Décision

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Modèle de décision CLP - janvier 2010

Signotech inc.

2012 QCCLP 6333

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

4 octobre 2012

 

Région :

Montréal

 

Dossier :

422245-71-1010

 

Dossier CSST :

135440790

 

Commissaire :

Jean-Claude Danis, juge administratif

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Signotech inc.

 

Partie requérante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 19 octobre 2010, Signotech inc. (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 14 octobre 2010, à la suite d’une révision administrative.

[2]           Cette décision confirme celle rendue le 9 septembre 2010 et déclare que la totalité du coût des prestations dues en raison de l’accident du travail subi le 9 octobre 2009 par monsieur Blaise Bérubé (le travailleur) doit être imputée à l’employeur.

[3]           L’employeur a présenté une argumentation écrite le 20 juin 2012.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           L’employeur demande de déclarer que la CSST doit imputer à son dossier financier uniquement la partie de l’indemnité de remplacement du revenu versée au travailleur qui correspond au salaire que celui-ci gagnait lorsqu’il a subi un accident du travail à son service le 9 octobre 2009, c'est-à-dire un revenu brut de 27 112,80 $.

LES FAITS

[5]           La Commission des lésions professionnelles retient, entre autres, ce qui suit de l’analyse du dossier et de la preuve reçue à l’audience[1] conformément à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi).

[6]           Le travailleur est embauché chez l'employeur en février 2009. Il occupe un poste d’amortisseur et camionneur classe 3 en chantier de construction. Au moment où il est embauché, le travailleur reçoit déjà une indemnité de remplacement du revenu réduite en raison d’un dossier survenu chez un ancien employeur à la suite duquel un emploi convenable de commis-vendeur au détail lui a été déterminé.

[7]           Le 9 octobre 2009, le travailleur subit un accident du travail chez l’employeur. À cette époque, le travailleur gagne un salaire horaire de treize dollars (13,00 $). La CSST considère donc un revenu annuel de 27 112,80 $ calculé ainsi :

13 $ x 40 heures x 52.14 semaines = 27 112,80 $

 

 

[8]           Or, en tenant compte de ce salaire gagné chez l’employeur, la CSST détermine une base salariale de 60 801,36 $ en raison de l’ancien dossier pour lequel le travailleur recevait déjà une indemnité de remplacement du revenu réduite.

[9]           Le 23 octobre 2009, suivant la décision d’admissibilité, la CSST rend une décision avisant l’employeur qu’il est imputé pour le coût des prestations. L’employeur reçoit cette décision le 25 octobre 2009 et en demande la révision le 24 novembre suivant.

[10]        Le 10 décembre 2009, l’employeur demande un transfert d’imputation en vertu de l’article 326 de la loi. Il demande de ne pas être imputé de la partie représentant l’indemnité de remplacement du revenu réduite que recevait déjà le travailleur et qui fait en sorte que la base salariale est beaucoup plus élevée que le salaire gagné chez lui.

[11]        Le 31 mars 2010, en réponse à la première demande de révision de l’employeur à l’égard de la décision générale d’imputation rendue le 23 octobre 2009, la révision administrative transmet une lettre à madame Chantal Bélair, représentante de l’employeur, l’avisant qu’elle ferme le dossier et que la CSST rendra ultérieurement une décision en réponse à la demande de transfert d’imputation faite le 10 décembre 2009.

[12]        Le 9 septembre 2010, la CSST rend la décision suivante qui sera portée en révision par l’employeur le 16 septembre 2010, confirmée en révision administrative le 14 octobre 2010 et contestée devant le présent tribunal le 19 octobre 2010 :

Objet : Demande de transfert de l’imputation

 

 

            Nous donnons suite à votre demande de transfert de l’imputation du 10 décembre 2009.

 

            Après analyse, nous concluons que le motif invoqué dans votre demande ne nous permet pas de conclure que vous êtes obéré injustement par l’imputation du coût des prestations liées à la lésion professionnelle de la personne mentionnée ci-dessus.

 

[...]

 

 

L’ARGUMENTATION DES PARTIES

[13]        La procureure de l’employeur argumente essentiellement qu’il est obéré injustement par l’imputation du coût des prestations liées à l’accident du travail subi par le travailleur. À l’appui de la demande, la procureure de l’employeur allègue que la CSST indemnise le travailleur sur une base salariale de 60 801,00 $ alors que le salaire déclaré à la CSST par l’employeur est de 27 000,00 $ approximativement. Par ailleurs, elle mentionne qu’il a été porté à sa connaissance que le travailleur recevait, depuis son entrée en fonction chez l’employeur, une indemnité de remplacement de revenu réduite en raison d’une lésion professionnelle antérieure survenue chez un autre employeur, ce qui a eu pour effet de modifier la base de salaire annuel utilisée aux fins du calcul de l’indemnité de remplacement de revenu, et par le fait même, de l’obérer injustement. Par conséquent, la procureure de l’employeur demande un transfert d’imputation de la partie du coût représentant l’indemnité de remplacement du revenu réduite.

[14]        À l’appui de la requête, la procureure de l’employeur allègue donc que la partie du coût qui représente l’indemnité de remplacement de revenu réduite ne devrait pas être imputée à son dossier puisqu’elle était imputée, avant l’événement du 9 octobre 2009, au dossier de l’employeur chez qui la lésion professionnelle antérieure est survenue.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[15]        Le tribunal doit déterminer si le coût des prestations dues en raison de l’accident du travail subi par le travailleur doit être imputé aux employeurs de toutes les unités.

[16]        L’article 326 de la loi se lit comme suit :

326.  La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.

 

Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.

 

L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.

__________

1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.

 

 

[17]        L'article 327 de la loi édicte ce qui suit :

327.  La Commission impute aux employeurs de toutes les unités le coût des prestations :

 

1° dues en raison d'une lésion professionnelle visée dans l'article 31 ;

 

2° d'assistance médicale dues en raison d'une lésion professionnelle qui ne rend pas le travailleur incapable d'exercer son emploi au-delà de la journée au cours de laquelle s'est manifestée sa lésion.

__________

1985, c. 6, a. 327.

 

 

[18]        Également, l'article 328 de la loi se lit ainsi :

328.  Dans le cas d'une maladie professionnelle, la Commission impute le coût des prestations à l'employeur pour qui le travailleur a exercé un travail de nature à engendrer cette maladie.

 

Si le travailleur a exercé un tel travail pour plus d'un employeur, la Commission impute le coût des prestations à tous les employeurs pour qui le travailleur a exercé ce travail, proportionnellement à la durée de ce travail pour chacun de ces employeurs et à l'importance du danger que présentait ce travail chez chacun de ces employeurs par rapport à la maladie professionnelle du travailleur.

 

Lorsque l'imputation à un employeur pour qui le travailleur a exercé un travail de nature à engendrer sa maladie professionnelle n'est pas possible en raison de la disparition de cet employeur ou lorsque cette imputation aurait pour effet d'obérer injustement cet employeur, la Commission impute le coût des prestations imputable à cet employeur aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités ou à la réserve prévue par le paragraphe 2° de l'article 312 .

__________

1985, c. 6, a. 328.

 

 

[19]        L’article 329 de la loi se lit comme suit :

329.  Dans le cas d'un travailleur déjà handicapé lorsque se manifeste sa lésion professionnelle, la Commission peut, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer tout ou partie du coût des prestations aux employeurs de toutes les unités.

 

L'employeur qui présente une demande en vertu du premier alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien avant l'expiration de la troisième année qui suit l'année de la lésion professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 329; 1996, c. 70, a. 35.

 

 

[20]        Et finalement, l'article 73 de la loi se lit ainsi :

73.  Le revenu brut d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle alors qu'il reçoit une indemnité de remplacement du revenu est le plus élevé de celui, revalorisé, qui a servi de base au calcul de son indemnité initiale et de celui qu'il tire de son nouvel emploi.

 

L'indemnité de remplacement du revenu que reçoit ce travailleur alors qu'il est victime d'une lésion professionnelle cesse de lui être versée et sa nouvelle indemnité ne peut excéder celle qui est calculée sur la base du maximum annuel assurable en vigueur lorsque se manifeste sa nouvelle lésion professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 73.

 

 

[21]        Donc, en règle générale, le coût des prestations dues en raison d’un accident du travail est imputé au dossier de l’employeur au service duquel le travailleur occupait son emploi au moment de l’événement. Cependant, l’employeur peut bénéficier d’un transfert d’imputation en vertu de certaines règles particulières, notamment en démontrant que l’accident est attribuable à un tiers et qu’il est injuste de faire supporter le coût des prestations à l'employeur.

Ø    Recevabilité de la demande de transfert du coût

[22]        L’article 326 de la loi prévoit qu’un employeur peut demander un transfert d’imputation dans l’année qui suit la date de l’accident au moyen d’un écrit contenant un exposé des motifs au soutien de sa demande dans l’année suivant la date de l’accident.

[23]        En l’espèce, l’accident étant survenu le 9 octobre 2009, l’envoi de la demande de transfert de l’imputation le 10 décembre 2009 respecte le délai d’une année accordé par la loi.

[24]        Par conséquent, la demande logée en vertu de l’article 326 de la loi est recevable.

Ø    Conditions d’application de l’article 326 de la loi

[25]        Dans sa lettre à la CSST du 10 décembre 2009, l’employeur demande l’application de l’article 326, alinéa 2 de la loi. Il demande de ne pas être imputé de la partie représentant l’indemnité de remplacement du revenu réduite que recevait déjà le travailleur et qui fait en sorte que la base salariale est beaucoup plus élevée que le salaire gagné chez lui.

[26]        L’employeur ne conteste pas la base salariale puisque conformément à l’article 73 de la loi, la CSST était effectivement justifiée de considérer l’indemnité de remplacement du revenu réduite pour déterminer le revenu devant servir pour les indemnités de remplacement du revenu à verser au travailleur. En effet, dans un objectif de réparation des lésions professionnelles, l’article 73 permet de ne pas désavantager un travailleur qui subit un nouvel accident du travail alors qu’il gagne un revenu moins élevé que celui qu’il gagnait au moment d’un premier accident.

[27]        Le mécanisme prévu par cet article fait donc en sorte que la CSST cesse le versement des indemnités de remplacement du revenu réduites pour n’en verser qu’une seule, tenant alors compte de la base salariale la plus élevée entre celle de l’ancienne et l’actuelle lésion.

[28]        Ce faisant, lorsque le travailleur est consolidé de la nouvelle lésion et est capable de reprendre son emploi, la CSST cesse alors le versement de l’indemnité de remplacement du revenu « régulière » pour ne reprendre que le versement de l’indemnité de remplacement du revenu réduite, telle que reçue précédemment à la lésion actuelle.

[29]        Dans un tel cas, qu’advient-il du coût qui, selon la règle générale prévue à l’article 326, alinéa 1, est normalement imputé à l’employeur?

326.  La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.

 

[...]

__________

1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.

 

[30]        Plusieurs employeurs se retrouvant dans des circonstances similaires au présent cas ont demandé, par le passé, à ne pas être imputés pour la partie de la base salariale excédant le salaire réellement gagné par un travailleur à leur emploi. Or, jusqu’à tout récemment, ces demandes étaient refusées par la Commission des lésions professionnelles.

[31]        Ils fondaient leur demande sur le fait qu’ils étaient « obérés injustement » et la Commission des lésions professionnelles répondait alors que l’application de la loi ne peut avoir pour effet de les obérer injustement. Ainsi, comme le calcul de la base salariale en tenant compte des indemnités de remplacement du revenu réduites est fait conformément à l’article 73 de la loi, cette méthode ne pouvait avoir pour effet d’obérer « injustement » l’employeur.

[32]        Cette interprétation fut celle adoptée par le courant jurisprudentiel majoritaire jusqu’à la décision J.M. Bouchard & Fils inc.[3] rendue en 2010. Bien que cette interprétation soit parfois encore adoptée aujourd’hui[4], elle semble laisser de plus en plus de place à un autre courant, sur lequel s’appuie aujourd’hui l’employeur[5].

[33]        Dans l’affaire J.M. Bouchard & Fils inc., le travailleur gagnait un salaire brut de 15 850,56 $ au moment où il se blesse chez l’employeur alors qu’il recevait déjà une indemnité de remplacement du revenu réduite de 17,84 $ par jour en raison d’un accident du travail survenu chez un autre employeur antérieurement. Ce faisant, la CSST considère que la base salariale à retenir pour indemniser le travailleur est de 29 568,75 $, se basant alors sur l’article 73 de la loi[6]. Ce montant représente le revenu brut revalorisé à la suite de l’accident antérieur, lequel est plus élevé que le revenu qu’il gagne chez J. M. Bouchard & Fils inc.[7].

[34]        Tout comme dans le présent cas, l’employeur affirmait que seule la partie de l’indemnité de remplacement du revenu qui correspondait au salaire gagné chez lui au moment de l’accident du travail devait lui être imputée, ajoutant que l’indemnité supérieure à laquelle avait droit le travailleur était attribuable à un accident du travail survenu chez un autre employeur[8].

[35]        Dans cette décision, le juge administratif se déclare, avec respect, en désaccord avec l’interprétation retenue jusqu’alors, celle-ci étant essentiellement grammaticale[9]. Il considère que l’interprétation retenue jusque-là ignore le principe fondamental en matière d’imputation, soit celui voulant que l’employeur soit imputé du coût qui est attribuable à un accident du travail qui survient à un travailleur alors qu’il est à son emploi[10].

[36]        Le juge administratif s’est alors prêté à un rigoureux exercice d’interprétation des dispositions les unes par rapport aux autres, selon la méthode d’interprétation contextuelle comme le préconise la Cour suprême du Canada[11] pour ainsi faire ressortir l’intention réelle du législateur[12].

[37]        De l’analyse du commissaire Sansfaçon, le présent tribunal retient principalement la logique se rapportant aux dispositions sur l’imputation du coût aux articles 326, 327, 328 et 329 de la loi. Le principe général étant que l’employeur est imputé pour le coût attribuable à un accident survenant chez lui, les alinéas et articles suivants énoncent les exceptions à ce principe général.

[38]        Par exemple, l’alinéa 2 de l’article 326 prévoit que l’employeur n’est pas imputé du coût d’un accident attribuable à un tiers. L’article 328 permet le partage de l’imputation parmi les employeurs pour lesquels le travailleur a exercé des activités de nature à engendrer la maladie professionnelle dont il est atteint. Quant à l’article 329, l’employeur peut obtenir un partage lorsque le coût d’une lésion découle, en partie ou en totalité, d’un handicap chez le travailleur.

[39]        Toutes ces dispositions démontrent bien l’intention que le législateur avait de faire supporter à l’employeur le coût d’une lésion dont il est responsable et de ne pas lui faire supporter le coût dont il n’est pas responsable. Or, le fait de supporter un coût qui est attribuable à une lésion survenue chez un autre employeur va totalement à l’encontre de cette volonté et c’est exactement l’effet que subit l’employeur dans le présent dossier.

[40]        Par ailleurs, toujours dans la décision J.M. Bouchard & Fils inc., conséquemment à son analyse, le juge administratif retient que le fait d’imputer la totalité de l’indemnité de remplacement du revenu ne respecte pas le principe général d’imputation[13] :

[59]      L’employeur a donc raison de prétendre qu’on impute à son dossier financier des coûts qui résultent directement d'un accident du travail survenu alors que le travailleur était à l’emploi d’un autre employeur. Cette décision ne respecte donc pas la règle générale édictée au 1er paragraphe de l’article 326.

 

 

[41]        Ainsi, il considère que le fait d’imputer la totalité des indemnités de remplacement du revenu alors qu’une partie est attribuable à un accident survenu antérieurement chez un autre employeur, lequel a déjà été imputé pour cette indemnité de remplacement du revenu, ne respecte pas l’esprit de la loi et est contraire plus spécifiquement à l’article 326, alinéa I de la loi.

[42]        Le juge administratif, dans l’affaire J.M. Bouchard & Fils inc. précitée, soulève un autre argument qui lui fait remettre en question la position majoritaire. Il considère en effet que l’interprétation préconisée par ce courant est susceptible d’entraîner des conséquences défavorables pour les travailleurs réadaptés[14], ce qui ne peut certainement pas être l’intention du législateur.

[43]        En effet, il se pose la question tout à fait pertinente[15] :

[66]      Quel employeur, sachant ou apprenant qu’il va devoir assumer ce fardeau additionnel advenant une lésion professionnelle, acceptera, en toute connaissance de cause, d’embaucher ou de conserver à son emploi un travailleur bénéficiant d’une indemnité réduite ?

 

 

[44]        Considérant qu’un travailleur demeurant avec des limitations fonctionnelles est déjà désavantagé d’un point de vue de l’employabilité, le juge administratif conclut que le législateur ne peut avoir voulu ajouter à ce désavantage en imposant un fardeau financier supplémentaire à d’éventuels employeurs qui, sachant cela, seraient alors réticents à l’embaucher[16]. Cette façon de fonctionner aurait pour effet de créer une incohérence dans la loi, ce qui est contraire à la présomption que le législateur est rationnel et logique lorsqu’il légifère[17].

[45]        Ainsi, considérant que la méthode d’interprétation contextuelle est plus appropriée et permet de faire ressortir la réelle intention du législateur, le juge administratif accueille la requête de J.M. Bouchard & Fils inc. et déclare qu’il ne doit être imputé que pour la partie représentant le salaire qu’il versait au travailleur au moment où celui-ci s’est blessé chez lui.

[46]        Tel que mentionné plus haut, cette même interprétation a été retenue à maintes reprises depuis lors. Toutes ces décisions ont pour trame des circonstances similaires au présent cas. Certaines des requêtes étaient spécifiquement faites selon l’article 326, alinéa 1, d’autres selon l’alinéa 2, mais dans chacune d’elles, les juges administratifs ont considéré que l’employeur n’avait pas à supporter l’indemnité qui, n’eut été d’un accident antérieur, ne serait pas versée.

[47]        Par conséquent, dans le présent dossier, l’employeur demande également, en vertu de l’article 326, et plus précisément l’alinéa 1, de ne pas être imputé pour les indemnités de remplacement du revenu qui excèdent celle qui découle du revenu brut que le travailleur gagnait lors de son accident chez lui. En somme, l’employeur demande de n’être responsable que des prestations dues en raison de l’accident que le travailleur a subi alors qu’il était à son emploi et non pas celles qui sont dues en raison d’un accident chez un autre employeur, lequel a vraisemblablement déjà été imputé pour celles-ci.

[48]        Le soussigné fait donc sien le raisonnement du juge administratif Sansfaçon et fait droit à la requête de l'employeur.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête en contestation de Signotech inc., l’employeur;

INFIRME la décision rendue le 14 octobre 2010 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail doit imputer au dossier financier de l'employeur uniquement la partie de l’indemnité de remplacement du revenu versée à monsieur Blaise Bérubé, le travailleur, qui correspond au salaire que celui-ci gagnait lorsqu’il a subi un accident du travail à son service le 9 octobre 2009.

 

 

 

 

 

__________________________________

 

Jean-Claude Danis

 

 

 

 

 

 

Me Marlène Boulianne

TRINOME CONSEILS

Représentante de la partie requérante

 

 

 



[1]           Selon l’article 13 de la Loi sur la justice administrative (L.R.Q., c. J-3), toute décision rendue par un organisme doit être communiquée en termes clairs et concis aux parties, ce qui implique que le décideur doive faire un choix dans la preuve offerte pour n’en retenir que ce qui est essentiel à la solution du litige dont il est saisi et à la compréhension de la conclusion à laquelle il en arrive.

[2]           L.R.Q., c. A-3.001.

[3]           C.L.P. 372840-02-0903, 17 mai 2010, M. Sansfaçon.

[4]           Placements Melcor inc., 2011 QCCLP 3976 ; St-Hubert Express Verdun, 2011 QCCLP 4970 ; Transport RCI, 2012 QCCLP 1018 .

[5]           Comfort Inn par Journey’s End, C.L.P. 406452-07-1003, 19 octobre 2010, M. Gagnon Grégoire, en révision judiciaire; 2M Ressources inc., 2011 QCCLP 684 ; Rôtisserie St-Hubert (10520 Lajeunesse), 2011 QCCLP 1741 ; Groupe C.D.P. inc., 2011 QCCLP 2207 ; Transport École-Bec Montréal (EBM) inc., 2011 QCCLP 3322 ; Ebénisterie St-Urbain Itée, 2011 QCCLP 4231 ; Maçonnerie Yvan Labbé inc., 2011 QCCLP 7424 ; Construction BCK inc., 2012 QCCLP 1184 ; Forage Dynami-tech, 2012 QCCLP 1935 .

[6]           Précitée, note 3, par. 8, 9, 11 et 12.

[7]           Id., par. 14.

[8]           Id., par. 33 et 34.

[9]           Id., par. 47.

[10]         Id., par. 49.

[11]         Id., par. 76 et 78.

[12]         Id., par. 48 et suivants.

[13]         Id., par. 59.

[14]         Id., par. 62.

[15]         Id., par. 66 et suivants.

[16]         Id., par. 68.

[17]         Id., par. 73.

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