Décision

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Section des affaires immobilières

En matière de fiscalité municipale

 

 

Date : 22 juillet 2022

Référence neutre : 2022 QCTAQ 07480

Dossier  : SAI-Q-256523-2107

Devant les juges administratifs :

VÉRONIQUE PELLETIER

MANON GOYER

 

COMMISSION DE LA CAPITALE NATIONALE

Partie requérante

c.

VILLE DE QUÉBEC

Partie intimée

 

 


DÉCISION


 


[1]                    Le Tribunal est saisi de quatre recours concernant un site situé en bordure du fleuve Saint-Laurent dans le Vieux Québec, qui fait l’objet de quatre certificats de modification, soit un premier à l’encontre du rôle triennal 2016 et trois autres à l’encontre du rôle triennal 2019.

[2]                    À la suite de conférences préparatoires et d’une conférence de gestion, le Tribunal a convenu avec les parties de scinder l’audience de ces recours en deux étapes. 

[3]                    La première, qui fait l’objet de la présente décision et qui ne concerne que le dossier SAI-Q-256523-2107, se limite à décider de l’opportunité du regroupement d’unités d’évaluations effectué par l’évaluateur municipal.

[4]                    Une fois l’unité d’évaluation définie par notre décision, nous procéderons à la deuxième étape qui concerne la contestation des valeurs inscrites ainsi que la catégorie d’immeubles de ces inscriptions au rôle pour l’ensemble des quatre dossiers.

Contexte[1]

[5]                    La Société Québécoise des Infrastructures (SQI) était propriétaire de l’ensemble du site pour l’avoir acquis en partie de Sa Majesté la Reine le 28 avril 1987 et pour l’autre partie de Terrasses du Vieux Port inc. le 13 juillet 2017[2]. 

[6]                    Dans une démarche de réappropriation du fleuve Saint-Laurent, SQI entreprend un projet de redéveloppement de la propriété, située au cœur du site patrimonial du VieuxQuébec, pour le réaménager en un lieu public.

[7]                    Auparavant un stationnement asphalté à ciel ouvert reposant sur des sols contaminés, situé de surcroit en zone inondable et sujet à l’effet des marées[3], le réaménagement du site fait l’objet d’une réflexion globale par SQI, alors que l’intention de l’architecte en charge du projet était de créer un rappel des quais d’autrefois, à l’aide du revêtement extérieur en bois, et de refléter les ondulations de l’eau du fleuve grâce aux dalles texturées recouvrant la portion parc.

[8]                    Une première partie du terrain est aménagée en place publique, appelée la Place des Canotiers, avec espaces verts, mobiliers urbains et jeux d’eau. Sur la seconde partie du terrain, un bâtiment est érigé comprenant à la fois quatre niveaux de stationnement public, un pavillon de services, des toilettes publiques pour desservir la Place des Canotiers, un belvédère, une salle polyvalente ainsi qu’une salle mécanique desservant l’ensemble du site. Cette salle mécanique comprend en sous-sol tous les systèmes mécaniques et électriques pour desservir tant le stationnement étagé, la salle polyvalente que les jeux d’eau et d’éclairage de la Place des Canotiers[4].

[9]                    D’abord inscrit au rôle sous une seule unité d’évaluation lorsque le terrain n’était qu’un stationnement de surface, l’unité d’évaluation fait l’objet en 2016 d’une subdivision en deux unités d’évaluation, soit l’une pour la partie du terrain où sera éventuellement érigé le stationnement étagé et pavillon (matricule 5186-34-0125) et une autre pour la partie du terrain où sera aménagé le parc (matricule 5186-33-0729). Cette subdivision en deux unités d’évaluation est effectuée alors qu’aucune construction ou aménagement n’est encore réalisé sur le site[5] et puisqu’il semble que la SQI avait alors indiqué son intention de vendre séparément les unités. Toutes les unités d’évaluation sont la propriété de SQI.

Unité d’évaluation Parc – 5186-33-0729

[10]               L’unité d’évaluation Parc est ainsi créée en 2016 sous le matricule 5186-33-0729 et seule une valeur de terrain de 2 640 000 $ est alors portée au rôle.

[11]               Les aménagements du parc seront portés au rôle par les certificats F057804 et F057805, tous deux émis le 29 mars 2018, comme suit[6] :

Certificat :       F057804

Propriétaire :  SQI

Période :   1er juin 2017 au 24 septembre 2017

Lots :   1 212 177-P1

Superficie :  11 640,4 m.c.

Rôle :   2016-2017-2018

 

Terrain :   2 640 000 $

Bâtiment :  4 060 000 $

Immeuble :   6 700 000 $

Code INR :               10

Non imposable : 204(1) et 255(1) LFM

Certificat :       F057805

Propriétaire :  SQI

Rôle :   2016-2017-2018

Période :   25 septembre 2017 au 31 décembre 2018

Lots :   6 137 592-P1

Superficie :  11 640,4 m.c.

 

Terrain :   2 640 000 $

Bâtiment :  4 060 000 $

Immeuble :   6 700 000 $

Code INR :               10

Non imposable : 204(1) et 255(1) LFM

Note : ce certificat ne modifie que le numéro de lot.

[12]               Le parc sera ensuite inscrit au rôle triennal 2019 comme suit [7]:

Propriétaire :  SQI

Rôle :    2019-2020-2021

Lots :   6 137 592-P1

Superficie :  11 640,4 m.c.

 

Terrain :   2 505 000 $

Bâtiment :  4 060 000 $

Immeuble :   6 565 000 $

Code INR :               10

Non imposable : 204(1) et 255(1) LFM

Unité d’évaluation Stationnement – 5186-34-0125

[13]               L’unité d’évaluation du Stationnement est pour sa part créée sous le matricule 518634-0125 et seule une valeur de terrain de 2 245 000 $ est portée au rôle, aucune construction n’ayant encore été érigée.

[14]               Le bâtiment du stationnement étagé et pavillon de services sera porté au rôle progressivement au cours du rôle triennal 2016 en fonction de l’avancement des travaux. L’évolution de ces inscriptions n’est pas contestée et se finalise comme suit :

 

Propriétaire :  SQI

Rôle :    2016-2017-2018

Lots :   6 137 592-P2

Superficie :  5 674,8 m.c.

 

Terrain :   2 245 000 $

Bâtiment :  7 470 000 $

Immeuble :   9 715 000 $

Code INR :               10

Non imposable : 204(1) et 255(1) LFM

 

Propriétaire :  SQI

Rôle :    2019-2020-2021

Lots :   6 137 592-P2

Superficie :  5 674,8 m.c.

 

Terrain :   2 245 000 $

Bâtiment :  7 470 000 $

Immeuble :   9 715 000 $

Code INR :               10

Non imposable : 204(1) et 255(1) LFM


Opérations cadastrales et vente du 30 janvier 2020[8]

[15]               Selon le tableau Historique des inscriptions au rôle, SQI procède à une opération cadastrale concernant le site, prenant effet au 22 mai 2018: aucune modification de valeur ne résultera de cette subdivision. La preuve au dossier concernant la modification des lots n’est pas complète, mais seul le résultat de l'opération compte. Le site sera désormais composé des lots 6 205 796, 6 205 797 et 6 205 798.

[16]               Quant à l’unité d’évaluation du parc de la Place des Canotiers (5186-33-0729), elle sera alors constituée des lots 6 205 797, 6 205 796-P1 et 6 205 798-P1, avec une superficie de 11 640,4 m.c. L’unité d’évaluation du stationnement et pavillon (5186-34-0125) sera pour sa part constituée des lots, 6 205 796-P2 et 6 205 798-P2, avec une superficie de terrain de 5 674,8 m.c.[9]

[17]               Ces opérations cadastrales effectuées par SQI ont pour effet de modifier les anciens lots du parc et du stationnement et en soustraire une étroite bande de terrain, dans le but de la céder à Québec pour fins d’élargissement de la rue Dalhousie. Ainsi, il y aura création d’un seul et unique lot englobant tant le parc que le stationnement sous le numéro de lot 6 205 798, avec une superficie de 16 521,7 m.c. Une petite bande de terrain le long de la rue Dalhousie, le lot 6 205 796, et une autre le long du quai deviendra pour sa part le lot 6 205 797, le tout pour une superficie de 797,5 m.c.

[18]               Le 30 janvier 2020, SQI vend à la Commission de la Capitale Nationale (CCN) l’immeuble désigné sous le lot 6 205 798 soit celui comprenant le stationnement étagé ainsi que le parc de la Place des Canotiers, le tout incluant les équipements, mobilier urbain, améliorations locatives et aménagement de la place publique. SQI demeure propriétaire des lots 6 205 796 et 6 205 797.

Création des nouvelles unités d’évaluation

[19]               À la suite de cette transaction, l’évaluateur créée deux nouvelles unités d’évaluation pour refléter la scission du site entre les deux propriétaires SQI et CNN. Il prend ainsi acte d’une part du regroupement de la majeure partie des lots composant le parc et le stationnement sous un seul numéro de lot. Il créera ainsi une nouvelle unité d’évaluation (5186-33-0663) devenant la propriété de CCN et, d’autre part, une autre unité d’évaluation (5186-23-6927) concernant l’étroite bande de terrain demeurant la propriété de SQI. Ces nouvelles unités d’évaluation se détaillent comme suit :

Certificat [10]:   F069694

Rôle :   2019-2020-2021

Période :  30-01-2020 au 31-12-2021

Matricule :  5186-33-0663

Propriétaire :  CCN

Lot :    6 205 798

Superficie :  16 521, 7 m.c.

 

Terrain :     4 770 000 $

Bâtiment :  11 445 000 $

Immeuble :   16 215 000 $

Code INR :               10

Non imposable : Imposable

 

 

Certificat[11] :   F069673

Rôle :   2019-2020-2021

Période :  30-01-2020 au 31-12-2021

Matricule :  5186-23-6927

Propriétaire :  SQI

Lot :    6 205 797 et 6 205 796

Superficie :  797,5 m.c.

 

Terrain :    34 000 $

Bâtiment :   0 $

Immeuble :    34 000 $

Catégorie :   Résiduelle

Non imposable : Non imposable

 

 

[20]               L’unité 5186-33-0663 est celle faisant l’objet de la présente décision. La partie requérante estime qu’aucun changement de situation n’autorisait l’évaluateur municipal à regrouper les unités d’évaluation à la suite d’un changement de propriétaire, alors que la partie intimée est d’avis que l’opération cadastrale suivie de la vente permettaient le regroupement.

[21]               Pour les motifs énoncés ci-après, le Tribunal est d’avis que l’évaluateur était justifié de procéder au regroupement effectué.

Analyse

[22]               Il est largement reconnu que l’évaluateur municipal ne peut modifier un rôle ou procéder à sa tenue à jour que dans les cas précis énoncés à l’article 174 LFM. La règle de l’immuabilité du rôle d’évaluation veut de plus que les motifs de tenue à jour du rôle énoncés à l’article 174 LFM soient interprétés restrictivement, l’instabilité des rôles ayant trop d’inconvénients pour toutes les parties[12].

[23]               En l’espèce, l’évaluateur municipal invoque trois évènements pour procéder à la tenue à jour du rôle et émettre des certificats modifiant les inscriptions au rôle d’évaluation.

[24]               Le premier évènement sera pour tenir compte des opérations menées par SQI. Il y a ainsi regroupement des parties du lot 6 205 796 (P1 et P2), qui avec le lot 6 205 797, demeurent la propriété de SQI après la vente, soit la petite bande de terrain destiné à être cédé à Québec pour l’élargissement de la rue Dalhousie. 

[25]               Il y a surtout le regroupement des deux parties du lot 6 205 798 P-1 et P-2 en une seule entité propriété de CCN. Ainsi, sont regroupés sur un numéro de lot unique le stationnement étagé et le parc.

[26]               L’évaluateur municipal invoque le paragraphe 12.1 de l’article 174 LFM à l’appui de cette modification.

[27]               Le deuxième évènement sera pour modifier le nom du propriétaire inscrit au rôle pour le lot 6 205 798, car le 30 janvier 2020, SQI, alors propriétaire de l’ensemble du site, vend à CCN ce lot, tout en conservant une autre portion du site[13].

[28]               Le troisième évènement sera pour tenir compte du fait que l’immeuble issu du regroupement (lot 6 205 798), qui était alors exempt de taxes en vertu de l’article 174 (9) LFM, lorsque détenu par SQI, cesse de l’être, CCN ne se qualifiant pas à cet égard[14].

[29]               Contrairement à ce que prétend la partie requérante, il ne s’agit  pas ici  d’un seul changement de propriétaire. Les faits révèlent qu’il y a également des opérations cadastrales menées par SQI pour regrouper en un seul lot le stationnement étagé et le parc en vue de la vente à CCN, alors que SQI conservait pour sa part une mince bande de terrain en vue de la cession à Québec pour l’élargissement de la rue Dalhousie. Nous ne sommes donc pas en présence d’une vente d’une unité d’évaluation identique qui n’aurait alors nécessité que le changement du nom de propriétaire au rôle en vertu de l’article 174(3) LFM. 

[30]               L’objet de la vente par SQI à CCN, le lot 6 205 798, était réparti dans deux unités d’évaluations distinctes et l’évaluateur se devait de procéder à une analyse de la transaction et des opérations cadastrales y ayant mené. Pour reprendre les termes de l’évaluatrice Talbot[15], les anciennes unités d’évaluation ont été « cassées » et elle a donc analysé la transaction pour refléter le changement de situation qui en résulte. Par cette vente, SQI vendait ainsi une partie de l’unité d’évaluation du parc et une partie de l’unité d’évaluation du stationnement.

[31]               À noter que le total de la superficie du lot regroupé (6 205 798) ne correspond d’ailleurs pas au total des anciens lots composant le parc et le stationnement étagé, puisque SQI en a détaché une superficie de 797,5 m.c. pour la céder à la ville de Québec. Il n’y a donc pas correspondance parfaite entre les anciens lots et celui cédé à CCN, ce qui milite clairement en faveur du fait qu’il y a un changement de situation dont il faut tenir compte.

[32]               Le paragraphe 12.1 de l’article 174 LFM prescrit alors que l’évaluateur doit modifier le rôle pour refléter un changement de situation qui, en vertu d’une disposition de la section I du chapitre V, justifie le regroupement de plusieurs unités d’évaluations en une seule, la subdivision d’une unité d’évaluation en plusieurs, l’ajout ou la suppression d’une unité entière, la soustraction d’une partie de l’unité ou l’addition à l’unité d’une partie d’une autre.

[33]               Ainsi, à la suite des opérations cadastrales et de la vente, le contenu des unités d'évaluation du parc et du stationnement n'existe tout simplement plus. Il est scindé tout autrement en deux parties, qui ne correspondent plus du tout à ce qui existait avant.

[34]               Pour décider si le changement de situation résultant des opérations cadastrales justifie le regroupement de plusieurs unités d’évaluations en une seule, il faut s’en remettre à l’article 34 LFM[16] qui énonce la règle à suivre pour le découpage des unités d'évaluation :

 

« 34. Constitue une unité d'évaluation le plus grand ensemble possible d'immeubles qui remplit les conditions suivantes:

 

le terrain ou le groupe de terrains appartient à un même propriétaire ou à un même groupe de propriétaires par indivis;

 

2° les terrains sont contigus ou le seraient s'ils n'étaient pas séparés par un cours d'eau, une voie de communication ou un réseau d'utilité publique;

 

3° si les immeubles sont utilisés, ils le sont à une même fin prédominante; et

 

4° les immeubles ne peuvent normalement et à court terme être cédés que globalement et non par parties, compte tenu de l'utilisation la plus probable qui peut en être faite. »

 

[35]               Selon cet article, la règle générale qui doit guider le Tribunal tout au long de son analyse sera de regrouper « le plus grand ensemble possible » sous une seule unité d’évaluation[17].

[36]               Au surplus, la Cour du Québec a déjà établi que privilégier une interprétation qui aurait pour effet de favoriser la multiplication des unités plutôt que leur regroupement constituerait une erreur de droit[18].

[37]               Les deux premières conditions relatives à la propriété et à la contiguïté ne sont pas ici en litige. Après la vente, le terrain regroupant le parc et le stationnement appartient à un seul propriétaire, CCN, et comme il n'y a plus qu'un seul lot, le 6 205 798, la question de la contigüité ne se pose pas.

[38]               La partie requérante conteste les conditions 3 et 4 : elle estime d’une part que les immeubles ne sont pas utilisés à une même fin prédominante, l’un servant de stationnement étagé public et l’autre de parc et, d’autre part, qu’ils peuvent être cédés par parties, compte tenu de leur utilisation la plus probable, qui est très distincte.

[39]               À l’opposé, la partie intimée est plutôt d’avis que le lot 6 205 798 ne peut être cédé que globalement, car trop de limitations empêcheraient de vendre cette unité d’évaluation par parties. 

[40]               Voyons ce que les faits révèlent quant aux conditions 3 et 4 de l’article 34 LFM.

Même fin prédominante

[41]               La troisième condition est remplie si les immeubles sont utilisés à une même fin prédominante[19].

[42]               Le Tribunal retient que le site a fait l’objet d’une réflexion commune, comme un seul et même projet[20], même s’il est vrai qu’à première vue, on peut se questionner sur le fait qu’un stationnement étagé ne correspond pas à la même fin prédominante qu’une place publique.

[43]               Il faut cependant constater que la portion du lot aménagée en stationnement étagé a été conçue pour répondre tant aux besoins des visiteurs de la place publique qu’aux résidents et commerçants du secteur.

[44]               L’évaluatrice Talbot relève à juste titre d’autres exemples d’espaces publics aménagés comme un tout et considérés comme une seule et même unité d’évaluation, tel le cas de l’Hôtel de ville de Québec et des Jardins de l’hôtel de ville avec stationnement sous-terrain, espaces de détente et jets d’eau[21].

[45]               Elle retient également que le belvédère, avec vue panoramique sur la place publique, le fleuve et le Château Frontenac, a été inséré dans le bâtiment du stationnement étagé et est accessible directement de la terrasse. Elle est d’avis, avec raison, que la création de ce belvédère, prévu dès la conception du projet, témoigne de la même fin prédominante qui unit les deux parties du site.

[46]               Le bâtiment du stationnement étagé n’est donc pas qu’un seul stationnement standard, car les faits et sa conception d’ensemble avec la place, démontrent qu’il répond aussi à d’autres usages publics, tel le belvédère déjà mentionné, mais aussi la présence de la salle polyvalente s’ouvrant totalement sur la place publique, les toilettes, ainsi que toutes les infrastructures nécessaires aux aménagements de la place, tels les jeux d’eau et l’éclairage.

[47]               Les nombreuses photographies prises lors de la construction du projet d’ensemble montrent la quantité et la complexité des infrastructures enfouies sous la place publique et qui sont reliées à la salle mécanique, alors que tous ces équipements sont nécessaires à l’utilisation et l’entretien de la place publique[22].

[48]               Les nombreux liens physiques qui unissent les différentes portions du site démontrent donc que le réaménagement du site a été réfléchi comme un tout, et dans une même fin prédominante, soit celle d’offrir un lieu de destination et de mise en valeur de l’environnement culturel et patrimonial du Vieux Québec et de la proximité du fleuve.

[49]               Nous ajoutons que l’utilisation du mot prédominante montre bien qu’il peut y avoir plus d’une utilisation, mais qu’il y en a une qui prédomine. En l’espèce, nous retenons que l’usage stationnement est un usage accessoire à l’utilisation prédominante du site, celui de la place publique, à laquelle nous pouvons rattacher celle de la salle polyvalente et du belvédère.

[50]               Au surplus, nous sommes d’avis qu’il n’est pas nécessaire que cet usage accessoire soit exclusif à celui de place publique. La preuve révèle en effet que le stationnement est aussi utilisé par des résidents et commerçants du quartier (abonnements mensuels)[23], ce qui n’empêche pas qu’il constitue, à notre avis, un usage secondaire à celui de la place publique. Mais il faut surtout en retenir que plusieurs des équipements situés dans le bâtiment du stationnement sont de la nature de ceux que l’on retrouve normalement dans un parc de ce gabarit[24].

[51]               Aussi, le Tribunal constate que c’est après être devenu propriétaire du site que la CCN a conclu une entente de services avec la Société Parc Auto du Québec (SPAQ)[25] pour que celle-ci prenne en charge la gestion, la surveillance et l’entretien du stationnement. En effet, en vertu du décret 882-2018 adopté par le Gouvernement du Québec le 3 juillet 2018, certains organismes publics doivent faire affaire exclusivement avec la SPAQ pour leurs besoins en matière d’exploitation et de gestion d’espaces de stationnement[26]. Il est intéressant d’y noter que la SPAQ s’engage également à faire l’entretien de la place publique, l’entretien, la réparation et le bon fonctionnement des aménagements, infrastructures et équipements du site[27].

[52]               Notre analyse nous amène donc à ne pas retenir la prétention de la partie requérante à l’effet qu’il n’y aurait que deux usages distincts et donc pas d’usage prédominant.

Les immeubles ne peuvent normalement et à court terme être cédés que globalement et non par parties, compte tenu de l'utilisation la plus probable qui peut en être faite

[53]               D’entrée de jeu, le Tribunal prend acte que SQI a créé un seul lot comportant à la fois le stationnement étagé et le parc en vue d’effectuer la vente à CCN. Il ne s’agit pas là d’un fait anodin; la vente de ce lot est au contraire très révélatrice du fait que l’immeuble peut être cédé globalement, tout en tenant compte de l’utilisation la plus probable qui peut en être faite.

[54]               Nous n’hésitons donc pas à conclure qu’à court terme, les immeubles, parc et stationnement, peuvent être cédés globalement, puisque la transaction menée par SQI à CCN en constitue la preuve convaincante.

[55]               La question demeure cependant de savoir s’ils ne pouvaient être cédés que globalement et non par parties ? Il est vrai que les deux immeubles, parc et stationnement, étaient, avant la vente du 30 janvier 2020, inscrits sous deux unités d’évaluation distinctes. Mais il faut se rappeler que ces inscriptions ont été réalisées alors que le site était encore vierge de tout projet, que la conception n’était pas encore complétée, et que SQI avait déjà indiqué vouloir les céder par parties[28]. Au surplus, ces inscriptions n’étaient pas sous contestation, et leur validité non questionnée.

[56]               La preuve quant à la réalisation du projet de réaménagement du site révèle cependant l’existence d’interrelations telles entre les deux immeubles, parc et stationnement, qui sont si étroitement liés, qu’il est impossible d’imaginer, dans l’état actuel de la situation, que les deux puissent être cédés séparément.

[57]               La notion de court terme revêt ici une importance qu’on ne peut ignorer. En effet, la preuve révèle que le réaménagement du site a fait l’objet d’une réflexion commune, avec pour résultat que les deux immeubles, parc et stationnement, dépendent étroitement l’un de l’autre pour leurs opérations.

[58]               Qu’il suffise de se rapporter au projet présenté par Cima+ et Tetra Tech[29] qui expose les différentes phases de construction de ce réaménagement du site, pour un budget de 35 M$. Les photographies montrant la construction du projet montrent aussi de façon éloquente la façon dont le parc et le bâtiment sont interreliés.

[59]               Le bâtiment du stationnement étagé, érigé en 2016, comprend 5 étages, incluant le sous-sol. Outre les étages du stationnement, on y retrouve une salle polyvalente s’ouvrant sur la place publique et les quais, 3 salles de toilettes, quelques bornes de recharge électriques et plusieurs équipements servant à alimenter et desservir les différents aménagements extérieurs, tant pour la portion stationnement et pavillon de service que pour la portion du parc de la Place des Canotiers.  

[60]               On retrouve notamment dans la salle mécanique au sous-sol du stationnement les contrôles pour les 10 jets d’eau du parc (filtres à eau, système de pompes et armoire électrique) ainsi que les contrôles des 61 brumisateurs du parc (système de pompes, panneau d’alimentation et tuyauterie passante du bâtiment vers la partie du terrain aménagée en place publique)[30]. S’y trouvent aussi plusieurs panneaux électriques contrôlant les différents types d’éclairage du parc[31].

[61]               Le Tribunal retient ainsi que plusieurs équipements majeurs situés dans la salle mécanique, qui est située au niveau inférieur du stationnement étagé, desservent tant le stationnement que la place publique[32]. Ces infrastructures constituent un lien physique indéniable entre les différentes portions du site, les rendant interdépendantes l’une de l’autre.

[62]               Il est difficile de concevoir, dans l’état actuel des choses, et donc à court terme, que le parc et le stationnement puissent être cédés séparément, et appartenir à différents propriétaires, sans que des ententes contractuelles[33] organisant l’échange de services entre ces deux entités soient légalisées. Tant que les deux portions du site appartiennent à un seul et même propriétaire, la difficulté ne se pose pas, puisque l’interdépendance des sites ne relève que d’un seul propriétaire.

[63]               Au surplus, il ne faut pas oublier que les rôles d’évaluation sont triennaux et que la LFM nous renvoie à une date de référence pour évaluer un immeuble et tenir compte de son état; le rôle triennal contesté est le rôle 2020 et cette date correspond donc en l’espèce au 1er juillet 2018[34]. Par contre, le second paragraphe de cet article rajoute que, lorsque survient, après la date déterminée en application du premier alinéa (après le 1er juillet 2018), un événement visé à l’un des paragraphes […]12.1° […] de l’article 174, l’état de l’unité d’évaluation dont on tient compte est celui qui existe immédiatement après l’événement, abstraction faite de tout changement dans l’état de l’unité, produit depuis la date déterminée en application du premier alinéa, par une autre cause qu’un événement visé à un tel paragraphe. L’utilisation la plus probable qui est prise en considération est alors celle qui découle de l’état de l’unité dont on tient compte.

[64]               Il en découle que le Tribunal doit tenir compte de l’état de l’unité d’évaluation survenu au 30 janvier 2020 et que, dans une seconde étape, il faudra évaluer cette unité d’évaluation en date du 1er juillet 2018.

[65]               La notion de court terme doit donc s’interpréter dans cette perspective, et le Tribunal constate que nous sommes en présence d’un seul lot, qui devra obligatoirement être scindé avant de pouvoir faire l’objet d’une vente[35] et, au surplus, qu’en l’absence de structure légale appropriée permettant de rendre indépendante l’une de l’autre les différentes portions du site sous étude, le lot 6 205 798 ne peut, à court terme être cédé que globalement, et non par parties, compte tenu des liens juridiques, physiques et fonctionnels reliant les deux portions du lot 6 205 978.

[66]               En effet, le temps requis pour des organisations comme SQI et CCN de procéder à toutes ces opérations cadastrales et légales dépasse clairement la notion de court terme. Il faut ainsi mandater un arpenteur géomètre, préparer un plan de cadastre, immatriculer chaque lot créé, obtenir les approbations de la ville quant au respect des normes et règlements ainsi que du service du cadastre du Ministère des Ressources naturelles. Il faut aussi tenir compte qu’avant de pouvoir lotir le terrain, celui-ci doit avoir front sur la rue, ce qui n’est pas encore le cas, puisque SQI est toujours propriétaire, tant en date de référence qu’en date de l’audience même, de la bande de terrain prévue pour élargir la rue Dalhousie, qui n’a pas encore été cédée à la ville de Québec pour ce faire.

Conclusion

[67]               En fonction de notre analyse, nous sommes donc d’avis que l’évaluateur municipal a procédé à juste titre au regroupement du plus grand ensemble possible d’immeubles que constituaient les anciennes unités d’évaluation du parc et du stationnement sous une seule unité d’évaluation, en conformité avec l’article 34 LFM. La preuve révèle sans contredit l’existence tant de liens physiques (mécanique, plomberie, électricité, salle de contrôle), juridiques (un seul lot) et économiques (gestion de l’ensemble consentie à SPAQ) entre les deux unités justifiant leur regroupement[36].

[68]               Nous retenons aussi qu’un parc du gabarit de celui de la Place des Canotiers dispose souvent d’un stationnement pour ses utilisateurs. Le fait que celui-ci soit en surcapacité pour les besoins de la Place des Canotiers n’empêche pas qu’il en soit un usage complémentaire à celle-ci.

[69]               Nous ne pouvons retenir la prétention de la partie requérante voulant qu’il n’y ait que changement de propriétaire[37]. La preuve révèle tout au contraire qu’il a effectivement un changement de situation que l’évaluateur municipal devait analyser et traiter en respectant les prescriptions de la LFM.

[70]               La composition de l’unité d’évaluation étant maintenant déterminée, il faudra procéder, dans une deuxième étape, à l’examen de l’exactitude de la valeur de l’unité d’évaluation 5186-33-0663.

[71]               Les parties seront convoquées en conférence de gestion pour organiser la suite des dossiers.

POUR CES MOTIFS, le Tribunal :

DÉCLARE OPPORTUN le regroupement des unités d’évaluation 5186-33-0729 et 5186340125 sous un seul numéro matricule car répondant aux quatre conditions de l’article 34 LFM;

MAINTIENT le regroupement sous le matricule 5186-33-0663;

CONVOQUERA les parties en conférence de gestion à une date à fixer pour procéder à la détermination de la valeur réelle de cette unité d’évaluation.

 

 


 

VÉRONIQUE PELLETIER, j.a.t.a.q.

 

 

MANON GOYER, j.a.t.a.q.


 

Cabinet d'avocats Saint-Paul

Me François Marchand

Procureur de la partie requérante

 

Giasson et Associés

Me Richard Grondin

Procureur de la partie intimée


 


[1]  Tiré en partie du rapport I-1.

[2]  I-2 : Acte de vente par SQI à CCN du 30 janvier 2020.

[3]  I-1, Annexe C.

[4]  I-1, Annexes A (Portion du site aménagé en stationnement et pavillon de service), B (Portion du site aménagé en place publique) et C (présentation du projet de réaménagement par CIMA et Tetra Tech)

[5]  Voir les pièces R-1 avant subdivision et R-2 après subdivision et R-3 pour l’historique des unités d’évaluation.

[6]  Cette mise au rôle est contestée dans le dossier 237883.

[7]  Ces inscriptions sont contestées dans le dossier 244889.

[8]  R-3 et les certificats F07023 et F07024 ne sont pas en preuve au dossier. L’impact pour les fins de notre décision n’est cependant pas important à cette étape.

[9]  Voir la matrice graphique avant et après la modification en I-4 ainsi que les pièces I-3 et R-3.

[10]  Dossier 256526 faisant l’objet de la présente décision.

[11]  Dossier 256527.

[12]  2000 CanLII 44726 (QCTAQ)

[13]  Article 174 (3) LFM.

[14]  L’article 174 (9) prévoit que l’évaluateur doit modifier le rôle pour tenir compte du fait qu’un immeuble exempt de taxe cesse de l’être ou vice versa, du fait qu’un immeuble visé à l’article 255 cesse de l’être ou vice versa ou du fait qu’un immeuble visé par un alinéa de cet article devient visé par un autre alinéa du même article.  L’article 204(1) prévoit qu’un immeuble inscrit au nom de la SQI est exempt de taxes.

[15]  Mélanie Talbot, é.a. pour la partie intimée et son rapport I-1.

[16]  Chapitre V, section 1 de la LFM

[17]  Riocan Holdings (Québec) inc. c Montréal, 2012 QCTAQ 11447, par.

[18]  CUO c. Gestion Marin Josée inc., C.Q. Hull, 550-02-003041-951, 23-12-1997.

[19]  Tiré en grande partie de I-1, p. 28 à 31, avec lequel le Tribunal est en accord.

[20]  Voir notamment I-1 : Annexe C pour la présentation du projet dans son ensemble, Annexe E pour le Sommaire décisionnel de la ville de Québec en date du 10 novembre 2016 et, Annexe F, Communiqué de presse du Gouvernement du Québec en date du 11 juin 2017.

[21]  I-1, p. 28 et 29.

[22]  I-1.

[23]  R-5 : Liste des abonnements.

[24]  L’avocat de Québec nous réfère ainsi au Parc du Bois de Coulonges, au Domaine Cataraqui et au Parc des Moulins.

[25]  R-6 : Entente de services CCN-SPAQ conclue le 20 février 2020.

[26]  R-6 : Entente de services CCN-SPAQ.

[27]  R-6, article 1.4.

[28]  Témoignage de Jean-Sébastien Bouliane, é.a.

[29]  Projet présenté aux Prix canadiens du génie-conseil 2019, I-1, Annexe C.

[30]  I-1, p. 21.

[31]  I-1, p. 22 pour les items détaillés des différents éclairages.

[32]  I-1, p. 21 et suivantes ainsi que I-1, Annexe C.

 

 

[33]  Servitude, déclaration de copropriété ou tout autre contrat régularisant cette situation d’interdépendance.

[34]  Article 46 LFM : Aux fins d’établir la valeur réelle qui sert de base à la valeur inscrite au rôle, on tient compte de l’état de l’unité d’évaluation et des conditions du marché immobilier tels qu’ils existent le 1er juillet du deuxième exercice financier qui précède le premier de ceux pour lesquels le rôle est fait, ainsi que de l’utilisation qui, à cette date, est la plus probable quant à l’unité.

[35]  Il n’est plus possible de vendre des parties de lot.

[36]  Forgues, Jacques, L’évaluation municipale et la valeur réelle, Éditions Yvon Blais, Cowansville, 1995, p. 64 et 65.

[37]  L’affaire Leblanc c. New-Richmond, 2000 CanLII 44726 (QCTAQ) citée par la requérante n’appuie pas sa prétention, car il n’y avait ni vente ni changement de propriétaire en ce cas. L’affaire Lupien c. MorinHeights, 2021 CanLII135455 (QCTAQ) traite pour sa part de la contestation de la valeur par un acquéreur à la suite d’un certificat de modification pour prendre acte du changement de propriétaire et alors que le propriétaire antérieur n’avait pas contesté la valeur au rôle en temps utile; elle est donc non pertinente à notre affaire.

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