Décision

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Intact Assurances inc. c. 9221-2133 Québec inc. (Centre Mécatech)

2015 QCCA 916

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

QUÉBEC

N° :

200-09-008292-143

(200-22-065759-136)

 

DATE :

 25 MAI 2015

 

 

CORAM :

LES HONORABLES

JACQUES CHAMBERLAND, J.C.A.

LOUIS ROCHETTE, J.C.A.

DOMINIQUE BÉLANGER, J.C.A.

 

 

INTACT ASSURANCE INC.

APPELANTE - Défenderesse

c.

 

9221-2133 QUÉBEC INC., f.a.s.r.s. CENTRE MÉCATECH

et

ÉRIC CLOUTIER,

INTIMÉS - Demandeurs

 

 

ARRÊT

 

 

[1]           LA COUR; - Statuant sur l’appel d’un jugement rendu le 25 février 2014 par la Cour du Québec (Chambre civile), district de Québec (l’honorable François Godbout) qui a accueilli l’action pour partie et condamné Intact Assurance inc. à verser à Éric Cloutier 14 043,75 $, plus les taxes, les intérêts au taux légal depuis l’assignation et l’indemnité additionnelle, avec dépens.

[2]           Après avoir étudié le dossier, entendu les parties et délibéré;

[3]           Pour les motifs du juge Chamberland, auxquels souscrivent les juges Rochette et Bélanger, LA COUR :


[4]           ACCUEILLE l’appel, avec dépens;

[5]           INFIRME le jugement entrepris;

[6]           REJETTE l’action intentée par Éric Cloutier, également avec dépens.

 

 

 

 

JACQUES CHAMBERLAND, J.C.A.

 

 

 

 

 

LOUIS ROCHETTE, J.C.A.

 

 

 

 

 

DOMINIQUE BÉLANGER, J.C.A.

 

Me Sophie Lapierre

Cain, Lamarre

Pour l’appelante

 

Me Manès Webster

Armijo & Webster

Pour les intimés

 

Date d’audience :

29 avril 2015



 

 

MOTIFS DU JUGE CHAMBERLAND

 

 

[7]           La Cour est saisie d’un appel formé par Intact Assurance inc. à l’encontre d’un jugement prononcé le 25 février 2014 (Cour du Québec, district de Québec, M. le juge François Godbout) qui l’a condamnée à payer à l’intimé, Éric Cloutier, 14 043,75 $, plus les taxes, de même que les intérêts, l’indemnité additionnelle et les dépens.

[8]           L’intimée 9221-2133 Québec inc. (Centre Mécatech) ne remet pas en cause le rejet de sa poursuite pour absence d’intérêt d’assurance dans le véhicule volé, pas plus que l’intimé Cloutier ne remet en cause le rejet de sa réclamation pour troubles et inconvénients.

[9]           L’appelante refuse toujours d’indemniser l’intimé au motif qu’il n’a pas satisfait à l’obligation de collaboration que lui imposent le contrat d’assurance et l’article 2471 C.c.Q.

[10]        Le juge de première instance estime que l’obtention des autorisations nécessaires pour avoir accès aux renseignements requis dans le cadre de l’enquête et  l’interrogatoire de l’assuré sur les circonstances du sinistre sont deux choses différentes. Selon lui, l’assuré doit permettre la cueillette par son assureur des renseignements nécessaires à l’enquête, mais il n’est pas obligé de se soumettre à un interrogatoire. Il conclut que M. Cloutier a refusé d’être interrogé (ce qu’il associe à un « manque de collaboration »[1] ou à une « collaboration déficiente de sa part »[2]), mais que cela ne justifie pas pour autant la décision de l’assureur de ne pas l’indemniser. Il faudrait d’« autres facteurs » défavorables à la position de M. Cloutier. Par ailleurs, il conclut que M. Cloutier n’a pas refusé de permettre la cueillette des renseignements relatifs à l’enquête, on ne lui en a tout simplement pas fait la demande spécifique.

[11]        Le juge condamne l’assureur à verser à son assuré la valeur de l’automobile, soit 14 043,75 $ plus les taxes, mais, vu la « collaboration déficiente » de ce dernier, rien pour les troubles et les inconvénients.

[12]        L’appelante ne conteste pas les faits retenus par le juge de première instance, pas plus que l’intimé d’ailleurs. Elle plaide que, sur la base de ces faits, l’intimé n’a pas satisfait à son obligation de collaboration aux termes de l’article 2471 C.c.Q.[3], ce qui entraine la perte de son droit  à l’indemnité d’assurance.

[13]        Je propose d’analyser les questions en litige sous les deux rubriques suivantes :

·         L’obligation faite à l’assuré de collaborer à l’enquête de son assureur;

·        Les conséquences d’un manquement à cette obligation.

L’OBLIGATION DE COLLABORER À L’ENQUÊTE

[14]        Avec égards, le juge de première instance a tort de dire que l’assuré n’est pas obligé de répondre aux questions de son assureur concernant toutes les circonstances entourant le sinistre.  L’article 2471 C.c.Q. lui en fait l’obligation.

[15]        En l’espèce, le juge conclut que M. Cloutier a refusé d’être interrogé malgré toutes les démarches en ce sens faites par l’appelante et ses représentants de la fin janvier 2011 à la fin décembre 2011. Il qualifie cette attitude de « manque de collaboration » de sa part ou de « collaboration déficiente ».

[16]        Dans un cas comme celui-ci, l’expression « toutes les circonstances entourant le sinistre » comprend non seulement les circonstances du vol survenu dans la nuit du 11 au 12 janvier 2011, mais également celles entourant l’acquisition par M. Cloutier du véhicule en cause puisqu’il s’agissait, à l’origine, d’un véhicule déclaré volé. Le juge reconnaît d’ailleurs que l’assureur était parfaitement justifié d’agir avec « circonspection » (paragr. 63) dans le traitement du dossier.

[17]        Il n’appartient pas à l’assuré de décider si une déclaration de sa part est nécessaire, ni de choisir la façon dont l’assureur mènera son enquête.

[18]        Son devoir est de collaborer étroitement  avec son assureur dans le règlement du sinistre.

[19]        L’obligation  de collaborer est, faut-il le rappeler, stipulée en faveur de l’assureur.

[20]        L’assuré doit répondre aux questions de l’assureur ou de ses représentants concernant toutes les circonstances entourant le sinistre et il doit fournir les pièces justificatives au soutien de sa réclamation. Il doit également, sur demande de son assureur, consentir à la cueillette des renseignements nécessaires et signer les documents requis pour ce faire.

[21]        C’est ce que l’obligation  de collaboration codifiée à l’article 2471 C.c.Q. comprend.

[22]        Avec égards pour le juge de première instance, il est erroné de subordonner le droit de l’assureur à une quelconque obligation de sa part de faire enquête auprès des tiers. Cette façon réductrice d’envisager l’obligation de collaboration permettrait à tout assuré de refuser  systématiquement de répondre aux questions de son assureur concernant les circonstances entourant le sinistre, tout en se contentant de fournir les consentements requis pour permettre la cueillette des renseignements pertinents à l’enquête auprès de tiers.

[23]        Selon moi, et soit dit avec égards pour le juge de première instance, l’intimé a clairement failli à son obligation de collaboration en refusant systématiquement de répondre aux questions de son assureur et de ses représentants concernant toutes les circonstances entourant le vol du véhicule. La demande insistante de l’assureur d’interroger M. Cloutier  n’avait ici rien de déraisonnable ou d’abusif.

LES CONSÉQUENCES DU MANQUE DE COLLABORATION

[24]        Le manquement au devoir de l’assuré de collaborer avec son assureur entraîne la perte du droit à l’indemnisation lorsqu’il y a mauvaise foi de sa part et que l’assureur en subit un préjudice[4].

[25]        Dans Northumberland General Insurance Co. c. Genzuir[5], la Cour précise que la déclaration d’un assuré à son assureur concernant les circonstances du sinistre ne constitue pas une obligation préjudicielle, ce qui n’empêche pas l’assureur de plaider, dans le cadre du recours intenté par l’assuré, que ce dernier n’a pas satisfait à son obligation de collaboration.

[26]        En l’espèce, je n’ai pas d’hésitation à conclure que le manque de collaboration de M. Cloutier à l’enquête menée par son assureur équivaut à mauvaise foi de sa part. Le fait que l’appelante en a souffert un préjudice ne fait pas de doute non plus, ne serait-ce que parce qu’elle n’a jamais été en mesure de déterminer si son assuré possédait un véritable intérêt d’assurance dans le véhicule. La déclaration de M. Cloutier concernant les circonstances entourant l’achat du véhicule était ici essentielle. Négligence ou entêtement de sa part, le résultat est le même, il n’a jamais fait connaître à son assureur toutes les circonstances entourant le sinistre.


[27]        Pour toutes ces raisons, je propose d’accueillir l’appel, avec dépens, d’infirmer le jugement entrepris et de rejeter l’action intentée par M. Cloutier, également avec dépens.

 

 

 

JACQUES CHAMBERLAND, J.C.A.

 



[1]     Paragr. 82.

[2]     Paragr. 87.

[3]     Selon les Commentaires du ministre de la justice, Tome II, p. 1552, cet article « reprend l’article 2473 C.c.B.-C.,en obligeant l’assuré à fournir à l’assureur tous les détails qui concernent le sinistre sur simple demande de ce dernier».

[4]     The London Assurance Corp. c. Girard et Charlebois , [1960] B.R. 770; enseignement repris plus récemment dans Di Capua et al c. Barreau du Québec et al., 500-09-010263-002, le 7 juillet 2003, les juges Mailhot, Forget et Rochon

[5]     J.E. 81-1072 (C.A.).

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