98011010
COUR D'APPEL
PROVINCE DE QUÉBEC
GREFFE DE MONTRÉAL
No: 500-09-000298-950
(500-05-005027-923)
Le 28 novembre 1997
CORAM: LES HONORABLES GENDREAU
BAUDOUIN
FISH, JJ.C.A.
PROVIGO DISTRIBUTION INC.,
APPELANTE - INTIMÉE-INCIDENTE
- (défenderesse)
c.
SUPERMARCHÉ A.R.G. INC.
et
SUPERMARCHÉ FRONTENAC INC.,
INTIMÉES - APPELANTES-INCIDENTES
- (demanderesses)
__________LA COUR, statuant sur un pourvoi et un pourvoi incident
contre un jugement de la Cour supérieure du district de Montréal,
rendu le 25 janvier 1995 par l'honorable Diane Marcelin,
accueillant l'action en dommages des intimées contre l'appelante et
condamnant cette dernière à leur payer une somme totale de 3 762
835,20 $;
Après étude, audition et délibéré;
Pour les motifs apparaissant dans l'opinion de la Cour,
dont copie est déposée avec les présentes;
ACCUEILLE le pourvoi principal avec dépens, pour que les
conclusions du jugement de la Cour supérieure se lisent désormais
ainsi:
ACCUEILLE, en partie, les demandes des
demanderesses, Supermarché A.R.G. inc. et
Supermarché Frontenac inc.;
ORDONNE à la défenderesse, Provigo Distribution
inc., de payer à la demanderesse, Supermarché
A.R.G. inc., la somme de 45 995,00 $, avec intérêt
depuis l'assignation ainsi que l'indemnité
additionnelle prévue au Code civil du Bas-Canada;
ORDONNE à la défenderesse, Provigo Distribution
inc., de payer à la demanderesse, Supermarché
Frontenac inc., la somme de 2 148 459,00 $, avec
intérêts depuis l'assignation ainsi que l'indemnité
additionnelle prévue au Code civil du Bas-Canada;
REJETTE toutes les demandes en injonction
permanente des demanderesses, Supermarché A.R.G. inc. et Supermarché Frontenac inc.;
ORDONNE à la défenderesse, Provigo Distribution
inc., de payer aux demanderesses, Supermarché
A.R.G. inc. et Supermarché Frontenac inc., la somme
totale de 103 182,27 $ pour les frais d'expertise;
REJETTE la demande reconventionnelle de la
défenderesse, Provigo Distribution inc.;
AVEC DÉPENS en faveur des demanderesses,
Supermarché A.R.G. inc. et Supermarché Frontenac
inc.;
REJETTE
l'appel incident avec dépens.
PAUL-ARTHUR GENDREAU, J.C.A.
JEAN-LOUIS BAUDOUIN, J.C.A.
MORRIS J. FISH, J.C.A.
Me Lucie Brunet
Me Philippe Casgrain, c.r.
Me Gérard Dugré
(BYERS CASGRAIN)
Procureurs de l'appelante
Me François Lamarre, c.r.
Me Isabelle Racine
(CAIN LAMARRE WELLS)
Procureur des intimées
AUDITION: 24-27 mars 1997
COUR D'APPEL
PROVINCE DE QUÉBEC
GREFFE DE MONTRÉAL
No: 500-09-000298-950
(500-05-005027-923)
CORAM: LES HONORABLES GENDREAU
BAUDOUIN
FISH, JJ.C.A.
PROVIGO DISTRIBUTION INC.,
APPELANTE - INTIMÉE-INCIDENTE
- (défenderesse)
c.
SUPERMARCHÉ A.R.G. INC.
et
SUPERMARCHÉ FRONTENAC INC.,
INTIMÉES - APPELANTES-INCIDENTES
- (demanderesses)
OPINION DE LA COUR
PLAN____________ Page
PREMIÈRE PARTIE: LES FAITS 5
I. LES PARTIES AU LITIGE 5
A. Le Groupe Gagnon 5
B. Provigo Distribution inc. 6
II. LES PRINCIPAUX FAITS 6
III. LES PROCÉDURES_____________________ 15
A. La première instance 15
B. Les pourvois 16
1> L'appel principal 16
2> L'appel incident 17
DEUXIÈME PARTIE: LE DROIT 18
I. LES OPPOSITIONS À LA PREUVE 18
II. LES LIENS CONTRACTUELS ENTRE LES PARTIES______ 20
A. Le contexte factuel 20
B. La qualification des contrats 23
1> Le contrat de franchise 24
2> Les obligations en découlant 26
III. LES FONDEMENTS JURIDIQUES DE LA RESPONSABILITÉ____ 27
A. La responsabilité contractuelle 27
B. Le devoir fiduciaire 28
C. L'obligation de bonne foi 28
IV. LA FAUTE 30
V. LE LIEN DE CAUSALITÉ 37
A. Le contexte factuel 37
B. Le magasin de Cowansville 40
C. Les magasins de Granby 44
D. Conclusions 46
VI. LE DOMMAGE 46
A. La réclamation 46
B. Le jugement de la Cour supérieure 47
C. L'évaluation du préjudice 52
1> La preuve d'expertise (Rapport Parent) 53
a) La méthodologie du rapport 53
i) Les magasins visés 54
ii) La recherche des revenus 54
iii) La recherche des coûts 57
iv) Le résultat 57
b) L'analyse du rapport 58
i) L'inclusion du marché de Cowansville 60
ii) L'impact de la concurrence 61
iii) L'influence de la grève à St-Jacques
sur la période de référence 67
iv) Les leçons de la période de référence
et leur reflet dans la période
de projection 74
v) Le postulat de la croissance constante 81
des ventes
vi) L'influence du taux d'inflation 88
vii) Conclusions 90
2> Le calcul du préjudice subi 91
a) Les magasins Évangéline et Leclerc 92
b) Le supermarché St-Jacques 101
c) La période couverte 102
d) Conclusions 103
D. Les frais d'expertise 104
VII. LES DOMMAGES PUNITIFS ET L'APPEL INCIDENT 105
VIII. CONCLUSIONS GÉNÉRALES 106
* * * * *
PREMIÈRE PARTIE: LES FAITS
Le jugement de première instance relate en détail la
situation de fait qui a donné naissance au présent litige.
Toutefois pour la bonne intelligence de ce qui suit, il paraît
indispensable d'en faire ne serait-ce qu'un bref résumé.
I. LES PARTIES AU LITIGE
A. Le Groupe Gagnon
__________Les deux intimées, Supermarché A.R.G. inc. et Supermarché
Frontenac inc., forment ce que l'on peut appeler le «Groupe Gagnon»
dont l'âme dirigeante est Antonio Gagnon.
Ce groupe est propriétaire de quatre magasins d'alimentation
en Estrie. Trois d'entre eux sont à Granby et portent le nom de la
rue où ils sont situés: Évangéline, Leclerc et St-Jacques, et le
quatrième est à Cowansville (Cowansville).
Le Groupe Gagnon oeuvre depuis longtemps dans le secteur de
l'alimentation. Au début des années 80, il a signé avec
l'appelante, Provigo Distribution inc. (Provigo), une série
d'ententes dont le but et l'effet sont de placer ses quatre
magasins sous la bannière de Provigo.
B. Provigo Distribution inc.
Provigo est une entreprise issue de la fusion, en 1969, d'un
ensemble de trois grossistes du marché de l'alimentation. Elle est
au centre d'un vaste réseau qui comprend des magasins dits
corporatifs (c'est-à-dire dont elle est à la fois propriétaire et
gestionnaire) et des magasins affiliés, comme c'est le cas pour le
Groupe Gagnon. Son plus gros volume d'affaires provient de
l'exploitation de la commande centrale.
Son succès économique repose sur la faculté qu'elle a eue,
dans un marché extrêmement compétitif et dont les marges de profit
sont relativement minces, de s'adapter aux changements des goûts du
public, de toujours tenir tête à la compétition commerciale et
d'offrir une image de marque reconnue.
II. LES PRINCIPAUX FAITS
Depuis ses débuts, les activités de Provigo peuvent être
regroupés en deux grandes catégories: les activités de détail et
les activités de distribution. À titre d'exemple, le
Rapport
annuel 1993 les décrit ainsi:
Le groupe distribution fonctionne séparément du groupe détail. Il possède son
propre personnel et son propre système administratif qui apportent le soutien
nécessaire aux marchands affiliés dans certains domaines clés comme la gestion des
magasins, le marketing, la publicité, les ressources humaines, les finances et
l'administration, ainsi que l'approvisionnement et l'organisation. Ce groupe agit
conjointement avec les marchands affiliés et les fournisseurs pour répondre aux
exigences propres à chaque marché. Il compte des centres de distribution qui
occupent des emplacements stratégiques et qui sont en mesure de fournir rapidement
des produits à prix concurrentiel(1).
Le rôle de Provigo se concrétise d'une part par la gestion
du réseau des magasins, propriétés des marchands indépendants ou
affiliés, et, d'autre part, comme propriétaire de magasins corporatifs. L'historique démontre que les réseaux d'affiliés ont
toujours été de première importance pour Provigo. Ainsi, la
division de détail a acquis en 1981 quatre-vingt-six (86) anciens
magasins Dominion en vue d'assurer une présence sur le marché de
l'alimentation. À cette époque et avant 1990, la participation de
Provigo, à titre de détaillant, peut être résumée ainsi:
L'examen de l'évolution des opérations du réseau Provigo nous montre que
l'implication corporative de Provigo au détail jusqu'en 1988, s'est opérée par la
force des choses: ce sont des magasins repris par Provigo Distribution inc. suite à
un insuccès ou à une incapacité d'un opérateur indépendant ou ouverts par Provigo
Distribution inc. dans un marché ou l'indépendant est craintif ou n'a pas les moyens
d'y aller, mais où Provigo doit bâtir pour stopper un compétiteur ou développer un
nouveau marché.
Un exemple de cet intérêt mitigé de Provigo à la propriété des magasins au détail
nous est fourni par l'épisode de l'acquisition des magasins A&P et Dominion, en
1981. On voit que rapidement, suite à cette acquisition, les magasins sont revendus
à des affiliés. Lors de ces acquisitions, le nombre des S.M.P. corporatifs augmente
drastiquement (47 en 1980 contre 124 en 1981), puis en l'espace de cinq ans Provigo
ramène le nombre de ses unités corporatives en deçà de ce qu'il était avant
l'acquisition (44), selon les informations fournies aux rapports annuels.
(Expertise de J.-André Leblond de mai 1993, P-107, m.a., vol. 16, p. 3574.)
Le succès des opérations de Provigo est attribué en grande
partie à sa
stratégie de segmentation de marché, c'est-à-dire à la
multiplication des bannières selon les besoins des consommateurs du
marché alimentaire. Tous les distributeurs en alimentation au
Québec utilisent cette stratégie. Par une recherche de nouveaux
créneaux, Provigo entreprend d'accroître sa part du marché global
de l'alimentation.
C'est en appliquant avec succès une stratégie de segmentation adaptée à des
besoins changeants et diversifiés d'un large éventail de consommateurs que Provigo
Distribution est parvenue à réaliser une forte croissance et atteindre d'excellents
résultats. Notre part de marché au Québec a, en effet, progressé régulièrement
depuis trois ans pour passer de 34% à 37.5%.
(Rapport annuel 1990, P-120, m.a., vol. 18, p. 4283.)
Poursuivant cette stratégie, Provigo lance, dès 1981, un
nouveau concept de magasins mini-marges, connu sous le nom
Héritage. Quatre magasins corporatifs sont ouverts à cette époque
dont le magasin Héritage de Granby. Ces magasins sont détenus
corporativement et Provigo en est donc à la fois propriétaire et
gestionnaire. Tout comme les supermarchés Provigo conventionnels,
ces derniers s'adressent à la commande centrale, mais se
distinguent d'eux par une formule de prix différente (
Every Day Low
Price) et par l'absence de certains services tels l'emballage aux
caisses, le service à l'auto, couramment offerts par les
supermarchés conventionnels.
Une nouvelle division a été mise sur pied dans le secteur du détail sous le nom
Héritage et dont la fonction est de développer des magasins mini-marges, soit des
magasins de vente au détail pratiquant une politique systématique et généralisée de
vente avec marges réduites, accompagnée le plus souvent d'une réduction maximale
des services et des frais d'exploitation. Cette formule, magasins entrepôts, favorisant
le libre service et offrant un assortiment plus limité de produits, permet aussi de
vendre à des prix sensiblement inférieurs à ceux des supermarchés conventionnels.
L'on compte maintenant quatre magasins entrepôts Héritage dont un sous la
juridiction de M. Loeb limitée.
(Rapport annuel 1983, Provigo inc., P-117,
m.a., vol. 17, p. 4184.)
En 1986, cette division est décrite comme étant:
Les magasins Héritage et Maxi, propriété de Provigo, sont tous deux des
concepts de magasins à grande surface, de l'ordre de 30 000 pieds carrés dans le
premier cas et de 50 000 à 70 000 pieds carrés dans le second, mais qui se
distinguent l'un de l'autre par les services qui s'offrent à la clientèle et les bassins
de population pour lesquels ils ont été conçus. La division dispose actuellement de
huit Héritage et de deux Maxi dont les ventes et le bénéfice ont progressé de façon
significative au cours du dernier exercice. On envisage d'ouvrir quatre Héritage et
trois Maxi au cours des prochains mois.
(Rapport Provigo 1986, P-118, m.a., vol. 18, p. 4213.)
Malgré le lancement de magasins Héritage, avant 1990, les
relations d'affaires entre Provigo et ses marchands affiliés sont
amplement décrites en termes de
partenariat entre le grand
distributeur et le marchand indépendant. Les rapports annuels
d'avant 1990 font, d'ailleurs, longuement état des mérites de ce
partenariat, comme en témoignent les quelques extraits suivants:
Notre rôle consiste dans une très large mesure à favoriser la croissance et le
développement de ces marchands qui s'avèrent être de remarquables entrepreneurs.
En s'associant à eux, nous sommes en mesure d'offrir aux consommateurs le
meilleur de deux mondes, soit l'expertise de pointe d'un grand distributeur jointe à
la souplesse et au service personnalisé d'entrepreneurs locaux. La dernière année
s'est avérée excellente pour l'ensemble de nos marchands affiliés et franchisés.
Nous avons pris l'engagement de les soutenir par l'élargissement de nos services et
de fournir l'encadrement nécessaire au maintien de leur succès. Nous sommes un
atout dans leur croissance; notre propre succès est intimement lié à leur réussite.
(Rapport annuel 1986, P-118, m.a., vol. 18, p. 4207.)
Partenaire dans la réalisation d'une oeuvre commune, Provigo a pris l'engagement
de favoriser le développement de ses marchands. Entreprise destinée à leur fournir
les services requis pour progresser dans l'environnement turbulent qui caractérise le
commerce de détail, elle est un atout dans leur croissance et son propre succès est
intimement lié à leur réussite. Au-delà de ses fonctions d'approvisionnement et de
la logistique qui s'y rattache, elle est une entreprise de soutien dont l'éventail et la
qualité des services sont à la base de sa propre compétitivité comme de celle de ses
détaillants.
(Rapport annuel 1988, P. 119, m.a., vol. 18, p. 4250.)
Les relations d'affaires entre le Groupe Gagnon et Provigo
débutent en 1980. À cette époque, le Groupe Gagnon exploite déjà
deux magasins à Granby à titre d'affiliés du groupe I.G.A.:
Supermarché Leclerc et Supermarché Évangéline. Ces deux magasins
I.G.A., propriété de M. Loeb ltée, sont acquis par Provigo en 1980
et passent ainsi sous la bannière Provigo. Aucune nouvelle
convention n'intervient cependant à cette époque et les parties
continuent à être régies par les contrats existants.
Par la suite, le Groupe Gagnon acquiert deux autres
magasins. Le premier est Supermarché Cowansville (ancien A&P),
situé dans la ville qui porte ce nom, est acquis en 1984. Trois
conventions sont alors signées: une convention d'affiliation le 24
juillet 1984 (P-3), une convention de base le 18 août 1984 (aussi
cotée sous P-3) et une convention de sous-bail le 20 novembre 1984
(P-4). Le second est le Supermarché St-Jacques (ancien Dominion),
situé à Granby, appartenant à Provigo en 1985. Trois conventions
sont alors signées: une convention d'affiliation le 14 février 1985
(P-1), une convention de sous-bail le 15 février 1985 (P-2) et une
convention de base (non produite). Les seules modifications
subséquentes à ces contrats sont celles du 9 janvier et du 19
février 1991 (P-5 et P-6), touchant les sous-baux des Supermarchés
Leclerc et Évangéline, suite aux agrandissements de ces magasins. Une autre série de conventions, les actes de fiducie
(2), sont signées
en faveur de Provigo et d'une institution financière. Elles
garantissent les obligations financières du Groupe Gagnon. Il
convient de les mentionner, même si elles ne sont pas directement
en cause, parce qu'elles font partie d'un ensemble contractuel, et
contiennent avec les autres conventions des clauses de défaut
croisées (à l'exception de la pièce P-6). Les conventions, P-1 et
P-2, relatives au magasin St-Jacques, ne se limitent pas cependant
à régler les droits et obligations de celui-ci, mais aussi des
trois autres magasins. L'analyse du contenu obligationnel de ces
conventions fait l'objet d'une discussion détaillée ci-après.
À la fin des années 1980, le marché de l'alimentation est
à maturité et donc hautement compétitif. Provigo constate que
depuis déjà quelques années, le marché de la commande centrale est
en perte de vitesse par rapport à d'autres segments nommés
«commodités» et «spécialistes». De plus, à l'intérieur de la
commande centrale, les supermarchés conventionnels perdent des
parts de marché au profit des supermarchés d'escompte. Ces
derniers ne cessent de croître, à la fois en termes de volume de
ventes et en nombre de magasins. Provigo poursuit donc sa
stratégie de segmentation du marché de la commande centrale et le
bloc de l'escompte prend de plus en plus d'ampleur. L'intensité de cette poursuite suscite une controverse parmi les experts en
marketing. Certains estiment qu'elle vise à permettre à
l'appelante de se tailler une place dans le marché à escompte
(Thèse Moisan). D'autres pensent plutôt qu'elle vise une
marginalisation des marchés conventionnels et éventuellement leur
disparition (Thèse Zins). Entre 1989 et 1993, la décroissance des
magasins de type conventionnel est significative: de 239 magasins
en 1989, ce nombre passe à 175 en 1993
(3).
Consciente des difficultés des supermarchés conventionnels
et des faibles perspectives de croissance du marché alimentaire
(4),
Provigo lance en 1988 un projet pilote au Saguenay, afin d'explorer
la possibilité de changer sa stratégie de prix et de convertir
celle du «High-Low» à celle du «Every Day Low Price», stratégie qui
a déjà fait ses preuves pour Héritage. Les résultats s'avérant
concluants, l'appelante annonce à ses affiliés son intention
d'instaurer ce dernier système progressivement dans son réseau de
supermarchés Provigo à la grandeur de la province.
Le projet est cependant abandonné et une variante en est
proposée en avril 1993. L'instauration du programme «Every Day Low
Price» auprès des supermarchés Provigo conventionnels risquait, en effet, d'être coûteuse et de nuire à la croissance de la division
de l'escompte que Provigo encourage à titre de détaillant.
L'appelante, en toute connaissance de cause, préfère maintenir une
différence de prix entre les magasins Héritage et les supermarchés
conventionnels.
Dans la région de Granby, le Groupe Gagnon a du mal à
concurrencer les bas prix d'Héritage qui, lui, a eu un accès plus
large à des outils de marketing plus attrayants, tels le couponnage
et les circulaires, en nombre et importance croissants. En fait,
la bataille que peut livrer le Groupe Gagnon tant à Héritage qu'à
ses centres concurrents est nettement dépendante de l'appelante,
puisque c'est cette dernière qui est seule maître à la fois de la
publicité et des prix d'approvisionnement. Même si le Groupe
Gagnon conserve une certaine marge de discrétion pour 10% de ses
approvisionnements, dans les faits cette discrétion est limitée par
les engagements pris par Provigo auprès de ses fournisseurs
autorisés. L'intensification de la concurrence entre Héritage et
le Groupe Gagnon est bien illustrée par un incident qu'il convient
de signaler. Lors de la réouverture du magasin Évangéline après sa
rénovation en mai 1990, le Groupe Gagnon a prévu une campagne de
publicité menée avec l'accord de Provigo. Pourtant celle-ci est
contrée par une publicité accrue d'Héritage qui annonçait les mêmes
produits, mais à meilleur prix.
Une rencontre a lieu entre les deux parties en octobre 1991
à laquelle les doléances du groupe sont présentées. Certaines
solutions de rechange sont proposées par le Groupe Gagnon, mais
écartées par Provigo. De plus, les plans stratégiques de cette
dernière montrent une modification stratégique soit la limitation
des supermarchés conventionnels à une vocation communautaire et ce,
sans consultation des affiliés.
III. LES PROCÉDURES
_____A. La première instance
__________Le Groupe Gagnon, par l'intermédiaire des deux sociétés
intimées, poursuit donc l'appelante en dommages, lui réclamant pour
les dommages passés une somme de 2 997 833 $ au nom de Supermarché
A.R.G. inc., de 4 314 026 $ au nom de Supermarché Frontenac inc.
Pour les dommages futurs, ces chiffres passent respectivement à 8
983 607 $ et 6 242 845 $. En outre, un montant de 1 million est
aussi demandé à titre de dommages exemplaires.
La poursuite comporte également, à l'origine, des demandes
d'injonction permanente qui ont été refusées par la juge de la Cour
supérieure et qui ne sont plus en litige devant notre Cour.
La Cour supérieure, après une audition qui a duré 46 jours, rend jugement le 25 janvier 1995. Elle accueille l'action,
trouve l'appelante contractuellement responsable et la condamne à
payer aux intimées, à titre de dommages pour le passé,
respectivement des sommes de 1 074 283 $ et de 2 585 370 $. Le
jugement, par ailleurs, rejette une demande d'indemnisation pour le
préjudice futur, ainsi que la demande reconventionnelle de
l'appelante touchant le paiement des frais d'expertise et la
condamne donc à payer, à ce titre, une somme de 103 182,27 $.
B. Les pourvois
1> L'appel principal
Provigo porte l'affaire en appel et demande le rejet complet
de la réclamation en dommages du Groupe Gagnon et le maintien de sa
demande reconventionnelle touchant les frais d'expertise.
2> L'appel incident
Les intimées se pourvoient en appel incident et, à ce titre,
cherchent la réformation du jugement de la Cour supérieure sur
trois points soit, d'une part, une augmentation du montant des
dommages alloués par la première juge, d'autre part, l'octroi de la
somme de 1 million à titre de dommages exemplaires et enfin, la
reconnaissnce par notre Cour de l'existence d'une obligation fiduciaire de la part de l'appelante à leur égard. La Cour a
entendu les deux pourvois du 24 au 27 mars 1997 et les a pris en
délibéré.
Devant certaines lacunes et imprécisions parfois importantes
des mémoires d'appel des parties, la Cour a cependant été obligée,
à plusieurs reprises, de demander des précisions supplémentaires
aux procureurs des parties, ce qui a retardé d'autant le présent
arrêt
(5).
DEUXIÈME PARTIE: LE DROIT
I. LES OPPOSITIONS À LA PREUVE
L'appelante s'est formellement opposée, dès le début du
procès, à la production en preuve par les intimées d'un certain
nombre de documents. Il s'agit principalement d'une série de
pièces touchant la planification stratégique de l'appelante
(
P-59; CP 10, 11, 12, 13, 14-A, 15, 15-A, 31 et 32) et de ses
états financiers (
CP 30, 30-A, B et C).
Quatre raisons principales étaient invoquées par elle au
soutien de cette opposition, soit que ces pièces ne faisaient pas partie de la
res gestae, que certaines d'entre elles étaient
antérieures à la période du déclenchement du litige entre les
parties, que, tout au plus, elles ne constituaient que des énoncés
d'intention, donc du «ouï-dire écrit», et, enfin, qu'elles
n'avaient aucune pertinence quant à la preuve des faits générateurs
d'une éventuelle responsabilité.
Devant l'impossibilité évidente,
in limine litis, d'évaluer
leur pertinence, la juge de première instance en a donc permis le
dépôt sous réserve. Elle a, par la suite, été d'avis que tous ces
documents étaient pertinents pour expliciter l'évolution des
rapports entre les parties et pour éclairer les faits entourant la
concurrence entre les différents supermarchés. Pour la juge, ces
pièces faisaient partie, au sens large, de la
res gestae. Elle a
donc disposé ainsi de l'opposition de l'appelante (
m.a. p. 96):
Après avoir entendu toute la preuve, le Tribunal arrive à la conclusion qu'il faut
rejeter les objections relatives à la production de ces documents. Non seulement
sont-ils pertinents pour expliciter le contexte de l'environnement concurrentiel entre
les parties, mais ils font partie, de l'avis du Tribunal, de la res gestae de la
demande. Non seulement le groupe Gagnon allègue-t-il concurrence déloyale, conflit
d'intérêts, absence de loyauté, obligation de bonne foi, abus de droit et même
obligation fiduciaire, il allègue aussi que les changements d'orientation effectués par
Provigo ont directement contribué aux dommages qu'il réclame. Les objections de
Provigo sont donc rejetées.
Nous partageons les vues de la Cour supérieure.
Non seulement ces documents avaient une pertinence, mais ils permettaient effectivement de mieux comprendre la stratégie à long
terme de l'appelante et ainsi de donner un éclairage complet sur sa
conduite et sur les fautes alléguées contre elle.
Quant au reste des oppositions touchant les annexes au
rapport d'André Leblond (
P-107 A et B), nous sommes également
d'avis que c'est à bon droit que la juge de la Cour supérieure a
permis leur dépôt en preuve.
En conséquence, ce moyen préliminaire doit être rejeté.
II. LES LIENS CONTRACTUELS ENTRE LES PARTIES
_____A. Le contexte factuel
Provigo et Supermarché A.R.G. inc. sont donc liées par un
ensemble de contrats produits sous les cotes P-1, P-2, P-3 et P-4
(
m.a., vol. 5, p. 988 à 1058; 1059 à 1148). Le premier de ces
contrats, qui vise le Supermarché St-Jacques et celui de
Cowansville, est intitulé «
Convention d'affiliation». Il donne le
droit à A.R.G., d'exploiter un supermarché sous la marque Provigo,
selon les normes établies par cette dernière, le premier demeurant
cependant un entrepreneur indépendant (art. 4, 16).
L'affilié, le Groupe Gagnon, outre le paiement de certaines redevances (art. 3) s'engage à une exploitation continue de
l'entreprise et à s'approvisionner auprès de Provigo pour au moins
90% des marchandises. Une série d'autres obligations accessoires
complètent le tableau: obligation de confidentialité de l'affilié
(art. 7); obligation de permettre l'accès des lieux à Provigo pour
fins d'inspection (art. 10); droit de premier refus et option
d'achat en faveur de Provigo en cas d'aliénation du commerce (art.
12); remise à Provigo des états financiers annuels (art. 13);
engagement de l'affilié de respecter les normes de publicité et de
promotion établies par Provigo (art. 14); concession par Provigo du
droit d'usage de ses marques (art. 19); obligation de bon entretien
et d'amélioration des lieux (art. 20) etc...
L'article 17 prévoit une double clause de non concurrence
en faveur de Provigo. La première vise la période de la durée de
la convention. L'affilié et l'intervenant (le Groupe Gagnon et les
Gagnon personnellement) s'engagent à ne pas exploiter directement
ou indirectement de commerces semblables dans un rayon de 3 milles.
La seconde touche la phase subséquente à l'expiration du contrat et
prévoit alors la cessation de l'utilisation de la bannière et du
nom de Provigo.
Le second contrat est une convention de sous-bail entre
Provigo et A.R.G., par laquelle Provigo loue à A.R.G. pour une
certaine somme et moyennant certaines modalités, l'immeuble du centre commercial.
Enfin, Provigo et Supermarché Frontenac inc. ont conclu,
comme il a déjà été mentionné, des sous-baux (Pièces P-5 et P-6,
m.a., vol. 5, p. 1149 à 1205; vol. 6, p. 1206 à 1287), touchant le
Supermarché Leclerc et le Supermarché Évangéline, et une autre
série de conventions (actes de fiducie) (Pièces P-102A et P-102B,
P-103A, P-103B et P-103C,
m.a., vol. 13, p. 3066 à 3116; vol. 14,
p. 3181 à 3340), signées avec Provigo et la caisse populaire,
assurant le financement des entreprises.
En somme, et en résumé, moyennant le paiement de certaines
redevances, Provigo fournit globalement au Groupe Gagnon sa marque,
ses signes de ralliement, son expertise et son expérience de la
mise en marché et de l'approvisionnement du commerce de
l'alimentation et son assistance technique. La chose est bien
résumée dans l'un des «Attendus» de la convention d'affiliation
(Pièce P-1,
m.a., vol. 5, p. 989) qui se lit ainsi:
ATTENDU que l'affilié est conscient des qualifications de gestionnaire et de la
compétence de Distribution et qu'il désire s'en prévaloir tant et aussi longtemps qu'il
exploitera un supermarché Provigo, qu'il sollicite de Distribution la supervision de
la gestion commerciale et technique et qu'il accepte et convient, tout en demeurant
un entrepreneur totalement indépendant, de se soumettre aux normes, directives et
instructions de Distribution;.....
(«Distribution» désigne ici Provigo Distribution inc.)
L'affilié acquiert le bénéfice du nom, un savoir-faire (donc une
expérience et une expertise en matière d'alimentation au détail),
l'accès à un réseau bien structuré d'approvisionnement et un
partenariat de supervision commerciale et technique, le tout propre
à maximiser ses profits et à minimiser ses pertes dans un marché
concurrentiel. En réalité, Provigo contrôle l'ensemble des
opérations du Groupe Gagnon (approvisionnement jusqu'à 90%; sites
des entreprises; financement, etc...) sauf, naturellement pour ce
qui est de la gestion interne. Les relations contractuelles des
parties se situent cependant, malgré cette domination, dans un
contexte de partenariat, même si le Groupe Gagnon reste
«indépendant» et assume donc certains risques de perte.
B. La qualification des contrats
Les conventions de bail et de sous-bail n'étant pas
directement en cause ici, point n'est besoin de les étudier en
détail. Par contre, les conventions d'affiliation pour les
supermarchés St-Jacques et Cowansville étant au centre du débat
judiciaire méritent qu'on s'y attarde davantage.
La juge de première instance a, à bon droit, qualifié le
contrat d'affiliation de contrat de franchise. Elle y a ajouté le
qualificatif de
sui generis en raison du fait que, dans le présent
dossier, l'achalandage appartient à l'affilié.
1> Le contrat de franchise
Nombreux sont les auteurs français récents
(6) et québécois
(7)
qui ont donné une définition du contrat de franchise. Parmi toutes
celles-ci, deux méritent d'être retenues.
Le
Vocabulaire Juridique Henri Capitant de Gérard CORNU
(8),
en donne la définition juridique suivante:
Contrat, également nommé contrat de franchise, en vertu duquel une personne
nommée franchiseur s'engage à communiquer un savoir-faire à une autre personne
nommée franchisé, à le faire jouir de sa marque et éventuellement à le fournir, le
franchisé s'engageant en retour à exploiter le savoir-faire, utiliser la marque et
éventuellement s'approvisionner auprès du franchiseur.
Une définition, de caractère plus technique, est celle de J.M. LELOUP,
La franchise, droit et pratique, à la page 26
(9): p. 26:
Contrat synallagmatique à exécution successive par lequel une entreprise dénommée
franchiseur, confère à une ou plusieurs autres entreprises dénommées franchisés le
droit d'utiliser, sous l'enseigne du franchiseur, à l'aide de ses signes de ralliement
de la clientèle et de son assistance continue, le système de gestion préalablement
expérimenté par le franchiseur et devant, grâce à l'avantage concurrentiel qu'il
procure, raisonnablement permettre à un franchisé diligent de faire des affaires
profitables.
On note donc que le contrat de franchise a, en règle
générale, les caractéristiques suivantes: c'est un contrat à titre
onéreux, synallagmatique, et d'exécution successive. C'est aussi,
parfois, un contrat d'adhésion, parce qu'il regroupe des clauses- types dont le contenu n'est pas ouvert à discussion. La convention
d'affiliation est, en outre, souvent conçue et rédigée par le
franchiseur et est à prendre ou à laisser
(10). Enfin, il s'agit d'un
contrat innomé et mixte qui participe, par certaines de ses
dispositions, à la fois aux contrats de société, de mandat, de
vente et de louage.
2> Les obligations en découlant
Nulle part dans les contrats mentionnés plus haut ne trouve-t-on une obligation explicite de la part du franchiseur, Provigo,
de s'abstenir de faire une concurrence directe ou indirecte à ses
franchisés pendant la durée du contrat. Nulle part, non plus, ne
trouve-t-on formellement exprimée une obligation de loyauté de la
part de l'appelante. Toutefois, les obligations découlant d'un
contrat ne sont évidemment pas limitées à celles expressément
prévues par les parties. Elles s'étendent aussi à celles qui en
découlent d'après la nature du contrat, l'équité, l'usage ou la
loi
(11).
C'est donc, à la violation de ces obligations implicites,
faisant partie du cercle contractuel élargi, représentatives du
contenu obligationnel du contrat, qu'il convient de se référer, en
l'absence de stipulation expresse, pour déterminer l'existence
d'une éventuelle responsabilité civile.
III. LES FONDEMENTS JURIDIQUES DE LA RESPONSABILITÉ
_____A. La responsabilité contractuelle
Comme la juge de première instance l'a très justement noté, il ne saurait être question, en l'espèce, de responsabilité
extracontractuelle. Même si l'on postule, pour les seules fins de
la discussion, l'existence d'une faute intentionnelle ou dolosive
de la part de l'appelante, ce caractère ne saurait transformer une
faute de nature contractuelle, puisque résultant de l'inexécution
d'obligations conventionnelles implicites, en faute
extracontractuelle. Ce serait confondre l'intentionnalité de la
faute avec le régime de la responsabilité et faire nécessairement
de toute faute intentionnelle, même en rapport avec l'exécution
d'un contrat, une faute délictuelle. Ce serait là une erreur de
droit manifeste.
La responsabilité de l'appelante ne peut donc être, en
l'occurrence, que de nature contractuelle. Cette qualification a
son importance principalement en ce qui concerne l'admissibilité et
les critères d'évaluation des dommages qui doivent être non
seulement directs, mais aussi prévisibles (Art. 1074 C.c.B.-C.;
art. 1613 C.c.).
B. Le devoir fiduciaire
L'éventuelle responsabilité de l'appelante ne saurait, en
second lieu, être fondée sur une prétendue obligation fiduciaire
(«fiduciary relationship») de la common law. Pour intéressante que
puisse être cette théorie de la common law analysée par la Cour suprême
(12), elle n'a, comme dans bien d'autres domaines
(13), aucune
pertinence en droit civil. Il faut donc savoir gré à la juge de la
Cour supérieure de l'avoir résolument écartée au profit de
l'obligation de bonne foi et de loyauté du droit civil dans
l'exécution des engagements
(14).
C. L'obligation de bonne foi
Le Code civil, à l'article 1376 C.c., codifie une règle
jurisprudentielle acquise sous le régime du Code civil du Bas- Canada: tout contrat doit être non seulement négocié
(15),
éventuellement éteint, mais encore exécuté de bonne foi
(16). La bonne
foi (art. 6 C.c.) est d'ailleurs à la base même de ce que l'on a
intitulé la nouvelle moralité contractuelle
(17).
L'une des manifestations de l'omniprésence de la bonne foi
en matière contractuelle est d'ailleurs la consécration générale
par le Code civil aux articles 6 et 7, de la doctrine civiliste de
l'abus de droit.
Il n'est cependant ni nécessaire, ni surtout utile de se
référer à cette doctrine dans le présent dossier. Il y a faute
civile, en effet, dès qu'il y existe un manquement prouvé à une
obligation contractuelle, que celle-ci ait été explicitement prévue
par les parties à l'acte, ou qu'elle puisse être qualifiée
d'obligation implicite résultant de la nature du contrat ou de
l'équité. Le seul fait qu'il y ait manquement à une obligation
implicite n'autorise donc pas, en droit, de caractériser celui-ci
comme un abus de droit. M. le juge Chouinard, de notre Cour, a
bien noté ce fait dans
Salsberg Inc. c.
Dylex Ltd.(18). Toute
transgression d'une obligation contractuelle implicite ne doit donc
pas nécessairement être qualifiée d'abus de droit, sous peine de
voir de l'abus de droit partout et de désigner ainsi toute forme
d'inexécution contractuelle.
Si donc c'est par rapport à la notion de bonne foi du droit
civil et à l'intérieur du cercle des obligations contractuelles
implicites, qu'il faut rechercher l'existence d'une faute. Quelle peut donc être celle-ci?
IV. LA FAUTE
Le jugement de première instance base la faute de
l'appelante sur l'existence d'un manque de loyauté dans la
concurrence exercée. Il lui reproche plus particulièrement quatre
manquements soit:
1] Le fait que l'appelante ait forcé les intimées à maintenir des prix élevés, vu leur obligation
de s'approvisionner à 90% chez elle, alors que cette dernière livrait bataille aux magasins
d'escompte.
2] Le fait que l'appelante ait radicalement changé sa stratégie commerciale en passant d'une
vocation de grossiste à celle de détaillant et du marché général au marché d'escompte.
3] Le fait que l'appelante ait refusé aux intimées certains outils de marketing qui leur auraient
permis de lutter plus efficacement contre les concurrents.
4] Le fait que l'appelante ait mené contre le magasin Évangéline, lors de sa réouverture, une
campagne de publicité agressive en faveur de son magasin d'escompte Héritage de Granby.
Ces constatations sur la concurrence déloyale doivent être
nuancées. Tout d'abord, rappelons-le, aucune clause spécifique
dans le contrat liant les parties ne prévoit expressément
l'impossibilité pour l'appelante de prendre de telles initiatives.
En outre, le magasin Héritage, sous sa forme corporative, existait
déjà lors de la signature de ses conventions, s'adressait à la
commande centrale et possédait alors toutes les caractéristiques d'un marché d'escompte. Ensuite, il est particulièrement important
de tenir compte du contexte factuel précis du dossier. Le marché
de détail de l'alimentation est hautement compétitif. Les grandes
chaînes d'alimentation, comme le démontre de façon éloquente le
présent dossier, sont en compétition féroce pour les faveurs d'un
public dont la composition reste relativement stable. Il leur faut
donc trouver des techniques nouvelles de mise en marché et de vente
(couponnage, «Everyday Low Price», «Everyday Fair Price Policy»,
etc...) permettant d'assurer d'une part une fidélisation de la
clientèle et, d'autre part, d'attirer l'achalandage de la
concurrence.
Aussi, il paraît difficile de poser comme règle générale
qu'un franchiseur ne puisse jamais, et d'aucune manière, exercer
une activité ayant pour effet de concurrencer ses franchisés dans
un marché en perpétuelle évolution et où l'adaptation constante des
techniques commerciales aux fluctuations du marché et aux goûts du
public sont, pour lui, une question de vie ou de mort économique.
Ainsi, on ne saurait, dans le présent dossier, exiger de Provigo
qu'il refuse systématiquement de contrer la concurrence des
compétiteurs d'Héritage, uniquement parce que ce combat risque de
causer aussi un certain préjudice à son franchisé. Ce serait le
tenir à l'impossible et le condamner à mort. La faute ne saurait
donc nécessairement et de façon absolue se situer dans l'exercice
à l'endroit de la concurrence, d'une pratique ou d'une restructuration des méthodes de mise en marché, à condition,
toutefois, que celles-ci soient faites de bonne foi, ne soient pas
dirigées contre son franchisé et n'aient pas pour conséquence de
vider ainsi la franchise de ses avantages. Il en serait autrement
si, dans le but d'éliminer ses franchisés, le franchiseur se
permettait de leur faire une concurrence directe. Dès, en effet,
que le franchiseur signe avec le franchisé un contrat
d'affiliation, il s'engage avec lui dans un processus de
partenariat et limite évidemment son droit de libre concurrence à
son égard.
En l'espèce, l'appelante a choisi, comme le montre
clairement la preuve au dossier, de changer sa stratégie de gestion
et d'exploitation, face à la maturité du marché et à la croissance
du secteur de l'escompte, notamment par la généralisation de ce
type de magasins. On ne saurait caractériser ce seul fait, sans
nuance, comme constitutif d'une faute civile.
Toutefois, l'une des obligations fondamentales du
franchiseur à l'endroit du franchisé est celle d'assistance
technique et commerciale, comprise dans cette perspective de
partenariat, donc de collaboration. Le franchiseur possède, en
effet, le savoir-faire et l'expertise dans le secteur commercial
particulier où il oeuvre et c'est en partie ce qu'il vend à son
franchisé. Ce faisant, il doit, bien évidemment et d'ailleurs dans son propre intérêt, suivre l'évolution du marché et adapter ses
méthodes et ses techniques aux nouvelles réalités. Il doit
cependant aussi, en raison de l'obligation de bonne foi et de
loyauté qu'il assume à l'égard de son franchisé, faire bénéficier
celui-ci de son assistance technique, de sa collaboration donc de
ses nouveaux outils ou, au moins, trouver d'autres moyens de
maintenir la pertinence du contrat qui le lie pour que les
considérations motivant l'affiliation ne soient pas rendues
caduques ou inopérantes.
Comme l'écrit Christine Matray dans Le contrat de
franchise(19):
Le franchiseur ne peut se contenter d'une part de céder son savoir-faire et l'usage
des signes distinctifs de ralliement de la clientèle et, d'autre part, de lancer le
franchisé dans la vie commerciale. Il doit, en outre, lui fournir, pendant toute la
durée du contrat, une assistance commerciale et technique continue qui est également
une modalité du devoir de collaboration.
............................................................
Le franchiseur doit, en effet, maintenir l'ensemble du réseau à un haut niveau de
performance ce qui suppose, dans certains secteurs, une grande souplesse
d'adaptation aux nécessités du marché.
La lecture des témoignages et de l'ensemble de la preuve
révèle que cette obligation d'assistance technique et de collaboration n'a pas été remplie par l'appelante. Celle-ci s'est
adressée à la concurrence des magasins d'escompte, comme si son
franchisé n'existait pas, en développant davantage ses propres
magasins (ce qui en soi peut être légitime), mais, et c'est là où
le bât blesse, en négligeant de minimiser l'impact que cette
stratégie pouvait avoir sur son franchisé et surtout en ne lui
fournissant pas les outils nécessaires pour lui-même y faire face.
Il n'est pas du ressort de notre Cour de dire ce qu'un
franchiseur de bonne foi, prudent et diligent, aurait pu ou dû
faire. Diverses suggestions ont cependant été proposées, soit par
les intimées, soit par les témoins-experts(20), et se trouvent au
dossier, notamment: l'accès aux livraisons directes; l'instauration
immédiate d'une nouvelle politique de prix («Every Day Low Price»);
les modifications du contrat et des ententes; l'offre d'une
participation dans les magasins à escompte; le rachat des affiliés;
l'offre d'une compensation; les restrictions à la publicité des
magasins à escompte; le couponnage; la reconsidération de la
segmentation des marchés; etc...
On constate cependant, d'après la preuve au dossier, que les
intimées, forcées de s'approvisionner à 90% chez l'appelante, ont
ainsi été obligées, afin de conserver une marge de profit acceptable, de souvent maintenir des prix élevés.
L'appelante, liée par une obligation de bonne foi et de
loyauté à l'endroit des intimées, avait le devoir devant ce nouveau
tournant de travailler de concert avec son franchisé, de lui
fournir les outils nécessaires, sinon pour empêcher qu'un préjudice
économique ne lui soit causé, du moins pour en minimiser l'impact.
Entre, d'une part, l'inaction totale et le maintien d'un statu quo
qui risquaient de lui coûter sa place de marché et, d'autre part,
l'exercice de son droit de libre concurrence vis-à-vis des tiers,
il existe une marge. L'appelante ne pouvait négliger ses
franchisés et récupérer le segment vulnérable de la commande
centrale par une activité exercée par son propre magasin Héritage.
Elle devait, de concert avec eux, mettre sur pied une réplique
commerciale adéquate qui permettait à ces derniers de minimiser
leurs pertes et de se repositionner dans un marché en évolution.
C'est donc là où réside essentiellement la faute de
l'appelante: le défaut de remplir adéquatement son obligation de
collaboration et d'assistance technique, qui se traduit par un
manque de loyauté, en omettant de fournir à son cocontractant les
outils nécessaires pour résister commercialement à la concurrence,
à partir du moment où elle a décidé de poursuivre avec vigueur, en 1990, la segmentation de la commande centrale(21).
V. LE LIEN DE CAUSALITÉ
_____A. Le contexte factuel
La seconde condition nécessaire à l'existence d'une
responsabilité contractuelle est la présence d'un lien de
causalité. L'appelante plaide que, dans les circonstances de
l'espèce, celui-ci n'existe pas; elle soutient que, depuis son
affiliation, le Groupe Gagnon a signé d'autres contrats et n'a
jamais exigé de garantie contractuelle de non-concurrence. Elle en
tire l'argument qu'il acceptait ainsi ce concurrent direct.
Comme nous l'avons déjà noté, Provigo a transformé son
magasin AVA en épicerie à escompte (1982). Dès cette époque, ce
supermarché a bénéficié de la formule de marketing "Low Price"
alors que ceux du Groupe Gagnon utilisaient la technique du "High- Low". Malgré ce fait, le Groupe Gagnon n'a jamais exigé d'inscrire
dans ses contrats une interdiction de la concurrence d'Héritage.
Les intimées savaient donc qu'elles auraient, comme par le passé,
à combattre Héritage au même titre que d'autres concurrents. En
outre, en hommes d'affaires avisés et aguerris, les administrateurs du Groupe Gagnon ne pouvaient ignorer que cette concurrence pouvait
être sujette à des changements plus ou moins radicaux pour
s'ajuster aux goûts et aux besoins changeants de la clientèle.
Enfin, à moins d'une augmentation de la population, le
marché d'alimentation à l'intérieur d'une aire géographique donnée
peut atteindre une limite. Or, la région de Granby a connu une
certaine croissance démographique quoique faible, puisque, de
l'avis de l'expert des intimées, André Leblond, ce marché était à
maturité, sauf une augmentation de 2% à 2,5% de 1988 à 1993(22). Par
ailleurs, il est admis qu'à la fin des années 1980 et au début des
années 1990, le segment dit «à escompte» avait pris de l'ampleur
dans l'ensemble de la province(23). Le Groupe Gagnon pouvait donc
compter sur une certaine progression du volume de ses ventes à
cause de l'augmentation de la population. Toutefois, la chose ne
pouvait manquer de susciter aussi la convoitise de ses concurrents.
C'est d'ailleurs ce qui s'est produit à compter de 1990 lorsque de
nouveaux joueurs sont arrivés dans le décor.
En somme, une plus grande robustesse de la concurrence et
un plus fort dynamisme d'Héritage étaient deux facteurs prévisibles
pour le Groupe Gagnon qui ne jouissait, encore une fois, au regard de ce dernier compétiteur, d'aucune protection contractuelle
expresse.
Cette constatation ne dispose toutefois pas du litige comme
le prétend l'appelante. En effet, celle-ci, liée par contrat au
Groupe Gagnon, gardait l'obligation préalablement analysée de
fournir à ses affiliés les meilleurs services techniques et
notamment les meilleurs outils de marketing. Or, à Granby, Provigo
n'a manifestement pas rempli ce devoir mais, au contraire, a
utilisé son expertise uniquement pour améliorer la position
concurrentielle de son propre magasin Héritage. Elle a lancé, dans
cette ville, une offensive qui, en toute logique, a entraîné une
contre-offensive de tous les concurrents, y compris du Groupe
Gagnon. Celui-ci ne pouvait cependant pas utiliser les meilleures
armes disponibles, parce que l'appelante les lui refusait en s'en
réservant l'exclusivité. En somme, Provigo, en gênant l'action
d'un compétiteur important de son propre établissement, qui, par
ailleurs, était son propre partenaire, améliorait la position de
son propre magasin. Ainsi, Provigo a violé ses obligations
contractuelles, comme il est largement démontré plus haut.
Cette faute est-elle cependant la cause de la perte des
profits raisonnablement anticipés par les intimées? Pour répondre
à cette question, il est indispensable de déterminer si les
agissements de Provigo ont entraîné une baisse du volume des ventes des magasins du Groupe Gagnon et, si oui, dans quelle proportion.
Il convient donc d'évaluer de manière plus précise l'impact de la
faute sur chaque magasin.
B. Le magasin de Cowansville
Les experts s'entendent pour affirmer qu'un supermarché
d'alimentation a une influence géographique limitée et qu'à
l'intérieur de la zone qui lui est reconnue, son degré de
pénétration du marché diminue graduellement avec l'éloignement de
ses clients. Il est d'ailleurs possible de mesurer précisément le
niveau des ventes des zones primaire, secondaire et tertiaire d'une
épicerie. Toutefois, cette part de marché peut être augmentée par
une amélioration de la superficie des magasins, de la variété, de
la quantité et de la qualité de ses services, de l'accessibilité de
son stationnement, mesures visant toutes à étendre son pouvoir
d'attraction et de rétention de la clientèle(24). Cette augmentation
cependant ne peut se faire qu'à l'intérieur d'un certain rayon
maximal, au-delà duquel l'effet reste insignifiant.
Le rôle joué par l'appelante pour améliorer la situation
compétitive d'Héritage à Granby pouvait-il, eu égard à cette donnée, affecter le supermarché de Cowansville? En d'autres
termes, la perte de volume des ventes de ce dernier et la
diminution de ses profits sont-elles attribuables à une faute
commise à Granby?
La réponse à cette question tient essentiellement dans la
détermination de l'étendue de l'influence des magasins
d'alimentation de Granby.
Les documents utilisés par l'expert Leblond révèlent
l'existence de trois zones autour de Granby. La dernière, la plus
éloignée, dite «zone économique», inclut la ville de Cowansville.
Toutes les études de marché au soutien du rapport Leblond montrent
qu'aucun des magasins d'alimentation de Granby ne pénètre cette
zone économique et, au premier chef, la ville même de Cowansville.
Plus encore, Cowansville est qualifiée de marché autonome(25). Sauf
l'expert Parent, tous les autres experts traitent séparément Granby
et Cowansville. Michel Zins parle de la situation «marginale» de
Cowansville(26) et André Leblond ne consacre que ces quelques lignes, dans un rapport de 47 pages, à la situation du supermarché de
Cowansville:
Le supermarché Provigo-Gagnon de Cowansville a toujours été en progression depuis
son acquisition par les Gagnon, passant d'un volume de ventes inférieur à 9 000 000
$ à un climax de plus de 16 000 000 $ en 1990.
La baisse se fait sentir à partir de 1991, soit au moment où Héritage Granby montre
les dents et commence sa distribution de circulaires dans cette région.(27)
Il sera d'ailleurs plus explicite au procès:
R. Bien, écoutez, l'adjonction de Cowansville avec Granby, là, je pense qu'on
a deux (2) discussions différentes.
Moi, j'ai pris la région immédiate de Granby, à partir des études de
Provigo que je vous ai signifiées, hier, de quatre-vingt-neuf ('89), qui
donnaient un marché séparé et qui avaient Cowansville dans un marché
séparé. Alors qu'en quatre-vingt-sept ('87), ces deux (2) marchés-là étaient
réunis ensemble. Pour les fins de mon expertise, je me suis limité à
Granby, avec les statistiques de Granby.(28)
(Soulignements ajoutés.)
Certes, Parent a inclus les magasins de Cowansville dans son
calcul des dommages et pour lui, les marchés de Granby et
Cowansville doivent être confondus et n'en former qu'un seul.
C'est pourquoi son étude définit la part de marché de chaque
magasin à partir du volume total des ventes faites dans les
régions. Il ne donne toutefois aucune explication de cette amalgamation. Comme Parent s'en est entièrement remis au rapport
de Leblond pour les études de marketing, on doit conclure qu'aucune
preuve ne relie véritablement le supermarché de Cowansville au
magasin Héritage, propriété de l'appelante à Granby.
On pourrait argumenter que, faute d'outils suffisants, le
magasin de Cowansville n'a pas performé comme il aurait pu le faire
dans son propre secteur. Cette prétention n'est cependant pas
soutenue par la preuve. Au surplus, sauf en 1991 où il a connu une
perte de 37 000 $ (en dépit d'honoraires de gestion de 197 000 $
versés à ses dirigeants), ce magasin a toujours été profitable
durant la période de 1989 à 1993 inclusivement(29). L'importance très
relative du taux de profits nets peut trouver une explication dans
le montant payé en frais de gestion, représentant 771 625 $(30). Il
faut aussi ajouter une baisse générale des profits qui s'amorce en
1987. En effet, au cours des trois dernières années de la période
de référence, Cowansville, en dépit d'une augmentation régulière de
ses ventes, a vu ses profits nets suivre une courbe différente,
passant de 2.16% en 1987 à 2.58% en 1988 et à 1.78% en 1989(31).
En résumé, la preuve au dossier n'établit pas que le magasin
Héritage ait eu une influence sur l'évolution du marché alimentaire
du secteur de Cowansville généralement et sur le supermarché du
Groupe Gagnon en particulier. Le lien de causalité entre la faute
de Provigo à Granby et la réduction des profits du magasin de
Cowansville n'a donc pas été démontré. Par conséquent, la
réclamation faite au nom de ce magasin n'est pas fondée et doit
être rejetée.
C. Les magasins de Granby
La situation des supermarchés de Granby est différente. La
campagne agressive qu'Héritage y a menée ciblait une augmentation
de la part du marché aux dépens des compétiteurs dont le Groupe
Gagnon qui, rappelons-le, fut privé du système de circulaires, de
couponnage compétitif et de la structure de prix E.D.L.P. («Every
Day Low Price») de 1990 à la fin d'avril 1993(32).
Pour les experts de Provigo, cette initiative n'a eu aucune
conséquence et n'a causé aucun dommage. Cette prétention n'est pas
crédible, comme le constate d'ailleurs très justement la juge de
première instance. L'appelante a, en effet, lancé une offensive en faveur de son magasin Héritage tout en laissant le Groupe Gagnon
faire face à celle-ci et à la réponse des autres concurrents, sans
lui apporter le soutien auquel elle était en droit de s'attendre.
Il s'en est suivi des pertes de volume de ventes qui se sont
répercutées dans les résultats financiers. À ce propos, les
témoignages des experts, Leblond et Zins, sont convaincants. La
Cour supérieure a, d'une part, noté que le Groupe Gagnon avait
historiquement (du moins depuis 1985, puisque aucun document ne
permet de décrire la période antérieure) fait des profits et,
d'autre part, constaté que la baisse du volume des ventes et les
pertes d'opérations coïncidaient étroitement avec la violation, par
l'appelante, de ses obligations contractuelles.
Dès lors, le lien de causalité découle raisonnablement de
ces deux constats. La situation, en l'espèce, est une bonne
illustration des propos de madame le juge L'Heureux-Dubé dans
Roberge c. Bolduc(33):
Dans la plupart des relations contractuelles, la question de la causalité fait rarement
surface. Si l'on peut démontrer que l'une des parties n'a pas exécuté une obligation
contractuelle et qu'un dommage en a résulté, il est habituellement évident que c'est
la partie contractante qui a "causé" le dommage.
D. Conclusions
Le lien de causalité est donc bien établi, selon la preuve
au dossier, pour les établissements situés à Granby, mais non pas
pour celui de Cowansville.
Reste cependant une dernière question qui sera toutefois
abordée lors de la discussion sur les dommages: les pertes subies
par les supermarchés Évangéline, Leclerc et St-Jacques sont-elles
toutes attribuables à la faute de l'appelante ou peuvent-elles
avoir aussi été causées par d'autres facteurs?
VI. LES DOMMAGES
_____A. La réclamation
Les intimées ont réclamé, suivant le jugement dont appel(34),
pour les années 1990-1993 des pertes de gains de 7 311 909 $
(4 314 026 $ pour Supermarché Frontenac, les magasins Évangéline et
Leclerc, et 2 997 883 $ pour Supermarché A.R.G., les épiceries St- Jacques et Cowansville). À défaut d'ordonnances d'injonction
permanente, elles ont recherché une indemnité totale de
19 078 42l $(35) pour couvrir à la fois le passé et l'avenir. En outre, elles ont demandé que l'appelante soit condamnée à
1 000 000 $ à titre de dommages punitifs (500 000 $ pour chaque
demanderesse), ainsi que l'émission d'une ordonnance d'injonction
permanente.
Cette réclamation s'appuie essentiellement sur une étude,
un rapport et le témoignage du comptable Louis Parent qui, après
avoir examiné l'évolution des ventes des magasins du Groupe Gagnon
au cours des années 1985 à 1989, a préparé des états pro forma dans
lesquels il projette, pour la période 1990-1993, la croissance
réajustée de celle connue au cours des années de référence.
Analysant donc la situation de chaque magasin, il établit la perte
passée et, en actualisant les revenus de la dernière année, évalue
le capital permettant d'indemniser la perte future.
B. Le jugement de la Cour supérieure
La juge du procès a fait sien le rapport Parent sauf sous
trois aspects:
1] Elle a d'abord limité les dommages à la période s'étendant
du début de 1990 au 30 juin 1993, au motif que la
déclaration des demanderesses les arrêtait à cette date et
que «le Groupe Gagnon (avait) choisi de ne pas réamender sa déclaration pour la mettre à jour, lors de l'audition»(36);
2] Elle a ensuite rejeté la demande d'actualisation des pertes
passées. Elle en dispose en ces termes:
Les pertes passées ont été capitalisées par l'expert Parent et de l'avis du
Tribunal il n'aurait pas dû le faire. Lorsque les contrats sont silencieux
quant aux intérêts que doit payer un débiteur pour un défaut à une
obligation, la loi y supplée au moyen de l'intérêt légal et de l'article 1078.1
C.c.B.-C.(37)
et plus loin:
Toutefois, tel que déjà mentionné, les pertes passées ne peuvent être capitalisées.(38)
3] Elle a enfin réduit les montants non capitalisés des pertes
calculées par Parent et Boisjoli d'une somme égale à 10%
au motif que «l'évaluation [...] ne tient pas compte
d'impondérables commerciaux et des aléas que comporte tout
commerce»(39).
Pour le reste:
1] Elle a rejeté la demande d'indemnisation du dommage futur,
principalement en raison de l'impossibilité de s'appuyer
sur une base offrant des garanties suffisantes et de
l'aspect purement conjectural et hypothétique des prémisses
lui servant de fondement. Plus précisément, elle note,
d'une part, que les contrats n'offrent «aucune garantie de
rendement»(40) et, d'autre part, que le marché est en
constante mutation(41), ce qui rend les prévisions à long
terme hautement spéculatives; enfin elle souligne que,
depuis les 23 et 26 avril 1993, Provigo a «modifié ses
méthodes de distribution ainsi que le positionnement de la
bannière Provigo»(42) et qu'il est trop tôt pour mesurer les
effets de ces deux changements(43).
Elle conclut donc généralement sur ce point:
Dans cette optique, le Tribunal n'est pas convaincu, selon le test mis de l'avant par
la Cour suprême dans l'arrêt Laferrière c. Lawson, que le groupe Gagnon
continuera, dans l'avenir, à subir des dommages comme conséquence des actes reprochés. Le Tribunal est d'avis que compte tenu de la preuve faite par Provigo
et compte tenu du fait que le groupe Gagnon n'a pas réamendé sa déclaration, ni
apporté de preuve relativement à des faits nouveaux, il faut plutôt réserver ses droits
pour une éventuelle réclamation en dommages contre Provigo si, malgré les
changements apportés par cette dernière depuis avril 1993, elle continue à abuser de
ses droits ou à agir de mauvaise foi.(44)
2] Comme nous l'avons déjà noté, elle n'a pas fait droit à la
demande d'ordonnance en injonction qui se lisait ainsi:
1o ORDONNER à la défenderesse d'ajuster les prix vendants des quatre magasins
des demanderesses au prix de vente net payé par le consommateur à ses magasins
Héritage, notamment celui de Granby, tout en approvisionnant les demanderesses à
un coût tel, leur permettant de conserver une marge bénéficiaire brute de 20.5%;
OU
2o ORDONNER à la défenderesse d'approvisionner les quatre (4)
supermarchés exploités par les demanderesses auprès du groupe Provigo ou
auprès des fournisseurs autorisés par le groupe Provigo ou Provigo
Distribution inc., de tous les produits et marchandises dont les
demanderesses auront besoin pour fins de vente ou autrement dans
l'exploitation de leurs commerces, au choix des demanderesses, et ce au
moindre des deux (2) coûts suivants:
(1) le prix coûtant net des marchandises indiqué au prix-bottin de Provigo
pour les supermarchés Provigo;
ou
(2) au prix de vente au détail déterminé par la défenderesse pour son
magasin Héritage de Granby, soit le prix net payé par le consommateur à
ce magasin moins 20.5%;
OU
3o ORDONNER à la défenderesse de fermer son magasin Héritage de Granby, et
ce tant et aussi longtemps que les demanderesses n'auront pas récupéré le volume de ventes par pi2 qui était leur en 1989, extrapolé pour le 1er novembre 1992, selon le
tableau ci-dessous, tout en continuant d'approvisionner les demanderesses, en leur
permettant de conserver une marge bénéficiaire brute de 20.5%:
MAGASINS_____________1989______1992
Évangéline 18,02 $ 20,74 $
Boul. Leclerc 11,61 $ 13,36 $
Cowansville 15,94 $ 18,34 $
St-Jacques 12,88 $ 14,82 $(45)
À son avis, ces requêtes étaient «vagues et imprécises» et
donc difficilement susceptibles d'exécution et
«dépas(saient) largement les obligations expresses et
implicites contenues à l'ensemble contractuel qui lie les
parties».(46)
3] Tout en semblant reconnaître implicitement l'application de
l'article
6
de la Charte québécoise des droits et libertés
de la personne à l'espèce, elle a refusé d'accorder les
dommages exemplaires recherchés. «Le Groupe Gagnon, écrit- elle, n'a pas démontré une atteinte illicite au sens de la
Charte, puisqu'à certaines conditions, il n'était pas
illicite pour Provigo de lui faire compétition.»(47)
En résumé donc, la juge de la Cour supérieure a d'une part
réservé les droits des intimées quant aux dommages futurs, a,
d'autre part, accepté intégralement la méthodologie, les prémisses
et les conclusions du rapport Parent, sauf pour une réduction de
10%, et a, enfin, écarté toutes les autres conclusions recherchées.
C. L'évaluation du préjudice
L'expertise de Louis Parent se trouve donc au coeur même du
débat. L'appelante n'a, en effet, pas jugé utile de proposer une
autre méthode d'évaluation du préjudice. Elle s'est simplement
contentée de plaider l'absence de faute et de lien de causalité et,
quant au préjudice, de dénoncer et critiquer le rapport Parent.
Cette stratégie ne donne donc d'autre choix à la Cour que celui
d'analyser la seule preuve positive disponible.
De l'avis de la Cour, si la technique utilisée par Louis
Parent est fort acceptable, son étude présente néanmoins certaines
faiblesses importantes qui empêchent, contrairement à ce qu'a fait
la Cour supérieure, d'endosser pleinement toutes ses conclusions.
1> La preuve d'expertise (Rapport Parent)
__________a) La méthodologie du rapport
Pour bien comprendre l'analyse du rapport Parent qui
suivra, il convient d'en exposer succinctement la méthodologie et
surtout la structure. Louis Parent voulait démontrer que le Groupe
Gagnon aurait normalement dû afficher des profits et non des pertes
pour les années 1990 à 1993 et pour l'avenir. À cette fin, il lui
fallait donc préparer des bilans financiers pro forma, aussi
appelés «scénarios», qui sont en fait des projections de ce qui
aurait normalement dû arriver n'eut été de la faute de l'appelante,
pour ensuite en comparer les résultats à ce qui, en fait, s'est
effectivement produit. Il a estimé qu'il devait tenir compte, à
cet égard, de trois facteurs principaux soit, premièrement, des
magasins visés, deuxièmement, du niveau des ventes ou des revenus
générés pour chacun d'eux et, enfin, des coûts ou dépenses d'entre
prise.
Voici comment il les a traités.
i) Les magasins visés
Selon Parent, il découle du rapport d'André Leblond que
tous les magasins du Groupe Gagnon ont été affectés de la même
façon. La nécessaire conclusion de cette affirmation est que
l'influence des épiceries de Granby se serait donc fait sentir à
Cowansville ou, à tout le moins, le magasin Héritage aurait pénétré
suffisamment le marché de Cowansville pour l'affecter de la même manière et aussi intensément que ceux de Granby. Deux conséquences
se dégagent de ce postulat soit, premièrement, la nécessité de
préparer, pour le supermarché de Cowansville, un bilan pro forma
suivant les mêmes paramètres que ceux utilisés pour les magasins de
Granby et, deuxièmement, l'obligation de baser l'étude sur
l'addition des marchés des deux villes.
C'est donc ce que Louis Parent a fait.
ii) La recherche des revenus
Il lui fallait ensuite établir les revenus qu'aurait
normalement dû encaisser le Groupe Gagnon et donc d'abord évaluer
ses ventes. Parent a donc, dans un premier temps, établi le taux
de croissance de chaque magasin du Groupe Gagnon durant la période
de référence (1985-1989), puis, dans un second temps, l'a projeté
sur les années 1990-1993 en le réduisant cependant de la part de
marché réellement accaparée par deux concurrents implantés dans la
zone de Granby après 1990 et qu'il a appelés les «nouveaux
entrants». Enfin, il a posé le postulat que l'ensemble du marché
de Cowansville et de Granby aurait dû, en l'absence de faute de
Provigo, se comporter ainsi: Héritage aurait maintenu sa part de
marché constante à 12.2% et les «nouveaux entrants» se seraient
adjugés la part de marché qu'ils ont en fait monopolisée, soit:
2% du marché en 1990; 6.5% du marché en 1991; 6.6% du marché en 1992 et 6.4% du marché en 1993.
Cette première conclusion lui a permis de chiffrer les
ventes totales de chaque magasin (sauf pour le marché St-Jacques
pour lequel une autre technique a été utilisée), en appliquant au
marché alimentaire total de Cowansville et de Granby la part que
chaque magasin Gagnon aurait dû connaître si la croissance de 1985- 1989 (corrigée pour tenir compte des magasins nouvellement
implantés) s'était poursuivie.
Ces calculs l'ont donc amené à conclure que le Groupe Gagnon
aurait dû passer d'un volume de ventes égal à 26.4% d'un marché
initial de 164 311 965 $ (ou environ 43 400 000 $), à 31.7% d'une
assiette globale de 200 814 285 $ (ou environ 63 700 000 $) en
quatre ans.
Le marché St-Jacques présentait une situation particulière
en raison d'un conflit de travail qui l'a paralysé pendant 23 mois.
Aussi, Parent a choisi une autre méthode d'évaluation. Il a
postulé que ce magasin aurait réalisé en 1993, trois ans après la
fin de la grève, un chiffre de ventes égal à celui de l'année
précédant l'arrêt de travail. Il a donc fait graduellement
progresser les ventes hebdomadaires de zéro en 1989 à 120 000 $ en
1990, puis à 140 000 $ en 1991, à 159 000 $ en 1992 et finalement à 185 000 $ en 1993, niveau de 1988(48).
Les ventes totales de chaque magasin étant ainsi
déterminées, leur répartition entre les diverses catégories de
produits (épicerie, viandes, fruits et légumes, boulangerie et
vrac), ainsi que le coût et le bénéfice de chacune d'elles furent
calculés à partir des résultats réellement obtenus par chaque
établissement au cours des années de projection. Ces opérations
ont permis à Parent de dégager un profit brut, premier élément
majeur de son calcul.
iii) La recherche des coûts
Enfin, Parent devait bien évidemment tenir compte des coûts
engagés pour générer ces revenus. Il a alors utilisé les dépenses
effectivement encourues par les différents établissements au cours
des années 1990, 1991, 1992 et 1993, en excluant les salaires, les
avantages sociaux et les emballages. Il chiffre ces derniers en
utilisant un pourcentage du coût par rapport aux ventes totales et
en l'appliquant aux ventes additionnelles que ses pro forma
montrent. Quant aux salaires et avantages sociaux, il a appliqué
les normes existantes en les redressant car, à son avis, il fallait tenir compte d'une amélioration de la productivité de 3% à 4%(49).
iv) Le résultat
Ces éléments une fois déterminés, la confection des bilans
pro forma devenait une opération relativement simple. Ceux-ci
montrent globalement pour les années 1990 à 1993 que le Groupe
Gagnon aurait dû réaliser des profits de 4 028 266 $, alors qu'il
a connu une perte de 1 134 446 $.
Le préjudice pour cette période se chiffre donc à
5 162 712 $(50).
Toutefois, de l'avis de Parent, il était essentiel
d'actualiser les pertes futures et celles subies depuis 1990.
Projetant donc les résultats de 1993 et les capitalisant, il
conclut à l'existence d'un dommage total de 19 078 421 $(51), ce qui
constitue, suivant ses propres mots ...«le véritable transfert de
richesse des actionnaires du Groupe Provigo-Gagnon envers les actionnaires d'Univa(52), résultant des pratiques commerciales
d'Univa»(53).
b) L'analyse du rapport
L'étude de Parent fut vigoureusement contestée par
l'appelante. Si elle présente certaines failles, sur lesquelles
nous reviendrons, il faut reconnaître que la technique qu'elle
utilise n'est pas nouvelle et est parfaitement acceptable sur le
plan méthodologique. Si, comme le prétend le proverbe, le passé
est garant de l'avenir, examiner le passé d'une entreprise pour
ensuite projeter ce qui probablement se serait produit, n'eût été
la survenance d'un ou de plusieurs événements est une méthode
connue et raisonnable d'évaluation du préjudice(54). Dans la mesure
où les assises de cette projection sont établies, fiables et
surtout, pertinentes et concluantes, que son usage ne remplace pas
l'examen détaillé de toutes les données susceptibles de
vérification et tient compte des impondérables, la reconstitution
«de ce qui aurait pu se produire si....» permet d'évaluer les
pertes ou les profits anticipés d'une entreprise. L'utilisation de
cette technique ne signifie pas, pour autant, que l'évaluation des dommages est nécessairement aléatoire. Il faut, en effet, distin
guer entre l'incertitude du dommage en elle-même et celle découlant
de la difficulté qu'il y a à le mesurer exactement en raison de la
nature du litige, de la réalité du débat ou de la complexité des
faits.
Certes donc, Louis Parent pouvait légitimement tirer
certaines conclusions à partir de la méthodologie qu'il a choisie.
Toutefois, certains de ses postulats et certaines de ses solutions
ne sont pas exempts de critiques, lesquelles ont pour effet d'en
atténuer la fiabilité et de justifier l'intervention de cette Cour
pour apporter au calcul du préjudice certains ajustements impor
tants.
i) L'inclusion du marché de Cowansville
Parent a, à tort comme il a été démontré précédemment, tenu
pour acquis que les marchés de Granby et Cowansville ne
constituaient qu'un seul et même ensemble et a donc basé ses
calculs sur ce postulat. Sa projection postule donc que tous les
magasins d'alimentation de Granby ont subi la concurrence de celui
de Cowansville et inversement. Or, cette constatation n'a jamais
même été envisagée par l'expert Leblond dont les conclusions ont
servi de base au rapport de Parent.
La mesure exacte de l'influence de l'utilisation erronée de
cette donnée de base sur les résultats reste inconnue. Aucun
expert n'a, en effet, fait l'exercice de reprendre ces calculs. Il
est cependant certain que ceux-ci tenaient nommément compte de
l'influence de l'épicerie de Cowansville dans la redistribution des
parts de marché des nouveaux entrants à Granby.
L'examen des tableaux de Leblond, limités à la seule ville
de Granby, révèle d'ailleurs l'existence d'une situation
sensiblement plus complexe que celle que laisse transparaître le
rapport Parent(55).
Le rapport Parent utilise donc un postulat qui, au mieux,
est sans pertinence et qui a, vraisemblablement, faussé sa
démonstration. La valeur de l'étude s'en trouve affaiblie et
l'évaluation du préjudice doit donc, en conséquence, être révisée.
Cet aspect du rapport Parent n'est pas abordé par le jugement
entrepris, car la juge n'a pas vraiment discuté du lien causal dans
le cas du magasin de Cowansville.
ii) L'impact de la concurrence
Parent a divisé les différents concurrents oeuvrant dans le marché global Granby-Cowansville en quatre groupes(56):
- le groupe des supermarchés Gagnon qui sont traités
séparément et en groupe;
- le magasin Héritage;
- le groupe des «nouveaux entrants» qui inclut I.G.A.
Granby et Steinberg Bromont, mais laisse de côté
Jardins du Mont(57);
- «les autres». Sous ce terme, se trouve regroupé
l'ensemble des épiceries des deux régions formées de
grands supermarchés, de magasins spécialisés, de
simples dépanneurs, etc. L'expert Leblond avait
offert à cet égard une image plus nette, en précisant
la part de marché de chaque grand joueur
et en regroupant les petits établissements dans
une entité unique à l'intérieur du seul marché de
Granby(58).
Or, Parent a évalué la part de marché de chaque groupe entre
1989 et 1993 (Tableau 1.1(59)) après avoir posé les trois opérations
suivantes, déjà sommairement décrites:
1o Le maintien d'Héritage à une fourchette constante de
12.2% du marché, soit celle que ce magasin occupait en
1989.
2o L'attribution aux supermarchés Évangéline, Leclerc &
Cowansville du Groupe Gagnon d'une croissance conforme
à celle observée pour la période de 1985 à 1989, mais
réduite, entre autres, de la part du marché enlevé par
les «nouveaux entrants», en proportion de celle qu'avait
chaque magasin ou groupe de magasin. Pour le magasin
St-Jacques, à cause de la grève, il a postulé qu'il
rattraperait en 1993 le niveau des ventes de 1988.
3o Le maintien pour les «nouveaux entrants» de leur
position réelle.
C'est le tableau 1.3(60).
La conséquence de cette opération est que tous les concur
rents autres qu'Héritage, le Groupe Gagnon et les deux établisse
ments inclus sous le titre «nouveaux entrants», restent en
constante et inéluctable décroissance. Ainsi, les marchés «Métro»,
«Steinberg» et autres qui occupaient 61.4% du marché en 1989 se
retrouvent à 49.7% en 1993 (soit une baisse de 19%), alors que,
durant cette même période, la part de marché du Groupe Gagnon
croît, elle, de 26.4% à 31.7%, soit une augmentation de 20%.
Le scénario utilisé ne pouvait faire autrement que d'aboutir
à un tel résultat. En effet, si la part de marché de trois des
quatre groupes demeure inchangée ou augmente, il s'ensuit que celle
du quatrième - singulièrement le plus important collectivement -
diminue constamment, sans aucune perspective de redressement. Or,
Parent ne fournit aucune explication à ce renversement de situation
et la Cour n'a pas obtenu non plus, à l'audience, une réponse
satisfaisante. D'ailleurs, la part de marché que l'expert attribue
aux «autres» n'est que le résultat d'une opération purement
arithmétique, consistant à soustraire des 100%, que représente la
totalité du marché, le pourcentage de la part croissante du Groupe
Gagnon, les 12.2% reconnus à Héritage et la part réelle des
nouveaux entrants.
Dans un marché parvenu à maturité(61) où la concurrence est
vive et les marges bénéficiaires minces, il est impensable de
retenir comme postulat qu'un ensemble de concurrents de diverses
allégeances commerciales se serait laissé amputer ainsi de leur
part de ventes, sans réagir vigoureusement.
Pour évaluer l'ampleur des pertes subies par la concurrence
dans le cadre du scénario proposé par Parent, il faut savoir qu'en
1993, la réduction des ventes qu'il impute à tous les concurrents
est de 354 921 $ par semaine (soit 18 455 892 $ par année), par
rapport à celles effectivement réalisées(62). C'est là l'équivalent
du chiffre d'affaires d'un important supermarché, puisque, suivant
ses bilans pro forma(63), Parent attribue, en 1993, au magasin St-
Jacques des ventes annuelles de 9 000 000 $, à Leclerc de
12 600 000 $, à Cowansville de 18 850 000 $ et à Évangéline de
21 215 000 $. Aucune explication n'étant fournie pour expliquer la
dégringolade anticipée de la concurrence, celle-ci doit donc être
prise comme un fait acquis, même si lors du procès, Louis Parent
utilise le conditionnel:
Je fonde mon opinion sur la dynamique des gens en place, sur leur compétence, je
dis que cela pourrait être possible.(64)
(Soulignement ajouté.)
Nul, cependant, ne peut prédire le succès qu'aurait eu la
réplique des autres concurrents à une offensive du Groupe Gagnon.
Ce dernier, mieux outillé, aurait-il pu faire mieux qu'Héritage, en
lui faisant perdre plus de points qu'il n'en a perdu en réalité
durant cette même période? La chose est possible. Est-elle
cependant probable et sur quelle base peut-on l'affirmer? Le
dossier et Parent sont muets sur cette question. Quant à Leblond,
il constate simplement la réduction des ventes, sans se prononcer
sur les pertes de croissance du marché(65).
La conséquence de tout ce calcul a été donc de formuler
l'improbable hypothèse d'une absence totale de réaction et d'une
acceptation passive par les concurrents d'une inexorable et
continuelle baisse de leur part du marché, hypothèse qui,
d'ailleurs, ne se vérifie pas dans la réalité. En effet, dans le
seul marché qui nous intéresse, celui de Granby, la part de ventes
accaparées par les grands magasins (dont Héritage et le Groupe Gagnon font partie) s'est accrue de 61.6% en 1988 à 65.7% en 1992.
Toutefois, malgré les efforts et l'offensive agressive d'Héritage,
les grands concurrents du Groupe Gagnon ont accru leur part de
marché sauf en 1990; c'est le constat de l'expert Leblond(66).
Le jugement de première instance ne traite pas de cette
question qui a, bien évidemment, un impact sensible sur
l'évaluation du préjudice.
iii) L'influence de la grève à St-Jacques sur la
période de référence
La grève du magasin St-Jacques a duré 23 mois, soit du 25
avril 1988 au 24 mars 1990. Cet arrêt de travail a donc débuté
pendant la période de référence (1985-1989) et s'est terminé à
l'époque de la période de projection (1990-1993). Or, la preuve au
dossier révèle trois données importantes qui sont les suivantes:
- l'acquisition du magasin St-Jacques fut le résultat
d'une stratégie défensive visant à sauvegarder l'image
de marque que le Groupe Gagnon avait développée à
Granby; plus tard, après la grève, la réouverture du supermarché entendait protéger le site contre la
convoitise d'un concurrent(67);
- un chiffre d'affaires pour la deuxième année complète
d'opération en 1987, de 9 667 384 $(68) qui représentait,
cette année-là, plus du tiers (34.1%) de l'ensemble des
ventes(69) du Groupe Gagnon à Granby;
- l'absence totale, au dossier, de chiffres sur l'ensemble
du marché de Granby pendant les années de référence
(1985-1989), rendant donc impossible de situer le Groupe
Gagnon et chacun de ses magasins dans le contexte
économique de l'époque.
L'une des questions importantes, à cet égard, était de
savoir si, à cause du conflit de travail, une partie des 9.5
millions de ventes réalisées par le magasin St-Jacques pouvait
avoir été transférée aux autres magasins d'alimentation du Groupe
Gagnon. A ce sujet, on constate, dans le témoignage de Parent, les faits suivants:
1> Il n'a pas examiné la possibilité de transfert:
Q. Est-ce que vous avez analysé, de façon spécifique et particulière et précise,
les transferts de volumes qui ont pu se produire à la suite de la grève du
magasin de St-Jacques sur les magasins Leclerc et Évangéline?
R. Non, parce que je possède pas de telles données.
Q. Alors, vous avez pas fait cette analyse-là?
R. J'ai pas les données. Je sais pas si c'est disponible, là, mais... encore une
fois, je pense que la seule façon de le savoir, là, ce serait de faire venir
des gens ici, peut-être trois à quatre cents (300-400) consommateurs qui
étaient chez St-Jacques avant la grève et leur demander où ils sont allés,
un par un. Et puis...
Q. Et ça, c'est votre avis d'expert?
R. Tout à fait. Là, c'est mon avis d'expert que si on avait ça, là...
Q. Non non, mais je veux dire sur la façon de déterminer les transferts de
volumes, selon vous il faudrait faire venir toutes les personnes? Vous me
dites ça comme expert?
R. Faire un sondage. C'est pour ça que je vous mentionne quatre cents (400)
personnes, là, ça donnerait probablement un résultat avec un niveau de...
Q. Mais...
R. ... confiance élevée.
Q. ... un fait irrémédiable et incontournable, c'est que vous n'avez pas fait ce
travail-là sur les transferts de volumes à la suite de la grève de St-Jacques
sur Évangéline et Leclerc?
R. Non, parce que j'ai pas les... j'ai pas les données pour le faire.(70)
2> Il ne l'a pas fait pour éviter de compliquer les calculs et pour réduire les hypothèses au minimum:
Me Dugré:
Q. Monsieur Parent, ce matin, vous avez témoigné à l'effet que vous
étiez pas capable d'identifier les transferts de volumes lors de la
fermeture de St-Jacques en faveur d'Évangéline et Leclerc puis
lors de la réouverture de St-Jacques en défaveur ou en diminution
des ventes d'Évangéline et Leclerc, est-ce bien ça ou...
R. Bien écoutez...
Q. En fait, vous l'avez pas fait, vous les avez pas identifiés?
R. Je l'ai... je l'ai pas fait parce que... encore une fois, je vais vous
répondre, là, je veux garder le nombre d'hypothèses au minimum
et les chiffres qu'on voit, les chiffres hebdomadaires, les analyser
de semaine en semaine, il y a cinq (5) ans ou six (6) ans ou sept
(7)... pardon, quatre (4) ans ou trois (3) ans, c'est des chiffres
nets qu'on voit là et ça me semble difficile d'attribuer des change
ments de colonne en colonne à des colonnes qui pourraient... juste
entre les colonnes qui sont ici parce que il pourrait y avoir
effectivement d'autres colonnes, d'autres magasins, d'autres nou
veaux entrants, et caetera, là.(71)
Pourtant, l'étude du transfert des ventes d'un magasin à un
autre était possible. La meilleure preuve en est contenue dans le
rapport Leblond lui-même. En effet, en annexe à son rapport, on
retrouve une étude préparée en 1987, qui quantifie l'augmentation
projetée des ventes du magasin Leclerc et leur provenance, afin de
déterminer l'intérêt et la pertinence de son agrandissement(72). Il
est assez peu probable qu'une étude sur le transfert des ventes
soit possible a priori, mais irréalisable a posteriori.
Quoi qu'il en soit, la grève du magasin St-Jacques a dégagé
immédiatement, au profit des concurrents, un volume considérable
(plus de 9.5 millions de dollars) de ventes. Comme cette nouvelle
demande devait être satisfaite immédiatement, il est hautement
improbable que les magasins Évangéline et Leclerc n'en aient pas
tiré bénéfice, eux dont la zone secondaire inclut St-Jacques(73).
D'ailleurs, Colette Pierrot a concrètement évalué les transferts de
part de marché à l'occasion de la grève(74). Dès lors, les chiffres
de ventes du 25 avril 1988 jusqu'à la mi-décembre 1989(75) devaient
en tenir compte. Comme il s'agit d'un événement imprévu et non
récurrent, le taux de croissance historique (1985-1989) nécessitait
une correction en conséquence. L'établissement d'une projection
pour l'avenir impose, en effet, d'exclure du modèle les facteurs
connus, ponctuels et non répétitifs. Or, cet exercice n'a pas été
fait, même s'il était possible ne serait-ce qu'en suivant la
méthode utilisée pour redistribuer la part de marché des «nouveaux
entrants»(76), dont il a été précédemment question.
Force est donc de conclure que le taux de croissance établi
sur 60 mois(77) a été haussé pendant 20 mois, dans une proportion non
déterminée, par un événement unique, non récurrent, et qui,
effectivement, ne s'est pas reproduit pendant la période de 1990- 1993. L'influence de la grève sur les autres magasins du Groupe
Gagnon est d'ailleurs admise par Zins(78) et Leblond(79). Ce dernier
reconnaît à cet égard le chevauchement des marchés Évangéline,
Leclerc et St-Jacques(80) bien qu'à ses yeux, ces établissements ne
soient pas des concurrents entre eux(81).
Dans l'évaluation du préjudice, il fallait donc tenir compte
de cette donnée que, soit dit avec les plus grands égards, la juge
de première instance n'a pas analysée. En effet, la seule référence
qu'elle fait à cet arrêt de travail est la suivante:
Il n'y a pas de preuve que le fait que le magasin de la rue St-Jacques ait été en grève
ait affecté la taille du marché.(82)
(Soulignement ajouté.)
Avec respect, le problème ne résidait pas dans la taille
générale du marché, mais bien dans l'impact économique du déplace
ment des ventes dégagées par la grève à St-Jacques vers les autres
épiceries et particulièrement vers les magasins Évangéline et
Leclerc et dans l'influence de cet apport subit et temporaire sur
le taux de croissance de la période de référence.
iv) Les leçons de la période de référence et leur
reflet dans la période de projection
L'étude de la période de référence a été faite à partir des
données financières de chaque magasin au cours des années 1985 à
1989(83) et le résumé d'un certain nombre d'entre elles est produit
à l'Annexe 4.
L'examen de ce tableau permet un premier constat: les
supermarchés Gagnon ont toujours augmenté leurs ventes annuelles.
On note cependant, en 1988, deux cas particuliers. Le premier est
celui du marché Leclerc qui a fait un bond de plus de 80% et le
second, celui du marché St-Jacques qui a baissé par rapport à
l'année précédente. Ce phénomène s'explique, pour le premier, par
les travaux d'agrandissement dont il a été l'objet et, pour le
second, par le début de la grève. Ce dernier eut-il continué sur
sa lancée, qu'il aurait en effet, sans doute, dépassé les 10 000 000 $ de ventes en 1988.
Un deuxième constat se dégage de l'analyse de l'Annexe 4:
à l'exception du marché St-Jacques, qui s'est toujours maintenu au
seuil de rentabilité sauf en 1987, tous les magasins du Groupe
Gagnon étaient profitables. Toutefois, leurs marges bénéficiaires
restaient minces et l'accroissement des ventes ne se traduisait pas
nécessairement par une élévation du profit net, bien au contraire.
L'explication en est que le profit brut, soit les ventes moins le
coût des achats et les dépenses d'opération, d'administration et
d'occupation se situe autour de 20%, alors que le profit net
n'atteint que 2%.
En conséquence, en premier lieu, une variation de 1% du
profit brut se traduit, les dépenses demeurant inchangées, par une
modification de 10% du profit net et, en second lieu, l'ensemble
des dépenses et le profit net doivent se regrouper à l'intérieur de
la norme de 20% pour éviter une opération déficitaire.
En somme, même une légère variation se répercute de façon
importante sur le chiffre du bénéfice net.
Quatre illustrations permettront de mieux comprendre la
grande importance de ce phénomène sur la rentabilité des
entreprises.
1ère illustration: celle du magasin Évangéline pendant deux
années différentes soit 1986 et 1987
En 1986, le magasin Évangéline a vendu pour plus de 12,4 millions
et dégagé un profit de 394 758 $, soit de 3.16% de ses ventes.
L'année suivante, les ventes ont augmenté de 1 330 000$ (10.65%),
mais le bénéfice net a chuté de 40.4% en chiffre absolu pour se
situer à 235 307$ et de 46% par rapport au chiffre d'affaires
(1.7% au lieu de 3.16%). Que s'est-il passé? La réponse se
retrouve dans quelques variations mineures dans le profit brut
(ventes moins le coût des achats): 2.5% de 20.06% à 19.56% des
ventes, et dans les coûts(84):
1986________________1987
Frais d'opération 12.68% des ventes 12.96% des ventes
Frais d'administration 1.44% des ventes 1.91% des ventes
Frais d'occupation 2.78% des ventes 2.99% des ventes
______ ______
Total 16.9% des ventes 17.86% des ventes
En somme, en 1987, malgré une augmentation des ventes de 10.7%, une
baisse de 2.5% de son profit brut jointe à une augmentation de 5.7%
des coûts, ont suffi pour entraîner une baisse de profit net de
40.4%, par rapport à 1986.
À partir de cette situation, il est instructif d'évaluer les conséquences de ce phénomène suivant trois scénarios.
- Si le magasin Évangéline avait atteint, en 1987, la même
marge bénéficiaire nette de 3.16% des ventes qu'en 1986,
son bénéfice aurait été de plus de 436 000 $ au lieu de 235
000 $.
- Si le magasin Évangéline avait conservé, en 1987, les mêmes
dépenses et n'avait amélioré que sa marge de profit brut,
en conservant celle de 1986 pour chaque catégorie de
produits (épicerie, boucherie, boulangerie, fruits et
légumes et vrac), il aurait réussi à dégager un bénéfice
net de 347 845 $ (2.52% des ventes) au lieu de 235 307 $
(1.7% des ventes)(85).
- Enfin si, en 1987, le profit brut était demeuré celui
réellement connu et les frais avaient été
proportionnellement ceux de 1986, soit 16.9% des ventes, le
bénéfice net aurait été de 367 821 $ (2.6% des ventes) au
lieu de 235 307 $. En effet:
Ventes de 1987_________________________________13 815 458 $
Profit brut (19.56%) 2 702 633
Coûts (taux de 1986: 16.9%) 2 334 812
__________
Bénéfice avant impôt 367 821 $
2e illustration: celle des deux magasins comparables soit Évangéline et Cowansville, pendant une même année
On constate dans cette hypothèse d'importants écarts du profit net
pour des situations comparables. Ainsi, en 1988, les ventes
totales du magasin Évangéline et du magasin Cowansville étaient
identiques à 4$ près (14 927 133 $ pour Évangéline, et 14 927 129 $
pour Cowansville). Le profit brut était quasi le même, 20.64% à
Évangéline, et 20.58% à Cowansville. Pourtant, le magasin de
Granby annonçait un profit net de plus de 30% supérieur à celui de
l'autre épicerie, soit 504 083 $ au lieu de 385 395 $.
3e illustration: celle de deux magasins comparables soit
Évangéline et Cowansville pendant l'ensemble de la période de
référence
On observe, sur une période de quatre ans, entre deux magasins de
même taille, d'importantes variations au titre du profit net:
Évangéline______Cowansville
1985 1.19% 0.76%
1986 3.16% 2.81%
1987 1.7% 2.16%
1988 3.38% 2.58%
1989 2.48% 1.78%
4e illustration: celle d'un seul magasin pendant toute la
période de référence
On remarque que les coûts et les profits nets varient sensiblement
d'une année à l'autre durant la période de référence.
Coût___________Bénéfice net
1985 17.35% 1.19%
1986 16.9% 3.16%
1987 17.86% 1.7%
1988 17.26% 3.38%
1989 18.06% 2.48%
Cet examen des états des revenus et dépenses de 1985 à 1989
permet les constatations suivantes. D'abord, la croissance des
ventes totales, au cours de la période de référence, ne se traduit
pas nécessairement par une augmentation du bénéfice net en valeur,
ni même par le maintien du même pourcentage des ventes. Ensuite,
un volume annuel de ventes identique de deux magasins ne génère pas
un niveau de profit semblable. Enfin, le changement d'une seule
donnée plutôt que d'une autre entraîne des résultats différents.
Or, Parent prend appui sur ce modèle pour élaborer un
scénario qui montre des profits nets en constante croissance pour
les magasins Évangéline et Leclerc(86), en le justifiant de deux façons soit par la croissance des ventes et par la qualité de
l'administration de la famille Gagnon. Sans nier ni l'un, ni
l'autre, force est cependant de reconnaître que ces deux paramètres
se retrouvaient déjà entre 1985 et 1989 et n'ont pas donné ce
résultat avec la même constance. Le scénario envisagé ne reproduit
donc pas le modèle choisi, du moins complètement, et la situation
a peut-être un niveau de complexité insoupçonnée et plus important
que celui envisagé. Une dernière constatation s'impose: certains
éléments n'ont pas été pris en compte dans le scénario de Parent.
Ce facteur semble avoir été examiné et retenu par la juge
de première instance. C'est, sans doute, cet aspect de
l'évaluation de Parent qu'elle vise lorsque, pour justifier une
réduction générale de 10% des dommages, elle écrit:
Toutefois l'évaluation non capitalisée ne tient pas compte d'impondérables
commerciaux et des aléas que comporte tout commerce. Le Tribunal est d'avis qu'il
faut retrancher 10% des montants non capitalisés pour en tenir compte...(87)
(Nous soulignons.)
v) Le postulat de la croissance constante des ventes
Robert Boisjoli est un expert que les intimées ont fait
entendre au soutien des précisions du rapport Parent. Parent, retenu par la maladie, avait, en effet, demandé à l'un de ses
collègues de répondre, à sa place, à certaines critiques formulées
par l'appelante. Boisjoli s'est préparé en consultant le dossier
monté par Parent, et en lisant une partie de la preuve. Il a, en
outre, eu des rencontres avec les administrateurs du Groupe Gagnon.
Au procès, il produit un document (P-131(88)) où il constate:
«...que la moyenne de croissance dans le rapport Parent est de 6.52%»
. Son étude se lit ainsi:
(selon réclamation) 1989 1990 1991 1992 1993
cmpm
Gagnon-Évangéline 313,319$ 7.36% 336,365$ 4.08% 350,104$ 9.78% 384,334$ 10.10%
423,140$ 7.83%
Gagnon-Leclerc 216,180$ 2.85% 222,342$ -0.28% 221,711$ 5.17% 233,174$ 5.48%
245,944$ 3.30%
Gagnon-St-Jacques 117,800$ 2.04% 120,207$ 16.32% 139,826$ 13.83% 159,166$ 16.54%
185,493$ 12.18%
Gagnon-Cowansville 305,597$ 4.53% 319,444$ 1.35% 323,744$ 6.89% 346,047$ 7.20%
370,964$ 4.99%
952,896$ 4.77% 998,358$ 3.71% 1 035,385$ 8.44% 1 122,721$ 9.16% 1 225,541$
Supermarché Gagnon - Moyenne de croissance utilisée dans le rapport Parent - 6.52%
Boisjoli explique qu'il a utilisé le document de base de
Parent (tableau 1.3(89)), et ne l'a corrigé que pour attribuer au
magasin St-Jacques, en 1989, (alors fermé à cause de la grève), un
niveau de ventes hebdomadaires hypothétique de 117 800$, alors que
Parent avait conclu à l'absence de toute vente. Il a ensuite
additionné les ventes totales du Groupe Gagnon pour chaque année, fixé le taux de croissance entre chacune d'elles et tiré ensuite
une moyenne de ce taux de croissance générale. C'est ce qui donne
le chiffre de 6.52%, soit
«la moyenne de croissance utilisée dans le rapport Parent»(90).
Or, Parent avait lui aussi établi le taux de croissance
générale pour le Groupe Gagnon dégagé par son scénario et ce taux
est substantiellement différent de celui de Boisjoli. Il écrit dans
son rapport (illustré à son diagramme, pièce P-98A)(91) et témoigne(92)
au procès que son scénario démontre une croissance annuelle de 3.4%
pour l'ensemble des magasins du Groupe Gagnon. Son rapport, aux
pages 2 et 3(93), résume sa pensée:
Étant donné l'absence de données sur les parts de marché pour les six premiers mois
de 1993, nous avons supposé que la croissance des ventes pour les années 1989 à
1992 du scénario de référence se serait maintenue.
Bien que se trouvant substantiellement réduites par rapport à l'hypothèse de
croissance continue, ces ventes projetées sont quand même nettement supérieures à
la situation réelle. La figure 1 résume l'évolution des ventes sous l'hypothèse de
croissance continue (+8.4% par année), la situation réelle (-6.8%) et notre scénario
de référence (+3.4%). Ce scénario reflète bien à notre avis l'évolution la plus
probable des ventes du Groupe Gagnon compte tenu de la croissance réelle du
marché total et de la venue de nouveaux entrants mais dans un contexte où Héritage
n'aurait pas modifié ses politiques commerciales, entraînant du même coup une
nouvelle dynamique concurrencielle (sic) à laquelle le Groupe Gagnon a pu difficile
ment s'adapter, contrairement aux autres magasins qui furent bien appuyés par leurs bannières respectives.
En somme, Parent affirme que, suivant son scénario, la
croissance moyenne annuelle des ventes du Groupe Gagnon est de 3.4%
alors que Boisjoli, à partir des mêmes données, soutient que ce
taux est de 6.52%. De plus, si l'on tente d'utiliser la même
méthode que celle suivie par Boisjoli à partir des tableaux 1.3
produits par Parent(94), on ne retrouve pas le taux de 3.4%.
Cette question revêt une importance non négligeable car la
juge de première instance a vu dans ce taux de croissance de 6.5%
une indication de la justesse de la méthode Parent. Cette
augmentation s'ajustait, en effet, à celle dont a bénéficié
Héritage(95).
La Cour a donc voulu connaître l'avis des parties sur cette
apparente divergence qui est pratiquement du simple au double. Il
se dégage deux choses de la preuve au dossier et des explications
écrites supplémentaires(96) qui lui ont été fournies.
En premier lieu, la recherche du taux de croissance visait
à vérifier la justesse de la méthode de calcul touchant la
projection des ventes. En effet, Parent n'a pas d'abord établi un
taux de croissance annuel des ventes pour le Groupe Gagnon et
défini ensuite celui de chaque épicerie, mais, au contraire, a
procédé à l'inverse. Il a donc d'abord recherché le niveau
historique des ventes de chaque supermarché Gagnon. Puis, selon
les explications des avocats des intimées(97), il aurait apporté à ce
taux une autre réduction non définie. Puisque cette précision,
faut-il le souligner, ne se retrouve cependant nulle part dans le
rapport et dans le témoignage de Parent, il va de soi que nous
ignorons les motifs de cette diminution et les critères utilisés.
Enfin, comme nous l'avons vu plus haut, il a réduit ce niveau de
croissance pour tenir compte de l'influence des nouveaux entrants.
Quoi qu'il en soit, il a ensuite constaté que l'augmentation
annuelle moyenne du Groupe était de 3.4%, ce qui lui permettait de
porter le jugement de valeur suivant sur l'ensemble de sa méthode
et des résultats obtenus, «Ce scénario reflète [...] assez bien
l'évolution la plus probable des ventes du groupe Gagnon».(98)
En second lieu, les variations existant entre le témoignage
de Parent, celui de Boisjoli et les explications des intimées,
résultent de l'inclusion des ventes de toute l'année 1993, mais
surtout de la façon d'envisager les ventes durant l'année complète
de fermeture (1989) pour cause de grève du supermarché St-Jacques.
En effet, la validation de l'ensemble de la méthode d'évaluation
inclut ce magasin. On comprend facilement l'écart manifeste dans
les résultats selon que, pour l'année 1989, on s'en tienne à la
réalité, soit l'absence de toute vente(99) (hypothèse de Parent dans
son rapport), ou que l'on utilise, au contraire, l'une ou l'autre
hypothèse, de 185 000 $ par semaine (situation avant le conflit de
travail) ou de 117 800 $ suggérée par Boisjoli. De même, comme les
calculs ont été faits à partir d'une moyenne hebdomadaire, l'année
1990 est examinée dans son ensemble même si le conflit de travail
s'est prolongé jusqu'au 24 mars.
Il ne s'agit pas là d'une simple divergence dans les
chiffres, mais d'un vice dans le mécanisme de validation. En
effet, il est impossible de vérifier l'ensemble de l'évaluation des
ventes par une méthode unique, celle-ci visant deux réalités bien
distinctes. Les épiceries Évangéline, Leclerc et Cowansville sont
des supermarchés bien établis et en activité, dont on cherche à
évaluer la croissance future à partir d'un contexte historique qui ne comporte aucune perturbation majeure. L'épicerie St-Jacques, au
contraire, est dans une toute autre situation. Parce que fermée
pendant près de deux ans, il ne saurait donc être question de
rechercher ce qu'elle aurait réussi, mais plutôt de définir le
temps qui lui était nécessaire pour retrouver les 185 000 $ de
ventes hebdomadaires d'avant sa fermeture. Autrement dit, les
supermarchés Évangéline, Leclerc et Cowansville sont placés dans un
environnement normal d'évolution d'une entreprise qui cherche à
améliorer sa performance et sa position relative dans le marché.
Par opposition, St-Jacques est placé dans un contexte de rattrapage
d'une ancienne clientèle non desservie pendant 23 mois. La méthode
d'évaluation de Parent est d'ailleurs différente pour les deux.
Dès lors, tenter de valider les deux scénarios d'une façon
générale, en regroupant les résultats, conduit à des divergences
comme celles signalées plus tôt.
Les méthodes d'évaluation des ventes pour St-Jacques d'une
part et pour les autres magasins d'autre part ne sont toutefois
pas, bien au contraire, inappropriées, mais il convient de noter
que le mode de validation aurait dû être spécifique à chaque
situation pour offrir une conclusion utile.
L'affirmation de Parent à l'effet que la croissance moyenne
annuelle des ventes du Groupe Gagnon soit de 3.4%, comme celle de
Boisjoli qui propose 6.52%, doit donc être prise avec réserve. Si une autre raison et non la moindre devait être ajoutée, c'est que
la méthode de validation utilisée prend en compte l'augmentation
prévisible des ventes du magasin de Cowansville. Or, comme nous
l'avons vu précédemment, ce supermarché est exclu du débat.
Cet élément n'affecte pas la pertinence ou la justesse des
chiffres avancés, mais a son importance en raison de l'utilisation
qui en est faite dans le jugement dont appel.
vi) L'influence du taux d'inflation
Si le taux de croissance servant à définir la part de marché
du Groupe Gagnon entre 1990-1993 a été établi à partir du chiffres
des ventes réelles pendant la période de référence 1985-1989, il
fallait nécessairement l'ajuster pour tenir compte de l'inflation,
sauf si le taux de celle-ci est resté constant. Or, les experts
de l'appelante ont constaté un écart de 2.5% entre l'indice des
prix à la consommation de 1985-1989 et celui de 1990 à 1993. Cette
constatation n'a pas été contredite.
Questionné sur l'influence de ce facteur, Boisjoli n'a pas
répondu directement, préférant simplement rappeler l'ensemble des
facteurs pouvant influencer les résultats. Une bonne illustration
de ses réponses est la suivante:
R.
Le deux point cinq (2.5), je vous ai dit, ne s'applique pas directement à la région de
Granby, juste pour faire le point sur ce point-là, que le deux point cinq (2.5), j'ai dit dans
mon témoignage il y a quelques minutes, que le deux point cinq pour cent (2.5%) tient...
c'est un chiffre qui a baissé pour l'ensemble du Québec ou du Canada, or une population
beaucoup plus large, qui n'est pas directement affectée ou qui n'affecte directement pas
la région de Granby.
Moi, au lieu d'utiliser ça - je sais que vous allez trouver ma réponse un petit peu longue
-mais la raison que moi je n'utilise pas le deux point cinq pour cent (2.5%) et je ne
trouve pas que c'est raisonnable, c'est parce que j'ai autres (sic) facteurs, comme la
moyenne de croissance pondérée que je regarde pour voir si en général... si ça a de
l'allure, parce que à la fin de l'année, ce qu'il faut faire, c'est voir si les... la
détermination des dommages, elle est raisonnable.(100)
Toutefois, à une question de la Cour, il apporte une réponse
plus nuancée:
R. C'est monsieur Moisan? On a parlé des taux de... et je crois que pour les supermarchés
Gagnon, le réel était de quatre point cinq (4.5) tandis que tous les autres étaient
supérieurs à vingt pour cent (20%) d'augmentation.
Moi, quand je regarde ces chiffres-là, je me dis: est-ce que le deux point cinq pour cent
(2.5%) d'inflation vient influencer? Oui, on peut dire qu'il est venu influencer, mais au
lieu de regarder quelle influence que le deux point cinq (2.5) aurait pu avoir, je préfère
regarder le marché total qui comprend, lui aussi, le taux d'inflation que vous avez en haut
du tableau 1.1.(101)
En somme, selon son témoignage, l'inflation peut avoir accru
le taux de croissance utilisé, mais pas d'une façon aussi
significative et déterminante que prétend l'appelante. Le jugement
entrepris n'a pas pris ce facteur en compte qui, manifestement, a
influé sur l'évaluation du préjudice.
vii) Conclusions
Cette longue analyse de l'expertise Parent s'avérait néces
saire. Il s'agit, en effet, de la seule étude complète et générale
sur les dommages, puisque l'appelante n'a pas jugé utile de
présenter d'autres méthodes d'analyse ou d'évaluation des pertes
subies. Comme on a pu cependant le constater, cette expertise
contient un certain nombre de failles, illustrées ci-haut, dont il
convient de tenir compte.
2> Le calcul du préjudice subi
La présence de nombreux facteurs difficilement prévisibles
ou appréciables rendait l'évaluation du préjudice fort compliquée.
La difficulté supplémentaire éprouvée par cette Cour d'évaluer le
dommage en ne tenant compte que de la preuve constituée au dossier
l'excusera sans doute de ne pas pouvoir y appliquer une rigueur
strictement mathématique. Elle doit donc procéder à ce calcul en
faisant appel à une certaine approximation, à un certain degré
d'appréciation et à sa discrétion. C'est cependant là le rôle des
juges.
Comme il a déjà été mentionné, l'évaluation de la capacité
de gains futurs d'une entreprise peut s'appuyer sur sa performance
passée, si la période de référence est suffisamment longue pour être significative. Il faut aussi tenir compte de l'impact de
circonstances ou d'événements non récurrents. La projection ainsi
faite doit enfin refléter le profil d'évolution de l'entreprise,
les facteurs de distorsion, bref le contexte général et les aléas
auxquels est soumise toute entreprise grande ou petite. Les
spectaculaires écroulements qu'ont connu ces dernières années de
grandes et solides sociétés, bénéficiant d'une longue tradition
d'excellence, jouissant jusqu'alors d'une incontestable renommée
grâce à une gestion prudente et avisée et le non moins remarquable
redressement de certaines d'entre elles illustrent bien ce
phénomène. Pour choisir un exemple facile et loin de notre débat,
rappelons simplement le cas du fabricant automobile Chrysler.
La méthodologie proposée par Parent, sous réserve de
certaines corrections, est donc parfaitement acceptable et la juge
de la Cour supérieure a eu raison de la retenir. Que révèle-t-elle
en regard de chaque établissement du Groupe Gagnon?
La situation du magasin St-Jacques qui présentait des
particularités (la grève de deux ans dont une partie pendant la
période de référence et l'autre pendant celle de la projection)
sera discutée plus loin. Il en sera également ainsi de la fixation
du point de départ de l'évaluation (l'appelante proposant 1990 au
lieu de 1989) et de celui du point d'arrivée.
a) Les magasins Évangéline et Leclerc
L'analyse du rapport Parent permet de tirer les conclusions
suivantes.
Tous les magasins du Groupe Gagnon ont connu de 1985 à 1989
une croissance du volume total de leurs ventes. Toutefois, celle-ci
a varié d'un établissement à l'autre et d'une année à l'autre. On
ignore la position relative de chacun d'eux et de l'ensemble du
Groupe Gagnon dans le marché de l'époque. De plus, certaines
croissances subites sont attribuables à des circonstances
particulières et non récurrentes. C'est le cas du magasin Leclerc
en 1988 et 1989 qui sortait d'un agrandissement et d'une rénovation
et pour lequel les études préalables prévoyaient qu'il atteindrait
de ce fait un plus haut niveau de vente. Le résultat a largement
dépassé cette attente.
La grève au magasin St-Jacques a eu aussi un impact direct
sur les autres magasins, puisque ces derniers se sont trouvés
subitement disponibles (pour l'ensemble de la période d'avril 1988
à mars 1990) pour absorber près de 10 millions de ventes annuelles
supplémentaires. Cette part imprévue du marché fut nécessairement
récupérée par les autres supermarchés dont les magasins Évangéline
et Leclerc. À ce propos, les études accompagnant le rapport
Leblond montrent, comme nous l'avons déjà dit, un certain chevauchement entre les trois magasins du Groupe Gagnon. Or,
Parent ne semble pas avoir tenu compte de ce facteur non récurrent
sur le taux de croissance historique des ventes.
Parent n'a pas non plus accordé d'importance, même mineure,
à la variation du taux d'inflation, non plus qu'à la récession de
1990(102).
Le scénario de ce qui aurait dû se produire de 1990 à 1993,
n'eut été la faute de Provigo, a comme conséquence, comme nous
l'avons déjà expliqué, de faire subir à l'ensemble de la
concurrence implantée avant 1989 et sauf Héritage (60% du marché),
une perte constante et inéluctable de la part du marché (20% en
quatre ans) et de tenir pour acquis l'acceptation passive de ce
phénomène par les autres entreprises.
La validation des chiffres proposés au titre de la
croissance des ventes n'offre pas une pleine garantie de fiabilité.
Enfin, l'expert n'a ni établi, ni retenu aucun facteur de
redressement pour tenir compte des éléments nécessairement
impondérables et imprévisibles de toute entreprise, particulièrement celle évoluant dans un marché parvenu à
maturité(103). Il ne faut pas perdre de vue que l'évaluation du
préjudice doit être établie en comparant une situation réelle à une
réalité virtuelle. Celle-ci est conçue à partir de l'évaluation de
certaines données historiques, de prémisses empruntées à des
données connues et vécues (comme la majeure partie des coûts et la
distribution des ventes par catégorie de produits: épicerie,
boucherie, vrac, etc.) et, enfin, des opinions d'experts sur
l'évolution comme celle voulant une amélioration constante de la
productivité de 3 à 4%.
Devant une telle situation, quelle attitude adopter? La
juge de première instance, comme nous l'avons déjà souligné, a
trouvé que l'hypothèse proposée par Parent faisait évoluer le
Groupe Gagnon dans un monde parfaitement idéal, sans incertitude,
sans impondérables et sans embûches. Elle a donc décidé, avec
raison, d'introduire un facteur atténuant dans le but de rendre le
scénario conçu plus réaliste et plus conforme à ce qui aurait dû ou
pu se produire en l'absence de la faute de Provigo. C'est ce
qu'elle a défini comme «(les) impondérables commerciaux et aléas
que comporte tout commerce»(104).
Toutefois, elle n'a pas pris en compte certaines erreurs ou
imprécisions qui ont faussé l'évaluation. Cette constatation est
faite avec d'autant plus d'égards pour la juge, que l'appelante
s'est bornée à soulever certaines lacunes du rapport Parent sans
les chiffrer précisément. Lorsqu'elle a proposé d'autres calculs,
ceux-ci englobaient d'autres éléments qu'il était raisonnablement
impossible de séparer.
À notre avis, quatre facteurs ont donc partiellement faussé
les conclusions du rapport Parent, ce sont:
i) la décision erronée que les régions de Cowansville et
Granby ne formaient qu'un même marché unique et ses
conséquences sur l'attribution des parts de marché, en
particulier relativement à l'impact des nouveaux
entrants sur la situation du supermarché de Cowansville;
ii) l'influence de la part de marché accaparée par les
magasins Évangéline et Leclerc, suite à la grève du
marché St-Jacques et ses conséquences sur la défini
tion du taux de croissance des ventes pendant la
période de référence et sur la perte, aux mains de St- Jacques, après le règlement du conflit;
iii) l'exclusion de Jardins du Mont du groupe des «nouveaux
entrants», même si cet établissement présentait un
volume d'affaires suffisant pour être classé dans les
principaux magasins par l'étude Leblond;
iv) l'effet d'un taux d'inflation plus élevé durant la
période de référence, par rapport à celui de 1989 à
1993;
Il convient également d'ajouter:
v) l'absence d'analyse sur l'attitude de la majorité de la
concurrence (à qui on ne reconnaît, encore une fois,
qu'une réduction constante et régulière de sa part de
marché, découlant de la croissance du Groupe Gagnon et
de deux nouveaux arrivés), alors que le rapport Leblond
montre que cette concurrence, après un fléchissement en
1989 et en 1990, s'est stabilisée en 1991 et a amélioré
sa position en 1992 et 1993;
Et, dans une moindre mesure:
vi) la faible valeur de la méthode de vérification.
Comment donc évaluer tous ces éléments qui contribuent, à divers degrés, à réduire la fiabilité globale du rapport Parent et
de ses conclusions?
L'appelante nous propose de suivre les conclusions du
rapport Tremblay. La juge a rejeté l'expertise de William Tremblay
et elle s'en explique(105). Elle signale, entre autres:
Notons aussi qu'en faisant l'analyse du point mort des agrandissements de Leclerc et
Évangéline, monsieur Tremblay n'a pas tenu compte des principes et variables. Il
n'utilise pas les chiffres réels des ventes. Enfin, il a posé comme prémisse qu'Héritage
ne fait pas compétition au Groupe Gagnon. Par voie de conséquence, toute son analyse
ignore quelque impact que ce soit de la part d'Héritage sur le Groupe Gagnon et cela, au
mépris des documents de sa cliente qui déclare prendre, avec l'agrandissement
d'Héritage, 35% de son volume additionnel chez le Groupe Gagnon. Il n'a aucunement
tenu compte de la guerre de l'escompte, des stratégies de marketing et du positionnement
des compétiteurs pour analyser la performance du Groupe Gagnon, à partir des années
quatre-vingt-dix.(106)
Cette conclusion découle des documents déposés et du
témoignage rendu à l'audience(107). De plus, Tremblay ne s'est pas
contenté d'examiner les données de l'expertise de Parent dans son
contexte, mais aussi à démontrer que les baisses dans le volume des
ventes des magasins du Groupe Gagnon ne sont pas attribuables à Héritage et à la conduite de Provigo(108). Il s'ensuit que son
rapport ne peut aider à préciser la valeur de l'un ou l'autre des
quatre éléments erronés identifiés plus haut.
Nous avons exprimé l'avis que si le rapport Parent devait
servir de base à l'évaluation du préjudice, ses conclusions
devaient néanmoins être nuancées pour tenir compte de l'ensemble
des facteurs déjà identifiés et qui en affectent la justesse. Le
jugement entrepris a évalué l'un d'eux, les inévitables imprévus et
impondérables propres à toute entreprise commerciale, en réduisant
généralement de 10% l'indemnité proposée par l'expert et a donc
utilisé un mode d'appréciation estimatif. Cette méthode est valide
même si, par définition, elle n'offre pas un haut degré de
précision scientifique. Elle se justifie par un examen global de
l'affaire à partir de faits prouvés et de critères connus, pour
dégager une solution équitable et juste dans les circonstances. À
cause de ces caractéristiques, elle est difficile d'application.
Son utilisation doit par conséquent se faire avec grande prudence
et lorsque toutes les autres techniques ou solutions sont exclues.
C'était le cas en l'espèce.
La juge de première instance a donc correctement agi
lorsqu'elle a choisi d'appliquer un abattement sur les chiffres
proposés par la conclusion générale du rapport Parent, pour tenir
compte d'un élément qu'elle a identifié comme étant les
«impondérables commerciaux». La Cour doit maintenant, à son tour,
quantifier la valeur des autres facteurs négatifs décrits plus haut
et que la juge n'a pas pris en considération dans son calcul.
La même méthode que celle de la Cour supérieure doit être
suivie puisque aucune autre n'est possible ou disponible. Après
avoir considéré tous les aspects de la question, nous sommes d'avis
qu'un abattement additionnel de 15% doit être appliqué aux chiffres
apparaissant aux conclusions du rapport Parent, abattement
s'ajoutant à celui imposé par le jugement, qui n'avait qu'un seul
objet, soit prendre en considération un seul des éléments négligés
par le scénario de Parent. C'est donc un taux de réduction global
de 25% qui doit être appliqué aux chiffres suggérés par Parent.
b) Le supermarché St-Jacques
Devrait-il en être autrement pour le supermarché St-Jacques?
Selon Parent, cette épicerie devait atteindre en 1993 (soit après
trois ans de fonctionnement) un niveau de ventes identique à celui
qu'il avait connu avant l'arrêt de travail. Cette affirmation n'a
pas été contredite par l'appelante et rien au dossier ne permet de la mettre en doute ou même de l'atténuer. L'épicerie St-Jacques
aurait donc atteint environ 10 000 000 $ de ventes en 1993,
représentant un peu plus de 10% du marché total des principaux
magasins de Granby(109), alors qu'en réalité ce dernier chiffre se
situe à 7.6%. Le tableau de l'Annexe 4(110) montre, en effet,
qu'entre 1985 et 1989, le magasin St-Jacques n'a présenté un bilan
excédentaire qu'en 1986 et 1987 et pour un taux inférieur à 1%.
Pour l'ensemble de la période 1985-1989, cet établissement a tout
juste réussi à atteindre le seuil de la rentabilité si on exclut
l'année du début de la grève (1988). Il est, par contre, carrément
déficitaire si on l'inclut(111). Dès lors, si comme nous l'avons déjà
affirmé, la capacité de gains passée est un guide pour l'avenir,
l'inverse est aussi vrai. C'est pourquoi, en toute logique, il
faut conclure que, dans l'hypothèse la plus favorable, le
supermarché St-Jacques aurait pu atteindre le point de rentabilité
en 1992 et 1993 et que les dommages devraient être calculés sur
cette base, c'est-à-dire en tenant compte du déficit de ces deux
années.
c) La période couverte
Reste la détermination de la fourchette de temps applicable
au calcul de l'indemnité. Parent propose de la débuter en 1989 et
l'appelante en 1990. La juge a suivi Parent et a eu raison. Quant
au terme de cette période, la juge a noté, également avec raison,
l'existence d'un virage important de la part de Provigo à compter
d'avril 1993. L'effet futur de cette nouvelle politique reste
inconnu. Aucun témoin n'en a discuté sauf Leblond, qui a témoigné
que la baisse de volume des ventes s'est arrêtée en 1993(112). On
peut donc affirmer, avec la juge de première instance, qu'à compter
du deuxième semestre de 1993, il y a eu nouvelle donne et que la
situation prévalant depuis cette époque est essentiellement
différente à tous égards de celle qui prévalait jusqu'alors.
d) Conclusions
En conclusion, nous sommes d'avis, la responsabilité de
l'appelante étant retenue, que les dommages suivants doivent être
alloués:
1. L'intimée Supermarché Frontenac(113)
1.1 Le supermarché Évangéline
Année 1990 89 075 $
1991 252 813 $
1992 517 910 $
1er semestre 1993 275 430 $
1.2 Le supermarché Leclerc
Année 1990 78 701 $
1991 277 270 $
1992 444 236 $
1er semestre 1993 213 024 $
1.3 Total: 2 148 459 $
2. L'intimée Supermarché A.R.G.
1.1 Le magasin de Cowansville
Vu l'absence de lien de causalité,
aucun dommage n'est dû.
1.2 Le magasin St-Jacques(114)
Année 1990 0
1991 0
1992 16 965 $
1er semestre 1993 29 030 $
1.3 Total: 45 995 $
D) Les frais d'expertise
L'appelante demande aussi la réformation du jugement qui la
condamne aux frais d'expertise. Elle a tort. La juge a
correctement exercé sa discrétion en cette matière et il n'y a pas
lieu pour notre Cour d'intervenir. Qu'un tiers, intéressé au
résultat de l'affaire, soit intervenu pour soutenir financièrement
les intimées dans le débat engagé, est sans pertinence et ne
saurait décharger l'appelante de ses obligations.
VII. LES DOMMAGES PUNITIFS ET L'APPEL INCIDENT
Dans leur appel incident, les intimées plaident que
l'appelante doit être aussi condamnée à des dommages punitifs. La
juge de première instance les leur a refusés, au motif que les
critères d'attribution de ce type de dommages n'étaient pas
rencontrés. Deux raisons militent en faveur de la confirmation du
jugement de première instance sur ce point. Tout d'abord,
l'attribution de ce type de dommages relève de la discrétion du
juge du procès. Une cour d'appel ne peut intervenir, même si elle
est d'avis que, siégeant en première instance, elle en aurait
alloués, sauf erreur de droit ou exercice manifestement erroné de
la discrétion judiciaire. C'est, du moins, ce que la Cour suprême
du Canada a récemment décidé dans une affaire de common law, Air
Canada c. La Régie des alcools de l'Ontario & al(115). Dans cet arrêt, M. le juge Iacobucci, s'exprimant au nom de la Cour, a
précisé, qu'en l'espèce, la conduite des autorités provinciales
avait été, pour le moins, «répréhensible» et que des dommages
punitifs auraient donc pu «à juste titre», être accordés.
Toutefois, il a refusé d'intervenir et s'en explique ainsi:
Parce qu'on ne peut pas dire que le juge de première instance s'est fourvoyé
relativement à un principe de droit applicable ou qu'il a exercé son pouvoir
discrétionnaire de façon si manifestement erronée qu'il en a résulté une injustice, son
refus d'accorder des dommages-intérêts punitifs ou des intérêts composés devrait être
maintenu.
Ensuite, et de toute façon, la base de la réclamation des
intimées est l'article
49
de la Charte des droits et libertés de la
personne, L.R.Q. c. C-12, et la violation alléguée du droit ...«à
la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens». Il
est loin d'être sûr que la violation par l'appelante d'une
obligation implicite de non-concurrence puisse constituer, au sens
de ce texte, la violation de la jouissance paisible de ses biens.
En conséquence, l'appel incident doit être rejeté.
VIII. CONCLUSIONS GÉNÉRALES
Pour ces motifs, nous sommes d'avis
1] d'accueillir l'appel principal avec dépens, pour que les conclusions du jugement de la Cour supérieure se lisent désormais
ainsi:
ACCUEILLE, en partie les demandes des demanderesses,
Supermarché A.R.G. inc. et Supermarché Frontenac inc.;
ORDONNE à la défenderesse, Provigo Distribution inc., de
payer à la demanderesse, Supermarché A.R.G. inc., la somme
de 45 995 $, avec intérêts depuis l'assignation ainsi que
l'indemnité additionnelle prévue au Code civil du Bas- Canada;
ORDONNE à la défenderesse, Provigo Distribution inc., de
payer à la demanderesse, Supermarché Frontenac inc., la
somme de 2 148,459 $, avec intérêts depuis l'assignation
ainsi que l'indemnité additionnelle prévue au Code civil du
Bas-Canada;
REJETTE toutes les demandes en injonction permanente des
demanderesses, Supermarché A.R.G. et Supermarché Frontenac
inc.;
ORDONNE à la défenderesse, Provigo Distribution inc., de
payer aux demanderesses, Supermarché A.R.G. inc. et
Supermarché Frontenac inc., la somme totale de 103 182,27 $
pour les frais d'expertise;
REJETTE la demande reconventionnelle de la défenderesse,
Provigo Distribution inc.;
AVEC DÉPENS en faveur des demanderesses, Supermarché A.R.G.
inc. et Supermarché Frontenac inc.
2] de rejeter l'appel incident avec dépens.
PAUL-ARTHUR GENDREAU, J.C.A.
JEAN-LOUIS BAUDOUIN, J.C.A.
MORRIS J. FISH, J.C.A.
ANNEXE 1
TABLEAU 1.1
Données de base sur le marché ($)
|
1989
|
1990
|
1991
|
1992
|
1993
|
Marché total Granby
Marché total Cowansville
|
123 424 615
40 887 350
|
129 475 992
42 256 234
|
136 401 063
43 875 805
|
144 412 835
45 806 798
|
152 954 108
47 860 177
|
Total
|
164 311 965
|
171 732 235
|
180 277 868
|
190 219 633
|
200 814 285
|
Total Hebdo-Grandy
Total Hebdo-Cowansville
|
2 373 550
876 295
|
2 499 923
812 620
|
2 623 097
843 785
|
2 777 170
880 900
|
2 941 425
921 388
|
Hebdo Total
|
3 159 845
|
3 302 543
|
3 466 882
|
3 658 070
|
3 861 813
|
Ventes hebdomadaires par magasin
Gagnon-Évangéline
Gagnon-Leclerc
Gagnon-St-Jacques
Gagnon-Cowansville
|
313 319
216 180
0
305 597
|
314 950
202 896
89 103
313 611
|
295 243
169 851
127 701
297 963
|
266 091
151 563
125 833
284 769
|
283 915
155 153
134 117
298 282
|
Gagnon Total
|
835 096
|
920 559
|
890 758
|
828 256
|
871 467
|
Héritage
Autres
Nouveaux entrants
|
384 721
1 940 028
0
|
442 554
1 873 566
65,864
|
442 192
1 908 610
225 322
|
437 711
2 152 382
239 721
|
470 092
2 274 242
246 013
|
Grand Total
|
3 159 845
|
3 302 543
|
3 466 882
|
3 658 070
|
3 861 813
|
Parts de marchés
Gagnon-Évangéline
Gagnon-Leclerc
Gagnon-St-Jacques
Gagnon-Cowansville
|
9,9 %
6,8 %
0,0 $
9,7 %
|
9,5 %
6,1 %
2,7 %
9,5 %
|
8,5 %
4,9 %
3,7 %
8,6 %
|
7,3 %
4,1 %
3,4 %
7,8 %
|
7,4 %
4,0 %
3,5 %
7,7 %
|
Gagnon Total
|
26,4 %
|
27,9 %
|
25,7 %
|
22,6 %
|
22,6 %
|
Héritage
Autres
Nouveaux entrants
|
12,2 %
61,4 %
0,0 %
|
13,4 %
56,7 %
2,0 %
|
12,8 %
55,1 %
6,5 %
|
12,0 %
58,8 %
6,6 %
|
12,2 %
58,9 %
5,4 %
|
Grand Total
|
100 %
|
100 %
|
100 %
|
100 %
|
100 %
|
Source: Statistique Canada. États financiers
ANNEXE 2TABLEAU 1.2
Continuité de croissance sans nouveaux entrants
et part de marché Héritage constante ($)
|
1989
|
1990
|
1991
|
1992
|
1993
|
Croissa nce
|
Ventes hebdomadaires par
magasin
Gagnon-Évangéline
Gagnon-Leclerc
Gagnon-St-Jacques
Gagnon-Cowansville
|
313 319
216 180
0
305 597
|
344 181
227 508
123 000
326 867
|
378 083
239 429
151 000
349 616
|
415 324
251 975
172 000
373 950
|
456 233
265 179
200 000
399 977
|
9,85 %
5,24 %
1,76 %
6,96 %
|
Gagnon Total
|
835 096
|
1 021 555
|
1 118 128
|
1 213 249
|
1 321 389
|
|
Héritage
Autres
Nouveaux entrants
|
384 721
1 940 028
0
|
402 095
1 878 893
0
|
422 104
1 926 650
0
|
445 382
1 999 439
0
|
470 188
2 070 236
0
|
|
Grand Total
|
3 159 845
|
3 302 543
|
3 466 882
|
3 658 070
|
3 861 813
|
|
Ajouté à autres ci-dessus
en % du marché total
|
0
0,0%
|
5 327
0,2 %
|
18 040
0,5 %
|
(152 943)
- 4,2 %
|
(204 006)
-5,3 %
|
|
Parts de marchés
Gagnon-Évangéline
Gagnon-Leclerc
Gagnon-St-Jacques
Gagnon-Cowansville
|
9,9 %
6,8 %
0,0 $
9,7 %
|
10,4 %
6,9 %
3,7 %
9,9 %
|
10,9 %
6,9 %
4,4 %
10,1 %
|
11,4 %
6,9 %
4,7 %
10,2 %
|
11,8 %
6,9 %
5,2 %
10,4 %
|
|
Gagnon Total
|
26,4 %
|
30,9 %
|
32,3 %
|
33,2 %
|
34,2 %
|
|
Héritage
Autres
Nouveaux entrants
|
12,2 %
61,4 %
0,0 %
|
12,2 %
56,9 %
0,0 %
|
12,2 %
55,6 %
0,0 %
|
12,2 %
54,7 %
0,0 %
|
12,2 %
53,6 %
0,0 %
|
|
Grand Total
|
100 %
|
100 %
|
100 %
|
100 %
|
100 %
|
|
ANNEXE 3
TABLEAU 1.3
Répartition des parts de marché aux nouveaux entrants
|
1989
|
1990
|
1991
|
1992
|
1993
|
|
Aux nouveaux entrats de:
Gagnon-Évangéline
Gagnon-Leclerc
Gagnon-St-Jacques
Gagnon-Cowansville
|
0,0 %
0,0 %
0,0 %
0,0 %
|
0,2 %
0,2 %
0,1 %
0,2 %
|
0,8 %
0,5 %
0,3 %
0,7 %
|
0,8 %
0,5 %
0,4 %
0,8 %
|
0,9 %
0,5 %
0,4 %
0,8 %
|
|
Gagnon Total
|
0,0 %
|
0,7 %
|
2,4 %
|
2,5 %
|
2,5 %
|
|
Héritage
Autres
|
0,0 %
0,0 %
|
0,0 %
1,3 %
|
0,0 %
4,1 %
|
0,0 %
4,1 %
|
0,0 %
3,9 %
|
|
Grand Total
|
0,0 %
|
2,0 %
|
6,5 %
|
6,6 %
|
6,4 %
|
|
Parts de marchés ajustés
Gagnon-Évangéline
Gagnon-Leclerc
Gagnon-St-Jacques
Gagnon-Cowansville
|
9,9 %
6,8 %
0,0 $
9,7 %
|
10,2 %
6,7 %
3,6 %
9,7 %
|
10,1 %
6,4 %
4,0 %
9,3 %
|
10,4 %
6,4 %
4,4 %
9,5 %
|
11,0 %
6,4 %
4,8 %
9,6 %
|
|
Gagnon Total
|
26,4 %
|
30,2 %
|
29,9 %
|
30,7 %
|
31,7 %
|
|
Héritage
Autres
Nouveaux entrants
|
12,2 %
61,4 %
0,0 %
|
12,2 %
55,6 %
2,0 %
|
12,2 %
51,5 %
6,5 %
|
12,2 %
50,6 %
6,6 %
|
12,2 %
49,7 %
6,4 %
|
|
Grand Total
|
100 %
|
100 %
|
100 %
|
100 %
|
100 %
|
|
Ventes hebdomadaires
ajustées
Gagnon-Évangéline
Gagnon-Leclerc
Gagnon-St-Jacques
Gagnon-Cowansville
|
313 319
216 180
0
305 597
|
336 365
222 342
120 207
319 444
|
350 104
221 711
139 826
323 744
|
384 334
233 174
159 166
346 047
|
423 140
245 944
185 493
370 964
|
|
Gagnon Total
|
835 096
|
998 358
|
1 035 384
|
1 122 720
|
1 225 541
|
|
ANNEXE 4
1995
|
|
Évangéline
|
Leclerc
|
St-Jacques
|
Cowansville
|
Ventes
Profits
bruts
Profits
nets
|
10 744
155
1 992 827
127 797
|
(18,55 %)
(1,19 5)
|
3 686 520
604 686
18 021
|
(16,40 %)
(0,49 %)
|
3 326 749
645 099
-15 922
|
(19,39 %)
(-0,48 %)
|
9 122 831
1 611 173
69 551
|
(17,66 %)
(0,76 %)
|
1986
|
Ventes
Profits
bruts
Profits
nets
|
12 484
751
2 504 698
394 758
|
(20,06%)
(3,16 %)
|
3 579 946
597 393
414
|
(16,69 %)
(0,01 %)
|
8 798 553
1 784 421
15 365
|
(20,28 %)
(0,17 %)
|
12 237
004
2 355 383
344 109
|
(19,25 %)
(2,81 %)
|
1987
|
Ventes
Profits
bruts
Profits
nets
|
13 815
458
2 702 633
235 307
|
(19,56 %)
(1,7 %)
|
4 860 195
851 969
-27 446
|
(17,53 %)
(-0,56 %)
|
9 667 384
1 966 161
90 387
|
(20,34 %)
(0,94 %)
|
13 193
804
2 684 616
285 284
|
(20,35 %)
(2,16 %)
|
1988
|
Ventes
Profits
bruts
Profits
nets
|
14 927
133
3 080 550
504 083
|
(20,64 %)
(3,38 %)
|
8 973 013
1 908 920
395 741
|
(21,27 %)
(4,41 %)
|
6 900 646
1 371 918
-20 744
|
(19,88 %)
(-0,30 %)
|
14 927
129
3 071 330
385 395
|
(20,58 %)
(2,58 %)
|
1989
|
Ventes
Profits
bruts
Profits
nets
|
16 292
586
3 346 100
404 817
|
(20,54 %)
(2,48 %)
|
11 241
354
2 312 253
277 900
|
(20,57 %)
(2,47 %)
|
0
1 185
-105 800
|
|
15 475
991
3 260 847
275 461
|
(21,07 %)
(1,78 %)
|
- 5 mois d'opération: du 24 mars 1985 au 17 août 1985, m.a., vol. 34, p. 8303.
-- Bénéfice net est celui avant amortissement, impôts et certains postes extraordinaires.
--- Lorsqu'il y a une perte, le pourcentage de la valeur de cette perte par rapport aux ventes est exprimé
négativement.
---- La grève à St-Jacques se déclare le 25 avril 1988
----- Les travaux d'agrandissement et d'amélioration du magasin Leclerc sont terminés le 21 septembre 1987.
ANNEXE 5
VENTES ANNUELLES
|
1988
|
1989
|
1990
|
1991
|
1992
|
1993
|
|
|
|
|
|
|
|
DEMANDE ANNUELLE
|
115 564 743
$
|
123 424
615 $
|
129 475
992 $
|
136 401
063 $
|
144 812
835 $
|
152 954 108
$
|
|
|
|
|
|
|
|
TOTAL PRINCIPAUX
MAGASINS
|
72 045 881
$
|
77 123 416
$
|
85 432 821
$
|
90 060 694
$
|
90 778 651
$
|
91 695 174
$
|
|
|
|
|
|
|
|
PROVIGO ÉVANGÉLINE
|
14 927 132
$
|
16 292 588
$
|
16 377 400
$
|
15 352 636
$
|
13 836 732
$
|
14 763 580
$
|
PROVIGO LECLERC
|
8 973 006 $
|
11 241 360
$
|
10 550 592
$
|
8 832 252 $
|
7 881 276 $
|
8 067 970 $
|
PROVIGO ST-JACQUES
|
3 662 680 $
|
GRÈVE
|
4 633 340 $
|
6 640 452 $
|
6 543 316 $
|
6 974 063 $
|
|
|
|
|
|
|
|
HÉRITAGE
|
17 930 369
$
|
19 516 000
$
|
22 980 000
$
|
23 267 179
$
|
22 052 520
$
|
25 039 334
$
|
STEINBERG GRANBY
|
8 927 340 $
|
10 051 700
$
|
9 012 800 $
|
7 021 600 $
|
11 638 104
$
|
9 525 898 $
|
STEINBERG BROMONT
|
0 $
|
0 $
|
2 318 453 $
|
5 026 229 $
|
4 920 177 $
|
3 150 000 $
|
MÉTRO BAS PRINCIPALE
|
8 613 658 $
|
8 366 020 $
|
7 169 656 $
|
7 104 084 $
|
6 462 820 $
|
1 785 000 $
|
MÉTRO HAUT PRINCIPALE
|
9 011 696 $
|
11 655 748
$
|
11 284 104
$
|
10 125 752
$
|
9 898 408 $
|
12 561 217
$
|
I.G.A.
|
0 $
|
0 $
|
1 106 476 $
|
6 690 510 $
|
7 545 298 $
|
9 828 112 $
|
|
|
|
|
|
|
|
PART DE MARCHÉ
|
62,3 %
|
62,5 %
|
66,0 %
|
66,0 %
|
62,7 %
|
59,9 %
|
ANNEXE 6
VENTES ANNUELLES
|
1988
|
1989
|
1990
|
1991
|
1992
|
1993
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
TOTAL PRINCIPAUX MAGASINS
|
72 045 881 $
|
77 123 416 $
|
85 432 821 $
|
90 060 694 $
|
90 778 651 $
|
91 695 174 $
|
|
|
|
|
|
|
|
PROVIGO ÉVANGÉLINE
|
14 927 132 $
|
16 292 588 $
|
16 377 400 $
|
15 352 636 $
|
13 836 732 $
|
14 763 580 $
|
PROVIGO LECLERC
|
8 973 006 $
|
11 241 360 $
|
10 550 592 $
|
8 832 252 $
|
7 881 276 $
|
8 067 970 $
|
PROVIGO ST-JACQUES
|
3 662 680 $
|
GRÈVE
|
4 633 340 $
|
6 640 452 $
|
6 543 316 $
|
6 974 063 $
|
|
|
|
|
|
|
|
HÉRITAGE
|
17 930 369 $
|
19 516 000 $
|
22 980 000 $
|
23 267 179 $
|
22 052 520 $
|
25 039 334 $
|
STEINBERG GRANBY
|
8 927 340 $
|
10 051 700 $
|
9 012 800 $
|
7 021 600 $
|
11 638 104 $
|
9 525 898 $
|
STEINBERG BROMONT
|
0 $
|
0 $
|
2 318 453 $
|
5 026 229 $
|
4 920 177 $
|
3 150 000 $
|
MÉTRO BAS PRINCIPALE
|
8 613 658 $
|
8 366 020 $
|
7 169 656 $
|
7 104 084 $
|
6 462 820 $
|
1 785 000 $
|
MÉTRO HAUT PRINCIPALE
|
9 011 696 $
|
11 655 748 $
|
11 284 104 $
|
10 125 752 $
|
9 898 408 $
|
12 561 217 $
|
I.G.A.
|
0 $
|
0 $
|
1 106 476 $
|
6 690 510 $
|
7 545 298 $
|
9 828 112 $
|
|
|
|
|
|
|
|
PART DE MARCHÉ SUR LE TOTAL DES PRINCIPAUX MAGASINS
|
|
|
|
|
|
|
|
PROVIGO ÉVANGÉLINE
|
20,7 %
|
21,1 %
|
19,2 %
|
17,0 %
|
15,2 %
|
16,1 %
|
PROVIGO LECLERC
|
12,5 %
|
14,6 %
|
12,3 %
|
9,8 %
|
8,7 %
|
8,8 %
|
PROVIGO ST-JACQUES
|
5,1 %
|
0,0 %
|
5,4 %
|
7,4 %
|
7,2 %
|
7,6 %
|
|
|
|
|
|
|
|
HÉRITAGE
|
24,9 %
|
25,3 %
|
26,9 %
|
25,8 %
|
24,3 %
|
27,3 %
|
STEINBERG GRANBY
|
12,4 %
|
13,0 %
|
10,5 %
|
7,8 %
|
12,8 %
|
10,4 %
|
STEINBERG BROMONT
|
0,0 %
|
0,0 %
|
2,7 %
|
5,6 %
|
5,4 %
|
3,4 %
|
MÉTRO BAS PRINCIPALE
|
12,0 %
|
10,8 %
|
8,4 %
|
7,9 %
|
7,1 %
|
1,9 %
|
MÉTRO HAUT PRINCIPALE
|
12,5 %
|
15,1 %
|
13,2 %
|
11,2 %
|
10,9 %
|
13,7 %
|
I.G.A.
|
0,0 %
|
0,0 %
|
1,3 %
|
7,4 %
|
8,3 %
|
10,7 %
|
TOTAL
|
100,0 %
|
100,0 %
|
100,0 %
|
100,0 %
|
100,0 %
|
100,0 %
|
|
|
|
|
|
|
|
PART DE MARCHÉ (GROUPE)
|
PROVIGO GAGNON
|
27 562 818 $
|
27 533 948 $
|
31 561 332 $
|
30 825 340 $
|
28 261 324 $
|
29 605 613 $
|
HÉRITAGE
|
17 930 369 $
|
19 516 000 $
|
22 980 000 $
|
23 267 179 $
|
22 052 520 $
|
25 039 334 $
|
EXISTANTS
AUTRES NOUVEAU
TOTAL
|
26 552 694 $
|
30 073 468 $
|
27 466 560 $
|
24 251 436 $
|
27 999 332 $
|
23 872 115 $
|
|
0 $
|
0 $
|
3 424 929 $
|
11 716 739 $
|
12 465 475 $
|
12 978 112 $
|
|
26 552 694 $
|
30 073 468 $
|
30 891 489 $
|
35 968 175 $
|
40 464 807 $
|
36 850 227 $
|
TOTAL
|
72 045 881 $
|
77 123 416 $
|
85 432 821 $
|
90 060 694 $
|
90 778 651 $
|
91 695 174 $
|
|
|
|
|
|
|
|
PROVIGO GAGNON
|
38,3 %
|
35,7 %
|
36,9 %
|
34,2 %
|
31,1 %
|
32,5 %
|
HÉRITAGE
|
24,9 %
|
25,3 %
|
26,9 %
|
25,8 %
|
24,3 %
|
27,3 %
|
EXI
STANTS
|
36,9 %
|
39,0 %
|
32,1 %
|
26,9 %
|
30,8 %
|
26,0 %
|
AUTRES NOUVEAU
|
0,0 %
|
0,0 %
|
4,0 %
|
13,0 %
|
13,7 %
|
14,2 %
|
TOTAL
|
36,9 %
|
39 %
|
36,2 %
|
39,9 %
|
44,6 %
|
40,2 %
|
TOTAL
|
100,0 %
|
100,0 %
|
100,0 %
|
100,0 %
|
100,0 %
|
100,0 %
|
1.
(Pièce P-123, m.a., vol. 18, p. 4403.) La gamme de services offerts aux détaillants est ainsi
décrite: la commercialisation, la promotion, la publicité, la recherche sur les marchés et sur les
consommateurs, l'aménagement et l'ingénierie des magasins, la comptabilité et finances, la
logistique, la technologie et la formation.
2.
(P-102A, P-102B, P-103A, P-103B, P-103C, m.a., vol. 13, p. 3066 à 3116; vol. 14, p. 3181 à
3340.)
3.
Expertise d'André Leblond (m.a., vol. 16, p. 3582).
4.
Étude de Provigo (1990), intitulée: «Un contexte difficile pour les supermarchés Provigo»,
reproduit dans Expertise d'André Leblond de mai 1993, (P-107A, m.a., vol. 16, p. 3634).
5.
La totalité de cette correspondance, qu'il serait trop long de reproduire ici, est déposée à ce jour
au dossier de la Cour.
6.
Voir entre autres: P. BESSIS, Le contrat de franchisage: notions actuelles et apport du droit
européen, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1990; P. LETOURNEAU, La
concession commerciale exclusive, Paris, Economica, 1994; Le franchisage, Paris, Economica,
1994.
7.
Voir entre autres: J.J. TOWNER, «Le franchisage en droit civil», Mémoire de maîtrise de
l'Université Laval, 1985; J. GAGNON, La franchise au Québec, Montréal, Wilson & Lafleur,
1986; B. ARCHAMBAULT, Le guide des franchises québécoises, Montréal, Publicfac, 1987; Les
franchises au Québec, Institut national sur le franchisage, Montréal, 1987; P.A. MATHIEU, La
nature juridique du contrat de franchise, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1989; P. DENAULT
et L. COLTON, éd. Conférence Meredith 1992, Le franchisage, Cowansville, Éditions Yvon
Blais, 1993; E. ARBOUR et A. D'AMOURS, «La responsabilité du franchiseur-commettant»,
(1993) R.J.E.U.L. 9.
8.
G. CORNU, Le Vocabulaire Juridique Henri Capitant, Paris, Presses Universitaires de France,
3e éd., 1992, p. 371, verbo: franchisage.
9.
J.M. LELOUP, La franchise, droit et pratique, 2e éd., Paris, Delmas, 1991.
10.
Voir: Simard c. Provi-Soir Ltd.,
J.E. 93-284
(C.A.); Bel Gaufre Inc. c. 159174 Canada Inc.,
J.E. 95-1448
(C.S.); 2637-7502 Québec Inc. c. Pizza Pizza Canada Inc.,
J.E. 95-1568
(C.S.).
11.
Art. 1024 C.c.B.-B, 1434 C.c.; voir: P.A. CRÉPEAU, Le contenu obligationnel d'un contrat,
(1965) 43 R. du B. can. 1. Art. 1434 C.c.: Banque de Montréal c. Procureur général de la
province de Québec,
[1979] 1 R.C.S. 565
. L'obligation de loyauté peut être implicite: N.F.B.C.
National Brokerage Center c. Investors Syndicate Ltd.,
[1986] R.D.J. 164
(C.A.); Resfab
Manufacturier de Ressort Inc. c. Archambault,
[1986] R.D.J. 32
(C.A.).
12.
Jirma Ltd. c. Mister Donut of Canada Ltd.,
[1975] 1 R.C.S. 2
; Frame c. Smith,
[1987] 2
R.C.S. 99
; Hodgkinson c. Simms,
[1994] 3 R.C.S. 377
.
13.
Fenêtres St-Jean Inc. c. Banque Nationale du Canada,
[1990] R.J.Q. 632
; Caisse populaire
Charlesbourg c. Michaud,
[1990] R.R.A. 531
p. 535.
14.
Voir: Excelsior Co. d'Assurance-vie c. Mutuelle du Canada Co. d'assurance-vie,
[1992]
R.J.Q. 2666
(C.A.).
15.
Banque de Montréal c. Baril, [1992] 1 R.C.S. 554.
16.
Banque canadienne nationale c. Saucisse,
[1981] 2 R.C.S. 339
; Banque canadienne nationale
c. Houle,
[1990] 3 R.C.S. 122
; Kuet Leong Ng c. Banque de Montréal,
[1989] 2 R.C.S. 429
.
17.
Voir: G. LECLERC, «La bonne foi dans l'exécution des contrats», (1992) 37 McGill L.J. 1070;
J. PINEAU, «La philosophie générale du nouveau Code civil du Québec,
(1992) 71 R. du B. can.
423
; Actes du Colloque sur «La bonne foi: rôle et exigences», (1996) 26 R.D.U.S. 224 et s.; B.
LEFEBVRE, «La bonne foi dans la formation du contrat en droit québécois», Thèse de doctorat,
Université de Paris II, 1997.
18.
[1992] R.J.Q. 2445
p. 2454.
19.
C. MATRAY, Le contrat de franchise, Journal des Tribunaux, Bruxelles, Larcier, 1992, no 38,
p. 69. Voir, au même effet: P. LE TOURNEAU, L'assistance technique industrielle, J.C.P.
1989-II-15375; Le franchisage, Paris, Economica, 1994, no 2.1.2, p. 64 et s.; P. BESSIS, Le
contrat de franchisage, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1990, no 69, p. 77
et s.
20.
Rapport de Michel Zins (Pièce P-77A, m.a., vol. 9, p. 2128).
21.
Voir: Pièces C.P.-15 et C.P.-30 (m.a., vol. 24, p. 5599 à 5896).
22.
Témoignage d'André Leblond (m.a., vol. 58, p. 13501-13504).
23.
Rapport de Michel Zins (m.a., vol.9, p. 2147); témoignage de Michel Zins (m.a., vol. 45, p.
10775-10776).
24.
Témoignages de Guy Lessard (m.a., vol.37, p. 9011) et d'André Leblond (m.a., vol. 58, p.
13491 et p. 13528 et s.).
25.
Lorsqu'il aborde la position concurrentielle du Groupe Gagnon et plus spécialement les motifs de
fréquentation de ses supermarchés (m.a., vol. 16, p. 3587, 3588), André Leblond renvoie le
lecteur à son annexe F (voir: m.a., vol. 16, p. 3722, 3724, 3727, 3737, 3759); analyse secteur
Granby, juin 1987 (P-80, m.a., vol. 10, p. 2187 et 2190); étude de provenance Héritage, février
1988 (P-81, m.a., vol. 10, p. 2320); analyse sommaire de scénarios secteur Granby, juin 1989
(P-51, m.a., vol. 6, p. 1371-1372); étude de provenance Héritage, juillet 1990 (P-82, m.a., vol.
10, p. 2353 et 2382).
26.
Témoignage de Michel Zins (m.a., vol. 53, p. 12574-12575).
27.
Rapport d'André Leblond (m.a., vol. 16, p. 3614).
28.
Témoignage d'André Leblond (m.a., vol. 58, p. 13461-13462).
29.
Profits: 1989: 275 461 $ ou 1.78%; 1990: 139 367 $ ou 0.85%; 1991:
-37 148 $ ou -0.24%; 1992: 70 405 $ ou 0.48%; 1993: 49 258 $ ou 0.32% (m.a., vol. 12, p.
2769, 2777, 2785, 2793, 2800).
30.
Frais de gestion: 1989: 144 150 $ ou 0.93%; 1990: 303 965 $ ou 1.86%; 1991: 197 760 $ ou
1.28%; 1992: 73 050 $ ou 0.49%; 1993: 52 700 $ ou 0.34% (m.a., vol. 12, p. 2768, 2779,
2787, 2794 et 2801).
31.
Voir le tableau à l'Annexe 4.
32.
Témoignage de Guy Lessard (m.a., vol. 36, p. 8698 à 8700); Témoignage de Michel Zins (m.a.,
vol. 45, p. 10799-1800; vol. 53, p. 12674 à 12679); Rapport d'André Leblond (m.a., vol. 16,
p. 3582 à 3584 et 3595 à 3599); Témoignage d'André Leblond (m.a., vol. 57, p. 13296 à 13299
et 13317-13318).
33.
[1991] 1 R.C.S. 374
p. 441.
34.
___M.a., vol. 1, p. 199. Le jugement cependant précise ailleurs que l'ensemble des pertes passées
sont de 5 162 712$ et que cela découle de la pièce P-98D (m.a., vol. 1, p. 203).
35.
Chiffre que l'on peut lire au jugement (m.a., vol. 1, p. 202). La déclaration réamendée du 24
novembre 1993 précise 15 226 452 $ (m.a., vol. 3, p. 666). Pour les pertes futures, Louis Parent
a remodifié ses calculs le 4 avril 1994 et est passé à 21 733 400 $ (m.a., vol. 12A, p. 2876).
36.
Jugement dont appel (m.a., vol. 1, p. 203); voir aussi à la page 219 où la juge affirme qu'elle ne
saurait, faute d'amendement formel, accorder les 6 derniers mois de 1993 sans adjuger ultra
petita.
37.
Jugement dont appel (m.a., vol. 1, p. 200).
38.
Jugement dont appel (m.a., vol. 1, p. 204).
39.
Jugement dont appel (m.a., vol. 1, p. 209).
40.
Jugement dont appel (m.a., vol. 1, p. 217).
41.
Jugement dont appel (m.a., vol. 1, p. 218).
42.
Jugement dont appel (m.a., vol. 1, p. 218).
43.
Jugement dont appel (m.a., vol. 1, p. 218 et 220).
44.
Jugement dont appel (m.a., vol. 1, p. 220).
45.
Jugement dont appel (m.a., vol. 1, p. 210 et 211).
46.
Jugement dont appel (m.a., vol. 1, p. 215).
47.
Jugement dont appel (m.a., vol. 1, p. 223).
48.
Les chiffres sont arrondis et proviennent du tableau 1.3, pièce P-98D, annexe 2 du présent
jugement.
49.
Témoignage de Louis Parent (m.a., vol. 51, pp. 12421 à 12423).
50.
Rapport de Louis Parent (m.a., vol. 12A, p. 2890, pièce P-98D) transmise le 9 mai 1994.
51.
Rapport de Louis Parent (m.a., vol. 12A, p. 2891).
52.
Provigo dans le présent jugement.
53.
Rapport de Louis Parent (m.a., vol. 12, p. 2868).
54.
Voir les documents P-129-130-132-134.
55.
Voir les Annexes 5 et 6.
56.
Voir les Annexes 1, 2 et 3 - Tableaux 1.1, 1.2 et 1.3.
57.
Témoignage de Louis Parent (m.a., vol. 51, p. 12399).
58.
Voir: Annexes 5 et 6.
59.
Voir: Annexe 1.
60.
Voir: Annexe 3.
61.
Rapport de Michel Zins (m.a., vol. 9, p. 2137-2139); Témoignage de Michel Zins (m.a., vol.
45, p. 10731-10732).
62.
Ventes totales hebdomadaires (tableaux 1.2 et 1.3) 3 861 813 $ x 49.7%: 1 919 321 $ alors que,
suivant le tableau 1.1, les autres vendaient 2 274 242 $.
63.
Pièce P-98-C (m.a., vol. 12A, p. 2885.2, 2885.10, 2885.18 2885.26).
64.
Témoignage de Louis Parent (m.a., vol. 56, p. 12992).
65.
Témoignage d'André Leblond (m.a., vol. 57, p. 13346); Rapport d'André Leblond (m.a., vol.
16, p. 3568 et 3595).
66.
À la page 3920 du volume 17, on trouve la part de marché des principaux magasins. La page
suivante nous montre que les grands magasins, autres que Héritage et Groupe Gagnon, ont ainsi
évolué dans le marché de Granby: 1988, 36.5%; 1989, 38.7%; 1990, 36.1%; 1991, 40.1%; 1992,
44.2%.
67.
Témoignage d'Antonio Gagnon (m.a., vol. 42, p. 10180); P-51 (m.a., vol. 6, p. 1369).
68.
Pièce CD-29, État des résultats (m.a., vol. 34, p. 8313).
69.
En 1987, Évangéline a vendu 13 815 458 $ (m.a., vol. 34, p. 8283) et connu des profits de
235 307 $ (m.a., vol 34, p. 8285), Leclerc a vendu 4 860 195 $ (m.a., vol. 34, p. 8268) et eut
une perte de 27 446 $ (m.a., vol. 34, p. 8270), et St-Jacques fut profitable pour 90 387 $ (m.a.,
vol. 34, p. 8315).
70.
Témoignage de Louis Parent (m.a., vol. 56, p. 13013 et 13014).
71.
Témoignage de Louis Parent (m.a., vol. 56, p. 13119 et 13120).
72.
Rapport d'André Leblond (m.a., vol. 16, p. 3756).
73.
Annexe F du rapport Leblond, plus spécialement vol. 16, p. 3759 et les cartes géographiques des
p. 3725, 3733 et 3743.
74.
Pièce P-51, analyse sommaire de scénarios secteur Granby, 2 juin 1989 (m.a., vol. 6, p. 1367);
voir aussi: (Pièce D-2, m.a., vol. 19, p. 4487); étude du 25 septembre 1989, de Colette Pierrot
qui évalue l'impact de la réouverture à St-Jacques; elle estime que cette épicerie reprendra entre
67 et 79% de son marché dans les 4 mois de sa réouverture.
75.
C'est la fin de l'année financière pour le magasin Évangéline et le magasin Leclerc et donc pour
Super Marché Frontenac.
76.
Voir: Supra, p. 54, 55 et 63.
77.
Janvier 1985 à décembre 1989.
78.
Témoignage de Michel Zins (m.a., vol. 53, p. 12725).
79.
Témoignage d'André Leblond (m.a., vol. 58, p. 13588).
80.
Témoignage d'André Leblond (m.a., vol. 58, pp. 13591-13592).
81.
Témoignage d'André Leblond (m.a., vol. 58, p. 13591 et 13660-13661).
82.
Jugement dont appel (m.a., vol. 1, p. 207).
83.
Les chiffres sont ceux reproduits aux volumes 12 et 34 du dossier.
84.
Pièce CD-27, États financiers (m.a., vol. 34, p. 8279-8280 et 8284-8285).
85.
Ventes en 1987 Marge bénéficiaire de 1986
(Vol. 34, p. 8283) (Vol. 34, p. 8278)
Épicerie 9 275 708 x 15.93% : 1 477 620
Viande 2 874 607 x 23.02% : 661 734
Fruits 1 10 365 x 33.11% : 380 885
Boulangerie 206 808 x 41.76% : 86 363
Vrac 307 970 x 34.5l% : 106 280
__________ __________
13 815 458 2 712 882
+ le rabais consenti sur
les ventes en 1987: 0.74% 102 289
(Vol. 34, p. 8283) __________
Profit brut: 2 815 171
Dépenses en 1987 (Vol. 34, p. 8284
et 8285) 2 467 326
__________
Profit net avant impôt: 347 845
86.
Pièce P-98-C (m.a., vol. 12A, p. 2882-2885).
Profit net projeté
Évangéline Leclerc
1990 45 663$ 2 567$
1991 292 600$ 154 850$
1992 567 639$ 334 001$
1993 733 436$ 331 750$
87.
___M.a., vol. 1, p. 209.
88.
Pièce P-131 (m.a., vol. 18, p. 4473).
89.
Voir: Annexe 3.
90.
Témoignage de monsieur Boisjoli, m.a., vol. 76, p. 17818 et 17819 et vol. 77, p. 17887 et
17888).
91.
Pièce P-98A (m.a., vol. 12A, p. 2875), voir tableau annexe 7.
92.
Témoignage de monsieur Parent (m.a., vol. 51, p. 12413 à 12420).
93.
M.a., vol. 12, p. 2863 et 2864.
94.
Annexe 2.
95.
___M.a., vol. 1, p. 207.
96.
Lettres des intimées et de l'appelante déposées au dossier de la Cour.
97.
Dans leur mémoire, p. 129 et 130, et dans leur lettre du 2 octobre 1997, les avocats nous ont
fourni un tableau, préparé par eux, qui montre que la croissance moyenne historique d'Évangéline,
Leclerc et Cowansville était respectivement, de 1985 à 1989, de 11.0%, 32.1% et 12.69%, alors
que celle utilisée par Parent est de 9.85%, 5.24% et 6.96%. Ces ajustements ne sont pas
expliqués par Parent, ni même soulignés par lui comme étant ses motifs et critères.
98.
Voir la citation au complet aux pages 83 et 84 de ce jugement.
99.
Le tableau 1.3, annexe 2, montre le chiffre zéro pour St-Jacques en 1989.
100.
Témoignage de Robert Boisjoli (m.a., vol. 77, p. 17899 et 17900).
101.
Témoignage de Robert Boisjoli (m.a., vol. 77, p. 17906).
102.
Suivant le témoignage de Michel Zins (m.a., vol. 53, p. 12687-12688), la croissance à Granby était
de 0.5% en 1990-1991, 1.5% en 1991-1992, 0.5% en 1992-1993. Voir aussi: Le témoignage
d'André Leblond (m.a., vol. 59, p. 13793-13794).
103.
Sur la maturité du marché, voir le témoignage d'André Leblond (m.a., vol. 58,p. 13501); le
rapport de Michel Zins (m.a., vol. 9, p. 2137-2139 et le témoignage de Michel Zins (m.a., vol.
45, p. 10730-10732).
104.
Jugement dont appel (m.a., vol. 1, p. 209).
105.
___M.a., vol. 1, p. 207 à 209.
106.
___M.a., vol. 1, p. 208, 209.
107.
À titre d'exemple, sur le point mort, on peut lire les réponses aux questions de la Cour (m.a., vol.
70, p. 16110 à 16119).
108.
À titre d'exemple, portant un jugement sur l'effet combiné de la grève de St-Jacques et de l'arrivée
de nouveaux concurrents sur l'évolution des épiceries Évangéline et Leclerc, il écrit:
«En conclusion, le magasin Héritage ne peut être tenu responsable de la
modification de l'environnement concurrentiel et des pertes financières que les
demanderesses allèguent avoir subies.»
109.
Pièce P-107-C (m.a., vol. 17, p. 3937).
110.
Voir: Annexe 4.
111.
Voir: M.i., vol. 1, p. 136 qui fixe la perte moyenne durant la période de référence à -0.68%.
112.
Témoignage d'André Leblond (m.a., vol. 57, p. 13343).
113.
50% des chiffres apparaissant à la Pièce P-98-C (m.a., vol. 12A, p. 2882-2885). Pour 1993, le
chiffre de Parent (p. 2885) est d'abord divisé par deux (2) pour ne tenir compte que des six (6)
premiers mois.
114.
Valeur des pertes en 1992 et pour le premier semestre de 1993 suivant la Pièce P-98-C (m.a., vol.
12A, p. 2884-2885).
115.
No 24851, jugement du 26 juin 1997.