Autobus Thomas inc. et Danis |
2014 QCCLP 523 |
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RECTIFICATION D’UNE DÉCISION
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[1] La Commission des lésions professionnelles a rendu le 28 janvier 2014, une décision dans le présent dossier;
[2]
Cette décision contient des erreurs d’écriture qu’il y a lieu de
rectifier en vertu de l’article
[3] Au paragraphe [80], nous lisons :
[80] Pour toutes ces raisons, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que la requête du travailleur doit être rejetée.
[4] Alors que nous aurions dû lire à ce paragraphe :
[80] Pour toutes ces raisons, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que la requête de l’employeur doit être accueillie.
[5] À la page 14, nous lisons :
REJETTE la requête de monsieur Steve Danis, le travailleur;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 16 octobre 2012, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la réclamation produite par le travailleur est irrecevable;
DÉCLARE que le travailleur n’a pas subi une lésion professionnelle le 21 septembre 2011.
[6] Alors que nous aurions dû lire :
ACCUEILLE la requête de l’employeur, Autobus Thomas inc.;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 16 octobre 2012, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la réclamation produite par le travailleur est irrecevable.
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Christian Genest |
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Me Nathalie Gonthier |
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BCF AVOCATS D’AFFAIRES |
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Représentant de la partie requérante |
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M. Jacques Fleurent |
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R.A.T.T.A.C.Q. |
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Représentant de la partie intéressée |
Autobus Thomas inc. et Danis |
2014 QCCLP 523 |
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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Saint-Hyacinthe |
28 janvier 2014 |
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Région : |
Mauricie-Centre du Québec |
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Dossier : |
485200-04B-1210 |
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Dossier CSST : |
139750137 |
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Commissaire : |
Christian Genest, juge administratif |
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Membres : |
Denis Gagnon, associations d’employeurs |
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Jean-Pierre Périgny, associations syndicales |
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Autobus Thomas inc. |
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Partie requérante |
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et |
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Steve Danis |
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Partie intéressée |
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[1] Le 14 janvier 2014, Autobus Thomas inc. (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 16 octobre 2012 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme la décision rendue initialement le 6 septembre 2012 et que le travailleur a subi une lésion professionnelle, prenant la forme d’un accident de travail, en date du 21 septembre 2011.
[3] L’audience s’est tenue à Drummondville, le 14 janvier 2013, en présence du travailleur et de l’employeur, tous deux dûment représentés.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] L’employeur demande de déclarer que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le 21 septembre 2011.
LE MOYEN PRÉALABLE
[5]
L’employeur soulève de façon préliminaire que la réclamation du
travailleur a été produite après l’expiration du délai prévu à l’article
LES FAITS
[6] Le travailleur, âgé de 57 ans, alors qu’il œuvre à titre de commis à l’expédition et la réception de la marchandise depuis août 2008, allègue avoir subi un accident du travail le 21 septembre 2011.
[7] À cette date, alors qu’il lève une boite de 6 pieds de long avec l’aide d’un collègue, le travailleur voit celle-ci lui glisser entre les mains après l’avoir passée par-dessus des obstacles, entraînant ainsi un effet de renversement au niveau de son bras.
[8] À la demande du tribunal, le travailleur reproduit le geste posé à l’audience. Le tribunal constate que la boite se retrouve d’abord au niveau de son torse, pour ensuite venir lui écraser le bras. Ce serait précisément à ce moment que le travailleur aurait ressenti une forte douleur au niveau de l’épaule gauche.
[9] Il prend alors l’initiative de déclarer l’événement à l’employeur et termine sa journée de travail.
[10] Croyant que ses malaises finiraient par s’estomper, ce dernier continue toutefois d’effectuer normalement sa prestation de travail, et ce, sans entraves, jusqu’au 4 juillet 2012, non sans constater une certaine sensibilité au site de lésion. En effet, bien qu’il ressente des douleurs épisodiques, celles-ci lui étaient néanmoins supportables, d’où le fait qu’il reste fonctionnel dans le cadre de son travail.
[11] Appelé à préciser la nature de ses malaises, le travailleur affirme qu’il ressentait, au cours de cette longue période, une douleur irradiante sur l’ensemble de son membre supérieur gauche, associée à une sensation de « main épaisse », de picotement, de brûlure, et même d’engourdissement lui prenant surtout les 3ième et 4ième doigts. Il ajoute que la symptomatologie décrite était plus marquée en fin de journée.
[12] Questionné sur les moyens qu’il a pris afin de diminuer son inconfort, le travailleur énonce qu’il a suivi, toujours au cours de cette longue période, et à sa propre initiative, quatre ou cinq traitements de massothérapie dont il assume lui-même les frais.
[13] Il s’est également procuré un bracelet épicondylien que l’on peut se procurer librement en pharmacie. Il a toutefois cessé de le porter au bout de trois mois, ne constatant aucune amélioration.
[14] En fonction de la preuve documentaire, le travailleur cesse complètement de travailleur en date du 4 juillet 2012, étant devenu incapable de faire son travail. La douleur qu’il ressentait à son bras était tout simplement devenue invalidante au point de l’empêcher de soulever tout objet moindrement pesant.
[15] C’est ce qui amène le travailleur à consulter, le 6 juillet 2012, le docteur Lacroix, qui diagnostique une déchirure du labrum de l’épaule gauche. Il prescrit un arrêt de travail par la même occasion.
[16] Le tribunal comprend que le travailleur dépose finalement une réclamation à la CSST pour accident de travail. Les parties, à la demande du tribunal, sont toutefois incapables de l’informer sur le moment précis où la réclamation a effectivement été déposée à la CSST. La preuve testimoniale dont dispose le tribunal est muette à cet égard.
[17] Néanmoins, le 6 septembre 2012, la CSST refuse sa réclamation à titre de lésion professionnelle sous la forme d’un accident du travail, prenant la forme d’une déchirure du labrum de l’épaule gauche. Cette décision est maintenue par la CSST en révision administrative en date du 16 octobre 2012, d’où le présent litige.
[18] Questionné à l’audience sur les raisons pour lesquelles il a attendu si longtemps avant de produire une réclamation à la CSST, le travailleur affirme qu’il croyait tout simplement que le tout finirait pas passer et qu’il ne souhaitait tout simplement pas avoir de dossier avec la CSST.
[19] En réponse à une question adressée par le tribunal, le travailleur conclut son témoignage en affirmant que l’employeur ne fournit aucunement aux employés un service d’assistance en matière de réclamation à la CSST.
[20] Présentement, il ne prend aucune médication et ne suit aucun traitement. Il n’a d’ailleurs pas réintégré le marché du travail.
L’ARGUMENTATION DES PARTIES SUR LE MOYEN PRÉALABLE
[21]
La procureure de l’employeur soumet que le délai de 6 mois édicté à
l’article
[22] Elle s’inscrit donc en faux contre la thèse voulant que l’intérêt du travailleur à produire une réclamation coïncide avec le début de son arrêt de travail résultant de sa lésion.
[23] Bien que le travailleur ait rapporté l’événement le jour même, la procureure ajoute que cela ne le libérait cependant pas de son obligation de déposer une réclamation à la CSST dans les 6 mois de la lésion.
[24] Elle conclut son argumentation en soulignant que l’employeur n’a pas de devoir d’assistance en matière de production d’une réclamation.
[25] Le représentant du travailleur rétorque que le point de départ pour calculer le délai court à compter du moment où celui-ci présente un intérêt général ou encore un intérêt réel et actuel à produire une réclamation.
[26] Ainsi, en l’espèce, le travailleur n’avait aucun intérêt financier à produire sa réclamation plus tôt puisqu’il n’avait rien à réclamer.
[27] Il comprend mal que l’on considère toute la question des motifs raisonnables en l’instance puisque selon lui, la réclamation du travailleur a tout simplement été déposée à l’intérieur du délai prévu par la loi.
L’AVIS DES MEMBRES SUR LE MOYEN PRÉALABLE
[28] Les membres issus des associations d’employeurs et des associations syndicales ont des avis divergents concernant la présente réclamation.
[29] Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que la requête du travailleur doit être rejetée.
[30]
Il considère irrecevable la réclamation déposée par le travailleur au
motif qu’elle n’a pas été produite à l’intérieur du délai prévu à l’article
[31] En conséquence, il estime qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le fond du litige.
[32] Le membre issu des associations syndicales est plutôt d’avis d’accueillir la réclamation présentée par le travailleur.
[33] Bien qu’il concède que la réclamation du travailleur ait été déposée hors-délai, il insiste particulièrement sur le fait que le travailleur n’avait aucun intérêt à produire sa réclamation avant son arrêt de travail de juillet 2012.
[34] Il y aurait donc lieu de convoquer à nouveau les parties afin de statuer sur le fond du litige.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION SUR LE MOYEN PRÉALABLE
[35] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a produit sa réclamation à la CSST dans le délai légal et si tel n’est pas le cas, si elle a démontré un motif raisonnable pour expliquer son retard lui permettant ainsi d’être relevé de son défaut.
[36]
Les articles
270. Le travailleur qui, en raison d'une lésion professionnelle, est incapable d'exercer son emploi pendant plus de 14 jours complets ou a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique ou, s'il décède de cette lésion, le bénéficiaire, produit sa réclamation à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de la lésion ou du décès, selon le cas.
L'employeur assiste le travailleur ou, le cas échéant, le bénéficiaire dans la rédaction de sa réclamation et lui fournit les informations requises à cette fin.
Le travailleur ou, le cas échéant, le bénéficiaire remettent à l'employeur copie de ce formulaire dûment rempli et signé.
__________
1985, c. 6, a. 270.
271. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle qui ne le rend pas incapable d'exercer son emploi au-delà de la journée au cours de laquelle s'est manifestée sa lésion ou celui à qui aucun employeur n'est tenu de verser un salaire en vertu de l'article 60, quelle que soit la durée de son incapacité, produit sa réclamation à la Commission, s'il y a lieu, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de sa lésion.
__________
1985, c. 6, a. 271.
272. Le travailleur atteint d'une maladie professionnelle ou, s'il en décède, le bénéficiaire, produit sa réclamation à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de la date où il est porté à la connaissance du travailleur ou du bénéficiaire que le travailleur est atteint d'une maladie professionnelle ou qu'il en est décédé, selon le cas.
Ce formulaire porte notamment sur les noms et adresses de chaque employeur pour qui le travailleur a exercé un travail de nature à engendrer sa maladie professionnelle.
La Commission transmet copie de ce formulaire à chacun des employeurs dont le nom y apparaît.
__________
1985, c. 6, a. 272.
[nos soulignements]
[37]
Par ailleurs, l’article
352. La Commission prolonge un délai que la présente loi accorde pour l'exercice d'un droit ou relève une personne des conséquences de son défaut de le respecter, lorsque la personne démontre un motif raisonnable pour expliquer son retard.
__________
1985, c. 6, a. 352.
[38]
Dans le présent dossier, le médecin qui a charge du travailleur a retenu
le diagnostic de déchirure du labrum de l’épaule gauche. Il n’est nullement
invoqué ou démontré que cette pathologie découle d’une maladie professionnelle.
Dans les circonstances, le tribunal est d’avis que l’article
[39] Le travailleur soutient en fait qu’il a subi un accident du travail le 21 septembre 2011 et que sa déchirure découle directement de cet événement.
[40] Selon le témoignage du travailleur, celui-ci a néanmoins continué d’effectuer sa prestation de travail jusqu’au mois de juillet 2012.
[41]
Dans les circonstances, puisque la preuve démontre que le travailleur
n’est pas devenu incapable d’occuper son emploi à la suite de l’événement
accidentel allégué, c’est donc l’article
[42]
Le représentant du travailleur soutient que la réclamation produite en
juillet 2012 à l’égard d’un accident du travail qui est survenu le 21 septembre
2011, soit au-delà du délai de six mois indiqué à l’article
[43] Au soutien de sa position, le représentant du travailleur invoque le fait que l’événement du 21 septembre 2011 ne l’a pas rendu incapable d’occuper son emploi de façon contemporaine, et qu’en conséquence, celui-ci n’a subi aucune perte monétaire de manière concomitante à sa lésion.
[44] Cependant, la preuve révèle que le travailleur souffrait de malaises, suite à l’événement traumatique allégué, au point de prendre l’initiative de se traiter par le biais de traitements de massothérapie, en plus de se procurer un bracelet épicondylien qu’il temporairement porté pour travailler.
[45]
L’article
[46] Pour certains, le texte est clair et le délai court à compter de la lésion,[3] même si celle-ci n’a pas entraîné d’arrêt de travail[4] le jour même, dans les semaines ou les mois suivants,[5] et non à compter du moment où il est porté à la connaissance du travailleur le fait qu’il puisse s’agir pour lui d’une lésion professionnelle.[6]
[47] Pour d’autres, le délai se calcule à partir du moment où se manifeste la lésion[7] ou encore à partir du moment où se manifestent les conséquences de la lésion, soit à compter du début de l'incapacité résultant de la lésion professionnelle.[8]
[48]
Enfin, l’article
[49]
Pour d’autres, la présence au texte de l’article
[44] Le tribunal comprend de la preuve que le travailleur s’est désintéressé de la réclamation qu’il devait produire puisqu’il a malgré tout reçu son salaire habituel, qui correspond à 40 heures de travail et que son déboursé de pharmacie est peu important. Il ressort de la preuve que le travailleur s’est donc contenté de l’arrangement pris avec son employeur pour reprendre ses heures d’absence du travail, ce en quoi l’employeur s’est en quelque sorte effectivement occupé de la réclamation à la satisfaction du travailleur sur le moment. La préoccupation principale du travailleur était en effet à l’époque, ainsi qu’il le reconnaît, de demeurer au travail, sans doute dans le but de pouvoir toucher des prestations d’assurance emploi pendant la saison morte.
[…]
[46] Quoi qu’il en soit, il avait définitivement intérêt à réclamer ne serait ce que pour obtenir l’assistance médicale prévue à la loi (voir l’article 189).4
[47] Rien ne justifie l’inaction du travailleur après sa saison de travail. Il était de retour à son domicile et pouvait facilement communiquer avec la CSST pour obtenir des renseignements sur la marche à suivre pour compléter sa demande de prestations, si besoin était. Le délai de l’article 271 n’était pas encore expiré à cette époque.
[48] Le travailleur a d’ailleurs fait les démarches requises de lui-même lorsqu’il a réalisé en juillet 2003 qu’il encourrait une perte de revenu à la suite de l’arrêt complet de travail qui venait de lui être recommandé. Ce fait confirme que le travailleur a renoncé dans les six mois de l’accident à demander des prestations à la CSST parce qu’il jugeait son intérêt marginal.
[49] Malheureusement, le choix du travailleur ne s’est pas révélé le plus avisé. Il ne s’agit pas pour autant d’un motif raisonnable.5
[50] Le tribunal ne peut soumettre le délai de six mois prévu à l’article 271 à une condition que la loi ne prévoit pas, à savoir l’existence d’un intérêt qui n’est pas marginal. D’ailleurs, l’introduction d’une telle notion ne pourrait conduire qu’à l’arbitraire : qu’est-ce qu’un intérêt marginal : 100,00 $, 500,00 $, 1 000,00 $? La notion ne pourrait être définie avec précision et serait dans les faits laissée à la discrétion des décideurs selon le degré de sympathie du cas. Cette incertitude n’a pas été voulue par le législateur puisqu’il a prévu le cas où le retard peut être excusé : il faut prouver un motif raisonnable.
[51] Dans deux décisions6, la Commission des lésions professionnelles a jugé que la renonciation à réclamer les frais de pharmacie dans le délai imparti par la loi n’équivaut pas à une renonciation à faire reconnaître l’existence d’une lésion professionnelle.
[52] Avec respect pour l’opinion des commissaires qui ont rendu ces décisions, la commissaire soussignée considère qu’en distinguant ainsi les types de prestations auxquelles la loi donne accès, on fait fi d’une disposition claire de la loi qui prescrit un délai de déchéance et qui ne fait pas cette distinction.
[53] L’article 271 s’applique à la réclamation qu’il y a lieu de faire, quelles que soient les prestations demandées : indemnité de remplacement du revenu, assistance médicale, frais de déplacements ou autres. Le législateur limite le délai dans lequel il est possible de produire une réclamation, sans doute pour des considérations de stabilité juridique. Sauf le cas prévu à la loi (l’article 352), il ne revient pas au tribunal de circonvenir son intention en adoptant une interprétation de la loi que le texte et l’objectif poursuivi par le législateur n’autorisent pas. »
_____________________
4. voir l’intéressante analyse de la question faite dans l’affaire Leclerc et Les Maisons Logitech et aI., 241 535-O1A-0408, 19 mai 2005, J-F. Clément.
5 Sur la renonciation à réclamer voir:
Pépin et Natrel inc., 186998-32-0207, 24 avril 2003, G.Tardif; Lauzon
et Clinique dentaire Phan & Bui,
6 Baril et Lorex inc.
[nos soulignements]
[50]
De même, dans l’affaire Brassard,[13]
le juge Bérubé a déterminé que la locution « s'il y a lieu, »
contenue à l'article
[51]
De l’ensemble de cette jurisprudence, le tribunal retient la position
voulant qu’en principe, le délai de six mois édicté à l’article
[52]
De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, le texte de
l’article
[53] Pour le tribunal, si le législateur avait voulu permettre au travailleur de produire une réclamation dans les six mois à compter du moment où il a un intérêt à le faire, il se serait exprimé différemment.
[54]
Le tribunal partage également l’avis émis par le juge Bérubé dans
l’affaire Brassard et Voltech[16] et croit que
l’expression « s’il y a lieu, » qu’on retrouve à l’article
[55]
En ce sens, le tribunal est donc d’avis que c’est davantage par le biais
de l’analyse d’un motif raisonnable, faite dans le contexte de l’application de
l’article
[56]
Avec égards, pour les tenants d’une opinion à l’effet contraire, le
recours à une interprétation de l’article
[57]
Pour le tribunal, le travailleur devait produire sa réclamation dans les
six mois de sa lésion. En l’espèce, celui-ci a soutenu que son accident est
survenu le 21 septembre 2011. Par application de l’article
[58] De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, le travailleur n’est pas parvenu à faire une telle démonstration.
[59] Précisons d’entrée de jeu que le représentant du travailleur a fermement soutenu que ce dernier n’avait pas à démontrer un quelconque motif puisque selon lui, la réclamation a tout simplement été déposée à l’intérieur même du délai prévu par le loi.
[60] Cette manière de voir les choses a le mérite d’être claire et cohérente. En fonction de la conclusion à laquelle en arrive le tribunal sur non-respect du délai, l’analyse du tribunal pourrait très bien se terminer à ce stade-ci.
[61] Toutefois, le soussigné estime approprié de disposer de l’argument soulevé en cours d’audience, à l’effet que le travailleur n’avait pas d’intérêt réel et actuel à produire sa réclamation à la CSST, principalement du fait qu’il a continué à effectuer normalement sa prestation de travail.
[62] Comme l’a déjà décidé la Commission des lésions professionnelles,[18] l'absence d'intérêt du travailleur à produire sa réclamation peut effectivement être invoquée à titre de motif raisonnable au sens de l'article 352.[19]
[63] En l’espèce, on a souligné que l’absence d’intérêt réel et actuel du travailleur à produire sa réclamation à la CSST, résulte principalement du fait qu’il a continué à effectuer normalement sa prestation de travail, temporairement assisté d’un support épicondylien, jusqu’à son arrêt de travail de juillet 2012, malgré la survenance d’un événement traumatique le 21 septembre 2011.
[64] En ce sens, le tribunal considère que le travailleur avait donc clairement un intérêt réel et actuel à produire sa réclamation dès sa survenue, surtout dans un contexte où il ressent un malaise constant au site de lésion alléguée qu’il attribue à la survenance de l’événement traumatique identifié.
[65] Le tribunal est d’avis que la trame chronologique révélée par la preuve démontre plutôt que le travailleur a fait preuve d’une certaine forme d’insouciance, à défaut de négligence, à l’égard de la réclamation qu’il devait produire à la CSST.
[66] Le témoignage du travailleur est d’ailleurs clair à cet égard : il ne voulait pas avoir de dossier avec la CSST.
[67] Ainsi, l’accident allégué serait survenu le 21 septembre 2011. La douleur est suffisamment incommodante pour qu’il entreprenne de consommer des analgésiques, se procure un support épicondylien, et qu’il décide d’entreprendre de son propre chef des traitements de massothérapie. Bien qu’il ne cesse toutefois pas de travailler.
[68] Il convient de souligner ici que le travailleur ne juge toujours pas nécessaire de produire de réclamation, malgré la présence d’un malaise persistant.
[69] En fait, ce n’est que 10 mois après la survenance de l’événement traumatique que le travailleur décide finalement de produire sa réclamation à la CSST, et ce, malgré la permanence de ses symptômes.
[70] De l’avis du tribunal, le travailleur a eu, tout au cours de cette période, de nombreuses possibilités qui s’offraient à lui pour déclarer sa lésion à la CSST.
[71] Il ne s’agit pas ici d’accabler le travailleur par un procès d’intention quelconque, mais plutôt de souligner son inaction qui révèle de sa part, une certaine forme de négligence, ou plutôt d’insouciance, dans les circonstances.
[72] En somme, le tribunal doit néanmoins prendre en considération qu’une partie quantifiable du non-respect des délais lui est directement imputable, ne serait-ce qu’en fonction de ses propres choix, visant à œuvrer, sans intention malicieuse, à l’extérieur du mécanisme prévu par la loi, ne serait-ce, notamment, que par ses propres interventions visant à soulager les divers symptômes qui l’affligent.
[73] Malheureusement, le choix du travailleur ne s’est pas révélé le plus avisé. Il ne s’agit pas pour autant d’un motif raisonnable.[20] Il doit ainsi assumer les effets de sa décision et de sa renonciation à réclamer au moment voulu.[21]
[74]
Par ailleurs, il avait définitivement intérêt à réclamer ne serait ce
que pour obtenir l’assistance médicale prévue à la loi, en fonction de
l’article
[75] Il est juste de prétendre que la Commission des lésions professionnelles doit éviter de s’enfermer dans un rigorisme excessif. Toutefois, afin d’atteindre l’objectif visé par le législateur, le tribunal doit faire preuve de prudence dans l’évaluation des motifs qui lui sont soumis afin de ne pas cautionner la négligence ou l’insouciance d’une partie d’exercer un droit qui lui appartient.[23]
[76] Il a également été invoqué comme motif de prolongation de délai, dans le cadre de l’administration de la preuve testimoniale, le fait que l’employeur, n’aurait pas initié de réclamation, et de ce même fait, ne lui aurait ainsi pas donné l’assistance nécessaire afin de lui permettre de présenter une réclamation en temps utile.
[77] Cet argument ne peut toutefois être retenu, car la responsabilité de produire une réclamation à la CSST incombe d’abord au travailleur.[24] L’employeur n’avait pas à produire la réclamation en lieu et place de celle-ci, ni même l’inciter à le faire.[25]
[78] L’employeur a un devoir d’assistance lorsqu’un travailleur initie cette démarche, mais encore faut-il que tel soit le cas,[26] ce que la preuve ne démontre pas ici, du moins pas avant le mois de juin 2012.
[79] De tout ceci, le tribunal conclut que le travailleur n’a pas soumis un motif raisonnable permettant de le relever de son défaut d’avoir produit sa réclamation dans les six mois de sa lésion et il ne peut être relevé de son défaut. Sa réclamation doit donc être déclarée irrecevable.
[80] Pour toutes ces raisons, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que la requête du travailleur doit être rejetée.
[81] Par voie de conséquences, il n’y a pas lieu ainsi de statuer non seulement sur le fond de la réclamation, mais également sur la question de la récidive, rechute, ou aggravation subséquente.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de monsieur Steve Danis, le travailleur;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 16 octobre 2012, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la réclamation produite par le travailleur est irrecevable;
DÉCLARE que le travailleur n’a pas subi une lésion professionnelle le 21 septembre 2011.
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Christian Genest |
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Me Nathalie Gonthier |
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BCF AVOCATS D’AFFAIRES |
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Représentant de la partie requérante |
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M. Jacques Fleurent |
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R.A.T.T.A.C.Q. |
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Représentant de la partie intéressée |
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[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] Botsis et V & X Création ltée,
[3] Voir à titre d’exemples : Tremblay et
Abitibi-Consolidated inc., C.A.L.P.
[4] Carrière et S.G.L. Canada inc.
(Gic), C.L.P.
[5] Larochelle et Abitibi-Price inc.,
C.L.P.
[6] Da Silva et S.T.M., C.A.L.P.
[7] Voir à titre d’exemples : Poulin et C.U.M., C.A.L.P. 29349-62B-9105, 6 mai 1993, J.-C. Danis; Ostiguy et Ministère de la Défense nationale, C.A.L.P. 76593-62A-9602, 18 avril 1996, M. Kolodny; Brunet et Brunet & Brunet inc., précitée, note 2.
[8] Calogheros et Goodyear Canada inc.,
C.A.L.P. 51752-62C-9306, 5 octobre 1995, M. Lamarre; Nolet et Zellers inc., C.L.P.
[9] Paré et Guy Dauphinais inc.,
C.L.P.
[10] Voir par exemple : Beaupré et Cégep
Ahuntsic, C.A.L.P.
[11] Bernier et Coopérative forestière
Laterrière, C.L.P.
[12] C.L.P. 239846-31-0407, 25 mai 2005, G. Tardif.
[13] Brassard et Voltech, C.L.P.
[14] Précitée, notes 4 et 5.
[15] Gosselin et Beaulieu Canada Div.,
[16] Précitée, note 13.
[17] Précitée, note 12.
[18] Annett et Ministère Sécurité
publique,
[19]
Pelletier et Québec (Ministère
Sécurité publique),
[20] Pépin et Natrel inc.,
186998-32-0207, 24 avril 2003, G.Tardif; Lauzon et Clinique
dentaire Phan & Bui,
[21] Wittingham et Corporation
d’Urgence-santé,
[22] Voir l’intéressante analyse de la question
faite dans l’affaire Leclerc et Les Maisons Logitech et als.,
[23] BARREAU DU QUÉBEC, SERVICE DE LA FORMATION CONTINUE, Développement récent en droit de la santé et sécurité au travail, vol. 360, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2013.
[24] Kobel et Club de Golf Granby St-Paul, C.L.P.
[25] Id.
[26] Chevrier et CH Pierre Le Gardeur,
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