CLSC de Sherbrooke et Édifice 1200 |
2010 QCCLP 4733 |
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[1] Le 19 mars 2009, le CLSC de Sherbrooke (l’employeur), dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue le 12 mars 2009 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.
[2] Cette décision confirme la décision rendue le 5 décembre 2008 et a pour effet de refuser à l’employeur un transfert de l’imputation du coût des prestations reliées à l’accident du travail subi par madame Annette Lunkenbein, la travailleuse, le 15 janvier 2007 et ce, au motif que bien que l’accident soit attribuable à un tiers, il n’est pas injuste de faire supporter à l’employeur le coût des prestations qui y sont reliées puisque cet accident fait partie des risques inhérents à la nature de l’ensemble de ses activités exercées.
[3] À l’audience prévue le 10 mars 2010, les parties sont absentes et ont fait parvenir des argumentations écrites au soutien de leurs prétentions.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de ne pas lui imputer les coûts reliés à l’accident du travail subi par la travailleuse le 15 janvier 2007 au motif que l’accident est attribuable à un tiers et qu’il est injuste de lui faire supporter les coûts de celui-ci.
LES FAITS
[5] La travailleuse occupe un poste d’ergothérapeute chez l’employeur lorsque le 15 janvier 2007, elle subit un accident du travail. Sur le formulaire « Avis de l’employeur et demande de remboursement », la travailleuse fait la description suivante de l’événement :
(CLSC-King Est) Je marchais dans le stationnement pour entrer travailler. J’ai glissé et chuté sur la glace couverte de fine couche de neige. Aucun abrasif apparent sur le sol.
[6] Une fracture de la malléole externe droite sera diagnostiquée ainsi qu’une rupture du ligament deltoïde.
[7] Le médecin de la travailleuse, le docteur Jean-François Joncas, produit un rapport final le 14 mai 2007 consolidant la lésion à cette date avec atteinte permanente mais sans limitations fonctionnelles.
[8] Dans son rapport d’évaluation médicale produit le 19 juillet 2007, le docteur Joncas conclut que la travailleuse a subi une fracture de la malléole externe droite déplacée avec ouverture de la mortaise tibio-astragalienne à rupture ligamentaire péronéo-tibiale distale qui a nécessité une fixation interne avec vis, qui a récupéré de façon appréciable mais qui a laissé comme séquelles un gonflement diffus local et une perte de flexion plantaire. Il retient un déficit anatomo-physiologique de 9 % en lien avec cette lésion.
[9] Le 13 décembre 2007, l’employeur demande un transfert de coûts en vertu de l’article 326 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), invoquant la faute d’un tiers, soit le propriétaire de l’immeuble loué par l’employeur.
[10] Le 5 décembre 2008, la CSST conclut que l’accident est attribuable effectivement à un tiers. Toutefois, elle conclut qu’il n’est pas injuste pour l’employeur de supporter la totalité des coûts reliés à la lésion professionnelle puisque l’accident fait partie des risques inhérents de l’ensemble des activités exercées par l’employeur.
[11] L’employeur demande la révision de cette décision et dans sa décision rendue le 12 mars 2009, la révision administrative considère que l’employeur n’a pas démontré les responsabilités du tiers dans la survenance de l’accident. Elle conclut que l’employeur n’a pas établi que le tiers a fait défaut d’entretenir les lieux et que ce dernier était par conséquent majoritairement responsable de l’accident.
[12] Selon les documents fournis, Gestion Limar ltée, propriétaire et locateur de l’immeuble où la travailleuse exerce ses fonctions, est responsable du déneigement du stationnement tel que le démontre le bail déposé. Il est spécifié que le locateur doit maintenir l’immeuble propre et notamment enlever la neige et la glace sur toutes les voies d’accès et les espaces de stationnement le matin avant 7 heures. Il doit également dégager les marches, les entrées, les sorties d’urgence et les trottoirs et répandre des abrasifs et du fondant afin d’éliminer tout danger et les maintenir en bon état durant les heures normales d’occupation.
[13] L’accident subi par la travailleuse est survenu le 15 janvier 2007 à 8 h 30.
[14] Il appert des documents déposés que le chef du service de l’administration et des approvisionnements de l’employeur, monsieur Bruno Morin, a déjà écrit au locateur pour se plaindre du fait que, assez fréquemment, l’abrasif est appliqué plus tard que l’arrivée des employés, certains débutant à 7 heures le matin.
[15] Il appert des données d’Environnement Canada pour la région de Sherbrooke qu’il y aurait eu, le 13 janvier 2007, de la pluie se transformant en neige au cours de la journée et où la température aurait varié entre 3o et -12,7o celsius.
[16] Le représentant de l’employeur soumet que la présence de neige et de glace dans le stationnement en date du 15 janvier 2007 résulte de toute évidence d’un défaut d’entretien de la part du locateur puisqu’il n’y a eu aucun épandage de sel ou de sable et qu’il s’agit là de la cause principale de la chute de la travailleuse. Il souligne que Gestion Limar ltée, propriétaire et locateur de l’immeuble où la travailleuse travaille, est un tiers par rapport au lien juridique qui unit l’employeur et la travailleuse.
[17] Il ajoute également qu’il apparaît injuste d’imputer les coûts de cet accident au dossier financier de l’employeur puisqu’il ne relève pas des risques particuliers de ses activités, l’employeur étant un CLSC dont la mission est d’améliorer la santé et le bien-être de la population qu’il dessert. Par conséquent, le fait pour l’une de ses employées de faire une chute dans le stationnement dont il n’a pas à assumer l’entretien, ne fait pas partie de ses risques inhérents, ni de façon principale, ni de façon accessoire.
[18] De son côté, la représentante de Gestion Limar ltée, responsable de l’Édifice 1200 King Est, indique que la compagnie a un contrat de déneigement avec monsieur Jacques Nadeau depuis de nombreuses années et que ce dernier a pour mandat d’ouvrir les entrées avant 7 heures et d’étendre de l’abrasif au besoin. Elle estime donc que c’est cet entrepreneur qui est responsable de l’accident et non Gestion Limar ltée.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[19] La Commission des lésions professionnelles doit décider si l’employeur a droit à un transfert du coût des prestations dues en raison de l’accident du travail subi par la travailleuse le 15 janvier 2007.
[20] L’article 326 de la loi indique ce qui suit :
326. La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.
Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.
L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.
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1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.
[21] La preuve démontre que le locateur de l’immeuble est, par contrat, responsable de l’entretien hivernal des aires de stationnement, voies d’accès et allées de circulation chez l’employeur. Il est, d’autre part, spécifiquement indiqué que ces aires de stationnement doivent être entretenues avant 7 heures le matin et qu’il est responsable d’enlever la neige et la glace sur toutes ses voies d’accès. Il est également responsable de répandre des abrasifs et du fondant afin d’éliminer tout danger.
[22] La preuve démontre que le 15 janvier 2007, la travailleuse, qui occupe un emploi d’ergothérapeute, subit un accident du travail en glissant dans le stationnement, sur de la glace recouverte d’un peu de neige.
[23] Le tribunal considère donc que cet accident est attribuable à un tiers, soit Gestion Limar ltée, qui est une personne autre que la travailleuse lésée, son employeur et les autres travailleurs exécutant un travail pour ce dernier et qui, par ses omissions, s’avère être celui qui a contribué non seulement de façon significative mais de façon majoritaire à sa survenue. Le fait que Gestion Limar ltée fasse affaire avec un sous-contractant ne change rien aux responsabilités qu’il doit assumer en vertu des clauses du contrat qu’il a signé avec le CLSC.
[24] Le tribunal constate également que la chute subie par la travailleuse ne fait pas partie des risques inhérents reliés à la nature de l’ensemble des activités exercées par l’employeur et qu’il serait dès lors injuste de lui faire supporter ces coûts.
[25] En effet, l’ensemble des activités économiques de l’employeur consistent à améliorer la santé et le bien-être de la population dont il a la responsabilité, notamment par des services médicaux. Une chute dans un stationnement ne fait pas partie des risques inhérents à l’ensemble de ses activités, particulièrement du fait qu’il n’est pas responsable de son entretien.
[26] Dans les circonstances, et vu la jurisprudence sur cette question, le tribunal conclut qu’il y a lieu d’accorder à l’employeur un transfert de l’imputation du coût des prestations dues en raison de l’accident du travail subi par la travailleuse le 15 janvier 2007.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de CLSC de Sherbrooke;
INFIRME la décision rendue le 12 mars 2009 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le coût des prestations dues en raison de l’accident du travail subi par madame Annette Lunkenbein le 15 janvier 2007 doit être imputé aux employeurs de toutes les unités.
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Luce Boudreault |
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Me André Fournier |
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MONTY, COULOMBE |
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Représentant de la partie requérante |
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AVIS :
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