Décision

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Laflamme c. Schaefer (Dormez-vous ?)

2013 QCCQ 3033

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

QUÉBEC

LOCALITÉ DE

QUÉBEC

« Chambre civile »

No:

200-32-056353-120

 

 

DATE :

28 mars 2013

 

 

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE PIERRE A. GAGNON, J.C.Q. [JG-2320]

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MARTIAL LAFLAMME

[…] Québec (Québec) […]

 

Demandeur

 

c.

 

STEWART Schaefer, faisant affaires sous le nom «DORMEZ-VOUS?»

59, boulevard Hymus

Pointe-Claire (Québec) H9R 1E2

 

Défenderesse

 

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JUGEMENT

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[1]           M. Martial Laflamme a-t-il droit à la résolution de la vente du matelas acheté chez «Dormez-vous?» parce que celui-ci est affecté d'un défaut?

Les faits:

[2]           Le 17 juillet 2010, M. Laflamme achète un matelas de marque Simmons, modèle Summerhill, chez «Dormez-vous?» pour un prix de 728,29 $. Il s'agit d'un modèle à ressorts ensachés avec un plateau-coussin comptant un bon deux pouces de mousse.

[3]           Le fabricant du matelas, Simmons Canada inc., garantit son matelas contre tout défaut de fabrication pour une durée de dix ans. Sa garantie conventionnelle ne couvre toutefois pas «le relief normal des formes corporelles de 3,8 cm (1 et ½ po) ou moins». Cette exclusion s'explique par l'utilisation de mousses qui peuvent à l'usage voir leur mollesse augmentée ou leur fonction de reprise de la forme diminuée.

[4]           À l'utilisation, M. Laflamme et son épouse constatent que le matelas a tendance à s'affaisser sur un des côtés. Durant les fêtes 2011, la belle-sœur de M. Laflamme alors en visite prolongée se plaint que le matelas est inconfortable. De fait, M. Laflamme et son épouse ont remarqué l'apparition graduelle d'une bosse sur toute la longueur, en plein centre du matelas. En outre, il penche considérablement d'un côté.

[5]           Début janvier 2012, M. Laflamme contacte «Dormez-vous?» pour se plaindre de la situation. «Dormez-vous?» délègue deux inspecteurs pour vérifier le matelas. À l'aide d'un niveau, ils constatent un affaissement d'un demi-pouce sur le côté. Malgré la demande insistante de M. Laflamme, ils ne vérifient pas la présence ou non de la bosse au centre du matelas.

[6]           Les inspecteurs informent M. Laflamme que l'affaissement d'un demi-pouce constaté est normal et qu'il n'y a donc pas de vice de fabrication. Ils considèrent que les constats de M. Laflamme sont subjectifs («Body Impression») et que la garantie de Simmons ne s'applique pas.

[7]           Le 8 février 2012, M. Laflamme transmet une mise en demeure à «Dormez-vous?» réclamant le remplacement du matelas ou le remboursement du prix d'achat.

[8]           Depuis ses démarches pour faire remplacer son matelas de janvier 2012, M. Laflamme et son épouse ne l'utilisent plus. Ils dorment maintenant dans leur vieux lit au sous-sol.

Analyse et motifs:

[9]           En tant que vendeur, «Dormez-vous?» est tenu de garantir la qualité du bien qu'elle a vendu à M. Laflamme selon l'article 1726 du Code civil du QuébecC.c.Q.»):

1726. Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.

Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.

[10]        Lorsque la vente est faite par un vendeur professionnel et que la détérioration du bien survient prématurément par rapport à un bien identique ou de même espèce, l'article 1729 C.c.Q. présume l'existence du vice au moment de la vente:

1729. En cas de vente par un vendeur professionnel, l'existence d'un vice au moment de la vente est présumée, lorsque le mauvais fonctionnement du bien ou sa détérioration survient prématurément par rapport à des biens identiques ou de même espèce; cette présomption est repoussée si le défaut est dû à une mauvaise utilisation du bien par l'acheteur.

[11]        Par ailleurs, M. Laflamme est un consommateur qui bénéficie des dispositions de la Loi sur la protection du consommateur («L.P.C.»)[1] notamment les articles suivants:

37. Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à l'usage auquel il est normalement destiné.

38. Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d'utilisation du bien.

43. Une garantie relative à un bien ou à un service, mentionnée dans une déclaration ou un message publicitaire d'un commerçant ou d'un fabricant, lie ce commerçant ou ce fabricant. Il en est de même d'une garantie écrite du commerçant ou du fabricant non reproduite dans le contrat

[12]        En l'espèce, M. Laflamme et les membres de sa famille constatent un inconfort dans l'utilisation du matelas. Cet inconfort est objectivé par la présence d'un affaissement sur le côté et d'une bosse au centre du matelas. Cet inconfort est tel que M. Laflamme et son épouse ne l'utilisent plus.

[13]        Le fabricant Simmons donne une garantie conventionnelle de dix ans sur le matelas. Cette garantie démontre bien qu'un matelas a au moins une durée de vie de dix ans.

[14]        Dans ces circonstances, M. Laflamme a prouvé, par prépondérance, que le mauvais fonctionnement du matelas ou sa détérioration est survenu prématurément par rapport à un matelas normal. Ainsi, le vice de fabrication est présumé et il appartient à «Dormez-vous?» de prouver qu'il n'y a pas de vice de fabrication ou que le vice découle d'une mauvaise utilisation du matelas.

[15]        La preuve de «Dormez-vous?» est insuffisante pour renverser la présomption de l'article 1739 C.c.Q.

[16]        D'une part, l'inspection confirme l'affaissement d'un demi-pouce. Les inspecteurs n'ont pas contredit la présence de la bosse au centre du matelas. La condition du matelas est telle que M. Laflamme et son épouse ne l'utilisent plus.

[17]        D'autre part, «Dormez-vous?» n'a pas offert une preuve permettant au Tribunal de conclure qu'un matelas, présentant un affaissement d'un demi-pouce et une bosse sur toute sa longueur au centre, est normal et acceptable.

[18]        La demande de M. Laflamme de résoudre la vente intervenue est donc bien fondée. M. Laflamme a droit au remboursement du prix de vente.

[19]        M. Laflamme réclame en plus des dommages-intérêts pour 500 $. Le Tribunal ne les accordera pas. Les ennuis et inconvénients qu'il a pu subir sont compensés par le fait qu'il sera remboursé intégralement du prix de vente du matelas alors qu'il en a eu l'utilisation pendant un peu plus de dix-huit mois.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

ACCUEILLE en partie la demande;

RÉSOUT la vente entre les parties du matelas Simmons Summerhill intervenue le 17 juillet 2010;

CONDAMNE le défendeur Stewart Schaefer, faisant affaires sous le nom «Dormez-vous?», à payer au demandeur M. Martial Laflamme la somme de 728,29 $ avec intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter du 8 février 2012;

PERMET au défendeur Stewart Schaefer, faisant affaires sous le nom «Dormez-vous?», sur paiement de la condamnation en capital, intérêts et frais, de reprendre le matelas, à ses frais, après avis écrit de 48 heures au demandeur Martial Laflamme. À défaut par «Dormez-vous?» de procéder à l'enlèvement du matelas dans le délai de deux mois de ce jugement, PERMET à M. Martial Laflamme d'en disposer;

CONDAMNE le défendeur Stewart Schaefer, faisant affaires sous le nom «Dormez-vous» à payer au demandeur Martial Laflamme les frais de la demande, soit 103 $.

 

 

 

 

 

__________________________________

PIERRE A. GAGNON, J.C.Q.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Date d’audience :

12 février 2013

 



[1]     Loi sur la protection du consommateur, RLRQ c. P-40.1.

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