Mcduff et Centre de services partagés du Québec |
2017 QCCFP 21 |
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COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DOSSIER N° : |
1301770 |
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DATE : |
15 juin 2017 |
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DEVANT LA JUGE ADMINISTRATIVE : |
Me Sonia Wagner |
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MARIE-CLAUDE McDUFF |
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Appelante |
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CENTRE DE SERVICES PARTAGÉS DU QUÉBEC |
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Intimé |
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DÉCISION |
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(Article 35, Loi sur la fonction publique, RLRQ, c. F-3.1.1) |
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LE CONTEXTE
[1] Le 24 février 2017, le Centre de services partagés du Québec (CSPQ) informe Mme Marie-Claude McDuff de ses résultats à l’évaluation tenue au cours du processus de qualification interministériel en vue de la promotion de cadre, classe 3[1] :
À la suite de votre participation au processus de qualification 63003PS93470001 Une ou un cadre, classe 3, nous désirons vous informer que le résultat que vous avez obtenu est inférieur au seuil de passage fixé. Par conséquent, nous ne pouvons retenir votre candidature. […]
Toute demande d'information ou de révision concernant cette décision doit être transmise par courrier électronique à l'adresse suivante : carrieres-admission@cspq.gouv.qc.ca. Dans l'objet de votre courriel, vous devez indiquer 63003PS93470001 Une ou un cadre, classe 3 ainsi que votre numéro : 100018124. Vous devez également préciser la nature de votre demande dans votre courriel. […]
Par ailleurs, si vous estimez que la procédure utilisée pour votre évaluation dans le cadre du processus de qualification ne respecte pas le cadre légal et normatif en vigueur, il est possible, en vertu de l'article 35 de la Loi sur la fonction publique, d'interjeter appel devant la Commission de la fonction publique (CFP). Cette demande doit être écrite et reçue dans les quinze (15) jours ouvrables à partir de la date d'envoi de la présente lettre. Prenez note que votre délai d'appel à la CFP n'est pas suspendu par la demande de révision ci-haut mentionnée. Pour obtenir plus d'information sur le droit d'appel, nous vous invitons à consulter le site Internet de la Commission, à l'adresse suivante : www.cfp.gouv.qc.ca/frl.
[2] Le 9 mars 2017, Mme McDuff transmet un message à la boîte courriel Carrières Admission du CSPQ :
Par la présente, j'aimerais vous faire part de mes observations et vous présenter mon expérience à la suite des divers tests de classement et des examens de cadre du gouvernement du Québec. Espérant que ces quelques lignes puissent alimenter la réflexion, et surtout, apportent un éclairage différent quant aux décisions prises en matière de ressources humaines. Mon expérience me porte à croire que le processus, de même que les examens, pourraient être améliorés afin qu'ils deviennent une source de motivation pour les cadres et non le contraire, comme c'est perçu présentement par une majorité de vos cadres.
[…]
J'espère que cette lettre permettra de faire mieux et de donner du sens et de la crédibilité au processus de qualification des cadres, notamment afin que celui-ci soit perçu de façon positive et soit source de motivation.
[3] Le 16 mars 2017, Mme McDuff envoie un autre message à la même boîte, auquel elle joint le formulaire d’appel de la Commission complété :
Bonjour,
Veuillez trouver, ci-joint, ma demande d'appel pour le concours cadre 3. Je suis présentement en vacances, je vous écris donc de mon courriel personnel.
[4] Le 10 avril 2017, le responsable du processus de qualification écrit à Mme McDuff :
À titre de responsable du processus de qualification de cadres de classe 3, j'ai été avisé que vous avez transmis à la boîte Carrières Admission du Centre de services partagés du Québec un courriel informant de votre intention de faire appel à la Commission de la fonction publique concernant votre évaluation pour ce processus de qualification.
Comme vous l'indiquait expressément l'avis de décision d'évaluation qui vous a été transmis, c'est à la Commission de la fonction publique que devait être acheminée votre demande d'appel. Dans ce même avis, nous vous invitions d'ailleurs à consulter le site Internet de la Commission à l'adresse qui y était spécifiée. Or, le Centre de services partagés du Québec est un organisme totalement distinct de la Commission de la fonction publique.
[5] Le même jour, Mme McDuff dépose un appel à la Commission, en vertu de l’article 35 de la Loi sur la fonction publique[2], pour contester ses résultats à l’évaluation tenue au cours du processus de qualification.
[6] Le 12 avril 2017, le CSPQ soulève un moyen préliminaire en prétendant que cet appel est prescrit puisqu’il aurait été reçu à la Commission hors délai.
[7] Le 25 avril 2017, la Commission informe les parties qu’elle désire recevoir par écrit leurs commentaires concernant ce moyen préliminaire afin de rendre une décision sur dossier.
LES ARGUMENTATIONS
L’argumentation du CSPQ
[8] Le CSPQ souligne :
5. L'article 35 est clair et ne souffre d'aucune ambiguïté; le recours en appel de madame McDuff devait être intenté dans les 15 jours ouvrables de la réception de l'avis l'informant des résultats de son évaluation au cours du processus de qualification.
6. Il ne fait aucun doute que madame McDuff n'a pas respecté ce délai de rigueur et que son recours est en conséquence prescrit.
7. L'avis informant madame McDuff des résultats de son évaluation […] a été émis le 24 février 2017. Le délai de 15 jours ouvrables pour la réception de son avis d'appel à la Commission se terminait donc le 17 mars 2017.
[9] Or, le CSPQ rappelle que l’avis d’appel de Mme McDuff a été reçu à la Commission le 10 avril 2017.
[10] Le CSPQ renvoie la Commission à deux décisions récentes[3] où la Commission indique que le délai de 15 jours ouvrables prévu à l'article 35 de la Loi en est un de rigueur qui doit impérativement être respecté, sous peine de déchéance du droit du candidat de déposer un appel.
[11] Le CSPQ souligne toutefois que l'article 120 de la Loi permet à la Commission de proroger un délai lorsqu'elle considère qu'un fonctionnaire a été dans l'impossibilité d'agir plus tôt ou de donner mandat d'agir en son nom dans le délai prescrit. Il précise :
21. Aux paragraphes 37 et 38 de la décision Coin, la Commission, citant la décision Moisescu et Ministère de la Famille et de I'Enfance[[4]], soulignait que l'impossibilité mentionnée à l'article 120 de la Loi est une impossibilité relative qui fait en sorte qu'un appelant puisse raisonnablement se considérer dans l'impossibilité d'agir malgré la diligence qu'il a manifestée. La décision Moisescu indiquait en outre que l'ignorance d'un recours ne constituait pas une impossibilité d'agir, alors que le fait d'être induit en erreur quant à ses droits par un représentant d'un ministère pouvait y être assimilé.
[12] Pour le CSPQ, dès le 24 février 2017, Mme McDuff a été informée de son droit d’appel et du délai pour l’exercer. De plus, si elle pouvait communiquer par courrier électronique avec la boîte Carrières Admission le 16 mars 2017, elle pouvait tout aussi bien le faire pour transmettre un avis d’appel à la Commission.
[13] Le CSPQ estime donc que les faits du présent dossier ne permettent pas l’application de l’article 120 par la Commission :
27. En conclusion, madame McDuff n'a pas manifesté la diligence requise pour agir afin de loger son appel à la Commission. Elle a ignoré les informations claires apparaissant dans l'avis de décision du 24 février 2017 (pièce 1-2), dans le site Internet de la Commission et sur le formulaire d'appel qu'elle a complété. Elle a aussi tardé à agir efficacement, expédiant au mauvais destinataire son formulaire d'appel 14 jours après la transmission de l'avis du 24 février 2017 et alors qu'elle savait assurément et depuis un certain temps qu'elle serait en vacances à partir du 15 mars. Elle ne peut donc se prévaloir de la prorogation du délai prévue à l'article 120 de la Loi.
[14] En conséquence, le CSPQ demande à la Commission de déclarer irrecevable l'appel de Mme McDuff.
L’argumentation de Mme McDuff
[15] Mme McDuff énonce :
Le 24 février j'ai reçu un avis d'échec du concours, de cette date 15 jours ouvrables allaient au 17 mars 2017.
Je quittais en déplacement professionnel du 15 au 27 mars. Compte tenu de la charge de travail que j'ai, je devais faire cette demande lors que j'étais hors Canada, soit aux États-Unis.
Avant mon déplacement, j'ai donc imprimé la feuille qui est en pièce jointe [l’avis du 24 février du CSPQ] et j'ai fait ma demande à distance.
Le 16 mars, de la Floride, j'ai fait suivre le document de demande de révision à l'adresse suivante: carrières-admission@cspq.gouv.qc.ca. Dans mon courriel, en pièce jointe, j'ai même spécifié que j'étais à l'extérieur du pays et que je n'avais qu'accès à mon courriel personnel et non celui du travail. Pièce jointe #2.
Je reviens de mon déplacement professionnel le 27 mars 2017. Le 10 avril 2017 je reçois un courriel de « carrières » comme quoi mon courriel n'a pas été à la bonne place. Immédiatement j'ai réagi et j'ai fait suivre le tout à la Commission, et ce, en moins d'une heure.
Je comprends que le délai a été passé à la Commission, mais relisez [l’avis du 24 février du CSPQ] et au paragraphe noté avec un X, il est écrit que toute demande de révision ou doit être envoyé à l'adresse carrièresadmissions@cspq.gouv.qc.ca. C'est ce que j'ai fait. A ce moment-là je ne pouvais pas savoir que mon processus n'était pas un processus de révision mais bien un appel.
En espérant que vous preniez quelques instants pour réaliser que tout comme la raison de mon appel, le français est une langue que je connais, que je travaille avec, mais souvent, surtout dans des documents officiels ou nous avons énormément d'écriture, ou un parle d'appel, de révision, ceci pour moi peut être très confus. La subtilité ou les nuances qui font la différence ne sont pas toujours comprises dans mon cas, surtout à l'écrit.
Réplique du CSPQ
[16] Pour répondre à l’argumentation de Mme McDuff, le CSPQ soumet les précisions suivantes :
[…] L'avis du 24 février 2017 l'informait, au troisième alinéa, de la façon de présenter une demande d'information ou de révision concernant cette décision. Ce même avis, au cinquième alinéa qui débute par les mots « par ailleurs », l'informait aussi de la possibilité d'interjeter appel auprès de la [Commission] et du délai pour ce faire, en plus de lui fournir l'adresse du site Internet de la Commission. L'avant-dernière phrase de cet alinéa, reproduite en caractères gras, l'informait que le délai d'appel à la [Commission] n'était « pas suspendu par la demande de révision ci-haut mentionnée ». Le sens habituel des mots ne peut permettre de conclure que la demande de révision du troisième alinéa et l'appel à la [Commission] du cinquième alinéa pouvaient constituer un seul et même recours.
[17] Pour le CSPQ, si Mme McDuff a pu écrire le message du 9 mars 2017 au CSPQ malgré sa charge de travail, elle pouvait transmettre un appel à la Commission. Il ajoute que Mme McDuff indique être à l’extérieur du 15 au 27 mars 2017. Il s’ensuit qu’à compter du 24 février 2017, soit la date de son avis d’échec, elle disposait d'au moins 12 jours ouvrables pour préparer son appel et le faire parvenir à la Commission. De même, si elle pouvait communiquer par courrier électronique avec la boîte Carrières Admission le 16 mars 2017, et ce, malgré qu’elle soit à l’étranger, elle pouvait tout aussi bien transmettre son appel à la Commission.
[18] Enfin, quant aux difficultés liées à l’usage du français alléguées par Mme McDuff, le CSPQ souligne que, dans son formulaire d’inscription au processus de qualification, Mme McDuff répond « Non » à la question « Êtes-vous un anglophone? ». Elle indique également, quant à sa connaissance des langues, un niveau avancé à l’égard du français lu, parlé et écrit et elle précise être bilingue. Par ailleurs, Mme McDuff œuvre dans la fonction publique québécoise dont la langue de travail est le français.
LES MOTIFS
[19] L’article 35 de la Loi énonce :
35. Un candidat peut interjeter appel devant la Commission de la fonction publique s’il estime que la procédure utilisée pour son admission ou pour son évaluation dans le cadre d’un processus de qualification visant exclusivement la promotion a été entachée d’une irrégularité ou d’une illégalité. Il doit le faire par une demande écrite qui doit être reçue à la Commission dans les 15 jours ouvrables de l’expédition de l’avis l’informant qu’il ne satisfait pas aux conditions d’admission pour participer au processus de qualification ou l’informant des résultats de son évaluation au cours de ce processus. […]
[la Commission souligne]
[20] Le délai prévu à cet article en est un de rigueur[5].
[21] Il n’est pas contesté que le CSPQ a expédié à Mme McDuff l’avis l’informant des résultats de son évaluation le 24 février 2017 et qu’elle a déposé son appel à la Commission le 10 avril 2017, soit bien au-delà du délai prévu à l’article 35 de la Loi, qui prenait fin le 17 mars 2017.
[22] La Commission rappelle que ce délai en est un de prescription extinctive. Il doit donc impérativement être respecté, sous peine de déchéance du droit du candidat de déposer un appel.
[23] Une seule exception, soit l’impossibilité d’agir, permettrait à la Commission de proroger ce délai, tel que l’énonce l’article 120 de la Loi :
120. La Commission peut proroger un délai fixé par la loi lorsqu’elle considère qu’un fonctionnaire a été dans l’impossibilité d’agir plus tôt ou de donner mandat d’agir en son nom dans le délai prescrit.
[24] Dans la décision Moisescu[6], la Commission s’exprimait comme suit à ce sujet :
La Commission s’est prononcée à de nombreuses reprises sur cet article 120 et considère que l’impossibilité dont il est fait mention dans cet article est une « impossibilité relative qui fait en sorte qu’un appelant puisse raisonnablement se considérer dans l’impossibilité d’agir malgré la diligence qu’il a manifestée. » […]. Elle a aussi précisé que l’ignorance d’un recours ne constituait pas une impossibilité d’agir […] alors que le fait d’être induit en erreur quant à ses droits par un représentant d’un ministère pouvait y être assimilé […].
[25] La Commission souligne qu’il appartient à Mme McDuff de démontrer, selon la règle de la prépondérance de la preuve, qu’elle se trouvait dans un tel état l’empêchant de déposer un appel à la Commission.
[26] Pour justifier son retard, Mme McDuff allègue des difficultés avec l’usage du français qui l’empêchent de comprendre adéquatement les informations énoncées dans l’avis du CSPQ, entre autres la différence entre le processus de révision et celui d’appel : elle croyait à tort qu’en transmettant sa demande au CSPQ, le 16 mars 2017, elle déposait validement un appel.
[27] Cependant, la Commission note que, dans son avis du 24 février 2017, le CSPQ informe Mme McDuff de l’existence des deux processus pour contester le résultat de son évaluation au processus de qualification : la révision et l’appel. Cet avis mentionne d’ailleurs spécifiquement : « votre délai d'appel à la [Commission] n'est pas suspendu par la demande de révision ci-haut mentionnée. Pour obtenir plus d'information sur le droit d'appel, nous vous invitons à consulter le site Internet de la Commission ». Pour la Commission, l’avis du CSPQ à cet égard ne souffre d’aucune ambiguïté.
[28] Aussi, même en prenant pour avérées les lacunes en français alléguées, une simple lecture attentive de cet extrait permet de comprendre la coexistence de processus parallèles de contestation, soit la révision et l’appel. Mme McDuff œuvre au sein de la fonction publique et se déclare bilingue : la Commission ne croit pas qu’elle a été trompée par les subtilités de la langue.
[29] Par ailleurs, la Commission estime que Mme McDuff n’était pas dans l’impossibilité d’agir durant la période de 15 jours ouvrables suivant le 24 février 2017.
[30] En effet, le 9 mars 2017, Mme McDuff écrit au CSPQ pour faire part de ses observations et de ses réflexions à l’égard des processus de qualification de cadre au sein de la fonction publique. De plus, le 16 mars 2017, elle transmet au CSPQ le formulaire d’appel de la Commission, précisant qu’elle est à l’extérieur. Mme McDuff était donc clairement apte à déposer un appel à la Commission dans le délai prévu à l’article 35 de la Loi. Elle n’a toutefois pas été diligente en prenant connaissance des informations relatives à la procédure d’appel contenues dans l’avis transmis par le CSPQ, le 24 février 2017.
[31] Or, tout comme l’ignorance d’un recours, le manque de diligence ne peut constituer une impossibilité d’agir au sens de l’article 120 de la Loi.
[32] En conséquence, la Commission ne peut entendre l’appel de Mme McDuff puisqu’il est prescrit.
POUR CES MOTIFS, la Commission de la fonction publique :
ACCUEILLE le moyen préliminaire du Centre de services partagés du Québec;
DÉCLARE irrecevable l’appel de Mme Marie-Claude McDuff.
Original signé par : |
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__________________________________ Sonia Wagner |
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Mme Marie-Claude McDuff |
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Appelante |
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Me Claire Lapointe |
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Procureure du Centre de services partagés du Québec |
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Intimé |
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Date de la prise en délibéré : |
17 mai 2017 |
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[1] Processus de qualification no 63003PS93470001.
[2] RLRQ, c. F-3.1.1.
[3] Coin et Centre de services partagés du Québec, 2017 QCCFP 11; Gharbaoui et Centre de services partagés du Québec, 2017 QCCFP 12.
[4] Moisescu et Ministère de la Famille et de l'Enfance, 2001 CANLII 27777 (QC CFP).
[5] Hébert et Secrétariat du Conseil du trésor, 2006 CANLII 60387 (QC CFP).
[6] Préc., note 4.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.