Décision

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Pitre et Keystone Automotive Industries Inc.

2008 QCCLP 4082

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Drummondville

Le 16 juillet 2008

 

Région :

Mauricie-Centre-du-Québec

 

Dossier :

335745-04B-0712

 

Dossier CSST :

131677205

 

Commissaire :

Ann Quigley, avocate

 

Membres :

Michel Simard, associations d’employeurs

 

Robert Goulet, associations syndicales

 

 

Assesseure :

Guylaine Landry-Fréchette, médecin

______________________________________________________________________

 

 

 

Denis Pitre

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Keystone Automotive Industries inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 18 dĂ©cembre 2007, monsieur Denis Pitre (le travailleur) dĂ©pose une requĂŞte devant la Commission des lĂ©sions professionnelles Ă  l’encontre d’une dĂ©cision de la Commission de la santĂ© et de la sĂ©curitĂ© du travail (CSST) rendue le 4 dĂ©cembre 2007 Ă  la suite d’une rĂ©vision administrative.

[2]                Par cette dĂ©cision, la CSST conclut que la demande de rĂ©vision produite par le travailleur l’a Ă©tĂ© Ă  l’extĂ©rieur des dĂ©lais prĂ©vus Ă  la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi). Cependant, la CSST conclut qu’un motif raisonnable a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© permettant de relever le travailleur de son dĂ©faut. De plus, la dĂ©cision confirme celle rendue initialement le 5 juillet 2007 et dĂ©clare que le travailleur n’a pas subi de lĂ©sion professionnelle et qu’il n’a donc pas droit aux prestations prĂ©vues Ă  la loi.

[3]                Le travailleur, tout comme Keystone Automotive Industries inc. (l’employeur), sont prĂ©sents et reprĂ©sentĂ©s Ă  l’audience qui a lieu le 1er mai 2008 devant la Commission des lĂ©sions professionnelles. La cause est mise en dĂ©libĂ©rĂ© le 30 juin 2008, soit Ă  l’expiration du dĂ©lai consenti par le tribunal au travailleur afin de  produire les informations mĂ©dicales manquantes.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                Le travailleur demande Ă  la Commission des lĂ©sions professionnelles de reconnaĂ®tre qu’il a subi une maladie professionnelle, soit une tendinite du tendon d’Achille gauche Ă  compter du 1er mai 2007.

LES FAITS

[5]                Le travailleur Ĺ“uvre chez l’employeur depuis trente ans, mais occupe la fonction de conducteur de chariot Ă©lĂ©vateur depuis un an et demi, au moment oĂą il ressent des douleurs au pied gauche. Son horaire de travail est alors de 9 h Ă  18 h 30, cinq jours par semaine, avec une pause repas de trente minutes et deux pauses santĂ© de dix minutes, l’une en avant-midi et l’autre en après-midi.

[6]                Dans le cadre du tĂ©moignage que le travailleur a livrĂ© Ă  l’audience, le tribunal retient ce qui suit en lien avec les tâches exĂ©cutĂ©es chez l’employeur.

[7]                Le travailleur prĂ©cise qu’il est en position debout dans le chariot Ă©lĂ©vateur qu’il doit conduire. Ce type de chariot Ă©lĂ©vateur avance, recule, monte et descend. Il est muni d’une pĂ©dale qui doit ĂŞtre actionnĂ©e par le pied gauche. En actionnant cette pĂ©dale, le chariot Ă©lĂ©vateur est mis sous tension. Lorsque le travailleur l’actionne, il doit soulever l’avant de son pied gauche d’environ trois pouces, effectuant ainsi un mouvement d’extension ou de dorsiflexion du pied gauche. Puis, il effectue une flexion plantaire et doit appliquer une certaine pression afin d’enfoncer la pĂ©dale munie d’un ressort et la maintenir en position, sans quoi elle reprend sa position initiale et le chariot Ă©lĂ©vateur s’immobilise. Une fois la pĂ©dale enfoncĂ©e, dĂ©pendamment de l’opĂ©ration que le travailleur dĂ©sire exĂ©cuter (soit monter, descendre, avancer ou reculer), il utilise les manettes disponibles Ă  cette fin.

[8]                Quant Ă  la position de son corps lorsqu’il opère le chariot Ă©lĂ©vateur, le tribunal a notĂ© Ă  l’audience que le pied gauche du travailleur est plus avancĂ© que son pied droit.

[9]                Le travailleur indique qu’il doit conduire ce chariot Ă©lĂ©vateur sur une surface de 60 000 pieds carrĂ©s. L’entreprise dispose d’espaces de rangement d’une hauteur de 20 pieds oĂą il doit placer le matĂ©riel qu’il transporte. Lorsqu’il est dans le chariot Ă©lĂ©vateur, le travailleur peut monter jusqu’à 16 pieds de hauteur afin de dĂ©poser la marchandise dans l’un ou l’autre des casiers de rangement prĂ©vus Ă  cette fin. Il signale que, de temps Ă  autre, il doit monter et descendre du chariot. Il est alors difficile pour lui de savoir s’il est Ă  la bonne hauteur pour descendre du chariot puisqu’il n’y a pas de suspension et aucun indicateur lui signalant s’il est suffisamment bas ou non. Il lui arrive donc rĂ©gulièrement de trĂ©bucher en dĂ©barquant du chariot Ă©lĂ©vateur compte tenu de la hauteur oĂą il se trouve.

[10]           AppelĂ© Ă  prĂ©ciser les pièces qu’il doit transporter Ă  l’aide du chariot Ă©lĂ©vateur, le travailleur prĂ©cise que l’entreprise en est une de distribution de pièces de carrosserie. Il doit prendre les pièces dans l’entrepĂ´t et les transporter jusqu’aux casiers de rangement. De manière gĂ©nĂ©rale, les pièces qu’il a Ă  transporter sont de petites dimensions. Il s’agit principalement de lumières. Ainsi, lorsqu’il emplit le chariot, il n’a pas Ă  manipuler de charges lourdes. Cependant, lorsqu’il y a des charges plus lourdes Ă  manipuler, il peut compter sur l’aide de collègues de travail. Il estime le nombre de pièces qu’il a Ă  transporter par jour Ă  environ 250 Ă  300.

[11]           InterrogĂ© sur le type de chaussures qu’il porte, le travailleur prĂ©cise qu’il s’agit de chaussures Ă  cap d’acier. Ces chaussures sont changĂ©es une fois par annĂ©e et payĂ©es par l’employeur.

[12]           D’entrĂ©e de jeu, le travailleur affirme qu’avant d’être assignĂ© au poste d’opĂ©rateur de chariot Ă©lĂ©vateur, il n’a jamais eu de problèmes de santĂ© au niveau du pied ou du talon gauche. Il poursuit son tĂ©moignage en indiquant que les douleurs Ă  son pied gauche sont apparues graduellement Ă  compter du mois de mai 2007, d’abord sous forme de sensibilitĂ© qu’il compare Ă  une douleur causĂ©e par l’étirement d’un muscle. Puis, il a ressenti une augmentation graduelle de la douleur jusqu’à causer une boiterie qui l’a amenĂ© Ă  consulter un mĂ©decin.

[13]           Le 8 juin 2007, le travailleur consulte son mĂ©decin de famille, le docteur Allard. Le travailleur se plaint alors d’une douleur persistante au-dessus du talon gauche. Le docteur Allard note que le travailleur conduit un chariot Ă©lĂ©vateur et que de ce fait, il doit effectuer plusieurs flexions et extensions du pied gauche. Le travailleur mentionne que la douleur diminue au repos, les fins de semaine.

[14]            À l’examen physique, le docteur Allard note une douleur Ă  la flexion plantaire du pied gauche et une lĂ©gère voussure au niveau du tendon d’Achille gauche. Il conclut Ă  une tendinite du tendon d’Achille gauche, le plus probablement secondaire Ă  des flexions-extensions rĂ©pĂ©titives du pied au travail. Il effectue une infiltration de tendon avec du dĂ©pomĂ©drol. Il autorise un arrĂŞt de travail du 8 au 15 juin 2007. Le travailleur tĂ©moigne Ă  l’effet que, dès le lendemain de l’infiltration, il ressent un soulagement considĂ©rable de la douleur.

[15]           Le travailleur reprend son travail Ă  compter du 15 juin 2007.

[16]           Il produit une rĂ©clamation Ă  la CSST en relation avec son problème au pied gauche.

[17]           Le 5 juillet 2007, la CSST refuse la rĂ©clamation du travailleur au motif qu’il ne s’agit pas d’un accident du travail puisqu’il n’a pas dĂ©montrĂ© Ă  la satisfaction de la CSST qu’un Ă©vĂ©nement imprĂ©vu et soudain est survenu au travail. La CSST conclut qu’il ne s’agit pas non plus d’une maladie professionnelle. Elle base sa dĂ©cision notamment sur l’avis du docteur Lemay du bureau mĂ©dical de la CSST qui Ă©crit ce qui suit :

« Les mouvements effectuĂ©s au niveau du pied gauche ne nous apparaissent pas suffisants pour avoir conduit Ă  la tendinite du tendon d’Achille gauche. Le travailleur effectue des mouvements au niveau du pied gauche qui peuvent impliquer une flexion et dorsiflexion du pied, mais sans effort et avec une cadence variable. Aucune dĂ©fectuositĂ© notĂ©e au niveau du chariot. Â»

 

 

[18]           La rĂ©vision administrative confirme ce refus et le tribunal est actuellement saisi d’une requĂŞte Ă  l’encontre de cette dĂ©cision.

[19]           Le 20 juillet 2007, le docteur Allard Ă©crit une lettre Ă  l’attention de madame Nicole BĂ©rubĂ© de la CSST. On peut y lire ce qui suit :

« Monsieur Denis Pitre est conducteur d’un chariot Ă©lĂ©vateur et il doit faire des mouvements de flexion et de dorsiflexion du pied gauche plusieurs fois par jour pour appuyer sur la pĂ©dale du chariot Ă©lĂ©vateur. Donc, il est probable que sa tendinite au tendon d’Achille gauche soit secondaire Ă  la nature de son emploi. Â»

 

 

[20]           Le 11 octobre 2007, le travailleur consulte la docteure BenoĂ®t. Cette consultation est postĂ©rieure Ă  son retour au travail. Elle note Ă  l’examen une douleur vive au talon gauche localisĂ©e trois centimètres plus haut que l’insertion du tendon. Elle procède Ă  une seconde infiltration et autorise un arrĂŞt de travail du 11 au 16 octobre 2007. Le travailleur retourne au travail par la suite.

[21]           Ă€ compter du mois de novembre 2007, le travailleur tĂ©moigne Ă  l’effet que l’employeur lui fournit un nouveau chariot Ă©lĂ©vateur qui va beaucoup mieux que celui qu’il utilisait auparavant et qui est beaucoup plus facile Ă  opĂ©rer. En effet, lorsqu’il veut actionner le chariot Ă©lĂ©vateur, il n’a qu’à appuyer une fois sur la pĂ©dale et le chariot Ă©lĂ©vateur fonctionne. Contrairement au chariot Ă©lĂ©vateur prĂ©cĂ©dent, il n’a pas Ă  maintenir une pression sur la pĂ©dale Ă  l’aide de son pied gauche afin de la garder enfoncĂ©e.

[22]           Le 4 dĂ©cembre 2007, le travailleur consulte la docteure Courchesne Ă  la mini-urgence de la clinique. Il l’informe qu’il y a rĂ©cidive de la douleur au talon gauche depuis une semaine. Ă€ l’examen, la docteure note une douleur Ă  la palpation du tendon d’Achille gauche. Elle prescrit du Celebrex et rĂ©fère le travailleur en orthopĂ©die afin d’éliminer une rupture au niveau du tendon d’Achille.

[23]           Le 9 janvier 2008, soit après un mois d’arrĂŞt de travail, le travailleur consulte le docteur Allard. Il prend du cĂ©lĂ©brex et suit des traitements de physiothĂ©rapie, Ă  raison de deux traitements par semaine. Il Ă©value que sa condition physique s’est amĂ©liorĂ©e de 75 % environ, depuis son arrĂŞt de travail.

[24]           Ă€ l’examen, le mĂ©decin note une douleur Ă  la palpation de tendon d’Achille gauche. La dorsiflexion et la flexion plantaires s’effectuent dans des amplitudes normales. Il persiste toutefois une douleur Ă  la mobilisation du pied gauche. Le docteur Allard maintient la mĂ©dication ainsi que les traitements de physiothĂ©rapie. Il autorise un arrĂŞt de travail du 10 janvier au 13 fĂ©vrier 2008.

[25]           Le 5 fĂ©vrier 2008, le travailleur consulte le docteur Martin Dorion, orthopĂ©diste. Le mĂ©decin Ă©limine la prĂ©sence d’une dĂ©chirure complète du tendon d’Achille puisqu’il confirme la continuitĂ© du tendon. Il note une tumĂ©faction palpable au site d’insertion du tendon d’Achille au niveau du calcanĂ©um, tĂ©moignant d’une achillĂ©ite. Il recommande de poursuivre les traitements de physiothĂ©rapie et d’éviter toute position debout prolongĂ©e ou marche prolongĂ©e. Selon lui, aucune intervention chirurgicale n’est indiquĂ©e.

[26]           Le travailleur revoit le docteur Allard les 12 fĂ©vrier et 17 mars 2008. Ă€ cette dernière consultation, le mĂ©decin met fin aux traitements de physiothĂ©rapie sur recommandation des physiothĂ©rapeutes et cesse la mĂ©dication, en raison de problèmes de dyspepsie dont souffre le travailleur. Il maintient l’arrĂŞt de travail.

[27]           AppelĂ© Ă  commenter l’évolution de la douleur, le travailleur indique qu’à compter de dĂ©cembre 2007, la douleur a Ă©tĂ© diminuĂ©e par la prise de cĂ©lĂ©brex, mais malheureusement, il ne peut plus prendre ce mĂ©dicament qui lui cause d’importants problèmes de digestion. La douleur est donc revenue. Son mĂ©decin lui a prescrit de la morphine au besoin, ce qu’il ne prend que lorsque la douleur est intolĂ©rable. Il indique que la douleur est tout de mĂŞme moins importante que lorsqu’il Ă©tait au travail, mais toujours prĂ©sente, sa condition n’étant actuellement pas stabilisĂ©e.

[28]           Le travailleur tĂ©moigne Ă  l’effet qu’il a un rendez-vous chez l’orthĂ©siste le 12 mai 2008 et que lors de sa prochaine consultation auprès du docteur Allard, il demandera un examen par rĂ©sonance magnĂ©tique, examen qui lui a Ă©tĂ© recommandĂ© par la physiothĂ©rapeute qui le suit.

[29]           Bien que le travailleur a bĂ©nĂ©ficiĂ© d’un dĂ©lai important Ă  la suite de l’audience, il n’a pas produit les informations mĂ©dicales requises du tribunal, soit les notes de consultation du docteur Dorion pour la visite du 22 mai 2008 et les rĂ©sultats d’un examen par rĂ©sonance magnĂ©tique que le travailleur devait passer en juin 2008.

[30]           Le tribunal a Ă©galement entendu le tĂ©moignage du docteur Alain Bois. Le docteur Bois a obtenu son diplĂ´me en mĂ©decine de l’UniversitĂ© Laval en 1974. Il a Ă©galement complĂ©tĂ© une rĂ©sidence en mĂ©decine familiale en 1976 et a agi Ă  titre de mĂ©decin de famille et Ă  l’urgence de l’hĂ´pital Laval jusqu’en 1989.

[31]           Il agit Ă  titre de mĂ©decin du travail Ă  temps partiel depuis 1982 et Ă  temps plein depuis 1989. Ă€ ce titre, il effectue des mandats pour Hydro-QuĂ©bec, plusieurs centres hospitaliers, de mĂŞme que des industries telles que Canam Manac, General Electric, Dominion Textile, Rothmans, Benson & Hedges. Il cumule donc une expertise en mĂ©decine du travail de plus de dix-neuf ans.

[32]           Le reprĂ©sentant du travailleur s’est objectĂ© Ă  la qualification du docteur Bois Ă  titre de mĂ©decin expert en mĂ©decine du travail. Cette objection n’a toutefois pas Ă©tĂ© retenue puisque le tribunal est convaincu de l’expertise du docteur Bois dans ce domaine. Toutefois, le tribunal rappelle aux parties que la reconnaissance d’un tĂ©moin Ă  titre d’expert ne rend pas automatiquement son tĂ©moignage probant. Il est du rĂ´le du tribunal d’en apprĂ©cier la crĂ©dibilitĂ© et la valeur probante.

[33]           Dans le cadre de son tĂ©moignage, le docteur Bois se dit d’accord avec l’opinion du mĂ©decin de la CSST, le docteur Lemay qui considère que la relation mĂ©dicale n’est pas Ă©tablie entre les tâches effectuĂ©es par le travailleur et la tendinite du tendon d’Achille gauche dont il souffre.

[34]           Le docteur Bois prĂ©cise que le tableau clinique d’une tendinite du tendon d’Achille est semblable Ă  celui d’une tendinose ou d’une tendinopathie, ce qui peut constituer une situation confondante.

[35]           D’un point de vue anatomique, le docteur Bois rappelle que le tendon d’Achille est l’un des plus gros tendons de l’organisme humain. Il s’agit donc d’un tendon fort sur lequel s’attachent deux muscles au calcanĂ©um, soit les muscles soleus et gastrocnemius. Ce tendon sert Ă  la plantiflexion, c’est-Ă -dire le mouvement permettant de pointer les pieds vers le bas.

[36]           Il rappelle que les principaux facteurs de risque de dĂ©velopper une tendinite selon Putz et Henderson sont notamment la rĂ©pĂ©titivitĂ© de mouvements, la force et les postures contraignantes. Parmi les autres facteurs pouvant entrer en ligne de compte, il fait mention de l’absence de pĂ©riode de repos, les contrecoups et le port de souliers dĂ©fectueux.

[37]           Ă€ son avis, les deux principaux facteurs de risque de dĂ©velopper ce type de pathologie sont la rĂ©pĂ©titivitĂ© et la force. Ă€ ce titre, il donne des exemples d’activitĂ©s sportives qui peuvent ĂŞtre Ă  risque, soit la course Ă  pied et le cyclisme qui crĂ©ent une tension du tendon d’Achille, soit lors de l’impulsion que doit faire le coureur ou lors de l’effort requis pour pĂ©daler.

[38]           De mĂŞme, un travail prolongĂ© sur une Ă©chelle exige une plantiflexion prolongĂ©e et pourrait causer une tension sur le tendon d’Achille.

[39]           Quant Ă  la tendinose du tendon d’Achille, elle est reliĂ©e Ă  l’âge ou Ă  la prĂ©caritĂ© de la vascularisation qui peut ĂŞtre causĂ©e par le diabète, l’hypercholestĂ©rolĂ©mie, etc. Ce type de condition peut prĂ©disposer Ă  une tendinose, tout comme l’arthrite, la prise de cortisone de façon prolongĂ©e ou encore les infiltrations de cortisone qui sont Ă  Ă©viter puisqu’elles affaiblissent le tendon d’Achille.

[40]           AppelĂ© Ă  commenter la situation particulière du travailleur, le docteur Bois rappelle qu’il est âgĂ© de 57 ans et qu’il n’en Ă©tait pas au premier mois de sa tâche Ă  titre d’opĂ©rateur de chariot Ă©lĂ©vateur lorsqu’il a dĂ©veloppĂ© des douleurs au tendon d’Achille gauche. Le manque d’entraĂ®nement Ă  la tâche ne peut donc constituer un facteur Ă  considĂ©rer en l’espèce.

[41]           Quant Ă  l’état de santĂ© gĂ©nĂ©ral du travailleur, le docteur Bois se rĂ©fère aux notes de physiothĂ©rapie produites au dossier qui mentionnent un pontage en 2001-2002 et un problème de cholestĂ©rol. Sur la base de ces informations, il Ă©met l’hypothèse que la condition cardiaque du travailleur peut avoir diminuĂ© la vascularisation de son tendon d’Achille.

[42]           Il se penche ensuite sur les tâches effectuĂ©es par le travailleur et particulièrement l’utilisation de la pĂ©dale du chariot Ă©lĂ©vateur. Il indique que lorsque le travailleur lève son pied, c’est le tibial antĂ©rieur qui est sollicitĂ©. Le tendon d’Achille est alors Ă©tirĂ© passivement. Selon lui, la tension ainsi exercĂ©e sur le tendon d’Achille n’est pas très importante puisque les muscles attachĂ©s Ă  ce tendon, soit les muscles soleus et gastrocnemius ne sont pas contractĂ©s activement. Lorsqu’il a Ă  appuyer sur la pĂ©dale, il le fait Ă  l’aide du poids de son corps et ne sollicite pas de manière importante le tendon d’Achille.

[43]           Ă€ la lumière des prĂ©cisions apportĂ©es par le tĂ©moignage du travailleur, il est d’avis que le fait d’appuyer sur la pĂ©dale du chariot Ă©lĂ©vateur et le fait d’avoir Ă  la maintenir enfoncĂ©e ne constituent pas des activitĂ©s comportant suffisamment de facteurs de risque pour permettre d’établir un lien causal avec la pathologie.

[44]           Il convient de la prĂ©sence d’une certaine rĂ©pĂ©titivitĂ© de mouvements, compte tenu du fait que le travailleur opère le chariot Ă©lĂ©vateur pendant près de huit heures par jour. Toutefois, il signale que le travailleur bĂ©nĂ©ficie d’une pĂ©riode de rĂ©cupĂ©ration lorsqu’il n’appuie pas sur la pĂ©dale. Le travail ainsi exercĂ© ne constitue pas un travail hautement rĂ©pĂ©titif, selon lui, puisque le cycle de travail ne se rĂ©pète pas dans un laps de temps de moins de trente secondes.

[45]           AppelĂ© Ă  commenter la pression que le travailleur doit exercer pour maintenir la pĂ©dale en position enfoncĂ©e, le docteur Bois estime qu’il s’agit d’une pression qui est faible puisque le travailleur utilise le poids de son corps, ce qui Ă©limine d’autant la tension sur le tendon d’Achille.

[46]           Le docteur Bois se dit déçu de ne pas retrouver au dossier d’examen par rĂ©sonance magnĂ©tique qui, Ă  son avis, aurait permis de dĂ©montrer l’état du tendon d’Achille gauche. Il nuance toutefois ses propos en admettant que le fait que le travailleur ait reçu des infiltrations de cortisone au tendon puisse modifier les rĂ©sultats de la rĂ©sonance magnĂ©tique et pourrait ne pas donner un portrait fidèle de sa condition.

[47]           Il procède ensuite Ă  une revue de la littĂ©rature mĂ©dicale dĂ©posĂ©e Ă  l’audience pour appuyer sa prĂ©tention Ă  l’effet que la tendinite du tendon d’Achille se manifeste principalement lors d’hypersollicitation du tendon dans le cadre d’activitĂ©s sportives, activitĂ©s que le travailleur n’exerce pas.

[48]           Il soulève l’hypothèse selon laquelle la condition du travailleur pourrait ĂŞtre une tendinopathie s’étant manifestĂ©e au travail, et ce, bien qu’aucun test paraclinique ne permette de le dĂ©montrer et qu’il ne s’agit pas du diagnostic posĂ© par le docteur Allard.

[49]           Relativement au lien de causalitĂ©, le docteur Bois ne partage pas l’opinion du docteur Allard puisque, selon lui, la flexion extension du pied n’est pas suffisante pour causer une tendinite du tendon d’Achille puisqu’il s’agit d’un tendon très fort.

[50]           AppelĂ© Ă  commenter les notes du 4 dĂ©cembre 2007 du docteur Martin Dorion, orthopĂ©diste, le docteur Bois constate que le docteur Dorion Ă©limine une dĂ©chirure complète du tendon. Pour en arriver Ă  cette conclusion, le docteur Bois est d’opinion que le docteur Dorion a dĂ» faire un test de Thomson qui permet d’exclure une dĂ©chirure complète, mais n’exclut pas pour autant une dĂ©chirure partielle. Le docteur Bois met le tribunal en garde contre le risque de conclure trop rapidement Ă  l’absence complète de dĂ©chirure.

[51]           Il complète son tĂ©moignage en confirmant que, selon lui, il n’existe aucune relation entre le travail exercĂ© et la tendinite du tendon d’Achille et soulève Ă  nouveau l’hypothèse selon laquelle il s’agirait plutĂ´t d’une tendinopathie.

L’AVIS DES MEMBRES

[52]           Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs partagent le mĂŞme avis. Ils considèrent que le travailleur a dĂ©montrĂ©, de manière probante, la relation existant entre son travail d’opĂ©rateur d’un chariot Ă©lĂ©vateur chez l’employeur et la tendinite au tendon d’Achille gauche dont il souffre.

[53]           Dans ces circonstances, ils sont d’avis d’accueillir la requĂŞte dĂ©posĂ©e par monsieur Denis Pitre, le travailleur, le 18 dĂ©cembre 2007 et d’infirmer la dĂ©cision rendue par la CSST le 4 dĂ©cembre 2007, Ă  la suite d’une rĂ©vision administrative.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[54]           La Commission des lĂ©sions professionnelles doit dĂ©terminer si le travailleur a subi une lĂ©sion professionnelle le 1er mai 2007. En vue d’analyser ce dossier, le tribunal est liĂ© par le diagnostic de tendinite du tendon d’Achille gauche posĂ© par le mĂ©decin qui a charge et non contestĂ© par l’employeur.

[55]           Dans la prĂ©sente affaire, le travailleur ne prĂ©tend pas avoir Ă©tĂ© victime d’un accident du travail, ni d’une rĂ©cidive, rechute ou aggravation. C’est donc sous l’angle de la maladie professionnelle que la requĂŞte sera analysĂ©e.

[56]           L’article 2 de la loi dĂ©finit ainsi la notion de maladie professionnelle :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« maladie professionnelle » : une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1.

 

 

[57]           D’emblĂ©e, le tribunal tient Ă  prĂ©ciser que le fardeau de la preuve incombe au travailleur qui doit fournir une preuve prĂ©pondĂ©rante qu’il a contractĂ© une maladie professionnelle par le fait ou Ă  l’occasion de son travail.

[58]           En vue de faciliter l’accessibilitĂ© au rĂ©gime d’indemnisation, le lĂ©gislateur a Ă©dictĂ© une prĂ©somption de maladie professionnelle en ces termes Ă  l’article 29 de la loi :

29.  Les maladies Ă©numĂ©rĂ©es dans l'annexe I sont caractĂ©ristiques du travail correspondant Ă  chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliĂ©es directement aux risques particuliers de ce travail.

 

Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.

__________

1985, c. 6, a. 29.

 

 

[59]           Le travailleur dĂ©sirant se prĂ©valoir de cette prĂ©somption doit, d’une part, dĂ©montrer qu’il est atteint d’une maladie Ă©numĂ©rĂ©e Ă  l’annexe I de la loi et d’autre part, prouver de manière prĂ©pondĂ©rante qu’il effectue le genre de travail correspondant Ă  la maladie.

[60]           En l’espèce, le travailleur prĂ©tend ĂŞtre atteint d’une maladie prĂ©vue Ă  l’annexe I, soit une tendinite du tendon d’Achille gauche. La section IV de cette annexe prĂ©voit ce qui suit :

ANNEXE I

 

MALADIES PROFESSIONNELLES

(Article 29)

 

SECTION IV

 

MALADIES CAUSÉES PAR DES AGENTS PHYSIQUES

 

MALADIES

GENRES DE TRAVAIL

 

 

1.             (…)

 

2.             LĂ©sion musculo-squelettique se manifestant par des signes objectifs (bursite, tendinite, tĂ©nosynovite):

un travail impliquant des répétitions de mouvements ou de pressions sur des périodes de temps prolongées;

__________

1985, c. 6, annexe I.

 

(Nos soulignements)

 

 

[61]           Reste Ă  dĂ©terminer si le travailleur effectue un travail impliquant des mouvements rĂ©pĂ©titifs ou de pressions sur des pĂ©riodes de temps prolongĂ©es, correspondant Ă  la seconde condition d’application de la prĂ©somption de maladie professionnelle ?

[62]           Le tribunal est d’avis que non.

[63]           En effet, le tribunal retient de la preuve qu’en opĂ©rant le chariot Ă©lĂ©vateur pendant une pĂ©riode d’environ 18 mois, le travailleur a effectuĂ© des mouvements rĂ©pĂ©titifs d’extension et de flexion avec pression du pied gauche. Cependant, la preuve rĂ©vèle que ces mouvements Ă©taient entrecoupĂ©s de pĂ©riodes oĂą le travailleur cessait d’opĂ©rer le chariot afin de monter et descendre de celui-ci. Il n’est donc pas possible de conclure que les mouvements de pression du pied gauche effectuĂ©s par le travailleur l’ont Ă©tĂ© sur des pĂ©riodes de temps prolongĂ©es au sens oĂą l’entend la loi.

[64]           Le tribunal conclut que le travailleur ne peut bĂ©nĂ©ficier de la prĂ©somption de maladie professionnelle prĂ©vue Ă  l’article 29 de la loi.

[65]           Par ailleurs, l’article 30 de la loi permet Ă  un travailleur d’être indemnisĂ© par la CSST dans la mesure oĂą il dĂ©montre, par une preuve prĂ©pondĂ©rante que la maladie dont il souffre est caractĂ©ristique ou encore reliĂ©e aux risques particuliers du travail exercĂ©.

[66]           En l’espèce, le travailleur ne prĂ©tend pas que sa lĂ©sion est caractĂ©ristique du travail d’opĂ©rateur de chariot Ă©lĂ©vateur mais qu’elle est plutĂ´t reliĂ©e aux risques particuliers de cet emploi, tel qu’exercĂ© chez l’employeur.

[67]           La Commission des lĂ©sions professionnelles a eu Ă  dĂ©terminer la preuve requise en de telles circonstances[2].

[68]           Selon les paramètres ainsi Ă©tablis, il faut d’abord procĂ©der Ă  une analyse des structures anatomiques atteintes par la maladie afin d’identifier les facteurs biomĂ©caniques, physiques ou organisationnels sollicitant ces structures. Il faut par ailleurs regarder l’importance de l’exposition que ce soit en matière de durĂ©e, d’intensitĂ© ou de frĂ©quence ainsi que la relation temporelle. Le tribunal fait siens ces paramètres qui s’appliquent au prĂ©sent dossier.

[69]           La structure anatomique atteinte en l’espèce est le tendon d’Achille gauche.

[70]           Plusieurs facteurs biomĂ©caniques ou facteurs de risques gĂ©nĂ©ralement en cause sont reconnus par la littĂ©rature mĂ©dicale, comme Ă©tant Ă  l’origine de la tendinite du tendon d’Achille gauche. Ces facteurs apparaissent Ă  la littĂ©rature mĂ©dicale dĂ©posĂ©e et commentĂ©e par l’expert de l’employeur.

[71]           On y rĂ©fère Ă  des facteurs extrinsèques tels que : la surutilisation du tendon d’Achille, une augmentation de l’intensitĂ© de l’activitĂ© physique, l’augmentation de la durĂ©e d’un entraĂ®nement, la montĂ©e d’escaliers, l’escalade, une mauvaise condition physique, le port de chaussures inadĂ©quates, une surface d’entraĂ®nement inadĂ©quate, des exercices d’étirement inadĂ©quats.

[72]           Quant aux facteurs intrinsèques, l’âge, un tendon d’Achille plus tendu, un talon en varus, un avant-pied en varus, un pied plat (cavus), un tibia vara, une condition mĂ©dicale pouvant affecter les tissus des tendons tels que le diabète et des maladies nĂ©cessitant un traitement de corticostĂ©roĂŻde (ex: lupus, asthme, transplantation) et une mauvaise vascularisation du tendon sont pointĂ©s du doigt.

[73]           Dans le cadre de l’apprĂ©ciation de la preuve offerte dans le prĂ©sent dossier, le tribunal doit rechercher la prĂ©sence ou non de ces facteurs de risques.

[74]           Ă€ la lumière de l’ensemble de la preuve offerte, le tribunal en vient Ă  la conclusion que la tendinite du tendon d’Achille gauche dont souffre le travailleur est reliĂ©e aux risques particuliers du travail d’opĂ©rateur de chariot Ă©lĂ©vateur qu’il effectue chez l’employeur. Pour en arriver Ă  une telle conclusion, le tribunal se base sur les motifs ci-après exposĂ©s.

[75]           D’une part, la preuve non contredite rĂ©vèle que le travailleur n’a jamais eu de problèmes de santĂ© au tendon d’Achille gauche avant de dĂ©buter ses tâches d’opĂ©rateur de chariot Ă©lĂ©vateur chez l’employeur. Il existe donc une relation temporelle entre son assignation au poste d’opĂ©rateur de chariot Ă©lĂ©vateur et l’apparition des premières douleurs au pied gauche.

[76]           De plus, la preuve rĂ©vèle que le travailleur opère un chariot Ă©lĂ©vateur pendant toute la durĂ©e de son quart de travail, soit sur une pĂ©riode s’échelonnant de 9 h Ă  18 h 30, du lundi au vendredi. Évidemment, il faut retrancher de cet horaire du travailleur les deux pauses santĂ© de dix minutes chacune en avant-midi et en après-midi, de mĂŞme que la pause repas de trente minutes et les moments oĂą le travailleur doit descendre de son chariot Ă©lĂ©vateur pour ranger les pièces. Il n’en demeure pas moins que la principale tâche du travailleur consiste Ă  opĂ©rer le chariot Ă©lĂ©vateur, ce qu’il fait pour une partie importante de son quart de travail.

[77]           Or, lorsqu’il opère son chariot Ă©lĂ©vateur, le travailleur doit enfoncer et maintenir enfoncĂ©e la pĂ©dale Ă  l’aide de son pied gauche, sans quoi le chariot Ă©lĂ©vateur est mis hors tension. Ce geste constitue, de l’avis du tribunal, un facteur de risque de dĂ©velopper une tendinite du tendon d’Achille gauche puisque le tendon d’Achille est alors sollicitĂ© par Ă©tirement et activement en exerçant une pression en flexion plantaire sur la pĂ©dale. Le travailleur doit exercer une certaine force avec son pied gauche pour maintenir la pĂ©dale enfoncĂ©e, en raison du ressort qui la ramène Ă  sa position initiale lorsqu’elle n’est pas enfoncĂ©e. Ces gestes, effectuĂ©s de façon rĂ©pĂ©tĂ©e et avec une certaine pression constituent une sursollicitation de tendon d’Achille gauche pouvant constituer un facteur de risque de dĂ©velopper une tendinite du tendon d’Achille.

[78]           En ce sens, le tribunal partage l’avis du docteur Allard contenu dans sa lettre du 20 juillet 2007 qui se lit comme suit :

« Monsieur Denis Pitre est conducteur d’un chariot Ă©lĂ©vateur et il doit faire des mouvements de flexion et de dorsiflexion du pied gauche plusieurs fois par jour pour appuyer sur la pĂ©dale du chariot Ă©lĂ©vateur. Donc, il est probable que sa tendinite au tendon d’Achille gauche soit secondaire Ă  la nature de son emploi. Â»

 

(Nos soulignements)

 

 

[79]           De mĂŞme, le fait que le travailleur opère ce chariot en position debout ajoute un facteur de risque additionnel, soit le poids de son corps qui constitue un stress supplĂ©mentaire sur le tendon d’Achille.

[80]           Ă€ cet Ă©gard, le tribunal ne partage pas l’opinion du docteur Bois lorsqu’il affirme que le poids du corps du travailleur diminue la pression Ă  exercer sur la pĂ©dale et de ce fait, la pression sur le tendon d’Achille.

[81]            Au contraire, le tribunal est convaincu que le poids du corps du travailleur de mĂŞme que le fait qu’il exerce une pression sur la pĂ©dale alors qu’il est en position debout, constituent un stress supplĂ©mentaire sur le tendon. C’est d’ailleurs ce que retient la littĂ©rature dĂ©posĂ©e par le docteur Bois Ă  l’audience qui explique en quoi notamment la course Ă  pied comporte des facteurs de risque de dĂ©velopper une tendinite du tendon d’Achille.

[82]           Le tribunal constate Ă©galement que le travailleur ne prĂ©sente aucune pathologie au pied droit, ce qui constitue un indice additionnel de relation entre l’utilisation de la pĂ©dale avec le pied gauche et la tendinite du tendon d’Achille gauche.

[83]           Le tribunal note que l’employeur a concentrĂ© sa preuve autour de l’hypothèse selon laquelle la pathologie dont souffre le travailleur est une tendinopathie donc une pathologie d’ordre dĂ©gĂ©nĂ©ratif et personnel plutĂ´t qu’une tendinite du tendon d’Achille gauche.

[84]           Or, le tribunal constate au dossier qu’aucun processus d’évaluation mĂ©dicale n’a Ă©tĂ© initiĂ© par l’employeur. Ainsi, la CSST, tout comme le prĂ©sent tribunal, est liĂ© par le diagnostic posĂ© par le docteur Allard, soit celui de tendinite du tendon d’Achille gauche, conformĂ©ment Ă  l’article 224 de la loi qui se lit comme suit :

224.  Aux fins de rendre une dĂ©cision en vertu de la prĂ©sente loi, et sous rĂ©serve de l'article 224.1, la Commission est liĂ©e par le diagnostic et les autres conclusions Ă©tablis

par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 .

__________

1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.               

 

(Notre soulignement)

 

 

[85]           Au surplus, le docteur Bois a admis Ă  l’audience ne possĂ©der aucun Ă©lĂ©ment objectif lui permettant de conclure Ă  la prĂ©sence d’une tendinopathie, cette position ne demeurant qu’une hypothèse non confirmĂ©e par la preuve.

[86]           Cette hypothèse ne tient donc pas la route et ne permet pas d’écarter la preuve de relation entre la tendinite du tendon d’Achille gauche et les tâches d’opĂ©rateur de chariot Ă©lĂ©vateur exercĂ©es chez l’employeur.

[87]           Comme autre argument, l’employeur plaide que le travailleur bĂ©nĂ©ficie de pĂ©riodes de rĂ©cupĂ©ration suffisantes pour contrer les facteurs de risques auxquels il peut ĂŞtre exposĂ© lorsqu’il doit descendre et remonter de son chariot pour placer les pièces dans les espaces de rangement.

[88]           Cet Ă©lĂ©ment, ne suffit pas, de l’avis du tribunal, pour conclure Ă  l’absence de relation de nature mĂ©dicale puisque ces pĂ©riodes sont de courte durĂ©e, telles que la preuve l’a rĂ©vĂ©lĂ©.

[89]           De plus, le docteur Bois prĂ©tend que le mouvement requis pour actionner la pĂ©dale du chariot Ă©lĂ©vateur ne sollicite pas activement le tendon d’Achille, mais plutĂ´t le tibial antĂ©rieur et de ce fait, suffit pour conclure Ă  l’absence de relation entre le diagnostic de tendinite du tendon d’Achille gauche et le travail.

[90]           Le tribunal ne partage pas cette position. Il est plutĂ´t d’avis, tel que mentionnĂ© prĂ©cĂ©demment, que le tendon d’Achille est sollicitĂ© par Ă©tirement et activement en exerçant une pression en flexion plantaire sur la pĂ©dale. Le tribunal constate que le travailleur doit exercer une certaine force avec son pied gauche pour maintenir la pĂ©dale enfoncĂ©e, en raison du ressort qui la ramène Ă  sa position initiale lorsqu’elle n’est pas enfoncĂ©e.

[91]           L’employeur plaide que le tribunal dispose d’une preuve mĂ©dicale prĂ©pondĂ©rante d’absence de relation, soit le tĂ©moignage du docteur Bois de mĂŞme que l’avis du docteur Lemay de la CSST.

[92]           Or, le tĂ©moignage du docteur Bois ne suffit pas Ă  conclure Ă  l’absence de relation mĂ©dicale pour les motifs exposĂ©s prĂ©cĂ©demment.

[93]           Par ailleurs, l’avis du docteur Lemay n’est pas basĂ© sur les Ă©lĂ©ments de preuve soumis au tribunal dont notamment le fait que le travailleur doit maintenir enfoncĂ©e la pĂ©dale du chariot Ă©lĂ©vateur en tout temps lorsqu’il dĂ©sire l’activer. On peut plutĂ´t lire aux notes Ă©volutives que la CSST se base sur les mouvements rĂ©pĂ©titifs du pied gauche pour avancer et reculer.

[94]           Dans ce contexte, l’avis du docteur Lemay ne constitue pas un avis probant d’absence de relation mĂ©dicale entre la tendinite du tendon d’Achille gauche et la conduite du chariot Ă©lĂ©vateur puisque le docteur Lemay ne disposait pas de tous les dĂ©tails liĂ©s Ă  l’exercice des tâches.

[95]           Compte tenu de ce qui prĂ©cède, le tribunal conclut que le travailleur a subi une maladie professionnelle reliĂ©e aux risques particuliers de son travail d’opĂ©rateur de chariot Ă©lĂ©vateur, soit une tendinite du tendon d’Achille gauche.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requĂŞte dĂ©posĂ©e par monsieur Denis Pitre, le travailleur, le 18 dĂ©cembre 2007;

INFIRME la dĂ©cision rendue par la Commission de la santĂ© et de la sĂ©curitĂ© du travail le 4 dĂ©cembre 2007, Ă  la suite d’une rĂ©vision administrative;

DÉCLARE que le travailleur a subi une lésion professionnelle de tendinite du tendon d’Achille gauche à compter du 1er mai 2007.

 

 

 

Ann Quigley

 

Commissaire

 

M. Jacques Fleurent

R.A.T.T.A.C.Q.

Représentant de la partie requérante

 

Me François Bouchard

Langlois Kronström Desjardins

Représentant de la partie intéressée

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001

[2]           Industrie de Moulage Polytech inc. et Pouliot, C.L.P. 144010-62B-0008, 20 novembre 2001, N. Blanchard; voir au mĂŞme effet : Cadieux et B.O.L.D., C.L.P. 216395-64-0309, 1er juin 2004, R. Daniel

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