Gilbert c. Bolduc |
2015 QCCS 3725 |
JR1676 (Chambre civile) |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
FRONTENAC |
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N° : |
235-17-000041-133 |
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DATE : |
17 AOÛT 2015 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
SIMON RUEL, j.c.s. (JR 1676) |
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RENÉE GILBERT |
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Demanderesse |
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c. |
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MIREILLE BOLDUC |
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BENOÎT MARCOUX |
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ANDREY BILODEAU |
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et |
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SOPHIE MASSICOTTE |
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Défendeurs |
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JUGEMENT(sur demande en homologation d’une transaction et jugement déclaratoire)
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[1] Les parties sont propriétaires de lots dans la Ville de Thetford Mines qui sont desservis par un réseau d’aqueduc privé.
[2] Par demande en jugement déclaratoire, la demanderesse, Mme Renée Gilbert, cherche à faire préciser les termes d’une Convention intervenue entre les parties, leur interdisant d’effectuer des constructions, ouvrages ou plantations sur une lisière de dix pieds de la ligne d’aqueduc privé.
[3] En particulier, Mme Gilbert prétend que le raccordement de sa propriété à une conduite d’égouts, qui devra passer sous la ligne de l’aqueduc privé située sur son terrain, ne constitue pas une violation des termes de la Convention.
[4] Le Tribunal juge et déclare que les constructions, ouvrages ou plantations visés la Convention sont ceux qui entravent ou empêchent de manière permanente l’entretien, la réparation ou le renouvellement des tuyaux du réseau d’aqueduc privé des parties. Le raccordement d’égouts envisagé par Mme Gilbert n’est pas interdit par la Convention.
Le contexte
[5] Le 9 septembre 2013, Mme Gilbert, obtient jugement de cette Cour lui confirmant un droit d’approvisionnement en eau à partir du réseau d’aqueduc privé dont bénéficient les parties, en regard de son lot numéro 4 385 592, adjacent à un autre lot sur lequel est sis sa résidence.
[6] De manière parallèle à ces procédures, le 5 septembre 2013, les parties signent une Convention par laquelle les propriétaires des lots desservis par l’aqueduc privé en question précisent leurs droits et obligations en regard des frais d’entretien et de réparation du réseau.
[7]
Les parties demandent au Tribunal d’homologuer la Convention du 5 septembre 2013,
en application de l’article
[8] Il subsiste cependant une difficulté réelle en lien avec l’interprétation de l’article 8 de la Convention qui se lit comme suit :
8. Chacune des parties aux présentes s’engage donc à n’effectuer aucune construction, ouvrage ou plantation permanente sur une lisière de dix (10) pieds (soit 5 pieds de chaque côté du tuyau d’aqueduc) où est situé le tuyau circulant sur son immeuble et approvisionnant sa résidence et/ou la résidence d’autres parties à la présente convention, le cas échéant, à l’exception d’un tuyau de réseau privé d’aqueduc qui pourrait en longer ou en traverser un autre;
[9] En effet, le ou vers le 2 octobre 2007, Mme Gilbert fait installer à ses frais une conduite à partir de l’égout municipal situé sur la rue qui fait face au lot numéro 4 385 592, jusqu’à la limite de ce lot, en vue d’un raccordement éventuel au réseau d’égout de la Ville de Thetford Mines.
[10] À l’heure actuelle, la conduite d’égouts municipale s’arrête donc à la limite du lot numéro 4 385 592 de Mme Gilbert, qui est vacant, et le raccordement ne sera effectué que lorsqu’il y aura construction d’un immeuble sur le lot.
[11] Or, pour effectuer le raccordement, la conduite d’égouts devra passer sous la ligne de l’aqueduc privé située sur le terrain de Mme Gilbert.
[12] Le défendeur, Monsieur Marcoux, s’oppose et considère que le raccordement éventuel d’égouts serait en contravention avec l’article 8 de la Convention en ce qu’il constitue une « construction » ou un « ouvrage » sur la lisière de cinq pieds du tuyau d’aqueduc privé traversant la propriété de Mme Gilbert.
[13] Mme Gilbert prétend que l’objectif des parties en ce qui concerne l’article 8 de la Convention était d’empêcher les parties d’effectuer des travaux ou constructions qui entravent l’entretien ou la réparation de la ligne d’aqueduc privé. Selon elle, le raccordement d’égouts est une opération temporaire qui n’entrave aucunement l’entretien futur de la ligne d’aqueduc privé.
L’analyse
[14] Comme en matière d’interprétation des lois, l’interprétation des contrats est contextuelle.
[15] Au-delà du texte précis d’une disposition contractuelle, le Tribunal doit s’attarder à l’intention commune des parties.[1] Dans cet esprit, le Tribunal doit tenir compte de la nature du contrat et des circonstances dans lesquelles il a été conclu.[2]
[16] Également, en interprétant une disposition contractuelle, il faut considérer l’ensemble du contrat, puisque ses clauses s’interprètent nécessairement les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune un sens qui s’harmonise avec l’ensemble.[3]
[17] Or, selon le Tribunal, il est manifeste, à la lecture de l’ensemble des dispositions de la Convention, que l’article 8 vise les constructions et ouvrages entravant ou empêchant de manière permanente l’entretien, la réparation ou le renouvellement des tuyaux du réseau d’aqueduc, par exemple, l’installation de structures ou l’érection d’obstacles.
[18] En effet, le huitième ATTENDU de la Convention précise que l’objet principal de la Convention est de préciser les droits des propriétaires de terrains qui sont approvisionnés par le réseau d’aqueduc privé « en regard des frais d’entretien, de réparation et de renouvellement des tuyaux du réseau d’aqueduc ».
[19] L’article 4 de la Convention prévoit que les frais relatifs à l’entretien, à la réparation et au renouvellement des tuyaux de la portion commune du réseau d’aqueduc seront partagés à parts égales entre les parties.
[20] Selon l’article 5 de la Convention, l’entretien, la réparation et le renouvellement des tuyaux qui partent de la portion commune du réseau d’aqueduc jusqu’aux lots approvisionnés seront partagés entre les parties bénéficiant de ce tronçon d’approvisionnement.
[21] L’article 6 de la Convention prévoit que chacune des parties reconnaît aux autres le droit d’effectuer des travaux sur son immeuble en vue d’entretenir, de réparer ou de renouveler les tuyaux de l’aqueduc privé. L’article 7 indique que les frais de remise en état du terrain, le cas échéant, seront établis selon les modalités prévues aux articles 4 et 5 de la Convention.
[22] Comme indiqué, l’article 8 prévoit que chacune des parties « s’engage donc à n’effectuer aucune construction, ouvrage ou plantation permanente » sur une lisière de cinq pieds de chaque côté du tuyau d’aqueduc privé circulant sur son immeuble. (Notre soulignement).
[23] Il est donc manifeste, à la lecture même des dispositions de la Convention, dans leur globalité, que les « construction[s], ouvrage[s] ou plantation[s] » mentionnées à l’article 8 visent les constructions, ouvrages ou plantations permanents qui entravent ou empêchent l’entretien, la réparation ou le renouvellement des tuyaux de l’aqueduc privé.
[24] De l’avis du Tribunal, le raccordement de la conduite d’égouts sur le lot numéro 4 385 592 appartenant à Mme Gilbert, qui doit être fait en passant sous la ligne d’aqueduc privé qui circule sur ce lot, constitue une réalisation temporaire qui, dans la mesure où elle est correctement effectuée, devrait n’avoir aucun impact sur la possibilité future d’entretien, de réparation ou de renouvellement des tuyaux de l’aqueduc privé.
[25] Ces travaux de raccordement d’égout devront être faits de manière à ne pas entraver de manière permanente la possibilité d’entretien, de réparation ou de renouvellement des tuyaux de l’aqueduc privé.
[26] En ce qui concerne le contexte et les circonstances dans lesquelles la Convention a été conclue, Mme Gilbert témoigne qu’il était connu des parties qu’elle avait fait faire des travaux en vue d’un raccordement éventuel de son lot numéro 4 385 592 au réseau d’égout municipal.
[27] Au moment de la signature de la Convention, les parties, M. Marcoux en particulier, savaient qu’il y aurait éventuellement raccordement d’égouts dont les travaux impliqueraient de passer sous la ligne d’aqueduc privé circulant sur le lot numéro 4 385 592.
[28] Mme Gilbert précise d’ailleurs qu’avant la signature de la Convention, M. Marcoux a fait raccorder sa propre résidence au réseau d’égouts municipal en traversant la ligne de l’aqueduc privé située sur son terrain.
[29] Selon Mme Gilbert, il est impensable et injuste qu’elle se soit engagée par contrat à se priver d’un service essentiel dont plusieurs autres parties bénéficient déjà.
[30] Le Tribunal accepte les prétentions de Mme Gilbert.
[31] La position du défendeur, M. Marcoux, est formaliste, capricieuse et semble être prise pour des motifs obliques.
[32] Il semble évident, tant du contexte que du texte de la Convention, que les parties n’ont pu vouloir se priver mutuellement de la possibilité de raccorder leurs propriétés aux égouts, dans la mesure où les travaux requis ne créent pas une entrave ou un empêchement permanent à l’entretien, la réparation ou le renouvellement des tuyaux du réseau d’aqueduc privé des parties.
[33] D’ailleurs, l’essentiel de l’argumentaire de M. Marcoux est de dire que les travaux de raccordement d’égouts pourraient avoir un impact sur la pérennité des conduites d’aqueduc.
[34] Évidemment, comme indiqué, Mme Gilbert, ou ses successeurs, devront effectuer à leurs frais les travaux de raccordement d’égouts de manière à préserver les conduites d’aqueduc et leur possibilité d’entretien, de réparation ou de renouvellement.
[35] S’il y a endommagement de la ligne d’aqueduc privée dans le cadre du raccordement d’égouts, le propriétaire du lot numéro 4 385 592 en sera évidemment responsable.
[36] Les parties se sont entendues pour clarifier certaines autres dispositions de la Convention et le Tribunal incorpore ces éléments dans ses conclusions.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[37] HOMOLOGUE la transaction conclue entre les parties par voie de Convention, signée le 5 septembre 2013;
[38] ACCUEILLE la Requête en jugement déclaratoire présentée par la demanderesse;
[39] DÉCLARE que le droit d’approvisionnement en eau de 2.5 usages ou unités dont dispose le lot 4 385 592 au Cadastre du Québec, Ville de Thetford Mines, circonscription foncière de Thetford, à partir du réseau privé d’aqueduc, pourra être transféré à l’un ou l’autre des lots issus du morcellement de cet immeuble au choix de la demanderesse, le cas échéant, pourvu qu’il soit rattaché à la valve « D » qui apparaît au plan joint en annexe à la Convention du 5 septembre 2013;
[40] DÉCLARE que les rues, routes, chemins ou entrées, asphaltés ou non, qui existaient avant la signature de la Convention par les parties le 5 septembre 2013, et longeant les propriétés des parties ou passant sur celles-ci, ne constituent pas des ouvrages visés par l’article 8 de la Convention;
[41] DÉCLARE que les constructions, ouvrages ou plantations visés par l’article 8 de la Convention du 5 septembre 2013 sont ceux qui entravent ou empêchent de manière permanente l’entretien, la réparation ou le renouvellement des tuyaux du réseau d’aqueduc privé des parties;
[42] DÉCLARE que les installations du réseau d’égouts approvisionnant les propriétés des parties ne constituent pas des ouvrages visés par l’article 8 de la Convention du 5 septembre 2013, dans la mesure où elles n’entravent ou n’empêchent pas l’entretien, la réparation ou le renouvellement des tuyaux du réseau d’aqueduc privé des parties;
[43] LE TOUT sans frais.
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__________________________________ SIMON RUEL, j.c.s. |
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Me Odette Gagné Gagné, Larouche, Vézina 21, rue Notre-Dame Est |
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Pour la demanderesse |
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Me Frédéric Benoît Hackett, Campbell,
Bouchard |
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Pour les défendeurs |
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Date d’audience : |
13 août 2015 |
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