Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
_

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saint-Hyacinthe

1er juin 2005

 

Région :

Yamaska

 

Dossier :

203258-62B-0304   241697-62B-0408

 

Dossier CSST :

120276563

 

Commissaire :

Yves Ostiguy

 

Membres :

Jean-Marie Jodoin, associations d’employeurs

 

Noëlla Poulin, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Fonderie Laperle (Canada Pipe Co.)

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Pierre Boulet

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

Dossier 203258

[1]                Le 8 avril 2003, Fonderie Laperle (Canada Pipe Co.) (l’employeur), dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 1er avril 2003 à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme celle rendue initialement le 31 juillet 2002 et déclare que la CSST doit déterminer un emploi convenable, ailleurs, sur le marché du travail, pour monsieur Pierre Boulet (le travailleur).

Dossier 241697

[3]                Le 19 août 2004, l’employeur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste la décision rendue par la CSST le 17 août 2004 à la suite d’une révision administrative.

[4]                Par cette décision, la CSST confirme celle rendue initialement le 19 juillet 2004, déclare que le travailleur était capable d’exercer l’emploi convenable de technicien en réseaux informatiques, à compter du 25 juin 2004 et qu’il avait droit au versement des indemnités de remplacement du revenu jusqu’à ce qu’il trouve un emploi de technicien de réseaux informatiques, ou au plus tard, le 24 juin 2005.

[5]                La Commission des lésions professionnelles a tenu une audience à laquelle les parties étaient représentées le 17 mai 2005.

L’OBJET DES CONTESTATIONS

[6]                L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le travailleur était capable d’exercer un emploi convenable ou équivalent à l’usine où il travaillait avant de subir une lésion professionnelle, que le travailleur n’avait pas droit à la réadaptation et qu’il n’y avait pas lieu de déterminer un emploi convenable, ailleurs.

L’AVIS DES MEMBRES

[7]                Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs sont d’avis, après avoir pris connaissance de la preuve et des admissions faites à l’audience, que le travailleur était capable de faire le travail de meuleur sur table ou de meuleur sur meule volante chez son employeur et qu’il n’avait pas droit à la réadaptation dans ces circonstances.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[8]                La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur était capable d’exercer un emploi chez son employeur et s’il avait droit à la réadaptation.


[9]                L’article 145 de la loi énonce ce qui suit :

145. Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 145.

 

 

[10]           Dans le cas sous étude, les faits pertinents se résument ainsi.

[11]           Le 21 mars 2001, le travailleur, meuleur de cadre, à l’emploi de la Fonderie Laperle, a été blessé au genou gauche alors qu’il déplaçait un CC no. 25.

[12]           Suite à un premier diagnostic de contusion du genou gauche, il a été établi que le travailleur a subi une déchirure du ménisque interne du genou gauche, pour laquelle il a subi une chirurgie le 1er juin 2001.

[13]           Dans le rapport d’évaluation médicale qu’il rédige le 7 février 2002, le Dr Michel Guindon, chirurgien-orthopédiste, consolide la lésion avec une atteinte permanente de 1 % pour méniscectomie avec séquelles fonctionnelles et déclare que la lésion entraîne les limitations fonctionnelles suivantes :

Éviter un travail qui exige des accroupissements répétés;

Éviter un travail dans des positions très contraignantes et exerçant un stress en hyper extension du genou ou en torsion

 

 

[14]           Il est en preuve que le travailleur ne pouvait plus effectuer le travail de meuleur de cadre qu’il effectuait préalablement à la survenance de la lésion professionnelle compte tenu des nombreux mouvements de flexion des genoux qu’il avait à accomplir dans ce travail.

[15]           Suite à la production du rapport d’évaluation médicale du Dr Guindon, la CSST a entrepris un processus de réadaptation débutant par une visite de l’entreprise.

[16]           Au moment de cette visite effectuée le 2 juin 2004, l’entreprise était fermée. Ont participé à cette visite : la conseillère en réadaptation de la CSST, M. Claude Lachance, représentant de l’employeur, M. Dany Robidoux, représentant syndical en santé et sécurité, M. Daniel Desrosiers, contremaître, ainsi que le travailleur.


[17]           M. Claude Lachance, représentant en santé et sécurité au service de l’employeur, qui a témoigné à l’audience, a précisé que la visite a duré environ 30 minutes, que personne ne travaillait lors de cette visite et qu’aucune démonstration physique du travail effectué n’a été faite.  Il a été établi lors de cette visite, que le travailleur ne pouvait effectuer le travail prélésionnel de meuleur de cadres.

[18]           Aucun autre poste n’a été exploré à titre d’emploi équivalent ou convenable.

[19]           De plus, il n’y a pas eu de consultation des listes d’ancienneté et l’agent de la CSST n’a pas demandé à les voir.

[20]           Dans les notes évolutives du dossier, l’agent de la CSST indique ce qui suit :

Au niveau de la convention collective, rien de spécial prévu pour DRAT ou droit des accidentés.  Seule l’ancienneté permet d’appliquer sur poste adapté à la condition de l’accidenté.  T (travailleur) n’a pas beaucoup d’ancienneté chez l’employeur. 

 

 

[21]           Les notes évolutives indiquent que l’évaluation a porté sur les postes de : meuleur de cadres, meuleur «volante rond », meuleur « volante de grilles » et meuleur sur établi. 

[22]           À chaque description de poste contenue, l’agent indique que le poste ne respecte pas la capacité du travailleur.  L’agent note en conclusion, que le travailleur ne peut refaire son emploi prélésionnel et qu’il n’y a pas d’emploi convenable disponible, compte tenu de la capacité du travailleur et de son ancienneté.

[23]           Madame Andrée Cloutier, kinésiologue, a témoigné à la demande de l’employeur.

[24]           Mme Cloutier a rédigé un rapport d’analyse de mouvements de divers postes de meuleur sur meule volante, meule sur table, d’assembleur, de noyauteur, d’opérateur de mélangeur de sable, de conducteur de chariot-élévateur, d’opérateur de monte-charge et de crampeur.

[25]           L’étude a été effectuée sur les lieux et un vidéo a été enregistré. Ce document montre un travailleur de la même stature que M. Boulet, qui effectue les diverses tâches.

[26]           Plus particulièrement, au niveau de la meule volante, de la meule sur table, du poste d’opérateur de monte-charge, de crampeur et de noyauteur, Mme Cloutier déclare qu’il n’existe pas de contraintes allant à l’encontre des limitations fonctionnelles retenues par le médecin qui avait charge du travailleur.  Elle indique avec soin les mouvements qui ne comportent pas de postures d’hyperextension du genou gauche, pas d’accroupissements répétés et pas de position des contraignantes exerçant un stress en hyperextension du genou ou en torsion.

[27]           Suite à la présentation de cette preuve de l’employeur, les parties ont admis ce qui suit :

[28]           Les parties admettent que le travailleur ne pouvait effectuer le travail prélésionnel de meuleur sur cadre. 

[29]           Au 31 juillet 2002, il y avait chez l’employeur un emploi convenable de meuleur sur table ou de meuleur sur meule volante, qui était disponible, qui comportait les mêmes conditions salariales que l’emploi prélésionnel et que le travailleur était capable d’exercer.

[30]           Les parties admettent qu’il n’y a pas eu d’observation visuelle du travail offert comme emploi convenable par l’agent de la CSST et que la décision rendue par la CSST est conséquemment erronée.

[31]           Les parties admettent que le travailleur n’aurait pas eu droit au processus de réadaptation tel que la CSST en a décidé subséquemment.

[32]           Les articles 166 et 167 de la loi énoncent ce qui suit :

166. La réadaptation professionnelle a pour but de faciliter la réintégration du travailleur dans son emploi ou dans un emploi équivalent ou, si ce but ne peut être atteint, l'accès à un emploi convenable.

__________

1985, c. 6, a. 166.

 

 

167. Un programme de réadaptation professionnelle peut comprendre notamment:

 

1°   un programme de recyclage;

 

2°   des services d'évaluation des possibilités professionnelles;

 

3°   un programme de formation professionnelle;

 

4°   des services de support en recherche d'emploi;

 

5°   le paiement de subventions à un employeur pour favoriser l'embauche du travailleur qui a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique;

 

6°   l'adaptation d'un poste de travail;

 

7°   le paiement de frais pour explorer un marché d'emplois ou pour déménager près d'un nouveau lieu de travail;

 

8°   le paiement de subventions au travailleur.

__________

1985, c. 6, a. 167.

 

 

[33]           Comme le prévoit l’article 166, la réadaptation professionnelle a d’abord pour but de faciliter la réintégration du travailleur chez son employeur, dans son emploi ou dans un emploi équivalent et en dernier recours, dans un emploi convenable ailleurs sur le marché du travail.

[34]           D’ailleurs l’article 169 précise les modalités d’intervention qui doivent primer :

169. Si le travailleur est incapable d'exercer son emploi en raison d'une limitation fonctionnelle qu'il garde de la lésion professionnelle dont il a été victime, la Commission informe ce travailleur et son employeur de la possibilité, le cas échéant, qu'une mesure de réadaptation rende ce travailleur capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent avant l'expiration du délai pour l'exercice de son droit au retour au travail.

 

Dans ce cas, la Commission prépare et met en oeuvre, avec la collaboration du travailleur et après consultation de l'employeur, le programme de réadaptation professionnelle approprié, au terme duquel le travailleur avise son employeur qu'il est redevenu capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent.

__________

1985, c. 6, a. 169.

 

 

[35]           L’article 170 précise quant à lui les modalités applicables lorsqu’un emploi est disponible chez l’employeur.

[36]           Enfin, ce n’est qu’à défaut de pouvoir réintégrer le travailleur chez son employeur dans un emploi équivalent ou convenable qu’il y a lieu de mettre en oeuvre des mesures de réadaptation visant à rendre le travailleur capable d’exercer un emploi chez d’autres employeurs.

171. Lorsqu'aucune mesure de réadaptation ne peut rendre le travailleur capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent et que son employeur n'a aucun emploi convenable disponible, ce travailleur peut bénéficier de services d'évaluation de ses possibilités professionnelles en vue de l'aider à déterminer un emploi convenable qu'il pourrait exercer.

 

Cette évaluation se fait notamment en fonction de la scolarité du travailleur, de son expérience de travail, de ses capacités fonctionnelles et du marché du travail.

__________

1985, c. 6, a. 171.

 

 

[37]           Suite à l’étude de l’ensemble de la preuve et des admissions faites à l’audience, la Commission des lésions professionnelles conclut que la décision rendue le 31 juillet 2002 a été fondée sur de fausses prémisses.  En effet, le tribunal retient que la conseillère en réadaptation a émis une décision mettant beaucoup d’accent sur l’existence de mouvements d’hyperextension du genou qui n’ont aucunement été démontrés ni à l’audience ni au moment où elle a fait la visite du poste avec les représentants de l’employeur et le travailleur.

[38]           Dans l’affaire Air Canada et Dratva[1], la Commission d’appel en matière de révision professionnelle a établi que l’admissibilité initiale en réadaptation ne constitue pas une décision donnant ouverture à tout l’éventail des mesures prévues par la loi.  En l’espèce, le travailleur pouvait exercer chez son employeur, un emploi équivalent à son emploi prélésionnel sans qu’aucune mesure de réadaptation ne soit requise.  Le travailleur n’avait donc droit à aucun programme de formation professionnelle.

[39]           Puisque le travailleur pouvait réintégrer un emploi de meuleur chez Fonderie Laperle, la CSST n’avait donc pas à élaborer un plan de réadaptation professionnelle et le travailleur n’avait pas droit à ce processus dans les circonstances.

[40]           Le tribunal conclut que le travailleur était capable d’exercer un emploi de meuleur chez son employeur sans qu’aucune mesure de réadaptation particulière ne soit nécessaire.

[41]           Il appartenait à la CSST de pousser plus loin le processus d’analyse des emplois potentiellement disponibles chez l’employeur avant de déterminer un emploi convenable de technicien en réseau informatique dans la décision rendue le 19 juillet 2004.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier 203258

ACCUEILLE la requête de Fonderie Laperle, l’employeur;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 1er avril 2003 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur était capable d’exercer un emploi de meuleur chez son employeur et qu’il n’avait pas droit à la réadaptation professionnelle.

Dossier 241697

ACCUEILLE la requête Fonderie Laperle, l’employeur;

DÉCLARE nulle et de nul effet la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 17 août 2004 à la suite d’une révision administrative.

 

 

__________________________________

 

Yves Ostiguy

 

Commissaire

 

 

 

 

Michel Héroux, avocat

FASKEN MARTINEAU DUMOULIN, AVOCATS

Représentant de la partie requérante

 

 

Guy Farrel

SYNDICAT DES MÉTALLOS

Représentant de la partie intéressée

 

 

Hugues Magnan, avocat

PANNETON, LESSARD

Représentant de la partie intervenante

 



[1]          [1995] CALP 1780 , révision rejetée, 58392-60-9404, 15 décembre 1995, P. Capriolo

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.