Centre de santé et de services sociaux Alphonse-Desjardins et Fortier |
2014 QCCLP 6104 |
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RECTIFICATION D’UNE DÉCISION
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[1] La Commission des lésions professionnelles a rendu le 5 novembre 2014, une décision dans le présent dossier;
[2] Cette décision contient une erreur d’écriture qu’il y a lieu de rectifier en vertu de l’article 429.55 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, RLRQ, c. A-3.001;
[3] Sur la première page, nous lisons :
5 novembre 2015
[4] Alors que nous aurions dû lire :
5 novembre 2014
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Robert Deraiche |
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Me Karine Dubois |
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BEAUVAIS, TRUCHON & ASS. |
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Représentante de la partie requérante |
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Me Damien Lafontaine |
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LAFONTAINE & MÉNARD, AVOCATS |
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Représentant de la partie intéressée |
Centre de santé et de services sociaux Alphonse-Desjardins et Fortier |
2014 QCCLP 6104 |
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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Lévis |
5 novembre 2015 |
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Région : |
Chaudière-Appalaches |
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Dossier : |
534156-03B-1402 |
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Dossier CSST : |
141235044 |
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Commissaire : |
Robert Deraiche, juge administratif |
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Membres : |
Jean-Guy Verreault, associations d’employeurs |
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Aline Rousseau, associations syndicales |
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Centre de santé et de services sociaux Alphonse-Desjardins |
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Partie requérante |
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et |
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Marcelle Fortier |
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Partie intéressée |
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[1] Le 17 février 2014, Centre de santé et de services sociaux Alphonse - Desjardins (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 5 février 2014 à la suite d'une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu'elle a initialement rendue le 22 janvier 2014 et déclare que madame Marcelle Fortier (la travailleuse) n'est pas tenue d’accomplir l’assignation temporaire proposée par son employeur à compter du 22 décembre 2013 puisque le travail qui lui est assigné temporairement ne respecte pas les conditions prévues à la Loi sur les accidents du travail et des maladies professionnelles[1] (la loi).
[3] Une audience s'est tenue le 3 novembre 2014, à Lévis, en présence de l’employeur et de sa procureure. La travailleuse et son procureur étaient absents. Par contre, en date du 31 octobre 2014, ce denier a avisé le tribunal de leur absence et il a soumis une argumentation écrite ainsi que des admissions de faits.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître que la travailleuse était tenue d’accomplir l’assignation temporaire proposée le 22 décembre 2013 au Centre d’hébergement de Saint-Anselme.
LES ADMISSIONS
[5] Dans son argumentation, le procureur de la travailleuse dépose un document signé par les parties et qui est libellé comme suit :
1. Madame Marcelle Fortier (ci-après (« la travailleuse ») est préposée aux bénéficiaires à l’emploi du CSSS Alphonse-Desjardins (ci-après « employeur »).
2. Elle est détentrice d’un poste à raison de deux (2) jours par semaine au Centre d’hébergement de Ste-Claire et offre des disponibilités pour compléter ces deux (2) jours au Centre d’hébergement Ste-Claire et au Centre d’hébergement de St-Gervais.
3. La travailleuse a débuté l’assignation temporaire en lien avec le présent dossier au Centre d’hébergement de Ste-Claire le 30 octobre 2013.
4. Cette assignation temporaire s’est effectuée à raison de trois (3) Jours non consécutifs par semaine au Centre d’hébergement de Ste-Claire, et ce, jusqu’au 9 décembre 2013.
5. Les 12 et 14 décembre 2013, l’assignation temporaire e été effectuée au Centre d’hébergement de St-Anselme.
6. Le 16 décembre 2013, la travailleuse a débuté l’assignation temporaire au Centre d’hébergement de Ste-Claire et a terminé son quart de travail au Centre d’hébergement de St-Anselme.
7. La travailleuse a alors été avisée que les 22, 25 et 27 décembre 2013, l’assignation temporaire aurait lieu au Centre d’hébergement de St-Anselme, compte tenu des besoins.
8. Les tâches effectuées en assignation temporaire eu Centre d’hébergement de Ste-Claire et au Centre d’hébergement de St-Anselme sont identiques à savoir, celles autorisées par le médecin traitant de la travailleuse :
- Aide à l’alimentation;
- Hydratation des résidents;
- Distribution des collations;
- Faire la lecture aux résidents;
- Nettoyer la pharmacie des chambres;
- Entretient des rasoirs, peignes, etc.
- Photocopies;
- Classement;
- Commission entre les départements;
- Rangement du matériel léger;
- Répondre au téléphone;
- Décontaminer le matériel.
9. Le formulaire d’assignation temporaire apparaissant à la page 35 du dossier de la Commission a été préparé par l’employeur et complété de façon manuscrite par le Dr Labbé.
10. La travailleuse a refusé d’effectuer l’assignation temporaire au Centre d’hébergement de St-Anselme au motif qu’à son avis, l’assignation temporaire devait avoir lieu à Ste-Claire, endroit où elle exercice habituellement ses fonctions. [sic]
LES FAITS
[6] Le tribunal a pris connaissance des admissions de faits ainsi que des renseignements contenus dans le dossier administratif. Quant aux faits, en plus de ceux apparaissant dans les admissions, le tribunal retient ceux résumés dans la décision rendue à la suite d’une révision administrative le 5 février 2014 :
[…]
Le 11 juillet 2013, la Commission accepte la réclamation de la travailleuse à titre de lésion professionnelle survenue le 12 juin 2013, dont le diagnostic est une tendinite de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite. Cette décision n’a pas fait l’objet d’une demande de révision.
Le 24 octobre 2013, sur un formulaire Assignation temporaire d’un travail, le médecin de la travailleuse conclut que la travailleuse est raisonnablement en mesure d’accomplir le travail décrit, que ce travail est sans danger pour la santé, la sécurité et l’intégrité physique de la travailleuse compte tenu de sa lésion, et que ce travail est favorable à sa réadaptation. Il autorise l’assignation à compter du 28 octobre 2013 et ce, à raison de 3 jours par semaine.
L’emploi proposé par l’employeur consiste en du support aux équipes en place et l’assignation doit avoir lieu au Centre d’hébergement de Ste-Claire selon le formulaire d’assignation.
Selon les éléments au dossier, la travailleuse a été informée qu’elle devait se présenter au Centre St-Anselme les 22, 25 et 27 décembre 2013 pour son assignation.
Le 16 décembre 2013, le médecin traitant ajoute au rapport médical de respecter l’assignation temporaire du 24 octobre 2013 de jour au Centre d’hébergement de Ste-Claire et St-Gervais seulement, à raison de 3 jours non consécutifs par semaine.
[…]
[7] Le dossier administratif contient les renseignements pertinents suivants :
· Le 24 octobre 2013, la docteure Labbé, médecin traitant, remplit un formulaire « Assignation temporaire d’un travail » fourni par l’employeur. Ce dernier inscrit que cette assignation va s’effectuer au Centre d’hébergement de Sainte-Claire;
· Plusieurs tâches de l'assignation y sont décrites, mais le médecin n’en retient que quelques-unes qui seront effectuées à raison de trois jours par semaine;
· Le 16 décembre 2013, la docteure Labbé remplit un rapport médical dans lequel elle mentionne :
[…]
Respecter assignation temporaire du 2013-10-24
- travail de jour au Centre d’hébergement de Ste-Claire et St-Gervais seulement
- 3 jours non consécutifs / semaine [sic]
[…]
L’ARGUMENTATION DES PARTIES
[8] L’employeur soumet les commentaires suivants :
· La seule question en litige concerne l’obligation pour l’employeur d’offrir une assignation temporaire dans ses centres d’hébergement de Sainte-Claire et de Saint-Gervais, comme il a été proposé par le médecin traitant, la docteure Paule Labbé, le 16 décembre 2013;
· Les admissions de faits permettent de conclure :
- Les tâches proposées à l’assignation temporaire au Centre d’hébergement de Saint-Anselme sont identiques à celles proposées dans les établissements de Sainte-Claire et de Saint-Gervais;
- La travailleuse est en mesure d’effectuer toutes les tâches proposées à l’assignation temporaire prévue au Centre d’hébergement de Saint-Anselme;
- La travailleuse a effectué son assignation temporaire à Saint-Anselme les 12 et 14 décembre ainsi qu’une partie de la journée du 16 décembre 2014;
- La docteure Labbé a un droit de regard seulement sur les trois critères composant l’assignation temporaire énoncés à l’article 179 de la loi. Ainsi, elle doit se prononcer sur la capacité de la travailleuse à accomplir les tâches proposées, s’assurer que celles-ci ne constituent pas un danger pour la travailleuse et constater que cette assignation temporaire est propice à la réadaptation de la travailleuse;
- La docteure Labbé ne peut s’ingérer dans le droit de gérance de l’employeur en matière de détermination de l'endroit où doit s’accomplir une assignation temporaire;
- Aucun motif n’est soulevé pour démontrer que l’assignation temporaire à accomplir au Centre d’hébergement de Saint-Anselme contrevient aux dispositions de l’article 179 de la loi.
· Ainsi, l’assignation temporaire proposée au Centre d’hébergement de Saint-Anselme respecte l’article 179 de la loi. La travailleuse est donc raisonnablement en mesure d'accomplir ce travail qui ne comporte pas de danger pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique de celle-ci compte tenu de sa lésion et il est également favorable à sa réadaptation.
[9] Quant au procureur de la travailleuse, il s’exprime ainsi dans son argumentation soumise le 31 octobre 2014 :
[…]
La Commission de la santé et de la sécurité du travail et sa Direction de la révision administrative arrivent toutes deux, les 22 janvier 2014 et 31janvier 2014, la conclusion que l’assignation proposée par l’employeur ne respecte pas l’assignation autorisée par Dr Labbé. Nous sommes en accord avec ces dernières décisions.
En effet, la doctrine1 nous enseigne qu’il existe sept (7) critères à la validité d’une assignation temporaire, dont l’autorisation doit être donnée par le médecin qui a charge du travailleur. Cette condition découle de l’article 179 de la loi qui stipule : « si le médecin qui a charge du travailleur croit que ».
Or, dans le présent cas, Dr Labbé n’a jamais autorisé d’assignation temporaire autre qu’au Centre d’hébergement Ste-Clair. La travailleuse a contesté l’assignation proposée par l’employeur et la Commission de la santé et de la sécurité du travail et sa Direction de la révision administrative lui ont de bon droit donné raison parce que non conforme au formulaire rempli par l’employeur et complété par Dr Labbé.
Le consentement du médecin qui a charge est une condition essentielle à l’assignation temporaire. Le juge administratif Robert Langlois2 explique que le défaut d’obtenir un tel consentement invalide l’assignation :
[44] Tel qu’il a été précisé plus haut, l’article 179 de la loi stipule que l’employeur peut assigner un travailleur à un travail léger en attendant que celui-ci redevienne capable d’exercer son emploi ou un emploi convenable. C’est la situation dans laquelle le travailleur se retrouve le 16 juin 2008. Toutefois, avant de procéder à cette assignation, l’avis du médecin est essentiel.
[45] Or, dans le cas sous étude, l’employeur n’a pas eu recours à l’avis du médecin avant de convoquer le travailleur. Dès lors, le tribunal en conclut que la procédure prévue à la loi n’a pas été suivie et est irrégulière.
[46] Il en ressort qu’en l’absence de l’avis de son médecin, le travailleur pouvait refuser cette assignation sans être pénalisé.
Par après, l’employeur avait l’opportunité de faire remplir au Dr Labbé un nouveau formulaire d’assignation temporaire tout en modifiant le libellé du lieu. Dans cette hypothèse, ce dernier avait l’occasion d’autoriser ou non l’assignation sans avoir à se justifier. La juge administrative Isabelle Piché3 l’exprime ainsi :
[30] De plus, il importe de mentionner qu’il n’existe aucune obligation légale forçant un médecin qui a charge d’un travailleur de justifier, à l’employeur de celui-ci, les raisons soutenant son refus d’autoriser l’assignation temporaire.
Bref, l’employeur n’a jamais eu l’autorisation expresse du médecin qui a charge, Dr Labbé, pour une assignation temporaire à l’extérieur du Centre d’hébergement de Ste-Claire. Cette autorisation est nécessaire sinon l’assignation peut être invalidée, sans pénalité pour la travailleuse. Ensuite, l’employeur avait l’opportunité d’amender son formulaire et le soumettre de nouveau au Dr Labbé et dans cette hypothèse, le médecin qui a charge peut autoriser ou refuser l’assignation temporaire sans se justifier.
Pour ces motifs, nous soumettons à la Commission de REJETTER la requête du CSSS Alphonse-Desjardins; de CONFIRMER la décision de la Commission de la santé et sécurité du travail rendue le 5 février 2014 à la suite d’une révision administrative et; de DÉCLARER que l’assignation temporaire proposée par l’employeur et acceptée par le Dr Labbé n’est pas conforme à la Loi sur les accidents du travail et des maladies professionnelles, et la travailleuse n’est pas tenue de l’effectuer. [sic]
[…]
[notes omises]
L’AVIS DES MEMBRES
[10] Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs, après avoir été consultés sur les questions en litige, sont d'avis d’accueillir la requête de l’employeur aux motifs suivants.
[11] D’une part, ils sont d’avis que le médecin traitant peut se prononcer, dans certaines circonstances, sur le lieu où doit avoir lieu l’assignation temporaire lorsque ce dernier peut avoir une incidence sur la lésion professionnelle ou sur la condition psychologique de la travailleuse. Or, aucune preuve de cette nature n’a été administrée devant le tribunal.
[12] D’autre part, il faut conclure des admissions de faits que la travailleuse était apte à effectuer les tâches de l’assignation temporaire à l’établissement de Saint-Anselme, comme elle l’a démontré. Seul le lieu où elle devait effectuer ces tâches est en litige. Malheureusement, le seul désir de la travailleuse d’effectuer l’assignation dans son milieu de travail usuel est insuffisant pour conclure que cette dernière n’était pas tenue d’occuper l’assignation temporaire à l’établissement de Saint-Anselme.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[13] Après examen et audition et après avoir reçu l'avis des membres, la Commission des lésions professionnelles rend la décision suivante.
[14] Le tribunal doit décider si la travailleuse était tenue d’accomplir l’assignation temporaire au Centre d’hébergement de Saint-Anselme, le 22 décembre 2013. Pour ce faire, il y a lieu de se référer aux dispositions de la loi qui prévoit ceci :
179. L'employeur d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle peut assigner temporairement un travail à ce dernier, en attendant qu'il redevienne capable d'exercer son emploi ou devienne capable d'exercer un emploi convenable, même si sa lésion n'est pas consolidée, si le médecin qui a charge du travailleur croit que :
1° le travailleur est raisonnablement en mesure d'accomplir ce travail;
2° ce travail ne comporte pas de danger pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion; et
3° ce travail est favorable à la réadaptation du travailleur.
Si le travailleur n'est pas d'accord avec le médecin, il peut se prévaloir de la procédure prévue par les articles 37 à 37.3 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1), mais dans ce cas, il n'est pas tenu de faire le travail que lui assigne son employeur tant que le rapport du médecin n'est pas confirmé par une décision finale.
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1985, c. 6, a. 179.
[15] Concernant le rôle de l’assignation temporaire, le tribunal[2] s’exprimait ainsi :
[56] La Commission des lésions professionnelles estime que l'assignation temporaire proposée par l'employeur est favorable à la réadaptation dans la mesure où elle lui permet de garder contact avec son milieu de travail et de conserver ses habitudes de travail. Il ne faut pas ici confondre le terme «favorable à la réadaptation» avec ceux de « traitements de la lésion ». Tel que le rappelle la Commission des lésions professionnelles dans l'affaire Blier et Olymel Princeville4 l'assignation temporaire est favorable à la réadaptation dans la mesure où elle permet le maintien de l'activité physique, des habitudes de vie et de travail ainsi que du maintien du revenu complet et des avantages reliés à l'emploi habituel. En ce sens, l'assignation temporaire est favorable à la réadaptation au sens usuel de ce terme.
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4 C.L.P. 125927-04B-9911, 23 mai 2000, P. Brazeau.
[16] De plus, il est reconnu par la jurisprudence que les motifs personnels[3] servant d’assise à un refus d’accomplir l’assignation temporaire ne sont pas retenus.
[17] Enfin, en regard de l’endroit où doit s’accomplir l’assignation temporaire, le tribunal a déjà conclu[4] qu’il est possible pour un employeur d’assigner temporairement un travailleur à un autre établissement sous réserve que cet établissement lui appartienne.
[18] Ce sont les prémisses qui doivent servir d’assise pour la présente décision. Ainsi, le tribunal considère que la prépondérance de la preuve l’amène à conclure que la travailleuse était tenue d’accomplir l’assignation temporaire à l’établissement de Saint-Anselme, et ce, pour les motifs suivants.
[19] Premièrement, le tribunal conclut des admissions de faits soumises que les tâches en assignation temporaire, aux trois établissements de l'employeur, sont similaires et que la travailleuse est en mesure de les effectuer sans mettre en danger sa santé et que celles-ci font partie du processus de réadaptation. À cet effet, la travailleuse l’a démontré en effectuant des journées d’assignation temporaire aux établissements de Sainte-Claire et de Saint-Anselme.
[20] Deuxièmement, le tribunal comprend des admissions de faits que le seul motif invoqué par la travailleuse au soutien de son refus est que l’assignation temporaire doit s’effectuer dans les établissements où elle travaille habituellement. Ainsi, aucun autre motif pouvant affecter la lésion professionnelle ou sa guérison n’est invoqué. Il ne s’agit que d’une préférence exprimée par la travailleuse.
[21] Troisièmement, contrairement à ce que prétend l'employeur, l'endroit où doit s’effectuer l’assignation temporaire ne relève pas exclusivement de son droit de gérance[5]. En effet, lorsque la détermination de l’endroit où l’assignation temporaire doit s’effectuer a une incidence directe sur la lésion professionnelle[6] ou sur la condition psychologique du travailleur[7], l’opinion du médecin traitant en la matière doit être prise en considération. De plus, certaines décisions du tribunal ont retenu comme motifs des considérations d’ordre personnel lorsque l’assignation temporaire a eu lieu dans un établissement difficile d’accès ou trop éloigné du lieu de travail habituel. Par contre, aucun de ces motifs n’a été allégué dans la présente affaire.
[22] Quatrièmement, le tribunal constate que le médecin traitant est d’opinion que l’assignation temporaire doit être effectuée à Sainte-Claire ou à Saint-Gervais. Or, au paragraphe 10 des admissions de faits, il y est mentionné que, selon l’avis de la travailleuse, le seul endroit où doit s’effectuer l’assignation temporaire est à l’établissement de Sainte-Claire, endroit où elle exerce habituellement ses fonctions. Ainsi, le médecin traitant étend le territoire où devrait avoir lieu l’assignation temporaire, sans y inclure l’établissement de Saint-Anselme, mais sans mentionner les motifs de cette exclusion. La seule raison de cette modification ne peut s’expliquer que par le désir de la travailleuse d’accomplir cette assignation temporaire dans son milieu habituel de travail. C’est donc un motif qui n’a aucun lien avec les critères médicaux ou de réadaptation apparaissant à l’article 179 de la loi qui est invoqué pour refuser de faire l’assignation temporaire à l’établissement de Saint-Anselme.
[23] Enfin, le tribunal ne peut déduire des admissions de faits ni de la preuve documentaire qu’il existait un motif impliquant un des critères de l’article 179 de la loi dans l’assignation temporaire à effectuer à l’établissement de Saint-Anselme. Autre que le désir de demeurer dans son milieu de travail pour accomplir son assignation temporaire, la preuve ne révèle aucun élément pouvant avoir une incidence sur la lésion professionnelle si cette assignation temporaire avait eu lieu au Centre d’hébergement de Saint-Anselme. En effet, aucune preuve n’a été administrée en ce sens.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête du Centre de santé et de services sociaux Alphonse-Desjardins, l’employeur;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 5 février 2014 à la suite d'une révision administrative;
DÉCLARE que madame Marcelle Fortier, la travailleuse, est tenue d’accomplir l’assignation temporaire proposée par son employeur à compter du 22 décembre 2013, au Centre d’hébergement de Saint-Anselme.
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Robert Deraiche |
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Me Karine Dubois |
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BEAUVAIS, TRUCHON & ASS. |
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Représentante de la partie requérante |
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Me Damien Lafontaine |
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LAFONTAINE & MÉNARD, AVOCATS |
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Représentant de la partie intéressée |
[1] RLRQ, c. A-3.001.
[2] Fortin et Accessoires d’Ameublement AHF ltée, C.L.P. 146022-71-0009, 31 mai 2001, F. Juteau.
[3] Notamment, le fait qu’un travailleur ne désire pas accomplir l’assignation temporaire proposée : Létourneau et Les Agrégats Dany Morissette inc., C.L.P. 124923-04-9910, 23 novembre 1999, A. Vaillancourt; le fait que les motifs soient autres que d’ordre médical : Méthot et Association Coop forestière de St-Elzéar, C.L.P. 154173-01C-0101, 16 juillet 2001, C. Bérubé.
[4] Usines Giant inc. et Lévesque, 2011 QCCLP 6726.
[5] Pièces d'auto Kenny inc. et CSST, [1998] C.L.P. 259; C.H.U.S. et Boislard, C.L.P. 124038-05-9909, 11 avril 2000, F. Ranger.
[6] Lorsque le médecin traitant indique que le travailleur doit être libéré du travail proposé en assignation temporaire pour suivre des traitements de physiothérapie, une telle assignation n'est pas valable, si, en pratique, cette condition ne peut être remplie. En l'espèce, un travailleur ne peut occuper un poste disponible aux Îles-de-la-Madeleine alors qu'il doit recevoir des traitements à Granby : Hydro-Québec et Charest, C.L.P. 78837-62B-9604, 25 octobre 1996, Y. Tardif.
[7] Lorsqu’un travailleur est attitré à un poste d’assignation temporaire où il est isolé et où la charge de travail est presque nulle, ce qui affecte son état psychologique : Desrochers et J. M. Asbestos inc., C.L.P. 110825-05-9902, 16 août 1999, F. Ranger, (99LP-116).
AVIS :
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