Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Lanaudière

JOLIETTE, le 23 mai 2002

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

144018-63-0008

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Me Diane Beauregard

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Lorraine Patenaude

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Giselle Rivet

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

094265386

AUDIENCE TENUE LE :

8 mars 2002

 

 

 

 

 

 

 

EN DÉLIBÉRÉ LE :

25 avril 2002

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À :

JOLIETTE

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

FRANÇOIS BONIN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ET

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

BELL Canada

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ET

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA

SÉCURITÉ DU TRAVAIL - LANAUDIÈRE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTERVENANTE

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 8 août 2000, monsieur François Bonin, (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue le 28 juin 2000 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), suite à une révision administrative.

[2]               Par cette décision, la révision administrative confirme une décision que la CSST a initialement rendue le 11 avril 2000 et déclare que le travailleur n’a pas subi de rechute, de récidive ou d’aggravation le 10 février 2000.

[3]               À l’audience, le travailleur est présent et représenté.  Bell Canada, l’employeur a signifié au tribunal qu’il ne serait pas présent.  La CSST est représentée.

[4]               En vertu de l’article 378 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), la Commission des lésions professionnelles a requis l’expertise réalisée par docteur Comeau le 27 novembre 2000 et a permis aux parties d’en prendre connaissance et de formuler leur représentation respective.  C’est ainsi qu’elle a pris l’affaire en délibéré le 25 avril 2002, date à laquelle elle a reçu les derniers commentaires. 

 

L'OBJET DU LITIGE

[5]               Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il a subi une lésion professionnelle le 10 février 2000.

 

LES FAITS

[6]               Le travailleur subit un accident du travail le 26 novembre 1986 alors qu’il fait une chute d’environ 18 pieds sur les fesses. Dans sa chute, il fait un mouvement de flexion-extension du rachis cervical. Un diagnostic d’entorse cervico-dorsale est initialement retenu toutefois ce diagnostic évolue au cours des ans notamment vers un DIM cervical, une entorse cervico-dorso-lombaire, un défilé thoracique, une fibromyosite et un trouble d’adaptation.  Il a été opéré pour un syndrome costo-claviculaire et une complication pulmonaire s’en est suivie.

[7]               Tel qu’il appert d’une décision rendue par la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles le 2 septembre 1992, la lésion est consolidée le 10 août 1987.  Cependant, le travailleur connaît plusieurs rechutes entre 1987 et 1990 qui sont acceptées par le tribunal. (C.A.L.P. 05021-63-8710 et ss.) 

[8]               Des tests radiologiques de 1986 et de 1987 contenus au dossier, il appert que le rachis cervical est sans particularité.

[9]               Au moment de compléter le rapport d'évaluation médicale en novembre 1990, docteur Laporte note à son examen clinique que les mouvements du cou se complètent adéquatement.  Plus précisément, il indique que la flexion antérieure est à 40 degrés, l’extension à 30 degrés, la flexion latérale droite et gauche est à 30 degrés et les rotations droite et gauche à 60 degrés.  L’examen neurologique est sans particularité.

[10]           Le travailleur conserve des séquelles de l’événement initial et des rechutes totalisant une atteinte permanente de 52.85 % dont 21.6 % pour le système musculo-squelettique ce qui inclut un déficit physiologique de 2 % pour entorse cervicale.

[11]           Le travailleur a repris son travail en juillet 1990.

[12]           En décembre 1999, le travailleur est référé à la clinique de la douleur par docteur Boucher en raison de douleur chronique cervicale importante depuis l’accident du travail.  Il existe également un état dépressif.

[13]           C’est ainsi que le 11 février 2000, le travailleur produit une réclamation à la CSST où il déclare avoir subi une rechute, une récidive ou une aggravation le 10 février 2000.

[14]           Il consulte docteur Boyer le 10 février 2000 qui diagnostique une entorse cervicale et prescrit des traitements de physiothérapie.  Ce diagnostic sera maintenu lors des visites subséquentes.

[15]           Le travailleur débute des traitements de physiothérapie et les tractions effectuées augmentent la douleur.  Il doit les cesser.

[16]           Le 4 avril 2000, une radiographie est effectuée et permet de constater ce qui suit :

Hauteur normale des corps vertébraux et des espaces inter-vertébraux.  Minuscules ostéophytes antérieurs de C4 à C7 avec calcification partielle du ligament longitudinal antérieur en C6-C7.  Minime protrusion osseuse versant antérieur du trou de conjugaison droit en C6-C7.  Clips en cervical inférieur droit et gauche.  Calcification en projection de la région théorique de la carotide gauche.

 

[17]           Le 10 avril 2000, docteur Maurais diagnostique une lombalgie et une cervicalgie mécanique.  Le 13 avril, il parle d’une hernie discale C5-C6 et C6-C7 à éliminer et recommande la passation d’une résonance magnétique qui s’est avérée normale.  Il retiendra par la suite le diagnostic d’entorse cervicale et prescrit des blocs facettaires et des épidurales.  En juin 2000, il note une diminution des amplitudes articulaires.

[18]           Le 18 août 2000, docteur Gilles Roger Tremblay, chirurgien orthopédiste, examine le travailleur à la demande de son représentant.  Son examen se lit comme suit :

L’examen physique révèle un homme de 5 pieds 8 pouces, pesant 230 livres, droitier, qui collabore bien à l’examen.

Durant l’examen subjectif, monsieur Bonin apparaît très souffrant, et évite de bouger le rachis cervical et préfère se bouger en bloc.

À l’inspection formelle, l’on note un rachis cervical qui est bien aligné, mais avec une lordose cervicale nettement diminuée.

L’on note deux cicatrices chirurgicales à la région claviculaire, qui sont bien guéries et non-adhérentes au plan profond.

Il y a une douleur vive à la palpation des apophyses épineuses de C3, C4 et C5 et des massifs latéraux des mêmes vertèbres.

L’amplitude articulaire du rachis cervical démontre une flexion amenant le menton à 2 centimètres du sternum.

Si l’on tente d’augmenter passivement cette amplitude de mouvements, le patient plie les genoux et s’écrase au sol à cause des douleurs.

L’extension est particulièrement pénible et bloque à 10 degrés.

Les rotations sont limitées à 20 degrés, de même que les inclinaisons latérales.

La manœuvre d’Adson est négative bilatéralement.

Les mensurations des bras et des avant-bras démontrent une légère hypertrophie de l’avant-bras droit par rapport à l’avant-bras gauche, les bras étant égaux.

Les réflexes du biceps, triceps et stylo radial sont présents et symétriques.

À l’examen d’aujourd’hui, il n’y a pas de déficit sensitif vraiment objectivable au niveau des membres supérieurs.

L’on note aussi une douleur importante à la musculature para-vertébrale en regard de D4, D5 et D6 des deux côtés, et la mobilisation passive de la ceinture scapulaire, surtout lors de la rétropulsion des omoplates et de la rotation interne forcée des deux épaules, provoque une douleur référée au rachis dorsal moyen.  

 

[19]           Il est d’avis que le travailleur présente depuis février 2000 une réactivation de sa cervicobrachialgie bilatérale.  Il retient le diagnostic de dérangement intervertébral mineur cervical et dorsal avec enraidissement douloureux du rachis cervical et dorsal en relation avec l’accident initial.  Il estime que le travailleur a toujours été symptomatique.  La lésion n’est pas consolidée et nécessite des traitements.

[20]           Le 27 novembre 2000, docteur Yvan Comeau, chirurgien orthopédiste, examine le travailleur pour l’employeur dans le cadre des services d’assurance.  Son examen se lit comme suit :

 

 

 

 

(...)

À l’évaluation des mouvements de la colonne cervicale, l’extension est complète à 40 degrés, et la flexion va à 25 degrés.  La rotation du côté droit va à 25 degrés, et du côté gauche à 40 degrés.  L’abduction du côté droit va à 20 degrés, et du côté gauche à 28 degrés.  Tous les mouvements sont faits de façon harmonieuse.

Au niveau dorsal, les mouvements de flexion, extension, rotation et abduction sont complets.  Le rythme est normal.

Au niveau des épaules, les contours sont normaux et symétriques.  La tonicité musculaire est normale.  Il n’y a aucune évidence d’amyotrophie.  Les mouvements passifs des épaules droite et gauche sont complets et symétriques.  Au niveau des deux épaules, les tests de Jobe et Speed son négatifs.  Il n’y a pas de crépitus.

Au niveau cervical, les tests de compression axiale et foraminale sont négatifs.  A la mise en tension des plexus brachiaux droit et gauche, il n’y a aucune douleur de type radiculaire.  Lors de l’exécution de ces différents tests, il y a toujours une allégation de douleurs qui est localisée au même endroit, soit au niveau de la partie supérieure du trapèze droit.  Le test de Lhermite est négatif.  J’obtiens facilement une flexion complète cervicale lors de ce test.

À la palpation, il y a allégation de douleurs au point d’émergence des nerfs d’Arnold droit et gauche de façon plus marquée du côté droit que gauche.  La douleur est locale et non irradiée.  Il y a allégation  de douleurs au niveau des apophyses épineuses cervicales et dorsales.  Lors de la palpation des épineuses à la région lombaire, il y a allégation de chocs à la région cervicale, alors que localement il n’y a aucune douleur au niveau des masses musculaires para-cervicales antérieures.  Il y a allégation de douleurs au niveau de la musculature para-cervicale droite postérieure.  Il y a aussi des allégations fortes de douleurs au niveau des trapèzes et des rhomboïdes droits alors que du côté gauche, les palpations sont moins douloureuses.  Il y a aussi des allégations de douleurs au niveau des massifs articulaires cervicaux droits.

Il y a allégations de sensibilité au niveau des épines iliaques postéro-supérieures droite et gauche de même qu’au niveau des grands trochanters de façon plus marquée du côté droit que gauche.  Il y a aussi des allégations de sensibilité au niveau des sterno-claviculaires de façon plus prononcée à droite qu’à gauche.

Au niveau des membres supérieurs, la sensibilité, la vascularisation et les réflexes ostéo-tendineux sont dans les limites normales et symétriques.  À l’évaluation de la force motrice, il y a un effort sub-optimal et retenu à la mise en tension résistée de tous les groupes musculaires des deux membres supérieurs.  Au niveau des deux membres supérieurs, le test de hold-up est négatif. 

 

[21]           Il conclut à un état de normalité avec des phénomènes de myalgie tensionnelle sans répercussion sur le plan fonctionnel puisqu’il n’y a aucun spasme, aucune contracture ou déviation antalgique.  Il note que les mouvements étaient arrêtés de façon volontaire sans évidence de pathologie organique pour expliquer la situation.  Il y a suffisance de traitements.

[22]           Le 30 novembre 2000, un médecin dont le nom est illisible examine le travailleur.  Il note l’existence d’une cervicalgie chronique depuis 10 ans exacerbée depuis un an.  Il indique également l’existence d’arthrose cervicale mais sans signe de radiculopathie.

[23]           Le 5 mars 2001, docteur Maurais examine le travailleur et diagnostique une cervicobrachialgie avec des amplitudes articulaires diminuées au niveau cervical.

[24]           Le 23 mars 2001, docteur Tremblay examine à nouveau le travailleur.  Son examen se lit comme suit :

Le patient apparaît beaucoup moins soufrant durant l’examen subjectif qu’en août 2000, mais encore il bouge en bloc et évite de bouger le rachis cervical.

L’on note toujours une douleur à la palpation des apophyses épineuses de C3, C4 et C5, de même qu’à la palpation des massifs latéraux des mêmes vertèbres.

La flexion antérieure amène le menton maintenant à 1 centimètre du sternum et l’extension est toujours douloureuse et bloque à 15 degrés.

La rotation gauche se complète et la rotation droite est limitée à 20 degrés environ.

Les inclinaisons latérales sont à 25 degrés de chaque côté.

La manœuvre d’Adson est négative bilatéralement.

L’examen neurologique des membres supérieurs démontre des mensurations des bras symétriques et des mensurations des avant-bras symétriques.

Il n’y a pas de déficit sensitif au niveau des membres supérieurs et les réflexes ostéo-tendineux sont présents et symétriques aux deux membres supérieurs.

 

[25]           Il estime que le travailleur a présenté une récidive de cervicobrachialgie en février 2000 de l’accident initial puisqu’il a repris un travail beaucoup plus dur que ce qu’il faisait auparavant, travail qui ne respectait pas, en partie, ses limitations fonctionnelles.  Il est d’avis que la lésion n’est pas consolidée et nécessite encore des traitements à la clinique de douleurs ainsi qu’un programme de réentraînement à l’effort.  Il prévoit que la lésion entraînera des limitations fonctionnelles soit, d’éviter les mouvements répétitifs du rachis cervical, d’éviter d’avoir les bras au-dessus de la position horizontale, d’éviter les efforts de plus de 5 à 7 kilogrammes avec les membres supérieurs et d’éviter les mouvements à grande amplitude au niveau du rachis cervical.  Il n’y aura toutefois pas d’augmentation de l’atteinte permanente.

[26]           Il se dit en désaccord avec l’avis du docteur Comeau puisqu’il juge que le travailleur présente des lésions organiques d’enraidissement cervical engendrées par l’entorse cervicale qu’il a subie en 1986 et c’est cet enraidissement cervical qui est redevenue symptomatique en février 2000 à cause d’activités qui étaient incompatibles avec ses limitations fonctionnelles.

[27]           Le 25 mai 2001, docteur Maurais examine le travailleur et constate que les amplitudes articulaires sont diminuées.  Le 17 août 2001, il l’examine à nouveau et prescrit une résonance magnétique et des épidurales.  Il le revoit à quelques reprises.

[28]           Le 5 novembre 2001, docteur Maurais constate que le travailleur est non amélioré par l’épidurale puisque la cervicalgie persiste.  Il y a douleur à la palpation au niveau de C5-C6 et C6-C7.  Il note que la flexion est limitée à 20 degrés, l’extension à 20 degrés, les rotations à 60 degrés à droite et 20 degrés à gauche et les flexions latérales à 20 degrés bilatéralement.  L’examen neurologique est, par ailleurs, normal.

[29]           Le 27 novembre 2001, un CT SCAN au niveau cervical et une discographie sont réalisés et démontrent ce qui suit :

 

Au CT SCAN :

At C5-C6 contrast is predominantly within the nucleus pulposis however there is evidence for an annular tear around the 4 o’clock position and there is pooling of contrast in the left lateral recess as well as within the midline.

At C6-C7 contrast is noted throughout the nucleus pulposis and annulus fibrosis and consisted with disc degeneration.

 

À la discographie :

(…)

Upon the instillation of Omnipaque 350 at C5-C6 contrast was noted diffusely throughout the disc indicating disc degeneration.  Posterior extravasation of contrast into the spinal canal via annular tear is noted.  The examen did reproduce the patient’s symptoms.  Similar findings were noted during the injection at C6-C7.  Again the examen was provocative at C6-C7. 

 

 

[30]           Le 10 décembre 2001, docteur Maurais revoit le travailleur et questionne la possibilité d’une fusion de C5 à C7.

[31]           À l’audience, le travailleur explique effectuer l’installation de systèmes téléphoniques.  Il déclare qu’entre 1986 et 1990, il n’a effectué que des travaux légers entrecoupés de nombreuses rechutes toutes reconnues par la CSST, le Bureau de révision et la C.A.L.P.  Depuis 1990, il a continué à avoir des problèmes cervicaux s’il forçait mal mais il arrivait à endurer son mal même si la douleur demeurait constante.  En fait, il explique qu’il pouvait diminuer son rythme de travail et ce, jusqu’en 1997 et 1998 lorsque son travail s’effectuait à Joliette.  Il pouvait bénéficier de conditions particulières et prendre à sa guise des congés sur des périodes plus ou moins longues.  À compter de 1998, il est allé travailler à Laval pour apprendre un nouvel emploi dans la réparation des câbles extérieurs, travail plus exigeant.  Dans les faits, il était prêté pour une période de deux ans.  Toutefois, en septembre 1999, le travailleur explique qu’il a été prêté pour installer des boîtes de connexion.  Ce travail nécessitait qu’il voyage de Joliette vers Montréal avec le camion de l’entreprise.  Il devait chercher les boîtes ce qui l’obligeait à conduire son véhicule tout en cherchant des rues et des adresses civiques à partir d’une carte.  Les mouvements cervicaux de droite à gauche sont devenus importants d’où l’augmentation des douleurs au cou.

[32]           À la mi-octobre, le travailleur explique avoir dû appeler son médecin qu’il a pu voir un mois plus tard.  Ce dernier lui a prescrit des médicaments et l’a référé à la Clinique de la douleur.  Le temps d’attente pour obtenir un rendez-vous a été long.  Il n’a pas cessé de travailler toutefois, il a dû consulter à l’urgence de l’hôpital le 10 février 2000 puisqu’il ne pouvait plus tourner la tête et ne pouvait plus endurer la douleur.  Il ressentait des élancements dans l’épaule et des maux de tête.  La douleur est apparue graduellement et s’est amplifiée. 

Il a bénéficié de traitements de physiothérapie mais il a dû cesser suite aux tractions puisqu’elles ont empiré sa condition.  Les épidurales cervicales ne l’ont pas soulagé véritablement.  Il est en attente pour une chirurgie, soit une greffe cervicale.

[33]           En contre-interrogatoire, le travailleur déclare que de 1990 à 1999 il a pris des anti-inflammatoires à l’occasion quand la douleur devenait trop importante.  Il prenait aussi des congés.  Il a revu docteur Boucher en décembre 1999 pour obtenir des médicaments.  Il n’arrivait plus à se débarrasser de la douleur.

[34]           Docteur Gilles Roger Tremblay témoigne à la demande du travailleur.  Il est d’avis qu’il y a relation entre la lésion actuelle et l’événement de 1986 qu’il qualifie de majeur en raison de l’atteinte permanente que la lésion a engendrée.  Il estime que le travailleur a été appelé à effectuer un travail plus exigeant sans repos avec beaucoup de voyagement ce qui a pu engendrer, sur un rachis dégénéré à partir de T-2, les problèmes rencontrés.  Il explique que les mouvements de gauche à droite sont des mouvements compatibles avec la lésion puisque le travailleur connaît un enraidissement cervical.  Il note que le travailleur n’avait aucun phénomène de dégénérescence avant 1986 et que maintenant, il présente une colonne très hypothéquée comparativement à la normale.  La chute qu’il a connue en 1986 s’apparente à un «whiplash» occasionnant une entorse cervicale à laquelle s’est ajouté un défilé thoracique bilatéral ce qui permet de convenir que l’accident a été important.  Pour lui, il n’y a aucun doute que ce fait accidentel a pu engendrer le phénomène de dégénérescence qui apparaît entre 5 à 12 ans après un traumatisme.  Il explique qu’il y a rupture du disque en C5-C6 qui peut causer une réaction inflammatoire d’où la douleur.  Il précise que le travailleur connaît aussi une faiblesse musculaire d’où l’existence d’un vice de posture.

[35]           En contre-interrogatoire, il est d'avis que le présent diagnostic est une entorse cervicale sur une colonne dégénérée.  Il explique que le travailleur devra subir une intervention chirurgicale de type fusion entre C5 et C7 ce qui permettra d’enlever l’anneau fibreux qui cause problème.  Il est d'avis que bien que le travailleur n’a gardé aucune limitation fonctionnelle permanente de la lésion initiale, on aurait dû lui en octroyer.  Il note que le travailleur a pu malgré tout s’organiser à son travail.  Il convient également que lors de la consolidation de la lésion initiale, le travailleur n’avait aucune limitation de mouvements. 

 

L'AVIS DES MEMBRES

[36]           Le membre issu des associations d'employeurs est d'avis que le travailleur n’a pas connu de rechute, de récidive ou d’aggravation en février 2000.  Sa symptomatologie s’explique par sa condition personnelle. 

Il y a une période de plus de 12 ans entre le fait accidentel et la rechute alléguée.  Il précise que suite à l’événement initial, les examens cliniques des docteurs Laporte et Germain démontraient des amplitudes articulaires normales au niveau cervical.  Il est également d'avis que la présomption légale ne trouve pas application puisqu’il n’y a eu aucun traumatisme en février 2000 si ce n’est la manifestation d’un syndrome douloureux. 

[37]           Le membre issu des associations syndicales est d'avis que le travailleur a subi une rechute, une récidive ou une aggravation qui découle des ses activités professionnelles.  Il rappelle que le travailleur a dû effecteur beaucoup de voyagement sur des routes difficiles.  De plus, suite à l’événement de 1986, il est toujours demeuré symptomatique.  C’est le même site de lésion.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[38]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a subi une lésion professionnelle le 10 février 2000.

[39]           L’article 2 de la loi définit la lésion professionnelle en ces termes :

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation ;

 

 

[40]           Dans le présent dossier, la Commission des lésions professionnelles estime que le travailleur a subi une rechute, une récidive ou une aggravation de la lésion initiale de 1986 et elle s’explique.

[41]           Dans un premier temps, il importe de rappeler que le travailleur a subi un accident du travail important, soit une chute de 18 pieds avec mouvement de flexion-extension du rachis cervical.  Cette lésion a entraîné des répercussions physiologiques qui se sont soldées par la reconnaissance de nombreuses rechutes, récidives ou aggravations de 1986 à 1990.  La lésion professionnelle a laissé des séquelles permanentes sur le plan musculo-squelettique tant pour le problème cervical que le syndrome costo-claviculaire totalisant une atteinte permanente de 21.6%.  De ce fait, la Commission des lésions professionnelles estime que cette lésion professionnelle a un caractère de gravité.

[42]           Suite à la lésion initiale, le travailleur n’a conservé aucune limitation fonctionnelle et a pu reprendre son travail.  Toutefois, la preuve démontre qu’il a pu organiser son temps de travail afin de prendre des congés lors de l’exacerbation de la douleur suite à des efforts indus.

[43]           En décembre 1999, le travailleur doit consulter un médecin en raison d’une recrudescence de la douleur.  Bien qu’il témoigne à l’effet que la douleur a toujours été présente depuis 1986, il explique qu’un changement de travail qui l’oblige à effectuer plus de déplacements sur la route cumulés à la recherche de noms de rue et d’adresses civiques l’obligeant à de nombreux mouvements du rachis cervical a provoqué une exacerbation de la douleur au point où il a également dû se présenter à l’urgence de l’hôpital en février 2000.  La Commission des lésions professionnelles estime que les mouvements du rachis cervical tels que décrits sur une colonne dégénérée ont pu causer la rechute, la récidive ou l’aggravation de février 2000.

[44]           La Commission des lésions professionnelles a pris en considération le fait que le travailleur n’avait bénéficié d’aucun suivi médical entre 1991 et 1999 cependant, elle estime que l’aménagement possible du temps de travail a pu permettre au travailleur de vaquer à sa tâche durant ces années sans trop de difficultés.  Par ailleurs, le changement dans la nature de sa tâche dès l’automne 1999 a exacerbé la douleur au point de devoir consulter un médecin.

[45]           Par ailleurs, la Commission des lésions professionnelles constate à partir des examens radiologiques effectués depuis 2000 qu’il existe un phénomène de dégénérescence et une rupture de l’anneau fibreux en C5-C6, phénomène qui n’était pas présent en 1986 et en 1987.  Tel qu’expliqué par docteur Tremblay à l’audience, la Commission des lésions professionnelles est d'avis que le mécanisme accidentel peut avoir contribué à accélérer le phénomène  de dégénérescence maintenant observé.

[46]           La Commission des lésions professionnelles constate également qu’aux examens cliniques effectués par les différents médecins, les amplitudes articulaires au niveau du rachis cervical sont limitées traduisant ainsi une détérioration par rapport à ce qui était observé en 1990 et en 1991.  De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, cette limitation de mouvements ne permet pas de conclure comme le prétend docteur Comeau à un état normal.

[47]           Enfin, dans ce cas particulier, la Commission des lésions professionnelles fait siens les propos du docteur Tremblay et juge prépondérante l’opinion à l’effet que les mouvements du rachis effectués par le travailleur en février 2000 ont pu engendrer l’entorse cervicale sur un rachis dégénéré.

[48]           Bref, la Commission des lésions professionnelles est d'avis que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 10 février 2000 et qu’il a droit aux prestations prévues à la loi.

 

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de monsieur François Bonin du 8 août 2000 ;

INFIRME la décision de la révision administrative du 28 juin 2000 ; et

DÉCLARE que monsieur François Bonin a subi une lésion professionnelle le 10 février 2000.

 

 

 

Me Diane Beauregard

 

Commissaire

 

 

 

 

 

Me André Laporte

 

Représentant de la partie requérante

 

 

 

Me Carole Bergeron

 

Représentante de la partie intervenante

 

 

 



[1]          L.R.Q. c. A-3.0001.

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