Alain c. Agence du revenu du Québec |
2015 QCCQ 14083 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division administrative et d'appel » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE MONTRÉAL |
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« Chambre civile » |
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DATE : |
18 décembre 2015 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE MARIE MICHELLE LAVIGNE, J.C.Q. |
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N° : |
500-80-029281-145 |
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CINDY ALAIN |
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Demanderesse |
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c. |
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L’AGENCE DU REVENU DU QUÉBEC |
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Défenderesse |
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N° : |
500-80-029282-143 |
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MARTIN TIMBRO |
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Demandeur |
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c. |
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L’AGENCE DU REVENU DU QUÉBEC |
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Défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] Le Tribunal est saisi d’un appel de plusieurs avis de cotisation émis par l’Agence du Revenu du Québec (l’ARQ) à l’encontre de Cindy Alain et Martin Timbro relativement aux années d’imposition 2006-2007-2008-2009-2010.
[2] M. Timbro est consultant en informatique. Mme Alain est commis comptable. Ils sont conjoints de fait depuis plus de 20 ans et ils ont trois enfants.
[3] Entre les années 2005 et 2010, le couple Alain-Timbro a successivement acheté et vendu plusieurs résidences qu’ils ont habitées avec leurs enfants. La fréquence des transactions et la proximité des résidences ont alerté l’Agence du Revenu du Québec (l’ARQ) qui a considéré que le couple Alain-Timbro avait comme intention première de faire des revenus avec les ventes successives des résidences. L’ARQ considère que ces transactions génèrent des revenus d’entreprise qui n’ont pas été déclarés et pour lesquels l’impôt n’a pas été payé. Une cotisation pour les taxes impayées relatives à ces transactions a aussi été émise.
[4] Le couple Alain-Timbro prétend qu’il s’agit dans tous les cas de la vente de leur résidence principale et qu’a ce titre, aucun impôt ni aucune taxe n’est payable. Dans chaque cas, ils soulèvent des raisons personnelles, familiales et professionnelles pour justifier leurs nombreux déménagements.
Les faits
[5] Le 30 avril 2003, le couple Alain-Timbro achète un immeuble situé au 412 rue de L’Angélique à St-Philippe pour la somme de 120 000 $[1]. Ils vendent cette résidence le 17 juin 2004.
[6] Le 22 avril 2004, les demandeurs acquièrent un terrain au 5 rue des Cyprès à St-Philippe[2]. Ils y construisent une résidence avec l’aide de leur ami M. Anthony Campanozzi agissant comme « gérant de projet ». Cette résidence sera vendue le 18 juin 2005[3]. Ces deux transactions ne sont pas visées par ces cotisations.
Première transaction cotisée par l’ARQ = 13, rue des Catalpas
[7] Le 20 mai 2005, le couple Alain-Timbro signe une promesse d’achat pour un terrain situé sur la rue des Catalpas à St-Philippe, propriété de 9107-0971 Québec inc.
[8] Le 10 juin 2005, le couple Alain-Timbro demande l’émission d’un permis de construction[4] pour construire une résidence sur le terrain.
[9] Le 20 juillet 2005, les demandeurs signent l’acte notarié relatif à l’achat du terrain situé au 13, rue des Catalpas pour la somme de 59 813 $ taxes incluses[5].
[10] Le couple Alain-Timbro entreprend la construction d’une résidence[6]. M. Anthony Campanozzi est le « gérant de projet ». Il s’occupe de la construction, retient les sous-traitants et gère le budget de construction. Les demandeurs émettent les paiements requis par M. Campanozzi. Le couple Alain-Timbro n’a aucun contrat écrit avec M. Campanozzi.
[11] La date de la fin des travaux inscrite sur la demande de permis de construction est le 1er septembre 2005. Selon M. Timbro, la famille emménage sur la rue des Catalpas à la mi-septembre 2005[7].
[12] Six semaines après leur déménagement, soit le 29 octobre 2005, les demandeurs signent un contrat de courtage immobilier pour la vente de la résidence[8].
[13] Le 24 janvier 2006, l’immeuble est vendu pour un montant de 307 500 $[9]. La prise de possession par les acheteurs est fixée au 26 janvier 2006[10].
[14] Le couple Alain-Timbro a été propriétaire du terrain pendant six mois soit du 20 juillet 2005 au 24 janvier 2006. Il a mis la propriété en vente 6 semaines après y avoir emménagé. La famille a habité la résidence pendant 4 mois.
[15] Les déclarations de revenus des demandeurs pour l’année d’imposition 2006 ne mentionnent aucun revenu d’entreprise ni aucun gain ou perte en capital relativement à la vente de cet immeuble.
[16] Les demandeurs prétendent avoir pris la décision de vendre cette maison pour les raisons suivantes :
· Le promoteur avait promis l’aménagement d’un parc et d’une aire de jeux pour les enfants ce qui ne s’est pas matérialisé.
· La résidence est située sur un ancien marais asséché, ce qui cause une inondation en cours de travaux et nécessite le pompage constant des eaux causant du bruit et des désagréments.
[17] Dans leurs avis d’opposition aux cotisations, les demandeurs ne parlent pas des problèmes d’inondation du sous-sol de la résidence[11]. Ils ne mentionnent que le fait que le secteur n’était pas approprié pour de jeunes familles.
[18] À la vente de la résidence, le 26 janvier 2006, le couple Alain-Timbro déménage des biens de la famille dans un entrepôt qu’il louera jusqu’au 9 septembre 2006[12].
[19] Entre le 26 janvier 2006 et la m-août 2006, Mme Alain et M. Timbro, louent une maison sur la rue Barbeau à Ste-Catherine.
Deuxième transaction cotisée par l’ARQ = 26, rue de Darvault
[20] Six jours après la vente de l’immeuble de la rue de Catalpas, soit le 30 janvier 2006, le couple Alain-Timbro fait une offre d’achat pour l’acquisition d’un terrain situé sur la rue Darvault[13] et appartenant à Le Groupe Maison Candiac.
[21] Le 17 février 2006, les demandeurs font une demande de permis[14] pour construire une résidence sur ce terrain. La date de fin des travaux est prévue pour le 30 septembre 2006. L’adresse des demandeurs sur la demande de permis est le 1380 rue Barbeau à Ste-Catherine.
[22] Le 21 avril 2006, les demandeurs signent l’acte notarié pour l’achat du terrain situé au 26, rue de Darvault, pour la somme de 62 352 $ taxes incluses[15]. L’adresse des demandeurs sur l’acte de vente est le 69 rue Dompierre à Candiac.
[23] Le couple Alain-Timbro entame la construction de la résidence avec l’aide de M. Campanozzi.
[24] Le 9 septembre 2006, le contrat d’entreposage des biens du couple Alain-Timbro signé le 26 janvier 2006 prend fin. On présume qu’ils ont emménagé dans la résidence du 26 rue de Darvault à cette date. Dans son témoignage M. Timbro dit avoir pris possession de la maison à la mi-août 2006.
[25] Quelques jours plus tard, soit le 18 septembre 2006, un contrat de courtage immobilier est signé par le couple pour la vente de l’immeuble[16].
[26] Le 2 mars 2007, l’immeuble du 26 rue de Darvault est vendu pour un montant de 346 500 $[17] avec occupation par les nouveaux propriétaires à compter du lendemain le 3 mars 2007.
[27] Les demandeurs ont été propriétaires de l’immeuble pendant dix mois du 21 avril 2006 au 2 mars 2007. Ils ont mis en vente la résidence 3 semaines après y avoir emménagé. Ils l’ont occupée pendant 6 mois.
[28] Les déclarations de revenus des demandeurs pour l’année d’imposition 2007 ne mentionnent aucun revenu d’entreprise ni aucun gain ou perte en capital relativement à la vente de cet immeuble.
[29] Les demandeurs déclarent avoir vendu cette résidence pour des raisons de santé :
· La façade arrière donne sur l’autoroute 30 et aucun muret coupe son n’est érigé. La chambre à coucher des demandeurs est à l’arrière et M. Timbro ne peut dormir à cause du bruit de l’autoroute 30.
[30] Selon M. Timbro, le promoteur s’était engagé à construire une butte à l’arrière pour cacher l’autoroute. Cette butte aurait été construite en mars 2007 uniquement. Or, la résidence est vendue le 2 mars 2007.
Troisième transaction cotisée par l’ARQ = 35, rue de Darvault
[31] À la vente du 26 rue de Darvault, le 2 mars 2007, les biens de la famille sont déménagés et mis en entreposage jusqu’au 5 septembre 2007[18]. La famille habite alors sur la rue Dompierre à Candiac.
[32] Deux semaines après la vente de la résidence du 26 rue de Darvault, soit le 14 mars 2007, les demandeurs signent une promesse d’achat d’un terrain vacant situé de l’autre côté de la rue au 35 rue de Darvault, propriété de Le Groupe Maison Candiac inc.[19].
[33] Le 21 mars 2007, les demandeurs font une demande de permis pour construire une résidence sur ce terrain[20]. La date de fin des travaux inscrite sur la demande de permis de construction est le 30 septembre 2007.
[34] Le 16 mai 2007, la Caisse Populaire Desjardins qui finance les demandeurs leur fait parvenir une lettre qui se lit comme suit :
« Par souci professionnel, la présente a pour but de s’assurer que vous êtes pleinement conscients des conséquences potentielles associées aux transactions immobilières que vous effectuez depuis quelques années déjà.
Normalement, la résidence principale d’un individu qui a été occupée et déclarée, pendant les années d’occupation, comme résidence principale n’est pas soumise fiscalement à la notion de gain en capital imposable. Toutefois, un particulier qui construit des maisons à répétition pourrait voir son statut, d’un point de vue fiscal, modifié et par le fait même être imposé sur le total de tous les gains en capital générés au cours des dernières années. Effectivement, vous pourriez être considérés au même titre qu’une entreprise et par le fait même perdre votre droit de déduction sur les gains en capital générés par l’ensemble de vos activités immobilières.
Par conséquent, nous déclarons ce qui suit :
Nous, M. Martin Timbro et Mme Cindy Alain, sommes conscient des conséquences fiscales pouvant survenir suite aux multiples constructions de propriétés que nous avons effectuées au cours des dernières années. M. Jean-François Lauzon, conseiller en finances personnelles, nous a bien informés des risques associés à ce genre de transactions et nous en assumerons l’entière responsabilité advenant le cas où le gouvernement nous réclamerait les gains en capitaux générés par les ventes des résidences construites par le passé. De plus, nous sommes conscients que dans le cas où nous aimerions reconstruire une nouvelle maison après la construction du 35 rue Darvault à Candiac, la caisse des berges de Roussillon pourrait ne pas procéder dans certaines circonstances considérant le type de transactions que nous effectuons. »[21]
[35] Mme Alain et M. Timbro signent cette lettre et la clause d’exonération de responsabilité qu’elle contient.
[36] Le 17 mai 2007, les demandeurs signent l’acte notarié pour l’achat du terrain situé au 35, rue de Darvault pour la somme de 83 468 $ taxes incluses[22]. L’adresse des demandeurs sur l’acte de vente est le 87 rue Dompierre # 205 à Candiac.
[37] Les demandeurs entament la construction de la résidence, toujours avec l’aide de M. Campanozzi.
[38] Le 5 septembre 2007, le contrat d’entreposage des biens du couple Alain-Timbro signé le 2 mars 2007 prend fin. On présume que la famille emménage dans la résidence du 35 rue de Darvault à cette date.
[39] Un mois après leur déménagement, soit le 1er octobre 2007, un contrat de courtage immobilier est signé pour la vente du 35 rue de Darvault[23].
[40] Le 10 avril 2008, la compagnie Plutoniq dans laquelle M. Timbro aurait des intérêts, est incorporée et commence ses opérations[24].
[41] Le 26 juin 2008, l’immeuble du 35, rue de Darvault est vendu pour un montant de 405 000 $[25] avec prise de possession immédiate par les acheteurs.
[42] Les demandeurs ont été propriétaires de l’immeuble pendant une durée d’un peu plus d’un an soit du 17 mai 2007 au 26 juin 2008. Ils ont mis la résidence en vente un mois après y être emménagé. Ils ont habité la résidence pendant 9 mois.
[43] Les déclarations de revenus des demandeurs pour l’année d’imposition 2008 ne mentionnent aucun revenu d’entreprise ni aucun gain ou perte en capital relativement à la vente de cet immeuble.
[44] Les demandeurs déclarent avoir vendu cette résidence pour les raisons suivantes :
· M. Timbro démarre son entreprise Plutoniq et il désire installer ses bureaux dans la résidence. Celle-ci est trop petite. En conséquence, le couple Alain-Timbro décide de déménager au 16 rue de Douvaine.
[45] Le mandat pour la vente de la résidence a été octroyé le 1er octobre 2007 et la compagnie Plutoniq a été incorporée le 10 avril 2008.
Quatrième transaction cotisée par l’ARQ = 16, rue de Douvaine
[46] Alors qu’ils sont toujours propriétaires de la résidence du 35 rue de Darvault, le 18 avril 2008, les demandeurs font une offre d’achat pour un terrain vacant situé au 16, rue de Douvaine à Candiac, propriété d’ Evelyne Lam Choishon. C’est la conjointe d’un cousin de M. Campanozzi.
[47] Le 21 avril 2008, les demandeurs font une demande de permis de construction[26]. La date de fin des travaux inscrite sur la demande de permis de construction est le 24 juillet 2008.
[48] Le 7 mai 2008, les demandeurs signent l’acte notarié pour l’achat du terrain situé au 16 rue de Douvaine pour la somme de 120 000 $ taxes incluses[27]. Ils entament la construction de la résidence toujours avec l’aide de M. Campanozzi.
[49] Leur résidence précédente du 35 rue de Darvault est vendue le 26 juin 2008 avec prise de possession immédiate par les acquéreurs[28]. La famille Alain-Timbro emménage dans la nouvelle résidence du 16 rue de Douvaine à la fin juillet 2008.
[50] Le 17 novembre 2008, un contrat de courtage immobilier est signé pour la vente de la résidence[29].
[51] Le 13 février 2009, la compagnie Plutoniq dans laquelle M. Timbro aurait des intérêts, déménage dans un local commercial.
[52] Le 9 avril 2009, la résidence du 16 rue de Douvaine est vendue pour la somme de 520 000 $[30] avec prise de possession par les acheteurs le 20 juin 2009.
[53] Les demandeurs ont été propriétaires de l’immeuble pendant 11 mois soit du 7 mai 2008 au 9 avril 2009. Ils ont mis la maison en vente 4 mois après y être emménagés. Ils ont habité la résidence pendant approximativement 11 mois soit du 24 juillet 2008 au 20 juin 2009.
[54] Les demandeurs déclarent avoir vendu cette résidence pour les raisons suivantes :
· Malgré le fait que cette propriété ait été achetée pour y installer les bureaux de Plutoniq, les actionnaires de cette entreprise décident plutôt de louer un local commercial.
· Mme Alain est enceinte et le couple désire une maison avec 4 chambres à l’étage.
Cinquième transaction cotisée par l’ARQ = 8, rue de Douvaine
[55] Le 30 mars 2009, alors qu’ils habitent encore au 16, rue de Douvaine et que cette résidence n'est pas encore vendue, les demandeurs requièrent un permis de construction pour le terrain du 8 rue de Douvaine, dont ils ne sont pas encore propriétaires[31]. Selon ce permis, la fin des travaux est prévue pour le 1er juillet 2009.
[56] Le 9 avril 2009, la résidence du 16 rue de Douvaine est vendue. Cependant, les nouveaux acquéreurs du 16 rue de Douvaine en prendront possession uniquement le 20 juin 2009.
[57] Le 3 juin 2009, les demandeurs signent une offre d’achat pour le terrain du 8, rue de Douvaine appartenant à Tania Campanozzi.
[58] Le lendemain de l’offre, soit le 4 juin 2009, les demandeurs signent l’acte notarié pour l’achat du terrain du 8 rue de Douvaine, pour la somme de 147 300 $ taxes incluses[32]. En théorie, les demandeurs auraient dû commencer la construction de la résidence lorsqu’ils en sont devenus propriétaires le 4 juin 2009. Il est cependant difficile de concevoir que la construction de la résidence ait pu se faire entre le 5 juin et le 20 juin 2009, date où la famille doit quitter le 16 rue de Douvaine. Il est plus probable que la construction de l’immeuble a débutée à la date mentionnée au permis de construction (30 mars 2009) alors que Tania Campanozzi était encore propriétaire du terrain.
[59] Le 26 juin 2009, Mme Alain accouche de son 3e enfant.
[60] La famille Alain-Timbro déménage dans la résidence du 8 rue de Douvaine au cours de la deuxième semaine de juillet 2009.
[61] Cinq (5) semaines après le déménagement de la famille au 8 rue de Douvaine, le 19 août 2009, un contrat de courtage immobilier est signé pour la vente de l’immeuble[33].
[62] Le 28 avril 2010, la résidence est vendue pour la somme de 715 000 $[34] avec prise de possession par les acheteurs le 1er mai 2010.
[63] Les demandeurs ont été propriétaires du 8 rue de Douvaine pendant 11 mois soit du 4 juin 2009 au 28 avril 2010. Ils mettent la résidence en vente 5 semaines après y avoir emménagé. Ils occupent la maison pendant une durée d’environ 9 mois soit de juillet 2009 au 29 avril 2010.
[64] Les déclarations de revenus des demandeurs pour l’année d’imposition 2010 ne mentionnent aucun revenu d’entreprise ni aucun gain ou perte en capital pour la vente de cet immeuble.
[65] Les demandeurs déclarent avoir vendu cette résidence pour les raisons suivantes :
· Le promoteur a décidé d’ouvrir la rue sur un nouveau secteur. Ainsi, une rue paisible est soudainement devenue passante et bruyante.
Dernière transaction = 24, rue de Duneau
[66] Le 13 mai 2010, les demandeurs achètent un terrain situé au 24 rue de Duneau à Candiac pour construire une maison.
[67] La construction de cette résidence est débutée par M. Campanozzi mais Mme Alain en reprend le contrôle et termine la construction[35].
[68] La famille y déménage le 30 octobre 2010. Pendant les travaux soit entre le 1er mai 2010 et le 30 octobre 2010, la famille Alain-Timbro loue une maison au 35 rue d’Estoril à Candiac.
ANALYSE
[69] Le système fiscal canadien est basé sur l'autodéclaration et l'autocotisation. Tous les contribuables sont tenus de déclarer l'ensemble de leurs revenus et d'établir l'impôt payable.
[70] Une cotisation fiscale bénéficie par la loi d'une présomption de validité qui peut cependant être repoussée par le contribuable[36].
Art. 1014. Sous réserve des modifications ou de l’annulation résultant d’une opposition, d’un rappel ou d’un appel sommaire et sous réserve d’une nouvelle cotisation, une cotisation est réputée valide et tenante nonobstant toute erreur, vice de forme ou omission qui s’y trouve ou qui se trouve dans toute procédure s’y rattachant.
[71] Depuis les enseignements de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Hickman Motors Ltd. c. Canada[37], le fardeau de preuve du contribuable devant renverser la présomption de validité de la cotisation est bien établi.
[72] Le fardeau initial du contribuable consiste à démolir la présomption de validité de la cotisation en présentant une preuve prima facie démontrant l'inexactitude de cette cotisation. Lorsque le contribuable a présenté une telle preuve, il y a renversement du fardeau. Le fisc doit alors réfuter la preuve prima facie et prouver la cotisation établie par prépondérance.
[73] La Cour canadienne de l'impôt, dans la décision Stewart c. Canada[38], a établi ce qui, selon elle, constitue une preuve prima facie:
[23] Une preuve prima facie est celle qui est étayée par des éléments de preuve qui créent un tel degré de probabilité en sa faveur que la cour doit l'accepter si elle y ajoute foi, à moins qu'elle ne soit contredite ou que le contraire ne soit prouvé. Une preuve prima facie n'est pas la même chose qu'une preuve concluante, qui exclut la possibilité que toute conclusion autre que celle établie par cette preuve soit vraie.
[74] La Cour d'appel du Québec dans l'arrêt St-Georges c. Québec (Sous-ministre du revenu)[39] a expliqué le degré de preuve requis de la part du contribuable lorsque celui-ci tente de «démolir» l'exactitude de l'avis de cotisation émis par l'autorité fiscale. Le Tribunal, citant alors Capobianco c. Québec (sous-ministre du Revenu)[40], s'exprimait ainsi:
"[11] La preuve du contribuable doit toutefois comporter un certain degré de précision et de probabilité en sa faveur par opposition à des allégations vagues et ambiguës. Règle générale, la simple affirmation du contribuable ne suffit pas; elle aura avantage à être soutenue par une preuve documentaire ou circonstancielle.
[12] La thèse voulant qu'une simple négation de la part du contribuable puisse contrer la présomption de validité de l'article 1014 L.I. reviendrait à priver cet article de tout son sens."
[75] Dans le cas sous étude, l'ARQ a considéré que la fréquence des activités d’achat de terrain, de construction de maison et de revente par le couple Alain-Timbro, était une activité commerciale générant un revenu d’entreprise qui aurait du être déclaré et pour lequel des taxes devaient être payées. Les demandeurs prétendent qu’il s’agissait dans tous les cas, de la vente de leur résidence familiale et que leur intention première a toujours été de construire ces résidences pour les habiter et non pour en faire un commerce.
[77] Les transactions relatives aux résidences du couple Alain-Timbro génèrent-elles un revenu d’entreprises ou un gain en capital relatif à la vente de la résidence principale?
[78] L’article 1 de la Loi sur les impôts définit ainsi le terme « Entreprise »
« « entreprise » comprend une profession, un métier, un commerce, une manufacture ou une activité de quelque genre que ce soit, y compris, sauf aux fins du paragraphe a du premier alinéa de l’article 164, de l’article 250.4 et du paragraphe i du deuxième alinéa de l’article 726.6.1, un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial, mais ne comprend pas une charge ni un emploi; »
[79] Les articles 1 et 248 LIQ sont muets sur la définition de «résidence principale» au sens de l’art. 271 LIQ qui prévoit l’exonération du gain découlant de la disposition d’un tel bien. Il faut donc retenir le sens normal des mots soit l’endroit ou le contribuable et sa famille résident principalement.
[80] La qualification du profit tiré de la vente d’un bien est avant tout une question de faits. Le traitement fiscal de ce profit diffère selon qu'il s'agit de gain en capital ou de revenu d’entreprise.
[81] Les tribunaux ont élaboré les critères pouvant être considérés pour qualifier les bénéfices qu’un contribuable tire de la disposition de biens. Les éléments suivants sont considérés dans l’analyse :
a. La nature du bien vendu;
b. La durée de la possession à titre de propriétaire;
c. La fréquence ou le nombre d’opérations similaires;
d. Les circonstances ayant entrainé la vente du bien;
e. Les améliorations faites sur le bien converti en espèces ou se rapportant à pareil bien;
f. Les motifs - l’intention du contribuable au moment de l’acquisition du
bien et son intention secondaire à la disposition. [41]
[82] Dans l’arrêt Canada Safeway Limited c. R.[42] , la distinction entre le capital et le revenu est expliquée comme suit :
« 61. On peut dégager de ces décisions quelques principes qui peuvent, à mon avis, être résumés comme suit. Premièrement, il n’est pas facile de tracer une ligne de démarcation entre les revenus et les gains en capital et il est donc nécessaire, pour bien les distinguer, de tenir compte d’une foule de facteurs, et notamment de l’intention du contribuable au moment de l’acquisition du bien en litige. Deuxièmement, pour que l’opération soit considérée comme un projet comportant un risque de caractère commercial, il faut qu’au moment de l’acquisition, le contribuable ait eu à l’esprit la possibilité de revendre comme motif qui le poussait à faire cette acquisition. La conclusion qu’une telle motivation existe devrait être basée sur des inférences découlant des circonstances qui entourent la transaction. Autrement dit, c’est toute la conduite du contribuable qu’il faut apprécier. Troisièmement, en ce qui concerne l’« intention secondaire », celle-ci doit aussi avoir existé au moment de l’acquisition du bien et le contribuable doit avoir été motivé par l’intention secondaire de le revendre avec bénéfice au cas où une occasion intéressante se présenterait. Quatrièmement, le fait que le contribuable envisageait la possibilité de revendre son bien ne suffit pas, en soi, pour conclure à l’existence d’un projet comportant un risque de caractère commercial. Dans leur ouvrage Principles of Canadian Income Tax Law, précité, les éminents auteurs expriment l’avis, dans leur analyse du critère applicable en ce qui a trait à l’existence d’une « intention secondaire », que [TRADUCTION] « les critères de la doctrine de l’intention secondaire ne seront respectés que si la perspective de revente à profit a joué un rôle important dans la décision d’acquérir le bien » (à la page 337). Je souscris entièrement à cette proposition. Cinquièmement, le témoignage du contribuable au sujet de son intention n’est pas déterminant et doit être examiné à la lumière de l’ensemble des circonstances. »
[83] En considérant ces critères, le Tribunal conclut que les bénéfices générés par le couple Alain-Timbro à la suite de l’achat d’un terrain, la construction d’une résidence et sa revente constituent des revenus d’entreprise qui auraient dû être déclarés et pour lesquels des taxes auraient dû être payées. Les critères retenus sont les suivants :
· La fréquence et le nombre d’opérations similaires;
· La durée de possession des résidences à titre de propriétaires;
· Les circonstances ayant entraîné la vente du bien et l’association des demandeurs avec M. Campanozzi;
· Les motifs énoncés par les demandeurs et leurs intentions;
· La crédibilité de leurs témoignages.
La fréquence et le nombre d’opérations similaires
[84] Sur une période de 7 ans, entre le 30 avril 2003 et le 13 mai 2010, les demandeurs et leurs enfants ont habité 11 résidences:
1. 2003, ils habitent rue de l’Angélique;
2. 2004, ils achètent un terrain rue des Cyprès, y construisent une maison, y déménagent et la vendent;
3. Juillet 2005, ils achètent le terrain du 13 rue Des Catalpas, y construisent une maison, y déménagent et la vendent;
4. Janvier 2006, ils louent une résidence sur la rue Barbeau et y emménagent dans l’attente de la fin de la construction de la résidence du 26 rue de Darvault;
5. Septembre 2006, la famille déménage au 26 rue de Darvault puis les demandeurs vendent la résidence;
6. Mars 2007, les demandeurs déménagent dans un condo rue Dompierre en attendant la fin de la construction du 35 rue de Darvault;
7. Septembre 2007, la famille emménage au 35 rue de Darvault puis les demandeurs vendent la résidence;
8. Juin 2008, la famille déménage au 16 rue de Douvaine et les demandeurs vendent la résidence;
9. Juillet 2009, la famille déménage au 8 rue de Douvaine, puis les demandeurs vendent la résidence;
10. Mai 2010, la famille loue une résidence au 35 d’Estoril à Candiac en attendant la fin de la construction du 24 rue de Duneau;
11. Octobre 2010, la famille déménage au 24 rue de Duneau.
[85] Il semble difficile de croire que ces nombreux déménagements impliquant 2 adultes et 2 puis 3 enfants, ont été motivés par des raisons telles que l’absence de parcs et d’aires de promenade, les bruits de l’autoroute (pourtant audibles lors de l’achat du terrain), l’absence d’un bureau pour l’entreprise de M. Timbro, l’absence d’une chambre pour un 3e enfant et le changement des plans du promoteur quant à l’ouverture d’une rue.
[86] Mais il y a plus.
La durée de possession des résidences à titre de propriétaires
[87] L’analyse de la preuve documentaire, incluant les mandats octroyés aux agents d’immeubles, nous permet de conclure que le couple Alain-Timbro a mis en vente les diverses maisons, très peu de temps après y avoir emménagé :
· Le 13, rue des Catalpas a été mis en vente 6 semaines après y avoir emménagé.
· Le 26, rue de Darvault est mis en vente 1 mois après le déménagement de la famille Alain-Timbro.
· Le 35, rue de Darvault est mis en vente par le couple Alain-Timbro 3 semaines après leur emménagement.
· Le 16, rue de Douvaine est mis en vente 4 ou 5 mois après que la famille y soit emménagée.
· Le 8, rue de Douvaine est mis en vente 2 mois après que la famille Alain-Timbro ait emménagé.
[88] Les courtes périodes de temps entre le déménagement de la famille au sein d’une nouvelle résidence et sa mise en vente, permettent de douter des motifs allégués par les demandeurs pour justifier de quitter leur nouvelle résidence.
Les circonstances entourant la vente des résidences, les motifs énoncés par les demandeurs et leur témoignage
[89] Il est aussi significatif de faire un parallèle entre la durée d’occupation d’une résidence avant sa mise en vente et les motifs allégués pour cette vente.
[90] Dans le cas de la première résidence du 13, rue des Catalpas, les motifs allégués par les demandeurs pour justifier sa mise en vente sont les suivants :
« Le promoteur du projet avait promis plusieurs commodités parcs, aires de promenades de vélos et le promoteur n’a absolument rien fait. Le secteur n’était pas très approprié pour les jeunes familles. »
[91] Il est peu probable que les demandeurs n’aient pas eu connaissance du quartier et du secteur avant l’achat de la propriété. Il est aussi peu probable que les 6 semaines d’occupation de la résidence avant sa mise en vente aient permis aux demandeurs de conclure que le secteur n’était pas très approprié pour les jeunes familles.
[92] La maison qu’ils occupaient précédemment au 5, rue des Cyprès est à 120 mètres (3 minutes) du 13, rue des Catalpas. La résidence qu’ils ont acquise par la suite au 26, rue de Darvault est à 4 kilomètres (8 minutes) du 13, rue des Catalpas. Les demandeurs connaissaient le secteur. Le motif donné pour la mise en vente de la propriété du 13, rue des Catalpas n’est pas crédible.
[93] Il en est de même pour le motif donné pour la vente de l’immeuble situé au 26, rue de Darvault.
[94] Dans leur opposition, les demandeurs justifient leur déménagement de la façon suivante :
« Des raisons de santé, nous étions adossés à l’autoroute 30 donc beaucoup de bruit. Mon conjoint avait un problème d’insomnie. »
[95] Encore une fois, il est surprenant que le couple Alain-Timbro n’ait pas constaté le bruit de l’autoroute 30 située à proximité avant l’achat du terrain et pendant la construction. De plus, il ne s’écoule que 9 jours entre la date de la fin du contrat d’entreposage des biens du couple Alain-Timbro le 9 septembre 2006 et l’octroi d’un mandat pour la vente de la résidence le 18 septembre 2006. Cette période est très courte pour décider de vendre la maison familiale après avoir constaté les problèmes d’insomnie de M. Timbro. Il est peu crédible que l’insomnie de M. Timbro pendant cette courte période ait justifié la mise en vente de la résidence fraîchement construite selon les spécifications des demandeurs et le déménagement de la famille, avec tous les inconvénients que ceci entraîne.
[96] Encore une fois les versions des demandeurs ne sont pas crédibles.
[97] Quant à la vente du 35, rue de Darvault, les motifs donnés dans l’avis d’opposition sont les suivants :
« Mon conjoint (M. Timbro) a démarré une entreprise informatique. Il nous fallait de l’espace pour faire une partie bureau administratif pour le travail à domicile. »
[98] La compagnie à laquelle les demandeurs font référence est la compagnie Plutoniq. La consultation des informations publiques relatives à cette compagnie nous démontre qu’elle est incorporée le 10 avril 2008. Les documents publics relatifs à l’enregistrement de cette compagnie ne mentionnent pas M. Timbro comme étant actionnaire ou administrateur de la compagnie.
[99] Quoi qu’il en soit, la compagnie Plutoniq est incorporée le 10 avril 2008 alors que l’immeuble est mis en vente le 1er octobre 2007. Il est difficile de relier le démarrage de l’entreprise informatique à la mise en vente de la résidence. Pour renverser la présomption de validité de la cotisation, les demandeurs devaient fournir des explications crédibles.
[100] Quant au 16, rue de Douvaine, les demandeurs allèguent avoir mis la propriété en vente puisqu’ils désiraient avoir plus d’espace pour la venue de leur troisième enfant. Prise isolément, cette explication pourrait être plausible mais elle ne l’est pas lorsqu’on analyse l’ensemble des transactions successives. Il semble plutôt se dégager un modus operendi selon lequel les demandeurs achètent un terrain, demandent à M. Campanozzi d’y construire une résidence, habitent la résidence quelque temps pour justifier la caractérisation de « résidence principale » puis la revendent avec un profit que les demandeurs considèrent être exonéré d’impôt.
[101] D’ailleurs, la famille Alain-Timbro n’occupera la résidence du 8 rue de Douvaine, ayant 4 chambres à l’étage, que 9 mois et déménagera par la suite au 24, rue de Duneau. Cette résidence n’a que 3 chambres à l’étage.
[102] Finalement, la famille Alain-Timbro emménage au 8, rue de Douvaine. Cet immeuble est mis en vente 2 mois plus tard. Les demandeurs allèguent que la rue paisible et sécuritaire a été modifiée par les promoteurs qui ont changé le plan d’aménagement des rues pour ouvrir la rue de Douvaine sur un futur développement contenant 900 maisons et une école. Il est peu probable que les demandeurs aient constaté le changement des plans du promoteur pendant la courte période de 5 semaines suivant leur déménagement et l’octroi du contrat de courtage immobilier pour la vente. Ici encore, les explications des demandeurs ne sont pas crédibles.
L’association des demandeurs avec M. Campanozzi
[103] Toutes les résidences faisant l’objet d’une cotisation par l’ARQ ont été construites par les demandeurs avec la collaboration de M. Anthony Campanozzi.
[104] Les demandeurs l’appellent leur « gérant de projet ». Que savons-nous de M. Anthony Campanozzi?
[105] C’était le meilleur ami de Martin Timbro. Il l’a connu en 1995. M. Campanozzi avait déjà construit des résidences et il convainc son meilleur ami M. Timbro de faire de même.
[106] M. Timbro et Mme Alain n’ont aucune connaissance dans le domaine de la construction. C’est donc leur ami, M. Campanozzi qui fait tout. Il discute des plans et des budgets de construction avec M. Campanozzi et pour le reste, les demandeurs lui donnent carte blanche.
[107] Les demandeurs se décrivent comme étant les contracteurs et les entrepreneurs sur les permis de construction. M. Campanozzi n’a pas de licence d’entrepreneur en construction. Il obtiendra sa licence en 2011 uniquement. La licence d’entrepreneur de M. Campanozzi serait aujourd’hui révoquée puisqu’il serait en faillite.
[108] Au cours de son témoignage M. Campanozzi admet avoir retenu les sous-traitants, négocié leurs prix et supervisé les travaux. Il fait émettre les factures à son nom ce qui justifie le fait que Mme Alain et M. Timbro n’ont pas la majorité des factures reliées à la construction.
[109] Il paie les sous-traitants avec l’argent de Mme Alain et M. Timbro. Les sommes d’argent que les demandeurs lui remettent sont versées en chèques ou au comptant. Il admet avoir reçu beaucoup d’argent comptant pour les projets en cause, entre 40% et 60%. Il émet des reçus pour les sommes reçues « en cash ».
[110] M. Campanozzi dit n’avoir aucune entente formelle avec Mme Alain et M. Timbro. Il prétend ne recevoir aucune rémunération pour son travail. Il leur rend service en tant qu’ami.
[111] Il admet aussi avoir aidé d’autres amis à construire leur résidence dans le secteur du nouveau Candiac et de St-Constant. Il aurait aidé approximativement 20 personnes. Pour toutes ces maisons, il dit n’avoir eu aucune rémunération car ces gens étaient tous ses amis. En soi, cette explication n’est pas crédible.
[112] Lorsqu’on lui demande quelles sont les économies faites par le couple Alain-Timbro en utilisant ses services pour construire les résidences, M. Campanozzi dit qu’ils n’ont fait aucun profit ni aucune économie. Ceci est peu probable.
[113] On sait que M. Campanozzi a également fait l’objet de cotisations fiscales. On sait que certaines transactions de vente de terrains impliquent des personnes liées à M. Campanozzi. Le témoignage de M. Campanozzi n’est pas crédible et son implication dans toutes les transactions impliquant Mme Alain et M. Timbro ne fait qu’ajouter à l’invraisemblance des motifs d’opposition des demandeurs.
Les pénalités
[114] L’ARQ a imposé les pénalités prévues à l’article 1049 LI et l’article 1050 de la Loi sur les Impôts[43].
1049. Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances qui équivalent à de la négligence flagrante, fait un faux énoncé ou une omission, dans une déclaration, un certificat, un état ou une réponse, appelé «déclaration» dans le présent article, fait ou produit pour l'application de la présente loi à l'égard d'une année d'imposition, ou y participe ou y acquiesce, encourt une pénalité égale au plus élevé de 100 $ et de 50% de l'excédent:
(de l’impôt qu’elle aurait eu à payer … sur l’impôt payé …)
1050. Aux fins d'un appel interjeté en vertu de la Loi sur le ministère du Revenu (chapitre M-31) et portant sur une pénalité, le fardeau de prouver les faits visés aux articles 1049 à 1049.34 incombe au ministre. »
[115] Dans l'affaire St-Martin c. SMRQ [44], le juge Richard Landry établit certains critères applicables afin de déterminer s'il y a présence d'une « négligence flagrante ». Ces critères incluent:
1. L'importance des sommes omises, la valeur des justifications fournies et les circonstances dans lesquelles l'omission est survenue.
2. La qualité des registres comptables du contribuable.
3. Son éducation, ses connaissances et son expérience en affaires.
4. Les omissions ou les faux énoncés dans les déclarations litigieuses ont-ils été reconnus ou déclarés volontairement?
5. La nature des relations antérieures entre le contribuable et le fisc.
6. La crédibilité du contribuable.
[116] Les arguments soulevés par l’ARQ pour imposer les pénalités sont :
· Les revenus générés par les ventes multiples sont importants.
· Il y a un aspect répétitif à la stratégie des demandeurs puisque ceux-ci ont acheté et vendu plusieurs propriétés l’une à la suite de l’autre.
· Les demandeurs savaient que leur façon de faire les exposait à des recours de l’ARQ puisqu’ils en avaient été avisés par la Caisse Populaire par lettre datée du 16 mai 2007. C’est donc en pleine connaissance de cause qu’ils ont continué à faire les transactions. Pour ces motifs, l’ARQ prétend que les demandeurs ont agi sciemment ou sont responsables de négligence flagrante ce qui permet à l’ARQ d’exiger une pénalité de 50% de l’impôt dû.
[117] Le témoignage des demandeurs n’est pas crédible et les raisons personnelles qu’ils ont données pour justifier leurs nombreux déménagements sont improbables. La preuve démontre plutôt que les demandeurs se sont engagés dans le commerce d’achat de terrains, de construction de résidences sous la formule d’auto constructeur et de revente avec l’aide de leur ami M. Campanozzi et que cette activité a généré des profits. Il s’agit plutôt d’une activité commerciale pour laquelle des impôts et des taxes sont dus.
[118] Les pénalités sont justifiées dans les circonstances.
La prescription
[119] Les demandeurs plaidaient que la prescription est acquise pour les années 2006, 2007 et 2008 puisque la cotisation a été faite plus de 3 ans après la fin de cette année.
[120] Afin d’éviter la prescription de ces cotisations, l’ARQ devait prouver les éléments prévus à l’article 1010 (2) b) i. de la Loi sur les impôts[45] :
1010.(2) b) en tout temps, si le contribuable ou la personne qui a produit la déclaration:
i. a fait une fausse représentation des faits par incurie ou par omission volontaire ou a commis une fraude en produisant la déclaration ou en fournissant un renseignement prévu en vertu de la présente partie;
[121] Le Tribunal a déjà conclu que les motifs soulevés par les demandeurs pour s’opposer aux cotisations ne sont pas crédibles et que l’imposition des pénalités est justifiée. Ceci constitue des fausses représentations dues à une incurie, ou une omission volontaire. Force est de conclure que les demandeurs ne peuvent soulever la prescription dans le présent cas.
Les cotisations
[122] Les parties ont convenu d’admissions relativement aux coûts de construction de chaque immeuble. De nouvelles cotisations devront par conséquent être émises pour l’impôt et les taxes sur la base de ces admissions.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL
REJETTE l’appel logé par le demandeur Martin Timbro dans le dossier 500-80-029282-143;
REJETTE l’appel logé par la demanderesse Cindy Alain dans le dossier 500-80-029281-145;
DÉFÈRE à l’Agence du Revenu du Québec les cotisations ci-après décrites afin qu’elle puisse établir de nouvelles cotisations sur la base de l’admission des parties quant aux coûts de construction :
Dossier 500-80-029282-143 Martin Timbro
MW930515C03 pour l’année d’imposition 2006 (impôt) pièce R-9;
MW152053C02 pour l’année d’imposition 2007 (impôt) pièce R-10;
MW442269C02 pour l’année d’imposition 2008 (impôt) pièce R-11;
MW471328C02 pour l’année d’imposition 2009 (impôt) pièce R-12;
MU830410C02 pour l’année d’imposition 2010 (impôt) pièce R-13;
7130062 pour la période du 2006-01-01 au 2010-12-31 pour la TVQ pièce R-14.
Dossier 500-80-029281-145 Cindy Alain
MW930439C02 pour l’année d’imposition 2006 (impôt) pièce R-9;
MW151897C02 pour l’année d’imposition 2007 (impôt) pièce R-10;
MW442245C02 pour l’année d’imposition 2008 (impôt) pièce R-11;
MW471295C02 pour l’année d’imposition 2009 (impôt) pièce R-12;
MU830402C02 pour l’année d’imposition 2010 (impôt) pièce R-13;
7140022 pour la période du 2006-01-01 au 2010-12-31 pour la TVQ pièce R-14;
LE TOUT avec dépens en faveur de la défenderesse.
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__________________________________ MARIE MICHELLE LAVIGNE, J.C.Q. |
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Me Jacques Renaud |
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Renaud Brodeur |
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Procureur des demandeurs Cindy Alain et Martin Timbro |
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Me Chantale Paris |
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Larivière Meunier |
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Procureur de la défenderesse L’Agence du Revenu du Québec |
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Dates d’audience : |
23, 24, 25 septembre et 9 novembre 2015 |
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[1] Voir acte d’achat P-R27.
[2] Pièce D-18
[3] Pièce D-47
[4] Voir pièce D-18.
[5] Voir contrat D-17.
[6] Voir D-18.
[7] Pièce D-18 et témoignage de M. Timbro à l’audience
[8] Voir fiche descriptive D-19.
[9] Voir contrat notarié D-20.
[10] Voir p. 2 de D-20.
[11] Pièce D-7
[12] Pièces D-16 et D-38 et témoignages au procès.
[13] Voir page 4, contrat de vente D-21.
[14] Voir D-22.
[15] Voir Acte d’achat D-21.
[16] Voir D-23.
[17] Voir acte de vente D-24.
[18] Pièce D-38
[19] Voir pl. 4 de D-25.
[20] Voir D-26.
[21] Pièce D-15
[22] Voir contrat d’achat D-25.
[23] Voir fiche descriptive de l’immeuble D-27.
[24] Pièce D-44.
[25] Voir acte de vente D-28.
[26] Voir permis D-30.
[27] Voir acte de vente D-29.
[28] Pièce D-28
[29] Voir fiche descriptive D-31.
[30] Voir acte de vente D-32.
[31] Voir permis D-34.
[32] Voir acte d’achat D-33.
[33] Voir fiche descriptive D-35.
[34] Voir acte de vente D-36.
[35] Pièce D-12.
[36] Article 1014 de la Loi sur les impôts, L.R.Q., c. I-3
[37] Hickman Motors Ltd. c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336
[38] Stewart c. Canada, [2000] A.C.I. no 53
[39] St-Georges c. Québec (Sous-ministre du Revenu), 2007 QCCA 1442
[40] JE 2007—1837
[41] Cameron c. Reine - 2011 CCI; Vogan c. Reine 2005 1 CTC 2372; Happy Valley Farms Ltd. c. La Reine, 86 DTC 6421
[42] 2008 CarswellNat 115, 2008 CAF 24,
[43] Loi sur les Impôts chapitre I-3
[44] [2003] R.D.F.Q. 123 (C.Q.).
[45] Loi sur les Impôts chapitre I-3
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.