Décision

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Modèle de décision CLP - avril 2013

Côté et AbitibiBowater Scierie La Tuque

2015 QCCLP 3933

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Québec

17 juillet 2015

 

Région :

Mauricie-Centre-du-Québec

 

Dossier :

465621-04-1203

 

Dossier CSST :

112822341

 

Commissaire :

Monique Lamarre, juge administratif

 

Membres :

Denis Gagnon, associations d’employeurs

 

Claude Savary, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Denis Côté

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

AbitibiBowater Scierie La Tuque

Produits Forestiers La Tuque inc. (F)

 

Parties intéressées

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 19 juillet 2013, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), dépose une requête en révision ou en révocation à l’encontre d’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles, le 12 juin 2013.

[2]           Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles conclut comme suit :

ACCUEILLE le moyen préliminaire présenté par monsieur Denis Côté, le travailleur;

 

DÉCLARE qu’une entente est intervenue entre les parties le 1er avril 2013 et qu’elle donne lieu à un accord de conciliation qui met fin au litige;

 

ENTÉRINE l’accord intervenu entre les parties;

 

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 2 février 2012 à la suite d’une révision administrative;

 

DÉCLARE que l’emploi d’assembleur de petits articles n’est pas un emploi convenable au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

 

 

[3]           L’audience portant sur la requête en révision ou révocation a lieu, le 3 décembre 2014, en présence de l’avocate de la CSST et de monsieur Denis Côté (le travailleur) qui est assisté de son représentant. Le 18 novembre 2014, l’avocat de Abitibi Bowater (Scierie La Tuque) et de Produits Forestiers La Tuque inc. (les employeurs) a informé la Commission des lésions professionnelles de son absence à l’audience et du fait qu’il n’avait aucune représentation à soumettre. La cause est prise en délibéré, à la date de l’audience, soit le 3 décembre 2014.

 

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[4]           La CSST demande de réviser la décision rendue le 12 juin 2013 et de constater que si un accord est intervenu, il ne peut porter que sur le caractère prématuré de la détermination de l’emploi convenable tel qu’il apparaît des paragraphes [5] et [11] du projet d’accord préparé par le service de la conciliation de la Commission des lésions professionnelles et, le cas échéant, d’entériner cet accord. Subsidiairement, elle demande de révoquer la décision et de convoquer les parties afin qu’elles procèdent sur le fond du litige.

 

LES FAITS

[5]           Le 6 février 1997, le travailleur subit un accident du travail ayant entraîné une entorse lombaire. Cette lésion est consolidée le 5 juin 1997, sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles.

[6]           Le 20 août 1997, le travailleur subit une récidive, rechute ou aggravation de la lésion professionnelle initiale, sous forme d’un diagnostic de hernie discale L4-L5 gauche non opérée. Cette lésion est finalement consolidée, dans le cadre d’un rapport médical final, le 24 septembre 1998, sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles.

[7]           Le 22 novembre 2008, le travailleur subit une nouvelle récidive, rechute ou aggravation, cette fois sous la forme d’un diagnostic de hernie discale L5-S1, pour laquelle le travailleur est opéré le 10 septembre 2009. Dans le cadre d’un rapport médical final, le docteur Bilocq consolide la lésion le 29 octobre 2010 avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles.

[8]           Le 30 novembre 2010, le travailleur est admis en réadaptation.

[9]           Aucun emploi convenable n’étant disponible chez l’employeur, la CSST entame des démarches pour en déterminer un ailleurs sur le marché du travail.

[10]        Le 17 novembre 2011, la CSST rend une décision par laquelle elle détermine que le travailleur a la capacité d’exercer un emploi convenable d’assembleur de petits articles à compter du 15 novembre 2011, duquel il pourra tirer un revenu annuel de 23 151,45 $. Par cette décision, la CSST détermine également que le travailleur a droit de recevoir une indemnité de remplacement du revenu jusqu’au plus tard le 15 novembre 2012, date à laquelle celle-ci sera réduite. Le travailleur conteste cette décision qui est confirmée le 2 février 2012, à la suite d’une révision administrative.

[11]        Le 15 mars 2012, le travailleur en appelle de cette décision devant la Commission des lésions professionnelles. C’est cette contestation qui est à l’origine du présent litige. Le 29 mars 2012, la CSST produit un avis d’intervention en vertu de l’article 429.16 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

[12]        Le 3 mai 2012, la CSST rend une décision par laquelle elle accepte la réclamation du travailleur pour une nouvelle récidive, rechute ou aggravation, survenue le 15 mars 2012, pour des diagnostics de séquelles d’hernie discale L5-S1 et d’infection sus-pubienne.

[13]        Le 7 décembre 2013, la Commission des lésions professionnelles convoque les parties à une audience devant avoir lieu, le 3 avril 2013, sur la question de l’emploi convenable.

[14]        Deux jours avant l’audience, des pourparlers de règlement du litige ont lieu entre le travailleur et la CSST par l’intermédiaire du service de conciliation de la Commission des lésions professionnelles.

[15]        Selon le plumitif du tribunal, l’audience est annulée par le service de la conciliation de la Commission des lésions professionnelles le 3 avril 2013.

[16]        Finalement, devant l’échec de la conciliation, le 10 avril 2013, la Commission des lésions professionnelles convoque de nouveau les parties à une audience pour le 22 avril 2013.

[17]        Le 12 avril 2013, l’avocat des deux employeurs informe la Commission des lésions professionnelles de son absence à l’audience et lui demande de rendre une décision au mérite du dossier.

[18]        Le 19 avril 2013, l’avocate de la CSST envoie une lettre à la Commission des lésions professionnelles l’informant de son absence à l’audience et indiquant que, le cas échéant, elle souhaite être informée si un processus de conciliation est mis en place afin de pouvoir y participer de concert avec toutes les parties impliquées.

[19]        Le 22 avril 2013, le travailleur est présent à l’audience initiale et il est assisté de son représentant. La CSST y est absente tel qu’annoncé dans sa lettre du 19 avril 2013.

[20]        Au début de l’audience initiale, le travailleur annonce au premier juge administratif qu’il a l’intention de soulever un moyen préliminaire selon lequel, un accord est intervenu entre les parties. Il lui demande, ainsi, de reconnaître l’existence de cet accord, de l’entériner et de déclarer que l’emploi d’assembleur de petits articles n’est pas un emploi convenable au sens de la loi.

[21]        Finalement, l’audience ne porte que sur ce moyen préliminaire. Le représentant du travailleur demande initialement s’il peut être entendu comme témoin, ce à quoi consent le premier juge administratif. D’ailleurs, la preuve soumise est constituée essentiellement de ce témoignage et de celui, très bref, du travailleur.

[22]        La preuve soumise quant au moyen préliminaire est ainsi rapportée dans la décision par le premier juge administratif :

[18]      Selon les informations accessibles au greffe de la Commission des lésions professionnelles, une audience a été fixée le 3 avril 2013 afin de disposer de la contestation du travailleur de la décision rendue par la CSST le 2 février 2012 à la suite d’une révision administrative. Cette audience a été annulée à la demande de la conciliatrice du tribunal assignée au dossier.

 

[19]      À l’audience, le tribunal a entendu le témoignage de monsieur Dominique Le Sage, représentant du travailleur. En date du 1er avril 2013, monsieur Lesage a reçu un message téléphonique de madame Céline Danis, conciliatrice à la Commission des lésions professionnelles. Il est alors informé que Me Julien, procureure de la CSST, est ouverte à la conciliation et qu’elle attend une proposition de règlement de sa part.

 

[20]      Monsieur Le Sage a appelé la conciliatrice le même jour et il lui dit qu’il est également ouvert à la conciliation si les autres parties acceptent d’infirmer la décision de la révision administrative du 2 février 2012. Il précise que le travailleur est en rechute et qu’il était trop tôt pour statuer sur sa capacité d’exercer un emploi convenable. Selon monsieur Le Sage, la lésion n’était pas consolidée lors de la décision de la CSST du 17 novembre 2011. Le travailleur était en investigation médicale à ce moment.

 

[21]      En fin d’après-midi, toujours le 1er avril 2013, la conciliatrice laisse un message dans la boîte vocale de monsieur Le Sage. Celui-ci est informé que la CSST est en accord avec sa proposition de règlement. La conciliatrice lui précise que l’audience sera annulée et qu’un accord lui sera transmis dans les prochains jours. S’il y avait un problème avec le représentant des employeurs, la conciliatrice s’engageait à rappeler monsieur Le Sage. L’audience du 3 avril 2013 a été annulée par la conciliatrice.

 

[22]      Le 10 avril 2013, madame Danis rappelle monsieur Le Sage et l’informe qu’elle vient d’avoir une conversation avec Me Julien de la CSST. Les termes de l’entente ne sont plus les mêmes. La CSST est disposée à admettre que la décision de capacité de travail était prématurée, mais elle ne veut pas remettre en question l’emploi convenable déterminé d’assembleur de petits articles.

 

[23]      Selon monsieur Le Sage, il n’y avait aucune ambiguïté concernant les termes de l’entente intervenue le 1er avril 2013. La CSST a modifié les paramètres de l’entente, il a alors demandé à la conciliatrice de réinscrire le dossier du travailleur au rôle d’audience.

 

[24]      Le travailleur a également témoigné à l’audience. Il a affirmé que son représentant l’a appelé le 1er avril 2013 pour l’informer qu’une entente était intervenue entre les parties et que la décision de la révision administrative de la CSST serait infirmée. Il est également informé que l’audience prévue le 3 avril 2013 est annulée et les documents constatant l’entente lui seront acheminés dans les prochains jours.

 

 

[23]        Par ailleurs, il est à noter qu’à l’écoute de l’enregistrement numérique de l’audience initiale, le premier juge administratif a demandé au représentant du travailleur si la conciliatrice lui avait transmis un projet d’accord, ce à quoi il a répondu par la négative. À une question posée par un des membres du tribunal, le représentant du travailleur indique également qu’il ne croit pas que le projet avait d’abord été envoyé à la CSST et que, c’est à la lecture de celui-ci, que cette dernière aurait remis l’entente en cause. Il précise que, selon lui, si cela avait été le cas, la conciliatrice lui aurait envoyé l’accord et lui aurait indiqué ce qui n’allait pas dans la terminologie et lui aurait spécifié ce que la CSST désirait changer. Selon lui, il y a seulement eu un changement de position de la part de la CSST.

[24]        La décision ne concerne que le moyen préliminaire, le premier juge administratif l’ayant accueilli. Il retient ce qui suit :

[25]      La Commission des lésions professionnelles doit déterminer s’il y a eu accord entre les parties. Le cas échéant, le tribunal doit déterminer s’il y a lieu d’entériner cet accord.

 

[26]      Les dispositions de la loi relative à un accord sont les suivantes :

 

429.44.  Si les parties à une contestation y consentent, la Commission des lésions professionnelles peut charger un conciliateur de les rencontrer et de tenter d'en arriver à un accord.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

429.46.  Tout accord est constaté par écrit et les documents auxquels il réfère y sont annexés, le cas échéant. Il est signé par le conciliateur et les parties et lie ces dernières.

 

Cet accord est entériné par un commissaire dans la mesure où il est conforme à la loi. Si tel est le cas, celui-ci constitue alors la décision de la Commission des lésions professionnelles et il met fin à l'instance.

 

Cette décision a un caractère obligatoire et lie les parties.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

429.47.  Lorsqu'il n'y a pas d'accord ou que la Commission des lésions professionnelles refuse d'entériner l'accord, celle-ci tient une audition dans les meilleurs délais.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[27]      Selon la jurisprudence du tribunal à laquelle adhère le soussigné, celui-ci a compétence pour se prononcer sur l’existence d’une entente ayant pour objet de mettre fin au litige dont il est saisi. Ce pouvoir découle de l’article 377 de la loi qui se lit comme suit :

 

377.  La Commission des lésions professionnelles a le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence.

 

Elle peut confirmer, modifier ou infirmer la décision, l'ordre ou l'ordonnance contesté et, s'il y a lieu, rendre la décision, l'ordre ou l'ordonnance qui, à son avis, aurait dû être rendu en premier lieu.

__________

1985, c. 6, a. 377; 1997, c. 27, a. 24.

 

 

[28]      Dans l’affaire Entrepôt Non-Périssable (MTL) et Tardif3, le tribunal se prononçait de la façon suivante sur cette question :

 

[54] La compétence de la Commission des lésions professionnelles de trancher, par l’entremise d’un moyen préalable, de l’existence ou non d’une transaction au sens de l’article 2631 du Code civil du Québec, et conséquemment de la validité d’un désistement, ou encore d’un accord au sens de l’article 429.46 de la loi découle de l’application de cet article 377 selon la jurisprudence notamment dans l’affaire Carbone d’Amérique LCL inc. et Vincent : 

 

[72]         L'article 377 de la loi établit la compétence de la Commission des lésions professionnelles à décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence. Cette disposition permet à la Commission des lésions professionnelles de disposer de toute question incidente au fond d'un litige qui règle le sort de la contestation, dont un moyen d'irrecevabilité fondé sur l'existence d'une transaction ou la validité d'un désistement. La Commission des lésions professionnelles a conclu en ce sens à de nombreuses reprises[2].

 

[73]         Les tribunaux judiciaires ont également clairement déterminé qu'un tribunal administratif dispose d'une compétence pour décider de toute question qui règle le sort de la contestation[3], dont l'existence d'une transaction.

 

[74]         En l'espèce, les documents invoqués à l'appui de la prétention de l'employeur sont un accord au sens de la loi et une transaction en vertu des articles 2631 et suivants du Code civil du Québec[4].

_______________

2              Lapierre et Service Remtec inc., C.L.P. 107242-63-9811, 10 janvier 2000, D. Beauregard (99 LP 243); Chemises I. Miller inc. et Gregorio, C.L.P. 139542-72-0005, 14 mai 2001, M. Cuddihy; Nolan et Services de gestion Menrose inc., C.L.P. 123459-72-9909, 18 mai 2001, F. Juteau, (01LP-25); Selesse et Prémontex inc., C.L.P. 155128-31-0102, 28 novembre 2001, P. Simard; Savard et Icon Canada inc., [2002] C.L.P. 282; Boisclair et Montacier (SMDB), [2002] C.L.P. 846, révision rejetée, 151016-04-0011, 14 mai 2003, M. Carignan; Poulin et Fabrique de la Paroisse Ste-Ursule, C.L.P. 151915-31-0011, 25 mars 2003, G. Marquis; Morel et Robivec inc., C.L.P. 173667-04B-0111, 29 avril 2003, J.-F. Clément, (03LP-34); Laroque et Création Visu inc., C.L.P. 194963-64-0211, 13 novembre 2003, L. Nadeau; Lupien et Orica Canada inc., C.L.P. 181075-64-0203, 18 juin 2004, G. Morin.

3              Marchand c. Bussière, J.E. 98-943 (C.A.), requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée, 26631, 29 octobre 1998.

4             L.Q. 1991, c. 64.

 

__________

3               C.L.P. 312905-71-0703, 12 novembre 2008, D. Lévesque. Voir aussi Préembarquement Garda inc. et Ferrente, 2012 QCCLP 2141.

 

 

[29]      Il n’est pas nécessaire que l’accord soit signé pour conclure qu’il a valablement été conclu entre les parties. Dans l’affaire précitée, le tribunal a conclu qu’un accord verbal est valide par la simple rencontre de la volonté des parties.

 

[30]      La preuve d’un consentement à un accord est analysée avec les règles de droit civil en matière contractuelle. Le Code civil du Québec (le code) prévoit qu’un contrat est valide du seul consentement libre et éclairé des parties. Les articles 1385 et suivants du code se lisent comme suit :

 

1385. Le contrat se forme par le seul échange de consentement entre des personnes capables de contracter, à moins que la loi n'exige, en outre, le respect d'une forme particulière comme condition à sa formation, ou que les parties n'assujettissent la formation du contrat à une forme solennelle.

 

Il est aussi de son essence qu'il ait une cause et un objet.

__________

[1991, c. 64, a. 1385]

 

1386. L'échange de consentement se réalise par la manifestation, expresse ou tacite, de la volonté d'une personne d'accepter l'offre de contracter que lui fait une personne.

__________

[1991, c. 64, a. 1386]

 

1399. Le consentement doit être libre et éclairé.

Il peut être vicié par l'erreur, la crainte et la lésion.

__________

[1991, c. 64, a. 1399]

 

1400. L'erreur vicie le consentement des parties ou de l'une d'elles lorsqu'elle porte sur la nature du contrat, sur l'objet de la prestation ou, encore, sur tout élément essentiel qui a déterminé le consentement.

 

L'erreur inexcusable ne constitue pas un vice de consentement.

 

 

[31]      La jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles5 est à l’effet qu’il appartient à la partie qui prétend qu’un accord est survenu de faire la preuve de cette entente et de son contenu. Il doit d’abord être démontré que les autres parties ont donné un consentement libre et éclairé. L’accord existe même en l’absence d’un écrit, l’échange de consentement peut survenir avant la rédaction d’un écrit comme il est le cas dans le présent dossier. La rédaction ultérieure de l’accord n’est qu’une formalité en vue de l’entérinement par le tribunal6.

 

[32]      La Commission des lésions professionnelles est d’avis que le travailleur a fait la démonstration par une preuve prépondérante de l’existence et du contenu d’un accord.

 

[33]      Le tribunal s’en remet aux témoignages non contredits du travailleur et de son représentant. Par ailleurs, le tribunal ne dispose d’aucune preuve démontrant que les consentements des employeurs et de la CSST n’ont pas été libres et éclairés.

 

[34]      Le tribunal est d’avis que les démarches de la conciliatrice pour annuler l’audience prévue pour le 3 avril 2013 infèrent qu’elle a d’abord constaté qu’un accord est intervenu entre les parties. À moins d’une preuve du contraire, le fait qu’un conciliateur ou une conciliatrice du tribunal annule une audience présuppose qu’il ou qu’elle a préalablement obtenu le consentement de toutes les parties.

 

[35]      Quant au contenu de l’accord, il ne peut être autre que la proposition de règlement émanant du travailleur. Aucune contre-proposition n’a été faite par la représentante de la CSST ou par le représentant de l’employeur dans la période précédant l’annulation de l’audience par la conciliatrice du tribunal. Ce n’est qu’à la suite d’une communication, en date du 10 avril 2013, que la procureure de la CSST informe la conciliatrice qu’une modification est apportée à l’entente.

 

[36]      Par ailleurs, en tenant compte de l’ensemble de la preuve, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que l’accord est conforme à la loi et qu’il doit être entériné. Il était prématuré de se prononcer sur la capacité du travailleur à exercer un emploi convenable alors qu’il était en investigation médicale en raison d’une augmentation de la symptomatologie depuis le mois de décembre 2010.

 

[37]      Le tribunal retient également que la CSST a reconnu l’existence d’une récidive, rechute ou aggravation le 15 mars 2012, une nouvelle lésion professionnelle dont les conséquences ne sont pas connues, mais dont il faudra prendre en compte pour évaluer la capacité de travail du travailleur.

 

[38]      Dans les circonstances, le moyen préliminaire présenté par le travailleur doit être accueilli.

_________

5              Bombardier inc.  Aéronautique et C.S.S.T. et Mailloux [2003] C.L.P. 16 26; Hervé Pomerleau inc. et Allard, [2007] C.L.P. 1; Spectra Premium Industries inc. et Beaudry, C.L.P. 295488-61-0608, 4 juillet 2008, L. Landriault; Entrepôt Non-périssable (Mtl) et Tardif, C.L.P. 312905-71-0703, 12 novembre 2008, D. Lévesque;  Dubord & Rainville et Roy, C.L.P. 322570-64-0707, 15 octobre 2009, M. Montplaisir; Camoplast inc. (Div. Roski) et Parada, C.L.P. 303494-05-0611, 17 août 2009, J.-C. Danis; Lavigne et CSSS Vaudreuil-Soulanges, C.L.P. 311542-71-0702, 29 mars 2010, D. Gruffy; St-Lot et Service d’entretien d’édifices Allied, C.L.P. 371474-71-0903, 29 décembre 2010, S. Arcand; Lafond et Collège Lasalle, C.L.P. 355797-71-0808, 23 décembre 2010, Anne Vaillancourt; Touze et Olymel St-Esprit (Viandes Ultra), 2011 QCCLP 6128; Lanctôt et CSSS du nord de Lanaudière, 2012 QCCLP 688; Hervieux et CSSS de Laval, 2012 QCCLP 6085; La Sablière de Warwick ltée et Plante, 2012 QCCLP 7123; Grenier et Olymel St-Henri, 2013 QCCLP 370; Transelec / Common inc., 2013 QCCLP 2773

6              Transelec / Common inc., précitée note 5.

 

 

[25]        Lors du dépôt de la requête en révision ou révocation, la CSST dépose le projet d’accord qui lui avait été transmis par la conciliatrice. Au paragraphe [5] de ce projet, à la section intitulé « Objet de l’accord », il est spécifié que l’accord « porte sur la reconnaissance qu’il était prématuré de déterminer un emploi convenable au mois de novembre 2011 ». Au paragraphe [11], il est indiqué que « les parties conviennent qu’il était prématuré de déterminer l’emploi convenable au mois de novembre 2011 ». Tandis que dans le dispositif, il est précisé que l’emploi d’assembleur de petits articles ne constitue pas un emploi convenable pour le travailleur et qu’il est incapable de l’exercer depuis le 15 novembre 2011.

L’AVIS DES MEMBRES

[26]        Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs sont tous les deux d’avis de rejeter la requête de la CSST. Ils retiennent qu’ayant dûment été convoquée à l’audience prévue le 22 avril 2013, elle devait s’attendre à procéder tant sur le fond du litige que sur tout moyen préliminaire pouvant être soulevé en relation avec le litige. Dans ce contexte, ils sont d’avis qu’il n’y a pas eu de manquement aux règles de justice naturelle. Quant aux autres moyens soulevés par la CSST, ils considèrent qu’ils concernent l’appréciation de la preuve, ce qui ne peut donner ouverture à la révision. Dans ce contexte, ils retiennent que la CSST n’a pas démontré de vice de fond de nature à invalider la décision.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[27]        Le tribunal, siégeant en révision, doit déterminer s’il y a lieu de réviser ou révoquer la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 12 juin 2013.

[28]        L’article 429.49 de loi prévoit qu’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel :

429.49. Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.

 

Lorsqu’une affaire est entendue par plus d’un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l’ont entendue.

 

La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s’y conformer sans délai.

____________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[29]        Le recours en révision et en révocation est prévu à l’article 429.56 de la loi :

429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendue :

 

1°   lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2°   lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3°   lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[30]        Ce recours s’inscrit dans le contexte où la loi prévoit, qu’une décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel. Une décision ne peut être révisée ou révoquée que si l’un des motifs prévus par l’article 429.56 de la loi est établi.

[31]        Dans le présent cas, l’employeur invoque que la décision du premier juge administratif comporte un vice de fond qui est de nature à l’invalider. L’expression « vice de fond …de nature à invalider la décision » a été interprétée par la Commission des lésions professionnelles[2] comme étant une erreur manifeste, de droit ou de faits, ayant un effet déterminant sur l’issue du litige.

[32]        Il a été maintes fois réitéré que ce recours ne peut constituer un appel déguisé compte tenu du caractère final d’une décision de la Commission des lésions professionnelles énoncé au troisième alinéa de l’article 429.49 de la loi.

[33]        Dans l’affaire C.S.S.T. et Fontaine[3], la Cour d’appel a été appelée à se prononcer sur la notion de « vice de fond ». Elle réitère que la révision n’est pas l’occasion pour le tribunal de substituer son appréciation de la preuve à celle déjà faite par la première formation ou encore d’interpréter différemment le droit. Elle établit également que la décision attaquée pour motif de vice de fond ne peut faire l’objet d’une révision interne que lorsqu’elle est entachée d’une erreur dont la gravité, l’évidence et le caractère déterminant ont été démontrés par la partie qui demande la révision. Dans l’affaire Fontaine, comme elle l’avait déjà fait dans la cause TAQ c. Godin[4], la Cour d’appel invite et incite la Commission des lésions professionnelles à faire preuve d'une très grande retenue dans l'exercice de son pouvoir de révision.

[34]        Ainsi, un juge administratif saisi d'une requête en révision ne peut pas écarter la conclusion à laquelle en vient le premier juge administratif qui a rendu la décision attaquée et y substituer sa propre conclusion au motif qu'il n'apprécie pas la preuve et le droit de la même manière que celui-ci.

[35]        En outre, en guise de vice de fond, la CSST allègue un manquement aux règles de justice naturelle au regard du droit d’être entendu. Or, la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles a maintes fois reconnu que, si un tel manquement est démontré, il peut être assimilé à un vice de fond de nature à invalider la décision[5] et, dans ce cas, la jurisprudence enseigne qu’il entraîne la révocation de la décision attaquée sans qu’il soit nécessaire de démontrer l’effet déterminant sur l’issue du litige[6].

[36]        La jurisprudence[7] enseigne également à l’égard du droit d’être entendu qu’il ne s’agit pas d’un droit absolu et qu’une partie peut y renoncer soit explicitement ou implicitement. Pour qu’il y ait vice de fond, il ne doit pas y avoir eu négligence de la part de la partie invoquant un tel manquement.

[37]        Dans le présent cas, la CSST invoque d’abord un manquement aux règles de justice naturelle en ce qu’elle n’a pas pu se faire entendre sur le moyen préliminaire soulevé par le travailleur à l’audience initiale quant à la survenance d’un accord.

[38]        Elle soutient, qu’en aucun temps, elle ne pouvait soupçonner que le travailleur allait soulever un tel moyen préliminaire. Elle plaide que normalement, si un accord survient, il est entériné par le juge. Par contre, s’il n’y a pas d’accord, la Commission des lésions professionnelles doit tenir une audience dans les meilleurs délais, conformément à l’article 429.47 de la loi. Elle avait donc une attente légitime à ce que l’audience ne procède que sur le fond du dossier. De plus, elle soutient que dans le présent cas, il est très révélateur qu’au début de l’audience initiale, le représentant du travailleur ait annoncé son moyen préliminaire comme étant « une belle surprise » pour le tribunal. Si c’était le cas pour le tribunal, il est clair que la CSST a aussi été prise par surprise.

[39]        La CSST soutient que le travailleur aurait dû annoncer son moyen préliminaire quant à son intention de soulever la survenance d’un accord. À défaut pour lui de procéder ainsi, elle plaide que le premier juge administratif avait l’obligation de suspendre l’audience et de l’informer de ce moyen préliminaire afin de lui donner l’occasion de soumettre une preuve et ses arguments. Comme il ne l’a pas fait, elle prétend qu’il a contrevenu au droit d’être entendu.

[40]        Par ailleurs, à l’appui de sa requête, la CSST dépose un affidavit de l’avocate qui la représentait à l’époque et soutient que l’accord ne portait que sur le caractère prématuré de l’emploi convenable. Elle dépose également le projet d’accord qui lui avait été envoyé par la conciliatrice au dossier et dont il n’est pas fait mention dans la décision. Elle soutient qu’à la lecture de ce projet d’accord, il y a clairement une contradiction entre les paragraphes [5] et [11] et le dispositif. Aux paragraphes [5] et [11], les parties reconnaissent que l’objet du litige concerne le caractère prématuré de l’emploi convenable et conviennent qu’il était prématuré de le déterminer, ce qui n’est pas conforme au dispositif, qui déclare plutôt que l’emploi d’assembleur de petits articles n’est pas convenable. Selon la CSST, cela confirme qu’il n’y a jamais eu d’accord entre les parties, d’autant plus qu’il y a une ambiguïté entre l’objet de l’accord écrit et la conclusion.

[41]        Elle plaide également que le premier juge administratif a commis une erreur manifeste et déterminante dans l’interprétation des faits en acceptant une preuve de la survenance d’un accord uniquement basée sur du ouï-dire. Elle lui reproche d’avoir accepté comme preuve d’un échange valable de consentement, de la part des deux parties, le témoignage du représentant du travailleur, rapportant les propos de la conciliatrice, rapportant ceux de l’avocate de la CSST. Elle lui reproche également d’avoir contrevenu au devoir de confidentialité prévu à l’article 429.45 de la loi en acceptant en preuve ce qui a pu se dire au cours de la séance de conciliation, sans son consentement.

[42]        Quant au travailleur, il soutient que la CSST ne s’étant pas présentée à l’audience, elle a renoncé à son droit d’être entendu tant sur le fond que sur les moyens préliminaires qui pouvaient être soulevés devant le premier juge administratif. Comme l’accord n’a pas eu lieu, il plaide que la CSST aurait pu prévoir qu’un moyen préliminaire allait être soulevé quant à sa validité.

[43]        Il soutient que, par sa requête, la CSST demande la réappréciation de la preuve et qu’il s’agit d’un appel déguisé de la décision. Quant à la preuve par ouï-dire, il soutient qu’elle est admissible devant un tribunal administratif comme la Commission des lésions professionnelles et que cet argument concerne également une question d’appréciation de la preuve.

[44]        Il affirme, par ailleurs, n’avoir jamais eu connaissance du projet d’accord déposé par la CSST. Il reconnaît qu’il ne l’aurait peut-être pas écrit de cette façon et qu’il comporte certaines erreurs qu’il qualifie de « sémantiques » mais, de toute façon, il soumet qu’il est supporté par la preuve que l’emploi n’est pas convenable.

[45]        Concernant le premier argument soulevé par la CSST, le tribunal siégeant en révision estime qu’elle n’a pas démontré qu’il y a eu un manquement aux règles de justice naturelle.

[46]        Certes, tel que le rappelle la CSST, l’article 429.47 de la loi prévoit que lorsqu’il n’y a pas d’accord entre les parties, la Commission des lésions professionnelles tient une audience dans les meilleurs délais :

429.47.  Lorsqu'il n'y a pas d'accord ou que la Commission des lésions professionnelles refuse d'entériner l'accord, celle-ci tient une audition dans les meilleurs délais.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[47]        C’est exactement ce qu’elle fait en convoquant les parties à une audience pour le 22 avril 2013 après l’annulation d’audience qui avait eu lieu le 3 avril 2013.

[48]        Cependant, comme le rappelle la Commission des lésions professionnelles dans la décision récente C.H. Champlain-Marie-Victorin et Vezeau[8], lorsque les parties sont convoquées à une audience, non seulement doivent-elles s’attendre à procéder sur le fond du dossier, mais également sur des moyens préliminaires de différentes natures qui peuvent être soulevés par les parties ou d’office par le tribunal. La partie qui ne se présente pas à l’audience renonce à être entendu tant sur l’objet du litige au fond que sur les questions préliminaires qui y sont associées. Dans cette décision, la Commission des lésions professionnelles s’exprime comme suit :

[65]      Lorsque les parties, quelles qu’elles soient, sont convoquées à une audience, elles doivent s’attendre à procéder sur le fond, mais également sur des moyens préliminaires de différentes natures soulevés par les parties ou d’office par le tribunal. La partie qui ne se présente pas à l’audience ne peut pas se plaindre de ne pas avoir été entendu sur un moyen préliminaire portant, par exemple, sur la recevabilité d’un recours ou le hors délai d’une réclamation. La partie qui n’est pas présente à l’audience renonce à se faire entendre sur l’objet du litige et sur les questions préliminaires qui y sont rattachées.

 

 

[49]        Dans cette affaire, la Commission des lésions professionnelles a finalement conclu à un manquement aux règles de justice naturelle à l’égard de la CSST qui était partie intervenante au dossier au motif que, par sa décision, le premier juge administratif a tranché une question préliminaire qui n’était pas rattachée au litige, mais bien à son statut de partie au dossier. Elle retient qu’une telle question préliminaire étant distincte du litige dont était saisi le premier juge administratif, la CSST ne pouvait s’attendre à ce que l’on débatte de cette question et qu’on aurait dû lui donner l’opportunité de soumettre ses représentations.

[50]        Or, dans le présent cas, lors de l’audience initiale, le premier juge administratif a été saisi d’un moyen préliminaire qui était rattaché à l’objet du litige sur la détermination d’un emploi convenable, puisqu’il était appelé à se prononcer sur la survenance d’un accord entre les parties sur le caractère non convenable de l’emploi d’assembleur de petits articles.

[51]        En effet, lorsqu’un accord a achoppé à la suite de pourparlers entre les parties, celles-ci doivent s’attendre à ce que sa validité puisse être soulevée de façon préliminaire, avant que l’audience ne procède sur le fond du dossier. Ceci est vrai tant pour l’employeur, le travailleur que pour la CSST. D’ailleurs, soulignons qu’il y a différents exemples dans la jurisprudence où la Commission des lésions professionnelles a disposé du moyen préliminaire de la validité d’un accord alors que, quoique dûment convoquée, l’une des parties était absente à l’audience prévue sur le fond du litige[9].

[52]        Or, à la lumière de ce qui fut décidé dans l’affaire Vezeau précitée, si une partie ne se présente pas à l’audience fixée à la suite de l’échec d’un accord, elle renonce implicitement à son droit d’être d’entendu tant sur le fond que sur les moyens préliminaires soulevés. À cet égard, la CSST n’est pas différente d’une autre partie.

[53]        Dans le présent cas, après l’échec de la conciliation, le 10 avril 2013, la Commission des lésions professionnelles a convoqué les parties à une audience fixée le 22 avril 2013. Le 19 avril 2013, la CSST a informé la Commission des lésions professionnelles de son absence à l’audience. Elle a eu l’occasion de se faire entendre tant sur le fond du litige que sur les moyens préliminaires pouvant y être soulevés. Cependant, elle a plutôt choisi de ne pas se présenter.

[54]        Dans ces circonstances, ayant renoncé à son droit d’être entendue, la CSST ne peut prétendre à un manquement aux règles de justice naturelle. Son premier argument ne peut donc être retenu.

[55]        Quant aux autres arguments soumis en révision par la CSST, ils correspondent tous à une demande de réappréciation de la preuve.

[56]        En effet, la CSST dépose un affidavit rempli par l’avocate qui la représentait à l’époque et qui a été impliquée dans les pourparlers de conciliation. Elle dépose également un projet d’accord qui lui aurait été envoyé par la conciliatrice. Il s’agit d’éléments de preuve qui étaient tous disponibles au moment de l’audience et que la CSST aurait pu faire valoir si elle s’y était présentée.

[57]        Or, en son absence, le premier juge administratif a entendu la preuve testimoniale qui lui a été soumise sur le moyen préliminaire. Tel que le plaide la CSST, certains de ces éléments de preuve étaient constitués de ouï-dire. Malgré tout, le premier juge administratif a apprécié l’ensemble de cette preuve et a conclu qu’elle avait une force probante suffisante pour conclure à la survenance d’un accord entre les parties.

[58]        Le tribunal siégeant en révision pourrait ne pas être d’accord avec cette appréciation, surtout à la lumière des nouveaux éléments de preuve soumis par la CSST. Cependant, il ne s’agit pas d’un motif de révision. Il a maintes fois été réitéré dans la jurisprudence que, le recours en révision n’est pas une occasion qui est donnée à une partie pour compléter sa preuve et pour parfaire son argumentation[10]. Un tel recours ne permet pas non plus à un juge administratif saisi d'une requête en révision d’écarter la conclusion à laquelle en vient le premier juge administratif qui a rendu la décision attaquée et y substituer sa propre conclusion au motif qu'il n'apprécie pas la preuve et le droit de la même manière que celui-ci[11].

[59]        Par ailleurs, sur la question de l’admissibilité de la preuve par ouï-dire, il y a lieu de souligner que, selon la jurisprudence[12], les règles de preuve en droit administratif sont plus souples qu’en droit judiciaire et qu’elles permettent l’admission d’une telle preuve. Cependant, cette jurisprudence établit également que pour être valable, la preuve par ouï-dire doit avoir une valeur probante suffisante et qu’il revient au tribunal de l’apprécier, ce qu’a fait le premier juge administratif dans le présent cas.

[60]        Finalement quant au dernier argument de la CSST selon lequel, en acceptant en preuve des éléments qui ont pu se dire lors de la séance de conciliation, le premier juge administratif a contrevenu au devoir de confidentialité prévu à l’article 429.45 de la loi, il ne peut non plus être retenu. Cette disposition prévoit ce qui suit :

429.45.  A moins que les parties n'y consentent, rien de ce qui a été dit ou écrit au cours d'une séance de conciliation n'est recevable en preuve.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[61]        Or, dans le présent cas, en soulevant le moyen préliminaire qu’il a soulevé quant à la validité d’un accord, il est clair que le travailleur a consenti à ce que ce qui s’est dit à l’audience soit dévoilé. Par ailleurs, quant à la CSST, tel que mentionné précédemment, en choisissant de ne pas se présenter à l’audience, elle a de façon implicite renoncer à s’objecter au témoignage du travailleur tant sur le fond du dossier que sur tout moyen préliminaire relié au litige pouvant être soulevé à l’audience.

[62]        Par ailleurs, de toute façon, la preuve testimoniale soumise par le travailleur à l’audience initiale visait à mettre en preuve l’existence d’un accord. Or, tel que l’a retenu la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Les Services Ménagers Roy ltée et Miville[13], faisant référence à l’affaire Entretien Paramex inc.[14], le principe de confidentialité prévu à l’article 429.45 de la loi ne couvre pas la preuve de l’existence d’une entente réglant un litige entre les parties.

[63]        Ainsi, pour toutes ses raisons, le tribunal siégeant en révision estime que la CSST n’a pas démontré un vice de fond de nature à invalider la décision. Sa requête est donc rejetée.


PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête en révision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

 

 

 

__________________________________

 

Monique Lamarre

 

 

 

 

M. Dominique Le Sage

S.A.T.A

            Représentant de la partie requérante

 

 

Me Raymond Gouge

CAIN, LAMARRE, CASGRAIN, WELLS

            Représentant des parties intéressées

           

 

Me Marie-Ève Dagenais

PAQUET, THIBODEAU, BERGERON

            Représentante de la partie intervenante

 



[1]           RLRQ, c. A-3.001.

[2]           Voir notamment Produits forestiers Donohue inc. et Villeneuve, [1998] C.L.P. 733; Franchellini et Sousa, [1998] C.L.P. 783.

[3]          [2005] C.L.P. 626 (C.A.).

[4]           Tribunal administratif du Québec c. Godin, [2003] R.J.Q. 2490 (C.A.).

[5]           Voir notamment Selby et Commission des loisirs de St-Félix-de-Dalquier inc, 2014 QCCLP 6482.

[6]           Casino de Hull et Gascon, [2000] C.L.P. 671; Dallaire et Jeno Neuman & fils inc., [2000] C.L.P. 1146; Poplawski et Université McGill 2009 QCCLP 251; Systèmes de traitement d’air Ventrol et Duguay, C.L.P. 346827-71-0804, 23 septembre 2011, S. Sénéchal.

[7]           Systèmes de traitement d’air Ventrol et Duguay, précitée note 6; Voyer et Bordures Polycor inc. C.L.P. 422737-31-1010, 31 janvier 2012, M. Juteau.

[8]           2015 QCCLP 691.

[9]           Voir notamment CSSS Vaudreuil-Soulanges et Lavigne, C.L.P. 311542-71-0702, D. Gruffy; Ministère de la sécurité publique et L... B..., 2011 QCCLP 4388; Sécurité Préembarquement Garda et Ferrante, 2012 QCCLP 2141; STM et Baricic, 2012 QCCLP 8111, révision rejetée 2013 QCCLP 7224.

[10]         Lamarre et Day & Ross inc., [1991] C.A.L.P. 729; Martel et Laiterie Lamontagne ltée, C.L.P. 58232-02-9404, 17 janvier 1997, M. Carignan; Vêtements Peerless inc. et Doan, [2001] C.L.P. 360.

[11]         Voir notamment : C.S.S.T. et Fontaine, précitée note 4.

[12]         Commonwealth Plywood ltée et Kellow, [2006] C.L.P. 209, requête en révision judiciaire rejetée, [2007] C.L.P. 323 (C.S.); Succession Fernand Brisson et Félix Huard inc., [2007] C.L.P. 1399, révision rejetée, 257429-01A-0503, 17 septembre 2008, C.-A. Ducharme; Ouellet et Michael Rossy ltée, 329021-61-0710, 11 juillet 2008, L. Nadeau.

[13]         C.L.P. 445307-03B-1107, 9 juillet 2013, D. Lajoie.

[14]         C.L.P. 102696-63-9807, 30 juillet 1999, G. Tardif.

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