que les marchés de Granby et Cowansville ne constituaient qu'un seul et même ensemble et a donc basé ses calculs sur ce postulat. Sa projection postule donc que tous les magasins d'alimentation de Granby ont subi la concurrence de celui de Cowansville et inversement. Or, cette constatation n'a jamais même été envisagée par l'expert Leblond dont les conclusions ont servi de base au rapport de Parent.

          La mesure exacte de l'influence de l'utilisation erronée de cette donnée de base sur les résultats reste inconnue. Aucun expert n'a, en effet, fait l'exercice de reprendre ces calculs. Il est cependant certain que ceux-ci tenaient nommément compte de l'influence de l'épicerie de Cowansville dans la redistribution des parts de marché des nouveaux entrants à Granby.

          L'examen des tableaux de Leblond, limités à la seule ville de Granby, révèle d'ailleurs l'existence d'une situation sensiblement plus complexe que celle que laisse transparaître le rapport Parent(55).

          Le rapport Parent utilise donc un postulat qui, au mieux, est sans pertinence et qui a, vraisemblablement, faussé sa démonstration. La valeur de l'étude s'en trouve affaiblie et l'évaluation du préjudice doit donc, en conséquence, être révisée. Cet aspect du rapport Parent n'est pas abordé par le jugement entrepris, car la juge n'a pas vraiment discuté du lien causal dans le cas du magasin de Cowansville.

               ii) L'impact de la concurrence

          
Parent a divisé les différents concurrents oeuvrant dans le marché global Granby-Cowansville en quatre groupes(56):

     -    le groupe des supermarchés Gagnon qui sont traités séparément et en groupe;


     -    le magasin Héritage;



     -    le groupe des «nouveaux entrants» qui inclut I.G.A. Granby et Steinberg Bromont, mais laisse de côté Jardins du Mont(57);


     -    «les autres». Sous ce terme, se trouve regroupé l'ensemble des épiceries des deux régions formées de grands supermarchés, de magasins spécialisés, de simples dépanneurs, etc. L'expert Leblond avait offert à cet égard une image plus nette, en précisant la part de marché de chaque grand joueur
et en regroupant les petits établissements dans une entité unique à l'intérieur du seul marché de Granby(58).


          Or, Parent a évalué la part de marché de chaque groupe entre 1989 et 1993 (Tableau 1.1(59)) après avoir posé les trois opérations suivantes, déjà sommairement décrites:

          1o   Le maintien d'Héritage à une fourchette constante de 12.2% du marché, soit celle que ce magasin occupait en 1989.

          2o   L'attribution aux supermarchés Évangéline, Leclerc & Cowansville du Groupe Gagnon d'une croissance conforme à celle observée pour la période de 1985 à 1989, mais réduite, entre autres, de la part du marché enlevé par les «nouveaux entrants», en proportion de celle qu'avait chaque magasin ou groupe de magasin. Pour le magasin St-Jacques, à cause de la grève, il a postulé qu'il rattraperait en 1993 le niveau des ventes de 1988.

          3o   Le maintien pour les «nouveaux entrants» de leur position réelle.

          C'est le tableau 1.3(60).

          La conséquence de cette opération est que tous les concur rents autres qu'Héritage, le Groupe Gagnon et les deux établisse ments inclus sous le titre «nouveaux entrants», restent en constante et inéluctable décroissance. Ainsi, les marchés «Métro», «Steinberg» et autres qui occupaient 61.4% du marché en 1989 se retrouvent à 49.7% en 1993 (soit une baisse de 19%), alors que, durant cette même période, la part de marché du Groupe Gagnon croît, elle, de 26.4% à 31.7%, soit une augmentation de 20%.

          Le scénario utilisé ne pouvait faire autrement que d'aboutir à un tel résultat. En effet, si la part de marché de trois des quatre groupes demeure inchangée ou augmente, il s'ensuit que celle du quatrième - singulièrement le plus important collectivement - diminue constamment, sans aucune perspective de redressement. Or, Parent ne fournit aucune explication à ce renversement de situation et la Cour n'a pas obtenu non plus, à l'audience, une réponse satisfaisante. D'ailleurs, la part de marché que l'expert attribue aux «autres» n'est que le résultat d'une opération purement arithmétique, consistant à soustraire des 100%, que représente la totalité du marché, le pourcentage de la part croissante du Groupe Gagnon, les 12.2% reconnus à Héritage et la part réelle des nouveaux entrants.

          Dans un marché parvenu à maturité(61) où la concurrence est vive et les marges bénéficiaires minces, il est impensable de retenir comme postulat qu'un ensemble de concurrents de diverses allégeances commerciales se serait laissé amputer ainsi de leur part de ventes, sans réagir vigoureusement.

          Pour évaluer l'ampleur des pertes subies par la concurrence dans le cadre du scénario proposé par Parent, il faut savoir qu'en 1993, la réduction des ventes qu'il impute à tous les concurrents est de 354 921 $ par semaine (soit 18 455 892 $ par année), par rapport à celles effectivement réalisées(62). C'est là l'équivalent du chiffre d'affaires d'un important supermarché, puisque, suivant ses bilans pro forma(63), Parent attribue, en 1993, au magasin St- Jacques des ventes annuelles de 9 000 000 $, à Leclerc de 12 600 000 $, à Cowansville de 18 850 000 $ et à Évangéline de 21 215 000 $. Aucune explication n'étant fournie pour expliquer la dégringolade anticipée de la concurrence, celle-ci doit donc être prise comme un fait acquis, même si lors du procès, Louis Parent utilise le conditionnel:

Je fonde mon opinion sur la dynamique des gens en place, sur leur compétence, je dis que cela pourrait être possible.(64)


(Soulignement ajouté.)


          Nul, cependant, ne peut prédire le succès qu'aurait eu la réplique des autres concurrents à une offensive du Groupe Gagnon. Ce dernier, mieux outillé, aurait-il pu faire mieux qu'Héritage, en lui faisant perdre plus de points qu'il n'en a perdu en réalité durant cette même période? La chose est possible. Est-elle cependant probable et sur quelle base peut-on l'affirmer? Le dossier et Parent sont muets sur cette question. Quant à Leblond, il constate simplement la réduction des ventes, sans se prononcer sur les pertes de croissance du marché(65).

          La conséquence de tout ce calcul a été donc de formuler l'improbable hypothèse d'une absence totale de réaction et d'une acceptation passive par les concurrents d'une inexorable et continuelle baisse de leur part du marché, hypothèse qui, d'ailleurs, ne se vérifie pas dans la réalité. En effet, dans le seul marché qui nous intéresse, celui de Granby, la part de ventes accaparées par les grands magasins (dont Héritage et le Groupe Gagnon font partie) s'est accrue de 61.6% en 1988 à 65.7% en 1992. Toutefois, malgré les efforts et l'offensive agressive d'Héritage, les grands concurrents du Groupe Gagnon ont accru leur part de marché sauf en 1990; c'est le constat de l'expert Leblond(66).

          Le jugement de première instance ne traite pas de cette question qui a, bien évidemment, un impact sensible sur l'évaluation du préjudice.

               iii) L'influence de la grève à St-Jacques sur la période de référence

          La grève du magasin St-Jacques a duré 23 mois, soit du 25 avril 1988 au 24 mars 1990. Cet arrêt de travail a donc débuté pendant la période de référence (1985-1989) et s'est terminé à l'époque de la période de projection (1990-1993). Or, la preuve au dossier révèle trois données importantes qui sont les suivantes:

          -    l'acquisition du magasin St-Jacques fut le résultat d'une stratégie défensive visant à sauvegarder l'image de marque que le Groupe Gagnon avait développée à Granby; plus tard, après la grève, la réouverture du supermarché entendait protéger le site contre la convoitise d'un concurrent(67);

          -    un chiffre d'affaires pour la deuxième année complète d'opération en 1987, de 9 667 384 $(68) qui représentait, cette année-là, plus du tiers (34.1%) de l'ensemble des ventes(69) du Groupe Gagnon à Granby;

          -    l'absence totale, au dossier, de chiffres sur l'ensemble du marché de Granby pendant les années de référence (1985-1989), rendant donc impossible de situer le Groupe Gagnon et chacun de ses magasins dans le contexte économique de l'époque.

          L'une des questions importantes, à cet égard, était de savoir si, à cause du conflit de travail, une partie des 9.5 millions de ventes réalisées par le magasin St-Jacques pouvait avoir été transférée aux autres magasins d'alimentation du Groupe Gagnon. A ce sujet, on constate, dans le témoignage de Parent, les faits suivants:

          1> Il n'a pas examiné la possibilité de transfert:

   Q.   Est-ce que vous avez analysé, de façon spécifique et particulière et précise, les transferts de volumes qui ont pu se produire à la suite de la grève du magasin de St-Jacques sur les magasins Leclerc et Évangéline?


R.   Non, parce que je possède pas de telles données.


Q.   Alors, vous avez pas fait cette analyse-là?


R.   J'ai pas les données. Je sais pas si c'est disponible, là, mais... encore une fois, je pense que la seule façon de le savoir, là, ce serait de faire venir des gens ici, peut-être trois à quatre cents (300-400) consommateurs qui étaient chez St-Jacques avant la grève et leur demander où ils sont allés, un par un. Et puis...


Q.   Et ça, c'est votre avis d'expert?


R.   Tout à fait. Là, c'est mon avis d'expert que si on avait ça, là...


Q.   Non non, mais je veux dire sur la façon de déterminer les transferts de volumes, selon vous il faudrait faire venir toutes les personnes? Vous me dites ça comme expert?


R.   Faire un sondage. C'est pour ça que je vous mentionne quatre cents (400) personnes, là, ça donnerait probablement un résultat avec un niveau de...


Q.   Mais...


R.   ... confiance élevée.


Q.   ... un fait irrémédiable et incontournable, c'est que vous n'avez pas fait ce travail-là sur les transferts de volumes à la suite de la grève de St-Jacques sur Évangéline et Leclerc?



R.   Non, parce que j'ai pas les... j'ai pas les données pour le faire.(70)



          
2>   Il ne l'a pas fait pour éviter de compliquer les calculs et pour réduire les hypothèses au minimum:
     
Me Dugré:


Q.   Monsieur Parent, ce matin, vous avez témoigné à l'effet que vous étiez pas capable d'identifier les transferts de volumes lors de la fermeture de St-Jacques en faveur d'Évangéline et Leclerc puis lors de la réouverture de St-Jacques en défaveur ou en diminution des ventes d'Évangéline et Leclerc, est-ce bien ça ou...


R.   Bien écoutez...


Q.   En fait, vous l'avez pas fait, vous les avez pas identifiés?


R.   Je l'ai... je l'ai pas fait parce que... encore une fois, je vais vous répondre, là, je veux garder le nombre d'hypothèses au minimum et les chiffres qu'on voit, les chiffres hebdomadaires, les analyser de semaine en semaine, il y a cinq (5) ans ou six (6) ans ou sept (7)... pardon, quatre (4) ans ou trois (3) ans, c'est des chiffres nets qu'on voit là et ça me semble difficile d'attribuer des change ments de colonne en colonne à des colonnes qui pourraient... juste entre les colonnes qui sont ici parce que il pourrait y avoir effectivement d'autres colonnes, d'autres magasins, d'autres nou veaux entrants, et caetera, là.(71)


          Pourtant, l'étude du transfert des ventes d'un magasin à un autre était possible. La meilleure preuve en est contenue dans le rapport Leblond lui-même. En effet, en annexe à son rapport, on retrouve une étude préparée en 1987, qui quantifie l'augmentation projetée des ventes du magasin Leclerc et leur provenance, afin de déterminer l'intérêt et la pertinence de son agrandissement(72). Il est assez peu probable qu'une étude sur le transfert des ventes soit possible a priori, mais irréalisable a posteriori.

          Quoi qu'il en soit, la grève du magasin St-Jacques a dégagé immédiatement, au profit des concurrents, un volume considérable (plus de 9.5 millions de dollars) de ventes. Comme cette nouvelle demande devait être satisfaite immédiatement, il est hautement improbable que les magasins Évangéline et Leclerc n'en aient pas tiré bénéfice, eux dont la zone secondaire inclut St-Jacques(73). D'ailleurs, Colette Pierrot a concrètement évalué les transferts de part de marché à l'occasion de la grève(74). Dès lors, les chiffres de ventes du 25 avril 1988 jusqu'à la mi-décembre 1989(75) devaient en tenir compte. Comme il s'agit d'un événement imprévu et non récurrent, le taux de croissance historique (1985-1989) nécessitait une correction en conséquence. L'établissement d'une projection pour l'avenir impose, en effet, d'exclure du modèle les facteurs connus, ponctuels et non répétitifs. Or, cet exercice n'a pas été fait, même s'il était possible ne serait-ce qu'en suivant la méthode utilisée pour redistribuer la part de marché des «nouveaux entrants»(76), dont il a été précédemment question.
          Force est donc de conclure que le taux de croissance établi sur 60 mois(77) a été haussé pendant 20 mois, dans une proportion non déterminée, par un événement unique, non récurrent, et qui, effectivement, ne s'est pas reproduit pendant la période de 1990- 1993. L'influence de la grève sur les autres magasins du Groupe Gagnon est d'ailleurs admise par Zins(78) et Leblond(79). Ce dernier reconnaît à cet égard le chevauchement des marchés Évangéline, Leclerc et St-Jacques(80) bien qu'à ses yeux, ces établissements ne soient pas des concurrents entre eux(81).   

          Dans l'évaluation du préjudice, il fallait donc tenir compte de cette donnée que, soit dit avec les plus grands égards, la juge de première instance n'a pas analysée. En effet, la seule référence qu'elle fait à cet arrêt de travail est la suivante:

Il n'y a pas de preuve que le fait que le magasin de la rue St-Jacques ait été en grève ait affecté la taille du marché.(82)

(Soulignement ajouté.)

          Avec respect, le problème ne résidait pas dans la taille générale du marché, mais bien dans l'impact économique du déplace ment des ventes dégagées par la grève à St-Jacques vers les autres épiceries et particulièrement vers les magasins Évangéline et
Leclerc et dans l'influence de cet apport subit et temporaire sur le taux de croissance de la période de référence.

               iv)  Les leçons de la période de référence et leur
                         reflet dans la période de projection


          L'étude de la période de référence a été faite à partir des données financières de chaque magasin au cours des années 1985 à 1989(83) et le résumé d'un certain nombre d'entre elles est produit à l'Annexe 4.

          L'examen de ce tableau permet un premier constat: les supermarchés Gagnon ont toujours augmenté leurs ventes annuelles. On note cependant, en 1988, deux cas particuliers. Le premier est celui du marché Leclerc qui a fait un bond de plus de 80% et le second, celui du marché St-Jacques qui a baissé par rapport à l'année précédente. Ce phénomène s'explique, pour le premier, par les travaux d'agrandissement dont il a été l'objet et, pour le second, par le début de la grève. Ce dernier eut-il continué sur sa lancée, qu'il aurait en effet, sans doute, dépassé les 10 000 000 $ de ventes en 1988.

          Un deuxième constat se dégage de l'analyse de l'Annexe 4: à l'exception du marché St-Jacques, qui s'est toujours maintenu au seuil de rentabilité sauf en 1987, tous les magasins du Groupe Gagnon étaient profitables. Toutefois, leurs marges bénéficiaires restaient minces et l'accroissement des ventes ne se traduisait pas nécessairement par une élévation du profit net, bien au contraire. L'explication en est que le profit brut, soit les ventes moins le coût des achats et les dépenses d'opération, d'administration et d'occupation se situe autour de 20%, alors que le profit net n'atteint que 2%.

          En conséquence, en premier lieu, une variation de 1% du profit brut se traduit, les dépenses demeurant inchangées, par une modification de 10% du profit net et, en second lieu, l'ensemble des dépenses et le profit net doivent se regrouper à l'intérieur de la norme de 20% pour éviter une opération déficitaire.

          En somme, même une légère variation se répercute de façon importante sur le chiffre du bénéfice net.

          Quatre illustrations permettront de mieux comprendre la grande importance de ce phénomène sur la rentabilité des entreprises.
     1ère illustration: celle du magasin Évangéline pendant deux               années différentes soit 1986 et 1987

En 1986, le magasin Évangéline a vendu pour plus de 12,4 millions et dégagé un profit de 394 758 $, soit de 3.16% de ses ventes. L'année suivante, les ventes ont augmenté de 1 330 000$ (10.65%), mais le bénéfice net a chuté de 40.4% en chiffre absolu pour se situer à 235 307$ et de 46% par rapport au chiffre d'affaires (1.7% au lieu de 3.16%). Que s'est-il passé? La réponse se retrouve dans quelques variations mineures dans le profit brut (ventes moins le coût des achats): 2.5% de 20.06% à 19.56% des ventes, et dans les coûts(84):
                                                  1986________________1987
Frais d'opération            12.68% des ventes  12.96% des ventes
Frais d'administration 1.44% des ventes 1.91% des ventes
Frais d'occupation               2.78% des ventes 2.99% des ventes
                            ______               ______

Total                           16.9% des ventes 17.86% des ventes

En somme, en 1987, malgré une augmentation des ventes de 10.7%, une baisse de 2.5% de son profit brut jointe à une augmentation de 5.7% des coûts, ont suffi pour entraîner une baisse de profit net de 40.4%, par rapport à 1986.

À partir de cette situation, il est instructif d'évaluer les conséquences de ce phénomène suivant trois scénarios.

-
    Si le magasin Évangéline avait atteint, en 1987, la même marge bénéficiaire nette de 3.16% des ventes qu'en 1986, son bénéfice aurait été de plus de 436 000 $ au lieu de 235 000 $.

-    Si le magasin Évangéline avait conservé, en 1987, les mêmes dépenses et n'avait amélioré que sa marge de profit brut, en conservant celle de 1986 pour chaque catégorie de produits (épicerie, boucherie, boulangerie, fruits et légumes et vrac), il aurait réussi à dégager un bénéfice net de 347 845 $ (2.52% des ventes) au lieu de 235 307 $











(1.7% des ventes)(85).

-
    Enfin si, en 1987, le profit brut était demeuré celui réellement connu et les frais avaient été proportionnellement ceux de 1986, soit 16.9% des ventes, le bénéfice net aurait été de 367 821 $ (2.6% des ventes) au lieu de 235 307 $. En effet:


     Ventes de 1987_________________________________13 815 458 $
     Profit brut (19.56%)                  2 702 633
     Coûts (taux de 1986: 16.9%)            2 334 812                       
                                                  __________
     Bénéfice avant impôt                        367 821 $

     2e illustration: celle des deux magasins comparables soit                Évangéline et Cowansville, pendant une même année

On constate dans cette hypothèse d'importants écarts du profit net pour des situations comparables. Ainsi, en 1988, les ventes totales du magasin Évangéline et du magasin Cowansville étaient identiques à 4$ près (14 927 133 $ pour Évangéline, et 14 927 129 $ pour Cowansville). Le profit brut était quasi le même, 20.64% à Évangéline, et 20.58% à Cowansville. Pourtant, le magasin de Granby annonçait un profit net de plus de 30% supérieur à celui de l'autre épicerie, soit 504 083 $ au lieu de 385 395 $.

     3e illustration: celle de deux magasins comparables soit Évangéline et Cowansville pendant l'ensemble de la période de référence

On observe, sur une période de quatre ans, entre deux magasins de même taille, d'importantes variations au titre du profit net:

                    Évangéline______Cowansville
1985                1.19%                      0.76%
1986                3.16%                      2.81%
1987                1.7%                     2.16%
1988                3.38%                      2.58%
1989                2.48%                      1.78%


     4e illustration: celle d'un seul magasin pendant toute la         période de référence

On remarque que les coûts et les profits nets varient sensiblement d'une année à l'autre durant la période de référence.

                         Coût___________Bénéfice net
1985                17.35%                    1.19%
1986                16.9%                 3.16%
1987                17.86%                    1.7%
1988                17.26%                    3.38%
1989                18.06%                    2.48%

          Cet examen des états des revenus et dépenses de 1985 à 1989 permet les constatations suivantes. D'abord, la croissance des ventes totales, au cours de la période de référence, ne se traduit pas nécessairement par une augmentation du bénéfice net en valeur, ni même par le maintien du même pourcentage des ventes. Ensuite, un volume annuel de ventes identique de deux magasins ne génère pas un niveau de profit semblable. Enfin, le changement d'une seule donnée plutôt que d'une autre entraîne des résultats différents.

          Or, Parent prend appui sur ce modèle pour élaborer un scénario qui montre des profits nets en constante croissance pour les magasins Évangéline et Leclerc(86), en le justifiant de deux façons soit par la croissance des ventes et par la qualité de l'administration de la famille Gagnon. Sans nier ni l'un, ni l'autre, force est cependant de reconnaître que ces deux paramètres se retrouvaient déjà entre 1985 et 1989 et n'ont pas donné ce résultat avec la même constance. Le scénario envisagé ne reproduit donc pas le modèle choisi, du moins complètement, et la situation a peut-être un niveau de complexité insoupçonnée et plus important que celui envisagé. Une dernière constatation s'impose: certains éléments n'ont pas été pris en compte dans le scénario de Parent.

          Ce facteur semble avoir été examiné et retenu par la juge de première instance. C'est, sans doute, cet aspect de l'évaluation de Parent qu'elle vise lorsque, pour justifier une réduction générale de 10% des dommages, elle écrit:

Toutefois l'évaluation non capitalisée ne tient pas compte d'impondérables commerciaux et des aléas que comporte tout commerce. Le Tribunal est d'avis qu'il faut retrancher 10% des montants non capitalisés pour en tenir compte...(87)

(Nous soulignons.)

          
               v) Le postulat de la croissance constante des ventes

     
     Robert Boisjoli est un expert que les intimées ont fait entendre au soutien des précisions du rapport Parent. Parent, retenu par la maladie, avait, en effet, demandé à l'un de ses collègues de répondre, à sa place, à certaines critiques formulées par l'appelante. Boisjoli s'est préparé en consultant le dossier monté par Parent, et en lisant une partie de la preuve. Il a, en outre, eu des rencontres avec les administrateurs du Groupe Gagnon.

               Au procès, il produit un document (P-131(88)) où il constate:
«...que la moyenne de croissance dans le rapport Parent est de 6.52%» . Son étude se lit ainsi:

(selon réclamation) 1989               1990        1991                    1992    1993      cmpm
Gagnon-Évangéline 313,319$ 7.36% 336,365$ 4.08% 350,104$ 9.78% 384,334$ 10.10% 423,140$ 7.83%
Gagnon-Leclerc 216,180$ 2.85% 222,342$ -0.28% 221,711$ 5.17% 233,174$ 5.48% 245,944$ 3.30%
Gagnon-St-Jacques 117,800$ 2.04% 120,207$ 16.32% 139,826$ 13.83% 159,166$ 16.54% 185,493$ 12.18%
Gagnon-Cowansville 305,597$ 4.53% 319,444$ 1.35% 323,744$ 6.89% 346,047$ 7.20% 370,964$ 4.99%

                    952,896$ 4.77% 998,358$ 3.71% 1 035,385$ 8.44% 1 122,721$ 9.16% 1 225,541$

Supermarché Gagnon - Moyenne de croissance utilisée dans le rapport Parent - 6.52%


          Boisjoli explique qu'il a utilisé le document de base de Parent (tableau 1.3(89)), et ne l'a corrigé que pour attribuer au magasin St-Jacques, en 1989, (alors fermé à cause de la grève), un niveau de ventes hebdomadaires hypothétique de 117 800$, alors que Parent avait conclu à l'absence de toute vente. Il a ensuite additionné les ventes totales du Groupe Gagnon pour chaque année, fixé le taux de croissance entre chacune d'elles et tiré ensuite une moyenne de ce taux de croissance générale. C'est ce qui donne le chiffre de 6.52%, soit
«la moyenne de croissance utilisée dans le rapport Parent»(90).

          Or, Parent avait lui aussi établi le taux de croissance générale pour le Groupe Gagnon dégagé par son scénario et ce taux est substantiellement différent de celui de Boisjoli. Il écrit dans son rapport (illustré à son diagramme, pièce P-98A)(91) et témoigne(92) au procès que son scénario démontre une croissance annuelle de 3.4% pour l'ensemble des magasins du Groupe Gagnon. Son rapport, aux pages 2 et 3(93), résume sa pensée:

Étant donné l'absence de données sur les parts de marché pour les six premiers mois de 1993, nous avons supposé que la croissance des ventes pour les années 1989 à 1992 du scénario de référence se serait maintenue.


Bien que se trouvant substantiellement réduites par rapport à l'hypothèse de croissance continue, ces ventes projetées sont quand même nettement supérieures à la situation réelle. La figure 1 résume l'évolution des ventes sous l'hypothèse de croissance continue (+8.4% par année), la situation réelle (-6.8%) et notre scénario de référence (+3.4%). Ce scénario reflète bien à notre avis l'évolution la plus probable des ventes du Groupe Gagnon compte tenu de la croissance réelle du marché total et de la venue de nouveaux entrants mais dans un contexte où Héritage n'aurait pas modifié ses politiques commerciales, entraînant du même coup une nouvelle dynamique concurrencielle (sic) à laquelle le Groupe Gagnon a pu difficile ment s'adapter, contrairement aux autres magasins qui furent bien appuyés par leurs bannières respectives.


          En somme, Parent affirme que, suivant son scénario, la croissance moyenne annuelle des ventes du Groupe Gagnon est de 3.4% alors que Boisjoli, à partir des mêmes données, soutient que ce taux est de 6.52%. De plus, si l'on tente d'utiliser la même méthode que celle suivie par Boisjoli à partir des tableaux 1.3 produits par Parent(94), on ne retrouve pas le taux de 3.4%.

          Cette question revêt une importance non négligeable car la juge de première instance a vu dans ce taux de croissance de 6.5% une indication de la justesse de la méthode Parent. Cette augmentation s'ajustait, en effet, à celle dont a bénéficié Héritage(95).

          La Cour a donc voulu connaître l'avis des parties sur cette apparente divergence qui est pratiquement du simple au double. Il se dégage deux choses de la preuve au dossier et des explications écrites supplémentaires(96) qui lui ont été fournies.



          En premier lieu, la recherche du taux de croissance visait à vérifier la justesse de la méthode de calcul touchant la projection des ventes. En effet, Parent n'a pas d'abord établi un taux de croissance annuel des ventes pour le Groupe Gagnon et défini ensuite celui de chaque épicerie, mais, au contraire, a procédé à l'inverse. Il a donc d'abord recherché le niveau historique des ventes de chaque supermarché Gagnon. Puis, selon les explications des avocats des intimées(97), il aurait apporté à ce taux une autre réduction non définie. Puisque cette précision, faut-il le souligner, ne se retrouve cependant nulle part dans le rapport et dans le témoignage de Parent, il va de soi que nous ignorons les motifs de cette diminution et les critères utilisés. Enfin, comme nous l'avons vu plus haut, il a réduit ce niveau de croissance pour tenir compte de l'influence des nouveaux entrants. Quoi qu'il en soit, il a ensuite constaté que l'augmentation annuelle moyenne du Groupe était de 3.4%, ce qui lui permettait de porter le jugement de valeur suivant sur l'ensemble de sa méthode
et des résultats obtenus, «Ce scénario reflète [...] assez bien l'évolution la plus probable des ventes du groupe Gagnon».(98)
          En second lieu, les variations existant entre le témoignage de Parent, celui de Boisjoli et les explications des intimées, résultent de l'inclusion des ventes de toute l'année 1993, mais surtout de la façon d'envisager les ventes durant l'année complète de fermeture (1989) pour cause de grève du supermarché St-Jacques. En effet, la validation de l'ensemble de la méthode d'évaluation inclut ce magasin. On comprend facilement l'écart manifeste dans les résultats selon que, pour l'année 1989, on s'en tienne à la réalité, soit l'absence de toute vente(99) (hypothèse de Parent dans son rapport), ou que l'on utilise, au contraire, l'une ou l'autre hypothèse, de 185 000 $ par semaine (situation avant le conflit de travail) ou de 117 800 $ suggérée par Boisjoli. De même, comme les calculs ont été faits à partir d'une moyenne hebdomadaire, l'année 1990 est examinée dans son ensemble même si le conflit de travail s'est prolongé jusqu'au 24 mars.

          Il ne s'agit pas là d'une simple divergence dans les chiffres, mais d'un vice dans le mécanisme de validation. En effet, il est impossible de vérifier l'ensemble de l'évaluation des ventes par une méthode unique, celle-ci visant deux réalités bien distinctes. Les épiceries Évangéline, Leclerc et Cowansville sont des supermarchés bien établis et en activité, dont on cherche à évaluer la croissance future à partir d'un contexte historique qui ne comporte aucune perturbation majeure. L'épicerie St-Jacques, au contraire, est dans une toute autre situation. Parce que fermée pendant près de deux ans, il ne saurait donc être question de rechercher ce qu'elle aurait réussi, mais plutôt de définir le temps qui lui était nécessaire pour retrouver les 185 000 $ de ventes hebdomadaires d'avant sa fermeture. Autrement dit, les supermarchés Évangéline, Leclerc et Cowansville sont placés dans un environnement normal d'évolution d'une entreprise qui cherche à améliorer sa performance et sa position relative dans le marché. Par opposition, St-Jacques est placé dans un contexte de rattrapage d'une ancienne clientèle non desservie pendant 23 mois. La méthode d'évaluation de Parent est d'ailleurs différente pour les deux. Dès lors, tenter de valider les deux scénarios d'une façon générale, en regroupant les résultats, conduit à des divergences comme celles signalées plus tôt.

          Les méthodes d'évaluation des ventes pour St-Jacques d'une part et pour les autres magasins d'autre part ne sont toutefois pas, bien au contraire, inappropriées, mais il convient de noter que le mode de validation aurait dû être spécifique à chaque situation pour offrir une conclusion utile.

          L'affirmation de Parent à l'effet que la croissance moyenne annuelle des ventes du Groupe Gagnon soit de 3.4%, comme celle de Boisjoli qui propose 6.52%, doit donc être prise avec réserve. Si une autre raison et non la moindre devait être ajoutée, c'est que la méthode de validation utilisée prend en compte l'augmentation prévisible des ventes du magasin de Cowansville. Or, comme nous l'avons vu précédemment, ce supermarché est exclu du débat.

          Cet élément n'affecte pas la pertinence ou la justesse des chiffres avancés, mais a son importance en raison de l'utilisation qui en est faite dans le jugement dont appel.

               vi) L'influence du taux d'inflation

          Si le taux de croissance servant à définir la part de marché du Groupe Gagnon entre 1990-1993 a été établi à partir du chiffres des ventes réelles pendant la période de référence 1985-1989, il fallait nécessairement l'ajuster pour tenir compte de l'inflation, sauf si le taux de celle-ci est resté constant. Or, les experts de l'appelante ont constaté un écart de 2.5% entre l'indice des prix à la consommation de 1985-1989 et celui de 1990 à 1993. Cette constatation n'a pas été contredite.

          Questionné sur l'influence de ce facteur, Boisjoli n'a pas répondu directement, préférant simplement rappeler l'ensemble des facteurs pouvant influencer les résultats. Une bonne illustration de ses réponses est la suivante:

R.    Le deux point cinq (2.5), je vous ai dit, ne s'applique pas directement à la région de Granby, juste pour faire le point sur ce point-là, que le deux point cinq (2.5), j'ai dit dans mon témoignage il y a quelques minutes, que le deux point cinq pour cent (2.5%) tient... c'est un chiffre qui a baissé pour l'ensemble du Québec ou du Canada, or une population beaucoup plus large, qui n'est pas directement affectée ou qui n'affecte directement pas la région de Granby.


Moi, au lieu d'utiliser ça - je sais que vous allez trouver ma réponse un petit peu longue -mais la raison que moi je n'utilise pas le deux point cinq pour cent (2.5%) et je ne trouve pas que c'est raisonnable, c'est parce que j'ai autres (sic) facteurs, comme la moyenne de croissance pondérée que je regarde pour voir si en général... si ça a de l'allure, parce que à la fin de l'année, ce qu'il faut faire, c'est voir si les... la détermination des dommages, elle est raisonnable.(100)


               Toutefois, à une question de la Cour, il apporte une réponse plus nuancée:


R.   C'est monsieur Moisan? On a parlé des taux de... et je crois que pour les supermarchés Gagnon, le réel était de quatre point cinq (4.5) tandis que tous les autres étaient supérieurs à vingt pour cent (20%) d'augmentation.


Moi, quand je regarde ces chiffres-là, je me dis: est-ce que le deux point cinq pour cent (2.5%) d'inflation vient influencer? Oui, on peut dire qu'il est venu influencer, mais au lieu de regarder quelle influence que le deux point cinq (2.5) aurait pu avoir, je préfère regarder le marché total qui comprend, lui aussi, le taux d'inflation que vous avez en haut du tableau 1.1.(101)


               En somme, selon son témoignage, l'inflation peut avoir accru le taux de croissance utilisé, mais pas d'une façon aussi significative et déterminante que prétend l'appelante. Le jugement entrepris n'a pas pris ce facteur en compte qui, manifestement, a influé sur l'évaluation du préjudice.
                    vii) Conclusions

               Cette longue analyse de l'expertise Parent s'avérait néces saire. Il s'agit, en effet, de la seule étude complète et générale sur les dommages, puisque l'appelante n'a pas jugé utile de présenter d'autres méthodes d'analyse ou d'évaluation des pertes subies. Comme on a pu cependant le constater, cette expertise contient un certain nombre de failles, illustrées ci-haut, dont il convient de tenir compte.

          2> Le calcul du préjudice subi

          La présence de nombreux facteurs difficilement prévisibles ou appréciables rendait l'évaluation du préjudice fort compliquée. La difficulté supplémentaire éprouvée par cette Cour d'évaluer le dommage en ne tenant compte que de la preuve constituée au dossier l'excusera sans doute de ne pas pouvoir y appliquer une rigueur strictement mathématique. Elle doit donc procéder à ce calcul en faisant appel à une certaine approximation, à un certain degré d'appréciation et à sa discrétion. C'est cependant là le rôle des juges.

          Comme il a déjà été mentionné, l'évaluation de la capacité de gains futurs d'une entreprise peut s'appuyer sur sa performance passée, si la période de référence est suffisamment longue pour être significative. Il faut aussi tenir compte de l'impact de circonstances ou d'événements non récurrents. La projection ainsi faite doit enfin refléter le profil d'évolution de l'entreprise, les facteurs de distorsion, bref le contexte général et les aléas auxquels est soumise toute entreprise grande ou petite. Les spectaculaires écroulements qu'ont connu ces dernières années de grandes et solides sociétés, bénéficiant d'une longue tradition d'excellence, jouissant jusqu'alors d'une incontestable renommée grâce à une gestion prudente et avisée et le non moins remarquable redressement de certaines d'entre elles illustrent bien ce phénomène. Pour choisir un exemple facile et loin de notre débat, rappelons simplement le cas du fabricant automobile Chrysler.

               La méthodologie proposée par Parent, sous réserve de certaines corrections, est donc parfaitement acceptable et la juge de la Cour supérieure a eu raison de la retenir. Que révèle-t-elle en regard de chaque établissement du Groupe Gagnon?

               La situation du magasin St-Jacques qui présentait des particularités (la grève de deux ans dont une partie pendant la période de référence et l'autre pendant celle de la projection) sera discutée plus loin. Il en sera également ainsi de la fixation du point de départ de l'évaluation (l'appelante proposant 1990 au lieu de 1989) et de celui du point d'arrivée.

                         a) Les magasins Évangéline et Leclerc

               L'analyse du rapport Parent permet de tirer les conclusions suivantes.

               Tous les magasins du Groupe Gagnon ont connu de 1985 à 1989 une croissance du volume total de leurs ventes. Toutefois, celle-ci a varié d'un établissement à l'autre et d'une année à l'autre. On ignore la position relative de chacun d'eux et de l'ensemble du Groupe Gagnon dans le marché de l'époque. De plus, certaines croissances subites sont attribuables à des circonstances particulières et non récurrentes. C'est le cas du magasin Leclerc en 1988 et 1989 qui sortait d'un agrandissement et d'une rénovation et pour lequel les études préalables prévoyaient qu'il atteindrait de ce fait un plus haut niveau de vente. Le résultat a largement dépassé cette attente.

               La grève au magasin St-Jacques a eu aussi un impact direct sur les autres magasins, puisque ces derniers se sont trouvés subitement disponibles (pour l'ensemble de la période d'avril 1988 à mars 1990) pour absorber près de 10 millions de ventes annuelles supplémentaires. Cette part imprévue du marché fut nécessairement récupérée par les autres supermarchés dont les magasins Évangéline et Leclerc. À ce propos, les études accompagnant le rapport Leblond montrent, comme nous l'avons déjà dit, un certain chevauchement entre les trois magasins du Groupe Gagnon. Or, Parent ne semble pas avoir tenu compte de ce facteur non récurrent sur le taux de croissance historique des ventes.

               Parent n'a pas non plus accordé d'importance, même mineure, à la variation du taux d'inflation, non plus qu'à la récession de 1990(102).

               Le scénario de ce qui aurait dû se produire de 1990 à 1993, n'eut été la faute de Provigo, a comme conséquence, comme nous l'avons déjà expliqué, de faire subir à l'ensemble de la concurrence implantée avant 1989 et sauf Héritage (60% du marché), une perte constante et inéluctable de la part du marché (20% en quatre ans) et de tenir pour acquis l'acceptation passive de ce phénomène par les autres entreprises.

               La validation des chiffres proposés au titre de la croissance des ventes n'offre pas une pleine garantie de fiabilité.

               Enfin, l'expert n'a ni établi, ni retenu aucun facteur de redressement pour tenir compte des éléments nécessairement impondérables et imprévisibles de toute entreprise, particulièrement celle évoluant dans un marché parvenu à maturité(103). Il ne faut pas perdre de vue que l'évaluation du préjudice doit être établie en comparant une situation réelle à une réalité virtuelle. Celle-ci est conçue à partir de l'évaluation de certaines données historiques, de prémisses empruntées à des données connues et vécues (comme la majeure partie des coûts et la distribution des ventes par catégorie de produits: épicerie, boucherie, vrac, etc.) et, enfin, des opinions d'experts sur l'évolution comme celle voulant une amélioration constante de la productivité de 3 à 4%.

               Devant une telle situation, quelle attitude adopter? La juge de première instance, comme nous l'avons déjà souligné, a trouvé que l'hypothèse proposée par Parent faisait évoluer le Groupe Gagnon dans un monde parfaitement idéal, sans incertitude, sans impondérables et sans embûches. Elle a donc décidé, avec raison, d'introduire un facteur atténuant dans le but de rendre le scénario conçu plus réaliste et plus conforme à ce qui aurait dû ou pu se produire en l'absence de la faute de Provigo. C'est ce qu'elle a défini comme «(les) impondérables commerciaux et aléas que comporte tout commerce»(104).

               Toutefois, elle n'a pas pris en compte certaines erreurs ou imprécisions qui ont faussé l'évaluation. Cette constatation est faite avec d'autant plus d'égards pour la juge, que l'appelante s'est bornée à soulever certaines lacunes du rapport Parent sans les chiffrer précisément. Lorsqu'elle a proposé d'autres calculs, ceux-ci englobaient d'autres éléments qu'il était raisonnablement impossible de séparer.

               À notre avis, quatre facteurs ont donc partiellement faussé les conclusions du rapport Parent, ce sont:

          i)   la décision erronée que les régions de Cowansville et Granby ne formaient qu'un même marché unique et ses conséquences sur l'attribution des parts de marché, en particulier relativement à l'impact des nouveaux entrants sur la situation du supermarché de Cowansville;

     ii)  l'influence de la part de marché accaparée par les magasins Évangéline et Leclerc, suite à la grève du marché St-Jacques et ses conséquences sur la défini tion du taux de croissance des ventes pendant la période de référence et sur la perte, aux mains de St- Jacques, après le règlement du conflit;

         iii) l'exclusion de Jardins du Mont du groupe des «nouveaux entrants», même si cet établissement présentait un volume d'affaires suffisant pour être classé dans les principaux magasins par l'étude Leblond;

          iv)  l'effet d'un taux d'inflation plus élevé durant la période de référence, par rapport à celui de 1989 à 1993;


                    Il convient également d'ajouter:


          v)   l'absence d'analyse sur l'attitude de la majorité de la concurrence (à qui on ne reconnaît, encore une fois, qu'une réduction constante et régulière de sa part de marché, découlant de la croissance du Groupe Gagnon et de deux nouveaux arrivés), alors que le rapport Leblond montre que cette concurrence, après un fléchissement en 1989 et en 1990, s'est stabilisée en 1991 et a amélioré sa position en 1992 et 1993;

                    Et, dans une moindre mesure:

          vi)  la faible valeur de la méthode de vérification.

               Comment donc évaluer tous ces éléments qui contribuent, à divers degrés, à réduire la fiabilité globale du rapport Parent et de ses conclusions?

               L'appelante nous propose de suivre les conclusions du rapport Tremblay. La juge a rejeté l'expertise de William Tremblay et elle s'en explique(105). Elle signale, entre autres:


Notons aussi qu'en faisant l'analyse du point mort des agrandissements de Leclerc et Évangéline, monsieur Tremblay n'a pas tenu compte des principes et variables. Il n'utilise pas les chiffres réels des ventes. Enfin, il a posé comme prémisse qu'Héritage ne fait pas compétition au Groupe Gagnon. Par voie de conséquence, toute son analyse ignore quelque impact que ce soit de la part d'Héritage sur le Groupe Gagnon et cela, au mépris des documents de sa cliente qui déclare prendre, avec l'agrandissement d'Héritage, 35% de son volume additionnel chez le Groupe Gagnon. Il n'a aucunement tenu compte de la guerre de l'escompte, des stratégies de marketing et du positionnement des compétiteurs pour analyser la performance du Groupe Gagnon, à partir des années quatre-vingt-dix.(106)




               Cette conclusion découle des documents déposés et du témoignage rendu à l'audience(107). De plus, Tremblay ne s'est pas contenté d'examiner les données de l'expertise de Parent dans son contexte, mais aussi à démontrer que les baisses dans le volume des ventes des magasins du Groupe Gagnon ne sont pas attribuables à Héritage et à la conduite de Provigo(108). Il s'ensuit que son rapport ne peut aider à préciser la valeur de l'un ou l'autre des quatre éléments erronés identifiés plus haut.

          Nous avons exprimé l'avis que si le rapport Parent devait servir de base à l'évaluation du préjudice, ses conclusions devaient néanmoins être nuancées pour tenir compte de l'ensemble des facteurs déjà identifiés et qui en affectent la justesse. Le jugement entrepris a évalué l'un d'eux, les inévitables imprévus et impondérables propres à toute entreprise commerciale, en réduisant généralement de 10% l'indemnité proposée par l'expert et a donc utilisé un mode d'appréciation estimatif. Cette méthode est valide même si, par définition, elle n'offre pas un haut degré de précision scientifique. Elle se justifie par un examen global de l'affaire à partir de faits prouvés et de critères connus, pour dégager une solution équitable et juste dans les circonstances. À cause de ces caractéristiques, elle est difficile d'application. Son utilisation doit par conséquent se faire avec grande prudence et lorsque toutes les autres techniques ou solutions sont exclues. C'était le cas en l'espèce.

               La juge de première instance a donc correctement agi lorsqu'elle a choisi d'appliquer un abattement sur les chiffres proposés par la conclusion générale du rapport Parent, pour tenir compte d'un élément qu'elle a identifié comme étant les «impondérables commerciaux». La Cour doit maintenant, à son tour, quantifier la valeur des autres facteurs négatifs décrits plus haut et que la juge n'a pas pris en considération dans son calcul.

          La même méthode que celle de la Cour supérieure doit être suivie puisque aucune autre n'est possible ou disponible. Après avoir considéré tous les aspects de la question, nous sommes d'avis qu'un abattement additionnel de 15% doit être appliqué aux chiffres apparaissant aux conclusions du rapport Parent, abattement s'ajoutant à celui imposé par le jugement, qui n'avait qu'un seul objet, soit prendre en considération un seul des éléments négligés par le scénario de Parent. C'est donc un taux de réduction global de 25% qui doit être appliqué aux chiffres suggérés par Parent.

                    b) Le supermarché St-Jacques

               Devrait-il en être autrement pour le supermarché St-Jacques? Selon Parent, cette épicerie devait atteindre en 1993 (soit après trois ans de fonctionnement) un niveau de ventes identique à celui qu'il avait connu avant l'arrêt de travail. Cette affirmation n'a pas été contredite par l'appelante et rien au dossier ne permet de la mettre en doute ou même de l'atténuer. L'épicerie St-Jacques aurait donc atteint environ 10 000 000 $ de ventes en 1993, représentant un peu plus de 10% du marché total des principaux magasins de Granby(109), alors qu'en réalité ce dernier chiffre se situe à 7.6%. Le tableau de l'Annexe 4(110) montre, en effet, qu'entre 1985 et 1989, le magasin St-Jacques n'a présenté un bilan excédentaire qu'en 1986 et 1987 et pour un taux inférieur à 1%. Pour l'ensemble de la période 1985-1989, cet établissement a tout juste réussi à atteindre le seuil de la rentabilité si on exclut l'année du début de la grève (1988). Il est, par contre, carrément déficitaire si on l'inclut(111). Dès lors, si comme nous l'avons déjà affirmé, la capacité de gains passée est un guide pour l'avenir, l'inverse est aussi vrai. C'est pourquoi, en toute logique, il faut conclure que, dans l'hypothèse la plus favorable, le supermarché St-Jacques aurait pu atteindre le point de rentabilité en 1992 et 1993 et que les dommages devraient être calculés sur cette base, c'est-à-dire en tenant compte du déficit de ces deux années.

                    c) La période couverte

               
Reste la détermination de la fourchette de temps applicable au calcul de l'indemnité. Parent propose de la débuter en 1989 et l'appelante en 1990. La juge a suivi Parent et a eu raison. Quant au terme de cette période, la juge a noté, également avec raison, l'existence d'un virage important de la part de Provigo à compter d'avril 1993. L'effet futur de cette nouvelle politique reste inconnu. Aucun témoin n'en a discuté sauf Leblond, qui a témoigné que la baisse de volume des ventes s'est arrêtée en 1993(112). On peut donc affirmer, avec la juge de première instance, qu'à compter du deuxième semestre de 1993, il y a eu nouvelle donne et que la situation prévalant depuis cette époque est essentiellement différente à tous égards de celle qui prévalait jusqu'alors.

                    d) Conclusions

               En conclusion, nous sommes d'avis, la responsabilité de l'appelante étant retenue, que les dommages suivants doivent être alloués:

     1. L'intimée Supermarché Frontenac(113)

          1.1 Le supermarché Évangéline
                         Année 1990        89 075 $
                          1991       252 813 $
                          1992       517 910 $
               1er semestre 1993       275 430 $



          1.2 Le supermarché Leclerc

                         Année 1990        78 701 $
                                        1991      277 270 $
                                        1992      444 236 $
               1er semestre 1993       213 024 $


          1.3 Total: 2 148 459 $



     2. L'intimée Supermarché A.R.G.


          1.1
Le magasin de Cowansville

                         Vu l'absence de lien de causalité,
                         aucun dommage n'est dû.



          1.2
Le magasin St-Jacques(114)

                         Année 1990        0
                                        1991       0
                                        1992       16 965 $
               1er semestre 1993            29 030 $



          1.3 Total:
45 995 $



     
D) Les frais d'expertise
          L'appelante demande aussi la réformation du jugement qui la condamne aux frais d'expertise. Elle a tort. La juge a correctement exercé sa discrétion en cette matière et il n'y a pas lieu pour notre Cour d'intervenir. Qu'un tiers, intéressé au résultat de l'affaire, soit intervenu pour soutenir financièrement les intimées dans le débat engagé, est sans pertinence et ne saurait décharger l'appelante de ses obligations.

VII.
LES DOMMAGES PUNITIFS ET L'APPEL INCIDENT

          Dans leur appel incident, les intimées plaident que l'appelante doit être aussi condamnée à des dommages punitifs. La juge de première instance les leur a refusés, au motif que les critères d'attribution de ce type de dommages n'étaient pas rencontrés. Deux raisons militent en faveur de la confirmation du jugement de première instance sur ce point. Tout d'abord, l'attribution de ce type de dommages relève de la discrétion du juge du procès. Une cour d'appel ne peut intervenir, même si elle est d'avis que, siégeant en première instance, elle en aurait alloués, sauf erreur de droit ou exercice manifestement erroné de la discrétion judiciaire. C'est, du moins, ce que la Cour suprême du Canada a récemment décidé dans une affaire de common law, Air Canada c. La Régie des alcools de l'Ontario & al(115). Dans cet arrêt, M. le juge Iacobucci, s'exprimant au nom de la Cour, a précisé, qu'en l'espèce, la conduite des autorités provinciales avait été, pour le moins, «répréhensible» et que des dommages punitifs auraient donc pu «à juste titre», être accordés. Toutefois, il a refusé d'intervenir et s'en explique ainsi:

Parce qu'on ne peut pas dire que le juge de première instance s'est fourvoyé relativement à un principe de droit applicable ou qu'il a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon si manifestement erronée qu'il en a résulté une injustice, son refus d'accorder des dommages-intérêts punitifs ou des intérêts composés devrait être maintenu.


          Ensuite, et de toute façon, la base de la réclamation des intimées est l'article 49 de la Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q. c. C-12, et la violation alléguée du droit ...«à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens». Il est loin d'être sûr que la violation par l'appelante d'une obligation implicite de non-concurrence puisse constituer, au sens de ce texte, la violation de la jouissance paisible de ses biens.
               En conséquence, l'appel incident doit être rejeté.

VIII.
CONCLUSIONS GÉNÉRALES



               Pour ces motifs, nous sommes d'avis


               1]
d'accueillir l'appel principal avec dépens, pour que les conclusions du jugement de la Cour supérieure se lisent désormais ainsi:
          
ACCUEILLE, en partie les demandes des demanderesses, Supermarché A.R.G. inc. et Supermarché Frontenac inc.;


          
ORDONNE à la défenderesse, Provigo Distribution inc., de payer à la demanderesse, Supermarché A.R.G. inc., la somme de 45 995 $, avec intérêts depuis l'assignation ainsi que l'indemnité additionnelle prévue au Code civil du Bas- Canada;


          
ORDONNE à la défenderesse, Provigo Distribution inc., de payer à la demanderesse, Supermarché Frontenac inc., la somme de 2 148,459 $, avec intérêts depuis l'assignation ainsi que l'indemnité additionnelle prévue au Code civil du Bas-Canada;


          
REJETTE toutes les demandes en injonction permanente des demanderesses, Supermarché A.R.G. et Supermarché Frontenac inc.;


          
ORDONNE à la défenderesse, Provigo Distribution inc., de payer aux demanderesses, Supermarché A.R.G. inc. et Supermarché Frontenac inc., la somme totale de 103 182,27 $ pour les frais d'expertise;

          
REJETTE la demande reconventionnelle de la défenderesse, Provigo Distribution inc.;


          
AVEC DÉPENS en faveur des demanderesses, Supermarché A.R.G. inc. et Supermarché Frontenac inc.


               2] de rejeter l'appel incident avec dépens.

                                        
                                        PAUL-ARTHUR GENDREAU, J.C.A.

                                        
                                        JEAN-LOUIS BAUDOUIN, J.C.A.

                                        
                                        MORRIS J. FISH, J.C.A.
ANNEXE 1
TABLEAU 1.1
Données de base sur le marché ($)
  1989 1990 1991 1992 1993
Marché total Granby
Marché total Cowansville
123 424 615
40 887 350
129 475 992
42 256 234
136 401 063
43 875 805
144 412 835
45 806 798
152 954 108
47 860 177
Total 164 311 965 171 732 235 180 277 868 190 219 633 200 814 285
Total Hebdo-Grandy
Total Hebdo-Cowansville
2 373 550
876 295
2 499 923
812 620
2 623 097
843 785
2 777 170
880 900
2 941 425
921 388
Hebdo Total 3 159 845 3 302 543 3 466 882 3 658 070 3 861 813
Ventes hebdomadaires par magasin
Gagnon-Évangéline
Gagnon-Leclerc
Gagnon-St-Jacques
Gagnon-Cowansville

313 319
216 180
0
305 597

314 950
202 896
89 103
313 611

295 243
169 851
127 701
297 963

266 091
151 563
125 833
284 769

283 915
155 153
134 117
298 282
Gagnon Total 835 096 920 559 890 758 828 256 871 467
Héritage
Autres
Nouveaux entrants
384 721
1 940 028
0
442 554
1 873 566
65,864
442 192
1 908 610
225 322
437 711
2 152 382
239 721
470 092
2 274 242
246 013
Grand Total 3 159 845 3 302 543 3 466 882 3 658 070 3 861 813
Parts de marchés
Gagnon-Évangéline
Gagnon-Leclerc
Gagnon-St-Jacques
Gagnon-Cowansville

9,9 %
6,8 %
0,0 $
9,7 %

9,5 %
6,1 %
2,7 %
9,5 %

8,5 %
4,9 %
3,7 %
8,6 %

7,3 %
4,1 %
3,4 %
7,8 %

7,4 %
4,0 %
3,5 %
7,7 %
Gagnon Total 26,4 % 27,9 % 25,7 % 22,6 % 22,6 %
Héritage
Autres
Nouveaux entrants
12,2 %
61,4 %
0,0 %
13,4 %
56,7 %
2,0 %
12,8 %
55,1 %
6,5 %
12,0 %
58,8 %
6,6 %
12,2 %
58,9 %
5,4 %
Grand Total 100 % 100 % 100 % 100 % 100 %

Source: Statistique Canada. États financiers                                      
ANNEXE 2TABLEAU 1.2
Continuité de croissance sans nouveaux entrants
et part de marché Héritage constante ($)

  1989 1990 1991 1992 1993 Croissa nce
Ventes hebdomadaires par magasin
Gagnon-Évangéline
Gagnon-Leclerc
Gagnon-St-Jacques
Gagnon-Cowansville

313 319
216 180
0
305 597

344 181
227 508
123 000
326 867

378 083
239 429
151 000
349 616

415 324
251 975
172 000
373 950

456 233
265 179
200 000
399 977

9,85 %
5,24 %
1,76 %
6,96 %
Gagnon Total 835 096 1 021 555 1 118 128 1 213 249 1 321 389  
Héritage
Autres
Nouveaux entrants
384 721
1 940 028
0
402 095
1 878 893
0
422 104
1 926 650
0
445 382
1 999 439
0
470 188
2 070 236
0
 
Grand Total 3 159 845 3 302 543 3 466 882 3 658 070 3 861 813  
Ajouté à autres ci-dessus
en % du marché total
0
0,0%
5 327
0,2 %
18 040
0,5 %
(152 943)
- 4,2 %
(204 006)
-5,3 %
 
Parts de marchés
Gagnon-Évangéline
Gagnon-Leclerc
Gagnon-St-Jacques
Gagnon-Cowansville

9,9 %
6,8 %
0,0 $
9,7 %

10,4 %
6,9 %
3,7 %
9,9 %

10,9 %
6,9 %
4,4 %
10,1 %

11,4 %
6,9 %
4,7 %
10,2 %

11,8 %
6,9 %
5,2 %
10,4 %
 
Gagnon Total 26,4 % 30,9 % 32,3 % 33,2 % 34,2 %  
Héritage
Autres
Nouveaux entrants
12,2 %
61,4 %
0,0 %
12,2 %
56,9 %
0,0 %
12,2 %
55,6 %
0,0 %
12,2 %
54,7 %
0,0 %
12,2 %
53,6 %
0,0 %
 
Grand Total 100 % 100 % 100 % 100 % 100 %  

     ANNEXE 3
TABLEAU 1.3
Répartition des parts de marché aux nouveaux entrants

  1989 1990 1991 1992 1993  
Aux nouveaux entrats de:
Gagnon-Évangéline
Gagnon-Leclerc
Gagnon-St-Jacques
Gagnon-Cowansville

0,0 %
0,0 %

0,0 %

0,0 %

0,2 %
0,2 %
0,1 %
0,2 %

0,8 %
0,5 %
0,3 %
0,7 %

0,8 %
0,5 %
0,4 %
0,8 %

0,9 %
0,5 %
0,4 %
0,8 %
 
Gagnon Total 0,0 % 0,7 % 2,4 % 2,5 % 2,5 %  
Héritage
Autres
0,0 %
0,0 %
0,0 %
1,3 %
0,0 %
4,1 %
0,0 %
4,1 %
0,0 %
3,9 %
 
Grand Total 0,0 % 2,0 % 6,5 % 6,6 % 6,4 %  
Parts de marchés ajustés
Gagnon-Évangéline
Gagnon-Leclerc
Gagnon-St-Jacques
Gagnon-Cowansville

9,9 %
6,8 %
0,0 $
9,7 %

10,2 %
6,7 %
3,6 %
9,7 %

10,1 %
6,4 %
4,0 %
9,3 %

10,4 %
6,4 %
4,4 %
9,5 %

11,0 %
6,4 %
4,8 %
9,6 %
 
Gagnon Total 26,4 % 30,2 % 29,9 % 30,7 % 31,7 %  
Héritage
Autres
Nouveaux entrants
12,2 %
61,4 %
0,0 %
12,2 %
55,6 %
2,0 %
12,2 %
51,5 %
6,5 %
12,2 %
50,6 %
6,6 %
12,2 %
49,7 %
6,4 %
 
Grand Total 100 % 100 % 100 % 100 % 100 %  
Ventes hebdomadaires ajustées
Gagnon-Évangéline
Gagnon-Leclerc
Gagnon-St-Jacques
Gagnon-Cowansville

313 319
216 180
0
305 597

336 365
222 342
120 207
319 444

350 104
221 711
139 826
323 744

384 334
233 174
159 166
346 047

423 140
245 944
185 493
370 964
 
Gagnon Total 835 096 998 358 1 035 384 1 122 720 1 225 541  

           
ANNEXE 4

1995
  Évangéline Leclerc St-Jacques Cowansville
Ventes
Profits bruts Profits nets
10 744 155
1 992 827
127 797

(18,55 %)
(1,19 5)
3 686 520
604 686
18 021

(16,40 %)
(0,49 %)
3 326 749
645 099
-15 922

(19,39 %)
(-0,48 %)
9 122 831
1 611 173
69 551

(17,66 %)
(0,76 %)
1986
Ventes
Profits bruts Profits nets
12 484 751
2 504 698
394 758

(20,06%)
(3,16 %)
3 579 946
597 393
414

(16,69 %)
(0,01 %)
8 798 553
1 784 421
15 365

(20,28 %)
(0,17 %)
12 237 004
2 355 383
344 109

(19,25 %)
(2,81 %)
1987
Ventes
Profits bruts Profits nets
13 815 458
2 702 633
235 307

(19,56 %)
(1,7 %)
4 860 195
851 969
-27 446

(17,53 %)
(-0,56 %)
9 667 384
1 966 161
90 387

(20,34 %)
(0,94 %)
13 193 804
2 684 616
285 284

(20,35 %)
(2,16 %)
1988
Ventes
Profits bruts Profits nets
14 927 133
3 080 550
504 083

(20,64 %)
(3,38 %)
8 973 013
1 908 920
395 741

(21,27 %)
(4,41 %)
6 900 646
1 371 918
-20 744

(19,88 %)
(-0,30 %)
14 927 129
3 071 330
385 395

(20,58 %)
(2,58 %)
1989
Ventes
Profits bruts Profits nets
16 292 586
3 346 100
404 817

(20,54 %)
(2,48 %)
11 241 354
2 312 253
277 900

(20,57 %)
(2,47 %)
0
1 185
-105 800
  15 475 991
3 260 847
275 461

(21,07 %)
(1,78 %)

-    5 mois d'opération: du 24 mars 1985 au 17 août 1985, m.a., vol. 34, p. 8303.
--   Bénéfice net est celui avant amortissement, impôts et certains postes extraordinaires.
---  Lorsqu'il y a une perte, le pourcentage de la valeur de cette perte par rapport aux ventes est exprimé négativement.
---- La grève à St-Jacques se déclare le 25 avril 1988
-----  Les travaux d'agrandissement et d'amélioration du magasin Leclerc sont terminés le 21 septembre 1987.

ANNEXE 5

VENTES ANNUELLES

  1988 1989 1990 1991 1992 1993
             
DEMANDE ANNUELLE 115 564 743 $ 123 424 615 $ 129 475 992 $ 136 401 063 $ 144 812 835 $ 152 954 108 $
             
TOTAL PRINCIPAUX MAGASINS 72 045 881 $ 77 123 416 $ 85 432 821 $ 90 060 694 $ 90 778 651 $ 91 695 174 $
             
PROVIGO ÉVANGÉLINE 14 927 132 $ 16 292 588 $ 16 377 400 $ 15 352 636 $ 13 836 732 $ 14 763 580 $
PROVIGO LECLERC 8 973 006 $ 11 241 360 $ 10 550 592 $ 8 832 252 $ 7 881 276 $ 8 067 970 $
PROVIGO ST-JACQUES 3 662 680 $ GRÈVE 4 633 340 $ 6 640 452 $ 6 543 316 $ 6 974 063 $
             
HÉRITAGE 17 930 369 $ 19 516 000 $ 22 980 000 $ 23 267 179 $ 22 052 520 $ 25 039 334 $
STEINBERG GRANBY 8 927 340 $ 10 051 700 $ 9 012 800 $ 7 021 600 $ 11 638 104 $ 9 525 898 $
STEINBERG BROMONT 0 $ 0 $ 2 318 453 $ 5 026 229 $ 4 920 177 $ 3 150 000 $
MÉTRO BAS PRINCIPALE 8 613 658 $ 8 366 020 $ 7 169 656 $ 7 104 084 $ 6 462 820 $ 1 785 000 $
MÉTRO HAUT PRINCIPALE 9 011 696 $ 11 655 748 $ 11 284 104 $ 10 125 752 $ 9 898 408 $ 12 561 217 $
I.G.A. 0 $ 0 $ 1 106 476 $ 6 690 510 $ 7 545 298 $ 9 828 112 $
             
PART DE MARCHÉ 62,3 % 62,5 % 66,0 % 66,0 % 62,7 % 59,9 %

ANNEXE 6
VENTES ANNUELLES

  1988 1989 1990 1991 1992 1993
             
             
TOTAL PRINCIPAUX MAGASINS 72 045 881 $ 77 123 416 $ 85 432 821 $ 90 060 694 $ 90 778 651 $ 91 695 174 $
             
PROVIGO ÉVANGÉLINE 14 927 132 $ 16 292 588 $ 16 377 400 $ 15 352 636 $ 13 836 732 $ 14 763 580 $
PROVIGO LECLERC 8 973 006 $ 11 241 360 $ 10 550 592 $ 8 832 252 $ 7 881 276 $ 8 067 970 $
PROVIGO ST-JACQUES 3 662 680 $ GRÈVE 4 633 340 $ 6 640 452 $ 6 543 316 $ 6 974 063 $
             
HÉRITAGE 17 930 369 $ 19 516 000 $ 22 980 000 $ 23 267 179 $ 22 052 520 $ 25 039 334 $
STEINBERG GRANBY 8 927 340 $ 10 051 700 $ 9 012 800 $ 7 021 600 $ 11 638 104 $ 9 525 898 $
STEINBERG BROMONT 0 $ 0 $ 2 318 453 $ 5 026 229 $ 4 920 177 $ 3 150 000 $
MÉTRO BAS PRINCIPALE 8 613 658 $ 8 366 020 $ 7 169 656 $ 7 104 084 $ 6 462 820 $ 1 785 000 $
MÉTRO HAUT PRINCIPALE 9 011 696 $ 11 655 748 $ 11 284 104 $ 10 125 752 $ 9 898 408 $ 12 561 217 $
I.G.A. 0 $ 0 $ 1 106 476 $ 6 690 510 $ 7 545 298 $ 9 828 112 $
             
PART DE MARCHÉ SUR LE TOTAL DES PRINCIPAUX MAGASINS
             
PROVIGO ÉVANGÉLINE 20,7 % 21,1 % 19,2 % 17,0 % 15,2 % 16,1 %
PROVIGO LECLERC 12,5 % 14,6 % 12,3 % 9,8 % 8,7 % 8,8 %
PROVIGO ST-JACQUES 5,1 % 0,0 % 5,4 % 7,4 % 7,2 % 7,6 %
             
HÉRITAGE 24,9 % 25,3 % 26,9 % 25,8 % 24,3 % 27,3 %
STEINBERG GRANBY 12,4 % 13,0 % 10,5 % 7,8 % 12,8 % 10,4 %
STEINBERG BROMONT 0,0 % 0,0 % 2,7 % 5,6 % 5,4 % 3,4 %
MÉTRO BAS PRINCIPALE 12,0 % 10,8 % 8,4 % 7,9 % 7,1 % 1,9 %
MÉTRO HAUT PRINCIPALE 12,5 % 15,1 % 13,2 % 11,2 % 10,9 % 13,7 %
I.G.A. 0,0 % 0,0 % 1,3 % 7,4 % 8,3 % 10,7 %
TOTAL 100,0 % 100,0 % 100,0 % 100,0 % 100,0 % 100,0 %
             
PART DE MARCHÉ (GROUPE)
PROVIGO GAGNON 27 562 818 $ 27 533 948 $ 31 561 332 $ 30 825 340 $ 28 261 324 $ 29 605 613 $
HÉRITAGE 17 930 369 $ 19 516 000 $ 22 980 000 $ 23 267 179 $ 22 052 520 $ 25 039 334 $
EXISTANTS

AUTRES NOUVEAU

TOTAL
26 552 694 $ 30 073 468 $ 27 466 560 $ 24 251 436 $ 27 999 332 $ 23 872 115 $
  0 $ 0 $ 3 424 929 $ 11 716 739 $ 12 465 475 $ 12 978 112 $
  26 552 694 $ 30 073 468 $ 30 891 489 $ 35 968 175 $ 40 464 807 $ 36 850 227 $
TOTAL 72 045 881 $ 77 123 416 $ 85 432 821 $ 90 060 694 $ 90 778 651 $ 91 695 174 $
             
PROVIGO GAGNON 38,3 % 35,7 % 36,9 % 34,2 % 31,1 % 32,5 %
HÉRITAGE 24,9 % 25,3 % 26,9 % 25,8 % 24,3 % 27,3 %
EXI STANTS 36,9 % 39,0 % 32,1 % 26,9 % 30,8 % 26,0 %
AUTRES NOUVEAU 0,0 % 0,0 % 4,0 % 13,0 % 13,7 % 14,2 %
TOTAL 36,9 % 39 % 36,2 % 39,9 % 44,6 % 40,2 %
TOTAL 100,0 % 100,0 % 100,0 % 100,0 % 100,0 % 100,0 %


1.     (Pièce P-123, m.a., vol. 18, p. 4403.) La gamme de services offerts aux détaillants est ainsi décrite: la commercialisation, la promotion, la publicité, la recherche sur les marchés et sur les consommateurs, l'aménagement et l'ingénierie des magasins, la comptabilité et finances, la logistique, la technologie et la formation.
2.     (P-102A, P-102B, P-103A, P-103B, P-103C, m.a., vol. 13, p. 3066 à 3116; vol. 14, p. 3181 à 3340.)
3.     Expertise d'André Leblond (m.a., vol. 16, p. 3582).
4.     Étude de Provigo (1990), intitulée: «Un contexte difficile pour les supermarchés Provigo», reproduit dans Expertise d'André Leblond de mai 1993, (P-107A, m.a., vol. 16, p. 3634).
5.     La totalité de cette correspondance, qu'il serait trop long de reproduire ici, est déposée à ce jour au dossier de la Cour.
6.     Voir entre autres: P. BESSIS, Le contrat de franchisage: notions actuelles et apport du droit européen, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1990; P. LETOURNEAU, La concession commerciale exclusive, Paris, Economica, 1994; Le franchisage, Paris, Economica, 1994.
7.     Voir entre autres: J.J. TOWNER, «Le franchisage en droit civil», Mémoire de maîtrise de l'Université Laval, 1985; J. GAGNON, La franchise au Québec, Montréal, Wilson & Lafleur, 1986; B. ARCHAMBAULT, Le guide des franchises québécoises, Montréal, Publicfac, 1987; Les franchises au Québec, Institut national sur le franchisage, Montréal, 1987; P.A. MATHIEU, La nature juridique du contrat de franchise, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1989; P. DENAULT et L. COLTON, éd. Conférence Meredith 1992, Le franchisage, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1993; E. ARBOUR et A. D'AMOURS, «La responsabilité du franchiseur-commettant», (1993) R.J.E.U.L. 9.
8.     G. CORNU, Le Vocabulaire Juridique Henri Capitant, Paris, Presses Universitaires de France, 3e éd., 1992, p. 371, verbo: franchisage.
9.     J.M. LELOUP, La franchise, droit et pratique, 2e éd., Paris, Delmas, 1991.
10.    Voir: Simard c. Provi-Soir Ltd., J.E. 93-284 (C.A.); Bel Gaufre Inc. c. 159174 Canada Inc., J.E. 95-1448 (C.S.); 2637-7502 Québec Inc. c. Pizza Pizza Canada Inc., J.E. 95-1568 (C.S.).
11.     Art. 1024 C.c.B.-B, 1434 C.c.; voir: P.A. CRÉPEAU, Le contenu obligationnel d'un contrat, (1965) 43 R. du B. can. 1. Art. 1434 C.c.: Banque de Montréal c. Procureur général de la province de Québec, [1979] 1 R.C.S. 565 . L'obligation de loyauté peut être implicite: N.F.B.C. National Brokerage Center c. Investors Syndicate Ltd., [1986] R.D.J. 164 (C.A.); Resfab Manufacturier de Ressort Inc. c. Archambault, [1986] R.D.J. 32 (C.A.).
12.     Jirma Ltd. c. Mister Donut of Canada Ltd., [1975] 1 R.C.S. 2 ; Frame c. Smith, [1987] 2 R.C.S. 99 ; Hodgkinson c. Simms, [1994] 3 R.C.S. 377 .
13.     Fenêtres St-Jean Inc. c. Banque Nationale du Canada, [1990] R.J.Q. 632 ; Caisse populaire Charlesbourg c. Michaud, [1990] R.R.A. 531 p. 535.
14.     Voir: Excelsior Co. d'Assurance-vie c. Mutuelle du Canada Co. d'assurance-vie, [1992] R.J.Q. 2666 (C.A.).
15.      Banque de Montréal c. Baril, [1992] 1 R.C.S. 554.
16.      Banque canadienne nationale c. Saucisse, [1981] 2 R.C.S. 339 ; Banque canadienne nationale c. Houle, [1990] 3 R.C.S. 122 ; Kuet Leong Ng c. Banque de Montréal, [1989] 2 R.C.S. 429 .
17.     Voir: G. LECLERC, «La bonne foi dans l'exécution des contrats», (1992) 37 McGill L.J. 1070; J. PINEAU, «La philosophie générale du nouveau Code civil du Québec, (1992) 71 R. du B. can. 423 ; Actes du Colloque sur «La bonne foi: rôle et exigences», (1996) 26 R.D.U.S. 224 et s.; B. LEFEBVRE, «La bonne foi dans la formation du contrat en droit québécois», Thèse de doctorat, Université de Paris II, 1997.
18.    [1992] R.J.Q. 2445 p. 2454.
19.     C. MATRAY, Le contrat de franchise, Journal des Tribunaux, Bruxelles, Larcier, 1992, no 38, p. 69. Voir, au même effet: P. LE TOURNEAU, L'assistance technique industrielle, J.C.P. 1989-II-15375; Le franchisage, Paris, Economica, 1994, no 2.1.2, p. 64 et s.; P. BESSIS, Le contrat de franchisage, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1990, no 69, p. 77 et s.
20.     Rapport de Michel Zins (Pièce P-77A, m.a., vol. 9, p. 2128).
21.     Voir: Pièces C.P.-15 et C.P.-30 (m.a., vol. 24, p. 5599 à 5896).
22.     Témoignage d'André Leblond (m.a., vol. 58, p. 13501-13504).
23.     Rapport de Michel Zins (m.a., vol.9, p. 2147); témoignage de Michel Zins (m.a., vol. 45, p. 10775-10776).
24.     Témoignages de Guy Lessard (m.a., vol.37, p. 9011) et d'André Leblond (m.a., vol. 58, p. 13491 et p. 13528 et s.).

25.     Lorsqu'il aborde la position concurrentielle du Groupe Gagnon et plus spécialement les motifs de fréquentation de ses supermarchés (m.a., vol. 16, p. 3587, 3588), André Leblond renvoie le lecteur à son annexe F (voir: m.a., vol. 16, p. 3722, 3724, 3727, 3737, 3759); analyse secteur Granby, juin 1987 (P-80, m.a., vol. 10, p. 2187 et 2190); étude de provenance Héritage, février 1988 (P-81, m.a., vol. 10, p. 2320); analyse sommaire de scénarios secteur Granby, juin 1989 (P-51, m.a., vol. 6, p. 1371-1372); étude de provenance Héritage, juillet 1990 (P-82, m.a., vol. 10, p. 2353 et 2382).
26.    Témoignage de Michel Zins (m.a., vol. 53, p. 12574-12575).
27.   Rapport d'André Leblond (m.a., vol. 16, p. 3614).
28.   Témoignage d'André Leblond (m.a., vol. 58, p. 13461-13462).
29.    Profits: 1989: 275 461 $ ou 1.78%; 1990: 139 367 $ ou 0.85%; 1991:
-37 148 $ ou -0.24%; 1992: 70 405 $ ou 0.48%; 1993: 49 258 $ ou 0.32% (m.a., vol. 12, p. 2769, 2777, 2785, 2793, 2800).

30.      Frais de gestion: 1989: 144 150 $ ou 0.93%; 1990: 303 965 $ ou 1.86%; 1991: 197 760 $ ou 1.28%; 1992: 73 050 $ ou 0.49%; 1993: 52 700 $ ou 0.34% (m.a., vol. 12, p. 2768, 2779, 2787, 2794 et 2801).
31.    Voir le tableau à l'Annexe 4.
32.     Témoignage de Guy Lessard (m.a., vol. 36, p. 8698 à 8700); Témoignage de Michel Zins (m.a., vol. 45, p. 10799-1800; vol. 53, p. 12674 à 12679); Rapport d'André Leblond (m.a., vol. 16, p. 3582 à 3584 et 3595 à 3599); Témoignage d'André Leblond (m.a., vol. 57, p. 13296 à 13299 et 13317-13318).
33.     [1991] 1 R.C.S. 374 p. 441.
34. ___M.a., vol. 1, p. 199. Le jugement cependant précise ailleurs que l'ensemble des pertes passées sont de 5 162 712$ et que cela découle de la pièce P-98D (m.a., vol. 1, p. 203).
35.    Chiffre que l'on peut lire au jugement (m.a., vol. 1, p. 202). La déclaration réamendée du 24 novembre 1993 précise 15 226 452 $ (m.a., vol. 3, p. 666). Pour les pertes futures, Louis Parent a remodifié ses calculs le 4 avril 1994 et est passé à 21 733 400 $ (m.a., vol. 12A, p. 2876).
36.   Jugement dont appel (m.a., vol. 1, p. 203); voir aussi à la page 219 où la juge affirme qu'elle ne saurait, faute d'amendement formel, accorder les 6 derniers mois de 1993 sans adjuger ultra petita.
37.   Jugement dont appel (m.a., vol. 1, p. 200).    
38.   Jugement dont appel (m.a., vol. 1, p. 204).
39.     Jugement dont appel (m.a., vol. 1, p. 209).
40.    Jugement dont appel (m.a., vol. 1, p. 217).
41.     Jugement dont appel (m.a., vol. 1, p. 218).    
42.    Jugement dont appel (m.a., vol. 1, p. 218).
43.     Jugement dont appel (m.a., vol. 1, p. 218 et 220).   
44.    Jugement dont appel (m.a., vol. 1, p. 220).    
45.    Jugement dont appel (m.a., vol. 1, p. 210 et 211).   
46.    Jugement dont appel (m.a., vol. 1, p. 215).
47.   Jugement dont appel (m.a., vol. 1, p. 223).    
48.    Les chiffres sont arrondis et proviennent du tableau 1.3, pièce P-98D, annexe 2 du présent jugement.
49.    Témoignage de Louis Parent (m.a., vol. 51, pp. 12421 à 12423).
50.     Rapport de Louis Parent (m.a., vol. 12A, p. 2890, pièce P-98D) transmise le 9 mai 1994.         
51.    Rapport de Louis Parent (m.a., vol. 12A, p. 2891).

52.    Provigo dans le présent jugement.
53.    Rapport de Louis Parent (m.a., vol. 12, p. 2868).
54.    Voir les documents P-129-130-132-134.    
55.    Voir les Annexes 5 et 6.
56.    Voir les Annexes 1, 2 et 3 - Tableaux 1.1, 1.2 et 1.3.     
57.   Témoignage de Louis Parent (m.a., vol. 51, p. 12399).  
58.   Voir: Annexes 5 et 6.
59.   Voir: Annexe 1.  
60.    Voir: Annexe 3. 
61.    Rapport de Michel Zins (m.a., vol. 9, p. 2137-2139); Témoignage de Michel Zins (m.a., vol. 45, p. 10731-10732).        
62.    Ventes totales hebdomadaires (tableaux 1.2 et 1.3) 3 861 813 $ x 49.7%: 1 919 321 $ alors que, suivant le tableau 1.1, les autres vendaient 2 274 242 $.
63.    Pièce P-98-C (m.a., vol. 12A, p. 2885.2, 2885.10, 2885.18 2885.26).
64.    Témoignage de Louis Parent (m.a., vol. 56, p. 12992).
65.    Témoignage d'André Leblond (m.a., vol. 57, p. 13346); Rapport d'André Leblond (m.a., vol. 16, p. 3568 et 3595).


66.    À la page 3920 du volume 17, on trouve la part de marché des principaux magasins. La page suivante nous montre que les grands magasins, autres que Héritage et Groupe Gagnon, ont ainsi évolué dans le marché de Granby: 1988, 36.5%; 1989, 38.7%; 1990, 36.1%; 1991, 40.1%; 1992, 44.2%.
67.    Témoignage d'Antonio Gagnon (m.a., vol. 42, p. 10180); P-51 (m.a., vol. 6, p. 1369).
68.    Pièce CD-29, État des résultats (m.a., vol. 34, p. 8313).
69.    En 1987, Évangéline a vendu 13 815 458 $ (m.a., vol. 34, p. 8283) et connu des profits de 235 307 $ (m.a., vol 34, p. 8285), Leclerc a vendu 4 860 195 $ (m.a., vol. 34, p. 8268) et eut une perte de 27 446 $ (m.a., vol. 34, p. 8270), et St-Jacques fut profitable pour 90 387 $ (m.a., vol. 34, p. 8315).
70.    Témoignage de Louis Parent (m.a., vol. 56, p. 13013 et 13014).  
71.    Témoignage de Louis Parent (m.a., vol. 56, p. 13119 et 13120).
72.    Rapport d'André Leblond (m.a., vol. 16, p. 3756).
73.    Annexe F du rapport Leblond, plus spécialement vol. 16, p. 3759 et les cartes géographiques des p. 3725, 3733 et 3743.
74.    Pièce P-51, analyse sommaire de scénarios secteur Granby, 2 juin 1989 (m.a., vol. 6, p. 1367); voir aussi: (Pièce D-2, m.a., vol. 19, p. 4487); étude du 25 septembre 1989, de Colette Pierrot qui évalue l'impact de la réouverture à St-Jacques; elle estime que cette épicerie reprendra entre 67 et 79% de son marché dans les 4 mois de sa réouverture.
75.    C'est la fin de l'année financière pour le magasin Évangéline et le magasin Leclerc et donc pour Super Marché Frontenac.
76.    Voir: Supra, p. 54, 55 et 63.
77.    Janvier 1985 à décembre 1989.
78.    Témoignage de Michel Zins (m.a., vol. 53, p. 12725).
79.    Témoignage d'André Leblond (m.a., vol. 58, p. 13588).
80.    Témoignage d'André Leblond (m.a., vol. 58, pp. 13591-13592).
81.    Témoignage d'André Leblond (m.a., vol. 58, p. 13591 et 13660-13661).
82.    Jugement dont appel (m.a., vol. 1, p. 207).
83.    Les chiffres sont ceux reproduits aux volumes 12 et 34 du dossier.
84.    Pièce CD-27, États financiers (m.a., vol. 34, p. 8279-8280 et 8284-8285).
85.  Ventes en 1987             Marge bénéficiaire de 1986
  (Vol. 34, p. 8283) (Vol. 34, p. 8278)


  Épicerie   9 275 708 x 15.93%     :    1 477 620

  Viande          2 874 607 x 23.02%     :     661 734

Fruits          1 10 365 x 33.11%  :         380 885

Boulangerie  206 808 x 41.76% :     86 363

Vrac            307 970 x 34.5l%  :         106 280

                              __________           __________
                            13 815 458                2 712 882

          + le rabais consenti sur
          les ventes en 1987: 0.74%                  102 289
          (Vol. 34, p. 8283)                         __________
          Profit brut:                                   2 815 171
          Dépenses en 1987 (Vol. 34, p. 8284
          et 8285)                                      2 467 326
                                                       __________
          Profit net avant impôt:                       347 845

86.    Pièce P-98-C (m.a., vol. 12A, p. 2882-2885).
                         Profit net projeté

                    Évangéline           Leclerc
          1990           45 663$                        2 567$
          1991      292 600$             154 850$
          1992      567 639$             334 001$
          1993      733 436$             331 750$
87. ___M.a., vol. 1, p. 209.
88.   Pièce P-131 (m.a., vol. 18, p. 4473).
89.   Voir: Annexe 3.
90.   Témoignage de monsieur Boisjoli, m.a., vol. 76, p. 17818 et 17819 et vol. 77, p. 17887 et 17888).
91.    Pièce P-98A (m.a., vol. 12A, p. 2875), voir tableau annexe 7.
92.    Témoignage de monsieur Parent (m.a., vol. 51, p. 12413 à 12420).
93.    M.a., vol. 12, p. 2863 et 2864.
94.    Annexe 2.
95. ___M.a., vol. 1, p. 207.
96.    Lettres des intimées et de l'appelante déposées au dossier de la Cour.
97.   Dans leur mémoire, p. 129 et 130, et dans leur lettre du 2 octobre 1997, les avocats nous ont fourni un tableau, préparé par eux, qui montre que la croissance moyenne historique d'Évangéline, Leclerc et Cowansville était respectivement, de 1985 à 1989, de 11.0%, 32.1% et 12.69%, alors que celle utilisée par Parent est de 9.85%, 5.24% et 6.96%. Ces ajustements ne sont pas expliqués par Parent, ni même soulignés par lui comme étant ses motifs et critères.
98.    Voir la citation au complet aux pages 83 et 84 de ce jugement.

99.    Le tableau 1.3, annexe 2, montre le chiffre zéro pour St-Jacques en 1989.
100.   Témoignage de Robert Boisjoli (m.a., vol. 77, p. 17899 et 17900).
101.   Témoignage de Robert Boisjoli (m.a., vol. 77, p. 17906).
102.    Suivant le témoignage de Michel Zins (m.a., vol. 53, p. 12687-12688), la croissance à Granby était de 0.5% en 1990-1991, 1.5% en 1991-1992, 0.5% en 1992-1993. Voir aussi: Le témoignage d'André Leblond (m.a., vol. 59, p. 13793-13794).
103.         Sur la maturité du marché, voir le témoignage d'André Leblond (m.a., vol. 58,p. 13501); le rapport de Michel Zins (m.a., vol. 9, p. 2137-2139 et le témoignage de Michel Zins (m.a., vol. 45, p. 10730-10732).
104.   Jugement dont appel (m.a., vol. 1, p. 209).
105. ___M.a., vol. 1, p. 207 à 209.
106. ___M.a., vol. 1, p. 208, 209.
107.    À titre d'exemple, sur le point mort, on peut lire les réponses aux questions de la Cour (m.a., vol. 70, p. 16110 à 16119).
108.    À titre d'exemple, portant un jugement sur l'effet combiné de la grève de St-Jacques et de l'arrivée de nouveaux concurrents sur l'évolution des    épiceries Évangéline et Leclerc, il écrit:
«En conclusion, le magasin Héritage ne peut être tenu responsable de la modification de l'environnement concurrentiel et des pertes financières que les demanderesses allèguent avoir subies.»

109.    Pièce P-107-C (m.a., vol. 17, p. 3937).
110.    Voir: Annexe 4.
111. Voir: M.i., vol. 1, p. 136 qui fixe la perte moyenne durant la période de référence à -0.68%.
112.         Témoignage d'André Leblond (m.a., vol. 57, p. 13343).
113.    50% des chiffres apparaissant à la Pièce P-98-C (m.a., vol. 12A, p. 2882-2885). Pour 1993, le chiffre de Parent (p. 2885) est d'abord divisé par deux (2) pour ne tenir compte que des six (6) premiers mois.
114.    Valeur des pertes en 1992 et pour le premier semestre de 1993 suivant la Pièce P-98-C (m.a., vol. 12A, p. 2884-2885).
115.    No 24851, jugement du 26 juin 1997.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.