Décision

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Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Beaudry et autres) c. Aluminerie de Bécancour inc.

2018 QCTDP 12

 

TRIBUNAL DES DROITS DE LA PERSONNE

 

 

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

DISTRICT DE

TROIS-RIVIÈRES

 

 

 

 

 

 

N° :

400-53-000019-159

 

 

 

 

 

 

DATE :

11 mai 2018

 

______________________________________________________________________

 

 

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

MAGALI LEWIS

AVEC L’ASSISTANCE DES ASSESSEURES :

 

Me Claudine Ouellet, avocate à la retraite

Me Marie Pepin

 

______________________________________________________________________

 

 

 

 

 

COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, agissant en faveur des personnes décrites ci-dessous comme « PARTIES VICTIMES »

 

Partie demanderesse

 

c.

 

ALUMINERIE DE BÉCANCOUR INC.

 

Partie défenderesse

 

et

 

STÉPHANIE BEAUDRY, MAXIME BÉLANGER, SÉBASTIEN BERTRAND, SÉBASTIEN BOILARD, FRANCIS BORDELEAU, GABRIELLE BRUNEAU, MAXIMILIEN CARON-LAMPRON, ÉRIC CHAUVETTE, MARIE-PIER CLOUTIER, TOMMY COSETTE, MARIE-PIER DESROSIERS, MARIE-ÈVE DIAMOND MANSEAU, JOSÉE DUGRÉ, ALEXANDRA DUMONT, JESSICA FEX, KARINE FISET, MARC-OLIVIER FISET, VINCENT FORTIN, SHANY GAGNON, JOSIANNE GAILLARDETZ, JESSICA HUDON, SIMON LABRIE, MARILYNE LAVOIE, AUDREY LORANGER, JOËL MAILLOT, SARAH-JANE MALONEY, GHISLAIN MESSIER, SAMUEL MORIN CARIGAN, ANDRÉE-ANNE MONGRAIN, SOPHIE NIQUET, VIRGINIE NOËL, OLIVIER NORMANDIN, VANESSA OLSEN, LAURIE PELLETIER, EVANS POULIN, ÉLISABETH PROVENCHER, JANIE PROVENCHER, JOANIE ROY, DAVID SÉGUIN, JÉRÔME SICARD, PATRICK SYLVAIN, MARIE-ÈVE THIBEAULT, MAXIME THIBEAULT, MARJORIE TURCOTTE, DAVID VINCENT AUGER, EMMANUELLE GERMAIN, ALEX CORRIVEAU, ALEXANDRE CÔTÉ, ALEXANDRE GAUTHIER, ANDRÉ-ANNE PLOURDE, ANN MCRAE, ANNE FRÉCHETTE, ANTHONY FRAPPIER, ANTOINE LACHANCE-MARCHAND, ARIANE HAMEL, AUDREY DESCÔTEAUX, AURÉLIANE BEAULIEU-LAROOUCHE, CAMILLE LATOUR, CAMILLE LAVOIE, CAROLINE BERGERON, CAROLINE BOURQUE, CATHERINE BOURQUE, CATHERINE CORMIER, CATHERINE TREMBLAY-LA HAYE, CATHERYNE LAPRISE, CHARLÈNE DESPINS, CHARLYNE CAYA, CHLOÉ DESRUISSEAUX, CLAUDY LÉPINE, DANIEL VERNER, DAVID BOUDREAU, DAVID DÉSY, ÉLISABETH BRONSARD, ÉMILE ST-PIERRE, ÉMILIE PAILLÉ-MONGRAIN, EMMANUEL DOUCET, ENYA CARIGNAN, ETIENNE GAGNÉ, FELIX TETREAULT, FÉLIX-ANTOINE FOISY, FLORENCE ST-GELAIS, FRANCIS BERGERON, GENVIEVE GAUVIN-RICHARD, GENEVIÈVE THERRIEN, HUGO GERVAIS, JAMAL BUSQUE, JANIE RIOPEL, JANY MAILHOT, JEAN-CARL BUJOLD, JÉRÉMY FAUCHER, JÉRÉMY P. LATOUR, JESSE BROWN, JIMMY PELLERIN, JOANIE BEAUDOIN, LA SUCCESSION DE JONATHAN GERVAIS, JOSÉE DUGRÉ, JOSIANE BERTRAND, KARINE BROUILLETTE, KARL NORMANDIN, KELLY MARCHAND, KELLY MASSICOTTE, KEVEN VAILLANCOURT, KRISTELLE PARADIS, LAURENCE CORMIER, LAURENCE LAVERGNE, LAURIE BERGERON, LAURIE PINEAULT, LÉA LANNERVILLE, LUDOVIK LESAGE-HINSE, MARC-ANDRÉ ARVISAIS, MARC-ANDRÉ DUBUC, MARC-ANDRÉ DUCLOS, MARC-ANDRÉ LABONNE, MARC-ANDRÉ L’HEUREUX, MARC-ANTOINE FRIGON, MARIANE SIMARD, MARIANNE ST-PIERRE, MARIE-HÉLÈNE DUFRESNSE, MARIE-PHILIPPE BRUNELLE, MARIE-PIER QUESSY, MARIE-PIER VERTEFEUILLE, MARIE-SOLEIL NORMANDIN, MARILYN DÉSY, MATHIEU LORANGER, MATHIEU PELLERIN, MATHIEU TEASDALE, MAUDE BUIST HAMELIN, MAXINE NOËL, MÉLISSA BRISSON-PAGÉ, MÉLISSA CLOUTIER-GENDRON, MÉLISSA VEILLEUX, MICHAEL GODIN, MICHAEL HOULD, MORGANE PELLERIN, NATHAN CHAMPAGNE, NATHANIEL BÉRUBÉ-GÉLINAS, NATHASHA LARIVIÈRE-GAUDET, NICOLAS ARSENEAULT, NICOLAS CHOLETTE, OLIVIER MORIN, PAMÉLA LAVOIE, PASCAL BOUDREAU, PHILIPE HAMEL, PHILIPPE MALTAIS, PIERRE-OLIVIER GRENIER, ROXANE CYRENNE, ROXANE DESROSIERS, ROXANNE BERGERON, SAMUEL BERGERON, SAMUEL BOISVERT, SÉBASTIEN BERTRAND, SÉBASTIEN LORTIE, SIMON PARISÉ, SOPHIE BARCLAY, STÉPHANIE BEAUDRY, VICKY CHAMBERLAND, VICKY L’HEUREUX, VICKY PELLETIER, VINYAH LEMIEUX-BELLY ET WILLIAM ROBIDOUX

 

PARTIES VICTIMES

 

ET

 

SYNDICAT DES MÉTALLOS LOCAL 9700 (ALUMINERIE DE BÉCANCOUR)

 

Partie plaignante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

JUGEMENT

 

______________________________________________________________________

 

 

 

 

 

 

TABLE DES TABLEAUX

 

Tableau 1.        Grille salariale Convention collective du 23 nov. 2004  15

Tableau 2.        Nombre de tâches effectuées par catégorie d’employés - Secteur carbone   19

Tableau 3.        Rémunération de l’Opérateur scellement  20

Tableau 4.        Rémunération de l’Opérateur four à cuire   21

Tableau 5.        Rémunération dans le secteur Carbone   21

Tableau 6.        Nombre de tâches effectuées par catégorie d’employés - Secteur Électrolyse   26

Tableau 7.        Rémunération des opérateurs cuves polyvalents et SAE  27

Tableau 8.        Rémunération des Opérateurs mesures  27

Tableau 9.        Nombre de tâches effectuées par catégorie d’employés - Fonderie : Élabo-coulée                                                      30

Tableau 10.      Nombre de tâches effectuées par catégorie d’employés - Fonderie : SAF  31

Tableau 11.      Nombre de tâches effectuées par catégorie d’employés - Fonderie : Polyvalent Scies                                                32

Tableau 12.      Nombre de tâches effectuées par catégorie d’employés - Fonderie : Opérateur expédition        33

Tableau 13.      Nombre de tâches effectuées par catégorie d’employés - Fonderie : Opérateur polyvalent outillage      34

Tableau 14.      Nombre de tâches effectuées par catégorie d’employés  34

Tableau 15.      Nombre de tâches effectuées par catégorie d’employés - Secteur captation   38

Tableau 16.      Noms des 45 premières Victimes et dates auxquelles elles signent le consentement autorisant la Commission à agir pour elles  88

Tableau 17.      Dates auxquelles 117 Victimes signent le document par lequel elles portent plainte à la Commission et la mandatent pour qu’elle agisse en leur nom                                                                                                       91

Tableau 18 .     Dates auxquelles les 68 Victimes signent le document par lequel elles portent plainte à la Commission et la mandatent pour qu’elle agisse en leur nom    94

TABLE DES MATIÈRES

I.                           QUESTIONS EN LITIGE  7

II.                         CONTEXTE  7

A.      Présentation de l’usine  7

B.      La rémunération  14

1.      Généralités  14

2.      Le salaire des étudiants comparé à celui des occasionnels ou des réguliers  16

C.      La réalité du fonctionnement de l’usine  41

1.      Les étudiants  41

2.      Les occasionnels  44

3.      Les réguliers  49

III.                        ANALYSE  51

1re Question :     Les conditions salariales des étudiants portent-elles atteinte à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, de leurs droits à un salaire égal et à des conditions de travail justes et raisonnables sans distinction ou exclusion fondée sur leur condition sociale ou de leur âge, en contravention des articles 10, 19 et 46 de la Charte ?  52

A.      La discrimination à première vue  52

1.      La distinction   54

2.      La distinction est-elle fondée sur un motif prévu à l’article 10 ?  55

3.      La distinction salariale compromet-elle le droit à la pleine égalité dans la reconnaissance et l’exercice d’un droit de la personne ?  59

B.      La distinction est-elle justifiée par une exemption prévue à l’art. 19 ?  60

2e Question :     Les conventions collectives portent-elles atteinte de façon discriminatoire à la dignité des Victimes, en contravention des articles 4 et 10 de la Charte ?  69

3e Question :     Les Victimes ont-elles droit aux dommages matériels et moraux réclamés en leur faveur et les ordonnances recherchées contre ABI sont-elles justifiées ?  70

4e Question :     Le Tribunal a-t-il compétence pour décider de l’appel en garantie ?  73

5e Question :     Le Syndicat est-il solidairement responsable avec l’Aluminerie de la discrimination salariale subie par les étudiants ?  77

6e Question :     Certaines réclamations sont-elles prescrites ?  83

1)      Prescription des réclamations visées par la Demande introductive d’instance du 1er mai 2015 et sa modification du 14 juin 2016 : 46 plaintes  86

2)      Prescription des réclamations visées par la modification à la Demande introductive du 14 mars 2017 : ajout de 114 Victimes  91

3)      Prescription des réclamations de la troisième vague de réclamations  93

 

[1]          Le Syndicat des Métallos local 970 (Aluminerie de Bécancour inc.) (le Syndicat) a dénoncé à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (la Commission) les conditions salariales des étudiants qui travaillent à l’Aluminerie de Bécancour Inc. (ABI ou l’Aluminerie) comme étant discriminatoires, au motif que les étudiants sont rémunérés à un taux horaire inférieur à celui des autres employés malgré qu’ils fassent le même travail qu’eux.

[2]          Initialement, la Commission ne retient pas la plainte. Le Syndicat revient à la charge à trois reprises et, à l’issue de sa troisième enquête, la Commission conclut dans le même sens que le Syndicat, à savoir que les conventions collectives en vigueur à l’Aluminerie sont discriminatoires à l’égard des étudiants.

[3]          Au soutien du recours qu’elle intente, elle allègue que les étudiants sont les employés les moins payés chez ABI et que ce désavantage est motivé par leur âge et leur condition sociale, puisqu’ils font le même travail que les salariés qui reçoivent une rémunération supérieure.

[4]          Ayant amendé la réclamation à deux reprises durant l’instruction pour y ajouter des plaignants, des étudiants qui ont eux-mêmes déposés une plainte à la Commission en lien avec leurs conditions salariales (ci-après désignés Victimes pour faciliter la lecture), la Commission représente 157 Victimes[1].

[5]          Au nom des Victimes, la Commission réclame une indemnité équivalente au salaire qu’elles auraient dû recevoir et 2 000 $ à titre de dommages moraux. Elle demande également qu’il soit ordonné à ABI de modifier les conventions collectives pour les rendre conformes à l’article 19 de la Charte des droits et libertés de la personne[2] (la Charte).

[6]          La Commission recherche les conclusions suivantes :

DE CORRIGER rétroactivement le préjudice discriminatoire subi par les victimes concernées, et plus précisément :

a)     DE RECONNAÎTRE rétroactivement à chacune des victimes tous les droits, avantages et privilèges, présents et futurs auxquels elles auraient eu droit, n’eût été la distinction salariale discriminatoire découlant de leur statut d’étudiant ;

b)     DE CONDAMNER la défenderesse à verser à chacune des victimes, à titre de dommages matériels, les sommes nécessaires pour compenser les pertes subies pendant toute la période non prescrite en raison du traitement salarial distinct découlant de leur statut d’étudiant ;

c)     DE CONDAMNER la défenderesse à verser à chacune des victimes une somme de 2 000 $ (deux mille dollars) à titre de dommages moraux en raison de l’atteinte à leurs droits prévus aux articles 4, 10, 19 et 49 de la Charte, sur la base de la condition sociale et/ou l’âge ;

d)     D’ORDONNER de rendre conforme à l’article 19 de la Charte la clause de la convention collective qui prévoit une distinction salariale fondée sur le statut d’étudiant ;

e)     DE TRANSMETTRE à la Commission, dans un délai de 90 jours, un exemplaire de la clause modifiée ;

LE TOUT avec les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle conformément à l’article 1619 C.c.Q. depuis la signification de la proposition de mesures de redressement pour les dommages matériels et moraux, ainsi que les frais de justice, incluant les frais d’experts, le cas échéant.

[7]          ABI demande le rejet de la demande ou, subsidiairement, une condamnation solidaire du Syndicat.

[8]          Au soutien de sa prétention que le salaire moindre qu’elle paie aux étudiants n’est pas discriminatoire, ABI avance que le travail qu’ils effectuent diffère de celui des travailleurs qui ont un statut d’employé régulier ou d’employé occasionnel au sens des conventions collectives.

[9]          Elle soutient également que des étudiants sont engagés annuellement pour des contrats à durée déterminée, à l’intérieur des dates prévues aux conventions collectives, pour combler les absences des employés réguliers et occasionnels durant la période estivale et le congé des fêtes de fin d’année.

[10]       ABI allègue enfin que les étudiants reçoivent une formation différente de celle donnée aux réguliers et aux occasionnels, et que le travail qu’ils effectuent n’est pas équivalent au leur.

[11]       Subsidiairement, l’Aluminerie soutient que la réclamation de certaines Victimes est prescrite parce que plus de trois ans se sont écoulés entre la date de leur première embauche et le dépôt de la plainte, point de départ unique selon elle du délai de prescription pour chaque victime.

[12]       ABI invite le Tribunal à mettre de côté la suggestion de la Commission que le délai de prescription recommence pour chaque victime lorsqu’elle est embauchée pour un nouveau contrat à durée déterminée.

[13]       Enfin, si tant est que le Tribunal conclue que les conventions collectives visées par la Demande sont discriminatoires et la condamne à indemniser les Victimes, l’Aluminerie demande que le Syndicat soit condamné solidairement avec elle à payer les indemnités, au motif qu’il a accepté sans discussion l’introduction en 1994 d’un taux horaire moindre pour les étudiants que celui payé aux autres employés, et permis que ce traitement différent soit reconduit dans les conventions collectives subséquentes, certaines années sans même demander que la situation soit corrigée.

[14]       Sans surprise puisque c’est lui qui a dénoncé la situation à la Commission, le Syndicat appuie la demande de la Commission. Selon lui, le fait que le salaire payé aux étudiants soit inférieur à celui payé aux autres employés depuis 1994 est discriminatoire parce que la différence de traitement n’est fondé sur aucun autre motif que le fait qu’ils étudient en dehors de leurs périodes d’emploi chez ABI.

[15]       Pour le Syndicat, rien ne justifie que les étudiants reçoivent une rémunération moindre que celle qui est versée aux employés réguliers et occasionnels, parce qu’ils effectuent les mêmes tâches, assument les mêmes responsabilités et les mêmes risques qu’eux.

[16]       Le Syndicat souligne que même le taux horaire payable aux occasionnels lorsqu’ils sont en formation (donc ne travaillent pas) — taux qui est moindre que le taux qu’ils reçoivent lorsqu’ils travaillent — est plus élevé que le taux payable aux étudiants lorsqu’ils travaillent de façon autonome.

[17]       Quant à l’appel en garantie, si tant est que le Tribunal condamne ABI à indemniser les Victimes, le Syndicat soutient qu’il ne peut être tenu solidairement responsable avec elle de payer les sommes dues parce que l’article 19 de la Charte prévoit que le paiement du salaire incombe à l’employeur.

[18]       En cours d’instruction, la Commission soulève l’absence de compétence du Tribunal pour décider de la demande de l’Aluminerie de retenir la responsabilité solidaire du Syndicat. Elle invoque qu’elle-même n’ayant pas conclu à la responsabilité du Syndicat, elle n’a pas saisi le Tribunal d’une demande contre celui-ci. Or, soutient-elle, en vertu de l’article 80 de la Charte, elle seule peut saisir le Tribunal d’une telle demande.

I.          QUESTIONS EN LITIGE

[19]       Pour décider de cette affaire, le Tribunal répondra aux questions suivantes :

1.    Les conditions salariales des étudiants portent-elles atteinte à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, de leurs droits à un salaire égal et à des conditions de travail justes et raisonnables sans distinction ou exclusion fondées sur leur condition sociale ou de leur âge, en contravention des articles 10, 19 et 46 de la Charte ?

2.    Les conventions collectives portent-elles atteinte de façon discriminatoire à la dignité des Victimes, en contravention des articles 4 et 10 de la Charte ?

3.    Dans l’affirmative, les Victimes ont-elles droit aux dommages matériels et moraux réclamés en leur faveur, et les ordonnances recherchées contre ABI sont-elles justifiées ?

4.    Le Tribunal a-t-il compétence pour décider de la demande en garantie de l’Aluminerie ?

5.    Le cas échéant, le Syndicat est-il solidairement responsable avec l’Aluminerie de la discrimination salariale subie par les étudiants ?

6.    Certaines des réclamations sont-elles prescrites, en tout ou en partie ?

II.         CONTEXTE

A.        Présentation de l’usine

[20]       Depuis 1986, ABI opère une usine de production et de transformation de produits d’aluminium et une fonderie de métal.

[21]       En fonction de ses besoins de production, ABI embauche jusqu’à 1 000 personnes, dont 110 sont des cadres non syndiqués. Parmi les salariés syndiqués, 800 sont assignés aux opérations et à l’entretien ; 50 au bureau et à la technique ; 20 au laboratoire et à l’environnement.

[22]       L’usine compte huit secteurs : le carbone ; l’électrolyse ; la fonderie ; l’entretien ; la manutention et le transport (manutention - transport) ; la captation ; l’ingénierie ; et l’approvisionnement. Certains secteurs sont divisés en sous-secteurs[3].

[23]       Dans chacun des secteurs ou sous-secteurs, les opérations sont divisées en postes qui comportent des tâches bien déterminées.

[24]       L’usine fonctionne à plein régime 24 heures par jour, 365 jours par année.

[25]       De la matière première qui arrive à l’usine par bateau au transport des produits finis aux clients, ABI est le maître d’œuvre. Elle élabore trois produits : des billettes, des plaques de laminage et des lingots-T, selon les spécifications de ses clients.

[26]       Le cycle de production est le suivant :

1.    La matière première est acheminée à la Tour à pâte où sont fabriquées plusieurs dizaines de milliers d’anodes annuellement, de 1 300 kg chacune ;

2.    Les anodes crues sont envoyées au secteur Carbone pour y être cuites pendant 14 jours à une température qui monte jusqu’à 1 100 °C ;

3.    Les anodes cuites sont transportées par machinerie lourde au secteur Scellement où des tiges sont scellées sur chacune d’elle pour former un ensemble anodique, procédé qui nécessite l’utilisation de métal liquide pouvant atteindre 1 450 °C ;

4.    Les ensembles anodiques sont envoyés au secteur Électrolyse pour être déposés par groupe de 16 dans une des 720 cuves du secteur qui comporte six séries de 120 cuves. L’alumine est transformée en aluminium en fusion par un courant électrique de 200 000 ampères qui circule de l’anode à la cathode ;

5.    Le secteur de l’électrolyse comporte un sous-secteur Service à l’électrolyse (SAE) d’où l’aluminium en fusion pouvant atteindre 900 °C, est transporté dans des creusets de 10 tonnes aux unités de production par de la machinerie lourde ;

6.    L’aluminium en fusion est coulé dans des moules en forme de T, de billettes ou de plaques de laminage dans le secteur Fonderie ;

7.    Lorsque l’aluminium est refroidi, il est démoulé, taillé selon les spécifications des clients et acheminé au secteur Expédition ;

8.    Dans le secteur Manutention et transport, les employés chargent les produits finis sur des camions-remorques et des wagons de train pour qu’ils soient livrés aux clients. Ils voient également au nettoyage des véhicules qu’ils utilisent.

[27]       Les employés du secteur du Laboratoire (secteur qui ne fait pas partie de l’usine) procèdent à différentes analyses. Ils s’assurent de vérifier l’élaboration des recettes du métal, du contrôle de la qualité du produit et de la qualité de l’environnement — air, eau et gaz — de l’usine.

[28]       De par la nature du produit qu’elle fabrique, l’usine d’ABI offre un milieu de travail d’un très grand niveau de dangerosité[4]. Les procédés de production sont rigoureux et doivent être respectés en tout point, au risque d’entraîner de très graves blessures, voire la mort, tout incident ayant le potentiel de mettre en danger la santé et la sécurité des ouvriers[5].

[29]       Tous les salariés reçoivent une formation d’accueil lorsqu’ils arrivent. Ils sont ensuite formés pour effectuer la première tâche du secteur où ils seront affectés, en fonction des postes à combler dans l’usine et des postes ou des tâches auxquels les conventions collectives permettent qu’ils soient assignés.

[30]       Aucun employé n’est affecté à une tâche avant d’avoir suivi la formation afférente à celle-ci. Chaque employé est formé à une tâche du poste où il sera assigné à la fois. Il commence à travailler à ce poste dès qu’il a reçu la formation relative à la première tâche. Il est formé aux autres tâches du poste — toutes ou une partie des tâches conformément à ce que prévoient les organisations de travail pour chaque catégorie d’employés — en fonction de la disponibilité des formateurs[6].

[31]       Chaque tâche est bien définie; il n’est donc pas nécessaire d’être formé à toutes les tâches d’un poste pour pouvoir travailler. Toutefois, s’il n’est pas formé à toutes les tâches d’un poste, un employé ne peut pas participer à la rotation d’une tâche à l’autre suivant des horaires qui varient d’un poste à l’autre[7].

[32]       Les réguliers peuvent occuper tous les postes et, en théorie, être formés à toutes les tâches de chaque poste.

[33]       La formation comprend quatre étapes pour les employés réguliers : une formation théorique, suivie d’une formation pratique, puis une formation donnée en dyade — un entrainement avec un équipier, aussi appelé doublage — et enfin l’entrainement autonome à la fonction, ou période d’autonomie avant la titularisation[8].

[34]       Il n’y a pas de titularisation pour les employés occasionnels et les étudiants.

[35]       En théorie, le doublage ne peut pas être donné par un étudiant, mais cette consigne n’a pas toujours été respectée et a fait l’objet d’un rappel auprès des superviseurs[9]. Pour cette raison, mais aussi parce qu’ils travaillent aux côtés des employés réguliers et occasionnels de façon autonome lorsqu’ils sont formés à une tâche, les étudiants considèrent être aussi compétents que leurs collègues.

[36]       La formation est la même pour une tâche donnée, quel que soit le statut de l’employé qui la reçoit — régulier, occasionnel ou étudiant — et, sauf exception, lorsqu’ils sont formés pour une tâche, réguliers, occasionnels et étudiants effectuent la même tâche et sont exposés aux mêmes risques et dangers.

[37]       En considération du degré très élevé de dangerosité inhérent aux opérations de production, ABI s’assure que chaque étudiant reçoive le même niveau de formation qu’un employé régulier[10].

[38]       Les occasionnels au sens de la convention collective sont appelés à travailler aux conditions suivantes[11] :

La compagnie peut recourir à un assistant aux opérations-usine occasionnel (ci-après appelé salarié occasionnel) pour pourvoir un poste vacant de façon temporaire ou encore pour pallier à un surplus de travail temporaire dans une équipe de production, tel que prévu à l’article 17.08[12].

[…]

Les salariés occasionnels sont répartis selon les regroupements suivants :

·         Carbone, Approvisionnement, M.T.C. ;

·         Électrolyse ;

·         Fonderie ;

·         Usine (Carbone, Approvisionnement, M.T.C., Électrolyse, Fonderie).

Un salarié occasionnel est inscrit sur une liste de rappel dans un seul regroupement, tant qu’il effectue 160 heures régulières de travail et plus dans un cycle, et ce, selon les modalités d’assignation et de formation. Il est rappelé au travail par ordre d’ancienneté et ladite liste est transmise au Syndicat mensuellement.

[…]

Formation de base secteur : formation couvrant la majorité des tâches qu’un occasionnel est appelé à combler en priorité dans un regroupement secteur(s).

Formation d’appoint secteur : formation complémentaire à la formation de base secteur(s).

Formation de base usine : formation couvrant la majorité des tâches qu’un occasionnel est appelé à combler en priorité dans le regroupement usine.

Formation d’appoint usine : formation complémentaire à la formation de base usine.

À moins de modalités particulières de secteurs établies par les parties, la Compagnie assigne et forme le salarié occasionnel en priorité dans sa formation de base de son regroupement et ce tant qu’il est prévisible que le salarié occasionnel puisse effectuer 160 heures minimum de travail régulier par cycle de 28 jours. Dans le cas où il est prévisible que le salarié occasionnel ne puisse effectuer 160 heures de travail régulier par cycle de 28 jours [correspondant à un emploi à temps plein] dans sa formation de base de son regroupement, la compagnie assigne et forme selon les besoins et les disponibilités de remplacement le salarié occasionnel dans une ou des tâches de sa formation d’appoint de son regroupement afin de maximiser les opportunités d’accéder à des heures de remplacement et/ou pour des surplus de travail et ce, conformément aux mécanismes de déplacement prévus à i) et ii).

[]

(Reproduction intégrale - Soulignements reproduits - Notre emphase)

[39]       Les employés syndiqués sont régis par trois conventions collectives : une convention qui gère les employés affectés aux opérations et à l’entretien, une autre qui s’applique aux employés de laboratoire et environnement, et enfin, une convention qui régit les travailleurs de Bureau et technique.

[40]       Chaque convention prévoit les modalités de prise de vacances et de congés. Comme il y a plus d’absences durant la période estivale ― comprise entre la semaine précédant la fête de Dollard et la semaine de la fête du Travail ― et le congé des fêtes de fin d’année, pour éviter d’avoir à interrompre une partie de la production, ABI recourt à la main-d’œuvre étudiante[13].

[41]       Pour être admissible à un emploi chez ABI, un étudiant doit être âgé de 18 ans, détenir un permis de conduire valide, fournir une preuve de fréquentation scolaire à temps plein au niveau postsecondaire pour la session qui précède et celle qui suit sa date d’embauche, et faire preuve d’une grande disponibilité tout au cours de la période d’embauche pour laquelle sa candidature est retenue[14].

[42]       Les modalités d’emploi des étudiants sont les suivantes[15]  :

a)        Les étudiants remplacent les réguliers qui s’absentent selon les modalités de vacances et de congés prévues à l’annexe « J » de la convention ;

b)        Le nombre d’étudiants par équipe ne doit jamais excéder le nombre de salariés réguliers d’une équipe ;

c)         Une fois ce quota atteint, les étudiants peuvent pourvoir les postes laissés vacants par des salariés occasionnels qui s’absentent en application de l’annexe « J » (clause 4) ;

d)        Les travaux exécutés et les absences comblées par les étudiants ne peuvent provoquer une diminution d’heures régulières des occasionnels ou des réguliers (clause 5) ;

e)        Les étudiants sont admissibles aux heures supplémentaires refusées par les réguliers et les occasionnels, s’ils sont qualifiés pour exécuter la totalité de la tâche de l’employé qu’ils remplacent, même si le maximum d’étudiants par équipe est atteint (clause 6). Ils sont alors payés au tarif des occasionnels (clause 7).

[43]       Un étudiant qui travaille durant la période estivale n’a aucune garantie d’être appelé pour travailler durant la période des fêtes.

[44]       Chaque étudiant est engagé pour une durée déterminée et, sous réserve de ce qui est prévu aux lettres d’entente qui régissent la situation des étudiants, il bénéficie des avantages prévus aux conventions.

[45]       Les étudiants n’accumulent pas d’ancienneté. Les occasionnels en accumulent rétroactivement au début de leur emploi après avoir cumulé 960 heures de travail, l’équivalent de 24 semaines de 40 heures[16].

[46]       La main-d’œuvre étudiante est essentielle au bon fonctionnement de l’Aluminerie durant les périodes de vacances estivales et des fêtes de fin d’année. Elle s’est aussi révélée précieuse en périodes de crise, comme l’écrit Monique Bastien — conseillère principale en ressources humaines chez ABI — en février 2011, en réponse au rejet par le Syndicat d’une demande de l’Aluminerie d’avoir recours à la main-d’œuvre étudiante pour faire face à une crise de production :

Suite au refus que vous nous avez manifesté à l’égard de notre demande sur l’utilisation ponctuelle des étudiants, la présente est pour vous demander de reconsidérer votre décision en raison de la situation qui demande une attention immédiate.

La situation actuelle des retards accumulés est sérieuse et urgente. Les événements des deux dernières semaines (panne électrique, bris d’équipement par grand froid et interruptibles d’énergie) ont causés une accumulation de retards qui demande d’être adressée par du personnel formé et apte à faire le travail immédiatement pour stabiliser les opérations le plus rapidement possible. Vous comprendrez que comme la situation ponctuelle demande d’être adressée immédiatement, l’embauche d’employés occasionnels ne saurait être une solution puisqu’ils devront être formés. Les étudiants sont une main d’œuvre actuellement formée qui seraient appelés selon leur disponibilité (surtout les fins de semaine). Ces étudiants seront appelés après que toute la procédure d’appel de temps supplémentaire ait été effectuée auprès des employés réguliers et occasionnels. [… ][17]

(Reproduction intégrale - Nos soulignements)

[47]       L’usine ne pourrait pas fonctionner à plein régime si ABI n’avait pas recours à la main-d’œuvre étudiante durant les périodes estivales et des fêtes : la production serait grandement affectée, ainsi que les coûts reliés à l’arrêt et au redémarrage d’équipements qui découleraient des absences non comblées. C’est aussi vrai en période de crise de production.

[48]       Cela a été le cas en 2008 et au cours des fins de semaine des 22-23 et 29-30 octobre 2011, lorsque, ayant obtenu l’accord du Syndicat pour ce faire, ABI a embauché des étudiants pour pallier un manque de personnel, les parties ayant convenu qu’ils soient rémunérés au même taux que les occasionnels[18].

[49]       Les étudiants sont appelés à travailler dans chacun des départements [] de même que dans les secteurs de Maintenance, de Manutention/Transport, d’Approvisionnement et de Labo et Environnement[19], un nombre restreint de tâches étant toutefois réservé exclusivement aux salariés réguliers[20].

[50]       Le nombre d’étudiants qui travaillent chez ABI varie d’une année à l’autre en fonction du nombre de travailleurs en vacances, des absences et des commandes. Durant la période estivale, 150 à 225 étudiants peuvent ainsi être appelés à travailler à l’usine, alors que durant la période des fêtes ils sont plutôt une centaine.

B.        La rémunération

1.     Généralités

[51]       Jusqu’à la convention collective adoptée le 23 novembre 2009, les conventions prévoyaient sept indices salariaux, le taux salarial le plus bas étant l’indice 7, l’indice 1 représentant le taux de rémunération le plus élevé[21].

[52]       Les indices salariaux passent de sept à cinq avec la convention collective du 23 novembre 2009[22], et sont identifiés depuis par les lettres A à E :

1.       Les indices A à C sont les différents taux payables aux employés réguliers et occasionnels, l’indice A étant le plus élevé ;

2.       L’indice D est payable aux employés qui occupent le poste d’assistant entretien ou aux occasionnels en formation ;

3.       L’indice E, le moins élevé, parfois inférieur à l’indice 7 qu’il remplace, est payable uniquement aux étudiants.

[53]       Le salaire d’un employé régulier ou occasionnel est déterminé par le poste qu’il occupe, ce, même s’il n’est pas habilité à effectuer toutes les tâches du poste. C’était le cas aussi pour les étudiants, jusqu’à la convention collective de 1994.

[54]       Sauf pour la période de formation durant laquelle il reçoit un taux réduit de rémunération depuis l’entrée en vigueur de la convention collective de 2009, dès qu’il est formé à une tâche d’un poste, l’occasionnel, comme le régulier, est payé au taux horaire du poste.

[55]       Plusieurs taux de salaire sont applicables dans un même secteur de l’usine, le taux applicable étant tributaire du poste occupé.

Tableau       Grille salariale Convention collective du 23 nov. 2004[23]

Indice

Classification

23-11-2004

01-07-2005

01-07-2006

01-07-2007

01-07-2008

1

Technique I — Automatisme

32,80

33,67

34,57

35,46

36,37

2

Coordonnateur — Contrôleur posté

31,52

32,39

33,29

34,18

35,09

Technicien I — Électricité

Technicien I — Mécanique

Technicien I — Captation

3

Opérateur — Anodes

30,24

31,11

32,01

32,90

33,81

Contrôleur de jour (8 heures)

Contrôleur de jour AC (BD (12 heures)

Opérateur responsable de coulée

Technicien II — Automatisme

Opérateur — Scellement

4

Opérateur - Cuve polyvalent

28,94

29,81

30,71

31,60

32,51

Opérateur polyvalent élaboration coulée

Opérateur SAF

Opérateur polyvalent Billettes

Opérateur outilleur polyvalent (Fonderie)

Magasinier I

Technicien II — Électricité

Technicien II — Mécanique

Opérateur — Captation

Opérateur — Expédition

Opérateur — Services à l’électrolyse

Technicien II — Captation

5

Opérateur — Four à cuire

27,68

28,55

29,45

30,34

31,25

Opérateur — Out., brasq. (démar., cuves, scel.

Opérateur — Mesures

Opérateur — Sortie de coulée

Magasinier II

Opérateur — Manutention (polyvalent)

6

Opérateur polyvalent plaques et tés

26,37

27,24

28,14

29,03

29,94

Opérateur réfractaires

Magasinier II

Technicien III — Électricité

Technicien III — Mécanique

Opérateur — Station de lavage

7

Assistants aux opérations — Usine

25,09

25,96

26,86

27,75

28,66

Assistant — Entretien

[56]       Bien que la Convention collective de travail entre Aluminerie de Bécancour Inc. et le Syndicat des employés(es) de l’Aluminerie de Bécancour Inc. (F.S.S.A.) (1994-2000) (Convention 1994-2000)[24] ne prévoit pas de changement aux modalités d’emploi des étudiants[25], elle modifie la rémunération des étudiants à partir du 1er janvier 1995.

[57]       Alors que jusque-là les étudiants sont, comme les employés réguliers, payés en fonction du poste qu’ils occupent ou des tâches du poste qu’ils effectuent, à partir du 1er janvier 1995, le salaire de tous les étudiants (sauf exception[26]), peu importe le secteur où ils sont affectés et le nombre de tâches d’un poste qu’ils accomplissent, est établi à 85 % de l’indice 7.

[58]       À compter du 1er juillet 2009, les étudiants sont payés suivant l’indice E, qui, dans certains cas, représente jusqu’à moins de 71 % de la rémunération payée à un employé régulier ou occasionnel affecté au même poste.

[59]       L’ancienneté n’est pas un facteur dans la détermination du salaire des employés réguliers ou occasionnels. Sauf pour les augmentations négociées et prévues à une convention donnée ou celles qui la remplacent, un employé qui ne change pas de poste reçoit le même salaire tout au long de ses années de services chez ABI.

2.     Le salaire des étudiants comparé à celui des occasionnels ou des réguliers

[60]       Les étudiants ne sont pas affectés à tous les postes et, pour certains des postes auxquels ils peuvent être affectés, ne peuvent pas être formés à toutes les tâches d’un poste.

[61]       Pour évaluer si leur rémunération est discriminatoire, il faut déterminer s’ils effectuent un travail équivalent à celui pour lequel les employés réguliers ou occasionnels, suivant le cas, reçoivent une rémunération plus élevée.

[62]       Nous analyserons la situation par secteur, pour chacun des postes dans la chaîne de production de l’Aluminerie.

(1)   Secteur Carbone

[63]       Le secteur carbone comprend trois postes qui cumulent 14 tâches : dans le sous-secteur anodes, les postes d’opérateur anodes et d’opérateur four à cuire, dans le sous-secteur scellement, le poste d’opérateur scellement.

(a)   Opérateur anodes

[64]       Les tâches du poste opérateur anodes sont[27] :

1.      Tour à pâte 1 : responsable du contrôle de la tour à pâte ;

2.      Tour à pâte 2 : faire la tournée d’échantillonnage et le constat visuel.

[65]       Les étudiants et les occasionnels ne travaillent pas comme opérateur anodes.

[66]       Étienne Caron, directeur opération du secteur carbone, soutient qu’il n’y a pas d’étudiants au poste d’opérateur anodes parce que les tâches sont trop complexes et la formation d’une durée de cinq à six mois, trop longue tenant compte de la durée limitée pendant laquelle les étudiants peuvent être engagés.

(b)   Opérateur four à cuire

[67]       Les tâches du poste d’opérateur four à cuire sont :

1.      Jointoyage : isolation des chambres de cuisson avec de la laine isolante ;

2.      Contrôle des anodes : empiler les anodes crues et cuites et effectuer un contrôle de qualité ;

3.      Machine service carbone (MSC) : emballer et désemballer les anodes en utilisant un pont roulant ;

4.      Aide-gazier : manutention des équipements de cuisson ;

5.      Gazier : responsable des rampes de brûleurs, des feux et des séquences de cuisson.

[68]       Les étudiants et les occasionnels peuvent être formés pour accomplir quatre des cinq tâches du poste d’opérateur four à cuire. Ils ne peuvent pas replacer les anodes dans la pyramide de stockage ni ramasser les anodes avec le nouvel équipement qu’est la pince hydraulique, tâche qui est rarement effectuée[28].

[69]       Certains réguliers n’ont pas reçu la formation et n’effectuent donc pas cette tâche non plus[29].

[70]       Denis Dallaire, devenu opérateur au carbone en mai 1990, vice-président du secteur carbone et service du syndicat depuis 10 ans, et technicien à la captation depuis 2014, précise n’avoir accompli cette tâche que deux fois en 16 ans[30].

[71]       Clément Masse évalue que cette tâche est effectuée en moyenne une fois par mois[31], ce qu’Étienne Caron confirme puisqu’il parle de 10 à 12 fois par an[32]. À raison de quatre heures chaque fois, c’est en moyenne 48 heures par année qu’un employé régulier consacre à cette tâche, ou 2 % de sa tâche.

[72]       Quant au poste d’opérateur four à cuire, Étienne Caron explique que les étudiants ne sont pas affectés à la tâche de gazier pour des raisons de santé et sécurité au travail, mais également en raison de la durée de la formation qui est de plus ou moins deux mois, soit l’équivalent de la durée de la période d’emploi d’un étudiant durant la période estivale.

[73]       Il avance la même explication en ce qui a trait aux tâches de chariot de coulée, traitement de bain et four à induction du poste d’opérateur scellement.

[74]       Il ajoute que seulement 20 % des opérateurs réguliers sont formés pour faire le remplacement d’anodes dans la pyramide avec la nacelle, formation qui n’apparaît pas dans le guide de formation[33].

(c)    Opérateur scellement

[75]       Le travail dans l’atelier de scellement est un travail à la chaîne et la contribution de chacun des membres est essentielle pour le bon déroulement des opérations[34].

[76]       Voici comment ABI décrit l’environnement de travail dans l’atelier :

·         Opérateurs exposés à des contaminants comme des poussières de bain, de carbone, fluor, fluor gazeux, soufre et monoxyde de carbone, béryllium ;

·         L’ensemble des travaux requiert des efforts physiques d’intensité variable, une attention sensorielle, de la dextérité, de la cadence et de la concentration ;

·         Travail exposé à des niveaux de bruits variables ; contraintes de température ; travail en présence de métal liquide ; concentration soutenue lors du scellement des anodes ; champs magnétiques au four à induction.[35]

[77]       Les tâches du poste d’opérateur scellement sont les suivantes :

1.      Nettoyage du bain et grenailleuse : nettoyer le bain sur les mégots d’anodes et nettoyer la fonte sur les anodes scellées ;

2.      Soudeuse-oxycoupeuse : réparation des hexapodes ;

3.      Chariot de coulée : scellement de l’hexapode à l’anode avec de la fonte ;

4.      Traitement carbone-défontage : retirer le mégot et la fonte de l’hexapode ; réinsertion des anodes achetées sur le convoyeur ;

5.      Accrochage-décrochage : manutention des anodes scellées, neuves et usagées ;

6.      Traitement de bain : manipuler le bain chaud et opérer une grande chaîne d’équipements complexes ;

7.      Four à induction : préparer et maintenir la fonte liquide.

[78]       Dans le secteur scellement, les étudiants peuvent être formés pour effectuer quatre des sept tâches du poste, alors que les occasionnels peuvent être formés pour en effectuer sept, les formations étant données suivant la disponibilité des formateurs et les besoins de main-d’œuvre.

[79]       Clément Masse précise, sans être contredit, que chacune des tâches nettoyage du bain - grenailleuse et intervention sur les gros mégots du poste opérateur scellement auxquelles les étudiants ne sont pas formés, représente 2 % de la tâche ou quatre heures par mois[36]. Il considère que l’étudiant affecté au poste fait environ 97,7 % de la tâche, si une intervention sur les mégots est nécessaire pendant qu’il travaille au poste d’opérateur scellement.

[80]       Denis Dallaire précise qu’il faut un an et demi pour être formé à toutes les tâches du poste d’opérateur scellement. Il confirme qu’au moment de son témoignage, un employé régulier qui occupe le poste depuis deux ans n’a pas reçu les formations de toutes les tâches du poste[37].

[81]       Certains réguliers ne sont pas formés à la MSC (machine de service carbone). Lorsqu’ils sont de service et qu’il faut utiliser la machine, le travail est accompli en heures supplémentaires par un employé formé à la tâche.

[82]       Il n’est pas rare qu’un occasionnel ne soit pas formé à toutes les tâches du poste auquel il est affecté avant plusieurs années, ou qu’il ne soit pas formé à toutes les tâches avant de changer de poste.

[83]       En règle générale, les étudiants reçoivent une formation par période d’embauche estivale. La période d’embauche d’hiver étant de deux semaines, seuls les étudiants déjà formés sont rappelés pour travailler.

Tableau       Nombre de tâches effectuées par catégorie d’employés - Secteur caborne

 

Postes

Nombre de tâches

Nbre de tâches effectuées par les

Étudiants

Occasionnels

Opérateur anodes

2

0

0

Opérateur four à cuire

5

4 sur 51

4 sur 5

Opérateur scellement

7

4 sur 72

7 sur 7

1    Étudiants et occasionnels ne peuvent pas replacer les anodes dans la pyramide et ramasser les anodes avec la pince hydraulique, tâches qui sont effectuées peu fréquemment.

2    Parmi les quatre tâches auxquelles les étudiants peuvent être affectés, lorsqu’ils sont assignés à la tâche de nettoyage du bain et grenailleuse, ils ne sont pas autorisés à intervenir à l’intérieur de la machine et faire le traitement des morceaux d’anodes non cuites qui bloquent (appelés gros mégots).

(d)   Rémunération

(i)     Convention collective 2004-2009[38]

Opérateur scellement

[84]       Les occasionnels et les étudiants ne travaillent pas au poste d’opérateur anodes.

[85]       La Convention collective 2004-2009 établit que les étudiants sont payés 85 % de l’indice 7, soit en moyenne 71,4 % du salaire des occasionnels rémunérés suivant l’indice 3.

Tableau       Rémunération de l’Opérateur scellement

 

Nombre de tâches

Nbre de tâches effectuées par les

Étudiants

Occasionnels

Opérateur scellement

7

4 sur 72

7 sur 7

Taux horaire

2004

2005

2006

2007

2008

Occasionnels

30,24 $

31,11 $

32,01 $

32,90 $

33,81 $

Indice 71

25,09 $

25,96 $

26,66 $

27,75 $

28,66 $

Étudiants

85 % de l’indice 7

21,33 $

22,07 $

22,83 $

23,59 $

24,36 $

% tage du taux des occasionnels

71 %

70,93 %

71,32 %

71,69 $

72,05 %

1 À titre indicatif

Opérateur four à cuire

[86]       Les réguliers et les occasionnels qui occupent un poste d’opérateur four à cuire sont rémunérés suivant l’indice 5 peu importe le nombre de tâches du poste qu’ils effectuent. La rémunération des étudiants équivaut à 77,5 % en moyenne de la rémunération des occasionnels.

[87]       En pratique donc, un occasionnel ou un régulier qui n’a reçu qu’une seule des sept formations est rémunéré environ 22,5 % de plus qu’un étudiant qui travaille pour un deuxième été et a été formé à plus de tâches que lui.

Tableau       Rémunération de l’Opérateur four à cuire

Taux horaire

2004

2005

2006

2007

2008

Occasionnels

27,68 $

28,55 $

29,45 $

30,24 $

31,25 $

Étudiants

85 % de l’indice 7

21,33 $

22,07 $

22,66 $

23,59 $

24,36 $

% tage du taux des occasionnels

77,05 %

77,29 %

76,85 %

78 %

77,96 %

(ii)    Conventions collectives 2009-2012 et 2012-2017

[88]       Les indices salariaux sont modifiés dans la convention adoptée le 23 novembre 2009. À compter du 1er juillet 2009, ils sont désormais identifiés par les lettres A à E, E étant l’indice le moins élevé applicable exclusivement aux d’étudiants.

[89]       Opérateurs four à cuire et opérateurs scellement sont rémunérés suivant le même indice. L’écart entre la rémunération des occasionnels et des réguliers versus les étudiants augmente et passe à près de 28 % :

Tableau       Rémunération dans le secteur carbone

Taux horaire

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Occasionnels

34,45 $

35,31 $

36,48 $

37,64 $

38,64 $

39,63 $

40,64 $

41,72 $

Étudiants

24,82 $

25,44 $

26,28 $

27,17 $

27,92 $

28,67 $

29,42 $

30,23 $

% tage taux des occasion.

72,26 %

72,05 %

72,04 %

72,18 %

72,26 %

72,34 %

72,39 %

72,46 %

[90]       Aucune explication n’est fournie pour justifier la baisse relative de la rémunération des étudiants dans la convention de 2009.

(2)   Secteur Électrolyse

[91]       Le secteur de l’électrolyse comprend cinq postes qui cumulent 13 tâches : opérateur cuves polyvalent ; opérateur brasquage[39] ; opérateur service à l’électrolyse ou SAE ; opérateur mesures ; et technicien de procédé.

(a)   Opérateur cuves polyvalent

[92]       Les tâches du poste d’opérateur cuves polyvalent sont les suivantes :

1.      Phase 1 : changer les anodes au sol, faire le trait de repérage et les travaux connexes ;

2.      Phase 2 : faire le siphonnage du métal et du bain dans la cuve ;

3.      Phase 3 : changer les anodes avec un pont roulant avec cabine ;

4.      Phase 4 : faire le relevage des cadres entourant les cuves.

[93]       Alors que les occasionnels peuvent être formés aux quatre tâches du poste d’opérateur cuves polyvalent, les étudiants ne peuvent pas être formés à la tâche de changement des anodes dans la cabine du pont roulant. Cette tâche est réservée aux employés réguliers ou occasionnels parce qu’elle est plus confortable que celle de changement d’anode au sol, l’employé étant assis dans une cabine dont la température est contrôlée — climatisée l’été et chauffée l’hiver — alors que l’employé qui participe à la tâche de changement des anodes au sol est exposé à des températures extrêmes : 40° C à 50° C en été[40] et de grands froids l’hiver.

[94]       Clément Masse ajoute que changer des anodes dans le pont roulant est moins dangereux que changer les anodes au sol parce que l’employé dans le pont roulant n’est pas exposé aux éclaboussures d’aluminium en fusion[41], aux bris mécaniques et aux températures extrêmes.

[95]       Certains témoins soutiennent que le changement d’anodes dans le pont roulant demande plus de dextérité que le changement d’anodes au sol. Si tant est que cela soit le cas — ce qui n’a pas autrement été démontré — la preuve n’a pas établi que les étudiants de niveau postsecondaire ont une dextérité moins développée que les occasionnels qui débutent et ne doivent justifier que d’un secondaire V ou l’équivalent et trois ans sur le marché du travail[42].

[96]       John Levert, qui témoigne pour ABI, précise que les étudiants ne sont pas formés aux travaux connexes qui sont ponctuels, aléatoires, mais fréquents (phase 1), au siphonnage du bain (phase 2), au changement d’anodes avec la MSE (phase 3) et au relevage de cadres (phase 4), parce qu’il s’agit de tâches complexes et dangereuses qui, si elles sont mal exécutées, peuvent entraîner la perte d’une série. Il précise que la formation requise pour effectuer ces tâches est trop longue compte tenu de la durée des périodes d’emploi des étudiants.

[97]       Relativement aux travaux connexes, Clément Masse précise, sans être contredit[43], que les étudiants ont déjà été formés pour les effectuer[44], comme en fait foi un guide pratique de formation des étudiants pour l’année 2008[45], et que ces travaux occupent 16 heures du temps d’un cuviste dans une année ou 0,58 % des tâches du poste.

[98]       Daniel Sicard, formateur à l’électrolyse, précise que la formation pour le changement d’anode dure une année et que les nouveaux employés n’y sont pas formés.

[99]       Selon Pierre Charrois, représentant syndical secteur électrolyse, les étudiants ne font plus le siphonnage du bain depuis septembre 2015, à la suite d’une négociation avec l’employeur[46].

[100]    Les occasionnels peuvent être formés aux quatre tâches du poste, le seul dans ce secteur où ils peuvent être assignés.

(b)   Opérateur brasquage

[101]    Le poste d’opérateur brasquage comporte une tâche qui consiste au scellement des cathodes, préchauffage des cuves, débrasquage, démarrage des cuves et mise en circuit.

[102]    Les occasionnels et les étudiants ne sont pas formés et donc ne sont pas affectés à la tâche de ce poste depuis 2013, ou depuis septembre 2015 selon Pierre Charrois, qui précise qu’il est arrivé que deux étudiants travaillent à ce poste, ce dont les employés réguliers se sont plaints, et qu’ABI essaye chaque été d’avoir des étudiants à ce poste[47].

[103]    John Levert affirme que la formation n’est pas donnée aux étudiants parce que trop longue et à cause des risques associés à cette tâche, surtout lors de la coulée de la fonte et lors du déversement du bain au redémarrage des cuves. Il n’explique pas pourquoi la formation n’est plus donnée aux occasionnels.

(c)    Opérateur services à l’électrolyse (SAE)

[104]    Les tâches du poste d’opérateur services à l’électrolyse (SAE) sont :

1.      Transport du métal : conduite du camion qui transporte le métal ;

2.      Transport des anodes : conduite du camion qui transporte les cabarets d’anodes ;

3.      Atelier : nettoyer les poches 10 T et 2 T, utiliser le pont roulant, la machine Elkem et nettoyer les tuyaux ;

4.      Coin : décharger le matériel, démonter les poches, remonter les silencieux, vidanger les bennes avec un chariot élévateur.

[105]    Les étudiants peuvent être formés et affectés à deux des quatre tâches du poste, dont celle de transport du métal, la plus dangereuse des quatre[48].

[106]    Quant aux tâches d’atelier et de coin, John Levert explique qu’il s’agit de tâches de jour, convoitées par les employés réguliers. La rotation étant effectuée aux deux mois, les étudiants ne peuvent pas y participer étant donné la durée de leur contrat de travail, limitée par les conventions collectives.

[107]    Les étudiants ne participent donc pas à la rotation des tâches mise en place de façon paritaire pour permettre aux employés de faire toutes les tâches des postes[49] afin de répartir équitablement l’affectation aux tâches moins convoitées ou plus dangereuses.

(d)   Opérateur mesures

[108]    L’opérateur mesures prend la température du bain. Lorsqu’ils sont affectés à ce poste, les étudiants font les mêmes tâches que les employés réguliers, les occasionnels n’étant pas affectés à ce poste.

(e)   Technicien de procédé

[109]    Le poste de technicien de procédé comprend trois tâches :

1.      Mesurer la hauteur du bain et du métal ;

2.      Faire le suivi des cuves avec un tableau de contrôle avec graphique ;

3.      Participer de façon active aux arrêts de cuves.

[110]    Les étudiants peuvent être formés à deux des trois tâches du poste; ils effectuent 99,5 % de la tâche du poste.

[111]    John Levert explique qu’ils ne participent pas à la tâche d’arrêt des cuves en raison des risques associés à cette tâche, et que ceux qui ont reçu la formation pour les deux tâches participent à la rotation avec les autres travailleurs.

[112]    Les conventions collectives prévoient que des étudiants ne peuvent être assignés seuls à ce poste dans un même quart de travail, qu’un employé régulier ou un cadre doit être de service avec eux pour les superviser. Le non-respect de cette consigne a fait l’objet d’un grief le 10 juin 2013[50], après que deux étudiants aient été affectés au même quart de nuit, grief qui se lit en partie comme suit :

[]  En utilisant seul ces deux étudiants de nuit comme assistant technique et ce sans supervision, l’employeur ne s’est pas conformé à la convention collective de travail bureau technique. De plus en agissant ainsi et ce même en ayant été informé, l’employeur a mis en danger la vie, la santé et la sécurité de ces deux étudiants qui n’avaient qu’un seul été d’expérience comme assistant technique. […][51]

[113]    Les occasionnels ne sont pas assignés au poste de technicien de procédé.

[114]    Trois listes des travaux que les étudiants peuvent effectuer dans le secteur électrolyse sont produites. Datées de mai 2009[52], juin 2013[53] et février 2016[54], elles révèlent que les étudiants peuvent :

1.      Lever les anodes en 2009, ne peuvent pas le faire en 2013 et peuvent le faire à la demande de l’assistant technique en 2016 ;

2.      Faire le chargement des trémies d’ALF3 suivant la liste de 2009, mais pas suivant les listes de 2013 et de 2016 ; et

3.      Exécuter la tâche de relevage de cadre sur la liste de 2009, mais pas selon les listes qui suivent.

[115]    Malgré que les trois listes indiquent que les étudiants ne peuvent pas procéder au changement de DPAA (dispositif d’alimentation d’alumine), John Levert — qui a participé à la préparation des listes des tâches permises — admet qu’avant 2013 les étudiants pouvaient faire cette tâche, de même que la manutention des dalles, l’ajout de soda et la levée des anodes[55].

[116]    Daniel Sicard — qui travaille chez ABI depuis 29 ans, dont plus de 26 ans à l’électrolyse et 15 ans comme formateur — précise que jusqu’en 2010, les étudiants étaient formés à toutes les tâches sauf le changement d’anodes dans la cabine.

[117]    Pierre Charrois mentionne que les étudiants ont déjà fait toutes les tâches d’opérateur SAE, mais que les employés réguliers ne voulaient pas qu’ils soient dans l’atelier et conduisent les camions pour déplacer les anodes. En 2010 et 2011, à l’occasion d’une pénurie de personnel, ABI a demandé que les étudiants soient formés pour le transport des anodes, comme les autres employés.

Tableau       Nombre de tâches effectuées par catégorie d’employés - Secteur électrolyse

Postes

Nbre de tâches

Tâches effectuées par

Étudiants

Occasionnels

Opérateur cuves polyvalent

4

Avant 2013 : 3 sur 41

Après 2013 : 2 sur 4

4 sur 4

Opérateur brasquage

1

0

0

Opérateur SAE2

4

2

0

Technicien de procédé

3

2 sur 3

0

Opérateur mesures

1

1

0

1 Ce poste comprend quatre (4) phases. Les étudiants assignés aux phases 1 et 2 ne font pas toutes les tâches de la phase et ne sont plus affectés à la phase 4 de relevage des cadres entourant les cuves depuis 2013[56].

2 SAE : service à l’électrolyse.

(f)     Opérateur support

[118]    Le Programme de formation des étudiants élaboré par le Syndicat[57] prévoit une formation pour le poste d’opérateur support, poste qui ne se retrouve pas dans le tableau descriptif des secteurs, sous-secteurs et tâches[58].

[119]    John Levert explique que les tâches du poste d’opérateur support — transport de bain ou d’alumine qui s’apparente à la tâche de transport de métal[59] — ont été jumelées à celles de l’opérateur SAE et que les étudiants formés aux tâches du poste sont formés aux tâches de l’opérateur support, qui sont essentielles. Il n’est pas en mesure d’expliquer pourquoi ce poste et ses tâches n’apparaissent pas dans le tableau descriptif des différents secteurs.

[120]    Il confirme que lorsqu’un occasionnel affecté au secteur n’est pas formé à l’une des tâches, sa présence dans le secteur requiert qu’un autre employé soit déplacé, comme ce serait le cas si un étudiant non formé pour effectuer une des tâches du poste ne pouvait participer à la rotation des membres de l’équipe.

(g)   Rémunération

(i)     Convention collective 2004-2009[60]

[121]    Les employés assignés aux postes d’opérateur cuves polyvalents ou SAE sont rémunérés selon l’indice 4, alors que ceux qui occupent les postes d’opérateur brasquage ou mesures sont rémunérés suivant l’indice 5. Les étudiants, peu importe les tâches auxquelles ils sont affectés, sont rémunérés 85 % de l’indice salarial 7.

Tableau       Rémunération des opérateurs cuves polyvalents et SAE

Poste

Nbre de tâches

Tâches effectuées par

Étudiants

Occasionnels

Opérateur cuves polyvalent

4

Avant 2013 :3 sur 4

Après 2013 : 2 sur 4

4 sur 4

Opérateur SAE

4

2

0

 

2004

2005

2006

2007

2008

 

Réguliers/occasionnels

Indice 4

28,94 $

29,81 $

30,71 $

31,60 $

32,51 $

 

Étudiants

85 % de l’indice 7

21,33 $

22,07 $

22,83 $

23,59 $

24,36 $

 

% tage de l’indice 4

73,69 %

74,02 %

74,34 %

74,64 %

72,70 %

 

Tableau       Rémunération des Opérateurs mesures

Secteur Électrolyse

Poste

Nbre de tâches

Tâches effectuées par

Étudiants

Occasionnels

Opérateur brasquage

1

0

0

Opérateur mesures

1

1

0

 

Opérateur mesures

2004

2005

2006

2007

2008

Réguliers — Indice 5

27,68 $

28,55 $

29,45 $

30,34 $

31,25 $

Étudiants

85 % de l’indice 7

21,33 $

22,07 $

22,83 $

23,59 $

24,36 $

% tage de l’indice 5

77,05 %

77,29 %

77,52 %

77,74 %

77,96 %

[122]    Le Tribunal constate que le pourcentage de la rémunération payée aux étudiants par rapport à celle payée aux réguliers ou aux occasionnels d’un secteur donné n’est pas constant. Aucune explication n’est donnée à l’instruction pour justifier cette disparité, laquelle n’est soulevée par aucune des parties[61].

(ii)    Conventions collectives 2009-2012 et 2012-2017

[123]    En 2009, deux indices salariaux sont applicables aux employés qui travaillent dans le secteur de l’électrolyse : l’indice B (plus élevé), payable aux employés qui occupent un poste d’opérateur cuves polyvalent, brasquage, ou service à l’électrolyse, et l’indice C (moins élevé), payable aux employés qui occupent le poste d’opérateur mesures[62].

[124]    Les étudiants reçoivent une rémunération qui correspond à environ 72 % de la rémunération des opérateurs cuves polyvalent, brasquage et SAE, et presque 75 % de la rémunération de leurs collègues occasionnels ou réguliers assignés au poste d’opérateur mesures.

[125]    Les occasionnels ne sont affectés qu’à un seul des quatre postes de ce secteur et sont rémunérés suivant l’indice B.

(3)   Secteur Fonderie

[126]    Le secteur fonderie comprend 11 postes qui cumulent 45 tâches[63].

[127]    Les employés occasionnels peuvent être formés à 6 des 45 tâches ; les étudiants peuvent être formés à 21 tâches avant 2013 et 18 tâches depuis 2013, soit trois fois plus de tâches que les occasionnels.

[128]    Les postes du secteur sont les suivants :

·           Opérateur élabo-coulée ;

·           Responsable de coulée ;

·           Contrôleur posté ;

·           Contrôleur jour (poste de jour seulement) ;

·           Contrôleur jour équipes AC/BD (poste de jour seulement) ;

·           Coordonnateur planification-fonderie ;

·           Opérateur SAF (service à la fonderie) ;

·           Opérateur polyvalent scies ;

·           Opérateur expédition ;

·           Opérateur polyvalent outillage ;

·           Responsable de sortie de coulée[64].

[129]    Il n’y a pas d’étudiants ni d’occasionnels aux cinq postes suivants :

Poste

Nbre de tâches

Responsable de coulée

4

Contrôleur posté

2

Contrôleur de jour

2

Contrôleur AC/BD

1

[130]    Comme dans les autres secteurs, étudiants, occasionnels et réguliers participent à l’horaire de rotation dans la limite des tâches auxquelles ils ont été formés.

(a)   Opérateur élabo-coulée

[131]    Le poste d’opérateur élabo-coulée comprend six tâches :

1.    Vider les creusets de métal dans les fours ;

2.    Élaboration : métaux d’addition et chargeur à godet ;

3.    Départ-arrêt de tés : assistance au démarrage ;

4.    Coulée de tés ;

5.    Coulée de plaques ;

6.    Coulée de billettes.

[132]    Sauf pour une période de deux ans entre novembre 2015 et novembre 2017 durant laquelle les occasionnels étaient affectés à toutes les tâches du poste en raison de circonstances exceptionnelles[65], les occasionnels et les étudiants sont affectés seulement aux trois premières tâches du poste d’opérateur élabo-coulée.

[133]    Pour Louis-Pierre Clément, directeur du centre de coulée, la formation aux autres tâches du poste ne leur est pas donnée parce qu’elle est trop longue, parce que les tâches ont un haut niveau technique et de qualité, et qu’elles présentent un risque pour la santé et la sécurité.

[134]    Clément Masse nuance cette affirmation lorsqu’il explique que parmi les trois tâches du poste d’opérateur élabo-coulée auxquelles les étudiants sont formés, celle de vidange de creuset (ou vidange de poche) est beaucoup plus dangereuse que celle de changement de lame effectuée par l’opérateur polyvalent scies à laquelle ils ne sont pas formés même s’ils peuvent être assignés à ce poste.

[135]    Durant la vidange, l’étudiant — comme le régulier et l’occasionnel — travaille avec une poche de 10 tonnes remplie de métal en fusion dont la température varie entre 715 °C et 730 °C, qu’il manipule pour la vider dans une goulotte à l’aide d’un pont roulant. Debout près du métal en fusion, l’étudiant est dans un environnement où il y a de la chaleur, de la poussière et beaucoup d’allées et venues qui l’exposent à plus de blessures que le changement de lame.

[136]    Par opposition, la formation de changement de lame que suivent les opérateurs polyvalents est courte, mais comme les changements de lame se font de façon aléatoire, il n’est pas rentable de former un étudiant à cette tâche qu’il pourrait ne jamais être appelé à exécuter pendant sa période d’embauche.

[137]    En 2015, il y a eu 33 changements de lame à la scie 1 et 30 à la scie 2[66]. Clément Masse explique qu’il y a 44 opérateurs et 12 occasionnels (56 personnes en tout) qui travaillent dans le secteur, pour 1,125 changement de lame chacun en moyenne par année, à raison d’une demi-heure par changement. Cette tâche représente moins de 0,5 % de la tâche de l’opérateur polyvalent scies 1 et 2[67].

[138]    Le tableau comparatif des tâches indique, quant à la tâche de vidange de creuset du poste d’opérateur élabo-coulée, que les étudiants ne peuvent pas conduire le camion Mecfor. Dans les faits, seulement une poignée d’employés sur les 52 qui travaillent au secteur (40 réguliers et 12 occasionnels) sont formés pour conduire ce camion qui est une nouvelle acquisition de l’Aluminerie : 8 selon Annie Dubois, conseillère en ressources humaines chez ABI, et 12 selon Louis-Pierre Clément (4 réguliers et 8 occasionnels)[68]. La formation n’est donnée que depuis février 2016 et, comme pour toutes les autres tâches, aucun employé ne peut conduire le camion avant d’avoir reçu la formation.

[139]    Le camion Mecfor est utilisé à la place du pont roulant pour faire la vidange de creuset dans le four, tâche que les étudiants effectuent, comme les réguliers et les occasionnels.

[140]    À la tâche départ et arrêt de tés, les étudiants assistent les opérateurs de coulée et le contrôleur posté au démarrage. Clément Masse précise qu’au niveau de la coulée, la tâche la plus dangereuse est le démarrage, les paramètres après le départ de la coulée étant automatiques[69]. Les étudiants sont aux côtés des employés réguliers : s’il y a une explosion, ils sont exposés aux mêmes risques.

Tableau         Nombre de tâches effectuées par catégorie d’employés - Fonderie : Élabo-coulée

 

Nbre de tâches

Étudiants

Occasionnels

Opérateur élabo-coulée

5

3 sur 5

3 sur 5

[141]    Bien qu’ils accomplissent les mêmes tâches que les occasionnels, les étudiants sont d’abord payés près de 74 % de la rémunération des occasionnels, pourcentage qui est réduit à 72 % à partir du 1er juillet 2009. Aucune explication n’est fournie en lien avec cette baisse du pourcentage de rémunération des étudiants par rapport à celle des occasionnels.

(b)   Coordonnateur planification

[142]    Le coordonnateur planification planifie les poches, établit les recettes et guide les videurs de poches.

[143]    Lorsqu’ils travaillent comme coordonnateur planification, les étudiants font le même travail que les réguliers, les occasionnels n’étant pas assignés à ce poste.

(c)    Opérateur SAF

[144]    Les tâches du poste d’opérateur SAF (service à la fonderie) sont :

1.      Poches et dalles : intervention sur le métal ;

2.      Unités en entretien : cadenassage et, aux 19 semaines environ, faire l’entretien des puits de coulée ;

3.      Redémarrage d’une unité, faire les tests de vitesse d’ascenseur et de débit d’eau et passer la balayeuse depuis une cabine ;

4.      Bol à crasse : retirer les impuretés du four et les amener dans les cloches de refroidissement ;

5.      Métaux d’addition : remplir les trémies avec les métaux d’addition ;

6.      Passer la balayeuse dans une cabine dont la température est contrôlée[70].

[145]    Au poste d’opérateur SAF, les étudiants effectuent la première et la cinquième tâche : poches et dalles, et métaux d’addition. Selon Louis-Pierre Clément, ils ne sont pas formés aux autres tâches en raison d’enjeux de santé et sécurité, environnementaux et techniques.

[146]    La tâche de poche et dalle serait pourtant la plus dangereuse des cinq tâches du poste, selon Clément Masse, parce que l’opérateur travaille avec du métal en fusion[71].

[147]    Il ajoute que la tâche la plus facile du poste n’apparaît pas au tableau qui énumère les postes des différents secteurs et les tâches y associées, celle de balayeuse, qui consiste à passer la balayeuse assis dans une cabine climatisée.

Tableau         Nombre de tâches effectuées par catégorie d’employés - Fonderie : SAF

 

Nbre de tâches

Étudiants

Occasionnels

Opérateur SAF

6

2 sur 6

0

[148]    Entre 2004 et 2008, les étudiants reçoivent une rémunération qui représente un peu moins de 74 % de la rémunération des réguliers (les occasionnels n’étant pas assignés à ce poste) et, à partir du 1er juillet 2009, une rémunération qui représente en moyenne un peu moins de 72,5 % de la rémunération des réguliers.

(d)   Opérateur polyvalent scies

[149]    Les tâches du poste d’opérateur polyvalent scies sont :

1.      Scie 1 : scie de tés ;

2.      Scie 2 : scie de plaques et de tés ;

3.      Marquage à la scie 2 : identifier les produits finis ;

4.      Four homogénéisation (HOMO 1) Opère le pont Hepburn : transfert et montage de charges pour les billettes, alimente les scies 3 et 4 après le traitement d’homogénéisation ;

5.      Four homogénéisation (HOMO 2) Opère la bidirectionnelle : prendre les charges et les mettre dans des tunnels de refroidissement ;

6.      Scie 3 : scie de billettes ;

7.      Scie 4 : scie de billettes ;

8.      Évacuation 3 et 4 : déplacer les produits dans les aires de stockage ;

9.      Scie 5 : scie de billettes en continu.

[150]    Jusqu’en 2014, les étudiants peuvent effectuer cinq des neuf tâches du poste[72]. Depuis 2014, ils ne peuvent en effectuer que quatre : scie 1, scie 2 et évacuation 3 et 4 en dernier recours.

[151]    Aux tâches scie 1 et scie 2, ils ne changent pas les lames, une tâche peu fréquente, exécutée par des ouvriers qui l’ont déjà fait.

[152]    Jusqu’en 2014, les étudiants pouvaient travailler au four à homogénéisation. Ce n’est plus le cas depuis, la preuve étant silencieuse quant à la raison pour laquelle ils ne sont plus affectés à cette tâche.

[153]    Tout comme précédemment, la rémunération payée aux étudiants qui travaillent au poste d’opérateur polyvalent scies est inférieure à celle payée aux employés occasionnels, qui effectuent pourtant moins de tâches qu’eux à ce poste, environ 74 % de la rémunération des occasionnels jusqu’en 2007 et à peu près 72 % depuis 2008.

Tableau         Nombre de tâches effectuées par catégorie d’employés - Fonderie : Polyvalent scies

 

Nbre de tâches

Étudiants

Occasionnels

Opérat. polyvalent scies

9

Avant 2014 : 5 sur 91

Après 2014 : 4 sur 9

3 sur 92

1 Les étudiants et les occasionnels ne changent pas les lames des scies.

2 En vertu d’une entente intervenue pour pallier une situation exceptionnelle, entre novembre 2015 et novembre 2017, les occasionnels ont été formés à 8 des 9 tâches.

(e)   Opérateur expédition

[154]    Le poste d’opérateur expédition comprend quatre tâches :

1.      Chargement de camions ;

2.      Chargement de wagon type Box (avec wagon fermé) ;

3.      Chargement de wagon type Flat et Centerbeam (avec wagon de 15 et 30 tonnes) ;

4.      Bureau : recevoir les camionneurs et faire la documentation pertinente.

[155]    Il faut deux mois pour compléter la rotation aux différentes tâches du poste avant d’arriver à celle de bureau. Les étudiants ne sont donc pas formés à cette tâche qu’ils ne seraient pas appelés à effectuer durant leur période d’embauche.

[156]    En dehors de l’affirmation de certains témoins, la preuve prépondérante n’a pas établi que la tâche de bureau qui consiste à recevoir les camionneurs et faire la documentation pertinente à l’expédition est trop importante ou complexe pour être exécutée par les étudiants. Étant donné les tâches hautement dangereuses auxquelles les étudiants sont assignés ailleurs dans l’Aluminerie, ou les tâches critiques comme l’élaboration d’une recette qu’ils peuvent faire, le Tribunal ne peut tenir pour acquis sans une preuve précise à cet effet, que des étudiants de CÉGEP, voire d’université (certains étudiant en médecine, en ingénierie, en droit, en ressources humaines et en éducation), ne seraient pas en mesure de lire, comprendre et remplir des documents d’expédition de marchandises s’ils étaient formés à le faire.

[157]    Les étudiants reçoivent une rémunération moindre que les employés réguliers assignés au poste d’opérateur expédition (aucun employé occasionnel n’étant assigné à ce poste), soit environ 74 % jusqu’en 2007 et près de 72 % depuis 2008.

Tableau         Nombre de tâches effectuées par catégorie d’employés -Fonderie : Opérateur expédition

 

Nbre de tâches

Étudiants

Occasionnels

Opérateur expédition

4

3 sur 4

0

(f)        Opérateur polyvalent outillage

[158]    Le poste d’opérateur polyvalent outillage est un poste de jour, dont les six tâches ne sont exécutées qu’en semaine :

1.      Préventif billettes : démonter et remonter un moule pour le mettre en production ;

2.      Préventif plaques et tés : démonter une lingotière pour en débarrasser le calcaire et les résidus ;

3.      Remonter une table de coulée : installer les moules du métier de tés et plaques ;

4.      Remonter une table de coulée de billettes ;

5.      Assurer le suivi du réseau d’eau : prendre des mesures de la température et de la qualité de l’eau qui circule en réseau fermé ;

6.      Magasinier : prendre les commandes des consommables ; faire l’inventaire, prendre les commandes en ligne, faire les tâches administratives et demandes de suivi.

[159]    Au poste d’opérateur polyvalent outillage, jusqu’en 2013, les étudiants effectuent quatre des six tâches du poste. Depuis 2013, ils n’en effectuent que deux.

[160]    Selon Louis-Pierre Clément, les étudiants ne sont pas affectés à certaines des tâches du poste à cause de leur complexité ou de leur niveau technique. Encore une fois, aucune preuve spécifique n’a été administrée pour démontrer la plus grande complexité de la tâche à laquelle les étudiants ne sont pas formés. L’explication relève peut-être plus de la durée de la formation par rapport à celle limitée par les conventions collectives durant laquelle les étudiants peuvent travailler.

[161]    Les étudiants, qui ne peuvent être assignés qu’à une partie des tâches du poste (2/3 avant 2013 et ½ depuis 2013) reçoivent une rémunération moindre que les employés réguliers qui occupent le poste (aucun employé occasionnel n’étant affecté à ce poste), environ 74 % jusqu’en 2007 et près de 72 % depuis 2008.

Tableau         Nombre de tâches effectuées par catégorie d’employés - Fonderie : Opérateur polyvalent outillage

 

Nbre de tâches

Étudiants

Occasionnels

Opér. polyvalent outillage

6

Avant 2013: 4 sur 6

Après 2013: 2 sur 6

0

(g)       Opérateur sortie de coulée

[162]    Le responsable de sortie de coulée sort les coulées pour les mettre sur l’aire de stockage.

[163]    Louis-Pierre Clément explique qu’à ce poste, les étudiants font le même travail que les employés réguliers, mais précise qu’il ne peut y avoir qu’un seul étudiant par été à ce poste.

Tableau         Nombre de tâches effectuées par catégorie d’employés

 

Nbre de tâches

Étudiants

Occasionnels

Opérateur sortie de coulée

4

4

0

(4)   Secteur Laboratoire

[164]    Il n’y a qu’un poste dans le secteur laboratoire, celui de technicien.

[165]    Le secteur est divisé en sous-secteurs : la spectrographie ; l’environnement ; l’hygiène et la production.

[166]    Les occasionnels ne sont pas assignés au laboratoire.

(a)   Spectrographie

[167]    À la spectrographie, les tâches sont celles d’analyse du métal et d’analyse du bain : les étudiants ne sont formés qu’à l’analyse du bain.

(b)   Environnement

[168]    À l’environnement, les tâches sont :

1.     Au sous-secteur Air émission : échantillonner les cheminées ;

2.     Au sous-secteur Air ambiant : analyser la qualité de l’air ;

3.     Au sous-secteur Eau : analyser la qualité de l’eau ;

4.     Au sous-secteur Gaz : analyser la qualité du gaz ;

5.     Au sous-secteur Astoria technicien : analyse du fluor.

[169]    Les étudiants font deux des cinq tâches : l’analyse de l’air ambiant et de l’eau.

(c)    Hygiène et production

[170]    À l’hygiène et la production, les tâches sont :

1.     Quant à l’hygiène : programme l’échantillonnage et programme de santé des travailleurs ;

2.     Quant à la production : analyse du coke ; analyse du brai et spéciaux ; et contrôle des anodes et l’analyse de l’alumine.

[171]    Les étudiants ne sont plus assignés au sous-secteur hygiène depuis 2012 et n’effectuent aucune des tâches du sous-secteur production.

[172]    La convention collective de 2009 prévoit que pour obtenir un poste de technicien de laboratoire il faut détenir un DEC en chimie ou en métallurgie, en hygiène ou en environnement, ou l’équivalent[73].

[173]    Avant cette convention, les exigences de base requises pour être éligible à un poste dans le secteur étaient énoncées à l’avis d’ouverture de poste[74]. En cas de modification substantielle du processus de qualification ou des qualifications requises, ABI devait aviser le Syndicat dans les 30 jours de la mise en application du nouveau processus ou des nouvelles qualifications requises[75].

[174]    Contrairement aux employés des autres secteurs, les employés du laboratoire sont admissibles à une progression salariale automatique après chaque période de neuf mois au laboratoire.

[175]    De façon contemporaine à l’instruction, deux relèves non intégrées (RNI) travaillent au laboratoire. Les deux employés sont payés suivant l’indice le plus élevé dès qu’ils ont le poste, alors que l’un deux, qui occupait jusque-là le poste de cuviste, aurait dû être payé suivant un taux moins élevé pendant une période de neuf mois[76].

[176]    Un RNI est un employé régulier qui a reçu toutes les formations du poste qu’il occupe, qui est formé à certaines tâches d’un poste dans un autre secteur pour lequel il a posé sa candidature, mais pour lequel il n’y a pas encore d’ouverture. Il est formé pour pouvoir effectuer des remplacements dans cet autre poste en cas de besoin[77]. Lorsque le poste devient vacant de façon permanente, il est comblé par le RNI qui a le plus d’ancienneté[78].

[177]    Le RNI est rémunéré au niveau de la tâche la plus élevée de son regroupement.

[178]    À partir du 1er juillet 2007 jusqu’au 30 juin 2009, les indices salariaux 2, 4 et 6 s’appliquent aux employés réguliers qui travaillent dans le secteur, alors que les étudiants reçoivent une rémunération qui correspond à 85 % de l’indice 7[79].

[179]    La convention de 2012 réduit la rémunération des étudiants du secteur à 75 % de l’indice C payé au technicien III, comparativement à une rémunération qui jusque-là représentait un peu plus de 81 % de la rémunération des employés du secteur. Aucune explication n’est donnée pour justifier cette réduction du ratio de la rémunération des étudiants en comparaison de celle des réguliers.

(5)   Secteur Manutention - Transport

[180]    Il y a deux postes au secteur manutention - transport : opérateur manutention - transport et opérateur à la station de lavage. Aucun occasionnel n’est assigné à ce secteur.

[181]    Au poste d’opérateur manutention - transport, les étudiants n’effectuent que deux des neuf tâches, soit celles de :

·           Opérateur divers, qui conduit un chariot élévateur et un Tonka pour effectuer le déchargement et le chargement de camions, la vidange de benne et le transport entre les divers secteurs ;

·           Opérateur magasin, qui conduit un chariot élévateur pour faire la livraison entre l’usine et le magasin, et le déchargement du camion magasin.

[182]    Selon Samuel Hamelin, qui témoigne pour ABI, étant donné le type de permis requis pour conduire les véhicules, pour des raisons de santé et sécurité et à cause de la durée de la formation, les étudiants ne sont pas formés pour conduire tous les véhicules et donc ne participent pas à toute la rotation dans ce secteur.

[183]    Au cours des années 2007 et 2009, les opérateurs manutention sont rémunérés suivant l’indice 5 et les étudiants 85 % de l’indice 7[80]. La rémunération des étudiants représente un peu moins de 78 % de la rémunération des employés réguliers entre juillet 2007 et fin juin 2009.

[184]    Avec la convention de 2009, le même indice salarial est payé aux opérateurs des deux postes du secteur.

[185]    Au poste d’opérateur à la station de lavage, la tâche consiste à nettoyer les véhicules utilisés dans l’usine. Les étudiants font le même travail que les réguliers.

[186]    Au cours des mêmes années, les réguliers au poste d’opérateur lavage sont rémunérés suivant l’indice 6[81]. La rémunération des étudiants représentant toujours 85 % de l’indice 7, ils sont rémunérés un peu plus de 81 % de la rémunération des employés réguliers entre juillet 2007 et fin juin 2009.

[187]    L’indice de rémunération des employés de ce secteur change avec la convention collective de 2009, les opérateurs manutention et lavage étant payés suivant l’indice C [82] et les étudiants suivant l’indice E[83], spécifique aux étudiants.

[188]    Bien qu’ils fassent les mêmes tâches que les employés réguliers assignés au poste d’opérateur lavage, les étudiants sont rémunérés un peu moins de 75 % du taux payé aux réguliers.

(6)      Secteur Captation

[189]    Il n’y a qu’un seul poste dans le secteur captation, celui de technicien[84], qui comporte quatre tâches.

[190]    Les étudiants assignés à ce secteur n’accomplissent qu’une seule tâche du poste, celle de dépoussiéreur, la formation pour les autres tâches étant trop longue par rapport à la durée de leur période d’emploi d’après le témoignage non contredit de Samuel Hamelin, technicien en génie chimique au secteur environnement.

[191]    Les occasionnels accomplissent trois des quatre tâches du poste.

Tableau         Nombre de tâches effectuées par catégorie d’employés - Secteur captation

 

Nbre de tâches

Étudiants

Occasionnels

Technicien captation

4

1 sur 4

3 sur 4

[192]    En vertu des conventions collectives en vigueur en 2007, le technicien I est rémunéré suivant l’indice 2 alors que le technicien II est rémunéré suivant l’indice 4[85]. La rémunération des étudiants représente un peu plus de 74,5 % de la rémunération d’un technicien II et un peu plus de 69 % de celle d’un technicien I jusqu’au 1er juillet 2009.

[193]    Selon la convention en vigueur à partir de 2009, les employés qui occupent le poste de technicien I sont rémunérés suivant l’indice A, alors que ceux qui occupent le poste de technicien II sont rémunérés suivant l’indice B[86], le technicien II étant admissible à une progression vers technicien I après avoir détenu son poste pendant neuf mois, cette période incluant la période de formation[87].

[194]    À partir du 1er juillet 2009, la rémunération moyenne des étudiants représente un peu plus de 72 % de la rémunération d’un technicien II et près de 67,5 % de celle d’un technicien I.

(7)   Secteur Ingénierie

[195]    Au secteur de l’ingénierie, on retrouve le poste de technicien en documentation[88], ou coordonnateur documentation[89], qui comprend 13 tâches.

[196]    Les étudiants peuvent être assignés à ce secteur, mais pour n’y effectuer qu’une partie de la tâche de responsable de gérer les dessins papier et électroniques de l’usine, de la salle de reproduction et du local des archives, les occasionnels n’étant pas assignés à ce secteur. Il est donc difficile d’établir le pourcentage des tâches du poste qu’ils effectuent.

[197]    Jusqu’en 2012, le coordonnateur documentation est rémunéré suivant l’indice 4. Pour la période concernée par la réclamation, les étudiants sont rémunérés 85 % de l’indice 7 jusqu’au 1er juillet 2009, ce qui équivaut à près de 75 % du salaire payé à l’employé régulier.

[198]    La convention collective du secteur de 2009 prévoit un taux fixe applicable spécifiquement aux étudiants à partir du 1er juillet 2009, qui équivaut à près de 75 % du salaire payé aux réguliers du secteur.

[199]    La convention collective applicable à ce poste après 2012 n’est pas produite.

(8)   Secteur Approvisionnement

[200]    Il n’y a qu’un seul poste dans le secteur approvisionnement, celui d’adjointe à l’approvisionnement (magasin), qui comprend les neuf tâches suivantes :

1.      Personne ressource pour le support aux requérants et au magasin (résolution des problèmes techniques avec Oracle ou autres);

2.      Responsable de la codification;

3.      Investiguer les relances problématiques auprès des fournisseurs;

4.      Réapprovisionnement en urgence et régulier;

5.      Responsable des ASAT;

6.      Révision ou modification des procédures;

7.      Production de divers rapports (quotidien, mensuel, etc.);

8.      Assignation, annulation et consignation des items magasin (Oracle);

9.      Supporter les initiatives magasin (REX, MIS), etc.

[201]    Les étudiants peuvent être assignés à ce secteur, mais pour n’y effectuer qu’une partie de la tâche de personne-ressource pour le support aux requérants et au magasin (résolution des problèmes techniques avec Oracle ou autres)[90].

[202]    La Convention Opération et entretien 2004-2009 prévoyait une progression du poste de magasinier I à celui de magasinier III[91], rémunéré suivant les indices 4, 5 ou 6 (l’indice 6 correspondant au taux horaire le plus bas des trois). Cette progression n’est pas reprise dans la Convention Opération et entretien 2009-2012[92], le titulaire du poste étant rémunéré suivant l’indice C, et est réintégrée partiellement dans la Convention Opération et entretien 2012-2017 avec les postes de magasinier 1 et magasinier 2[93] rémunérés suivant les indices B et C.

[203]    En comparaison des employés réguliers qui sont assignés au poste, les étudiants sont rémunérés à :

a)     Près de 81 % du salaire des réguliers payés suivant l’indice 6, ou 77 % du salaire des réguliers payés suivant l’indice 5 ;

b)     Presque 75 % du salaire des réguliers payés suivant l’indice C ou 72 % du salaire des réguliers payés suivant l’indice B.

[204]    Les motifs au soutien d’une réduction du ratio de rémunération des étudiants en comparaison des employés réguliers n’ont pas été établis.

(9)      Secteur Entretien

[205]    Ce secteur comprend les mécaniciens et les électriciens qui voient à l’entretien et la réparation des équipements et des systèmes électriques de l’usine.

[206]    Réguliers, occasionnels, assistants entretien et étudiants travaillent dans ce secteur[94].

[207]    Les occasionnels reçoivent 712 heures de formation pour travailler comme mécanicien et 743 heures pour travailler comme électricien, contre 220 heures[95] pour les assistants entretien qui travaillent à la mécanique et 302 heures pour ceux qui travaillent comme assistant électricien.

[208]    En comparaison, les étudiants reçoivent environ 126 heures[96] de formation pour travailler avec les mécaniciens et 178 heures pour travailler avec les électriciens.

[209]    Le travail de mécanicien comprend du travail correctif et du travail préventif.

[210]    En ce qui concerne le travail correctif :

a)    À la réparation d’équipement, les occasionnels effectuent les cinq tâches seuls; les assistants en font une jumelés, deux seuls ou jumelés et deux seuls; les étudiants font quatre tâches jumelés et une seuls;

b)    À l’entretien de précision, les occasionnels font les quatre tâches seuls alors que les assistants entretien et les étudiants font toutes les tâches jumelés;

c)    Au dépannage et à la résolution de problème, les occasionnels travaillent seuls, les assistants jumelés et les étudiants n’effectuent aucune des deux tâches;

d)    À l’amélioration, les occasionnels font trois des quatre tâches seuls, et une jumelés; les assistants entretien sont jumelés aux quatre tâches; les étudiants n’en font aucune.

[211]    Aux tâches préventives :

a)    À l’inspection préventive des équipements, les occasionnels travaillent seuls aux cinq tâches; les assistants sont jumelés à quatre tâches et travaillent seuls ou jumelés à une tâche; les étudiants sont jumelés à toutes les tâches;

b)    À l’inspection prédictive, occasionnels, assistants et étudiants n’accomplissent aucune des quatre tâches.

[212]    De 2004 à 2009, l’assistant entretien est rémunéré suivant l’indice 7 alors que l’étudiant est rémunéré 85 % de l’indice 7[97]. Avec la convention de 2009-2012, le ratio de rémunération des étudiants en comparaison du taux horaire déterminé payable aux assistants passe à environ 78 %[98], sans que les tâches auxquelles ils sont assignés aient été réduites.

[213]    Les étudiants sont formés à 14 des 20 tâches du mécanicien (ou 70 % des tâches), comparativement aux assistants entretien qui les effectuent toutes. Aucune preuve n’a été administrée pour établir quel pourcentage du temps d’un assistant entretien chaque tâche occupe.

[214]    Le Tribunal n’est pas en mesure d’établir si la différence de rémunération entre étudiants et assistants entretien est justifiée.

C.              La réalité du fonctionnement de l’usine

[215]    Une poignée d’étudiants qui ont travaillé chez ABI témoignent sur les tâches qu’ils effectuent et la preuve fait état d’historiques de formation et d’affectations d’employés occasionnels et réguliers dans divers secteurs de l’usine.

1.     Les étudiants

a)     Laurie Pelletier

[216]    Laurie Pelletier travaille chez ABI durant les périodes permises dans les conventions collectives, entre mai 2008 et janvier 2012.

[217]    Elle a 18 ans lors de sa première période d’embauche. Après avoir reçu sa formation d’accueil, elle est affectée au spectrographe dans le secteur laboratoire où travaille en doublage pendant une journée à l’analyse du bain. Elle travaille en équipe de deux, va chercher les échantillons de métal, les rapporte au laboratoire et les prépare pour les analyses et la vérification des résultats.

[218]    Selon Mme Pelletier, elle effectue les mêmes tâches que les réguliers et les occasionnels lorsqu’ils sont assignés à ce poste.

[219]    À chaque période subséquente de travail chez ABI, elle est affectée aux mêmes tâches après avoir reçu une formation de mise à niveau d’une journée en doublage.

b)     Maxime Thibeau

[220]    Maxime Thibeau travaille chez ABI durant les périodes estivales des années 2006 à 2009.

[221]    À l’été 2006, il travaille dans le secteur fonderie au marquage et au four à homogénéisation, où il effectue deux des neuf tâches du poste d’opérateur polyvalent scies. Il n’effectue pas la manipulation du pont levant, ne faisant qu’aider l’employé régulier.

[222]    Durant l’été 2007, il est sélectionné pour recevoir la formation de chariot élévateur 3 tonnes et est assigné à l’expédition, toujours dans le secteur fonderie. Il est aussi formé à la conduite des chariots 14 et 28 tonnes.

[223]    Il est affecté au chargement des wagons type Box et Flat bed et participe, au poste d’opérateur expédition, à la rotation des tâches avec les réguliers, sauf pour la tâche de bureau. Il confirme que les étudiants et les occasionnels ne sont pas formés à cette tâche à cause de sa durée et du fait que lorsque leur tour viendrait dans la rotation d’effectuer la tâche, leur période d’emploi serait terminée.

[224]    Il travaille suivant un horaire de dix heures par jour quatre jours par semaine, et fait des heures supplémentaires lorsque cela est nécessaire pour terminer une charge.

c)      Marie-Ève Thibeault

[225]    Marie-Ève Thibeault a 18 ans à sa première période d’embauche chez ABI, où elle travaille au cours des années 2007 à 2010, au secteur carbone, au poste d’opérateur four à cuire, au chariot élévateur et au pont roulant : elle effectue les tâches d’aide-gazier, jointoyage et cerclage des anodes.

[226]    Elle soutient avoir fait les mêmes tâches que les employés réguliers et occasionnels, et trouvait injuste de ne pas avoir la même rémunération qu’eux, information qu’elle obtient dès sa première période d’embauche.

d)     Marjorie Turcotte

[227]    Marjorie Turcotte a 19 ans lors de sa première embauche chez ABI en mai 2006. Elle travaille chaque année à l’usine jusqu’en 2010, au secteur manutention - transport, aux postes d’opérateur divers et opérateur magasin, où elle effectue une partie des tâches.

[228]    Elle apprend la différence de salaire entre les étudiants et les autres employés au cours de son troisième été chez ABI. Elle revient y travailler malgré ce qu’elle considère être une injustice, parce que malgré tout, les conditions de travail sont bonnes et « c’est mieux que rien ». À noter qu’elle suit des cours de droit et en ressources humaines.

e)     David Vincent-Auger

[229]    David Vincent-Auger travaille chez ABI à diverses périodes à partir de 2008, alors qu’il est âgé de 18 ans, jusqu’en 2012, dans le secteur carbone au poste de scellement, comme opérateur de machine à bain.

[230]    En 2010, durant la « crise des anodes », alors qu’ABI a besoin d’augmenter le rythme de réparation des anodes, il donne du doublage aux employés occasionnels à la machine à bain.

[231]    Lors de ses deux premiers étés chez ABI, il travaille uniquement à la machine à bain et à la grenailleuse ; pas sur l’accrochage-décrochage. Il reçoit la formation à cette tâche au début de son troisième été.

[232]    Il n’est jamais formé aux tâches de traitement du carbone et du bain, chariot de coulée, ni à la soudeuse-oxycoupeuse.

[233]    Bien qu’informé dès son premier été de l’écart de rémunération avec les autres employés, il revient travailler à l’Aluminerie parce que le salaire est bon. Il estime qu’il faisait le même travail que les employés réguliers, et il s’est senti discriminé du fait de recevoir un salaire moindre.

f)       Simon Labrie

[234]    Simon Labrie travaille chez ABI de 2008 à 2010, au secteur électrolyse. Il ne complète pas sa première période d’emploi à cause d’un problème de santé, ayant dû s’absenter avant d’avoir complété sa formation, qu’il recommence lors de sa deuxième période d’emploi à l’été 2009.

[235]    Il a 18 ans lors de sa première embauche ; il est formé à la coulée de métal, au calorifugeage et au changement des anodes au sol, une tâche dangereuse. Il ne fait pas le relevage de cadres ni le changement d’anodes dans le pont roulant.

[236]    Lorsqu’il apprend, au cours de son premier contrat chez ABI, que les étudiants sont rémunérés à un taux inférieur à celui des autres employés, il se sent discriminé et rabaissé. Il revient tout de même travailler à l’Aluminerie parce qu’il ne s’est pas trouvé d’emploi dans son domaine, le génie civil.

g)     Alexandra Dumont

[237]    Alexandra Dumont travaille chez ABI les étés des années 2007 à 2011. Elle a 18 ou 19 ans lorsqu’elle est engagée la première fois.

[238]     Au cours de son premier été, elle travaille dans le secteur fonderie, à la vidange de creusets.

[239]    Au cours de l’été 2008, elle reçoit la formation d’élaboration et est donc assignée à cette tâche en plus de celle de vidange de creuset.

[240]    Au cours de son troisième été chez ABI, en 2009, elle est formée et assignée sur les départs et arrêts de tés. Elle fait aussi le cadenassage des machines en cas de bris ou d’arrêt pour entretien, une tâche lourde qu’elle a montrée à des employés occasionnels et étudiants.

[241]    Elle travaille toutes les fins de semaine du mois de mars 2008 avant la période d’été. Avant sa troisième année chez ABI, il n’y a pas d’occasionnels. Lorsqu’ils arrivent, forcément ils sont moins formés qu’elle, mais bénéficient d’une rémunération plus élevée, situation qu’elle ne comprend pas alors qu’il lui arrive d’avoir à les former ou les assister lorsqu’ils ne savent pas faire une tâche.

[242]    En 2010, elle a reçu les formations à toutes les tâches.

[243]    Elle revient travailler chez ABI malgré qu’elle considère la disparité salariale injuste, parce que « cela était plus payant que de travailler chez Mc Donald’s ». Elle a toujours pensé qu’elle était une employée occasionnelle parce que c’est ce qu’indiquaient ses talons de paie et son relevé d’emploi[99].

2.     Les occasionnels

[244]    Nous présentons ici le cursus de formation de certains employés occasionnels, à la lumière des informations contenues aux pièces produites.

a)     L’exemple de l’opérateur four à cuire dans le secteur carbone

(1)   Michel Bigué

[245]    Michel Bigué entre au secteur carbone comme opérateur four à cuire le 3 juin 2008[100]. Il y reste 11 mois, de juin 2008 à mai 2009, période durant laquelle il reçoit les formations de jointoyeur, contrôle des anodes et MSC.

[246]    Il n’effectue que trois des cinq tâches du poste durant ces onze mois, et est rémunéré suivant l’indice du poste (l’indice 5), près de 25 % de plus que l’employé au statut d’étudiant qui travaille dans le même secteur et est éventuellement appelé à faire les mêmes tâches que lui.

[247]    M. Bigué quitte le secteur carbone en mai 2009 pour être assigné au secteur électrolyse[101]. Il revient au secteur carbone comme opérateur four à cuire en 2014.

[248]    En novembre 2014, il reçoit les formations de jointoyeur et MSC. Pendant ces deux premiers mois (plus ou moins puisque les dates auxquelles il est assigné à ce poste et les dates de fin des formations ne sont pas précisées), il n’effectue que deux des cinq tâches du poste d’opérateur four à cuire (40 % des tâches) tout en recevant la rémunération horaire maximale prévue pour ce poste dès après sa période de formation.

[249]    Il est formé à la tâche de contrôle des anodes en janvier 2015. Ce n’est qu’en septembre 2015, huit mois plus tard, qu’il reçoit la formation de gazier. Il reçoit la formation de tour à pâte 2 en 2016, une des deux tâches du poste d’opérateur anodes, à une date qui n’est pas précisée.

[250]    Il aura fallu plus d’un an pour qu’il soit formé à 80 % des tâches au poste d’opérateur four à cuire. En 2016, il est formé à la moitié des tâches du poste d’opérateur anodes. La preuve ne dit pas à quel poste il est affecté en 2016.

[251]    Quoi qu’il en soit, il a reçu la rémunération maximale prévue tant pour le poste d’opérateur four à cuire, que pour le poste d’opérateur anodes.

(2)   Pascal Duval

[252]    Pascal Duval entre au secteur carbone le 25 août 2008. Il reçoit les formations de jointoyeur, contrôle anodes et MSC en 2008, et celle d’aide-gazier en 2009.

[253]    Il reste 26 mois dans le secteur avant d’être assigné au secteur électrolyse, pour revenir au secteur carbone comme opérateur four à cuire le 26 novembre 2014, comme RNI.

[254]    Pascal Duval reçoit deux formations en novembre 2014, celles de jointoyeur et de contrôle anodes. La formation MSC lui est donnée en décembre 2014, et celle de gazier en 2015, à une date non précisée.

[255]    Il aura donc reçu les formations afférentes aux tâches du poste sur une période de plusieurs mois, voire de plus d’une année.

(3)   Jean Fréchette

[256]    Jean Fréchette entre au secteur carbone le 25 octobre 2000. Il ne reçoit les formations de jointoyeur et aide-gazier qu’en 2005.

[257]    Il quitte le secteur le 30 août 2006, pour aller travailler dans le secteur électrolyse, et y revient le 25 avril 2014.

[258]    Il reçoit la formation de jointoyeur en novembre 2014, sept mois après avoir été assigné au secteur. Il reçoit aussi cette année-là les formations de contrôle anodes et MSC. Ce n’est qu’en 2015 qu’il reçoit la formation de gazier.

(4)   Daniel Hould

[259]    Daniel Hould arrive au secteur carbone le 28 novembre 1994. Il reçoit les formations de jointoyeur, contrôle anodes, MSC et aide-gazier en 1997, plusieurs années après avoir été assigné au poste d’opérateur four à cuire.

[260]    Il change de secteur le 11 février 1999, pour revenir au secteur carbone en juin 2013. Il reçoit les formations de jointoyeur, MSC, et aide-gazier en 2013 et celle de contrôle anodes en février 2014.

(5)   Janie Pelletier

[261]    Janie Pelletier entre au secteur carbone le 13 juin 2005 comme opérateur four à cuire. Elle reçoit les formations de jointoyeur, MSC et aide-gazier en 2005 et celle de contrôle anodes en 2006.

[262]    Elle quitte le secteur pour un autre en mars 2009, y revient en octobre 2014 et reçoit successivement les formations de jointoyeur, contrôle anodes et MSC. Pas celle d’aide-gazier.

[263]    À son retour dans le secteur carbone, elle n’est donc formée qu’à trois des cinq tâches (60 % des tâches), et est rémunérée suivant l’indice du poste.

(6)   Claude Soumis

[264]    Claude Soumis est engagé comme occasionnel en 2002, au secteur carbone. Il quitte ce secteur pour aller travailler à l’électrolyse de 2002 à 2014[102].

[265]    Lorsqu’il revient au secteur carbone en 2014, il doit mettre sa formation à jour. Il est payé suivant l’indice B payable aux opérateurs four à cuire même s’il ne peut pas faire toutes les tâches du poste.

[266]    Il ne peut effectuer que deux tâches sur sept pendant ses cinq premiers mois au poste, alors qu’il reçoit une formation en avril 2014 et une en mai 2014.  Il est formé à une troisième tâche en septembre 2014. Ce n’est qu’en 2016, plus d’un an plus tard, qu’il est formé à deux autres tâches du poste. Alors qu’il est éligible à effectuer les sept tâches du poste, en 2017, plus de quatre ans après avoir été affecté au poste, il n’a été formé qu’à cinq tâches (71 % des tâches du poste), n’ayant pas encore reçu les formations de jointoyeur et d’aide-gazier[103].

(7)   Martin Doucet

[267]    Martin Doucet entre au secteur carbone le 8 novembre 1999. Il reçoit les formations de jointoyeur et aide-gazier en 2000, celle de MSC en 2003 (plus ou moins trois ans plus tard), celle de contrôle anodes en 2004, mais jamais celle de gazier.

[268]    Pendant plus de deux ans, il ne peut effectuer que deux tâches sur cinq (40 % des tâches) du poste d’opérateur four à cuire et, pendant plus de quatre ans, que trois tâches sur cinq (60 % des tâches).

[269]    M. Doucet quitte le secteur carbone le 6 octobre 2008 pour le secteur électrolyse. Lorsqu’il revient au secteur carbone le 28 avril 2014, il est formé à quatre des cinq tâches du poste d’opérateur four à cuire, 80 % des tâches du poste, soit MSC, contrôle anodes et jointoyeur en mai 2014, puis gazier en juin 2014. Il est formé aux tâches de Tour à pâte 1 et 2 en 2016 du poste d’opérateur anodes.

(8)   Mélanie Therrien

[270]    Mélanie Therrien entre au secteur carbone le 3 juin 2008. Elle reçoit la formation pour pouvoir exécuter trois des cinq tâches du poste en 2008.

[271]    Elle quitte le secteur le 2 juin 2009 pour y revenir le 29 juin 2015. Elle reçoit la formation de jointoyeur en janvier 2015, celles de contrôle anodes et MSC en février 2015 et celle d’aide-gazier neuf mois plus tard, en novembre 2015.

b)     L’exemple de l’Opérateur scellement dans le secteur carbone

(1)   Jean-Marie Bazin

[272]    Jean-Marie Bazin travaille au secteur carbone de 1995[104] à 2001.

[273]    Formé uniquement à la tâche soudeuse-oxycoupeuse, il n’exécute qu’une tâche sur sept pendant six ans et ne participe pas aux rotations dans le sous-secteur scellement, tout en étant payé au taux horaire prévu pour le poste.

[274]    Il revient au sous-secteur scellement en 2013. Il reçoit les formations défonteuse[105] et traitement du carbone en 2013 (qui correspondent à une tâche[106]) ; celle de chariot de coulée en février 2014 ; celle de four à induction en avril 2014 (deux mois plus tard) ; celle de nettoyage du bain en septembre 2014 ; celle de traitement du bain et accrochage-décrochage en novembre 2014 (six mois plus tard) ; et enfin celle de soudeuse-oxycoupeuse en 2015[107].

[275]    Il aura fallu deux ans pour qu’il soit formé à toutes les tâches du poste d’opérateur scellement avant de pouvoir participer à la rotation à toutes les tâches du poste.

(2)   Sylvain Brunelle

[276]    Sylvain Brunelle travaille au secteur carbone une première période, du 11 août 1999 au 6 octobre 2008.

[277]    Il reçoit deux formations en 1999, celles de nettoyage et traitement du bain. Il en reçoit trois autres en 2000 celles de défonteuse, traitement du carbone et accrochage-décrochage.

[278]    Jusqu’à ce qu’il reçoive une autre formation au cours de l’année 2006 (environ six ans plus tard), il n’effectue donc que quatre tâches sur sept (un peu plus de 57 % des tâches). Conséquemment, lorsqu’il participe aux rotations des employés, il ne peut être assigné qu’à l’une ou l’autre tâche à laquelle il a été formé.

[279]    Il reçoit une cinquième formation, celle de soudeuse-oxycoupeuse en 2008, et quitte le secteur pour celui de l’électrolyse, au poste d’opérateur cuves polyvalent alors qu’il n’est formé qu’à 71 % des tâches du poste d’opérateur scellement.

[280]    Le 28 avril 2014, il devient RNI scellement. D’avril à octobre (environ sept mois), il est formé à six des sept tâches, n’étant pas formé à celle de four à induction.

[281]    La convention collective prévoit qu’un employé qui a travaillé 24 ou 36 heures par période de six mois à des tâches est exempté d’avoir à suivre une formation déjà reçue. Comme il a été absent du secteur pendant près de cinq ans, Sylvain Brunelle n’échappe pas au processus de rafraîchissement obligatoire[108].

[282]     N’ayant pas été formé à la tâche de four à induction, il ne peut exécuter que six tâches sur sept depuis son retour dans le secteur, trois ans au moment de l’instruction de l’affaire.

(3)   Pierre Duguay

[283]    La première période de Pierre Duguay au secteur carbone est du 26 avril 1999 au 6 octobre 2008. Il reçoit quatre formations en 1999 (la tâche de défonteuse et traitement de carbone correspondant à une seule tâche dans le tableau préparé par ABI, comme expliqué précédemment), et reçoit deux autres formations (four à induction et chariot de coulée) en 2008, huit ans plus tard.

[284]    Pendant plus de huit ans, il ne peut effectuer que quatre tâches sur sept (57 % des tâches), puis six tâches sur sept (85 % des tâches) quelques mois en 2008, jusqu’à ce qu’il quitte le secteur.

[285]    Lorsqu’il revient dans le sous-secteur scellement le 3 mars 2014 comme RNI, sur une période de sept mois, entre avril et octobre 2014, il reçoit les formations de quatre des sept tâches du sous-secteur.

[286]    Il est formé pour une cinquième tâche en mars 2015 (soudeuse-oxycoupeuse), et une sixième tâche, celle de chariot de coulée six mois plus tard en septembre 2015. Il reçoit la dernière formation de four à induction en février 2016.

[287]    Il aura donc fallu presque deux ans pour qu’il soit formé à toutes les tâches du poste.

(4)   Daniel Hamel

[288]    Daniel Hamel entre au secteur carbone le 3 décembre 2001. Il reçoit une première formation en 2001 et trois autres en 2002. Pendant plus d’une année, il ne peut donc effectuer que quatre tâches sur sept du sous-secteur scellement. Il reçoit les formations complémentaires du poste qu’il occupe au cours de l’année 2003 (la pièce ne précisant pas à quel moment). Sa formation aux sept tâches aura donc aussi été étalée sur deux ans.

[289]    Il quitte le sous-secteur le 1er décembre 2006 pour y revenir le 3 décembre 2013 comme régulier. Il est formé à une tâche en 2013 et à cinq en 2014, sur une période d’au moins six mois[109]. Il reçoit la dernière formation en 2015 (le mois n’étant pas précisé). Il lui aura fallu plus d’un an pour être habilité à exécuter toutes les tâches du sous-secteur.

(5)   Roger Lacroix

[290]    Roger Lacroix travaille dans le sous-secteur scellement du 19 février 2001 au 3 novembre 2003. Au cours de sa première année dans ce sous-secteur, il est formé à exécuter quatre des sept tâches (57 % des tâches). Il ne reçoit aucune autre formation pendant les deux ans qui suivent, avant de quitter le secteur.

[291]    Il revient au sous-secteur scellement le 25 avril 2014 comme opérateur RNI scellement. En mai, juin et juillet 2014, il reçoit les quatre mêmes formations que celles qu’il avait reçues en 2001. Il reçoit une cinquième et dernière formation en 2015[110], pour n’être formé qu’à 71 % des tâches du poste.

(6)   Patrick Plourde

[292]    Patrick Plourde arrive au secteur carbone le 7 mai 2008. Au cours de cette première année au sous-secteur scellement, il reçoit la formation pour exécuter trois des sept tâches du secteur, un peu moins de 43 % des tâches du poste. Il n’est formé à aucune autre tâche avant de quitter le sous-secteur le 16 mars 2009[111].

[293]    Il y revient le 28 avril 2014, comme opérateur polyvalent élabo-coulée et RNI scellement. Il est formé à la tâche soudeuse-oxycoupeuse du poste opérateur scellement en 2013. Il est formé à une autre tâche du poste en mai 2014 et deux autres en novembre 2014, six mois plus tard. Il reçoit une formation en 2015 et une dernière en 2016. Il aura fallu plus de trois ans pour qu’il soit formé à toutes les tâches d’opérateur de scellement.

(7)   Jean-Martin Côté

[294]    Jean-Martin Côté entre au secteur carbone le 8 novembre 1999 comme occasionnel au poste d’opérateur scellement, où il reste jusqu’au 23 novembre 2008. Il est formé à deux des sept tâches en 1999 et à deux autres au cours de l’année 2000. Il ne peut donc effectuer que quatre tâches du sous-secteur jusqu’à ce qu’il reçoive deux autres formations, plus ou moins six ans plus tard, au cours de l’année 2006.

[295]    Il revient au secteur carbone le 28 avril 2014 comme opérateur cuves et RNI scellement. Il reçoit quatre premières formations en mai 2014, une autre six mois plus tard en novembre 2014 et une dernière en décembre 2014. Il ne peut effectuer que six des sept tâches du sous-secteur scellement.

3.     Les réguliers

[296]    Les historiques de formation des réguliers Steve Montambault[112] et Claude Langlois[113] révèlent qu’ils ne sont pas formés à toutes les tâches du poste qu’ils occupent au laboratoire.

[297]    Samuel Hamelin devient coordonnateur dans le secteur environnement en 2009. À l’été 2014, il devient superviseur au laboratoire et à l’été 2015, superviseur relève à la captation en plus de son poste à l’environnement.

[298]    Il confirme que Steve Montambault travaille à l’environnement pour une période de trois mois durant l’été 2015 par le truchement de l’article 15.09 de la Convention laboratoire et environnement 2012-2017[114] qui prévoit que lors d’embauche d’étudiants, la priorité sur les postes de jour est accordée aux salariés sur les quarts, celui qui obtient un poste devant s’engager pour une durée d’au moins trois mois.

[299]    Alors qu’il avait un poste de technicien I laboratoire, durant la période d’été il faisait la même tâche d’air ambiant au sous-secteur environnement que l’étudiant qui aurait occupé le poste, tout en étant rémunéré au taux du technicien I[115].

[300]    Samuel Hamelin confirme également que, alors qu’un employé régulier du secteur devrait pouvoir intervenir devant un résultat d’analyse anormal il est possible que, comme l’étudiant, il fasse appel au superviseur pour faire corriger la situation.

[301]    Il déclare aussi que depuis la réorganisation de 2013, il n’y a plus de rotation au laboratoire entre la tâche spectrographie analyse du bain et spectrographie analyse du métal, les étudiants n’étant formés qu’à l’analyse du bain.

[302]    Dans l’équipe du sous-secteur environnement du secteur laboratoire, trois techniciens sur cinq sont formés pour faire toutes les tâches. Un employé est libéré pour assumer des responsabilités syndicales et le cinquième ne participe pas à la rotation des tâches pour lesquelles il n’a pas reçu la formation. Sur les cinq tâches, il peut en effectuer trois, celles d’air ambiant, eau et air émission.

[303]    Étienne Caron, directeur opération du secteur carbone, confirme ce qui suit :

[304]    Luc Kovac, qui occupe un poste d’opérateur scellement :

a)     Reçoit deux formations sur une période de sept mois (machine à bain et chariot de coulée), entre avril et novembre 2011, période durant laquelle il ne peut effectuer que deux tâches sur sept dans le secteur ;

b)     Quitte le secteur après le 29 novembre 2011 et revient au poste d’opérateur scellement le 14 septembre 2015 : au moment de l’instruction (6 ans plus tard), il n’a été formé qu’à quatre des sept tâches du poste[116], 57 % des tâches du poste.

[305]    Martin Tranchemontagne, qui travaille comme opérateur scellement du 27 février 2011 au 9 juin 2013 (2 ½ ans), n’est formé qu’à quatre des sept tâches du poste[117] (57 % des tâches du poste).

[306]    Sandra Grimard, qui travaille au scellement du 18 mars 2012 au 13 février 2013, ne reçoit que deux formations sur sept[118] (28,5 % des tâches du poste).

[307]    Patrick Plourde travaille plus d’un an comme opérateur scellement, entre le 6 mai 2008 et le 15 juin 2009, période durant laquelle il n’est formé qu’à trois des sept tâches[119] (42 % des tâches du poste).

III.        ANALYSE

[308]    Les dispositions pertinentes de la Charte sont celles qui suivent :

4. Toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation.

10. Toute personne a droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, l’identité ou l’expression de genre, la grossesse, l’orientation sexuelle, l’état civil, l’âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l’origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l’utilisation d’un moyen pour pallier ce handicap.

Il y a discrimination lorsqu’une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit.

19. Tout employeur doit, sans discrimination, accorder un traitement ou un salaire égal aux membres de son personnel qui accomplissent un travail équivalent au même endroit.

Il n’y a pas de discrimination si une différence de traitement ou de salaire est fondée sur l’expérience, l’ancienneté, la durée du service, l’évaluation au mérite, la quantité de production ou le temps supplémentaire, si ces critères sont communs à tous les membres du personnel.

Les ajustements salariaux ainsi qu’un programme d’équité salariale sont, eu égard à la discrimination fondée sur le sexe, réputés non discriminatoires, s’ils sont établis conformément à la Loi sur l’équité salariale (chapitre E12 001).

46. Toute personne qui travaille a droit, conformément à la loi, à des conditions de travail justes et raisonnables et qui respectent sa santé, sa sécurité et son intégrité physique.

49. Une atteinte illicite à un droit ou à une liberté reconnue par la présente Charte confère à la victime le droit d’obtenir la cessation de cette atteinte et la réparation du préjudice moral ou matériel qui en résulte.

En cas d’atteinte illicite et intentionnelle, le tribunal peut en outre condamner son auteur à des dommages-intérêts punitifs.

1re Question :         Les conditions salariales des étudiants portent-elles atteinte à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, de leurs droits à un salaire égal et à des conditions de travail justes et raisonnables sans distinction ou exclusion fondée sur leur condition sociale ou de leur âge, en contravention des articles 10, 19 et 46 de la Charte ?

[309]    Pour les motifs énoncés ci-dessous, le Tribunal répond par l’affirmative à cette question.

A.        La discrimination à première vue

[310]    Dans un premier temps, la Commission doit faire la preuve par prépondérance des probabilités de trois éléments pour établir qu’il y a discrimination à première vue :

·           Une distinction, une exclusion ou une préférence[120] ;

·           Fondée sur l’un des motifs énumérés au premier alinéa de l’article 10 de la Charte[121] ;

·           Ayant pour effet de détruire ou de compromettre le droit à la pleine égalité dans la reconnaissance et l’exercice d’un droit ou d’une liberté de la personne[122].

[311]    Une fois cette preuve faite, l’auteur du comportement peut se justifier en invoquant les exemptions prévues par la loi. S’il échoue dans sa démonstration, le Tribunal conclura à l’existence d’une discrimination interdite[123].

[312]    Le premier élément constitutif de la discrimination est l’existence d’une distinction ou d’une exclusion, qui consiste en une décision, une mesure ou une conduite qui touche la personne ou le groupe de personnes qui s’en plaint d’une manière différente d’autres personnes[124].

[313]    La discrimination est :

[] une distinction, intentionnelle ou non, mais fondée sur des motifs relatifs à des caractéristiques personnelles d’un individu ou d’un groupe d’individus, qui a pour effet d’imposer à cet individu ou à ce groupe des fardeaux, des obligations ou des désavantages non imposés à d’autres ou d’empêcher ou de restreindre l’accès aux possibilités, aux bénéfices et aux avantages offerts à d’autres membres de la société. Les distinctions fondées sur des caractéristiques personnelles attribuées à un seul individu en raison de son association avec un groupe sont presque toujours taxées de discriminatoires, alors que celles fondées sur les mérites et capacités d’un individu le sont rarement.[125]

(Nos soulignements)

[314]    Le caractère discriminatoire d’un acte s’apprécie en fonction de ses effets[126]. L’intention de l’auteur de l’acte n’est pas pertinente[127], les actions ou les omissions discriminatoires pouvant être multifactorielles ou inconscientes[128], la bonne foi n’étant pas une défense recevable[129].

[315]    La Charte ne protège pas le droit à l’égalité en soi. Elle protège le droit à l’égalité dans l’exercice des droits prévus à l’alinéa 1 de son article 10. Pour qu’il y ait discrimination, le traitement différent qui est dénoncé doit être rattaché à l’exercice d’un droit ou d’une liberté protégé par la Charte[130].

[316]    La personne qui allègue qu’un traitement distinct constitue une discrimination interdite par la Charte doit démontrer qu’il y a un lien entre un motif prohibé de discrimination prévu à la Charte et le traitement distinct, que ce motif a été un facteur dans l’adoption du traitement différent[131].

[317]    En matière salariale, comme en l’instance, le seul fait que le salaire payé à un groupe d’employés soit inférieur à celui versé à d’autres n’est donc pas suffisant pour être considéré discriminatoire. Il n’y a discrimination que si le groupe qui reçoit une rémunération moindre effectue un travail équivalent[132] et si la preuve prépondérante établit que la distinction est fondée sur un motif interdit par l’article 10 de la Charte[133], l’âge ou la condition sociale en l’occurrence[134].

[318]    Pour décider si un travail est équivalent à un autre, il faut tenir compte des qualifications requises des différentes catégories d’employés, de l’effort requis, des responsabilités assumées et des conditions de travail[135]. « Le résultat final de l’exercice doit conduire à écarter les pratiques ou structures, négociées ou non, qui reposent sur des mœurs sociales et culturelles qui contribuent à créer de la discrimination »[136].

[319]    Le guide ultime pour conclure à la présence d’une situation discriminatoire à première vue est la preuve que le désavantage dénoncé est arbitraire. La perpétuation de stéréotypes ou de préjugés ne constitue qu’un indice pertinent[137].

[320]    Pour les motifs qui suivent, le Tribunal conclut que la Commission s’est déchargée du fardeau d’établir la discrimination prima facie en l’instance.

1.     La distinction

[321]    Les étudiants ne sont pas affectés à un poste — comme les réguliers ou les occasionnels — mais à des tâches.

[322]    Avant l’entrée en vigueur, le 1er janvier 1995, de la modification de la rémunération des étudiants prévue à la Convention 1994-2000[138], ceux-ci étaient rémunérés comme les réguliers et les occasionnels, suivant l’indice applicable au poste aux tâches duquel ils étaient formés, sans considération pour le nombre de tâches du poste qu’ils effectuaient.

[323]    ABI introduit unilatéralement la réduction de la rémunération des étudiants par rapport à celle des réguliers et des occasionnels dans l’offre finale qu’elle fait au Syndicat dans le cadre des négociations afférentes au renouvellement des conventions collectives qui viennent à échéance.

[324]    Les parties s’entendent sur le fait que le Syndicat n’avait pas le choix d’accepter l’offre finale d’ABI pour que les négociations aboutissent à la signature de conventions, et que la modification du salaire des étudiants n’était pas justifiée par une modification des tâches ou des responsabilités qui leurs étaient confiées.

[325]    La distinction salariale n’est pas contestée et apparaît clairement des conventions collectives : depuis le 1er janvier 1995, les étudiants gagnent un salaire inférieur à celui des occasionnels ou des réguliers (suivant le groupe de comparaison applicable), et le ratio de la différence s’est accentué avec la Convention 2009-2012.

2.     La distinction est-elle fondée sur un motif prévu à l’article 10 ?

[326]    La Commission et le Syndicat soutiennent que la rémunération moindre payée aux étudiants est contraire à la Charte parce que fondée sur leur condition sociale d’étudiant ou leur âge.

a)          La condition sociale

[327]    Dès 1982, la Cour provinciale assimile la condition d’étudiant et le fait que les étudiants travaillent durant l’été pour payer leurs études à une « condition sociale » au sens de la Charte[139].

[328]    En 1987, le juge en chef de la Cour d’appel va dans le même sens en obiter dans Lévesque c. Québec (Procureur général)[140].

[329]    Le juge Yves Mayrand s’exprime en ces termes sur la question dans Champagne c. Québec (Tribunal administratif du Québec)[141] :

43  En adoptant une méthode d’interprétation large et libérale, nous pouvons dire que le niveau d’éducation d’une personne est une composante essentielle de la notion de condition sociale. Souvent, la détermination du groupe auquel un individu appartient, ou encore la place qu’il occupe dans la société, est liée à son éducation. Il est clair que les étudiants constituent un groupe défini, une certaine “classe” ou tranche de la société. Les étudiants ont un statut particulier et plusieurs caractéristiques sont rattachées au groupe “étudiant” (ils n’ont pas beaucoup de revenus, ne contribuent pas encore à l’économie de la société, mais représentent les travailleurs futurs, l’économie future). Ainsi, le fait d’être étudiant peut dans certains cas être considéré comme une condition sociale. Il ne faudrait pas effectivement priver les membres de ce groupe de tout recours en excluant le fait d’être étudiant de la notion de “condition sociale”.

(Nos soulignements)

[330]    La condition sociale est donc la situation qu’une personne occupe au sein d’une communauté en fonction de ses origines, de son niveau d’instruction, de son occupation, de son revenu et des perceptions et représentations qui se rattachent à ces données objectives au sein de sa communauté, situation qui de par sa définition — contrairement à des motifs interdits de discrimination comme la race et la couleur — peut représenter un état temporaire[142].

[331]    Les étudiants sont généralement reconnus comme faisant partie d’une classe inférieure de travailleurs, comme il appert des commentaires des juges administratifs Dominique Bélanger et Pierre Lanthier :

[92]  [...], il existe dans la société québécoise une idée que la main-d’œuvre étudiante est une main-d’œuvre à bon marché. Bien que Placement Québec semble véhiculer que la main-d’œuvre étudiante est une main-d’œuvre qualifiée, la Directive semble véhiculer que la main-d’œuvre étudiante est une main-d’œuvre bon marché. Ce que le requérant soumet, c’est que le gouvernement, sous prétexte de leur fournir un emploi d’été, profite de l’occasion pour obtenir la main-d’œuvre dont il a besoin à moindre coût.

[93]  Le requérant soumet que la précarité de l’emploi chez les étudiants et leur situation de vulnérabilité socio-économique ne permettent pas au gouvernement de les payer près la moitié du salaire des employés occasionnels pour effectuer le même travail.

[94]  Sous cet angle, la question qui se pose est celle de savoir si, et si oui jusqu’à quel point, pour permettre à un groupe en situation de vulnérabilité ou de précarité économique d’obtenir des emplois, un employeur peut réduire leur traitement par rapport à un autre groupe de travailleurs. Le Tribunal est d’avis que cette question est fort sérieuse.

[95]   [...] l’embauche des étudiants permet que soit comblé un réel besoin de main-d’œuvre. [][143]

(Reproduction intégrale - Nos soulignements)

[332]    ABI, comme un grand nombre d’employeurs, embauche des étudiants parce qu’ils sont disponibles durant les périodes de vacances de ses employés réguliers et occasionnels.

[333]    Elle établit les tâches auxquelles ils peuvent être assignés en fonction des demandes du Syndicat formulées au nom des réguliers et des occasionnels (ex. : les réguliers veulent pouvoir faire les changements d’anodes dans la cabine pour être à l’abri des changements de température, à l’exclusion des étudiants qui ne participent à la tâche qu’au sol), et de la durée limitée par les conventions collectives durant laquelle les étudiants peuvent travailler.

[334]    Il s’agit de rentabiliser le temps de formation qui leur est consacré de façon à utiliser au mieux le nombre de jours durant lesquels les conventions collectives prévoient que des étudiants peuvent travailler à l’usine.

[335]    Les étudiants n’ont participé à aucune des négociations des conventions collectives puisque celles-ci se déroulent à l’automne, après leur période d’embauche, et n’ont pas voté sur les propositions échangées entre ABI et le Syndicat. De ce fait, règle générale, la question de la disparité de leurs conditions salariales n’a pas été soulevée dans le cadre des discussions ou n’a été soulevée que du bout des lèvres. Durant la période couverte par la réclamation, elle n’a constitué ni une priorité ni une question importante pour les autres salariés.

[336]    Les tâches auxquelles les étudiants peuvent être assignés sont déterminées par la durée maximale d’embauche permise par les conventions collectives. Celle-ci est directement liée au fait que, en dehors de leur période d’embauche, ils doivent être étudiants à temps plein.

[337]    Pour justifier le salaire moindre qu’elle leur verse, ABI invoque que les étudiants ne peuvent pas effectuer toutes les tâches et qu’ils ne peuvent travailler que pour une durée limitée, celle-ci étant fixée par elle et le Syndicat. L’expérience a prouvé qu’en cas de besoin, la main-d’œuvre étudiante est plus efficace que l’embauche de nouveaux occasionnels et, lorsque l’Aluminerie et le Syndicat s’entendent, les étudiants travaillent à l’usine en dehors des périodes prévues par les conventions collectives.

[338]    Il découle de ce qui précède que ce qui distingue les étudiants des occasionnels et des réguliers, c’est le fait qu’ils soient des étudiants à temps plein en dehors des périodes d’emploi prévues aux conventions collectives.

[339]    De même, parce qu’ils sont minoritaires parmi les syndiqués, que les négociations se déroulent en dehors de leur période d’embauche et qu’ils n’ont jamais été appelés à voter sur leur condition salariale, la condition sociale des étudiants a été un facteur dans la distinction qui leur a été imposée.

b)          L’âge

[340]    Selon les chiffres d’ABI, l’âge moyen à l’embauche des « salariés syndiqués » (expression utilisée par ABI) est de 31,87 ans et leur âge médian est de 30 ans : 15 % des employés réguliers ont 25 ans ou moins à l’embauche ; 54 % ont 30 ans ou moins ; 31 % ont entre 31 et 39 ans ; enfin, 15 % ont 40 ans et plus lorsqu’ils sont embauchés[144].

[341]    Les données fournies par ABI révèlent que les 54 % d’employés qui ont 30 ans ou moins à l’embauche sont composés des 15 % d’employés âgés entre 20 à 25 ans et de 39 % d’employés âgés de 26 et 30 ans : les 26 - 30 ans composent la plus grande tranche d’âge des employés à l’embauche.

[342]    Pour être engagés comme occasionnels aux opérations, les candidats doivent être titulaires d’un diplôme d’études secondaires (DES) et avoir cinq années d’expérience sur le marché du travail. Pour travailler à l’entretien, un candidat doit détenir un diplôme d’études collégiales (DEC) et trois années d’expérience, ou un diplôme d’études professionnelles de niveau secondaire visant un métier ou une profession (DEP) et cinq années d’expérience dans le domaine dans lequel il pose sa candidature[145].

[343]    La preuve n’a pas établi d’autre justification quant à l’exigence d’un minimum d’années d’expérience sur le marché du travail, que la maturité que les candidats acquièrent durant cette période.

[344]    L’âge moyen à l’embauche des 48 étudiants dont le nom apparaît dans le premier tableau préparé par ABI est de 19,6 ans[146]. L’âge moyen à l’embauche des Victimes qui se sont greffés au recours est de 19,7 ans[147].

[345]    L’analyse des données révèle que 39,25 % des 158 personnes que totalisent les deux listes ont 19 ans à l’embauche; 29,15 % ont 18 ans; 18,35 % ont 20 ans; et 9,5 % ont 21 ans. Une seule a 22 ans à l’embauche (0,5 %); trois ont 23 ans (2 %); et deux ont 24 ans (1,25 %).

[346]    Ces données font ressortir que les employés qui composent la catégorie des « étudiants » chez ABI sont majoritairement en âge de fréquenter le CÉGEP, soit plus de 96 %, tenant pour acquis qu’ils ont entre 18 et 21 ans s’ils obtiennent leur diplôme en trois ans.

[347]    Partant de la prémisse que l’écart type à l’embauche entre un salarié syndiqué et un étudiant est de 6,78 ans, ABI suggère de retrancher cinq années de la différence de l’âge moyen à l’embauche entre les employés syndiqués — à noter que les étudiants sont aussi syndiqués — et les étudiants, pour conclure que la distinction salariale entre les étudiants et les autres employés n’est pas fondée sur leur âge.

[348]    Depuis l’introduction de la catégorie des occasionnels chez ABI, aucun employé n’est engagé à l’Aluminerie comme régulier. Tous doivent avoir occupé un poste d’occasionnel pour être éligible à une poste de régulier. C’est donc avec cette catégorie d’employés que le Tribunal compare l’âge moyen à l’embauche

[349]    La position d’ABI sur cette question ne tient pas compte du fait que tous les employés occasionnels n’ont pas besoin de justifier de cinq années sur le marché du travail pour être éligibles à un emploi l’Aluminerie, certains ne devant justifier que de 3 ans d’expérience, ni du fait que 85 % des candidats qui postulent un emploi chez ABI ont plus de 26 ans, dont 46 % ont 31 ans et plus, soit plus de 12 ans de plus que l’âge moyen des étudiants.

[350]    Que disent les chiffres : que les étudiants sont plus jeunes que la majorité des occasionnels à l’embauche, en plus de faire partie d’un groupe social vulnérable en ce qu’ils tentent d’acquérir les outils nécessaires pour s’établir dans la vie.

[351]    La distinction de salaire chez ABI a donc pour effet de désavantager des personnes dans les premières années de l’âge adulte qui ont fait le choix de poursuivre des études, par rapport à des personnes plus âgées qui sont sur le marché du travail depuis plusieurs années.

3.     La distinction salariale compromet-elle le droit à la pleine égalité dans la reconnaissance et l’exercice d’un droit de la personne ?

[352]    Il n’y a pas lieu en l’instance d’évaluer si les conditions salariales contestées contreviennent à l’article 46 de la Charte qui protège le droit de toute personne à des conditions de travail justes et raisonnables en lien avec la santé, la sécurité et l'intégrité physique d'une personne, la question des conditions salariales justes étant couverte par l’article 19 de la Charte[148].

[353]    Sur ce point, la Cour d’appel s’exprime ainsi dans Tremblay c. Syndicat des employées et employés professionnels et de bureau, section local 57 :

[83] [...] serait surprenant que l'on ait interdit à l'article 19 de la Charte la différence de traitement fondée sur la discrimination si elle était déjà interdite, pour quelque motif que ce soit, à l'article 46 de la Charte.

[84] À mon avis, l'article 46 de la Charte ne fait qu'accorder à toute personne le droit à des conditions de travail justes et raisonnables qui se rapportent à la santé, la sécurité et l'intégrité physique d'une personne, rien de plus.  Cette interprétation fait d'ailleurs l'unanimité dans la jurisprudence.[149]

(Référence omise)

[354]    Le présent litige ne porte pas sur les conditions de travail des étudiants au sens où la Cour d'appel l'entend, tous les employés étant soumis aux mêmes conditions, mais uniquement sur le traitement différent qui leur est versé.

[355]    Le Tribunal répond par l’affirmative à la question posée puisqu’il retient que la condition sociale a été un facteur dans l’adoption de la distinction salariale contestée et que, chez ABI, cette distinction a un effet désavantageux sur les jeunes de 18 et 19 ans alors que l’article 19 impose aux employeurs de payer un salaire égal pour un travail équivalent, sans discrimination.

[356]    ABI suggère que les étudiants sont traités différemment parce qu’ils n’effectuent pas la totalité des tâches d’un poste. Or, la preuve a révélé que :

a)     cette distinction n’est pas appliquée aux occasionnels qui n’effectuent pas toutes les tâches des postes auxquels ils sont assignés par rapport aux réguliers, mais reçoivent la même rémunération que leurs coéquipiers réguliers ;

b)     dans certains cas les étudiants effectuent le même nombre de tâches que les occasionnels ou les réguliers, mais sont quand même payés moins qu’eux ; et enfin

c)      ils effectuent plus de tâches que les occasionnels à certains postes, mais sont payés moins qu’eux.

[357]    À défaut par ABI d’établir par prépondérance de preuve que la distinction s’inscrit dans les exceptions prévues par la Charte, le Tribunal devra conclure que la distinction salariale est arbitraire et essentiellement fondée sur le statut d’étudiants des employés visés, en contravention des articles 10 et 19 de la Charte.

B.        La distinction est-elle justifiée par une exemption prévue à l’art. 19 ?

[358]    ABI soutient que la distinction salariale est justifiée parce que les étudiants ne font pas le même travail que les réguliers et les occasionnels.

[359]    Pour les motifs élaborés ci-dessous, le Tribunal ne retient pas la prétention d’ABI et conclut que la distinction n’est pas justifiée au sens de l’article 19 de la Charte.

[360]    L’article 19 de la Charte vise à empêcher un employeur de verser un salaire différent à des employés qui exercent le même travail ou un travail équivalent que d’autres de ses employés, si la différence n’est pas justifiée par un des critères qu’il énumère[150]. Il n’y a pas de discrimination si une différence de traitement ou de salaire est fondée sur l’expérience, l’ancienneté, la durée du service, l’évaluation au mérite, la quantité de production ou le temps supplémentaire, si ces critères sont communs à tous les membres du personnel.

[361]    Pour répondre à la question, le Tribunal doit évaluer si les étudiants effectuent un travail équivalent à celui des occasionnels ou, lorsque ceux-ci ne sont pas assignés aux mêmes tâches que les étudiants, à celui des réguliers.

[362]    La preuve révèle que les étudiants évoluent dans le même environnement dangereux et potentiellement toxique que les réguliers et les occasionnels, et sont assignés à des tâches tout aussi dangereuses que celles auxquelles les réguliers et les occasionnels sont assignés. Il arrive même que les tâches qui leur sont réservées soient plus dangereuses que celles réservées aux employés réguliers ou occasionnels dans un secteur donné (ex. : vidange de poche versus changement de lame[151]).

[363]    Le Tribunal considère, par ailleurs, que les étudiants sont aussi compétents que les employés réguliers ou occasionnels aux tâches auxquelles ils sont assignés. Non seulement l’argument contraire n’a pas été amené par l’une ou l’autre partie, mais il en va de la sécurité de tous et de la productivité, en plus du fait que certains étudiants ont, à l’initiative de leur supérieur immédiat et en contravention avec une consigne, déjà assuré la supervision de nouveaux employés occasionnels.

[364]    S’il y a une différence entre les étudiants et les employés réguliers ou occasionnels, elle se situe donc plutôt au niveau du nombre de tâches effectuées.

[365]    La preuve est imprécise quant aux raisons pour lesquelles certaines tâches auparavant assignées aux étudiants ne le sont plus.

[366]    Le Tribunal ne retient pas l’argument simpliste de « santé et sécurité », systématiquement mis de l’avant par ABI sans autres explications pour justifier que les étudiants se soient vu retirer l’assignation à certaines tâches, mais comprend que — sauf pour les tâches qui ont été retirées de la liste de celles auxquelles ils peuvent être formés — les étudiants ne sont pas formés aux tâches dont la durée de la formation est telle qu’ils ne pourraient pas être affectés à ces tâches même s’ils y étaient formés, compte tenu de la durée d’embauche maximale permise par les conventions collectives d’au plus 14 semaines.

[367]    En principe, les tâches des étudiants diffèrent de celles des réguliers et des occasionnels en ce que, pour la grande majorité des 22 postes aux tâches desquels les étudiants peuvent être formés et assignés, ils n’effectuent pas toutes les tâches du poste. L’analyse de la preuve révèle cependant que dans les faits, la situation des étudiants ne diffère pas de celle des réguliers et des occasionnels qui ne sont pas systématiquement formés à l’ensemble des tâches du poste qu’ils occupent.

[368]    De même, les étudiants effectuent parfois moins, mais aussi parfois plus de tâches que les occasionnels, et dans certains cas, toutes les tâches d’un poste.

Les étudiants effectuent plus de tâches que les occasionnels :

[369]    Les étudiants effectuent plus de tâches que les occasionnels au poste d’opérateur polyvalent dans le secteur fonderie :

Poste - Secteur

Nbre de tâches

Nbre de tâches effectuées par les

Étudiants

Occasionnels

Opérat. polyvalent scies - Fonderie

9

Avant 2014 : 5 sur 9

Après 2014 : 4 sur 9

3 sur 9

[370]    Lorsque formé aux tâches du poste (cinq avant 2014 et quatre après 2014), un étudiant assume plus de responsabilités qu’un occasionnel qui ne peut être formé qu’à trois des neuf tâches.

Les étudiants effectuent le même nombre de tâches que les occasionnels ou les réguliers :

[371]    Les étudiants effectuent le même nombre de tâches que les occasionnels dans deux des postes auxquels ils peuvent être affectés, et la même tâche que les réguliers dans cinq postes auxquels les occasionnels ne sont pas assignés :

Poste - Secteur

Nbre de tâches

Nbre de tâches effectuées par les

Étudiants

Occasionnels

Opérateur four à cuire - Carbone

5

4 sur 5

4 sur 5

Poste élabo-coulée - Fonderie

5

3 sur 5

3 sur 5

 

 

 

 

Opérateur mesures - Électrolyse

1

1

0

Opérateur support - Électrolyse

1

1

0

Coordon. planification - Fonderie

3

3

0

Op. lavage - Manutention - transp.

1

1

0

Opérateur sortie de coulée

4

4

0

[372]    Pour ABI, le fait que les étudiants affectés aux tâches du poste d’opérateur four à cuire ne puissent pas replacer les anodes dans la pyramide de stockage justifie qu’ils reçoivent un salaire moindre.

[373]    La Commission et le Syndicat sont d’avis contraire parce que la tâche qui consiste à replacer les anodes dans la pyramide ne représente que 2 % du travail du poste. Qui plus est, la preuve n’a pas établi à quelle fréquence, si cela est déjà arrivé, un régulier a dû replacer une anode dans la pyramide alors qu’un étudiant était affecté aux tâches du poste four à cuire.

[374]    Quoi qu’il en soit, les occasionnels non plus ne replacent pas les anodes dans les pyramides, pas plus que les réguliers qui n’ont pas reçu la formation[152]. Pourtant, les occasionnels reçoivent la même rémunération que les réguliers qui sont formés à l’ensemble ou une partie des tâches du poste, bien que même formés à toutes les tâches auxquelles ils sont éligibles — ce qui n’est pas toujours le cas — ils ne peuvent en effectuer que quatre sur cinq.

[375]    Lorsqu’ils sont affectés aux tâches des postes d’opérateur mesures et d’opérateur support, les étudiants effectuent le même travail que les réguliers (les occasionnels n’étant pas affectés à ces postes), et effectuent les mêmes tâches que les occasionnels lorsqu’ils sont affectés au poste d’élabo-coulée ou d’opérateur four à cuire.

[376]    Pour justifier qu’elle leur paie un salaire moindre au poste d’élabo-coulée, ABI invoque le fait que les étudiants ne sont pas formés à la conduite du camion Mecfor, ce malgré qu’ils se trouvent dans la même situation que les réguliers et les occasionnels, dont la majorité n’est pas formée à la conduite de ce camion qui est une nouvelle acquisition de l’Aluminerie.

[377]    Quant au huit postes où les étudiants effectuent le même nombre ou plus de tâches que les occasionnels ou les réguliers (opérateur four à cuire, élabo-coulée, opérateur mesures, opérateur support, coordonnateur planification fonderie, opérateur lavage, opérateur de sortie de coulée et opérateur polyvalent scies), suivant le groupe de comparaison applicable, le salaire moindre payé aux étudiants par rapport aux occasionnels ou aux réguliers n’est pas autrement justifié que par l’argument mis de l’avant par ABI relatif à la courte durée de leurs périodes d’embauche, du fait qu’ils ne peuvent travailler à l’Aluminerie que quatre années et que le meilleur taux payé aux occasionnels vise à les encourager à rester.

[378]    ABI insiste pour dire que les étudiants ne font pas le même travail que les occasionnels ou les réguliers, ce que la preuve n’a pas démontré.

Les étudiants effectuent moins de tâches que les occasionnels ou les réguliers :

[379]    Tel que vu précédemment, les étudiants effectuent moins de tâches que les occasionnels à 3 des 22 postes auxquels ils sont assignés :

Poste - Secteur

Nbre de tâches

Nbre de tâches effectuées par les

Étudiants

Occasionnels

Opérateur scellement - Carbone

7

4 sur 72

7 sur 7

Opér. cuves polyvalent - Électrolyse

4

Avant 2013 : 3 sur 4

Après 2013 : 2 sur 4

4 sur 4

Technicien captation

4

1 sur 4

3 sur 4

[380]    Ils ne peuvent effectuer qu’une partie des tâches de 9 des 22 postes auxquels ils peuvent être affectés en comparaison des réguliers, les occasionnels n’étant pas affectés aux postes en question :

Poste - Secteur

Nbre de tâches

Nbre de tâches effectuées par les

Étudiants

Occasionnels

Opérateur SAE - Électrolyse

4

2 sur 4

0

Technicien de procédé - Électrolyse

3

2 sur 3

0

Opérateur SAF

6

2 sur 6

0

Opérateur expédition

4

3 sur 4

0

Opér. polyvalent outillage

6

Avant 2013 : 4 sur 6

Après 2013 : 2 sur 6

0

Spectrographie - Laboratoire

2

1 sur 2

0

Environnement

5

2 sur 5

0

Opérateur manutention-transport

9

2 sur 9

0

Op. station de lavage - Manut/ transp.

2

1 sur 2

0

[381]    Enfin, ils n’effectuent qu’une partie de tâche dans deux cas, comparativement aux réguliers qui occupent les postes concernés :

Poste - Secteur

Nbre de tâches

Nbre de tâches effectuées par les

Étudiants

Occasionnels

Technicien documentation - Ingénierie

13

Partie d’une tâche

0

Adjoint à l’approvisionnement

9

Partie d’une tâche

0

[382]    Les étudiants sont rémunérés suivant un taux horaire unique qui ne tient compte ni du secteur auquel ils sont affectés, ni du fait qu’ils font plus, moins, ou le même nombre de tâches que leurs collègues.

[383]    Force est de conclure de ce qui précède que leur rémunération n’est pas liée au nombre de tâches qu’ils font par rapport à leurs collègues, occasionnels lorsque cette catégorie d’employés est assignée aux mêmes tâches qu’eux, ou réguliers lorsqu’aucun occasionnel n’est assigné au même poste.

[384]    Lorsqu’ils remplacent un régulier ou un occasionnel, les étudiants font exactement la tâche que cet employé aurait effectuée; ils assument les mêmes responsabilités et sont exposés aux mêmes risques.

[385]    L’argument suivant lequel la rémunération moindre qui leur est payée est justifiée par le fait qu’ils ne peuvent pas participer aux rotations des tâches d’un poste n’est pas valable. Cet argument ne tient pas lorsque les étudiants effectuent toutes les tâches d’un poste ou que, comparativement aux occasionnels qui sont payés plus qu’eux, ils effectuent plus de tâches qu’eux à un poste donné et donc participent à la rotation plus que les occasionnels.

[386]    Cet argument doit également être écarté parce qu’il n’est pas appliqué aux occasionnels dans les cas où, comme les étudiants, ils ne peuvent pas être formés à toutes les tâches d’un poste.

[387]    Comme expliqué précédemment, le seul élément constant qui distingue les occasionnels des étudiants c’est le fait qu’ils doivent étudier à temps plein en dehors des périodes d’embauche d’été et d’hiver et que, sauf exception, ils sont exclus de la main-d’œuvre en dehors de ces périodes.

[388]    ABI n’explique pas pourquoi les étudiants appelés à faire des heures supplémentaires sont payés au même tarif que les occasionnels : ils sont considérés occasionnels pour les fins de la rémunération, effectuent les mêmes tâches que celles pour lesquelles ils reçoivent habituellement une rémunération réduite, ne participent pas plus à la rotation de personnel, et leur durée d’emploi n’a pas changé.

[389]    ABI soutient que la rémunération horaire attribuée à un poste est en lien avec l’ensemble des tâches qu’un salarié peut être appelé à effectuer une fois formé à toutes les tâches du poste.

[390]    Alors que la preuve a révélé que dans certains cas il est spécifiquement prévu qu’un occasionnel ne puisse pas faire toutes les tâches d’un poste (ex. : opérateurs four à cuire, élabo-coulée, polyvalent scies, ou technicien à la captation), ABI n’explique pas pourquoi, dans ces cas, les occasionnels reçoivent la rémunération horaire établie pour ce poste — la même qui est payée aux réguliers affectés à ce poste.

[391]    ABI ne fournit aucune justification pour expliquer pourquoi les étudiants reçoivent une rémunération inférieure à celle des occasionnels ou des réguliers lorsqu’ils font toutes les tâches d’un poste, ni pourquoi leur rémunération est inférieure à celle des occasionnels lorsqu’ils effectuent plus de tâches qu’eux à un poste donné, autre que de dire qu’elle investit dans les employés qui ont des contrats à durée non déterminée.

[392]    Alors que la notion d’expérience réfère à la pratique, au savoir-faire acquis par le temps consacré au travail[153], chez ABI, les étudiants comme les autres employés sont affectés à des tâches dangereuses, et dès leur première heure de travail autonome ils doivent, comme les autres employés, pouvoir effectuer adéquatement les tâches qui leur sont confiées au risque de mettre en danger leur santé, leur sécurité et celles des autres, d’endommager l’équipement, de ralentir la production ou de faire perdre une série.

[393]    La rémunération moindre versée aux étudiants ne peut pas non plus se justifier par leur manque d’expérience parce que ce n’est qu’exceptionnellement que les grilles salariales prévoient une majoration du salaire pour les autres catégories d’employés syndiqués après quelques mois à un poste donné[154]. Même dans ces cas, il n’y a que deux niveaux de rémunération. La règle est qu’un seul taux horaire est payable par poste, sans gradation liée à l’expérience.

[394]    D’ailleurs, même s’ils n’ont travaillé que quelques semaines au cours d’un été (au plus 14), la connaissance que les étudiants acquièrent d’une tâche au cours d’une période d’emploi est rentabilisée puisque seuls sont appelés à travailler pour combler les postes laissés vacants par les travailleurs en congé durant les fêtes de fin d’année ceux qui ont travaillé à l’Aluminerie l’été précédent, et ils sont appelés en priorité pour combler les postes disponibles à la prochaine saison estivale[155], leur période de formation étant réduite par rapport à leur première période d’embauche.

[395]    L’argument de l’expérience doit aussi être écarté parce que le taux horaire payé aux occasionnels en formation (donc qui ne travaillent pas encore ou ne sont pas autonomes) est plus élevé que le taux payé aux étudiants qui ont terminé leur période de formation et travaillent sur la chaine de production, et que dès le premier jour où ils travaillent de façon autonome, le taux horaire payé aux occasionnels augmente par rapport au taux qui leur est payé durant la période de formation, creusant d’autant plus l’écart de la rémunération entre étudiants et occasionnels.

[396]    ABI réfère ensuite à la notion de « durée de service » prévue au deuxième alinéa de l’article 19 de la Charte. Annie Dubois a pourtant écarté ce critère comme étant à la source du salaire moindre payé aux étudiants.

[397]    L’argument mis de l’avant par ABI que tous les employés qui ont un contrat à durée déterminée sont traités de la même façon est circulaire, comme la théorie du separate but equal rejetée par la Cour suprême[156], puisque — sauf quant à la situation exceptionnelle de 2011 — les seuls employés qui ont des contrats à durée déterminée sont les étudiants.

[398]    Certes, les étudiants sont engagés pour des contrats dont la durée est déterminée à la suite de négociations avec le Syndicat, mais ils gagnaient le même salaire que les réguliers jusqu’au 31 décembre 1994. La réduction de leur rémunération a été amenée de façon unilatérale par ABI lors du dépôt d’une offre finale visant à conclure les négociations afférentes au renouvellement des conventions collectives, non pas sur la base du contrat à durée déterminée, mais sans motif ou, suivant l’argument avancé par ABI durant l’instruction, que les étudiants effectuent seulement 85 % des tâches des réguliers.

[399]    Ce dernier argument est moins que convaincant et n’est pas retenu pour plusieurs raisons.

[400]    Le seul témoin qui a fait allusion au fait que le motif d’ABI pour proposer de réduire le salaire horaire des étudiants à partir de 1995 était le pourcentage des tâches qu’ils font par rapport à celles que font les réguliers, confirme que l’Aluminerie n’a peut-être pas partagé son raisonnement avec le Syndicat lorsqu’elle a intégré cet élément dans l’offre finale de négociation.

[401]    Le Syndicat soutient quant à lui qu’ABI ne lui a fait part d’aucune raison pour inclure la réduction du salaire des étudiants dans son offre finale.

[402]    La preuve sur ce point est donc peu probante et conduit le Tribunal à écarter le témoignage du seul témoin qui aurait souvenir de cette justification. Mais il y a plus.

[403]    Si tel avait été le cas, ABI aurait certainement commandé une analyse du pourcentage des tâches que les étudiants effectuent aux postes auxquels ils sont assignés. Or, elle n’allègue pas qu’une telle analyse ait été réalisée. Il est de plus permis de penser que si une telle analyse avait été faite, le Syndicat aurait été mis au courant et invité à valider les données colligées, ce qui n’a pas été fait.

[404]    Enfin, la preuve ne permet pas de conclure que les étudiants font 85 % des tâches des postes auxquels ils sont affectés alors que :

1.      Ils effectuent 100 % des tâches de certains postes ;

2.      Sauf pour certaines tâches (ex. : changement de scie, replacer les anodes dans la pyramide, nettoyage du bain et grenailleuse, et intervention sur les gros mégots), la preuve est silencieuse quant au pourcentage du temps de chacune des tâches d’un poste par rapport à une journée normale de travail, de sorte que le Tribunal ne peut évaluer si effectivement les étudiants font 85 % des tâches ;

3.      En dehors de la théorie selon laquelle les étudiants ne peuvent effectuer une partie de tâche d’un poste (ex. : changer la scie, replacer une anode dans la pyramide, nettoyage du bain et grenailleuse, et intervention sur les gros mégots), la preuve n’a pas établi que cette partie de tâche du poste a réellement dû être effectuée par un autre employé alors qu’un étudiant était assigné à la tâche ;

4.      Sauf exception, les étudiants effectuent 100 % de la tâche des employés qu’ils remplacent ;

5.      Pour la majorité des postes, le nombre de tâches du poste que les étudiants peuvent effectuer par rapport au nombre total des tâches du poste représente moins de 85 % des tâches du poste, ce pourcentage allant jusqu’à 22 % pour le poste d’opérateur manutention — transport. La preuve n’a pas établi que le nombre de tâches qu’ils effectuent représente 85 % du temps du quart de travail d’un employé régulier ou occasionnel qui occupe le poste aux tâches duquel un étudiant est affecté, et n’a pas traité de ce point.

[405]    Si ABI ne donne pas de justification au moment où elle choisit de modifier les conditions salariales des étudiants, elle ne peut en élaborer une après le fait.

[406]    D’ailleurs, les étudiants sont payés au « salaire du poste » lorsqu’ils font des heures supplémentaires.

[407]    Les étudiants travailleraient toute l’année si cela leur était possible. Limiter les périodes durant lesquels ils peuvent travailler protège les emplois des réguliers et des occasionnels. Lorsqu’ABI veut avoir recours à la main-d’œuvre étudiante en dehors de ces périodes parce qu’elle est déjà formée et fonctionnelle, le Syndicat négocie qu’ils soient rémunérés au même taux que les occasionnels.

[408]    La Commission invite le Tribunal à invoquer la situation exceptionnelle de la « crise des anodes » de 2011 pour retenir que la position d’ABI est indéfendable.

[409]    Durant cette période, ABI engage des sous-traitants qu’elle traite comme des occasionnels pour combler le manque de personnel et être en mesure de réparer un nombre exceptionnellement élevé de tiges d’anodes afin d’éviter un ralentissement de productivité.

[410]    Or, l’entente prévoit que la situation est exceptionnelle, ne peut créer de précédent ni être invoquée à titre de pratique passée devant quelque forum judiciaire que ce soit. Elle prévoit également que les sous-traitants sont payés par une firme extérieure[157], aucune preuve n’ayant été administrée sur ce point.

[411]    Cette entente constitue un contrat entre les parties, dont la Commission et le Syndicat ne demandent pas qu’elle soit déclarée invalide, illégale ou contraire à l’ordre public. Étant donné ses termes, le Tribunal ne peut tenir compte de la situation exceptionnelle qu’elle vise à régler dans l’évaluation de la situation qu’il doit décider.

[412]    La différence de traitement n’est pas fondée sur l’expérience[158] (comme nous l’avons vu plus haut), sur l’ancienneté — qui réfère à la durée d’emploi chez un même employeur[159] — ou sur le mérite — comme le permet l’article 19 de la Charte — puisque dès sa première journée de travail, un occasionnel gagne plus qu’un étudiant qui en est à sa quatrième période d’emploi estival et a peut-être travaillé à autant de reprises durant la période des fêtes.

[413]    La différence n’est pas non plus basée sur les heures supplémentaires puisque lorsqu’ils travaillent des heures supplémentaires, les étudiants sont payés au tarif des occasionnels[160].

[414]    ABI n’invoque pas que la rémunération moindre payée aux étudiants soit en lien avec leur productivité.

[415]    Les étudiants sont souvent considérés comme constituant une main-d’œuvre de moindre qualité. Cela peut être le cas dans des emplois où la productivité dépend de l’expérience acquise avec le temps, comme c’était le cas dans Commission des droits de la personne du Québec c. Ferme de la poulette grise inc.[161] — seule décision rendue en matière de discrimination salariale fondée sur le statut d’étudiant.

[416]    Dans cette affaire, la Cour provinciale conclut que les étudiants ne font pas les mêmes tâches que les employés réguliers et que la courte période durant laquelle ils travaillent l’été ne leur permet pas d’acquérir une compétence et un rendement comparable à celui des réguliers.

[417]    Il n’en est pas ainsi chez ABI : les étudiants sont non seulement exposés aux mêmes risques que les occasionnels et les réguliers, mais ils effectuent le même travail qu’eux aux tâches des employés qu’ils remplacent.

[418]    Certes, ils ne peuvent pas participer à la rotation des employés lorsqu’ils n’accomplissent pas toutes les tâches d’un poste, mais c’est aussi la situation des employés occasionnels, voire des réguliers durant la période au cours de laquelle ils n’ont pas reçu la formation pour accomplir toutes les tâches d’un poste, période qui peut durer plusieurs années selon la preuve entendue.

2e Question :          Les conventions collectives portent-elles atteinte de façon discriminatoire à la dignité des Victimes, en contravention des articles 4 et 10 de la Charte ?

[419]    La dignité est une valeur sous-jacente à l’ensemble des droits et libertés qui y sont consacrés[162]. Elle est étroitement liée à la notion d’égalité.

[420]    Discriminer une personne, c’est porter atteinte au respect qu’elle mérite comme être humain[163].

[421]    Dans St-Ferdinand, la juge Claire L’Heureux-Dubé écrit :

105. À la lumière de la définition donnée à la notion de « dignité » de la personne et des principes d’interprétation large et libérale en matière de lois sur les droits et libertés de la personne, j’estime que l’art. 4 de la Charte vise les atteintes aux attributs fondamentaux de l’être humain qui contreviennent au respect auquel toute personne a droit du seul fait qu’elle est un être humain et au respect qu’elle se doit à elle-même.

106. Par ailleurs, contrairement au concept d’intégrité, à mon avis, le droit à la dignité de la personne, en raison de sa notion sous-jacente de respect, n’exige pas l’existence de conséquences définitives pour conclure qu’il y a eu violation.  Ainsi, une atteinte même temporaire à une dimension fondamentale de l’être humain violerait l’art. 4 de la Charte.  Cette interprétation s’appuie également sur la nature des autres droits protégés à l’art. 4, soit l’honneur et la réputation : noscitur a sociis.  En effet, la violation de ces garanties ne requiert pas nécessairement qu’il existe des effets de nature permanente quoique ceux-ci puissent l’être.[164]

[422]    Le fait que les étudiants aient choisi de retourner travailler chez ABI sachant que leur salaire était moindre que celui payé aux autres employés n’élimine pas le fait qu’ils ont subi un traitement discriminatoire[165].

[423]    La distinction porte atteinte à leur dignité du fait qu’elle n’a pas respecté leur droit à un salaire équivalent pour un travail équivalent en contravention de l’article 19 de la Charte.

3e Question :          Les Victimes ont-elles droit aux dommages matériels et moraux réclamés en leur faveur et les ordonnances recherchées contre ABI sont-elles justifiées ?

[424]    Le calcul des dommages matériels subis par les Victimes est complexe[166] et il n’appartient pas au Tribunal de calculer le montant dû à chacune d’elle.

[425]    La Commission et ABI ont chacune produit un tableau dans lequel elles présentent les sommes qui sont dues aux Victimes si le Tribunal accueille la demande[167], en fonction de la position qu’elles adoptent sur la question de la prescription.

[426]    Étant donné la réponse du Tribunal à la sixième question portant sur la prescription[168], les dommages matériels devront être versés suivant les calculs effectués par la Commission.

[427]    Afin de simplifier le débat et de favoriser la saine administration de la justice, ABI a donné son accord pour que, si le Tribunal accueille la demande et octroie des dommages moraux aux étudiants qui ont témoigné à l’instruction, il accorde la même compensation aux étudiants qui n’ont pas témoigné[169].

[428]    L’Aluminerie soutient toutefois que les témoignages entendus n’ont nullement fait état d’un dommage moral qui mérite d’être compensé, les témoins entendus ayant seulement affirmé s’être sentis discriminés lorsqu’ils ont eu connaissance du salaire versé aux autres employés.

[429]    Selon ABI, aucun des témoins n’a donné des détails sur la conséquence que ce sentiment a eu sur lui. Plusieurs d’entre eux ont même expliqué être retournés travailler chez ABI alors qu’ils étaient conscients qu’ils seraient payés moins cher que les réguliers et les occasionnels, parce que malgré tout le salaire chez ABI était plus avantageux que celui qu’ils auraient pu gagner ailleurs.

[430]    Sept étudiants ont témoigné sur le dommage moral subi du fait d’avoir été payés un salaire moindre que les occasionnels et les réguliers qui effectuaient les mêmes tâches qu’eux, alors que certaines de ces personnes avaient été formées à moins de tâches qu’eux et étaient donc moins polyvalentes qu’eux dans l’usine.

[431]    La Commission produit 43 déclarations d’étudiants dans lesquelles chacun dénonce l’injustice dont il estime avoir été victime du fait d’avoir été moins payé pour faire un travail équivalent à celui des employés occasionnels[170].

[432]    Le dommage moral est difficile à évaluer, même de manière approximative. La Cour d’appel rappelle avec justesse dans Bou Malhab c. Métromédia CMR Montréal inc.[171] que le préjudice moral est d’autant plus pernicieux qu’il est intangible et que même s’il est difficile à cerner, cela ne diminue en rien la blessure qu’il constitue, en ce que :

[63]  [] Il affecte l’être humain dans son for intérieur, dans les ramifications de sa nature intime et détruit la sérénité à laquelle il aspire, il s’attaque à sa dignité et laisse l’individu ébranlé, seul à combattre les effets d’un mal qu’il porte en lui plutôt que sur sa personne ou sur ses biens.

[433]    La seule atteinte à un droit garanti par la Charte ne suffit toutefois pas pour donner lieu à l’attribution de dommages moraux ; le préjudice allégué doit être prouvé et être plus que minime ou négligeable[172].

[434]    L’attribution de dommages et intérêts symboliques n’est pas justifiée pour sanctionner la violation d’un droit subjectif qui a produit un dommage minime ; elle serait contraire aux principes de la responsabilité civile[173].

[435]    Dans Université Laval[174], la Cour d’appel était appelée à réviser l’octroi en première instance d’un montant de 10 000 $ à des plaignantes qui avaient déclaré avoir été surprises de constater la discrimination systémique dont elles étaient Victimes par rapport à leurs collègues masculins, avoir été déçues et avoir ressenti de l’humiliation et un sentiment d’injustice et d’incompréhension face à la situation.

[436]    Après avoir souligné qu’elle devait faire preuve de prudence avant d’intervenir sur l’appréciation des dommages moraux par la juge d’instance, et rappelé que le travail est un des aspects les plus fondamentaux de la vie d’une personne, la Cour d’appel conclut, alors que l’université a déjà versé les sommes et n’en demande pas le reboursement, que la preuve ne permettait pas d’attribuer des dommages.

[437]    La Cour d’appel rappelle le principe énoncé par la Cour suprême dans Terre-Neuve (Conseil du Trésor) c. N.A.P.E.[175], que le travail est un des aspects fondamentaux de la vie d’une personne[176].

[438]    En l’instance, sept étudiants témoignent de ce qu’ils ressentent lorsqu’ils apprennent que leur rémunération est moindre que celle des occasionnels et des réguliers qui effectuent le même travail qu’eux.

[439]    Les témoignages de David Auger, Alexandra Dumont, Simon Labrie, Laurie Pelletier, Marie-Ève Thibeault, Maxime Thibeault et Marjorie Turcotte sur la question des dommages moraux se résument comme suit :

a)     Certains ont ressenti de l’injustice et de l’incompréhension lorsqu’ils ont eu conscience de la situation, et se sont sentis diminués ;

b)     Cela ne les a toutefois pas empêchés de postuler un emploi d’été une ou plusieurs années après avoir pris conscience de la situation, parce que malgré la différence de salaire avec celui des occasionnels qui ont parfois reçu la même formation qu’eux et été embauchés après eux, le salaire était plus intéressant que ce qu’ils auraient gagné en travaillant ailleurs ;

c)      Simon Labrie explique — après avoir parlé du fait de s’être senti discriminé et rabaissé par la disparité de la rémunération — être retourné travailler chez ABI en 2009 et 2010 parce qu’il ne s’était pas trouvé un emploi dans le domaine du génie civil dans lequel il était formé, et qu’il n’y avait pas de bon travail dans son domaine ;

d)     Marie-Ève Thibeault déclare que le travail chez ABI était un « beau » travail et qu’elle était contente d’y travailler. Ses études de médecine lui coûtaient cher et le salaire qu’elle gagnait chez ABI était très utile ;

[440]    L’usine de Bécancour est située dans un milieu « fermé » où le manque de main-d’œuvre est endémique[177]. ABI est un employeur majeur dans la région.

[441]    Le Tribunal ne doute pas que les étudiants ont trouvé leurs conditions salariales injustes, comment pourrait-il en être autrement alors qu’il est un principe établi que discriminer une personne c’est porter atteinte au respect qu’elle mérite comme être humain[178].

[442]    Le fait que les étudiants aient été payés presque trois fois plus que le salaire minimum ne change rien au fait que la discrimination dont ils sont l’objet, porte atteinte à leur dignité puisque leur groupe de comparaison n’est pas les gens qui gagne le salaire minimum, mais celui des réguliers ou des occasionnels qui font un travail équivalent au leur et gagnent jusqu’à près de 30 % de plus qu’eux.

[443]    Conclure autrement équivaudrait à prétendre qu’une personne exploitée (parce que c’est de cela dont il s’agit puisque les étudiants ont droit à un salaire équivalant à celui payé à leurs coéquipiers) en lien avec un critère interdit à l’article 10 de la Charte sans être autrement mal traitée, ne pourrait prétendre être atteinte dans sa dignité.

[444]    Or, le fait de ne pas être considéré comme ayant la même valeur que les autres membres du groupe dont on fait partie du seul fait de notre appartenance à un groupe protégé par la Charte implique nécessairement une atteinte à la dignité.

[445]    Le Tribunal établit à 1 000 $ l’indemnité pour dommage moral de chacun des étudiants qui a travaillé chez ABI représenté par la Commission et estime que les autres ordonnances recherchées contre l’Aluminerie visant à lui ordonner de faire le nécessaire pour rendre les clauses discriminatoires conformes à l’article 19 de la Charte sont justifiées.

[446]    Quant à l’ordonnance recherchée visant à ce qu’ABI modifie les conventions collectives en vigueur pour les rendre conformes à l’article 19 de la Charte, le Tribunal estime que le délai demandé par la Commission n’est pas suffisant étant donné que la rédaction de la clause devra être convenue avec le Syndicat, et établit le délai à 120 jours.

[447]    Si tant est que les parties aient de la difficulté à déterminer les montants payables à chacune des Victimes à titre de dommage matériel, la soussignée sera saisie du dossier pour une période de six mois durant laquelle les parties pourront s’adresser à elle pour faire état de la situation et obtenir les ordonnances nécessaires pour leur permettre d’exécuter le jugement rendu.

4e Question :          Le Tribunal a-t-il compétence pour décider de l’appel en garantie ?

[448]    Le 20 mars 2017, au début du cinquième jour d’instruction, la Commission soulève l’absence de compétence du Tribunal pour décider de la demande d’ABI, formulée dans son mémoire amendé de juin 2016, de condamner solidairement le Syndicat au paiement des réparations, dans l’éventualité où il conclurait qu’il y a eu discrimination.

[449]    Au soutien de sa prétention, la Commission plaide que, à l’issue de son enquête concernant le traitement salarial des étudiants qui travaillent chez ABI, elle a fait le choix d’intenter un recours contre ABI et de ne pas assigner le Syndicat comme codéfendeur. Alors que les articles 80 et 111 de la Charte prévoient que seule la Commission peut saisir le Tribunal d’une demande de redressement en faveur d’une personne victime de discrimination, la Commission prétend qu’en appelant en garantie le Syndicat pour qu’il soit tenu solidairement responsable de la discrimination, l’Aluminerie tente de faire indirectement ce qu’elle ne peut pas faire directement.

[450]    Elle demande au Tribunal de se déclarer non compétent pour entendre l’appel en garantie et de le rejeter.

[451]    D’entrée de jeu, le Tribunal accepte l’argument d’ABI selon lequel :

a)     soit le Tribunal a compétence pour entendre et trancher la demande d’ABI que le Syndicat soit condamné solidairement à indemniser les employés, dans l’éventualité où il conclut que leurs conditions salariales sont discriminatoires sur la base du statut social ou de l’âge ;

b)     soit le Tribunal n’a pas compétence pour entendre la demande d’ABI, auquel cas il doit décliner compétence pour décider de cette question, mais ne peut rejeter la demande faute de compétence pour en décider.

[452]    ABI soutient que le Tribunal a compétence pour entendre son appel en garantie contre le Syndicat parce que :

a)       la preuve présentée ne permet pas de déterminer que l’enquête de la Commission a porté sur la responsabilité du Syndicat ;

b)       la Commission a un rôle d’enquête et non de décision, de sorte que le Tribunal n’est pas lié par sa décision de ne pas retenir la responsabilité du Syndicat à l’égard des « Victimes » des conventions collectives.

[453]    ABI souligne que son appel en garantie ne vise pas à établir une nouvelle situation de discrimination dont le Syndicat serait responsable envers les Victimes. Il consiste plutôt à faire valoir comme moyen de défense que dans l’éventualité où le Tribunal juge discriminatoires les conditions salariales des étudiants, le Syndicat qui a contribué à leur mise en place doit assumer avec elle le fardeau financier du redressement qui s’impose.

[454]    Enfin, ABI soutient que l’appel en garantie permet de régler le litige dans son entièreté et que la forcer à introduire son recours en partage de responsabilité dans une instance distincte serait contraire à une saine administration de la justice. Cette façon de procéder impliquerait de refaire le procès de 16 jours et comporterait le risque que des décisions contradictoires soient rendues quant à l’existence ou non d’une discrimination.

[455]    Le Syndicat soutient la position de la Commission que le Tribunal n’a pas compétence pour décider de la demande en garantie de l’Aluminerie.

[456]    Il avait pourtant anticipé cet appel en garantie lorsqu’il a invité en ces termes les étudiants ayant travaillé chez ABI à se joindre au recours entrepris par la Commission[179] :

Grâce à toutes nos démarches et représentations, le 30 avril 2015, la Commission a saisi le Tribunal des droits de la personne d’un recours au nom des employés étudiants d’A.B.I. afin de faire reconnaître et indemniser la distinction salariale discriminatoire découlant de leur statut. Il est à préciser que nous ne sommes pas poursuivis par la Commission dans le cadre dudit recours. Ainsi, aucune somme d’argent ne nous est pour le moment réclamée. Cependant, dans l’éventualité où le Tribunal accueillait le recours de la Commission et faisait droit à sa réclamation monétaire pour les étudiants, il pourrait décider que les sommes qui vous sont dues n’ont pas à être entièrement assumées par l’employeur et pourrait alors nous condamner, à titre de syndicat cosignataire de la convention collective, à vous verser une partie des dommages-intérêts.

C’est pourquoi les étudiants ayant déposé des plaintes et faisant l’objet du recours intenté par la Commission ont signé des quittances à l’égard de votre Syndicat, renonçant ainsi à toutes sommes d’argent que nous pourrions être appelés à verser. La signature d’un tel document a toujours constitué une condition essentielle à ce que nous assumions les frais et autres débours qui ont été nécessaires à la défense des droits des étudiants auprès de la Commission.[180]

(Nos soulignements)

[457]    Dès ce moment, le Syndicat est conscient qu’en tant que signataire des conventions collectives dont il dénonce le caractère discriminatoire, il peut être condamné à participer au paiement des réparations accordées par le Tribunal.

[458]    L’article 184 C.p.c., qui remplace l’ancien article 216 C.p.c., prévoit qu’une partie peut appeler un tiers en garantie ou le forcer à intervenir à une instance afin de permettre une solution complète du litige ou de lui opposer le jugement.

[459]    Dans Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Université de Montréal[181], le Tribunal s’exprime en ces termes au moment d’accueillir une demande d’appel en garantie présentée dans un contexte similaire au présent litige :

[30]  [] le Tribunal considère qu’il existe un lien de connexité entre l’appel en garantie et la demande principale puisque la demande principale et la demande en garantie ne pourraient, sans danger de décisions contradictoires, être jugées par des tribunaux différents.

[31]  [] bien que la Commission ait choisi de ne pas intenter de recours contre le Syndicat, cela n’a pas pour effet d’abroger les droits de l’Université à un appel en garantie. Un appel en garantie a pour objet de faire condamner la partie défenderesse en garantie à indemniser le défendeur principal, demandeur en garantie, de tout ou partie de la condamnation qui pourrait être prononcée contre lui, notamment afin de lui éviter les coûts et les délais inhérents à un recours récursoire. Ni la Commission ni les dispositions prévues à la Charte ne peuvent interdire à l’Université d’intenter un recours récursoire à l’endroit du Syndicat dans le cas d’une condamnation devant le Tribunal. Le Tribunal ne voit donc pas comment l’application des articles 216 et suivants du C.p.c. pourrait ici être mise en échec.

[32]  L’appel en garantie n’est pas indépendant de l’action principale même s'il en est distinct. L’appel en garantie est en quelque sorte tributaire de la demande initialement déposée. Selon l’article 111 de la Charte, « Seule la Commission peut initialement saisir le Tribunal de l’un ou l’autre des recours […] ». En l’espèce, l’Université ne fait pas indirectement ce qu’elle ne peut faire directement. Elle peut appeler un défendeur en garantie dans la mesure où la Commission a « initialement » saisi le Tribunal. N’eut été du recours intenté initialement par la Commission, la demande en garantie n’aurait pas d’objet.

(Références omises - Nos soulignements)

[460]    Le Tribunal emprunte le même raisonnement plus récemment dans Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Delisle[182].

[461]    La Commission a pour rôle d’enquêter sur des situations où il pourrait y avoir discrimination interdite en vertu de la Charte. Lorsqu’elle estime qu’il y a discrimination, elle peut s’adresser à un tribunal pour obtenir des mesures de redressement en faveur de la victime.

[462]    La compétence du Tribunal « est tributaire de l’existence d’une enquête préalable menée par la Commission. »[183] Lorsqu’il est saisi d’un litige, il doit décider si la preuve révèle une situation de discrimination interdite par la Charte et, le cas échéant, déterminer qui parmi les personnes appelées à répondre des allégations de discrimination est à l’origine de la discrimination, doit prendre des mesures pour la corriger ou la faire cesser et indemniser les Victimes.

[463]    À la suite de son enquête sur les conditions salariales des différentes catégories d’employés chez ABI, la Commission a conclu que les conditions salariales des étudiants — qui sauf exception ne peuvent travailler à l’usine en dehors des périodes prévues aux conventions collectives — sont discriminatoires. Elle demande au Tribunal de reconnaître l’existence de cette discrimination et de la sanctionner.

[464]    Le Tribunal est donc valablement saisi de la question de savoir si les étudiants sont victimes d’une discrimination salariale interdite par la Charte. S’il conclut qu’il y a discrimination, il doit déterminer qui est à l’origine de la discrimination, qui doit y remédier et qui doit indemniser les Victimes, le cas échéant.

[465]    Avant même qu’elle ne soulève l’absence de compétence du Tribunal pour se prononcer sur l’appel en garantie, la preuve de la Commission a porté longuement sur le processus de négociation qui a conduit à la signature de la convention collective de 1994 par ABI et le Syndicat, laquelle introduit un indice salarial applicable uniquement aux étudiants qui diminue leur rémunération sans que les tâches auxquelles ils sont assignés aient été modifiées.

[466]    La Commission, au nom du Syndicat et des étudiants qui l’ont mandatée pour ce faire, demande au Tribunal de déclarer cette différence salariale discriminatoire et de rendre des ordonnances visant à faire cesser la discrimination et à réparer le préjudice causé aux Victimes.

[467]    L’appel en garantie ne vise pas à ce que le Tribunal décide si une situation sur laquelle la Commission n’a pas enquêté est source de discrimination, ce qui contreviendrait aux enseignements de la Cour suprême dans l’arrêt Mouvement laïque québécois c. Saguenay (Ville de)[184]. Il vise plutôt à identifier les personnes qui, étant à l’origine de la discrimination dénoncée, doivent prendre les mesures nécessaires pour qu’elle cesse et indemniser les Victimes.

[468]    Même sans l’appel en garantie, il appartiendrait au Tribunal de décider si la partie défenderesse est seule responsable du dommage pour lequel la Commission demande compensation au nom des Victimes ou si le Syndicat, partie plaignante au litige, en est en partie responsable, motif pour lequel il conviendrait de réduire le montant des condamnations prononcées à l’encontre d’ABI.

[469]    Pour ces motifs, le Tribunal rejette le moyen déclinatoire avancé par la Commission.

5e Question :          Le Syndicat est-il solidairement responsable avec l’Aluminerie de la discrimination salariale subie par les étudiants ?

[470]    Comme dans plusieurs autres affaires tranchées par les tribunaux[185], le litige met en cause le processus de négociation de conventions collectives et l’insertion dans ces conventions depuis 1994 d’une entente relative à la main-d’œuvre étudiante, entente que la Commission qualifie de discriminatoire parce qu’elle prévoit une rémunération moindre pour les étudiants par rapport à celle payée aux occasionnels et aux réguliers (suivant la comparaison applicable) malgré qu’ils font un travail équivalent.

[471]    ABI invoque que l’entente intervenue le 1er juillet 1994[186] a été convenue avec le Syndicat, et que l’implantation du système de rémunération dont il allègue que l’effet est discriminatoire résulte d’un exercice au cours duquel le Syndicat a négocié et accepté, au nom des salariés qu’il représente, la distinction proposée.

[472]    L’Aluminerie soutient également qu’après l’adoption de la convention de 1994 qui réduit le salaire des étudiants à 85 % du taux horaire le plus bas payable aux travailleurs réguliers tel qu’établi par la grille salariale applicable, le Syndicat n’a demandé qu’une seule fois, avant de faire une plainte à la Commission à ce sujet, que cette distinction soit retirée de la convention, soit au cours des négociations qui ont précédé l’adoption de la Convention 2000-2004[187].

[473]    ABI ajoute que par la suite, ce n’est que dans le cadre des négociations qui ont résulté en l’adoption de la Convention 2012-2017[188], soit après le dépôt de la plainte qui a donné lieu à la présente instance, que le Syndicat est revenu à la charge avec cette demande.

[474]    Selon ABI, le Syndicat n’aurait donc fait aucune demande dans le cadre des négociations de 2004[189], de celles de 2007 relatives aux nouveaux indices salariaux[190], de 2008 et de 2009[191], pour que le taux horaire payable aux étudiants soit équivalant à celui qui est payable aux occasionnels ou aux réguliers.

[475]    Clément Masse travaille chez ABI depuis février 1986 et est président du Syndicat depuis 2002. Il participe aux négociations de toutes les conventions collectives, à titre de membre du comité de négociation ou de porte-parole.

[476]    Pour réfuter l’argument d’ABI selon lequel il doit être tenu solidairement responsable avec elle du fait que les conventions collectives adoptées depuis 1994 sont discriminatoires envers les étudiants, le Syndicat explique qu’ABI n’a fourni aucune explication au soutien de sa décision de réduire le salaire des étudiants, décision qu’elle lui a présentée dans une offre finale à la fin du processus de négociation de la Convention 1994-2000.

[477]    Le prix de l’aluminium ayant connu une baisse drastique, le Syndicat estimait qu’il n’était pas à l’avantage des travailleurs réguliers — le statut d’occasionnel n’existant pas encore à l’Aluminerie à cette époque — de refuser la dernière offre patronale, le salaire des étudiants restant tout de même bon en comparaison de ce qu’ils pouvaient gagner ailleurs.

[478]    La Convention 1994-2000 ne prévoyant les salaires que pour les trois premières années de la convention (1994 à 1996), les parties syndicale et patronale doivent négocier le salaire des années suivantes avant l’expiration de la convention collective.

[479]    Comme elles ne s’entendent pas, les salaires sont établis par décision arbitrale le 10 juillet 1998 avec effet rétroactif au 1er juillet 1997[192], décision qui ne modifie pas le fait qu’un taux horaire plus bas que tous les autres soit applicable exclusivement aux étudiants. L’ajout à la Convention 1994-2000[193] majore les indices salariaux 1 à 7, mais ne traite pas du salaire des étudiants qui continue d’être établi par la lettre d’entente de la Convention de 1994-2000 en vigueur pour toute la durée de la convention.

[480]    Dans le cadre des négociations de la convention collective suivante, ABI refuse la demande du Syndicat d’éliminer la distinction salariale visant les étudiants[194], clause qui est donc intégrée à la convention du 1er juillet 2000[195].

[481]    Les parties se retrouvent à la table de négociations en 2004. Les négociations sont difficiles ; les travailleurs sont en grève pendant quatre mois et demi avant que les parties s’entendent.

[482]    Des négociations sont alors entamées avec les directeurs des Métallos, les directeurs d’Alcoa Canada et un médiateur, lequel recommande au Syndicat d’accepter l’offre qui est faite.

[483]    Un sondage réalisé auprès des employés révèle que le salaire des étudiants n’est pas une priorité. Les étudiants ne participent pas à ce sondage puisqu’il est effectué en dehors de leurs périodes d’embauche. La question de leur salaire ne fait donc pas l’objet d’une demande à ABI, et le projet de lettre d’entente du Syndicat daté du 30 avril 2004 qui établit les modalités d’emploi des étudiants ne modifie pas le ratio de leur salaire par rapport à celui payé aux autres employés[196].

[484]    En 2007, les parties négocient à nouveau les conditions salariales des employés à la suite du dépôt d’un grief qui donne lieu à l’évaluation des tâches à l’usine. Le Syndicat ne demande pas que l’indice salarial payable aux étudiants soit modifié pour être le même que celui payé aux autres salariés et corresponde à l’indice payable au poste aux tâches duquel ils sont assignés, sans tenir compte du nombre de tâches du poste auxquelles ils sont formés[197].

[485]    C’est à cette occasion que les indices salariaux qui s’échelonnaient jusque-là de 1 à 7, sont remplacés par les indices A à E, le dernier indice étant celui payable exclusivement aux étudiants. Les demandes formulées prévoient que le taux horaire payé aux étudiants soit établi non plus en termes de pourcentage du salaire le plus bas payé aux réguliers et aux occasionnels, mais suivant un taux déterminé, taux qui fait baisser le ratio de leur rémunération par rapport à celle des autres employés à près de 72 % du salaire le plus bas payé aux réguliers et aux occasionnels[198].

[486]    Au cours de 2008, le prix de l’aluminium tombe. Des usines ferment au Canada et aux États-Unis. Pour éviter d’avoir à fermer l’usine de Bécancour, Alcoa approche le Syndicat en début d’année (les conventions n’expirent qu’en novembre) et demande de réduire de 40 à 36 heures la semaine des travailleurs, sans diminuer la production ; deux cent soixante-quinze (275) avis de mise à pied sont envoyés ; l’employeur menace de fermer le tiers de l’usine. Le salaire des étudiants n’est alors aucunement dans les priorités du Syndicat.

[487]    C’est dans ce contexte que les parties concluent deux ententes le 30 avril 2009, dont une porte sur le réaménagement des horaires de travail.

[488]    L’autre entente est conclue en anticipation des négociations qui devaient avoir lieu quelques mois plus tard à l’expiration des Conventions 2004-2009[199], pour que les trois conventions soient renouvelées pour trois ans jusqu’au 22 novembre 2012. Elle fixe la majoration des salaires jusqu’à la date de signature de la prochaine convention en novembre 2012 : aucune demande n’est formulée en rapport avec le salaire des étudiants dans le cadre des discussions qui donnent lieu à cette entente.

[489]    Le 16 décembre 2010, le Syndicat dépose une plainte à la Commission au nom de 47 étudiants pour dénoncer ce qu’il considère être de la discrimination à leur égard fondée sur leur condition sociale ou leur âge, soit un traitement salarial moindre pour un travail équivalent[200].

[490]    Les conditions de travail se détériorent au cours de l’année 2011; beaucoup de griefs sont déposés et le Syndicat s’engage dans des négociations spéciales dirigées par Lucien Bouchard, avec l’objectif de revenir à une semaine de travail de 40 heures. Le Syndicat tente de faire changer le salaire des étudiants, mais ABI est fermée à l’idée.

[491]    En septembre 2012, lorsqu’il présente ses demandes dans le cadre des négociations des prochaines conventions collectives, le Syndicat ne formule aucune demande au sujet de la rémunération des étudiants, mais écrit :

Une plainte est en cours à la commission des droits de la personne. Nous sommes toutefois ouverts à discuter des problèmes concernant les étudiants.[201]

[492]    Le Code du travail[202] consacre à son article 47.2 l’obligation d’une association syndicale d’agir dans l’intérêt de ses membres :

47.2. Une association accréditée ne doit pas agir de mauvaise foi ou de manière arbitraire ou discriminatoire, ni faire preuve de négligence grave à l’endroit des salariés compris dans une unité de négociation qu’elle représente, peu importe qu’ils soient ses membres ou non.

[493]    Cet article n’innove pas en interdisant à une association syndicale d’agir de mauvaise foi, de manière arbitraire ou discriminatoire, ou de faire preuve de négligence à l’endroit d’un salarié qu’elle représente : le principe qu’elle consacre est essentiellement le même que celui énoncé à l’article 1457 C.c.Q.

[494]    Dans l’exercice du pouvoir d’agent négociateur exclusif des conditions de travail de ses membres qui lui est conféré, l’association accréditée a une marge de manœuvre considérable. Elle engage sa responsabilité si les décisions qu’elle prend pour les salariés qu’elle représente sont empreintes de malveillance, de partialité, d’arbitraire, ou entachées d’une erreur manifeste[203].

[495]    Un syndicat doit s’acquitter avec diligence et compétence de l’obligation de représentation à laquelle il est tenu, et ce, envers l’ensemble de l’unité de négociation. Il s’agit toutefois d’une obligation de moyen[204], dont la violation doit être démontrée par la partie qui poursuit le syndicat en dommages-intérêts[205].

[496]    Le seul fait de ne pas avoir formulé une demande ou de ne pas avoir obtenu un résultat ne constitue pas une faute. Le contexte dans lequel les négociations se sont déroulées doit être pris en compte pour déterminer si le syndicat a commis une faute dans l’exécution de son mandat de représentation des employés[206].

[497]    Christian Brunelle, maintenant juge à la Cour du Québec, s’exprime comme suit sur le sujet :

Dans l’application du devoir de juste représentation syndicale, les tribunaux reconnaissent ainsi aux agents négociateurs syndicaux une marge de manœuvre considérable.  Les choix de l’association accréditée ne seront évalués qu’en fonction d’une norme subjective axée sur la bonne foi et la rationalité des objectifs poursuivis.  Fort d’un pouvoir discrétionnaire étendu, le syndicat aura les coudées franches pour juger de ce qu’il est raisonnable de revendiquer, puis d’accepter, à la table des négociations. À moins que son évaluation ne soit entachée d’une erreur « manifestement déraisonnable » ou empreinte de malveillance, l’agent négociateur bénéficiera donc de la clémence des tribunaux appelés à déterminer ses obligations en vertu des codes du travail.[207]

(Références omises - Nos soulignements)

[498]    Voici ce qu’écrivait la Cour d’appel dans Université Laval[208] à ce sujet :

[121]  Le processus de négociation collective se prête mal à une obligation stricte de résultat, encore plus lorsqu’il est question d’une organisation syndicale.  En effet, dans certaines sphères, le rôle d’une association accréditée est limité en raison, notamment, des droits de direction de l’employeur. Dans cette optique, il est raisonnable de penser qu’un syndicat peut faire valoir qu’il ne disposait pas de moyens de résister à la norme discriminatoire sans que cela ne constitue une contrainte excessive pour lui.  Chaque situation doit être analysée dans son contexte propre.

(Références omises - Nos soulignements)

[499]    Dans Université Laval, appliquant les principes énoncés par la Cour suprême du Canada dans Renaud[209], la Cour d’appel a retenu, en rapport avec l’application de l’article 16 de la Charte ― en vertu duquel nul ne peut exercer de discrimination dans l’embauche, l’apprentissage, la durée de la période de probation, la formation professionnelle, la promotion, la mutation, le déplacement, la mise à pied, la suspension, le renvoi ou les conditions de travail d’une personne ainsi que dans l’établissement de catégories ou de classifications d’emploi qu’une organisation syndicale ne doit pas avoir participé à la rédaction d’une clause d’une convention collective discriminatoire ni gêner les efforts pour accommoder un employé visé par une mesure discriminatoire[210].

[500]    Elle établit toutefois que l’obligation du syndicat de ne pas contribuer à la mesure discriminatoire ni constituer un obstacle à sa neutralisation ne s’applique pas à l’obligation de l’employeur en vertu de l’article 19 de la Charte d’accorder un salaire égal pour un travail équivalent. La Cour d’appel écrit :

[128]  [] les termes utilisés à l’article 16 de la Charte « les conditions de travail » sont suffisamment larges pour englober la rémunération de salariés.  Les indices suivants favorisent, cependant, l’idée que les disparités salariales soient plutôt régies par l’article 19 de la Charte, qui impute à l’employeur uniquement la responsabilité d’une discrimination relative à la rémunération. [211]

[501]    Il appert de la preuve que le Syndicat n’a jamais voulu une différence salariale pour les étudiants. Cette mesure a été amenée unilatéralement par ABI à la table de négociations en 1994 comme partie d’une offre finale qui, depuis et même après le dépôt par le Syndicat d’une plainte à la Commission, a refusé de la retirer des conventions collectives adoptées subséquemment.

[502]    En l’instance, le Tribunal n’a pas à déterminer si les « conditions de travail » des étudiants sont discriminatoires au sens de l’article 16 de la Charte, mais seulement si les disparités salariales sont discriminatoires en ce qu’elles ne sont pas justifiées en fonction d’un des critères énoncés à l’article 19 de la Charte.

[503]    Pour ce motif, l’appel en garantie d’ABI est rejeté.

[504]    Dans la mesure où l’article 16 de la Charte se serait appliqué, le Tribunal aurait aussi conclu que le Syndicat n’a pas exercé de discrimination et qu’il s’est sincèrement opposé à la mesure discriminatoire lorsque cela a été approprié tenant compte des circonstances, mais sans succès. Il n’a pas choisi que les étudiants reçoivent une rémunération moindre que les autres salariés ; il a accepté cette mesure contre son gré, n’ayant pas réussi à obtenir qu’ABI renonce à son choix.

6e Question :          Certaines réclamations sont-elles prescrites ?

[505]    Le recours en dommages-intérêts exercé en vertu de la Charte est soumis à la prescription triennale de l’article 2925 C.c.Q.[212]. Par contre, la computation du délai de prescription d’un recours introduit devant le Tribunal est régie par l’article 76 de la Charte, qui se lit comme suit :

76. La prescription de tout recours civil, portant sur les faits rapportés dans une plainte ou dévoilés par une enquête, est suspendue de la date du dépôt de la plainte auprès de la Commission ou de celle du début de l’enquête qu’elle tient de sa propre initiative, jusqu’à la première des éventualités suivantes :

1 ° la date d’un règlement entre les parties ;

2 ° la date à laquelle la victime et le plaignant ont reçu notification que la Commission soumet le litige à un tribunal ;

3 ° la date à laquelle la victime ou le plaignant a personnellement introduit l’un des recours prévus aux articles 49 et 80 ;

4 ° la date à laquelle la victime et le plaignant ont reçu notification que la Commission refuse ou cesse d’agir.

(Nos soulignements)

[506]    Il n’est pas contesté que le point de départ de la prescription d’un recours fondé sur le caractère discriminatoire d’une convention collective est l’entrée en vigueur de la disposition contestée ou la date d’embauche de la victime ou du plaignant s’il a lui-même porté plainte à la Commission, suivant s’il est en poste ou pas au moment de l’entrée en vigueur de la disposition.

[507]    Pour les employés engagés après l’entrée en vigueur de la clause qui modifie la rémunération des étudiants, ABI soumet que le délai de prescription commence à courir à compter de la date de leur première embauche et que, par conséquent, certaines réclamations sont prescrites.

[508]    ABI soutient que chaque étudiant est informé de l’existence de conditions salariales moins avantageuses pour lui par rapport aux autres employés de l’Aluminerie dès sa première période d’emploi après l’introduction de la disposition contestée dans la convention collective en 1994, ou présumé l’être.

[509]    Pour l’Aluminerie, chaque période d’embauche ne bénéficie pas d’un délai de prescription distinct, et le fait que les étudiants soient engagés pour des périodes à durée déterminée ne fait pas en sorte qu’un nouveau délai de prescription court à la signature de chaque nouveau contrat de travail. En somme, pour les étudiants engagés après l’introduction de la disposition contestée dans la convention collective en 1994, ABI demande au Tribunal de déclarer prescrites les réclamations déposées plus de trois ans après leur première période d’embauche.

[510]    De son côté, la Commission avance que pour chaque victime la prescription court distinctement à compter de chaque nouvelle embauche. Elle considère que chaque période d’embauche d’un étudiant, durant la période estivale et la période des fêtes, est un contrat à durée déterminée distinct du précédent qui lui permet d’intenter un recours dans les trois ans de la date d’embauche pour réclamer d’être indemnisé pour le préjudice subi durant cette période.

[511]    La question n’est pas sans importance. Selon les calculs des parties, le montant d’une éventuelle condamnation pour dommages matériels en lien avec la rémunération discriminatoire payée aux étudiants pourrait varier de plus d’un million six cent mille dollars[213], incluant les cotisations syndicales de 1,45 %[214] du salaire payables au Syndicat sur ce montant, selon que le Tribunal retienne la position d’ABI ou celle de la Commission.

[512]    Selon une preuve non contredite, les étudiants qui travaillent chez ABI sont systématiquement engagés pour des périodes déterminées par la convention collective en vigueur au moment de leur embauche — entre la fête de Dollard, remplacée par la Journée nationale des patriotes depuis mai 2003, et la fête du Travail, pendant la période estivale, et deux semaines durant la période des fêtes[215] — ou, en dehors de ces périodes, pour pallier un manque de main-d’œuvre temporaire, après entente avec le Syndicat quant à la durée de l’emploi et au salaire[216].

[513]    ABI est détenue en partenariat à 75 % par Alcoa et à 25 % par Rio Tinto — Alcan. C’est Alcoa qui reçoit les curriculum vitae des étudiants qui aspirent à travailler chez ABI.

[514]    En prévision des périodes de vacances des employés réguliers et occasionnels de l’usine, un courriel de recrutement est envoyé aux étudiants qui ont déjà travaillé chez ABI[217] ainsi qu’aux employés, pour qu’ils fassent part de cette possibilité d’emploi à leurs connaissances. Une annonce est aussi publiée dans le journal interne d’ABI.

[515]    Pour que la candidature d’un étudiant soit retenue, il doit être très disponible pendant les 14 semaines d’été.

[516]    La priorité est donnée aux étudiants qui ont déjà travaillé à l’Aluminerie, pour tirer profit de l’expérience acquise durant la ou les périodes d’embauche antérieures[218]. Les postes non comblés sont ensuite attribués au sort aux candidats qui répondent aux exigences.

[517]    À l’approche de la fin de leur période d’emploi, les étudiants reçoivent un courriel leur indiquant les consignes de départ[219] : ils doivent laisser tous les vêtements de travail dans les casiers ou les bacs à vêtements sales pour être nettoyés, réparés et remis à leur disposition la saison prochaine, s’il y a lieu ; et laisser les cartes d’accès et les clés au poste de garde à la fin du dernier quart de travail.

[518]    ABI précise dans ce même message qu’en ce qui a trait aux remplacements pendant la période des fêtes, il est de la responsabilité de chaque étudiant de faire connaître son intérêt à travailler et de transmettre ses dates de disponibilité avant la date indiquée.

[519]    À la fin d’une période d’emploi, chaque étudiant se voit remettre un relevé d’emploi qui indique comme raison de fin d’emploi que le contrat est terminé[220].

[520]    La question de savoir si les contrats d’emploi sont à durée déterminée n’a pas fait l’objet d’un débat. Étant donné la preuve, il n’y a d’ailleurs pas de motif de remettre cette prémisse en question.

[521]    En matière de conditions de travail, le point de départ de la prescription est la date de la conclusion de la convention collective pour les employés à l’emploi d’ABI au moment de son adoption ou, pour ceux entrés en poste alors que la convention collective était déjà en vigueur, comme c’est le cas de toutes les personnes que la Commission représente, la date d’embauche[221].

[522]    La preuve établit que la conclusion des diverses conventions collectives qui fixent le salaire des étudiants se fait en dehors de leur période d’embauche. Ceci explique d’ailleurs en partie pourquoi au moment d’établir les priorités dans le cadre des négociations avec ABI, la question du salaire des étudiants ne ressort pas comme méritant de faire partie des revendications.

[523]    L’article 2880 C.c.Q. établit que le point de départ de la prescription extinctive est le jour où le droit d’action prend naissance. Pour que le délai de prescription d’un recours qui vise à obtenir un salaire équivalent pour un travail équivalent commence à courir, il faut que l’employé ait droit à un salaire. Or, le droit de recevoir un salaire ne naît qu’au moment où une personne est embauchée.

[524]    Ainsi, même s’il connaît les conditions salariales chez ABI et ne peut invoquer l’ignorance de leur caractère discriminatoire, le délai de prescription du recours d’un étudiant pour faire valoir son droit d’obtenir un salaire non discriminatoire ne peut courir avant qu’il soit embauché. Incidemment, d’une période d’embauche à l’autre, les étudiants ne savent pas s’ils seront engagés à nouveau. Comment alors le délai de prescription du droit éventuel de recevoir une paie égale pour un travail équivalent ou une paie non discriminatoire pourrait-il courir contre celui qui ne sait pas s’il sollicitera un autre contrat, et en faveur de celui qui ne sait pas si cette personne retravaillera pour lui ?

[525]    Le Tribunal écarte donc la prétention d’ABI que la prescription des réclamations de chaque victime a commencé à courir à partir de son premier contrat d’embauche, et retient plutôt que le délai de prescription de la réclamation de chacune des Victimes commence à courir pour chacune des périodes d’embauche, à la date d’embauche.

[526]    Une difficulté réside en l’instance dans le fait que les réclamations ont été déposées en trois vagues et que le moment de la prescription n’est donc pas le même pour chacun de ces trois groupes de Victimes.

1)    Prescription des réclamations visées par la Demande introductive d’instance du 1er mai 2015 et sa modification du 14 juin 2016 : 46 plaintes

[527]    La résolution CP-660.13[222] indique que, le 16 décembre 2010, le Syndicat dépose une plainte à la Commission au nom de 47 Victimes, pour dénoncer leurs conditions salariales discriminatoires, plainte qui n’est pas produite au soutien de la réclamation.

[528]    Le dépôt de cette plainte suspend la prescription du recours de chacune de ces 47 Victimes contre ABI, jusqu’à la date à laquelle chacune d’elles et le Syndicat plaignant reçoivent notification de la résolution par laquelle la Commission les avise qu’elle soumettra le litige au Tribunal si ABI refuse de donner suite aux demandes de redressement qu’elle lui a présentées.

[529]    Cette résolution est datée du 6 août 2014.

[530]    Le Syndicat fait signer un document de transaction et quittance aux étudiants qui souhaitent se joindre au recours devant le Tribunal par lequel ils renoncent à toute somme que le Syndicat pourrait être condamné à leur verser dans le cadre du recours intenté[223].

[531]    Le document de transaction et quittance énonce, à son septième attendu de la page 2, que le Syndicat est informé le 8 août 2014 de l’intention de la Commission de soumettre la situation au Tribunal dans l’éventualité où ABI ne donne pas suite à ses demandes de redressement.

[532]    Les quittances signées par les étudiants dont le Tribunal doit déterminer s’ils ont été victimes de discrimination ne sont pas produites.

[533]    ABI avait jusqu’au 5 septembre 2014 pour donner suite aux demandes de la Commission. Le recours est intenté le 1er mai 2015, 237 jours ou presque huit mois plus tard.

[534]    Le délai de prescription suspendu par le dépôt de la plainte par le Syndicat a recommencé à courir pour chacune des périodes d’embauche entre la date à laquelle les Victimes et le Syndicat plaignant ont reçu notification de l’intention de la Commission de s’adresser au Tribunal et la date à laquelle le recours a été entrepris.

[535]    Or, la preuve est silencieuse quant à la date à laquelle les Victimes reçoivent copie de la résolution qui les avise de l’intention de la Commission de s’adresser au Tribunal dans l’éventualité où ABI ferait défaut d’adopter les mesures de redressement suggérées.

[536]    Peut-on tenir pour acquise la date du 8 août 2014 comme étant celle à laquelle le premier groupe de Victimes a été avisé de l’intention de la Commission de soumettre le litige au Tribunal ?

[537]    Les 45 premières Victimes à avoir autorisé la Commission à intenter le présent recours contre ABI ont donné leur consentement aux dates indiquées dans le tableau ci-dessous[224] :


 

Tableau         Noms des 45 premières Victimes et dates auxquelles elles signent le consentement autorisant la Commission à agir pour elles

 

Nom de la victime

Signature du consentement

 

Nom de la victime

Signature du consentement

1

Marc-Olivier Fiset

22 sept. 2014

24

Josianne Gaillardetz

 

2

Marilyne Lavoie

 

25

Joanie Roy

 

3

Olivier Normandin

 

26

Maximilien Caron-Lampron

28 sept. 2014

4

Shany Gagnon

23 sept. 2014

27

Andrée-Anne Mongrain

 

5

Sarah-Jane Maloney

 

28

Elisabeth Provencher

 

6

Vanessa Olsen

 

29

Tommy Cossette

30 sept. 2014

7

Audrey Loranger

24 sept. 2014

30

Gabrielle Bruneau

 

8

Maxime Bélanger

25 sept. 2014

31

Marie-Ève Thibeault

 

9

Marie-Pier Cloutier

 

32

David Séguin

 

10

Marie-Pier Desrosiers

 

33

Stéphanie Beaudry

1er oct. 2014

11

Alexandra Dumont

 

34

Simon Labrie

 

12

Jessica Fex

 

35

David Vincent Auger

2 oct. 2014

13

Karine Fiset

 

36

Sébastien Boilard

 

14

Janie Provencher

 

37

Jessica Hudon

6 oct. 2014

15

Marjorie Turcotte

 

38

Ghislain Messier

 

16

Patrick Sylvain

 

39

Virgine Noël

7 oct. 2014

17

Francis Bordeleau

26 sept. 2014

40

Evan Poulin

10 oct. 2014

18

Éric Chauvette

 

41

Samuel Morin Carignan

11 oct. 2014

19

Josée Dugré

 

42

Vincent Fortin

17 oct. 2014

20

Sophie Niquet

 

43

Marie-Ève Diamond Manseau

20 déc. 2014

21

Laurie Pelletier

 

44

Jérôme Sicard

16 fév. 2015

22

Maxime Thibeault

 

45

Joël Maillot

14 mars 2015

23

Sébastien Bertrand

27 sept. 2014

 

 

 

[538]    Le nom de Vickie Sylvestre n’apparaît pas dans la liste des Victimes pour lesquelles la Commission intente le recours ni dans la liste des personnes l’ayant autorisée à entreprendre le recours. La Commission ne produit pas non plus de déclaration pour valoir témoignage signé par cette personne. Il faut donc écarter d’entrée de jeu la possibilité que des dommages-intérêts lui soient versés, même si son nom apparaît dans le tableau joint à la Résolution CP-660.13 dans lequel la Commission indique le montant des dommages qu’elle réclame pour chaque victime.

[539]    Somme toute, la Commission annonce initialement introduire son recours pour 47 Victimes alors que dans les faits elle ne représente alors valablement que les 45 Victimes dont les noms apparaissent dans le tableau ci-dessus.

[540]    Le 14 juin 2016, la Commission modifie sa demande introductive d’instance et son mémoire pour ajouter Emmanuelle Germain à la liste des Victimes pour lesquelles elle réclame des dommages matériels et moraux en réparation des conditions salariales discriminatoires, ce qui porte à 46 le nombre de Victimes au nom desquelles elle intente le recours. Elle produit avec la procédure amendée un formulaire de consentement signé par Mme Germain, daté du 22 mars 2015.

[541]    Ces précisions ayant été apportées, le Tribunal estime pertinent de rappeler les motifs qui sous-tendent la règle de la prescription :

1113 — Ordre public — L’ordre public constitue l’une des principales justifications avancées au soutien de la prescription extinctive. Dans une société moderne, basée sur la rapidité et la stabilité des échanges économiques, il n’est pas sain que certaines situations juridiques restent floues ou incertaines trop longtemps. Il faut que le droit, au bout d’un certain temps, acquière une certitude qui permette de cristalliser la situation juridique et de consolider le droit des parties et des tiers. En ce sens, c’est au nom des intérêts supérieurs de la justice et de la paix sociale que l’on invoque généralement l’ordre public au soutien des règles sur la prescription. C’est d’ailleurs sur le fondement de l’ordre public que le législateur défend de renoncer d’avance à la prescription (art. 2883 C.c.Q.), interdit aux parties de fixer conventionnellement un délai autre (art. 2884 C.c.Q.) et permet à un tiers d’invoquer la prescription lors même que le débiteur y renonce (art. 2887 C.c.Q.). Cette tendance en faveur de la sécurité juridique liée à la prescription s’est également manifestée, lors de la réforme du Code civil, par la réduction de prescriptions trentenaires en prescriptions triennales.

114 — Sanction d’une négligence — Il paraît normal que le créancier d’un droit en réclame l’exécution lorsque celui-ci est devenu exigible. Ne pas le faire, après un certain laps de temps, dénote a priori une certaine négligence. Priver le créancier de la faculté d’exercer son droit de créance, après l’expiration d’une période de temps révélatrice de cette négligence, constitue donc une forme de sanction de son comportement en traitant, en quelque sorte, son comportement comme une manifestation de sa volonté de renoncer à son droit d’action.[225]

(Références omises - Nos soulignements)

[542]    Le débiteur d’une obligation ne devrait pas être pénalisé par le refus ou l’omission non justifiée d’une partie comme la Commission, bien au fait de ses obligations, de respecter les formalités associées à l’exercice d’un droit.

[543]    Pour déterminer le point de départ de la prescription du recours des 46 premières Victimes en faveur desquelles le recours a été entrepris, le Tribunal tient compte du fait que malgré l’obligation implicite qui résulte de la Charte, la Commission ne s’est pas constitué une preuve de la notification de sa résolution aux Victimes, privant ainsi la défenderesse de sa faculté de calculer avec certitude le délai de prescription.

[544]    Dans ces circonstances, la Commission connaissant l’obligation que lui impose l’article 76 de la Charte de notifier aux Victimes sa résolution de soumettre le litige au Tribunal en même temps qu’elle l’a notifié au Syndicat plaignant, le Tribunal fixe la date de la notification au 8 août 2014.

[545]    Cette conclusion est compatible avec le fait que les signatures des consentements visant à autoriser la Commission à intenter le recours au nom des Victimes se sont échelonnées sur une période d’un mois pour les 42 premières signatures, entre le dimanche 14 septembre et le vendredi 17 octobre 2014. Une signature s’est ajoutée au mois de décembre, puis une en février et, enfin, les deux dernières en mars 2015.

[546]    Ces consentements ont été obtenus après la fin de la période estivale au cours de laquelle, comme prévu aux conventions collectives, ABI a recours à la main-d’œuvre étudiante pour combler les postes habituellement occupés par ses employés en vacances.

[547]    Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal considère que pour les 45 premières Victimes au nom desquelles la Commission réclame compensation, toute réclamation pour un dommage subi avant le 13 juin 2008 est prescrite. En ce qui concerne Emmanuelle Germain, toute réclamation pour un dommage subi avant le 12 octobre 2009 est prescrite. Ces dates ont été déterminées en tenant compte des éléments suivants :

a)     la plainte déposée par le Syndicat le 16 décembre 2010 suspend le délai de prescription des réclamations ;

b)     puisque le délai de prescription est de trois ans, toute réclamation pour des salaires ou des dommages subis en rapport avec des conditions salariales discriminatoires avant le 16 décembre 2007 est prescrite ;

c)      189 jours se sont écoulés entre le 9 août 2014[226], première journée après la notification de la résolution, et le 1er mai 2015, date de l’introduction du recours au nom des 45 premières Victimes, durant lesquels la prescription des réclamations a recommencé à courir ;

d)     675 jours se sont écoulés entre le 9 août 2014, première journée après la notification de la résolution, et le 14 juin 2016, date de l’introduction du recours au nom de la 46e victime (Emmanuelle Germain), durant lesquels la prescription de sa réclamation a recommencé à courir ;

e)     189 jours après le 16 décembre 2007, c’est le 13 juin 2008, date avant laquelle toute réclamation pour les 45 premières Victimes est prescrite ;

f)       675 jours après le 16 décembre 2007, c’est le 12 octobre 2009, date avant laquelle toute réclamation pour Emmanuelle Germain est prescrite.

2)    Prescription des réclamations visées par la modification à la Demande introductive du 14 mars 2017 : ajout de 114 Victimes

[548]    Cent dix-sept Victimes déposent une plainte à la Commission entre le 18 juillet et le 3 octobre 2016[227] pour dénoncer les conditions salariales qu’elles jugent discriminatoires chez ABI.

[549]    Par la même occasion, elles manifestent leur désir de se joindre au recours intenté par la Commission le 1er mai 2015, le Syndicat ayant avisé les étudiants qui ont travaillé ou travaillent chez ABI de la possibilité de se joindre au recours et des conditions pour le faire dans une lettre datée du 2 mai 2016[228].

Tableau         Dates auxquelles 117 Victimes signent le document par lequel elles portent plainte à la Commission et la mandatent pour qu’elle agisse en leur nom[229]

 

 

Nom

Plainte/mandat de représentation :

 

Nom

Plainte/mandat de représentation :

1

Stéphanie Beaudry1

18 juillet 2016

27

Geneviève Therrien

 

2

Sébastien Bertrand1

 

28

Samuel Bergeron

21 juillet 2016

3

Karine Brouillette

 

29

Nathan Champagne

 

4

Marie-Philippe Brunelle

 

30

Mélissa Cloutier-Gendron

 

5

Maude Buist-Hamelin

 

31

Laurence Cormier

 

6

Emmanuel Doucet

 

32

Marie-Hélène Dufresne

 

7

Nathasha Larivière-Gaudet

 

33

Jeremy P. Latour

 

8

Camille Latour

 

34

Mathieu Pellerin

 

9

Claudy Lépine

 

35

Morgane Pellerin

 

10

Ann McRae

 

36

William Robidoux

 

11

Andrée-Anne Mongrain2

 

37

Marie-Pier Vertefeuille

 

12

Olivier Morin

 

38

Camille Lavoie

22 juillet 2016

13

Jimmy Pellerin

 

39

Kelly Massicotte

 

14

Laurie Pelletier2

 

40

Daniel Verner

 

15

Marie-Pier Quessy

 

41

Francis Bergeron

23 juillet 2016

16

Nicolas Cholette

19 juillet 2016

42

Laurie Bergeron

 

17

Roxane Desrosiers

 

43

Marc-Antoine Frigon

 

18

Marie-Soleil Normandin

 

44

Alexandre Gauthier

 

19

Janie Riopel

 

45

André-Anne Plourde

 

20

Mélissa Veilleux

 

46

Charlène Despins

24 juillet 2016

21

Chloé Desruisseaux

20 juillet 2016

47

Vinyah Lemieux-Belly

 

22

Marilyn Désy

 

48

Laurie Pineault

 

23

Jérémy Faucher

 

49

Marianne St-Pierre

 

24

Michaël Godin

 

50

David Boudreau

25 juillet 2016

25

Sébastien Lortie

 

51

Marc-André Labonne

 

26

Florence St-Gelais

 

52

Antoine Lachance-Marchand

 

53

Léa Lanneville

 

86

Mathieu Teasdale

 

54

Catherine Bourque

26 juillet 2016

87

Felix Tétreault

 

55

David Désy

 

88

Samuel Boisvert

12 août 2016

56

Pierre-Olivier Grenier

 

89

Mélissa Brisson-Pagé

13 août 2016

57

Jany Mailhot

 

90

Caroline Bourque

14 août 2016

58

Vicky Pelletier

 

91

Enya Carignan

 

59

Roxanne Bergeron

28 juillet 2016

92

Ludovik Lesage-Hinse

 

60

Kelly Marchand

 

93

Nicolas Arseneault

15 août 2016

61

Kristelle Paradis

 

94

Audrey Descôteaux

 

62

Catheryne Laprise

29 juillet 2016

95

Félix-Antoine Foisy-Fougeault

 

63

Joanie Beaudoin

30 juillet 2016

96

Josiane Gaillardetz2

 

64

Ariane Hamel

31 juillet 2016

97

Etienne Gagné

16 août 2016

65

Mariane Simard

 

98

Elisabeth Bronsard

17 août 2016

66

Pascal Boudreau

1er août 2016

99

Jean-Carl Bujold

 

67

Anthony Frappier

 

100

Jonathan Gervais

 

68

Vicky L’Heureux

 

101

Caroline Bergeron

18 août 2016

69

Émile St-Pierre

 

102

Jesse Brown

 

70

Josiane Bertrand

2 août 2016

103

Paméla Lavoie

19 août 2016

71

Vicky Chamberland

 

104

Geneviève Gauvin-Richard

20 août 2016

72

Nathaniel Bérubé-Gélinas

3 août 2016

105

Alexandre Côté

21 août 2016

73

Mathieu Loranger

 

106

Roxane Cyrenne

 

74

Catherine Cormier

4 août 2016

107

Catherine Tremblay-La Haye

22 août 2016

75

Philippe Maltais

 

108

Charlyne Caya

24 août 2016

76

Karl Normandin

 

109

Jamal Busque

26 août 2016

77

Simon Parisé

5 août 2016

110

Marc-André Arvisais

28 août 2016

78

Marc-André Duclos

8 août 2016

111

Maxime Noël

 

79

Anne Fréchette

 

112

Michael Hould

29 août 2016

80

Philippe Hamel

 

113

Auréliane Beaulieu-Larouche

31 août 2016

81

Laurence Lavergne

 

114

Marc-André Dubuc

 

82

Alex Corriveau

9 août 2016

115

Marc-André L’Heureux

 

83

Émilie Paillé-Mongrain

 

116

Hugo Gervais

15 sept. 2016

84

Keven Vaillancourt

10 août 2016

117

Sophie Barclay

3 octobre 2016

85

Josée Dugré1

11 août 2016

 

 

 

1 Ces noms apparaissent dans la liste des 45 victimes de la Demande introductive d’instance initiale, c’est dont 111 nouvelles victimes qui s’ajoutent au recours.

2 Ces noms n’apparaissent pas sur la Demande introductive d’instance Ré-réamendée du 14 mars 2017, mais sont déjà dans la liste des victimes de la Demande introductive d’instance initiale.

[550]    Pour les Victimes qui s’ajoutent à la réclamation, le délai de prescription qui s’applique est celui mentionné dans la sous-section précédente.

[551]    Les nouvelles plaintes ne portent pas l’étampe de la Commission pour indiquer la date à laquelle elles sont reçues.

[552]    La résolution CP-712.1[230] mentionne que le Syndicat porte plainte à la Commission pour ces Victimes le 29 septembre 2016, la plainte n’étant pas produite au soutien de la réclamation.

[553]    Dans les faits toutefois, les Victimes ont chacune signé un document de plainte par lequel elles dénoncent leurs conditions salariales discriminatoires chez ABI et mandatent la Commission pour agir en leur nom[231].

[554]    Quoi qu’il en soit, le Tribunal retient que les plaintes ont été déposées à la Commission le 29 septembre 2016 et ont suspendu la prescription des réclamations de ces Victimes.

[555]    Il appert du texte de la résolution que la Commission n’a pas tenu d’enquête en lien avec ces plaintes, enquête qui aurait été la même que celle déjà réalisée en lien avec les premières plaintes similaires sur lesquelles elle a fait enquête.

[556]    La preuve est silencieuse quant à la question de savoir si la Commission a notifié la deuxième résolution au Syndicat plaignant et aux Victimes.

[557]    Étant donné que par le même document les Victimes saisissaient la Commission tant de leur plainte quant à leurs conditions salariales chez ABI, que du mandat de joindre leurs réclamations à celles des 46 Victimes pour lesquelles la Commission avait déjà intenté un recours, et puisqu’il s’agissait en tout point du même type de réclamations que celles pour lesquelles la Commission avait déjà saisi le Tribunal, ce dernier retient que la prescription du recours de chacune des 111 nouvelles Victimes a été suspendue 28 jours à partir de la communication des plaintes à la Commission le 29 septembre 2016, jusqu’à l’adoption de la résolution par la Commission le 27 octobre 2016.

[558]    La Commission amende sa demande introductive d’instance pour y ajouter le nom des 111 Victimes le 14 mars 2017, après un délai de 139 jours durant lequel la prescription a recommencé à courir. Conséquemment, toute réclamation pour dommages matériels ou moraux subis par ces Victimes avant le 15 février 2014 est prescrite[232].

3)    Prescription des réclamations de la troisième vague de réclamations

[559]    Les 68 dernières plaintes déposées à la Commission en lien avec les conditions salariales des étudiants qui travaillent ou ont travaillé chez ABI sont signées aux dates qui apparaissent dans le tableau ci-dessous[233] :

Tableau         Dates auxquelles les 68 Victimes signent le document par lequel elles portent plainte à la Commission et la mandatent pour qu’elle agisse en leur nom

 

Nom

Plainte/mandat représentation

 

Nom

Plainte/mandat représentation

1

Ariane Hamel

5 mai 2016

35

Marc-André Labonne

 

2

Philipe Hamel

 

36

Marc-André Dubuc

21 mai 2016

3

David Boudreau

9 mai 2016

37

Etienne Gagné

 

4

David Désy

 

38

Laurence Lavergne

22 mai 2016

5

William Robidoux

 

39

Morgane Pellerin

 

6

Charlène Despins

10 mai 2016

40

Mélissa Brisson-Pagé

23 mai 2016

7

Ludovik Lesage-Hinse

 

41

Félix-Antoine Foisy-Fougeault1

 

8

Janie Riopel

 

42

Vinyah Lemieux-Belly

 

9

Émile St-Pierre

 

43

Marc-André Arvisais

24 mai 2016

10

Nicolas Cholette

11 mai 2016

44

Philippe Maltais

 

11

Marie-Hélène Dufresne1

 

45

Catherine Bourque

25 mai 2016

12

Antoine Lachance-Marchand

 

46

Jean-Carl Bujold

 

13

Catherine Tremblay-La Haye

 

47

Mélissa Cloutier-Gendron

 

14

Samuel Bergeron

12 mai 2016

48

Laurie Pineault

 

15

Hugo Gervais

 

49

Marie-Pier Quessy

 

16

Mathieu Loranger

 

50

Anthony Frappier

26 mai 2016

17

Chloé Desruisseaux

13 mai 2016

51

Geneviève Therrien

 

18

Emmanuel Doucet

 

52

Jimmy Pellerin

27 mai 2016

19

Elisabeth Bronsard

14 mai 2016

53

Alexandre Gauthier

28 mai 2016

20

Ann McRae

 

54

Geneviève Gauvin-Richard

 

21

Marie-Pier Vertefeuille

 

55

Vicky L’Heureux

29 mai 2016

22

Karine Brouillette

15 mai 2016

56

Sébastien Lortie

 

23

Mathieu Pellerin

 

57

Simon Parisé

 

24

Nathaniel Bérubé-Gélinas

16 mai 2016

58

Anne Fréchette

30 mai 2016

25

Charlyne Caya

 

59

André-Anne Plourde

31 mai 2016

26

Marilyn Désy

 

60

Sophie Barclay

1er juin 2016

27

Jérémy Faucher

 

61

Francis Bergeron

 

28

Marc-Antoine Frigon

 

62

Marianne St-Pierre

 

29

Kelly Massicotte

 

63

Mélissa Veilleux

3 juin 2016

30

Marie-Soleil Normandin

 

64

Laurie Bergeron

4 juin 2016

31

Marie-Philippe Brunelle

17 mai 2016

65

Alexandre Côté

5 juin 2016

32

Enya Carignan

 

66

Jérémy P. Latour

 

33

Vicky Chamberland

19 mai 2016

67

Caroline Bourque

6 juin 2016

34

Nicolas Arseneault

20 mai 2016

68

Catheryne Laprise

 

1    Désigné sous le nom de famille Foisy dans la liste des Victimes au nom desquelles la Commission a intenté le recours.

[560]    Non seulement le nom de chacune des 68 Victimes apparaît déjà dans la liste des 117 Victimes de la deuxième vague de plaintes, mais toutes les plaintes déposées au soutien de ce que la Commission a qualifié de « troisième vague de plaintes » ont été signées avant les plaintes qui ont donné lieu à la résolution CP-712.1 du 27 octobre 2016 et à la modification de la demande introductive d’instance du 14 mars 2017.

[561]    Il semble que la Commission n’ait pas eu conscience de ce fait et aucune preuve n’a été administrée pour permettre au Tribunal de déterminer si un même nom désigne deux personnes différentes. Le Tribunal doute que cela soit le cas, mais il appartiendra aux parties de le déterminer lors de l’exécution du jugement.

[562]    Puisque l’étampe apposée par le bureau de la Commission à Trois-Rivières sur chacune des plaintes indique qu’elles ont toutes été reçues le 17 juin 2016, le sort de ces plaintes a été scellé par la résolution CP-712.1 du 27 octobre 2016.

[563]    Le Tribunal note que cette résolution fait référence à 141 plaintes, chiffre qui ne correspond ni au nombre de plaintes déposées[234] ni à celui des Victimes[235].

[564]    La Commission ne modifie pas sa réclamation pour ajouter ce qu’elle désigne comme étant le nom de 68 nouvelles réclamations à sa demande introductive. Elle dépose la liste des Victimes et une copie des plaintes qu’ils ont signées pour que leurs réclamations soient traitées avec celles déjà soumises au Tribunal, le 27 avril 2017.

[565]    Si tant est qu’il s’agisse de personnes différentes de celles visées par la modification du 14 mars 2017, la prescription de ces nouvelles plaintes et des réclamations auxquelles elles donnent lieu a été suspendue le jour de la réception des plaintes au bureau de la Commission à Trois-Rivières le 17 juin 2016. N’eut été du fait que la Commission n’a pas intenté le recours en leur nom immédiatement et que la prescription a recommencé à courir, toute réclamation découlant du caractère discriminatoire des conventions collectives antérieure au 17 juin 2013 serait prescrite.

[566]    La prescription a en effet repris entre l’adoption de la résolution le 27 octobre 2016 et le 27 avril 2017[236], date à laquelle la Commission produit la liste, les parties s’étant entendues sur cette façon de procéder.

[567]    Il s’est écoulé 181 jours entre le 27 octobre 2016, jour où la Commission adopte la résolution par laquelle elle décide de joindre à son recours les réclamations en lien avec ces plaintes, et le 27 avril 2017, date à laquelle elle ajoute le nom des Victimes à son recours.

[568]    Conséquemment, pour ces 68 Victimes, les réclamations antérieures au 19 décembre 2013 sont donc prescrites.

[569]    Les parties signent un protocole de gestion d’instance le 14 novembre 2016 et un autre le 4 avril 2017 dans lequel elles confirment s’entendre pour que les conclusions en droit du présent jugement s’appliquent aux plaintes qui ont fait l’objet des deux résolutions déjà adoptées par la Commission qui se sont jointes à la réclamation en cours d’instruction et à celles visées par la résolution que la Commission est sur le point d’adopter en lien avec 21 nouvelles plaintes.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[570]    ACCUEILLE partiellement la demande introductive d’instance ré-réamendée ;

[571]    ORDONNE à la partie défenderesse :

a)     DE CORRIGER rétroactivement le préjudice discriminatoire subi par les Victimes concernées, et plus précisément :

b)     DE RECONNAÎTRE rétroactivement à chacune des Victimes tous les droits, avantages et privilèges, présents et futurs auxquels elles auraient eu droit, n’eût été la distinction salariale discriminatoire découlant de leur statut d’étudiant ;

[572]    CONDAMNE la défenderesse à verser à chacune des Victimes, à titre de dommages matériels, les sommes nécessaires pour compenser les pertes subies pendant toute la période non prescrite en raison du traitement salarial distinct découlant de leur statut d’étudiant, depuis :

a)     le 13 juin 2008 quant aux 45 Victimes dont les noms apparaissent au tableau du paragraphe [537] ;

b)     le 12 octobre 2009 quant à Emmanuelle Germain ;

c)     le 15 février 2014 quant aux 117 Victimes dont les noms apparaissent au tableau du paragraphe [549] ;

d)     le 19 décembre 2013 quant aux 68 Victimes dont les noms apparaissent au tableau du paragraphe [559] ;

[573]    CONDAMNE la défenderesse à payer à chacune des Victimes 1 000 $ à titre de dommages moraux ;

[574]    LA SOUSSIGNÉE demeure saisie du dossier pour une période de six mois pour aider les parties à régler toute difficulté qui pourrait surgir en lien avec le calcul des indemnités payables à titre de dommage matériel à chacune des Victimes dont le nom apparait au présent jugement et à celles dont les parties ont convenu de régler le sort dans le cadre des protocoles qu’elles ont signé les 14 novembre 2016 et 4 avril 2017 en lien avec la gestion de nouvelles plaintes ;

[575]    ORDONNE à la défenderesse de :

a)    RENDRE conforme à l’article 19 de la Charte des droits et libertés de la personne la clause des conventions collectives qui prévoit une distinction salariale fondée sur le statut d’étudiant ;

b)    TRANSMETTRE à la Commission, dans un délai de 120 jours, un exemplaire de la clause modifiée ;

[576]    LE TOUT avec les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle conformément à l’article 1619 C.c.Q. depuis l’assignation ;

[577]    PREND ACTE des protocoles de gestion d’instance signés par les procureurs des parties les 14 novembre 2016 et 4 avril 2017 et leur ordonne de s’y conformer ;

[578]    REJETTE l’appel en garantie contre le Syndicat des métallos Local 9700 (Aluminerie de Bécancour) ;

[579]    AVEC les frais de justice,

 

 

__________________________________

MAGALI LEWIS,

Juge au Tribunal des droits de la personne

Me Maurice Drapeau

M. Nicholas Chine, stagiaire

BOIES DRAPEAU BOURDEAU

Pour la partie demanderesse

 

Me Louise Laplante

Me Caroline Jodoin

NORTON ROSE FULBRIGHT CANADA

Pour la partie défenderesse

 

Me Stéphanie Lindsay

PHILION LEBLANC BEAUDRY

Pour la partie plaignante

 

Dates d’audience :

14, 15, 16 et 17 novembre 2016

20, 21, 22, et 23 mars 2017

3, 4, 5, 6 et 7 avril 2017

4, 5 et 6 juillet 2017

 



[1]     Voir le détail du calcul du nombre de Victimes dans la section qui traite de la prescription, infra, note 235.

[2]     Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12.

[3]     Pièce D-21B : Tableau comparatif des tâches effectuées par les employés suivant leur statut de régulier, occasionnel ou étudiant.

[4]     Pièce P-4 : Lettre du 23 décembre 2008 de Guy Tremblay à l’enquêteur de la Commission au sujet de la plainte de discrimination en lien avec le salaire des étudiants.

[5]     Pièce P-4 : id.

[6]     Pièces IN-6 : Guide de formation pratique (mai 2007), annexe à la lettre du 23 décembre 2008 produite sous la pièce P-4 par la Commission et D-23 : Modalité d’organisation du travail (extrait).

[7]     Pièces D-46 : Extrait de l’organisation de travail secteur Carbone sous-secteur Four à cuire ; D-54 : Rotation des employés de l’équipe SAE ; D-54B : Rotation des employés de l’équipe SAE (août 2016 à décembre 2016) ; D-63 : Horaire de rotation secteur Manutention-Transport ; D-66 : Horaire de rotation à la Captation.

[8]     Pièces IN-2 : Convention collective de travail entre Aluminerie de Bécancour Inc. et le Syndicat des métallos, section locale 9700 - Opération et entretien (2004-2009) (ci-après Convention Opération et entretien 2004-2009), art. 17.07 ; IN-3 : Convention collective de travail entre Aluminerie de Bécancour Inc. et le Syndicat des métallos, section 9700 Opération et entretien (2009-2012) (ci-après Convention Opération et entretien 2009-2012), art. 17.07 ; et D-36 : Convention collective de travail Opération et entretien entre Aluminerie de Bécancour Inc. et le Syndicat des Métallos, section locale 9700, (2012-2017) (ci-après Convention Opération et entretien 2012-2017), art. 17.07.

[9]     Pièce D-27 : Courriel d’Annie Dubois du 26 mai 2014 concernant la formation des étudiants.

[10]    Pièces P-4 : Lettre du 23 décembre 2008 de Guy Tremblay à l’enquêteur de la Commission au sujet de la plainte de discrimination en lien avec le salaire des étudiants, p. 5; D-21B : Tableau comparatif des tâches effectuées par les employés réguliers, occasionnels et étudiants et P-22 : Tableau sur les tâches étudiantes.

[11]    Pièce IN-2 : Convention Opération et entretien 2004-2009, Annexe « N ».

[12]    L’article 17.08 traite des postes à combler de façon temporaire. En vertu de la convention collective en vigueur à compter du 23 novembre 2009, le taux horaire le moins élevé payé aux étudiants de 24,82 $ de l’heure.

[13]    Pièces IN-2 : Convention Opération et entretien 2004-2009, Lettre d’entente Modalités d’utilisation des étudiants des secteurs d’opération, p. 141-142 ; IN-3 : Convention Opération et entretien 2009-2012, Lettre d’entente Modalités d’utilisation des étudiants des secteurs d’opération, p. 141-144 ; D-36 : Lettre d’entente période d’été en vertu de 19.04 et périodes des fêtes, p. 224 ; IN-4 : Convention collective de travail Laboratoire et environnement entre Aluminerie de Bécancour Inc. et le Syndicat des métallos, section locale 9700 (2004-2009) (ci-après Convention Laboratoire et environnement 2004-2009), Lettre d’entente étudiants, p. 97 ; IN-5 : Convention collective de travail Laboratoire et environnement entre Aluminerie de Bécancour Inc. et le Syndicat des métallos, section locale 9700 (2009-2012) (ci-après Convention Laboratoire et environnement 2009-2012), Lettre d’entente étudiants, p. 141 ; D-60 : Convention collective de travail Laboratoire et environnement entre Aluminerie de Bécancour Inc. et le Syndicat des métallos, section locale 9700 (2012-2017) (ci-après Convention Laboratoire et environnement 2012-2017), Lettre d’entente étudiants, p. 157 ; D-2A : Convention collective de travail Bureau et Technique, entre Aluminerie de Bécancour Inc. et le Syndicat des métallos, section locale 9700 (2006-2009), Lettre d’entente étudiants et stagiaires, p. 133-134 ; D-2B : Convention collective de travail Bureau et Technique entre Aluminerie de Bécancour Inc. et le Syndicat des métallos, section locale 9700 (2009-2012) (ci-après Convention Bureau et technique 2009-2012), Lettre d’entente étudiants et stagiaires, p. 134-135.

[14]    Pièces D-13 : Courriel du 3 février 2010 concernant l’appel de mise en candidature des étudiants ; P-4 : Lettre du 23 décembre 2008 de Guy Tremblay à l’enquêteur de la Commission au sujet de la plainte de discrimination en lien avec le salaire des étudiants, p. 4.

[15]    Pièce IN-2 : Convention Opération et entretien 2004-2009, p. 141.

[16]    Les salariés occasionnels font leur apparition chez ABI dans la convention de 1994-2000 (Pièce D-30A : Convention 1994-2000, Annexe « N »). Au départ, leur période de probation est de 120 jours. Elle passe à 960 heures dans la convention de 2000-2004 (Pièce D-33 : Convention 2000-2004, Annexe « N »).

[17]    Pièce D-11 : Lettre de Monique Bastien à Clément Masse du 2 février 2011.

[18]    Pièces P-3 : Copie de deux courriels en date du 14 mai 2008 et du 20 octobre 2015 ; IN-7 : Courriel d’Éric Moore du 28 octobre 2011 et IN-8 : Courriels des 14 mai 2008, 20 et 28 octobre 2011 d’Éric Moore du Comité exécutif du Syndicat.

[19]    Pièces P-3 : id. ; IN-7 : id. ; et IN-8 : id.

[20]    Pièces P-3 : id. ; IN-7 : id. ; et IN-8 : id.

[21]    Pièce IN-2 : Convention Opération et entretien 2004-2009, Lettre d’entente Modalités d’utilisation des étudiants du secteur opération p. 141-142 et Lettre d’entente Modalités d’utilisation des étudiants du secteur entretien p. 143-144, Annexe « I », p. 91-92.

[22]    Pièce IN-3 : Convention Opération et entretien 2009-2012, p. 142.

[23]    Pièce IN-2 : Convention Opération et entretien 2004-2009, Annexe « I ».

[24]    Pièce D-30A : Convention 1994-2000.

[25]    Pièces D-30A : Convention 1994-2000, p. 98 : le taux horaire est fixé à 15,97 $ à compter du 1er janvier 1995 (84,98 % de l’indice 7) ; à 16,34 $ à compter du 1er janvier 1996 (84,97 % de l’indice 7) et à 16,92 $ à compter du 1er janvier 1997 (84,98 % de l’indice 7) ; D-33 : Convention collective de travail (2000-2004) entre Aluminerie de Bécancour Inc. et le Syndicat des employée(es) de l’Aluminerie de Bécancour inc. (F.S.S.A.) (ci-après Convention 2000-2004), p. 132 ; IN-2 : Convention Opération et entretien 2004-2009, p. 142, Lettre d’entente Modalités d’utilisation des étudiants du secteur opération, p. 141-142 et Lettre d’entente Modalités d’utilisation des étudiants du secteur entretien, p. 143-144, Annexe « I », p. 91-92.

[26]    Pièce IN-2 : Convention Opération et entretien 2004-2009, p. 141, clause 7.

[27]    Pièce D-21B : Tableau comparatif des tâches effectuées par les employés réguliers, occasionnels et étudiants.

[28]    Témoignage d’Étienne Caron du 22 mars 2017.

[29]    Témoignage de James Maloney.

[30]    Témoignage du 15 novembre 2016.

[31]    Témoignage du 4 avril 2017.

[32]    Témoignage du 22 mars 2017.

[33]    Pièce D-24 : Programme de formation des étudiants élaboré avec le Syndicat.

[34]    Pièce IN-16 : Régime alternatif — Organisation du travail — Carbone sous-secteur scellement, Rubrique Maintien des compétences, p. 9.

[35]    Pièce IN-16 : id., p. 11.

[36]    Témoignage du 4 avril 2017.

[37]    Témoignage du 15 novembre 2016.

[38]    Pièce IN-2 : Convention Opération et entretien 2004-2009.

[39]    Selon le Grand dictionnaire terminologique, le brasquage est une opération qui consiste à revêtir de brasque les moules et les creusets. La brasque en métallurgie est un revêtement étendu sur la surface d’une cuve d’électrolyse pour empêcher qu’elle ne réagisse.

[40]    Témoignage de Pierre Charrois du 15 novembre 2016.

[41]    Pièce D-21B : Tableau comparatif des tâches effectuées par les employés réguliers, occasionnels et étudiants.

[42]    Pièces IN-3 : Convention opération entretien 2009-2012, clause 17.02, 1er par., p. 30 ; D-36 : Convention opération entretien 2012-2017, clause 17.02, 2e par., p. 35.

[43]    Témoignage du 4 avril 2017.

[44]    Pièce IN-12 : Extrait Liste des formations reçues par Marcel Guilbert — Secteur électrolyse (2008-2009).

[45]    Pièce IN-12 : id.

[46]    Témoignage du 15 novembre 2016.

[47]    Témoignage du 15 novembre 2016.

[48]    Témoignage non contredit de Clément Masse du 4 avril 2017.

[49]    Pièce D-54-B : Tableau de rotation du secteur de l’électrolyse.

[50]    Pièce D-12 : Grief BT 1303097 du 10 juin 2013 et grief CA 1312165 du 13 décembre 2013.

[51]    L’assistant technique est le technicien de procédé.

[52]    Pièce D-22 : Liste des tâches pouvant être effectuées par les étudiants du secteur de l’électrolyse.

[53]    Pièce D-47A : Description de tâches des étudiants en date du 5 mai 2009. Ce document n’a pas été signé par les représentants syndicaux, John Levert ayant expliqué que le document a été préparé pour avoir une gestion uniforme entre superviseurs.

[54]    Pièce D-51 : Liste des tâches que les étudiants peuvent réaliser au secteur Électrolyse (phase 1 et 2).

[55]    Témoignage du 23 mars 2017.

[56]    Pièce D-21B : Tableau comparatif des tâches effectuées par les employés réguliers, occasionnels et étudiants.

[57]    Pièce D-24 : Programme de formation des étudiants élaborée avec le Syndicat, p. 15.

[58]    Pièce D-21B : Tableau comparatif des tâches effectuées par les employés suivant leur statut de régulier, occasionnel ou étudiant.

[59]    Témoignage de John Levert du 23 mars 2017.

[60]    Pièce IN-2 : Convention Opération et entretien 2004-2009, Annexe « H », p. 86.

[61]    Le Tribunal n’a pas retrouvé le salaire du technicien de procédé dans la convention collective.

[62]    Pièce IN-3: Convention Opération et entretien 2009-2012, Annexe « H », p. 88.

[63]    Pièce D-21-B : Tableau comparatif des tâches effectuées par les employés suivant leur statut de régulier, occasionnel ou étudiant.

[64]    Le poste de responsable de sortie coulée n’apparaît pas dans le tableau comparatif D-21B, mais il apparait dans l’Annexe « H » de la pièce D-36, Convention Opération et entretien 2012-2017.

[65]    Pièce P-10 : Entente temporaire main-d’œuvre fonderie conclue entre l’Aluminerie de Bécancour inc. et le Syndicat des Métallos, Section locale 9700.

[66]    Pièce P-21 : Courriel de Sadia Arshad du 22 septembre 2016.

[67]    Témoignage du 4 avril 2017.

[68]    Témoignages d’Annie Dubois du 21 mars 2017 et de Louis-Pierre Clément du 3 avril 2017.

[69]    Témoignage du 4 avril 2017.

[70]    Cette tâche n’apparait pas dans le tableau comparatif des tâches D-21B, mais Clément Masse y a fait référence, sans être contredit par les autres parties.

[71]    Témoignage du 4 avril 2017.

[72]    Pièce D-21B : Tableau comparatif des tâches effectuées par les employés réguliers, occasionnels et étudiants, p. 9.

[73]    Pièces IN-5 : Convention Laboratoire et environnement 2009-2012, Lettre d’entente activités hors usine, et D-60 : Convention Laboratoire et environnement 2012-2017, art. 17.02 al. 2.

[74]    Pièce IN-4 : Convention Laboratoire et environnement 2004-2009, art. 17.1 (6).

[75]    Pièce IN-4 : id., art. 17.4.

[76]    Pièces P-23 : Bulletins de paie de Dominique Cavanagh et Jean-François Gonthier.

[77]    Pièce D-36 : Convention Opération et entretien 2012-2017, Annexe « M », Modalités remplacements temporaires sur des postes de jour (horaire non continu).

[78]    Pièce IN-16 : Régime alternatif - Organisation du travail - Carbone sous-secteur scellement, Rubrique Maintien des compétences, p. 8-9 : en 2016, pour pallier un problème de production dans le sous-secteur scellement du secteur carbone, les parties signent une entente pour avoir recours aux RNI ou aux étudiants aux machines à bains, lorsque l’inventaire de tiges à réparer est supérieur à 150.

[79]    Pièce IN-4 : Convention Laboratoire et environnement 2004-2009, Annexe « I », p. 79.

[80]    Pièce IN-2 : Convention Opération et entretien 2004-2009, Annexe « H » et Lettre d’entente Modalités d’utilisation des étudiants des secteurs d’opération, p. 141-142.

[81]    Pièce IN-2 : Convention Opération et entretien 2004-2009, Annexe « H ».

[82]    Pièce IN-3 : Convention Opération et entretien 2009-2012, Annexe « I ».

[83]    Pièce IN-3 : id., Lettre d’entente Modalités d’utilisation des étudiants des secteurs d’opération, p. 141-144.

[84]    Pièces IN-2 : Convention Opération et entretien 2004-2009 ; IN-3 : Convention Opération et entretien 2009-2012 et D-36 : Convention Opération et entretien 2012-2017, Annexe « H ».

[85]    Pièce IN-2 : Convention Opération et entretien 2004-2009, Annexe « H ».

[86]    Pièce IN-3 : Convention Opération et entretien 2009-2012, Annexe « H ».

[87]    Pièces IN-2 : Convention Opération et entretien 2004-2009, IN-3 : Convention Opération et entretien 2009-2012 et D-36 : Convention Opération et entretien 2012-2017, art. 17.07, dernier alinéa.

[88]    Pièce D-21B : Tableau comparatif des tâches effectuées par les employés réguliers, occasionnels et étudiants, p. 14.

[89]    Pièces IN-10 : Convention collective de travail Bureau et technique entre Aluminerie de Bécancour Inc. et le Syndicat des métallos, section locale 9700 (2006-2009) (ci-après Convention Bureau et technique 2006-2009), Annexe « H » et IN-11 : Convention collective de travail Bureau et Technique entre Aluminerie de Bécancour Inc. et le Syndicat des métallos, section locale 9700 (2009-2012), Annexe « H ».

[90]    Pièce D-21B : Tableau comparatif des tâches effectuées par les employés réguliers, occasionnels et étudiants, p. 15.

[91]    Pièce IN-2 : Convention collective de travail entre Aluminerie de Bécancour inc. et le Syndicat des Métallos, section locale 9700 — Opération et entretien (2004 - 2009), Annexe « H ».

[92]    Pièce IN-3 : Convention collective de travail entre Aluminerie de Bécancour inc. et le Syndicat des Métallos, section locale 9700 — Opération et entretien (2009 - 2012), Annexe « H ».

[93]    Pièce D-36 : Convention collective 2012 - 2017 (grosse), Annexe « H ».

[94]    Pièce D-61 : Présentation PowerPoint intitulée « L’entretien chez ABI ».

[95]    Le tableau produit sous D-61 qui présente le secteur indique 269 heures, mais le témoin qui a expliqué le tableau a corrigé ce chiffre pour 220 heures.

[96]    Le tableau produit sous D-61 qui présente le secteur indique 166 heures, mais le témoin qui a expliqué le tableau a corrigé ce chiffre pour environ 126 heures.

[97]    Pièce IN-2 : Opération et entretien (2004 - 2009), Annexe « H », p. 89 et Lettre d’Entente modalités d’utilisation des étudiants secteur des opérations, p. 142 et secteur entretien, p. 143.

[98]    Pièce IN-3 : Convention Opération et entretien 2009-2012, Annexe « I », p. 94.

[99]    Pièce P-13 : Copie du relevé d’emploi d’Alexandra Dumont, du 22 septembre 2008, et de divers bulletins de paie émis par ABI, en liasse.

[100]   Pièce P-12C : Tableau des formations données à certains occasionnels dans le sous-secteur four à cuire du secteur carbone.

[101]   Pièce P-12A : Tableau historique des assignations des employés occasionnels.

[102]   Pièce P-12A : Tableau historique des assignations des employés occasionnels.

[103]   Pièce P-12C : Tableau des formations données à certains occasionnels dans le sous-secteur four à cuire du secteur carbone et témoignage de Denis Dallaire du 15 novembre 2016.

[104]   Pièce P-12A : Tableau historique des assignations des employés occasionnels.

[105]   Le tableau qui présente les différentes tâches de chaque secteur (Pièce D-21B) ne mentionne pas la tâche de défonteuse.

[106]   Pièce D-21B : Tableau comparatif des tâches effectuées par les employés réguliers, occasionnels et étudiants.

[107]   Pièce P-12B : Tableau des formations données à certains occasionnels dans le sous-secteur scellement du secteur carbone.

[108]   Pièce IN-16 : Régime alternatif - Organisation du travail - Carbone sous-secteur scellement, Rubrique Maintien des compétences, p. 4.

[109]   Le Tableau des formations données à certains occasionnels dans le sous-secteur scellement du secteur carbone (P-12B) ne précise pas le mois pour chacune des formations reçues au cours de l’année 2014. Pour quatre des formations, les mois de janvier, avril ou mai sont précisés alors que pour une des formations le tableau ne mentionne que l’année.

[110]   Il reçoit les formations soudeuse et oxycoupeuse, qui correspond à une tâche dans le tableau précisant les tâches des secteurs et sous-secteurs.

[111]   Pièce P-12A : Tableau historique des assignations des employés occasionnels.

[112]   Pièce IN-18 : Activités de formation, créées le 21 mars 2017.

[113]   Pièce IN-19 : Activités de formation créées le 21 mars 2017.

[114]   Pièce D-60 : Convention Laboratoire et environnement 2012-2017.

[115]   Témoignage de Samuel Hamelin du 23 mars 2017.

[116]   Pièce IN-21 : Historique des activités de formation de Luc Kovac.

[117]   Pièce IN-22 : Historique des activités de formation de Martin Tranchemontagne.

[118]   Pièce IN-23 : Historique des activités de formation de Sandra Grimard.

[119]   Pièce IN-24 : Historique des activités de formation de Patrick Plourde.

[120]   Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier Inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation), 2015 CSC 39, par. 35-36, 42 (ci-après Bombardier).

[121]   Id., par. 52.

[122]   Id., par. 53-54.

[123]   Id., par. 37.

[124]   Id., par. 42.

[125]   Andrews c. Law Society of British Columbia, 1989 CanLII 2 (CSC), p. 174-175.

[126]   Gaz métropolitain inc. c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2011 QCCA 1201, par 38.

[127]   Ce principe a été réitéré dans Commission scolaire St-Jean-sur-Richelieu c. Commission des droits de la personne du Québec, 1994 CanLII 5706 (QC CA).

[128]   Bombardier, préc., note 120, par. 41.

[129]   Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Brodeur-Charron, 2014 QCTDP 10, par. 45 (ci-après Brodeur-Charron) ; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Normandin, 2011 QCTDP 6, par. 113.

[130]   Gosselin c. Québec (Procureur général), 2002 CSC 84, par. 430 ; Bombardier, préc., note 120, par. 53-54.

[131]   Bombardier, préc., note 120, par. 50-52. La Cour d’appel avait déjà énoncé ce principe dans Québec (Ville de) c. Commission des droits de la personne du Québec, 1989 CanLII 613 (QC CA).

[132]   Université Laval c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2005 QCCA 27 (Université Laval).

[133]   Bombardier, préc., note 120, par. 53-54 et 59 ; Tremblay c. Syndicat des employées et employés professionnels-les et de bureau, section locale 57, 2002 CSC 44, par. 16 (ci-après Tremblay c. SEPB) ; Québec (Ville) c. Commission des droits de la personne du Québec, préc., note 131.

[134]   Henri BRUN, Guy TREMBLAY et Eugénie BROUILLET, Droit constitutionnel, 6e édition, Édition Yvon Blais, p. 1252 et suiv., par. XII-7.103 ; Linda BERNIER, Lukasz GRANOSIK et Jean-François PEDNEAULT, Les droits de la personne et les relations de travail, Éditions Yvon Blais, 2012, par. 8.786 ; Bombardier, préc., note 120, par. 52.

[135]   H. BRUN, G. TREMBLAY et E. BROUILLET, Droit constitutionnel, préc., note 134 ; L. BERNIER, L. GRANOSIK et J.-F. PEDNEAULT, préc., note 134, par. 8.781.

[136]   Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Université Laval, 2000 CanLII 3 (QC TDP), (CDPDJ c. Université Laval), cette décision a été infirmée en appel dans Université Laval, préc., note 132, quant à l’octroi de dommages moraux et l’obligation de l’université d’adopter un système de rémunératoire à taux unique.

[137]   Québec (Procureur général) c. A., 2013 CSC 5, par. 327, 330 ; Université de Sherbrooke c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2015 QCCA 1397, par. 48-50, 53-54.

[138]   Pièce D-30A : Convention collective 1994-2000.

[139]   Commission des droits de la personne du Québec c. La Ferme de la Poulette grise, AZ 82031041 (C.P., 1982-01-14), p. 3.

[140]   1987 CanLII 964 (QC CA).

[141]   2001 CanLII 24787 (QC CS). Le Tribunal a déjà partagé cet avis dans Brodeur-Charron, préc., note 129, par. 62.

[142]   Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Marchand) c. Girard, 2016 QCTDP 23, par. 52-55 ; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Fondation Abbé Charles Émile Gadbois, 2001 CanLII 9093 (QC TDP), par. 29-30 ; C.D.P.Q. c. Gauthier, 1993 CanLII 13 (QC TDP) ; Brodeur-Charron, préc., note 129, par. 43, qui cite C.D.P. c. J.M. Brouillette Inc., T.D.P.Q. MONTRÉAL, 1994 CanLII 191 (QC TDP).

[143]   George c. Fonds d’aide aux recours collectifs, 2002 CanLII 55213 (QC TAQ).

[144]   Pièce D-28B : Tableau de l’âge à l’embauche des salariés syndiqués.

[145]   Pièce D-61 : Présentation PowerPoint intitulée « L’entretien chez ABI ».

[146]   Pièce D-29B : Tableau de la date d’embauche et de l’âge de l’embauche des victimes alléguées dans la première plainte.

[147]   Pièce D-29C : Tableau de la date d’embauche et de l’âge de l’embauche des victimes alléguées dans la deuxième plainte.

[148]   Tremblay c. Syndicat des employées et employés professionnels et de bureau, section local 57, 2000 CanLII 11384 (QC CA). Appelée à réviser la décision de la Cour d’appel, la Cour suprême n’est pas aussi définitive dans son interprétation de la portée de l’article 46 dans Tremblay c. Syndicat des employées et employés professionnels-les et de bureau, section locale 57, préc., note 133 44, par. 17.

[149]   Tremblay c. Syndicat des employées et employés professionnels et de bureau, section local 57, préc. note 148.

[150]   Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Laval (Ville de) (Service de sécurité d’incendies), 2009 QCTDP 4, par. 103-104, 108-109 (ci-après Services de sécurité des incendies de Laval), infirmé en appel dans Association des pompiers de Laval c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2011 QCCA 2041 ; Université Laval, préc., note 132, par. 124.

[151]   Supra, par. [135] à [137].

[152]   Supra, par. [68] - [69].

[153]   Syndicat des travailleurs de Nico Métal (CSN) et Nico-Métal inc., arbitre Jean-Louis Dubé, AZ-50348205, Tribunal d’arbitrage, 30 novembre 2005, par. 24-29 et 36 (ci-après Nico Métal).

[154]   C’est le cas des techniciens au sous-secteur hygiène et production du secteur Laboratoire ; du technicien à la captation et du magasinier au secteur approvisionnement.

[155]   Pièces D-15 et D-16 : Courriels à Annie Dubois en lien avec sa prochaine période d’emploi chez ABI.

[156]   Y.Z. c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 892 (CanLII) ; Hendricks c. Québec (Procureur général), 2002 CanLII 23808 (QC CS).

[157]   Pièce IN-15 : Lettre d’entente personnel supplémentaire secteur carbone et entretien du 27 octobre 2011.

[158]   Témoignage d’Annie Dubois les 20 et 21 mars 2017.

[159]   Gérard DION, Dictionnaire canadien des relations de travail, 2e édition, Québec, PUL, 1986, p. 24 ; Nico Métal., préc., note 153, par. 24.

[160]   Pièce IN-2 : Convention Opération et entretien 2004-2009, p. 141.

[161]   Préc., note 139, p. 4.

[162]   Québec (Curateur public) c. Syndicat national des employés de l’hôpital St-Ferdinand, 1996 CanLII 172 (CSC), par. 100 (ci-après St-Ferdinand).

[163]   Amselem c. Syndicat Northcrest, 2002 CanLII 41115 (QC CA), inf. pour d’autres motifs par : Syndicat Northcrest c. Amselem, 2004 CSC 47.

[164]   St-Ferdinand, préc., note 162.

[165]   Lavoie c. Canada2002 CSC 23 (CanLII), par. 337.

[166]   Plusieurs variables doivent être prises en compte : les heures travaillées à temps régulier ; les heures supplémentaires payées à un tarif horaire différent ; les avantages sociaux ; les cotisations syndicales ; les retenues à la source et les sommes déjà versées.

[167]   Pièces P-7 : Calcul des dommages matériels selon la théorie de la cause de la Commission et D-76 : Calcul des dommages matériels selon la théorie de la cause de la défenderesse ABI.

[168]   Infra, par. [505] et suivants.

[169]   Procès-verbal d’audience du 17 novembre 2016.

[170]   Pièce P-9 : Déclarations écrites de 43 victimes : Alexandra Dumont, André-Anne Mongrain, Audrey Loranger, David Séguin, David Vincent Auger, Élisabeth Provencher, Éric Chauvette, Francis Bordeleau, Gabrielle Bruneau, Jérome Sicard, Jessica Fex, Jessica Hudon, Joanie Roy, Josianne Gaillardez, Karine Fiset, Laurie Pelletier, Josée Dugré, Marc-Olivier Fiset, Marie-Ève Diamond Manseau, Marie-Ève Thibeault, Marie-Pier Cloutier, Marjorie Turcotte, Maxime Bélanger, Maxime Thibeault, Maximilien Caron-Lampron, Olivier Normadin, Patrick Sylvain, Samuel Morin Carigan, Sarah-Jane Maloney, Sébastien Bertrand, Shany Gagnon, Simon Labrie, Sophie Niquet, Stéphanie Beaudry, Tommy Cosette, Vanessa Olsen, Vincent Fortin, Virginie Noël, Marilyne Lavoie, Emmanuelle Germain, Janie Provencher, Evans Poulin et Joël Mailhot selon l’article 2869 C.c.Q. (Le titre de la pièce indique qu’il s’agit de 38 déclarations, mais dans les faits il y en a 43).

[171]   2003 CanLII 47948 (QC CA), par. 67; maintenu en appel dans Bou Malhab c. Diffusion Métromédia CMR inc., 2011 CSC 9.

[172]   Aubry c. Éditions Vice-Versa inc., 1998 CanLII 817 (CSC), par. 68 ; Université Laval, préc., note 132, par. 135 et 138.

[173]   Aubry c. Éditions Vice-Versa inc., préc., note 172, par. 67-68.

[174]   Préc., note 132.

[175]   2004 CSC 66.

[176]   Université Laval, préc. note 132, par. 144.

[177]   Témoignage d’Annie Dubois.

[178]   Amselem c. Syndicat Northcrest, préc., note 163.

[179]   Pièce D-37 : Lettre du 2 mai 2016 du Syndicat des Métallos aux étudiants employés chez ABI.

[180]   Dans les faits, le recours a été introduit le 1er mai 2015, lorsque la demande introductive d’instance a été timbrée.

[181]   2007 QCTDP 17.

[182]   2012 QCTDP 15.

[183]   Mouvement laïque québécois c. Saguenay (Ville de), 2015 CSC 16, par. 60.

[184]   Id.

[185]   Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Québec (Procureur général) 2004 CSC 39 (l’affaire Morin) ; Université Laval, préc. note 132 ; Montréal (Ville de) c. Audigé, 2013 QCCA 171 ; et Pearson c. Montréal (Ville de), 2013 QCTDP 9.

[186]   Pièce D-30A : Convention 1994-2000, p. 98.

[187]   Pièce D-6E : Synthèse des demandes syndicales monétaires du 20 juin 2000.

[188]   Pièce P-6D : Demandes syndicales dans le cadre de la négociation de 2012 pour le renouvellement des conventions collectives de travail présentées à Aluminerie Bécancour inc. par le Comité de négociation syndicat de métallos, section locale 9700, le 12 septembre 2012.

[189]   Pièce D-6B : Lettre d’entente Modalités d’utilisation des étudiants des secteurs d’opération déposée par le Syndicat le 30 avril 2004.

[190]   Pièce D-34 : Lettre d’entente Nouveau indice salariaux (2007).

[191]   Pièce D-6C : Entente sur le renouvellement des conventions collectives de travail entre l’Aluminerie de Bécancour inc. et le syndicat des métallos section locale 9700 le 30 avril 2009.

[192]   Pièce D-32 : Ajout à la convention collective de travail entre Aluminerie de Bécancour Inc. et le Syndicat des employés(es) de l’aluminerie de Bécancour inc. (F.S.S.A.) (1997-2000), Annexe « I », p. 7-8.

[193]   Pièce D-30A : Convention 1994-2000.

[194]   Pièce D-6E : Synthèse des demandes syndicales monétaires du 20 juin 2000.

[195]   Pièce D-33 : Convention 2000-2004, Lettre d’entente étudiants, p. 132 : Les parties conviennent que le salaire des étudiants est ajusté pour être maintenu à 85 % de l’indice 7.

[196]   Pièce D-6B : Lettre d’entente Modalités d’utilisation des étudiants des secteurs d’opération déposée par le Syndicat le 30 avril 2004, par. 9.

[197]   Pièce D-6A : Demandes syndicales dans le cadre de la négociation pour le prolongement de la convention collective de travail se terminant le 22 novembre 2009 entre le syndicat des métallos, section locale 9700 Accréditation Opération entretien, Accréditation Bureau et technique, Accréditation Laboratoire/Environnement, et l’Aluminerie de Bécancour inc. (ABI) préparé par le Comité de négociation syndical 2 avril 2008.

[198]   Pièce D-6A : id., Annexe « I ».

[199]   Pièce D-6C : En liasse, Entente dans le cadre de la demande d’Alcoa Canada de réduire de 15 % les heures travaillées entre l’Aluminerie de Bécancour inc. et le syndicat des métallos section locale 9700 le 30 avril 2009 et Entente sur le renouvellement des conventions collectives de travail entre l’Aluminerie de Bécancour inc. et le syndicat des métallos section locale 9700 le 30 avril 2009.

[200]   Pièce P-8 : Résolution C1596-10 de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du 6 août 2014 ;

      Pièce P-1B : Consentements écrits des 117 victimes additionnelles autorisant la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse à agir en leur faveur ;

      Pièce P-1C : Plaintes (68) faites à la Commission entre le 18 juillet et le 3 octobre 2016 par des travailleurs de l’aluminerie au statut d’étudiant.

[201]   Pièce D-6D : Demandes syndicales dans le cadre de la négociation 2012 pour le renouvellement des conventions collectives de travail présentées à Aluminerie Bécancour inc. par le Comité de négociation syndicat des métallos, section locale 9700, le 12 septembre 2012, p. 25.

[202]   RLRQ, c. C-27.

[203]   Université Laval, préc., note 132, par. 115 ; Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon et autre, 1984 CanLII 18 (CSC), p. 523.

[204]   Université Laval, préc., note 132, par. 121.

[205]   Tremblay c. SEPB, préc., note 133, par. 20.

[206]   Id., par. 24.

[207]   Christian BRUNELLE, Discrimination et Obligation d’accommodement en milieu de travail syndiqué, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2001, p. 160-161.

[208]   Préc., note 132.

[209]   Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, 1992 CanLII 81 (CSC), p. 990-992.

[210]   Université Laval, préc., note 132, par. 124.

[211]   Id., par. 128.

[212]   Id., par. 151 ; Association des pompiers de Laval c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, préc., note 150, par. 55 ; Québec (Procureur général) c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2013 QCCA 141, par. 37.

[213]   Pièces P-7 : Calcul des dommages matériels selon la théorie de la cause de la Commission et D-76 : Calcul des dommages matériels selon la théorie de la cause de la défenderesse ABI.

[214]   Témoignage de Clément Masse. Pièce D-38 : Tableau des cotisations syndicales payées par les étudiants de 2010 à 2015.

[215]   Pièces : IN-2 : Convention Opération et entretien 2004-2009, article 19.04 et Lettre d’entente Modalités d’utilisation des étudiants des secteurs d’opération, p. 141-142 ;

      IN-3 : Convention Opération et entretien 2009-2012, article19.04 et Lettre d’entente Modalités d’utilisation des étudiants des secteurs d’opération, p. 141-144 ;

      D-36 : Convention Opération et entretien 2012-2017, article 19.04 et Lettre d’entente période d’été en vertu de 19.04 et périodes des fêtes, p. 224 ;

      IN-4 : Convention Laboratoire et environnement 2004-2009, Lettre d’entente étudiants, p. 97 ;

      IN-5 : Convention Laboratoire et environnement 2009-2012, article 19.3 et Lettre d’entente étudiants, p. 141 ;

      D-60 : Convention Laboratoire et environnement 2012-2017, article 19.04 et Lettre d’entente étudiants, p. 157 ;

      IN-10 : Convention Bureau et technique 2006-2009, article 19.2 d) et Lettre d’entente étudiants et stagiaires, p. 133-134 ;

      IN-11 : Convention Bureau et technique 2009-2010, article 19.2 d) et Lettre d’entente étudiants et stagiaires, p. 134-135.

[216]   Pièces D-9 : Lettre du 31 janvier 2011 demandant l’autorisation du syndicat pour l’utilisation des étudiants en dehors de la période prévue par la convention collective ; D-10 : Réponse négative du syndicat du 1er février 2011 ; D-11 : Lettre de suivi d’ABI du 2 février 2011 ; D-12 : Grief BT 1303097 du 10 juin 2013 et CA 1312165 du 13 décembre 2013 en lien avec l’utilisation d’étudiant en dehors des périodes prévues par la convention collective.

[217]   Pièces D-7 : Courriel du 18 mai 2011 à des étudiants / anciens employés chez ABI — période estivale 2011 ; D-13 : Annonce ; D-14 : courriels du 3 février 2010 à des étudiants / anciens employés chez ABI pour la période estivale 2010.

[218]   Pièces D-15 et D-16 : Courriels à Annie Dubois en lien avec sa prochaine période d’emploi chez ABI ; Nico-Métal, préc., note 153.

[219]   Pièce D-17 : Courriel daté du 10 août 2010 concernant la consigne départ-étudiants.

[220]   Pièces P-13 : Relevé d’emploi d’Alexandra Dumont pour la période entre le 21 mars et le 5 septembre 2008 ; D-19 : relevé d’emploi d’Alexandra Dumont pour la période entre le 17 mai et le 6 septembre 2010, et la période entre le 17 décembre 2010 et le 3 janvier 2011 ; D-42 : relevé d’emploi de Simon Labrie pour la période entre le 31 mai et le 25 juillet 2010 ; D-20 : Extrait d’une page du système de gestion pour étudiant à la fin de sa période de travail.

[221]   Association des pompiers de Laval c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, préc., note 150, par. 55; Québec (Procureur général) c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, préc., note 212, par. 36-38.

[222]   Pièce P-8A : Copie de la Résolution CP-660.13 et des rapports de signification, en liasse.

[223]   Pièce D-37 : Lettre du 2 mai 2016 du Syndicat des Métallos aux étudiants employés chez ABI.

[224]   Pièce P-1A : Consentements écrits des 45 premières victimes autorisant la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse à agir en leur faveur, en liasse.

[225]   Baudouin, Jean-Louis et Jobin, Pierre-Gabriel, Les obligations, 7e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2013, p. 1343.

[226]   Le premier jour du délai n’étant pas compté en vertu de l’article 2978 C.c.Q.

[227]   Pièce P-1B : Consentements écrits des 117 victimes additionnelles autorisant la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse à agir en leur faveur.

[228]   Pièce D-37 : Lettre du 2 mai 2016 du Syndicat des Métallos aux étudiants employés chez ABI.

[229]   Pièce P-1B : Consentements écrits des 117 victimes additionnelles autorisant la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse à agir en leur faveur.

[230]   Pièce P-8B : Copie de la résolution CP-712.1 et du courriel de notification, en liasse.

[231]   Pièce P-1B : Consentements écrits des 117 victimes additionnelles autorisant la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse à agir en leur faveur.

[232]   Si le recours pour les 117 victimes avait été intenté le 27 octobre 2016, toute réclamation pour des dommages subis avant le 27 octobre 2013 aurait été prescrite.

[233]   Pièce P-1C : Plaintes (68) faites à la Commission entre le 18 juillet et le 3 octobre 2016 par des travailleurs de l’aluminerie au statut d’étudiant.

[234]   La Commission n’a pas expliqué sa façon de fonctionner, ni pourquoi elle demande que 68 nouvelles Victimes s’ajoutent à la réclamation alors qu’ils sont déjà compris dans la modification à la procédure de mars 2017.

[235]   La preuve administrée ne permet pas de conclure qu’une quelconque des 68 Victimes de la troisième vague de plaintes dont le nom apparait déjà dans les listes des 117 Victimes est une personne différente. Tenant compte des remarques précédentes, ce serait donc 157 victimes que la Commission représente.

[236]   Il y a une erreur sur le plumitif qui indique que la pièce aurait été produite le 21 mars 2017. Sur la pièce l’information qui émane de l’horodateur du greffe de la cour indique le 27 avril 2017.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.